Nouveau Parti Anticapitaliste 29

Npa29 Expression des comités Npa: Pays Bigouden, Brest, Carhaix-Kreiz Breizh, Châteaulin, Presqu'île de Crozon, Morlaix, Quimper, et Quimperlé. Seuls les articles signés "Npa" engagent le parti.

06 mars 2025 ~ 0 Commentaire

8 Mars Landerneau

Gladys Grelaud et Lenaig Georget Salaün, membres de l’association « Femmes solidaires du pays de Landerneau-Daoulas ».
Gladys Grelaud et Lenaig Georget Salaün, membres de l’association « Femmes solidaires du pays de Landerneau-Daoulas ». (Photo Le Télégramme/Gabrielle Gillot)

« Des événements essentiels » : à Landerneau, des images, de la musique et de la danse pour sensibiliser aux droits des femmes

« Femmes solidaires » organise, du 6 au 9 mars, à Landerneau et Daoulas, des événements pour sensibiliser à l’égalité hommes-femmes, avec projections, stands et performances culturelles.

Les jeudi 6, samedi 8 et dimanche 9 mars 2025, l’association « Femmes solidaires du pays de Landerneau-Daoulas » organise, dans le cadre de la Journée internationale des droits de la femme, une série d’événements pour sensibiliser aux enjeux de l’égalité hommes-femmes. Gladys Grelaud, membre de l’association, le souligne : « Ces événements sont essentiels pour rendre visibles les inégalités persistantes et sensibiliser ».

Gabrielle Gillot « On voulait vraiment valoriser ce film »

https://www.letelegramme.fr/

06 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Kerosen (Reporterre)

avion train

« Le carburant des avions est mieux remboursé que nos médicaments »

L’Union européenne va subventionner les compagnies aériennes qui utilisent des « carburants d’aviation durables ». 1,6 milliard d’euros de cadeaux supplémentaires pour le secteur, dénonce l’UFCNA dans cette tribune.

L’Union française contre les nuisances des aéronefs (UFCNA) est une organisation qui regroupe les principales associations françaises de défense de l’environnement, de protection de la qualité de vie et de la santé des riverains des aéroports.

Le lobby aérien s’active et presse les élus pour obtenir aides, subventions et exonérations, pour adoucir l’impact financier d’une nouvelle réglementation qui s’imposera à partir de 2026 : l’obligation d’acheter des quotas d’émission de gaz à effet de serre.

Pour lui répondre, la Commission européenne a adopté le 6 février un généreux programme de soutien à l’achat de « carburants d’aviation durables » (Sustainable Aviation Fuels, SAF, en anglais), des hydrocarbures liquides qui peuvent être utilisés par les avions à la place du kérosène dérivé du pétrole. L’appellation regroupe les biocarburants produits à partir de biomasse et les carburants synthétiques (e-carburants) produits à partir de sources non biologiques (principalement l’hydrogène). Si les premiers empiètent sur les ressources naturelles (terres agricoles et déforestations), et menacent l’environnement et la biodiversité, la production des seconds nécessite des quantités considérables d’énergie.

La Commission européenne impose pour l’aviation un taux d’utilisation progressif de 2 % de SAF en 2025, et jusqu’à 70 % en 2050. Mais depuis vingt ans, l’industrie aéronautique n’a cessé de décaler ou modifier à la hausse ses engagements [1]. Résultat, en 2024, les carburants durables n’ont représenté que 0,53 % de la consommation mondiale. Et les émissions liées au transport aérien explosent de 33 % depuis 2013. Dès lors, de nombreuses voix s’élèvent pour alerter que la croissance du trafic aérien est incompatible avec ces objectifs, et fera peser un poids insupportable sur les ressources naturelles d’intérêt général.

« Il faut maintenant subventionner le carburant des avions ! »

Dans son projet présenté en février, la Commission européenne propose de financer elle-même la croissance des carburants synthétiques, en offrant aux compagnies aériennes une compensation financière qui amortira la différence de prix avec le kérosène classique. Cette aide leur sera versée sous la forme de nouveaux droits à polluer : 20 millions de tonnes de quotas carbone seront offertes. Au prix de 80 euros la tonne de carbone, cela représente 1,6 milliard d’euros de cadeaux supplémentaires pour les compagnies aériennes, et 2 à 3 fois plus en coûts collatéraux pour la société.

Alors que l’absence de taxe sur le kérosène représente un manque à gagner de presque 27 milliards d’euros pour les pays de l’UE et 4,7 milliards par an pour la France, il faut maintenant subventionner le carburant des avions !

Et ensuite ? Les contribuables devront-ils aussi compenser les surcoûts des 20 % de SAF en 2035 et faire monter la facture à plusieurs dizaines de milliards d’euros, alors que la majorité ne prend jamais l’avion ou rarement ?

Le contribuable paie deux fois

Ce n’est pas tout, car ce cadeau ne porte « que » sur les vols intra-européens. Une poignée de députés et sénateurs de droite n’ont donc pas trouvé d’autre priorité que d’étendre cette niche fiscale aux vols internationaux au départ de France.

Vincent Capo-Canellas et sept parlementaires [2] ont fait adopter un amendement au projet de loi de finances 2025, prévoyant que l’État rembourse 50 % de la différence entre le prix d’achat des carburants d’aviation « durables » et celui du kérosène, pour les vols hors UE. Nos élus ont ainsi, selon leur propre estimation, alourdi les dépenses de l’État de 150 à 200 millions d’euros en 2025.

Les économies liées à l’enterrement du plan vélo vont donc servir à payer une année de carburant pour les avions. Les coupes sur le Fonds vert, adoptées juste avant la censure du gouvernement, entérinent une baisse de 400 millions d’euros de dotations. La baisse de 5 % des remboursements de la Sécu sur les consultations médicales et les médicaments en 2025 devait permettre d’économiser 900 millions d’euros… Toutes économies qui seront vite balayées par ces nouvelles subventions offertes aux carburants des avions !

« Ne plus céder aux intérêts corporatistes et aux lobbies »

Car nul n’ignore qu’une fois une niche installée, il devient impossible de revenir en arrière puisque l’effet d’aubaine fait se développer une activité économique dépendante. Et c’est bien déjà le problème pour l’aviation qui ne peut proposer des billets low cost à des tarifs ridicules que grâce aux multiples subventions, exonérations et aides publiques.

L’Association du transport aérien international (Iata) se vante dans son dernier rapport que les compagnies aériennes devraient réaliser 36,6 milliards de dollars de bénéfices à l’échelle mondiale. Plus de 10 milliards d’euros de dividendes ont été versés entre 2010 et 2020 par les groupes aéronautiques français à leurs actionnaires.

Quelle aubaine de bénéficier d’un carburant mieux remboursé par l’État que de nombreux médicaments, pour maintenir des prix artificiellement hauts et engranger de somptueux bénéfices. Ce sont des milliards d’euros d’argent public perdus au seul service d’une corporation championne du greenwashing, et qui continuent d’en demander encore et toujours plus.

Ainsi le contribuable paie deux fois : la première pour subventionner des intérêts industriels corporatistes, puis pour réparer les dégâts environnementaux qu’ils ont générés. L’explosion du coût pour la société des catastrophes climatiques, des coûts sociaux et de santé causés par les pollutions aériennes va dépasser de très loin les bénéfices privés.

Nous appelons les élus de la République à ne plus céder aux intérêts corporatistes et aux lobbies, à mettre fin aux niches fiscales et exonérations qui grèvent les finances publiques et à œuvrer pour une meilleure protection des populations face aux pollutions aériennes.

https://reporterre.net/

05 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Basta

 ukraine-r

Le plan des États-Unis pour l’Ukraine, « fruit de 40 ans d’histoire entre Trump et la Russie »

Comment comprendre le rapprochement entre Trump et Poutine au sujet de l’Ukraine ? Quelles conséquences pour l’Europe ? Réponses avec Régis Genté, journaliste basé en Géorgie, auteur d’une enquête sur les relations de Trump avec le pouvoir russe.

Basta! : Comment analysez-vous l’incroyable altercation entre Trump et Zelensky lors de leur rencontre à la Maison blanche, le 28 février ?

Cette séquence dans le bureau ovale est probablement du jamais-vu dans l’histoire diplomatique. Pour autant, elle s’inscrit dans la droite ligne des déclarations outrancières de Trump au sujet de l’Ukraine depuis qu’il est revenu au pouvoir, quand il dit que « Zelensky est un dictateur sans élection », que c’est lui qui a commencé la guerre, etc.

Ce qui est faux, bien entendu. Ce qui est intéressant avec Trump, ce ne sont pas ses mots, mais les intentions qu’il y a derrière. Il apparaît assez clair que cette scène a été pensée à l’avance, tout cela n’est pas arrivé par accident.

Vu les conditions posées préalablement à l’accord de paix, sans la moindre contrainte pour Poutine, Trump se doutait que Zelensky ne signerait pas. La manipulation consiste à lui rendre les choses impossibles pour lui faire porter ensuite la responsabilité de l’échec des négociations, et avoir ainsi une pseudo-justification morale pour ne plus armer l’Ukraine – et peut-être même ne plus lui fournir de renseignements, si Musk décide également de ne plus utiliser ses satellites Starlink. Ce qui laisse les mains libres à Trump pour négocier directement avec Poutine et signer une paix favorable à la Russie, puisqu’il semble bien que ce soit son projet depuis le départ.

Ce rapprochement spectaculaire entre Trump et Poutine, qui s’est matérialisé ces derniers jours sur le dossier du cessez-le-feu en Ukraine, ne vous a pas surpris, il était même « prévisible », dites-vous. Pourquoi ?

Parce que c’est le fruit de plus de 40 ans d’histoire entre Trump et la Russie. Trump est dans le radar du KGB dès la fin des années 1970, lorsqu’il se marie avec Ivana, sa première épouse, qui est alors citoyenne tchécoslovaque, un pays satellite de l’URSS. La sécurité d’État tchécoslovaque, la STB, une sorte de filiale du KGB, avait identifié cet homme alors encore méconnu, mais déjà assez riche et remuant.

C’est le moment où le KGB va redéfinir et intensifier ses efforts de recrutement, principalement aux États-Unis, son principal ennemi. Les documents internes de l’époque sont très clairs, sur le sujet : Vladimir Krioutchkov, le patron de la première direction générale du KGB, la plus prestigieuse, en charge de l’espionnage politique extérieur, cible tout particulièrement les scientifiques et les personnalités du monde politique et des affaires comme de potentiels relais intéressants au service de l’URSS. Trump entre parfaitement dans ce spectre-là.

Ce travail d’approche se concrétise en juillet 1987, lors du tout premier voyage de Trump à Moscou, dans l’idée d’y vendre une Trump tower. Tous les éléments laissent à penser que l’opération est directement organisée par le KGB. D’ailleurs, à peine deux mois après son retour, Trump s’offre une campagne de communication, pour près de 100 000 dollars, dans les plus grands journaux américains [le New York Times, le Washington Post et le Boston Globe, ndlr] pour publier une lettre ouverte appelant à ce que les États-Unis « cessent de payer pour défendre des pays qui ont les moyens de se défendre eux-mêmes », en référence directe à l’Otan.

Vous voyez qu’il y a une certaine constance, chez Donald Trump, puisqu’il utilise encore quasiment les mêmes termes aujourd’hui. C’est simple, j’ai cherché, et on ne trouve guère de déclaration sérieuse de sa part où il se serait montré critique à l’égard de la Russie ou de Poutine. Au contraire, il est en permanence très élogieux.

Il y a également le précédent des suspicions de tentatives d’ingérence russe dans la présidentielle états-unienne de 2016, exposée par plusieurs enquêtes (ingérence qui visait notamment à discréditer l’opposante de Trump, Hillary Clinton)…

Le titre de mon livre, Notre homme à Washington, est directement tiré d’un e-mail découvert par le procureur spécial Robert Mueller, lors de son enquête sur ces soupçons de collusion. L’auteur de cette formule, Felix Sater, connaît bien Trump et est directement issu de la « mafia rouge », ces familles de mafieux qui ont émigré d’Union soviétique aux États-Unis dans les années 1970. En Russie, ces gens-là ne sont jamais bien loin de l’appareil d’État. Felix Sater est particulièrement bien connecté aux hautes sphères des services de sécurité russe.

La preuve quand il écrit en 2015 qu’il va tenter de convaincre Poutine qu’on pourrait « installer notre homme à la Maison blanche », en parlant de Trump. La formule est très révélatrice : on voit bien que ce n’est pas l’initiative de Vladimir Poutine. Il n’y a pas eu de grand plan décidé par le Kremlin à Moscou pour placer Trump à la tête des États-Unis. C’est arrivé de façon plus fortuite, grâce à tous ces gens en lien avec le pouvoir russe et qui cultivent des relations avec Trump – et qui agissent au moins autant dans leur propre intérêt que dans celui de l’État russe.

Le rapport Mueller, demandé par le département de justice américain, apporte des preuves très fortes sur cette influence, et sur la complaisance – pour ne pas dire plus – de Trump et de ses équipes à l’égard de tous ces gens parfaitement intégrés au système politique russe.

Vous parliez d’une campagne de « recrutement » du KGB : quelle est la nature exacte des relations que Trump entretient avec la Russie ? En est-il un « agent » comme on le laisse parfois entendre ?

Non, ce n’est pas un agent, au sens où ce n’est pas quelqu’un qui est rémunéré pour rendre des services et qui se sait missionné pour ça. C’est plus subtil. Il faut plutôt le voir comme une sorte de compagnonnage, quelqu’un qu’on va accompagner dans sa carrière parce qu’on a repéré qu’il pouvait être sur la même longueur d’ondes, partager une même vision du monde, et surtout qu’il pouvait être utile pour du renseignement ou de l’influence.

Dans le jargon soviétique, on appelle ça un « contact confidentiel », une notion qui apparaît dans les mêmes documents stratégiques du KGB, au moment d’établir les campagnes de recrutement dans les années 1980. Le contact confidentiel y est défini comme une personne « susceptible de fournir de l’information de valeur, mais aussi d’influencer activement la politique intérieure et extérieure ».

À ce moment-là, les velléités politiques de Donald Trump sont déjà claires. Il ne va pas devenir pour autant une marionnette, mais plutôt une sorte de relation intéressante qu’on entretient, qu’on flatte, qu’on aide. Trump a ainsi été « cultivé » par différents réseaux, pendant près de 40 ans, avec plus ou moins d’intensité. La banque d’État russe, la VTB, est parfois venue au soutien de la Trump Organization [le conglomérat de la famille Trump, ndlr], via la Deutsche Bank.

À chaque fois qu’il approchait de la faillite, on a vu des oligarques et des mafieux injecter de l’argent dans ses projets immobiliers ou blanchir de l’argent dans ses casinos. En Russie, ce genre de personnes agit toujours en symbiose avec l’État, il y a une connexion intrinsèque entre le monde du crime, la pègre, et le monde des services de sécurité. Trump est lié à cet « État profond » russe, cet État dans l’État : un mélange de pouvoir politique, de pouvoir financier, de pouvoir mafieux et de pouvoir sécuritaire.

Et quel était son intérêt à lui, Donald Trump ?

Cela a été une façon de se donner une surface internationale et de nourrir ainsi ses ambitions, aussi bien dans le business qu’en politique. Se retrouver à Moscou en 1987, c’est une manière de montrer qu’il ne se contente pas de développer de l’immobilier à New York, mais qu’il peut aller partout. Ce qui attire Trump à l’époque, c’est l’ascension, il veut être reconnu dans le grand monde de la jet-set politico-médiatique.

À l’époque, l’un des conseillers, le fameux avocat Roy Cohn, lui souffle l’idée de se proposer comme négociateur en chef auprès de Reagan sur le désarmement nucléaire entre la Russie et les États-Unis – une autre façon de jouer dans la cour des grands à Washington. Tout en reprenant les éléments de langage de Moscou sur le sujet…

« Trump dans la main des Russes », écrivez-vous en sous-titre de votre livre. Mais la relation est-elle à ce point aussi asymétrique, aujourd’hui ?

Force est de constater que, jusqu’à présent, les prises de position de Trump sont généralement favorables au Kremlin. Il faut se souvenir de l’épisode de leur rencontre à Helsinki en 2018 : interrogé sur les soupçons d’ingérence russe pendant la campagne de 2016, Trump répond qu’il fait plus confiance à Poutine qu’à la CIA ! Et on découvre un Trump, à l’attitude d’ordinaire si tonitruante et volontariste, qui ressemble d’un coup à un petit garçon à côté de Poutine.

En fait, Trump admire profondément Poutine, comme le décrit bien son ancienne conseillère sur la Russie, Fiona Hill, dans un livre (There is nothing for you here, 2021, non-traduit). Elle raconte comment elle a observé le président américain se mettre à, selon ses termes, « suivre le ‘‘mode d’emploi’’ autoritaire de Poutine ». C’est une image, mais ça en dit long sur l’influence qui s’exerce.

Trump est fasciné par la façon dont Poutine dirige son pays et par la mise en scène de son pouvoir. Il est un modèle, qui coche toutes les cases dont Trump rêve – puissance, richesse, célébrité – et avec qui il partage un même ADN sociopolitique : le culte de la puissance, des hommes forts, de la grandeur de l’État, une vraie aversion pour la démocratie libérale et le mépris des peuples qui va avec, la dénonciation des élites et la soumission de la vérité à la politique.

Comment interprétez-vous le choix de Donald Trump d’accélérer sur le dossier ukrainien ces tout derniers jours ?

Plusieurs hypothèses circulent à ce sujet. Certains lui prêtent une grande ambition géopolitique qui consisterait à casser l’alliance entre la Russie et la Chine pour mieux isoler cette dernière – qui serait sa véritable obsession sur le plan international. Quand on connaît un peu son fonctionnement et sa façon de prendre des décisions, tels qu’ils sont très bien décrits dans la biographie que lui a consacrée la journaliste Maggie Haberman par exemple, on peut douter qu’il soit animé d’une telle vision stratégique. Trump, c’est quelqu’un qui donne parfois raison au dernier qui a parlé, tout simplement…

Difficile aussi, à mon sens, de le justifier par un choix purement économique : les échanges entre la Russie et les États-Unis, pour l’heure, restent dérisoires au regard du commerce international, sans compter que ces deux pays sont en concurrence sur leurs exportations de gaz et de pétrole.

Un autre argument consiste à y voir un coup médiatique, avec l’envie d’apparaître pour un héros ou un faiseur de paix – quitte peut-être même à revendiquer le prix Nobel ensuite, qui sait. Pourquoi pas, c’est sûr que Trump est très attaché à montrer qu’il est efficace dans son action politique – c’était la même idée lorsqu’il disait qu’il allait régler le conflit à Gaza en 24 heures.

Je pense qu’il y a surtout un enjeu plus politique : en remettant en cause la démocratie américaine comme il le fait depuis son retour à la Maison blanche, et en s’attaquant directement à l’article 2 de la Constitution [qui définit les pouvoirs de l’exécutif, dont le président, ndlr] pour tenter de concentrer tous les pouvoirs, Trump sait bien qu’il va être attaqué. Chez lui par le camp démocrate et par l’establishment qui reste puissant, mais plus largement aussi par le camp des démocraties libérales.

Il a donc besoin de trouver de nouveaux alliés, à même de le légitimer dans son mouvement politique. Proposer un deal favorable à la Russie sur la question ukrainienne, c’est évidemment une bonne manière de plaire à Poutine et d’entretenir un lien fort avec lui.

Du côté de Poutine, est-ce une aubaine pour poursuivre sa stratégie d’expansion à l’égard de l’Europe ?

De la même façon, je crois que pour comprendre la politique étrangère de Poutine, il faut comprendre sa situation sur le plan intérieur. Poutine a besoin de légitimer son pouvoir et de justifier son autoritarisme absolu – le truquage des élections, l’emprisonnement des opposants, etc.

Dans les dictatures, on est toujours très attentif à l’opinion, et Poutine fait énormément de sondages pour prendre le pouls de la population. Il doit constamment s’assurer qu’il reste légitime, par-delà la peur, la violation des droits de l’Homme, l’État policier, etc.

De ce point de vue, l’Europe reste une voisine gênante, elle exhibe son modèle de liberté juste sous le nez des Russes et fait fantasmer les élites intellectuelles qui rêvent de démocratie – en témoignent toutes les révolutions colorées dans les anciens pays soviétiques. De ce fait, l’Europe menace directement les fondements de son régime, c’est pour ça que Moscou veille autant à préserver sa sphère d’influence sur l’ancien espace soviétique.

C’est par exemple tout l’enjeu de l’instrumentalisation des questions LGBT en Russie, mais également en Hongrie, en Géorgie et ailleurs : c’est devenu un outil géopolitique qui sert d’abord à diaboliser l’Occident.

Et Poutine connaît bien Trump. À travers ses récentes velléités expansionnistes sur le Canada ou le Groenland, Poutine l’observe réhabiliter à sa façon la vieille doctrine Monroe. Il lui propose un partage : tu as ton aire d’hégémonie sur le territoire américain, moi je veux la mienne sur l’Europe de l’Est !

Croyez-vous à l’hypothèse de l’extension de la guerre à l’intérieur même des frontières de l’Union européenne ou de l’Otan ?

Difficile à dire. Pour l’heure, je n’en suis pas convaincu, mais on ne peut pas tout à fait exclure l’hypothèse, concernant la Pologne notamment. Il y a une sorte de pensée profonde en Russie qui considère que la Pologne n’est pas légitime, qu’elle fait fondamentalement partie de la Russie, un peu comme la Crimée.

Le moteur, ce n’est pas tant de contrôler l’Europe que de l’affaiblir. C’est ce qu’a théorisé la doctrine Karaganov, qui fixe la ligne de la politique étrangère russe. L’enjeu pour Poutine, c’est tout ce qui pourrait alimenter la crise larvée du multilatéralisme, en obligeant l’Otan et les États-Unis à réagir – ou mieux, justement, à ne pas réagir. Ce qui tuerait de facto le fameux article 5 de l’Alliance [qui oblige chacun des membres à intervenir en cas d’agression contre un autre État membre, ndlr].

Qu’en est-il de la Géorgie, où vous habitez depuis plus de vingt ans ? L’année 2024 y a été émaillée d’importantes mobilisations contre l’ingérence russe.

Il ne faut jamais oublier que la guerre en Ukraine a commencé ici, en Géorgie, en 2008, avec le conflit autour de l’Ossétie du Sud. C’est le même mouvement et les mêmes motivations, la même guerre pour sécuriser un espace face à des territoires qui affirment de plus en plus leur désir d’Europe et d’Occident. On pourrait presque parler de guerre géorgo-ukrainienne, tant ce qui se passe actuellement en Ukraine en est le prolongement direct.

En Géorgie, l’homme qui règne aujourd’hui sur le pouvoir depuis plus de dix ans, Bidzina Ivanichvili, est un oligarque qui a construit toute sa fortune en Russie. C’est plus qu’un « contact confidentiel » en l’occurrence, car il émane du cœur du pouvoir à Moscou. De par son histoire, il ne peut pas échapper au contrôle du Kremlin.

C’est le principe même des élites et milliardaires russes, qui rêvent souvent de s’émanciper en rachetant des clubs de football, par exemple, mais qui ne peuvent le faire qu’à la condition de rester sous le contrôle de Moscou, au risque sinon d’avoir de gros problèmes.

Ce sont des fortunes qui sont là pour servir le régime, et c’est exactement ce que fait Ivanichvili en Géorgie, en instaurant progressivement les bases d’un régime autoritaire à la russe pour sortir le pays de l’orbite pro-européenne, contre la volonté de la population.

C’était tout l’enjeu de la loi sur les « agents étrangers », directement inspirée d’une loi russe, qui a été adoptée l’an dernier. C’est une façon d’installer un modèle dictatorial tout en éradiquant l’influence occidentale – car les ONG ou les médias indépendants ne peuvent pas vivre sans l’argent étranger. Et ainsi de faire avorter habilement le processus d’adhésion à l’Union européenne, qui ne peut que dire « non », dans ces conditions-là.

En octobre, les élections législatives géorgiennes ont été vivement contestées, après des soupçons de truquage, ce qui a engendré un long mouvement de protestation, avec des manifestations quotidiennes, pendant plus de deux mois. Où en est-on ?

Le mouvement s’est un peu essoufflé, même s’il reste vif. Il y a de la fatigue, d’autant que la répression ne faiblit pas, elle. Aujourd’hui, on risque des amendes de 1700 euros en tant que manifestant. Il y a eu beaucoup de passages à tabac, d’arrestations arbitraires, parfois même des enlèvements en pleine rue. À certains égards, cela rappelle ce qui s’est passé en Biélorussie, même si le degré de violence reste moindre.

On voit s’installer un régime de la peur, qui consiste à tuer ce mouvement de protestation. Lequel est par ailleurs très horizontal, sans leader, un peu comme le mouvement de la place Tahrir, en Égypte, en 2011. C’est probablement ce qui a contribué à mettre des dizaines de milliers de gens dans la rue chaque soir – ce qui est considérable dans un pays de trois millions d’habitants.

Face à l’usure du temps, cette horizontalité n’aide pas à engager de nouvelles stratégies dans le bras de fer avec le pouvoir. Ce qui s’y joue est pourtant fondamental : la Géorgie illustre non seulement le sort de l’Europe, mais plus encore, du modèle occidental, avec ses valeurs libérales et démocratiques, qui est aujourd’hui directement menacé par ces régimes populistes et dictatoriaux.

3 mars 2025 Barnabé Binctin

Journaliste indépendant basé à Tbilissi, en Géorgie, et spécialiste de l’ancien espace soviétique. Il est correspondant pour RFI, France 24 et Le Figaro. Il a publié une biographie de Volodymyr Zelensky, Poutine et le Caucase, et l’an dernier une enquête minutieuse sur les relations que Trump entretient historiquement avec le pouvoir russe : Notre homme à Washington. Trump dans la main des Russes.
©DR

05 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Lorient (NPA)

 

À Lorient, avec la Bretagne antifasciste

Après la manifestation contre l’extrême droite de Saint-Brieuc, qui en avril dernier avait rassemblé 1 500 personnes, ce fut dimanche 2 mars au tour de Lorient de regrouper les antifascistes de Bretagne.

Près de 2 000 personnes ont convergé de tous les départements bretons pour revendiquer une Bretagne ouverte et solidaire, mobilisées contre la progression des extrêmes droites, institutionnalisées ou violentes.

La tentative d’implantation d’un groupuscule violent dans le pays de Lorient, la multiplication d’agressions, de menaces de mort, de tags, qui l’accompagnent, ont convaincu de la nécessité d’une riposte.

L’appel, signé par 80 organisations de la région, collectifs, syndicats, partis, associations, librairies, rappelait que « la montée de l’extrême droite s’inscrit dans un contexte national mais aussi international ».

Pointant la responsabilité « des politiques gouvernementales dictées par le capital » et leur « besoin d’accroître l’austérité et d’amplifier les pratiques autoritaires contre les exploitéEs et les oppriméEs », il insistait sur l’idée que « la réponse à la montée de l’extrême droite réside dans un combat pour plus de justice et d’égalité sociale, pour toutes et tous ». Et sur la nécessité de s’organiser collectivement.

Répression et détermination

Alors qu’à Saint-Brieuc les forces de l’ordre s’étaient faites discrètes et qu’il n’y avait eu en conséquence aucun problème sur le parcours, à Lorient le déploiement policier est venu rappeler le tournant autoritaire du gouvernement. Fouilles et arrestations en amont, présence pressante tout le long du parcours sont apparues comme des provocations.

Présence qui n’a pas évité qu’une petite minorité s’en prenne à quelques vitrines. Empêchant au final que le cortège n’atteigne le lieu prévu pour la dispersion. Malgré cela, c’est un cortège coloré, animé, festif qui a serpenté dans les rues de la ville, porté par une fanfare et surtout par les nombreux slogans contre l’extrême droite. Sans oublier de condamner les politiques gouvernementales qui lui pavent la voie.

Un succès qui demande de tracer des perspectives

Grâce au nombre et à la détermination des manifestantEs, cette initiative aura été un succès. Mais il faudra plus qu’une manifestation pour faire reculer l’extrême droite durablement « dans nos villes et dans nos campagnes ».

Car s’il est indispensable d’empêcher les groupuscules violents d’occuper le terrain, la lutte contre le fascisme qui menace doit aussi viser à faire reculer le RN et ses politiques antisociales, racistes, sexistes, homophobes et transphobes.

Et cela implique de lutter contre un gouvernement qui prétend s’opposer à l’extrême droite en reprenant ses obsessions. Dans le contexte de basculement politique mondial, l’unité de notre camp social et de ses organisations est la première des conditions : construire des fronts communs à même de contester à la fois les extrêmes droites et les politiques gouvernementales. Et à partir de là, relancer des mobilisations contre l’exploitation et les oppressions, porteuses d’un nouveau projet émancipateur.

Correspondant

http://lanticapitaliste.org/

04 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Ukraine (NPA)

 

Crédit Photo  DR Gin et Elias Vola

Pour la liberté de l’Ukraine, pour une internationale antifasciste !

Le 24 février 2025, l’Ukraine est entrée dans sa quatrième année de résistance face à l’agression à grande échelle de la Russie.

 Au cours des trois années écoulées, l’aide provenant des États-Unis et de l’UE a permis de bloquer l’offensive du Kremlin, mais a été insuffisante pour faire reculer l’armée russe.

On dénombre plus d’un million de victimes militaires (pour les forces russes, il s’agit principalement des populations racisées des régions périphériques) et civiles (ces dernières presque exclusivement du côté ukrainien). Auxquelles s’ajoute le déplacement forcé d’un quart de la population ukrainienne.

Poutine a entièrement remodelé l’économie autour de son objectif expansionniste : le budget militaire russe augmente sans cesse (43 % des dépenses publiques en 2025) au détriment des services publics. Dans l’économie de guerre, le capital des oligarques s’est concentré dans l’industrie militaire et l’extraction fossile, qui sont au cœur de la croissance économique du pays. Dès lors, rien ne laisse envisager que les négociations « pour la paix » que veut imposer Washington entraînent la fin de l’expansionnisme militaire russe, car « la Russie est devenue dépendante de la dépense militaire » 1.

Trump allié de Poutine face à la Chine

L’action de Trump accélère la redéfinition des alliances inter-impérialistes au détriment du droit à l’autodétermination du peuple ukrainien. Car aux yeux de Trump, la Russie est un potentiel point d’appui dans sa guerre d’hégémonie avec la Chine.

Après avoir ouvert les négociations avec l’agresseur en excluant l’agressé, Trump a entièrement épousé la propagande poutinienne, en attribuant à l’Ukraine la responsabilité de la guerre et en déniant la volonté de la majorité de la population de préserver un pays indépendant et libre de l’impérialisme russe.

La violence du chantage de Trump est manifeste : il demande à l’Ukraine de rembourser 500 milliards de dollars pour l’aide étatsunienne et de céder aux États-Unis le droit d’exploitation des ressources minières et des terres rares, et menace de restreindre l’accès de l’armée ukrainienne au système de communication Starlink, nécessaire pour se défendre des drones et de l’artillerie russes.

Alors que le gouvernement ukrainien refuse de céder sans obtenir en contrepartie des garanties de sécurité, Poutine n’a pas tardé à proposer à Trump un accord pour l’exploitation des terres rares russes et des territoires ukrainiens occupés…

Les impérialismes russe, israélien et étatsunien s’unissent

N’en déplaise aux campistes qui ne voient dans l’agression de l’Ukraine qu’une guerre inter-impérialiste par procuration, l’alliance inter-impérialiste USA-Russie s’est renforcée lors du vote le 24 février 2025 d’une motion de l’ONU pour une paix juste et durable : les États-Unis s’y sont opposés aux côtés de la Russie, du Bélarus, de la Hongrie, du Nicaragua et d’Israël, en affichant explicitement une convergence d’intérêts. Les impérialismes russe, israélien et étatsunien ne se combattent pas : ils s’unissent contre le droit international et le droit d’autodétermination des peuples.

Réaffirmer le droit à l’auto­détermination des peuples

Tandis que les gouvernements européens — et le capital dopé aux matières premières russes —peinent à résoudre leurs intérêts contradictoires vis-à-vis de la Russie poutinienne, la solidarité populaire avec la résistance ukrainienne ne doit pas fléchir : le 24 février, les manifestations ont été nombreuses contre l’axe Trump-Poutine, pour le droit des peuples à choisir leur présent et leur avenir, et pour défendre les espaces d’action et de contestation contre les impérialismes néofascistes — en Ukraine et au-delà.

La lutte de résistance ukrainienne est une lutte pour le droit d’existence et d’autodétermination du peuple ukrainien et de tous les peuples attaqués par les impérialismes meurtriers : aux côtés des UkrainienNEs comme des PalestinienNEs, soutenons la résistance contre l’offensive néofasciste internationale. Vive la résistance ukrainienne, vive l’antifascisme !

Gin et Elias Vola

https://lanticapitaliste.org/

04 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Allemagne (NPA)

 

Allemagne : Après les élections fédérales, résister au lieu de s’adapter !

Les résultats des élections fédérales du 23 février 2025 confirment le glissement vers la droite, qui peut être stoppé dans le pays. Au Parlement, les conservateurs de la CDU/CSU, avec 208 sièges, et les fascistes de l’AfD, avec 152 sièges, ont obtenu les positions les plus fortes. Ensemble, ils représentent une large majorité des 630 députéEs.

LAfD se considère comme le véritable vainqueur, car elle a plus que doublé ses voix, passant de 10,3 % des voix à 20,8 % aujourd’hui.

Fascisme, poussée à droite et bellicisme

Poussée par l’AfD, la question de l’immigration « irrégulière » a été au centre de la campagne électorale. Le racisme inhumain propagé de manière agressive par l’AfD a conduit à un déplacement politique massif vers la droite du « centre démocratique ». En revanche, les intérêts élémentaires de la classe ouvrière n’ont joué qu’un rôle secondaire pour ces partis — si tant est qu’ils en aient joué un.

Le « changement d’époque » proclamé par le chancelier Scholz (SPD) après l’invasion russe de l’Ukraine il y a trois ans, est également susceptible de réunir une majorité en Allemagne. Le réarmement et le bellicisme sont largement acceptés sans être contredits. Seuls les votes en faveur du BSW (Alliance Sahra Wagenknecht) et de Die Linke ont pu être considérés comme un refus fondamental de la militarisation de la société.

L’effondrement du SPD

Les partis de la coalition brisée, Ampel (rouge, orange, vert comme les feux de signalisation) sont les grands perdants de ces élections. Avec 16,4 % des voix, le SPD a enregistré de loin son plus mauvais résultat depuis 1949. Le FDP (les libéraux), qui avait provoqué les élections anticipées au Bundestag, a clairement échoué à franchir la barre des 5 % et n’est plus représenté au Parlement. Les Verts ont été les moins sanctionnés. Avec 11,6 %, ils ont tout de même obtenu le deuxième meilleur résultat de leur histoire.

Le BSW, la scission de droite de Die Linke, a raté de très peu son entrée au Bundestag. En revanche, Die Linke qui, il y a encore quelques semaines, risquait également de ne pas passer la barrière des 5 %, a obtenu son troisième meilleur résultat à ce jour avec 8,8 %. C’est plus qu’une lueur d’espoir, d’autant plus qu’il a pu gagner des dizaines de milliers de nouveaux membres, jeunes pour la plupart. Ces deux phénomènes sont dus à la polarisation politique accrue par le coup de Merz au Bundestag et à l’essor consécutif des protestations antifascistes d’environ 1,5 million de personnes (voir l’Anticapitaliste n° 741 du 13 février 2025).

Mobiliser la société et vaincre le fascisme

Merz, le « candidat à la chancellerie » de la CDU/CSU, a exclu une coalition avec l’AfD le soir des élections. Son objectif officiellement annoncé est de former rapidement une coalition avec le SPD. Celui-ci joue toutefois pour l’instant la montre afin d’affaiblir les critiques au sein du parti concernant une alliance avec la droite conservatrice dirigée par Merz.

Malheureusement, les mobilisations de masse contre le fascisme qui ont eu lieu jusqu’à présent n’ont pas encore suffi à stopper le glissement vers la droite. Le slogan « Ensemble contre le fascisme » ne portera durablement que s’il est rempli d’une perspective sociale d’espoir.

Le moment est d’autant plus venu d’« annoncer la couleur », de s’engager, de participer de manière active et organisée. Transformer cet élan en un travail politique continu dans tous les domaines de la société — dans les quartiers, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités, mais aussi dans les syndicats et les autres mouvements sociaux —, tel sera le grand défi.

La résistance extraparlementaire est maintenant de mise, et non l’espoir d’un « mur de feu » ou d’un « rempart » parlementaire contre l’AfD. Ce mouvement extraparlementaire devrait s’opposer au racisme, au nationalisme, au fascisme, au bellicisme et défendre les intérêts sociaux et écologiques de la grande majorité de la population.

H. Neuhaus, J. H. Wassermann

https://lanticapitaliste.org/

04 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Cameroun (Reporterre)

 

Au Cameroun, la révolte des travailleurs du sucre

Au Cameroun, la révolte des travailleurs du sucre

Une grève dans une filiale camerounaise du géant français Castel a été violemment réprimée en février, causant la mort d’un ouvrier et d’un policier. Depuis, la situation reste précaire.

« On n’avait jamais perdu de camarade jusqu’ici, mais voilà, c’est arrivé. Cela montre bien que la situation va de mal en pis », s’indigne un membre du Syndicat des travailleurs saisonniers de la filière canne à sucre (Strascas), au Cameroun. Le 4 février, un mouvement de grève des ouvriers de la Société sucrière du Cameroun (Sosucam) a été violemment réprimé par les forces de sécurité à Nkoteng, dans le centre du pays, tournant au drame : un employé d’une vingtaine d’années, Gaston Djora, a été tué par balle et un policier a succombé à ses blessures.

Tous les Camerounais connaissent la Sosucam, installée dans le département de la Haute-Sanaga, à une centaine de kilomètres au nord de Yaoundé : ils consomment son sucre depuis des décennies. Créée en 1964, l’entreprise appartient à 26 % à l’État du Cameroun et à 74 % au groupe français Somdia, lui-même propriété de la multinationale française Castel, principal producteur de vin dans le monde. Il contrôle aussi 80 % du marché de la bière au Cameroun.

La Sosucam produit annuellement environ 100 000 tonnes de sucre. Elle possède deux usines et 25 000 hectares de plantations de canne à sucre, réparties sur plusieurs arrondissements : Mbandjock, Nkoteng et Lembe-Yezoum. Près de 8 000 personnes travaillent sur ces sites, dont 90 % sont des saisonniers, employés comme manœuvres pendant la campagne sucrière (novembre-mai), et parfois aussi pendant l’intercampagne (juillet-août). Une grande partie d’entre eux, soit environ 3 500 personnes, sont dans les champs pour planter, glaner ou couper, les autres officient dans les usines et le transport des récoltes.

« Travailler sans être payé, ce n’est pas possible »

Pour ces saisonniers, originaires pour beaucoup du nord du pays, une région défavorisée, les conditions de travail sont très pénibles : « Aucune couverture médicale, pas de logement décent pour certains, salaires très bas, manque d’équipements de protection, non-respect du cadre légal limitant le travail temporaire », a résumé dans un rapport de 2023 le Strascas, qui rend aussi compte d’entraves à ses activités et d’accidents du travail récurrents.

Lorsque la grève a débuté le 26 janvier, le salaire mensuel de base d’un manœuvre agricole était de 56 000 francs CFA (85 euros) — une somme ne permettant pas de vivre décemment. Au niveau national, le salaire minimum garanti pour les ouvriers agricoles est de 45 000 francs CFA (69 euros).

En février 2022, les saisonniers avaient déjà fait grève pour dénoncer des licenciements abusifs et leurs conditions de travail. Il y avait eu des violences. L’entreprise, déjà mise en cause pour des problèmes environnementaux et sociaux par les populations riveraines, avait dû suspendre les licenciements. Elle avait aussi augmenté de 75 francs CFA (0,11 centime d’euro) une « prime de coupe », parfois donnée en fin de journée aux coupeurs de canne (elle était ainsi passée de 0,27 à 0,38 centime d’euro), et accordé une « prime de campagne » de 15 000 francs CFA (23 euros).

Cette année, les ouvriers se sont révoltés en raison d’un changement dans les dates et modalités de paie, un retard de paiement, et des rétrogradations inexpliquées d’échelons sur la grille salariale ayant entraîné des baisses de salaire. « Le travail est très dur et l’est de plus en plus. Travailler sans être payé, ce n’est pas possible. Les gens se sont rassemblés pour dire : “Pas de travail s’il n’y a pas d’argent ! Trop, c’est trop” », explique à Reporterre le président du Strascas, Mahamat Zoulgue.

Ils ont ramassé « des gars en ville pour les mettre de force dans des bus »

Le mouvement a commencé à Mbandjock, suivi par 2 000 personnes, et s’est propagé le 29 janvier à Nkoteng avec 1 500 grévistes supplémentaires. « Les premiers jours, tout était calme, on se rassemblait le matin, puis chacun rentrait chez lui », témoignent des saisonniers, pour qui « cette crise couvait depuis longtemps ». Au bout de quelques jours, la direction de la Sosucam a renoncé à changer le système de paiement des salaires. Mais elle n’a pas répondu aux revendications concernant le niveau de la rémunération, si bien que les grévistes n’ont pas repris le chemin des plantations.

La situation a fini par dégénérer le 4 février à Nkoteng, lorsque les forces de sécurité ont entrepris, selon des témoignages, de « ramasser des gars en ville pour les mettre de force dans des bus qui devaient les conduire aux champs. La population a dit non et s’est levée comme un seul homme. C’est à ce moment-là que la police a commencé à tirer avec de vraies balles et que l’un des nôtres est tombé ». Durant les affrontements, un policier a reçu un coup mortel à la tête, un nombre indéterminé de personnes ont été blessées, et des champs de canne à sucre ont été incendiés.

« Ce qui était à l’origine une réclamation relative à la date de paiement des acomptes d’une partie du personnel, à laquelle il a été répondu favorablement, est devenue progressivement une entrave au travail accompagnée de tensions et heurts urbains et échappant totalement au cadre de l’entreprise », a commenté la Sosucam dans un communiqué.

Disant avoir mené une « concertation » avec « les délégués du personnel, les présidents des syndicats, les représentants désignés des manœuvres agricoles coupeurs », elle a ensuite annoncé, le 7 février, une augmentation du salaire de base des coupeurs de canne de… 1 000 francs CFA (1,5 euro). Elle a invité dans la foulée les employés à reprendre le travail. « La reprise en marche ! » a-t-elle posté les jours suivants, en lettres capitales, sur son compte LinkedIn, avec une vidéo de camions chargeant des tiges de canne à sucre — sans faire aucune allusion à l’ouvrier et au policier tués.

Pression et chantage

Si une partie des travailleurs sont retournés dans les champs, plusieurs centaines d’autres sont restés chez eux. « On ne peut pas se satisfaire des mesures annoncées par Sosucam », commente un membre du Strascas, qui revendique 450 adhérents et 2 000 sympathisants. « Nous n’avons pas été invités aux présumées réunions de concertation. Pourtant, nous avions écrit pour dire que notre syndicat souhaitait participer. La direction a préféré discuter avec des syndicats qui lui sont inféodés », précise un autre.

Le 15 février, la compagnie, qui a dit avoir comptabilisé treize jours d’arrêt de production, 970 hectares de plantations partis en fumée et une perte de plus de 5 milliards de francs CFA (7,6 millions d’euros), a adressé une note aux « collaborateurs de Sosucam » pour constater « un taux d’absentéisme élevé ». Ajoutant : « Seront considérés comme démissionnaires et remplacés » ceux qui n’auront pas repris le travail « sous vingt-quatre heures ».

Quelques jours après, elle a été obligée de lancer une campagne de recrutement pour trouver 600 ouvriers agricoles. « La répression et le remplacement des travailleurs saisonniers absents ne sauraient être une option pour trouver des solutions durables à la crise », laquelle « reste la même, irrésolue et latente », a réagi le Strascas, qui réclame un « dialogue inclusif » et plaide pour un salaire de base d’au moins 70 000 francs CFA (107 euros) pour les manœuvres agricoles.

« Nous ne baissons pas les bras »

« Les travailleurs ont toujours la même colère », constate un syndicaliste, qui s’exprime comme d’autres sous anonymat par crainte de représailles. « Dans cette société, rien ne change jamais. Même pour obtenir une augmentation symbolique de 5 francs CFA [moins de 1 centime d’euro], on est obligé de faire grève. Jusqu’à perdre un camarade… » soupire un autre.

Les saisonniers ont reçu l’appui de la députée européenne Marina Mesure, membre de La France insoumise (LFI), qui a demandé à la Commission européenne d’examiner la situation au regard de la directive européenne adoptée en 2024 sur le devoir de vigilance des entreprises — la maison mère de la Sosucam étant installée dans un État membre de l’Union européenne, la France. Contacté par message électronique, le groupe Castel n’a pas réagi.

Les autorités camerounaises, elles, n’ont guère manifesté d’empathie pour les employés de la société : s’il a parlé de la nécessité d’un « dialogue franc et sincère », le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Grégoire Owona, a fustigé des « mouvements sociaux sauvages ».

« Nous ne baissons pas les bras, répond Mahamat Zoulgue, le président du Strascas. Le combat continue pour trouver des solutions. »

https://reporterre.net/

04 mars 2025 ~ 0 Commentaire

KEMPER

Le collectif rassemblé devant l’une des maisons mises en vente par la Ville, impasse de l’Odet à Quimper.
Le collectif rassemblé devant l’une des maisons mises en vente par la Ville, impasse de l’Odet à Quimper. (Le Télégramme/Olivier Scaglia)

Propriété municipale en vente à Quimper : le collectif un toit pour tous mobilisé pour l’hébergement d’urgence

 Le collectif Urgence un toit pour tous s’insurge contre la vente par la Ville de ce qu’elle voit comme trois potentiels logements d’urgence pour des familles à Quimper. « C’est à l’État de gérer ces situations d’urgence », répond l’adjoint aux solidarités.

« La Ville n’offre pas de solutions pour l’hébergement d’urgence de familles », continuent de déplorer d’une même voix les membres du collectif quimpérois Urgence un toit pour tous. Ils sont tout particulièrement mobilisés après que la Ville a mis en vente aux enchères trois bâtisses insalubres : « Environ 218 m2 impasse de l’Odet, environ100 m2 rue de la Providence et environ 300 m2 rue de Kerfeunteun ».

Le collectif qui a rencontré les élus à travers un groupe de travail dit avoir reçu une fin de non-recevoir quant à l’éventuelle ouverture d’un hébergement d’urgence. « Le CCAS loge déjà beaucoup de familles », répond Mathieu Stervinou, adjoint en charge des solidarités. « Pour l’hébergement d’urgence, c’est l’état qui gère, notamment à travers le 115 ».

Olivier Scaglia 03 mars 2025

https://www.letelegramme.fr/

03 mars 2025 ~ 0 Commentaire

PLERIN ( FR 3 )

Assurance_maladie

Maternité privée de Plérin. « C’est très choquant », l’aide exceptionnelle de 300 000 euros fait débat

Dans les Côtes d’Armor, une subvention de l’Etat fait bondir les élus et responsables syndicaux. 300.000 euros accordés à la clinique de Plérin pour soutenir sa maternité privée. Voilà qui suscite agacement et incompréhension parmi celles et ceux qui sont mobilisés pour l’hôpital public et la réouverture de la maternité de Guingamp.

Même en étant qualifiée d’exceptionnelle, la subvention allouée par l’Agence Régionale de Santé à l’Hôpital Privé de Plérin pour le recrutement de pédiatres, n’a pas fini de faire débat. Une aide qui intervient alors même que l’activité de la maternité de Guingamp est suspendue depuis plus d’an : « Comment l’ARS qui est censée garantir la santé publique attribue une telle somme à une structure à but lucratif qui pratique parfois des tarifs inabordables pour les gens de notre territoire ? », interroge Virginie Le Thuaut, co-secrétaire syndical CGT de l’Hôpital de Guingamp.

« Cet argent aurait dû aller à la maternité de Guingamp »

L’ARS dans un communiqué a motivé son intervention en rappelant que son action vise « à consolider et développer l’offre de santé dans tous les territoires bretons, à la fois publique et privée ».

Une justification qui ne semble pas avoir convaincu la député de l’arrondissement de Guingamp, qui a écrit à la directrice de l’ARS : « En premier lieu, ça me choque dans le sens où on a du mal à financer toute notre politique de santé publique, donc c’est très choquant de voir des établissements privés se faire octroyer des subventions bien sûr. Je pense que cet argent aurait dû aller à la maternité de Guingamp et non pas à la maternité privée de Plérin », Murielle Lepvraud, députée La France insoumise (4e circonscription des Côtes-d’Armor).

« Inaudible et incompréhensible »

Fanny Chappé, Conseillère régionale, maire de Paimpol ne décolère pas et ne comprend pas qu’une telle somme soit fléchée vers un établissement privé et lucratif : « Ce que l’on comprend à travers ces 300 000 euros c’est que quand une structure publique comme la maternité de Guingamp a un problème de recrutement, l’ARS dit qu’on ferme le service, qu’on le suspend, alors que quand une structure privée à but lucratif, rentable, a un problème de recrutement, on lui fait un chèque donc déjà c’est la première chose qui est inaudible et incompréhensible pour un certain nombre d’élus locaux ». 

Dans les hôpitaux publics, l’épisode est très commenté et ne manquera pas sans doute de convoquer sur le sujet de nombreux élus attachés à la permanence d’un système de soin de qualité.

(Avec JM Seigner)  Laurence Postic  28/02/2025

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03 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Contre-Salon ( FR3 )

paysans

Salon de l’agriculture. Dans les campagnes, des « contre-salons » pour les paysans qui ne s’y reconnaissent pas

Alors que la fin du Salon de l’agriculture se profile porte de Versailles à Paris, des agriculteurs, paysans, proposent leur propre événement, ne se reconnaissant pas dans le grand rassemblement parisien. Des « contre-salons », à l’initiative de La Confédération paysanne. Cette année, un Gaec de maraîchers installés à Romillé, au nord de Rennes, accueille les visiteurs.

« Faut-il replanter des haies, comment lutter contre les attaques d’insectes… » les questions fusent, devant les rangs de choux, de salades, de navets, d’oignons ou d’ail.

Bien loin de la Porte de Versailles à Paris et du salon de l’agriculture, porte ouverte dans une ferme maraîchère, pour une autre approche. Les visiteurs ont fait le choix de ne pas aller à Paris, ce sont des voisins, des clients de la ferme, des curieux.

« Une histoire de sens » pour les visiteurs

Luc est venu chercher des conseils. Ce restaurateur rennais rêve de produire lui-même ses légumes, « C’est plus une histoire de sens, de ressentir une exploitation et de rencontrer et de pouvoir échanger avec des gens qui se sont lancés récemment, et qui ne sont pas forcément du secteur, ça inspire », reconnaît-il.

Un couple, à côté, qui se dit assez urbain et loin de la terre, comprend que de la cultiver est assez technique, et ils apprécient « le rapport avec le local, avec ce qui se fait autour de nous, les jeunes qui s’installent, de nouvelles techniques aussi », avancent-ils, « et puis on arrive à un âge où on se pose plus de questions, on a plus le temps et plus les moyens aussi, donc on va faire plus attention (à notre façon de consommer) », précise encore la dame. 

Et pour eux, peu importe la bannière syndicale, en l’occurrence la Confédération paysanne.

« D’autres agricultures possibles »

Ce Gaec certifié en bio, installé à Romillé, près de Rennes, en Ille-et-Vilaine, fait vivre trois personnes depuis bientôt deux ans. Un retour à la terre, sur deux hectares et demi, pour des cultures de plein champ ou sous serre. L’idée pour les trois associés, c’est de respecter le vivant et le paysan. Un modèle qui, selon les gérants, est invisible au Salon de l’agriculture. « Ici, il faut venir en bottes, s’amuse Vincent Robine, l’un des trois maraîchers, ça a plus de sens et c’est l’occasion de faire venir les gens sur nos fermes, pour qu’ils comprennent ce qu’on fait et nos problématiques. »

« Le salon à Paris, poursuit-il, c’est la vitrine d’une agriculture, mais pas de l’agriculture. C’est d’ailleurs l’objet de ces ‘salons à la ferme’, c’est de montrer qu’il y a d’autres agricultures possibles, c’est celles-là qu’on a envie de promouvoir. » C’est-à-dire des fermes à taille humaine, en lien avec les habitants du territoire, pour des productions locales et des pratiques respectueuses de l’environnement. « On n’a pas la même définition de souveraineté alimentaire que certains, assure encore le jeune maraîcher, et l’idée, c’est que les citoyens et les citoyennes aient une autonomie et la décision sur le modèle agricole qui les nourrit. »

« Il faudrait revenir vers des fermes à taille humaine »

« On est représentatif d’une génération qui n’est pas issue du milieu agricole, poursuit Pierre Lebrun, son associé et on est quand même nombreux à faire le pas de revenir vers une agriculture. Il y a tout un mouvement de gens comme nous qui retrouvent du sens dans ce métier », ajoute le jeune agriculteur, en précisant

« Et il y a tout de même un souci dans l’évolution du paysage agricole, c’est que la grosse majorité des terres vont vers un agrandissement, alors qu’il faudrait revenir vers des fermes à tailles humaines. Il y a de moins en moins d’agriculteurs, parce qu’un agriculteur tient un nombre d’hectares de plus en plus important. Et le mouvement ne s’inverse toujours pas, c’est ça qui est un peu malheureux ! »

Les organisateurs le savent bien. Ceux qui poussent la porte sont acquis à leur cause, au bio et au local. Reste à sensibiliser tous les autres. Alors, ils se tiennent prêts à rouvrir leur ferme, avec ou sans salon à Paris.

(Avec Charles Lemercier)  Krystel Veillard 02/03/2025

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