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11 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Crise agricole ( Inprecor)

Crise agricole ( Inprecor) dans A gauche du PS

Des recettes réactionnaires à la crise écologique

Face aux contradictions mises en évidence par la crise écosystémique, le capital intensifie conflits, répression et exploitation. L’extrême-droite formule des propositions qui approfondissent cette dynamique.

Quel est l’intérêt de dire la vérité sur le fascisme – qui est condamné – si rien n’est dit contre le capitalisme qui l’engendre?

Bertolt Brecht

Le changement climatique est déjà une réalité qui impacte nos vies au quotidien. Il avance de pair avec les phénomènes météo­rologiques extrêmes qui nous accablent et se normalise par la répétition successive, inégale et combinée de ses effets.

Il n’est plus exceptionnel d’entendre parler de graves périodes de sécheresse dans la région méditerranéenne, de la raréfaction des ressources fossiles et des matières premières stratégiques dans le nord de la planète, de la perte de sols fertiles pour la production agroalimentaire ou de l’augmentation des incendies de sixième génération dans le monde entier. L’apparition quotidienne de ces éléments ne se fait pas dans l’abstrait ou de manière isolée, mais se combine et se nourrit d’autres phénomènes tels que les pénuries, l’inflation ou la spirale guerrière. Elle s’inscrit dans un contexte de crise et d’instabilité qui a son fondements dans le mode de production capitaliste.

Ce scénario nous expose à un long cycle de turbulences, de catastrophes et de changements auxquels le capital est loin d’être préparé par sa politique économique à court terme, mais qui, à son tour, ouvre sur un moment de transition par rapport à l’ordre actuel des choses. Ceci a des implications politiques claires que nous, écosocialistes, devons être en mesure d’aborder.

Nos «Années folles»

Les contradictions mises en évidence par la crise écosystémique constituent un défi pour le processus d’expansion constante de l’accumulation du capital. Confronté à un impératif de croissance et à un besoin infini de profit, celui-ci se heurte aux limites biophysiques de la planète. Dans cette contradiction, le fragile équilibre qui sous-tend les fondements du régime d’accumulation du capital est mis à nu et il devient plus clair que sa limite réside dans les sources de sa richesse. Comment en effet aspirer à une croissance infinie sur un temps, des ressources, des vies et des territoires finis? Face à ce constat, le capital propose une restructuration de ses circuits d’extraction de la valeur.

Des exemples de ce processus de restructuration peuvent être trouvés dans l’intensification du taux d’exploitation du travail, de la nature et des forces de reproduction ; dans le renforcement des pratiques rentières, de la spoliation et de la dépossession dans les espaces clés de la reproduction sociale comme le logement, l’alimentation, les produits de base, etc. ; ou encore dans l’intensification des conflits géopolitiques et impérialistes – qui ne se produisent pas seulement avec l’arrivée des sociétés transnationales, mais aussi dans les territoires où, après les occupations, les pratiques génocidaires et la répression, les ressources sont spoliées.

Ces différents éléments qui agissent comme des mécanismes pour assurer la reproduction du capital modifient les bases sur lesquelles notre réalité sociale est construite. Cela transforme les relations de genre, les configurations raciales, les régimes sexuels et les structures qui les soutiennent et affaiblissant les pratiques démocratiques, les droits et les libertés. Ainsi, la restructuration du capital en ces temps de transition s’accompagne d’une reconfiguration des relations sociales dans le cadre d’une plus grande contestation et de contrôle à caractère réactionnaire, conservateur et libéralisateur.

Les changements que nous observons dans cette période de transition ne sont pas synchronisés, ni immédiats et ne s’expriment pas de la même manière partout, mais ils montrent une tendance croissante dans les propositions de résolution de la crise écologique. Elles avancent des recettes qui impliquent un creusement des inégalités, une intensification de la violence marchande et une montée de l’autoritarisme dans l’approche de la question écologique.

La terre et la nation

Max Ajl dans A People’s Green New Deal (2021) a recensé les réponses réactionnaires face à la crise écologique. À travers une analyse critique des fondements idéologiques de diverses propositions, il souligne que, dans l’archipel de l’extrême-droite, des réponses sous forme de nationalisme vert et de racisme fossile existent. Ajl a ainsi mis en évidence un changement de comportement de l’extrême droite qui, loin de se concentrer uniquement sur la négation de la crise écologique et des impacts du changement climatique, ose formuler des propositions qui approfondissent les dynamiques impérialistes et incitent à l’ouverture de nouvelles frontières de l’accumulation.

Dans cette lignée, parmi les recettes réactionnaires, on trouve des projets et des propositions face à la crise écologique qui se focalisent sur la question de la sécurité nationale. Il s’agit de réponses qui considèrent la dégradation écologique comme une menace pour l’identité nationale, les convictions et les conditions de vie, et qui proposent donc une accélération des processus de sécurisation, de contrôle et de fermeture des frontières. Il s’agit de propositions qui reproduisent l’idée qu’il y a des corps qui comptent et d’autres qui ne comptent pas, des mort·es qui méritent d’être pleuré·es et d’autres non, des territoires qui peuvent être exploités, violés et détruits et d’autres qui doivent être sanctifiés.

Une politique écologique raciste, xénophobe et anti-immigration est déployée sous la maxime «si vous voulez protéger la nation, vous devez protéger la terre, l’environnement». Le RN en France, le FPÖ en Autriche ou Aliança Catalana en Catalogne reprennent cette position dans leurs programmes et campagnes électorales, prônant la défense de la nature à partir d’un patriotisme vert.

Ce pari réactionnaire va de pair avec la promotion de propositions qui proposent la résolution de la crise écologique par l’ouverture de nouvelles frontières d’accumulation. On retrouve ici toutes les propositions qui font de l’adaptation, de l’atténuation ou de la transition de nouveaux marchés verts transnationaux dans lesquels investir, ainsi que les différents mécanismes de marché, les bulles spéculatives et les processus de financiarisation de la nature, de la biodiversité et du climat sous la forme de marchés à terme et de marchés du carbone, d’obligations vertes, de politiques compensatoires pour les services écosystémiques ou d’échanges dette-nature.

Des propositions qui reproduisent le comportement à court terme du capital et favorisent l’intensification des conflits, l’intensification des taux d’exploitation et des pratiques de recherche de rente, sans remettre en cause le fait qu’elles sont aussi à l’origine de l’aggravation de la crise écologique. Des recettes néolibérales configurées par un écologisme réductionniste qui dit que ce qui est détruit peut toujours être substitué et contenu, et agit selon la maxime que tout est commercialisable.

Le cadre qui engendre ces prescriptions face à la crise écologique dépasse les limites de l’extrême-droite et imprègne les discours, les programmes et les propositions des forces de droite conservatrices, libérales et sociales-démocrates. Il pénètre dans les mouvements écologistes et paysans et pose un défi interne à nos collectifs: que les discours racistes, xénophobes et anti-immigration sont aussi produits dans les rangs écologistes et que les rêves hyper-individualistes et marchands du capitalisme vert sont aussi partagés dans les rangs écologistes.

Ainsi, la force des recettes réactionnaires ne dépend pas seulement de la montée de l’extrême-droite dans nos territoires – qui se développe et s’étend chaque jour – mais aussi de sa capacité à ébranler la machine infernale en période de transition et à faire croire que ce n’est qu’à l’intérieur des marges du capital que l’on pourra surmonter ce que la crise écologique nous réserve aujourd’hui.

Dans le conflit, une note d’espoir

Si l’intensification et l’avancée de la crise écologique constituent un défi pour les propositions écosocialistes et de classe, la montée de l’extrême-droite mondiale et l’expansion de ses recettes réactionnaires impliquent un degré supplémentaire de complexité. La normalisation de plus en plus avérée de la barbarie dans les guerres, les génocides, les pillages et aux frontières augmente le niveau d’urgence et la nécessité de briser l’hégémonie d’un capitalisme sauvage qui vit en tournant le dos à sa propre survie. Il est donc essentiel de reconnaître que dans tout processus de reconfiguration des relations sociales médiées par le capital, ce ne sont pas seulement des réponses réactionnaires qui émergent: dans leurs ruptures, des propositions alternatives de formation de la vie émergent également.

Face à un capital qui, depuis des années, construit divers instruments politiques pour assurer à tout prix la continuité de ses objectifs, il existe une vaste généalogie de luttes pour la défense de la terre, de la santé et de la vie qui font école. Le fait est que la restructuration du capital n’a jamais été exempte de conflits et que nous avons appris d’eux.

Nous savons qu’il n’y a pas de recette magique pour la crise écologique ou de moyens faciles pour retirer les griffes du système capitaliste de nos corps-territoires. Mais nous savons que, dans chaque confrontation, dans chaque expérience de lutte, nous nous reconnaissons les un·es les autres et nous semons la voie de l’auto-­organisation de classe comme un outil-clé de la contestation. Nous apprenons l’attention, l’affection et le soutien mutuel entre nous, et nous synthétisons de nouvelles propositions capables de briser les chaînes qui nous lient. Et nous tissons des ponts transfrontaliers en détectant un ennemi commun, ce qui nous renforce dans la certitude qu’il n’y a pas de frein d’urgence s’il n’est pas pour nous tou·tes.

C’est peut-être dans ce tou·tes que se trouve la question centrale d’une proposition qui se situe en dehors des recettes réactionnaires. La force et la radicalité d’une proposition écosocialiste et de classe sont condensées dans une politique irrévérencieuse, un engagement révolutionnaire construit sur la solidarité, l’internationalisme et l’anti-impérialisme, et qui fait de la diversité, de la pluralité et de la démocratie ouvrière un terrain fertile pour la dispute politique.

Article paru en castillan dans la revue Lab Sindikazua. Traduction: Juan Tortosa pour SolidaritéS.

8 septembre 2024  Joana Bregolat

https://inprecor.fr/

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05 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Elections US (Inprecor)

sanders

La crise de l’électoralisme de gauche aux États-Unis

Cet article a été rédigé avant le remplacement de Joe Biden par de Kamala Harris.

L’expérience d’une action électorale socialiste et progressiste de gauche au sein du Parti Démocrate fait aujourd’hui face à une crise fondamentale. L’élan créé par la campagne présidentielle de Sanders en 2016, qui a contribué à propulser la brigade, le squad, ce groupe de 6 membres progressistes de la chambre des Représentants qui s’est ainsi auto-désigné, vers un poste politique, et qui a inspiré la croissance rapide de DSA (les socialistes démocrates d’Amérique), a été perdu à la suite de la course tronquée de Sanders en 2020 et de son ralliement rapide à Biden.

La dérive de la brigade et d’autres vers le centre politique et opérationnel du Parti démocrate et leur soutien aux dirigeants néolibéraux du parti ont soulevé des questions sérieuses sur l’utilisation du Parti démocrate pour les objectifs socialistes.

Ceci a été souligné par l’appui d’Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) et d’autres membres de la brigade à Biden, même après son déplacement vers la droite, au début de 2023, sur des questions clés comme l’immigration et le forage pétrolier, comme l’a souligné la publication FiveThirtyEight (23 mars 2023).

Plus généralement, la résistance accrue de la part des dirigeants et des institutions du parti a limité la capacité de la gauche à se développer de manière significative. Cela s’est traduit par les gains relativement minces réalisés par les socialistes et les progressistes de gauche lors des élections législatives de 2022. En plus de cela, la hausse des coûts des campagnes électorales pour le Congrès et la récente baisse des petites donations politiques ont encore entravé la capacité de la gauche électorale à pouvoir étendre son influence.

La preuve de cette crise se manifeste partout dans l’état de l’organisation de la gauche électorale. Le regroupement « Justice Democrate », sans doute l’agent le plus efficace pour les progressistes lors des primaires électorales, a licencié neuf de ses vingt membres du personnel en juillet en raison d’un manque de fonds.

Comme le dit le Huffington Post, « sa mission est plus confuse et ses coffres sont épuisés ». En août, il a licencié trois autres employés sur un total de douze, soit plus de la moitié de son personnel. Même avant cela, en avril, le Mouvement du Soleil Levant, un allié de Justice Démocrate, a licencié 35 des 100 membres de son état-major, tandis que Middle Seat, un collecteur de fonds et l’un des meilleurs contributeurs d’AOC pour les campagnes 2020 et 2022, a licencié environ un tiers de son personnel. Même Emily’s List a connu des mises à pied. Tout cela dans la période précédant les élections cruciales de 2024.

La cause immédiate de cette crise est le financement.

Tout d’abord, le coût moyen de l’obtention un siège à la Chambre des Représentants est passé de 1,3 million de dollars en 2016 à 2,5 millions de dollars pour un siège vacant et à 2,9 millions de dollars pour triompher en 2022 d’un candidat à sa réélection.

Les petits dons ont été plus faibles dans ce cycle en raison du dégoût de la politique et des démocrates en particulier. Comme l’a rapporté le New York Times (16 juillet 2023), avec de petits dons qui arrivent lentement, la campagne de Biden est encore plus dépendante des donateurs riches qu’en 2020. Dans le même temps, de nombreux donateurs politiques importants versent des contributions directement aux comités de campagne du parti et à des fonds « non déclarés » pour les campagnes 2024 du Sénat et de la Chambre des Représentants. Mais la rareté des petits dons frappe plus durement les organisations de gauche qui manquent de donateurs riches, de subventions ou de soutiens de fondations

Un résultat de cette crise et de la résistance accrue de la part de la direction du parti est le report de la date de mise à la retraite de cette vieille garde. Ceci est particulièrement critique parce que, en supposant que le but soit de changer le Parti démocrate ou de le déplacer vers la gauche, il n’y a pas d’autre moyen de faire disparaître la majorité centriste des démocrates à la Chambre et dans tout le système politique.

Les départs à la retraite et la mise en place de candidatures ouvertes sont trop peu nombreux pour être une voie vers une présence importante dans le caucus du Parti démocrate à la Chambre ou au Sénat ou à peu près dans n’importe quelle instance législative d’État. Cela signifie que le JD semble avoir complètement abandonné les candidatures défiant des titulaires déjà en poste. JD se concentre actuellement sur le soutien au titulaire Jamal Bowman, qui est attaqué par des campagnes et des fonds pro-israéliens. Alors que JD avait approuvé huit candidats à la Chambre des Représentants qui défiaient des titulaires centristes en 2020 et deux en 2022, elle n’en désigné aucun pour 2024, selon le Huffington Post (10 août 2023),

De même, alors que Notre Révolution a soutenu Barbara Lee en Californie pour le siège ouvert au Sénat par le décès de Dianne Feinstein, ainsi qu’un certain nombre de candidats principalement pour des scrutins locaux, il n’a pas encore approuvé de candidature à la Chambre des Représentants pour les élections de la fin du mois d’octobre 2024. En 2022, Notre Révolution avait approuvé 18 candidats à la Chambre des Représentants, dont six s’opposant à un démocrate majoritaire.

Sanders, qui avait soutenu 13 candidats à la Chambre en 2022, dont quatre contestaient le siège de titulaires déjà en place, n’a approuvé qu’un seul candidat à la Chambre en 2023. C’était Aaron Regunberg, un candidat non élu pour la nomination démocrate pour un siège vacant représentant le premier district du Congrès de Rhode Island, qui avait été choisi par élection spéciale. Jusqu’à présent, Sanders n’a approuvé qui que ce soit pour la Chambre en 2024.

AOC a également approuvé Regunberg, mais son fonds de financement « Courage pour gagner » qui disposait de plus de 500 000 dollars, n’a contribué que pour 5 000 dollars versé à deux candidats, seulement à la Chambre des Représentants, les titulaires déjà en poste Cori Bush et Greg Casar, selon le rapport de la Commission électorale fédérale du 30 septembre 2023.

Aucun autre soutien officiel d’AOC à des candidats à la Chambre des Représentants pour le cycle électoral 2023-2024 n’a pu être trouvé au moment de l’écriture du présent document. La commission électorale nationale de DSA, qui a approuvé par le passé les candidats à la Chambre et aux assemblées législatives des États, n’a jusqu’ici approuvé qu’un petit nombre de candidats locaux. Il est clair que la gauche électorale est en retrait.

Cette baisse est en partie due à la performance relativement médiocre des candidatures de gauche en 2022. Malgré un grand nombre de sièges obtenu à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat de 2022, les gains nets pour les progressistes de gauche cette année-là ont été faibles. Sur les 23 candidats de gauche, définis comme ceux soutenus par Bernie Sanders, JD et/ou Notre Révolution, dix ont remporté leur primaire. Sur les huit personnes qui contestaient des candidats déjà en poste, une seule (Jamie McLoed Skinner) a gagné, mais a perdu l’élection finale. Sur les 15 candidats qui ont participé à des primaires ouvertes, neuf ont réussi. Ce chiffre est en net recul par rapport à 2020, lorsque les progressistes de gauche avaient remporté 22 des 32 sièges vacants, selon la publication FiveThirtyEight(27 septembre 2022).

En tout, en 2022, dix progressistes de gauche avaient remporté leurs primaires et treize l’avaient perdu, ce qui n’est pas si mal. Mais trois progressistes de gauche, comme défini ci-dessus, avaient perdu contre des modérés lors de primaires entre sortants dans des districts redessinés, et trois nouveaux candidats qui avaient remporté leurs primaires ont été défaits aux élections finales. Le gain net pour 2022 n’était donc que de quatre, aucun n’ayant remporté un scrutin face à à un sortant candidat à sa réélection1 . C’est clairement un mauvais signe pour ceux qui espèrent transformer le Parti Démocrate. Les perspectives pour 2024 sont, à tout le moins, nettement pires pour la gauche, avec un taux de sortants candidats à leur réélection s’élevant à 94%, la pression croissante pour soutenir les modérés dans les districts en balance incertaine pour ne pas faire chavirer le bateau Démocrate, et la crise financière de la gauche électorale s’approfondissant.

Les élections législatives de chaque État sont bien sûr beaucoup moins chères et un peu plus accessibles. La part des candidats sortants était supérieur à 95 % en 2022, et cette année-là seuls 22 % de ces élus démocrates sortants ont été confrontés lors de primaires à des candidatures concurrentes. Le renouvellement des sièges, toutefois plus élevé, et les primaires ouvertes sont plus fréquentes, soit environ 24 % en 2022. Seulement environ 4 % sont des mandats en nombre limité, dont un tiers environ sont détenus par les Démocrates.

Il est toutefois décourageant de constater qu’il y a plus de 7 000 sièges à pourvoir dans les assemblées législatives des États. Bien que le coût d’une campagne pour un siège législatif soit beaucoup plus faible que celui du Congrès, il a doublé en moyenne au cours des deux dernières décennies pour atteindre plus de 100 000 dollars en 2020, selon la Conférence nationale des assemblées législatives des États. Il est sans doute plus élevé maintenant et, bien sûr, encore plus élevé dans des États comme New York, la Californie, Washington et d’autres.

Les membres de DSA, qui se présentent plus souvent à ce niveau, occupaient 56 sièges législatifs en 20232 . Alors qu’en 2022, DSA avait approuvé au plan national 18 candidats pour des postes au niveau des États, cette année, aucun candidat à ce niveau n’a été approuvé par la commission électorale nationale de DSA, selon son site web. Sans doute certains sont soutenus par des sections locales. « Notre Révolution », qui avait approuvé 80 candidats à des postes d’État en 2022, n’a approuvé aucun candidat cette année, selon ses sites web. Bernie Sanders non plus. Il semble que la crise de la gauche électorale frappe aussi sa participation aux scrutins électoraux

La politique mise aux enchères : la crise du financement des élections provoquée par le capital

Que la crise politique du cycle électoral 2023-2024 de la gauche entraîne un plongeon de ses sources de financement est, en soi, significatif. Tout d’abord, cela révèle à quel point l’action électorale actuelle de gauche s’inscrivant dans le Parti Démocrate est dépendante d’équipes qui, comme JD, sont centralisées depuis le sommet, de sociétés de financement à but lucratif comme Middle Seat, et même de sociétés comme le géant numérique NGP-VAN, qui est le principal processeur de données du Parti Démocrate et est utilisé par tous les membres de la brigade d’AOP.

Pour l’autre, cela montre aussi la forte dépendance des candidats de gauche à des dons provenant d’autres États et de districts plutôt que sur une organisation structurée de façon permanente au plan local.

La cause sous-jacente de cette crise de financement est toutefois sur le long terme l’escalade du coût des campagnes électorales dont la responsabilité incombe au capital. Elle a commencé avec l’entrée des fonds de financement dans les années 1970, mais elle s’est accélérée bien au-delà de cela, poussée par des donateurs riches et aisés3 . Incluant l’argent dépensé par les candidats, les comités du parti et celui hors des circuits contrôlés, le coût des élections du Congrès à mi-mandat est passé de 1,6 milliard de dollars en 1998, déjà bien au-dessus des années précédentes, à près de 9 milliards de dollars en 20224 . « La course aux dépenses toujours croissante entre les partis politiques signifie que le prix de l’admission au Congrès continue d’augmente ». La politique est devenue l’objet d’enchères dans lesquelles le plus offrant gagne 90 % du temps.

Et c’est l’argent qui fait avancer le processus. Seulement 18 % de tous les fonds de la campagne électorale du cycle 2022 provenaient de dons inférieurs à 200 dollars. Les démocrates ont fait un peu mieux, mais les petits dons ne représentaient toujours que 19 % de tous les fonds qu’ils avaient collectés. La baisse des dons de petite taille et l’augmentation continue du coût des élections indiquent que la richesse et le capital joueront un rôle de plus en plus important lors des prochaines élections. Et Opensecrets.org (2 août 2023) s’attend à ce que 2024 soit « l’élection la plus chère de l’histoire ».

Les membres de la brigade, qui ne récoltent pas d’argent auprès des entreprises, collectent pour leurs campagnes électorales des millions en provenance principalement de dons individuels de l’extérieur de leurs propres états et districts. La plupart de ces fonds sont collectés par des fournisseurs numériques tels qu’ActBlue ou Middle Seat. AOC est l’un des cas les plus extrêmes. Elle a recueilli plus de 12 millions de dollars dans le cycle électoral de 2022, beaucoup plus que tous les autres membres de « la brigade ». Plus de 80 % de cette somme provenait d’un autre État. En 2020, la dernière année fournie par les chiffres de district d’OpenSecrets.com, moins de 1% du financement d’AOC provenait de son district. Il devrait être évident que, avec des fonds pour les candidats de gauche qui s’épuisent, cette dépendance à l’égard d’un grand nombre de dons plus modestes provenant de partout dans le pays ne peut pas assurer le financement des campagnes de autres candidats de gauche aux primaires

Considérez ceci : JD avait levé seulement 6,5 millions de dollars, principalement auprès de plus de 1 300 personnes, dans le cycle électoral de 2022 avant de faire face à sa crise financière. Hakeem Jeffries, un militant centriste, leader dans la lutte contre les opposants de gauche aux élections de 2022, et déclaré antisocialiste, est maintenant le leader minoritaire, élu à l’unanimité, du Parti Démocrate à la Chambre des Représentants5 , Il a collecté pour lui tout seul 5,9 millions de dollars cette année-là. Dans ce montant, près de 80 % provenaient de dons importants ou de fonds électoraux et seulement 5,5 % de contributions modestes. Cette année 2024, il a déjà touché 7,8 millions de dollars. Il est assez évident que la gauche électorale du Parti démocrate ne peut pas rivaliser avec la majorité dominante du parti, qui est lourdement financée par des sociétés et des individus fortunés.

Considérez aussi que, alors que la gauche électorale se retire de primaires impliquant des sortants centristes en place, le New York Times (29 octobre 2023) rapporte que les alliés de l’establishment du parti, le Comité américain des affaires publiques d’Israël (AIPAC) et la majorité démocrate pour Israël (DMI) se préparent à défier les neuf représentants démocrates en poste qui, le 25 octobre, au milieu des bombardements intenses et aveugles de Gaza par Israël,, ont voté contre l’aide militaire à Israël. Le soutien inconditionnel à Israël est depuis longtemps une politique fondamentale du Parti démocrate, et l’opposition aux candidats critiques de la politique d’apartheid d’Israël envers les Palestiniens n’est pas nouvelle.

Dans les élections de 2022, AIPAC a dépensé 13 millions de dollars et DMI 9 millions de dollars, dont une grande partie « en dehors » des fonds contrôlés, pour vaincre des adversaires de gauche qui n’étaient pas considérés comme suffisamment amicaux par Israël. Selon Opensecrets.org (17 novembre 2022), AIPAC a dépensé 2 millions de dollars en argent « extérieur » pour vaincre Summer Lee, un critique de la politique d’apartheid d’Israël, dans les primaires de mi-mandat de 2022 et 3,2 millions de dollars supplémentaires aux élections finales, soit plus du double de ce que Lee a dépensé pour ce cycle. Dans ce cas, ils n’ont pas réussi à empêcher sa victoire (celui qui a le plus d’argent ne gagne que 90 % du temps.) Lee, qui est l’un des neuf démocrates votant contre l’aide militaire à Israël en octobre, fait déjà face à un concurrent et sera certainement une cible de dépenses de l’AIPAC en 2024. Ilhan Omar et Jamall Bowman, qui étaient également opposés au matériel militaire supplémentaire pour Israël, ont également attiré des concurrents aux primaires. L’escalade des enchères politiques continue.

Sur un plan plus fondamental, on pourrait se demander pourquoi les socialistes jouent à ces jeux politiques axés sur l’argent. Un examen de la façon dont AOC a dépensé les millions qu’elle a collectés principalement à l’extérieur de son district révèle que dans le cycle 2022, 60 % est allé aux salaires du personnel, à la collecte de fonds et à l’administration, et 24 % pour les achats dans les médias, ce qui constitue la majeure partie de la campagne électorale. Le reste, vraisemblablement, est allé au travail de base de campagne électorale. Les organisations de base permanentes ne sont pas incluses.

La pratique réelle de l’électoralisme de DSA et de la gauche n’est pas fondée sur l’ organisation de masse ou la lutte des classes, comme on le prétend parfois, mais sur l’élection d’individus à des fonctions pour faire « du bien » au nom de la classe ouvrière, par des primaires qui attirent les électeurs plus aisés, tout cela dans l’espoir que la base suivra6 . Leurs méthodes électorales ne sont guère différentes de celles des Démocrates traditionnels, qui dépendent de sociétés professionnelles de financement et d’experts en campagne. C’est une approche du sommet vers la b1ase électorale. Ils sont plus que dépendants de personnalités très en vue comme Bernie et AOC. C’est une approche du sommet vers la base et, d’un point de vue socialiste, l’inverse de ce qu’il faudrait faire

Une politique électorale socialiste doit être organisée sur une base de masse entièrement différente, avec une stratégie totalement différente en dehors du cadre institutionnel et politique du Parti Démocrate. Des organisations politiques indépendantes de la classe ouvrière avec une organisation permanente, de masse et de base dans les quartiers et les lieux de travail pourraient facilement remplacer l’argent par des organisations et des mobilisations démocratiques des électeurs, ( à ne pas confondre avec les campagnes ciblées par ordinateurs d’inscription sur les listes électorales)

Une crise de confiance (bien méritée) dans la politique, les politiciens et les grands partis

Mais si le financement est le problème immédiat, cette crise est aussi le résultat d’une augmentation assez récente de la méfiance envers la politique, les politiciens et les grands partis qui ont eux-mêmes conduit à la baisse des petits dons. « Notre Révolution », par exemple, a trouvé dans un récent sondage de ses « membres » que « 41% nous ont dit qu’ils se sentaient déprimés, en colère ou démotivés par l’élection 2024 ». Avec Bernie, « la brigade », le caucus des membres progressistes du Congrès (CPC) et la plupart des progressistes alignés derrière Biden, il n’y a pas de place pour une opposition de gauche dans le Parti Démocrate.

Cette désillusion dépasse largement la gauche politique. Comme le révèle une récente enquête du Pew Research Center, la vision sceptique de la politique de la plupart des Américains a en fait empiré, précisément à l’époque où les socialistes électoralistes ont été en hausse par le biais du Parti Démocrate, entre 2018 et 20237 . Le pire de tout cela est concentré sur le Congrès. Par exemple, la proportion de Démocrates et de leurs sympathisants qui pensent que les membres du Congrès « se soucient des gens qu’ils représentent » est passée de 51% en 2018 à 40% cette année. Les mêmes qui pensaient que les membres du Congrès ont promu des politiques « dans l’intérêt public » sont passés de 48% à 37% au cours de cette période. En outre, les politiciens, y compris les Démocrates, sont jugés « hors de contact » avec leurs électeurs.

Parmi les démocrates et leurs sympathisants, 74 % pensaient que les membres du Congrès ont fait un très ou assez mauvais travail d’écoute de leurs électeurs. 81 % de ces démocrates ont dit que « la plupart des fonctionnaires élus ne se soucient pas de ce que les gens comme eux pensent ». On peut supposer que beaucoup pensaient à leurs propres représentants démocrates. 84 % de tous ceux qui « sont très engagés avec la politique » ont donné la même réponse. En termes d’influence, parmi ceux qui ont répondu, 70 % pensaient que les gens de leur district avaient trop peu d’influence, tandis que 80 % disaient « les gens qui ont donné beaucoup d’argent à leurs campagnes politiques » avaient trop d’influence. Cette vision négative ne concernait cependant pas uniquement les politiciens individuels.

L’un des résultats les plus révélateurs du sondage Pew a été la forte baisse de ceux qui ont une opinion favorable du Parti Démocrate dans son ensemble. Considérant que plus de 60 % avaient une opinion positive de ce parti à la fin des années 1990 et au début des années 2000, cela est tombé aux environs de 40 % de 2008 à 2018, Sans doute une conséquence de la récession et de la déception vis-à-vis de l’administration Obama. Puis de 2018 à juillet 2023, l’approbation du Parti démocrate a chuté à 37 % tandis que ceux qui ont une opinion défavorable de ce parti ont augmenté à 60 %. Interrogés, près des trois quarts des démocrates et de leurs sympathisants répondent que la phrase « J’aimerais souvent qu’il y ait plus de partis politiques parmi lesquels choisir dans ce pays » décrit leur point de vue extrêmement (44 %) ou un peu (30 %). Parmi les indépendants, beaucoup de ceux qui ont une orientation démocrate expriment d’avantage ce point de vue que parmi les républicains. Les Démocrates ne sont pas très contents de leur parti.

Comme le souligne l’enquête de Pew, les points de vue positifs des Démocrates en particulier sont « maintenant à leur point le plus faible des trois dernières décennies ». Et cela précisément pendant la période de montée de l’électoralisme socialiste dans ce parti. Je ne dis pas que Bernie Sanders, AOC, « la brigade » ou DSA sont à blâmer pour cette image sombre de la façon dont la plupart des gens voient la politique et le parti démocrate en particulier. Mais, comme leur incapacité croissante à s’opposer à la direction du Parti Démocrate, en fait leur approbation constante des chefs du Parti Démocrate, y compris Bide8 , leur haut niveau de votes « d’unité » sur le programme législatif de Biden, et, en conséquence leur identification publique plus forte avec le parti suggèrent qu’ils ne l’ont pas empêché ou même modéré, malgré leur popularité individuelle ou leurs opinions personnelles. Rien dans le sondage Pew ne montre que les gens voient une tendance contraire à cette détérioration des opinions concernant les politiciens et le Parti Démocrate.

Le sort de DSA lui-même est peut-être l’impact le plus immédiat de ce malaise politique croissant pour la gauche. Avec l’effondrement de la dynamique Sanders et l’augmentation des luttes internes parfois vives au sujet de l’incapacité de l’organisation à garder ses « élus » Démocrates, et après avoir été mis en cause, notamment par la guerre Israël/Palestine et par l’interdiction de Biden de la grève dans les négociations ferroviaires, le groupe a connu une perte importante et continue de ses membres. Selon son rapport sur le budget de juin, DSA a vu ses membres (en comptant les cotisants en retard) passer de leur sommet de 94 000 à la mi-2021 à 78 000 en mai 2023. Le nombre de « membres en règle », une mesure plus réaliste, est passé de 78 000 à 57 000 Cette perte d’environ un quart de ses effectifs réels, est intervenue alors que les opinions favorables au Parti Démocrate chutaient à nouveau à des niveaux bas et que la controverse sur le comportement des « élus » occupait pendant un certain temps une place centrale dans les débats. Bien qu’il soit trop tôt pour le dire, les retombées actuelles de la guerre entre Israël et Gaza menacent de fragmenter davantage DSA.

En dépit de cette crise pré existante, un consensus a semblé apparaître lors son congrès de juillet, DSA y a réaffirmé son engagement à « contester tactiquement les règles électorales actuelles conduisant au vote démocrate » ? En reconnaissance du problème de l’insertion des militants de DSA dans les organes de direction définissant la politique de l’organisation, il a été proposé d’agit comme un parti, afin d’organiser le travail des militants de DSA et de leur fournir un soutien. Une proposition visant à imposer un certain type de responsabilité ou de discipline sur les « élus », cependant, a échoué. La question de la sortie du Parti Démocrate, qui n’a jamais suscité l’intérêt des « élus » de DSA, est tombée en poussière avant même le congrès et a pratiquement disparu de la discussion. D’autre part, il y a eu un intérêt renouvelé pour la création d’une nouvelle organisation de masse avec sa propre identité qui serait parallèle au parti lui-même et, pourrait, dans le cas des élections au Congrès et dans la plupart des assemblées législatives d’État, rivaliser avec le caucus démocrate pour la désignation de ses candidats. Compte tenu du déséquilibre institutionnel et financier initial de pouvoirs entre DSA et cette nouvelle organisation, et du fait que les questions de stratégie électorale dépendent de la direction du parti et non de cette nouvelle organisation envisagée ; il n’est pas difficile de prévoir quelle organisation a l’avantage sur l’autre.

Cette idée semble avoir été introduite pour la première fois par Jared Abbott et Dustin Guastella en 2019, Bien que l’idée d’une telle organisation ait été proposée en détail sans le terme par Seth Ackerman en août 20169 . Les dates sont importantes – C’est juste après le défi couronné de succès de Sanders et l’élection en 2018 de quatre membres de « la brigade ». Si un projet électoral aussi ambitieux pouvait avoir une opportunité de développement, c’était certainement au cours des premières années d’élan qui ont suivi la campagne électorale de Sanders entre 2015 et 2017, l’élection de « la brigade » en 2018, et la croissance initiale de DSA. Les membres de DSA élus entre 2018 et 2020, sans le soutien desquels un tel projet ne serait pas crédible précisément parce qu’il s’agit d’un projet électoral centré sur le Parti démocrate, n’ont jamais manifesté d’intérêt pour une tel type d’organisation fondée sur une base militante. Au lieu de cela, ils se sont contentés du caucus des membres progressistes du Congrès, le CPC, d’ONG non lucratives, de campagnes pilotées par des personnels salariés, comme JD et « Our Revolution », et de collecteurs de fonds numériques telles que ActBlue qui facture ses services ou Middle Seat qui réalise son propre profit. Et maintenant, l’élan est perdu, la crise a commencé, et les partisans potentiels d’une organisation de masse, parmi les titulaires actuels de postes de gauche au Congrès, sont étroitement alliés avec la direction du parti.

Comment sortir de ce désordre

La crise de la politique électorale (et bien plus encore) ne peut être résolue ou transcendée par un électoralisme « tactique » dans un parti démocrate de plus en plus autoritaire et impopulaire. « Continuons simplement à agir plus fort » fonctionne rarement en pleine crise, surtout quand cette activité fait partie du problème. Comme cela a été le cas tout au long de l’histoire des États-Unis, notamment dans les années 1850-1860 (esclavage), 1890 (populisme agraire et ouvrier), 1930 (travail), 1950-1960 (droits civiques, libération des opprimés, et soulèvements de la base), il a fallu des bouleversements sociaux de masse pour desserrer l’étau des classes dirigeantes sur la politique et réduire les barrières à tout progrès social et politique. Le besoin criant est celui d’un mouvement de la classe ouvrière durable et complet avec les syndicats, des organisations des opprimés, Des expressions politiques indépendantes tant dans les communautés que sur les lieux de travail pour faire les premiers pas vers un nouveau parti de la classe ouvrière. Tout cela doit venir d’abord et avant tout des racines du pouvoir de classe qui se trouvent dans la production de biens et de services. Dans cette tâche apparemment écrasante, les socialistes ont maintenant un couple de choses qui vont en leur faveur.

Le premier est la montée bien documentée de l’action syndicale et ouvrière. Ce n’est pas encore la poussée nécessaire pour sortir de l’impasse, mais c’est un mouvement dans la bonne direction. De plus, contrairement à la politique électorale, la grande majorité des États-Unis l’apprécie favorablement. Le soutien aux syndicats a augmenté depuis 2017, passant de 56 % en 2016 à 61 % en 2023. Gallup a rapporté qu’il avait atteint 71 %en 2022, puis était tombé à 67 % mais je crois que cela est dû à un hasard statistique. Le bond à 71% en 2022 était entièrement dû à un bond soudain et suspect de neuf points de pourcentage dans l’approbation républicaine des syndicats, de 47% en 2021 à 56% en 2022. Il est ensuite retombé à un niveau plus typique pour les Républicains de 47% en 2023, portant la moyenne globale à 67%. Cela donnait l’impression qu’il y avait eu une baisse importante du soutien aux syndicats en 2023, mais rien ne permet de le croire.

Tout d’abord, la baisse rapportée par Gallup en 2023 n’était certainement pas due à une réaction contre les grèves. Le même sondage Gallup a titré une section, « Les Américains favorisent les travailleurs dans les conflits du travail », et montre qu’en 2023, de grandes majorités soutiennent les travailleurs de l’automobile contre les entreprises (75 %), frappant les auteurs de films et de télévision par 72 %, et les acteurs par 67 % contre leurs employeurs. Un sondage Reuters/Ipsos réalisé en septembre lors de la grève de l’UAW des travailleurs de l’automobile de Detroit a montré que 58% des travailleurs soutenaient les grévistes. Un sondage conjoint du 21 au 25 septembre du groupe de stratégies mondiales / GBAO a révélé que 76% des entreprises soutenaient l’UAW contre les sociétés automobiles, Un sondage de CNN du 4 au 9 octobre a révélé que 76 % des sondés étaient d’accord avec les grévistes et seulement 23 % avec les compagnies.

D’autre part un sondage AFL-CIO d’août 2023 réalisé auprès des électeurs inscrits avec un sur échantillonnage d’électeurs de moins de 30 ans, d’électeurs d’origine asiatique et de syndiqués,  » un échantillon assez différent que le sondage aléatoire sélectionné par Gallup, 71% des interrogés approuvent les syndicats.

Ce nombre montant à 88% parmi les moins de 30 ans et à 91 % parmi les Démocrates. En plus de cela, 75% des travailleurs soutiennent la grève, 93% pour les Démocrates et 90% pour les moins de 30 ans. Même en tenant compte des biais dans l’échantillon, cela révèle un fort soutien aux syndicats et aux grèves dans les principales circonscriptions. Selon tous les indicateurs des sondages de Gallup, Reuters/Ipsos, GSG/GBAO, AFL-CIO et CNN, un nombre croissant de résidents américains pensent que les syndicats sont une bonne façon d’améliorer leur vie, même s’il faut une grève pour le faire, et généralement seulement moins d’un quart soutient le le capital contre les travailleurs.

Comme nous l’avons vu, cela contraste fortement avec ce que la majorité pense de la politique, des politiciens et du parti démocrate en particulier. Cela inclut Biden, dont l’approbation a atteint 37 pour cent en septembre, tandis que celle de sa gestion de l’économie est tombée à 30 pour cent, selon le sondage Washington Post-ABC.

Le contraste ainsi que le calendrier sont frappants ! Sans doute Biden ou ses conseillers l’ont remarqué, ce qui est une des raisons pour lesquelles le président s’est présenté à un piquet de grève de l’UAW dans le Michigan en septembre. Si les démocrates ont besoin des votes suburbains aisés pour gagner une majorité au Congrès, Biden a besoin des syndicats et du vote des ouvriers pour espérer l’emporter dans les États incertains du Middle West. En fait, Biden n’est pas nouveau quant à l’utilisation politique des piquets de grève au moment des élections. Lors de la grève de GM en 2019, Bloomberg (23 septembre 2019) a rapporté que lorsque les primaires présidentielles ont décollé en septembre, le candidat Biden s’est joint aux membres en grève de l’UAW dans une usine de GM à Kansas City. Le même jour, Elizabeth Warren avait également participé à un piquet de grève à l’usine GM de Detroit-Hamtramck.

Comme l’ancien conseiller de Clinton, Paul Bledsoe, l’a récemment déclaré à Politico au sujet des élections de 2024 : « D’ici le jour des élections, il doit se trouver du côté du travailleur et du consommateur. C’est la politique de notre époque ». Et après ça ? Eh bien, Biden consulte régulièrement la PDG de GM Mary Barra sur l’avenir de l’industrie automobile, qui a visité la Maison Blanche huit fois depuis que Biden est entré en fonction, selon Politico (19 septembre 2023). Un jour pour les travailleurs, huit jours pour le patron. C’est aussi la politique de notre époque.

Bien sûr, l’appui de l’opinion publique ou les apparitions présidentielles ne gagnent pas à elles seules des grèves ou n’apportent pas de succès aux défilés et manifestations. . Cela nécessite une organisation et une lutte de classe directe. Bien que les socialistes ne puissent pas créer eux seuls le mouvement ils ont souvent joué un rôle de premier plan dans le développement et même la direction de la lutte des classes aux États-Unis et dans le monde entier. Même à notre époque, les socialistes ont aidé à mener des actions de masse, depuis le mouvement des enseignants en 2018 jusqu’aux organisations de base d’enseignants, de chauffeurs routiers, d’ouvriers, et d’autres, ainsi que les efforts pour organiser Amazon, et plus encore. Ce sont des mouvements dans lesquels les ; travailleurs participent collectivement et directement et ressentent leur pouvoir, quelque chose que l’on ne ressent plus clairement dans la politique électorale actuelle.

L’accélération du conflit de classe en mouvement, ainsi que sa popularité croissante, est une invitation et un défi pour le mouvement socialiste actuel aux États-Unis à se joindre à nous et à représenter quelque chose de différent. C’est ainsi que nous inspirons les gens à agir, à briser le cynisme et le fatalisme causés par la réalité de la politique électorale dominante, et à aider les gens à changer eux-mêmes afin de changer le monde « d’en bas » et peut-être même à créer un nouveau type de politique démocratique (avec un petit d) de la classe ouvrière aux États-Unis.

Publié par New Politics, traduit par Jean-Claude Vessillier

4 septembre 2024 par Kim Moody

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28 août 2024 ~ 0 Commentaire

Rentrée (Basta)

Rentrée (Basta) dans Educ'action

« Rester combattifs » : à la veille d’une rentrée sans ministre, les profs inquiets mais mobilisés

  • La rentrée scolaire va se faire avec un gouvernement démissionnaire. La situation est inédite, alors que l’Éducation nationale s’est largement mobilisée l’an dernier contre la réforme du « choc des savoirs » et pour un plan d’urgence dans le 93.

L’année scolaire s’est terminée juste avant les élections législatives anticipées. Deux mois plus tard, la rentrée scolaire va se faire avec un gouvernement, et une ministre de l’Éducation Nicole Belloubet, toujours démissionnaires.

« Cette rentrée est particulière puisqu’elle se fait avec une ministre qui n’est plus ministre », pointe Tony Tremblay, enseignant en collège en Seine-Saint-Denis et co-secrétaire du syndicat Snes-FSU dans le département. En Seine-Saint-Denis, enseignantes, enseignants et parents se sont mobilisés pendant des mois au printemps dernier pour demander un plan d’urgence pour l’éducation dans ce territoire parmi les plus pauvres de France.

Pour Tony Tremblay, il s’agit d’un « mouvement historique qui a duré plus de 100 jours, avec des manifestations fournies, pour demander simplement l’égalité des moyens entre notre département, le plus jeune et le plus pauvre de France, avec les autres ». Le professeur regrette donc d’autant plus que la rentrée se fasse « avec une ministre démissionnaire qui n’a pas reçu l’intersyndicale du 93 en juin pour cause de réserve électorale mais continue d’être ministre dans les faits, elle participe par exemple à la rentrée des recteurs, alors qu’elle a été désavouée, par le vote et la rue ».

Alexandra Colladant, professeur de philosophie au lycée Rosa-Parks de Saint-Denis, membre du Snes, a fait partie des enseignantes mobilisées avant l’été pour le plan d’urgence 93 réclamé par les syndicats. « Comme Nicole Belloubet est démissionnaire, on ne sait plus trop à qui s’adresser, constate-t-elle aujourd’hui à la veille de la rentrée. Nicole Belloubet avait promis de discuter du plan d’urgence 93 car la mobilisation avait commencé à créer un rapport de force.

Mais les vacances sont arrivées et on a rien eu, comme d’habitude. Aujourd’hui, il n’y a aucun rendez-vous clair avec la ministre. » Dans ces conditions, l’enseignante se prépare à une nouvelle mobilisation : « Nous avons discuté entre collègues de la possibilité de se remettre en grève dès la rentrée pour rappeler notre existence et nos revendications, et dire que rien n’a été encore fait. »

Passage en force du « choc des savoirs »

D’autres sujets ont suscité l’opposition des professionnels et des syndicats enseignants avant l’été : la réforme du lycée professionnel, avec l’objectif de faire passer aux lycéens pro moins de temps à l’école et plus de temps en entreprise ; et celle du « choc des savoirs » voulue par Gabriel Attal quand il était lui-même ministre de l’Éducation. Celle-ci prévoit la mise place de groupes de niveau en collège.

« Le “choc des savoirs”, c’est le démantèlement du collège unique, accuse Tony Tremblay. Il y a eu un passage en force sur ces mesures. Les collègues ont résisté dans la rue, mais aussi dans les conseils d’administration de leurs établissements pour mettre en place des groupes hétérogènes en terme de niveau. Des élèves faibles ensemble, ça ne marche pas. Ce qui marche c’est l’hétérogénéité en petits groupes. »

Mais les doutes persistent sur la mise en œuvre de ces groupes dans les établissements. « Les situations sont très variées suivant les établissements, comme déjà l’année dernière, la ministre avait un peu relâché la pression sur la composition des groupes de niveaux, témoigne Olivier Moine, professeur en lycée dans l’Isère et représentant du syndicat Snes-FSU dans le département. Dans certains établissements, là où de fort collectifs se sont opposés au tri des élèves, les groupes de niveaux seront hétérogènes, mais en conservant l’exigence du texte qui implique qu’il y ait des groupes. Dans d’autres collèges, cela va dépendre de la volonté des chefs d’établissements. »

Maud Valegeas, enseignante à Saint-Denis et représentante nationale de Sud éducation, constate chez ses collègues « beaucoup d’inquiétude sur la mise en œuvre des politiques annoncées sur les groupes de niveau au collège ». Car il n’y a « plus de pilote dans le navire. Les autres rentrées, on avait au moins une personne à qui s’adresser, que ce soit Blanquer, Attal, ou Belloubet. Aujourd’hui, on a une politique éducative qui a été refusée dans la rue avec les mobilisations importantes de l’année scolaire dernière, et aussi dans les urnes, mais un pouvoir qui continue à imposer ses décisions. » Dans ces conditions, elle craint « une augmentation des démissions » alors que « l’école ne tient qu’à l’acharnement des personnes qui sont là pour la porter à bout de bras ».

Arrêter la « réformite »

Le tableau est moins noir pour Marie Tamboura, principale de collège en Seine-Saint-Denis, membre de l’exécutif du Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale. Sur son établissement, elle signale « une préparation de rentrée plutôt sereine : on a une équipe stable, des effectifs d’élèves stabilisés, quasiment tous les profs qui sont nommés ».

Même si la réforme du choc des savoirs pèse aussi à son niveau. Car « il faut désormais accompagner et mobiliser les équipes sur une énième réforme dont on ne sait pas si elle perdurera ». Pour elle, la priorité, ce serait donc « d’arrêter la “réformite”. Il faut se poser, faire un bilan réel de l’état de l’Éducation nationale, avant toute nouvelle réforme. C’est ce qui épuise les collègues, de passer notre temps à mettre en place des réformes sans savoir si elles seront poursuivies d’une année sur l’autre, ou si elles ont été pleinement pensées. »

Un autre principal de collège de Seine-Saint-Denis, qui souhaite rester anonyme, fait également part de ces doutes sur les groupes de niveau. « C’est une réforme contre laquelle la majorité des acteurs étaient vent debout, y compris au sein de mon établissement, témoigne-t-il. Ça a été difficile, mais c’est en place, et on essaie de trouver des marges de manœuvre pour que ça se fasse de la manière la plus favorable aux élèves possible. Mais on ne sait pas si cela leur sera profitable ou pas. Et avec un nouveau gouvernement qui va arriver, on ne sait même pas si ça va rester. Donc, même si cette nouvelle réforme porte ses fruits, on va peut être se retrouver dans une situation où dans un an, ce sera fini. »

L’homme se dit surtout inquiet des restrictions budgétaires annoncées par Gabriel Attal fin août : le Premier ministre a proposé un gel des dépenses de l’Etat en 2025, ce qui signifie une baisse compte tenu de l’inflation. Ces économies « vont forcément peser sur le budget de l’Éducation nationale », craint le principal d’un collège situé en zone d’éducation prioritaire.

« Imposer nos mots d’ordre »

Un autre point cristallise les inquiétudes : le manque d’accompagnant·es pour les élèves en situation de handicap (AESH). « Le nombre d’élèves avec ces besoins est en augmentation constante et les recrutements ne suffisent pas. Pour être honnête, on sait qu’on n’aura pas le nombre d’AESH suffisant à chaque rentrée », dit la principale de collège Marie Tamboura au sujet de son établissement. « L’école inclusive a été la vitrine de la politique ministérielle, avec l’accueil de plus en plus d’enfants en situation de handicap dans les écoles. Mais la situation est très très précaire pour les AESH, et les élèves sont très peu accompagnés, résume aussi Maud Valegeas, représentante de Sud éducation. Cela crée beaucoup de maltraitance pour les élèves et pour les collègues. »

Face à tous ces défis, qu’attendent les personnels de l’Éducation nationale d’un prochain gouvernement, d’autant plus s’il pouvait être, au moins en partie, de gauche ? « Je pense que l’important, c’est surtout de rester mobilisés sur nos établissements, de rester combattifs et d’imposer nos mots d’ordre, sans attendre quoi que ce soit d’un gouvernement qu’il soit de gauche ou qu’il soit de droite », répond la prof de philo Alexandra Colladant.

Pour Olivier Moine, prof en Isère, « on a respiré puisque l’extrême droite n’est pas au pouvoir, mais cet épouvantail écarté, on constate que depuis sept ans, c’est une école de la sélection généralisée qui a été mise en place, avec Parcoursup, la réforme du lycée, la réforme de la voie professionnelle, le choc des savoirs au collège… ».

Son syndicat, le Snes-FSU, a rencontré le Nouveau Front populaire au moment des élections pour faire part de leurs attentes. « Au niveau du second degré, ce qu’on attend, c’est l’abandon de Parcoursup, de la réforme de la voie professionnelle qui envoie des jeunes en apprentissage qui ne sont pas préparés. Et on voudrait voir moins d’élèves par classe, plus d’enseignants et de personnels d’encadrement comme les CPE et mieux payer les personnels si on veut que gens aient envie de faire ce travail. »

Tony Tremblay attend aussi de son côté « plus de postes d’enseignants, de CPE, d’AESH, d’assistants pédagogiques… La priorité c’est d’améliorer les conditions d’apprentissage des élèves, et les conditions de travail des enseignants et du personnel. » L’intersyndicale du 93 organise une première journée de mobilisation le mardi 10 septembre : « une journée de grève de rentrée pour un “choc des moyens” contre le “choc des savoirs” », signale l’enseignant.

Emma Bougerol, Rachel Knaebel 28 août 2024 28 août 2024

Photo  : À Grenoble, le 1er mai 2024, contre la reforme du collège

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23 juillet 2024 ~ 0 Commentaire

Fascisme (NPA)

Crédit Photo Manifestation contre l’islamophobie appelée par plusieurs partis, syndicats et associations, Paris, 10 novembre 2019. © Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas
Julian Mischi Revue L’Anticapitaliste n° 158 (juillet 2024)

Comment l’extrême droite française prospère au détriment de la gauche

Les travailleurs et travailleuses français·es votent davantage pour le Rassemblement national que pour d’autres partis, mais dans leur grande majorité, ils et elles ne votent pas du tout : Marine Le Pen a su exploiter le vide laissé par le déclin des organisations ouvrières.

Pendant des décennies, la gauche française a été dominée par le Parti communiste (PCF), qui a su construire de solides réseaux dans la classe ouvrière tout au long du 19e siècle. Mais son déclin à partir des années 1980, étroitement lié à la destruction des conditions sociales et organisationnelles qui ont longtemps permis la participation des travailleurs/ses à la vie politique française, a donné à des groupes sociaux et à des militant·es très éloigné·es de la classe ouvrière la possibilité de s’exprimer politiquement en son nom.

Le Front national, devenu le Rassemblement national (RN) en 2018, a été l’un des principaux bénéficiaires de cette crise : bien qu’il n’ait pas de véritable base militante dans les quartiers populaires et les usines, il peut aujourd’hui se présenter comme le « parti des travailleurs ».

Grandeur et décadence d’un parti ouvrier

Fondé en tant que parti de la classe ouvrière dans l’entre-deux-guerres, le Parti communiste a été, de 1945 aux années 1970, la principale force militante et électorale de la gauche française. Son organisation était ancrée dans la classe ouvrière ; souvent dirigé par des cadres qui en étaient issu·es, son poids politique était d’autant plus important que la classe ouvrière avait plutôt une bonne cohésion sociale.

Les ouvriers qualifiés de la métallurgie et les salarié·es des entreprises publiques à statut protégé (rail, gaz ou électricité) y jouaient un rôle clef. La proximité entre les lieux de travail et les zones résidentielles permettait en outre que l’activité politique déployée sur les lieux de travail s’étende facilement aux lieux de vie.

Mais la crise industrielle de la fin des années 1970 a frappé les couches supérieures des classes populaires, dont étaient issus la plupart des dirigeant·es communistes. La précarisation de l’emploi et les effets durables du chômage de masse provoquèrent un recul des luttes sociales en fragilisant la transmission de la culture de classe : de plus en plus de travailleurs/ses s’embauchèrent dans de petites entreprises ou dans des emplois isolés du secteur tertiaire, toujours plus éloignés de leur lieu de vie. Or dans ces conditions de travail dégradées, la distinction entre salarié·es et employeurs ne prend plus la même forme qu’à l’usine, et l’organisation syndicale n’en est que plus difficile.

Si les transformations de la production et des conditions de vie de la classe ouvrière ont contribué au déclin du parti, les politiques menées par ses dirigeants l’ont accéléré.  Pour de nombreux ménages ouvriers, le PCF est associé au démantèlement de l’industrie en raison de son rôle dans les gouvernements français de 1981-1984 et de 1997-2002.

La crise de la sidérurgie dans l’est de la France s’est aggravée avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. En 1997, le gouvernement dit de « gauche plurielle », qui comprend des ministres PCF, lance une vague de privatisations. La déception à l’égard du gouvernement dirigé par le Parti socialiste affecte également le PCF, d’autant plus qu’il lui était associé dans la gestion des conseils municipaux depuis les années 1970.

Il y a également eu une rupture idéologique. Dans les années 1990 et 2000, l’ancien « parti de la classe ouvrière » tend à perdre son orientation de classe. Loin de se présenter comme un parti de classe, l’objectif du PCF est alors simplement d’être représentatif de la « société » dans sa « diversité », au détriment des intérêts spécifiques de la classe ouvrière et de la priorité donnée à la lutte contre l’exploitation capitaliste. La volonté de construire une image nouvelle, « moderne » et « ouverte », de la politique communiste qui a accompagné le rejet explicite du stalinisme s’est également traduite par le mépris des approches « ouvriéristes » et des structures du centralisme démocratique.

Certes, le travail de tri de la base militante du PCF laissait peu de place à la démocratie interne. Mais il avait bel et bien permis de constituer un corps de dirigeant·es issus de la classe ouvrière. Au fur et à mesure que le nombre de membres du parti a diminué, le langage de « l’ouverture à la société » a encouragé une intégration encore plus grande du PCF dans les rouages institutionnels de la politique locale comme nationale.

Les processus de sélection, de formation et de promotion des militant·es de la classe ouvrière s’en sont trouvés affaiblis, et l’organisation du PCF s’est réorientée vers les classes moyennes. Les ouvrier·es et les employé·es ont eu tendance à être marginalisé·es au sein de l’appareil du PCF, où se sont mises à prédominer les catégories les plus éduquées, telles que les enseignant·es et les cadres.

De même, le mouvement syndical a perdu du poids dans la composition de la direction du PCF. À sa place, les responsables politiques ont gagné en influence : la proportion d’élu·es, de chef·fes de projet, d’attaché·es parlementaires et autres figures d’autorité locale, s’est accrue, et la relation entre le parti et les populations locales dépend de plus en plus du rôle des cadres, des élu·es locaux ou des fonctionnaires, et de moins en moins de l’activité des militant·es du parti.

Maintenir un ancrage dans l’administration locale est devenu un objectif central, et le fait d’avoir une formation universitaire ou de posséder des compétences managériales est désormais considéré comme un avantage pour rejoindre le PCF et grimper dans sa hiérarchie interne.

L’extrême droite et la structure des classes sociales

C’est dans ce contexte d’affaiblissement de l’ancrage du PCF dans la classe ouvrière que le parti d’extrême droite a commencé à se développer. Bien que le Front national ait bénéficié d’une base électorale importante au sein de la classe ouvrière à partir du milieu des années 1980, son ancrage en termes de structuration de classe n’était pas celle du PCF qui, lui, était fondé sur une alliance entre des syndicalistes de la classe ouvrière et des membres de la petite bourgeoisie culturelle (enseignant·es, travailleurs/ses sociaux et culturels).

Ce n’est pas le cas du parti de Le Pen : ses réseaux sont presque toujours construits autour de convergences entre une petite bourgeoisie indépendante (commerçant·es, artisan·es) et les salarié·es de l’artisanat et des petites entreprises, qui sont souvent enfermé·es dans des relations de proximité et de dépendance personnelle avec leurs patrons.

Le parti compte également sur le soutien des cadres et des professions intermédiaires du commerce de détail, un groupe socioprofessionnel en expansion qui est au cœur des transformations récentes du secteur privé.

Il serait donc réducteur d’envisager la montée en puissance des idées du Rassemblement national sous le seul angle de la désindustrialisation. Elle se nourrit également de la recomposition du monde du travail et du maintien de l’emploi industriel sous des formes spécifiques, par exemple autour de l’industrie agro-alimentaire.

Le Rassemblement national ne gagne pas nécessairement du terrain chez les catégories indépendantes en situation de déclassement. De fait, le basculement de la population vers l’extrême droite peut trouver son origine dans une mobilité professionnelle ascendante, souvent liée à l’accession à la propriété dans les zones rurales : le vote RN y a pris une telle ampleur qu’il rassemble aujourd’hui différents types de profils sociaux partageant une même vision positive du modèle de l’indépendance et de la réussite individuelle.

Dans certains contextes, le RN a permis à des personnes issues des classes populaires de rejoindre ses listes aux élections locales, intégrant ainsi des personnes souvent exclues de la compétition politique.

Mais à la différence du PCF des décennies précédentes, il ne s’agit pas d’une stratégie délibérée. Les dirigeant·es du Rassemblement national cherchent plutôt à présenter des candidat·es disposant d’une combinaison de capital économique et culturel, comme les professions libérales, mais leur volonté se heurte à la faiblesse de leurs forces militantes et à la composition sociale de leur base électorale.

Un électoralisme sans militantisme

Si le parti d’extrême droite s’est inspiré du PCF dans les années 1990, il est loin d’être structuré sur le même modèle : dans les quartiers populaires, le RN reste peu organisé, ses réseaux sont fragiles, son pouvoir municipal est relativement limité et son implication dans les associations de quartier est faible.

À l’issue des élections municipales de 2020, il n’a remporté que seize municipalités et vingt-six conseiller·es départementaux dans toute la France, ce qui est loin de sa force aux élections nationales. Marine Le Pen est arrivée en deuxième position aux élections présidentielles de 2017 et 2022, mais ces scores se traduisent encore difficilement au niveau local et en termes de base militante.

S’il est vrai que le parti monte en puissance depuis plusieurs années, avec une augmentation du nombre de ses élu·es, notamment des député·es, les cas où il a construit une présence structurée au niveau local – comme à Hénin-Beaumont, ancienne ville minière du nord de la France qui a aujourd’hui un maire RN – restent exceptionnels.

Alors que les médias présentent souvent les classes populaires comme la principale base de soutien du Rassemblement national, il faut pourtant signaler que ce parti n’a jusqu’à présent trouvé que peu de légitimité parmi les organisations ouvrières existantes. Il ne prospère qu’à ses marges, précisément lorsque les grandes entreprises – foyers de la lutte sociale et de l’organisation syndicale –  ferment et que les solidarités ouvrières se désagrègent ou se reconstituent en dehors des syndicats. Les salarié·es des grandes entreprises, en particulier dans le secteur public où il existe encore des traditions de lutte, soutiennent beaucoup moins le RN.

Il serait donc erroné de penser qu’il a pris la place qu’occupait le PCF dans les quartiers populaires, notamment dans les zones rurales, où son audience électorale est pourtant très forte.

Il a encore du mal à trouver des candidat·es pour se présenter aux élections dans plusieurs localités, même là où il a obtenu beaucoup de voix. Il ne s’agit pas de minimiser ou de sous-estimer son influence : la dynamique est incontestablement de son côté.

Mais il reste que sa croissance électorale ne s’accompagne pas nécessairement de la construction d’une présence locale structurée, et le RN peine à s’implanter dans le militantisme. Les études de sociologie politique montrent que les manifestations de soutien au parti au niveau local sont largement informelles : elles sont en grande majorité le fait de sympathisant·es non affilié·es qui se réunissent, par exemple, dans un club de pêche ou dans un café.

Ainsi, les idées du RN se répandent sur fond de désintégration de la gauche. C’est de ce côté du spectre – la gauche militante – que la résistance de la classe ouvrière peut être observée. Mais celle-ci se manifeste moins à travers le PCF qu’à travers le mouvement syndical.

La force du Rassemblement National en milieu rural

Dans les petites villes rurales, où le RN accumule un nombre de voix assez important, les militant·es de gauche sont de plus en plus rares. Souvent, seuls les réseaux syndicaux restent actifs pour défendre les valeurs progressistes contre les idées d’extrême droite, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les quartiers.

J’ai pu le constater lors d’une étude de terrain dans une localité rurale et ouvrière du centre-est de la France, où le vote RN est important et en progression constante. Dans la ville de trois mille habitant·es située au cœur de cette zone, Marine Le Pen est arrivée en tête des trois élections présidentielles auxquelles elle a participé et a connu une progression fulgurante : 22 % en 2012, 30 % en 2017 et 38 % en 2022. Lors de ces dernières élections, elle a obtenu 59 % au second tour, devançant nettement Emmanuel Macron.

Première force électorale loin devant les autres partis, le Rassemblement national n’a pas de militant·es déclaré·es au niveau local et n’est pas en mesure de constituer une liste pour les élections municipales.

Ses candidat·es aux élections départementales de 2015 étaient inconnu·es de la grande majorité des habitant·es et des élu·es locaux : une jeune femme de 23 ans, inscrite en école d’infirmières à Paris, au parti depuis seulement un an, et un enseignant de 27 ans qui vit et travaille dans le chef-lieu du département. Membre de réseaux chrétiens fondamentalistes, il avait adhéré au parti quatre ans auparavant.

Aucun·e des candidat·es n’habite la région, pas plus que leurs colistier·es (un étudiant en droit travaillant dans un cabinet parisien et une femme d’affaires inconnue dans la région). Le parti n’a pas été en mesure de présenter des candidat·es aux élections départementales suivantes, en 2021, et le candidat aux élections législatives de 2017 a été mis à l’écart pendant un certain temps après les élections, avant de finalement abandonner la région.  En 2022, un nouveau candidat aux législatives – avocat au Barreau de Paris – s’est hissé au second tour.

Cette situation est loin d’être exceptionnelle. Dans l’une des quelques municipalités gagnées en 2014, dans le sud de la France, la liste d’extrême droite était menée par des personnes peu connues de la population, ayant peu d’histoire active au sein du parti, et qui ont elles-mêmes été surprises d’être élues.

Chaque fois que la ville du centre-est de la France que j’ai étudiée se rend aux urnes pour des élections nationales, la grande majorité des personnalités impliquées dans la sphère publique locale (élu·es, membres d’associations, syndicalistes, candidat·es, etc.) expriment leur incompréhension face aux résultats généraux, qui semblent en décalage avec la campagne menée sur le terrain, où le RN est absent.

Ces habitant·es impliqué·es dans les organisations et associations de la scène municipale sont principalement issu·es des couches supérieures de l’espace social local provenant des classes moyennes : enseignant·es, cadres moyen·nes, commerçant·es, agent·es de maîtrise, employé·es de bureau, ingénieur·es, etc. Les figures ouvrières, pourtant majoritaires dans la population générale, sont moins présentes. Une exception : les cheminot·es.

Les cheminot·es contre l’extrême droite

J’ai mené mon enquête de terrain principalement auprès des cheminot·es, en particulier des membres de la CGT, qui représente la majorité des salarié·es de la SNCF. Parmi les facteurs expliquant le maintien de l’engagement syndical des cheminot·es dans cette petite ville, on peut citer une longue histoire remontant au 19e siècle marquée par la présence d’un atelier de maintenance employant près de trois cents personnes.

Les cheminot·es bénéficient d’une certaine stabilité professionnelle qui facilite leur engagement politique. Ils et elles disposent de ressources, et d’une continuité d’emploi que n’ont pas d’autres figures ouvrières locales en situation plus précaire (métallurgistes, ouvrier·es d’abattoirs, menuisier·es, employées de maison, assistantes maternelles, employé·es de supermarchés, maroquinier·es, etc.)

Cependant, les cheminot·es ne sont pas isolé·es de ces éléments des classes populaires les plus pauvres : leurs conjoint·es, comme leurs enfants, ont souvent du mal à trouver un emploi stable, et beaucoup sont en situation précaire. Dans le secteur privé, ils ou elles n’ont généralement pas trouvé de syndicats, et leur expérience du travail subalterne a nourri un sentiment d’injustice sociale : une méfiance à l’égard de l’autorité patronale qui peut alimenter le vote pour l’extrême droite. Ce n’est que lorsque ces travailleurs/ses ont atteint une certaine stabilité au sein de la SNCF que la question de l’affiliation syndicale se pose réellement.

Le vote d’extrême droite se nourrit du rejet des figures fantasmées de « l’étranger », du « musulman », de « l’assisté », autant d’images véhiculées par les débats médiatiques et les leaders politiques de droite, mais aussi de plus en plus de gauche. Cependant, la socialisation dans certains syndicats – comme la CGT cheminots – est orientée vers des valeurs progressistes, vers la découverte des causes sociales et politiques de la situation de chacun·e.

Si une lecture racialisée des divisions sociales peut prévaloir au sein de la classe ouvrière locale, elle n’apparaît guère au sein du syndicat lui-même. Parmi les dirigeant·es syndicaux, la proximité avec le RN et ses valeurs est explicitement condamnée comme un obstacle à la prise de responsabilité.

Ainsi, lors d’un débat interne, une syndicaliste de trente-cinq ans émet des réserves sur l’intérêt de « recruter des adhérent·es pour le plaisir » : prenant l’exemple d’un jeune cheminot affilié au syndicat qui, selon elle, n’a pas « l’ouverture d’esprit » attendue d’un membre de la CGT, elle associe explicitement les valeurs syndicales à des attitudes morales telles que la tolérance à l’égard des immigré·es et des homosexuel·les.

Même si entre syndiqué·es, le racisme et le sexisme peuvent s’exprimer sous une forme ou une autre, ces opinions ne peuvent pas trouver une expression légitime au sein du collectif syndical lui-même. Elles viennent de la marge, c’est-à-dire des travailleurs/ses les plus éloigné·es du syndicat, et sont vouées à provoquer des interpellations.

Cette prise de distance avec le parti d’extrême droite est le résultat d’une socialisation politique au sein du syndicat. Mais elle peut aussi être un moteur d’adhésion à la CGT. C’est le cas de Stéphane, responsable des jeunes de la CGT, qui se dit « sensible au discours du syndicat » dès son adhésion, « en lien avec tout ce qui était [son] idéologie d’origine » et « la lutte pour la justice sociale ».

Sa « révolte contre l’injustice » vient en partie de ses pratiques culturelles d’adolescent fan de groupes de rock punk de gauche. Particulièrement sensibilisé à l’antiracisme, il a eu, lors de son entrée à la SNCF au début des années 2000, plusieurs « bagarres » avec ceux qui « disaient des choses racistes ». Lorsque Stéphane est arrivé, un autre syndicat dominait sa salle d’affectation, dont le représentant s’est joint à ces propos racistes. « Puis il s’est calmé. Il s’est calmé le jour où un gars, Mehdi, qui était […] français mais d’origine maghrébine, est arrivé ». La présence de Stéphane et de Mehdi a fait reculer l’atmosphère ouvertement pro-Le Pen.

Stéphane a poursuivi son combat dans l’arène politique locale, où il a rejoint l’opposition contre le maire élu en 2008 dans sa ville de quatre mille habitant·es. Le maire, agent général d’assurance indépendant, avait été candidat pour le RN en région parisienne au début des années 1990. La mobilisation sociale des employé·es municipaux et les protestations des militant·es antifascistes, étroitement liées aux réseaux des syndicats des employé·es à statut protégé (tel·les que les cheminot·es et les fonctionnaires locaux) et des enseignant·es, ont contribué à mettre fin à son mandat en 2014.

Les absences de la gauche

Comme on peut le voir dans ce cas, les syndicalistes jouent un rôle clé pour contrer l’influence de l’extrême droite dans les quartiers populaires. Les alliances syndicales locales permettent aux militant·es de se rencontrer en dehors du lieu de travail. Cependant, en ces temps de répression antisyndicale intense, les militant·es syndicaux sont souvent contraint·es de se concentrer uniquement sur leur lieu de travail et le soutien politique qui peut leur être apporté reste faible.

Loin de chercher à renforcer le syndicalisme – ce qui serait un moyen de contrer l’extrême droite –, les gouvernements français successifs, notamment la présidence du socialiste François Hollande (2012-17) puis de son ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, ont encore affaibli les contre-pouvoirs des travailleurs/ses sur leur lieu de travail, dans un contexte de déstabilisation croissante de la condition ouvrière.

En outre, le fonctionnement des partis de gauche tend à marginaliser les classes populaires et leurs représentant·es syndicaux. La direction de la principale force de gauche, La France insoumise, refuse toute structuration avec de vrais adhérent·es, des congrès, le développement de groupements locaux, etc. Explicitement conçue comme un mouvement et non comme un parti, LFI doit lutter durement pour exister en dehors des périodes de campagne électorale et prendre pied dans la vie de la classe ouvrière. Le mouvement s’appuie principalement sur ses député·es et sur la mobilisation des catégories sociales éduquées, sans pouvoir faire appel aux structures militantes des quartiers populaires et des zones rurales.

Le modèle historique du PCF, comme celui du Parti socialiste avec ses différents courants internes, est aujourd’hui un modèle que La France Insoumise rejette expressément. Et à juste titre, en ce qui concerne le manque de démocratie interne du PCF. Mais il y a peut-être des leçons politiques à tirer de l’histoire centenaire du PCF en ce qui concerne la mobilisation des classes populaires. Celle-ci était assurée par diverses pratiques collectives qui accordaient une grande importance à l’origine sociale des militant·es et valorisaient le rôle des syndicalistes.

Aujourd’hui, on rejette l’organisation formelle pour lui substituer un mouvement lâche de sympathisant·es, qui valorise à tout prix « l’horizontalité » et les stratégies individuelles de personnalités issues de la « société civile » ou de parlementaires. Mais une telle stratégie s’avère insuffisante pour assurer l’enracinement dans la classe ouvrière d’une alternative politique au capitalisme, voire d’une lutte contre l’extrême droite. C’est un combat qui se joue non seulement dans les urnes, mais aussi sur le terrain, dans les lieux de vie et de travail au quotidien.

https://lanticapitaliste.org/

Version réduite et traduite de l’espagnol, avec l’aide de DeepL, de l’article paru le 6 mai 2024 dans la revue Jacobin.

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18 juillet 2024 ~ 0 Commentaire

Syndicats ( Basta)

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« Notre force, c’est qu’on connait le monde du travail » : à la permanence juridique d’un syndicat

Heures sup’ non payées, licenciement abusif, discriminations… les syndicats de chaque secteur organisent des permanences juridiques hebdomadaires pour répondre aux problèmes des travailleurs. Reportage auprès de salariés du commerce à Paris.

« C’est ici la permanence ? » Cela fait à peine une demi-heure que la permanence juridique hebdomadaire du syndicat Sud commerces et services a ouvert à la Bourse du travail de Paris quand Damien [1] se présente sur le palier du bureau 309. Ce mardi 18 juin, Gwen Berthe et François Vidit sont là pour écouter et conseiller la dizaine de travailleurs et travailleuses du tertiaire qui passera la porte du syndicat cet après-midi.

« Ça dépend, vous bossez dans quel secteur ? », répond Gwen au nouvel arrivant. Depuis 2015, Damien assure les « after » dans une discothèque parisienne en tant que DJ, de 5 à 11 heures du matin. Payé en espèce, il ne détient aucune fiche de paie. « J’ai demandé au patron de me faire des déclarations parce que j’ai entendu qu’il voulait vendre la boîte et je n’ai rien eu. »

En deux temps trois mouvements, Gwen sort une feuille sur laquelle il détaille le situation de Damien. « Tu ne sais pas ce que tu vas devenir avec la reprise du commerce et tu aimerais être reconnu comme salarié ? » Damien acquiesce. « C’est un peu particulier, normalement si tu bosses sans fiche de paie, c’est un CDI à temps plein », poursuit le syndicaliste.

Apporter des preuves

Théoriquement, ne rien signer 48 heures après sa première heure d’activité équivaut à un contrat de travail à durée indéterminée. Sans déclaration ni cotisations sociales à l’Urssaf, l’employeur s’expose au délit de travail dissimulé. Le problème réside ici dans la prescription. « Pas sûr que les Prud’hommes remontent jusqu’à 2015. Ça me paraît plus envisageable à partir de 2022 », explique le membre de Sud.

Damien doit apporter des preuves de son activité dans la discothèque : appels de l’employeur, messages, mails, photos, virements. « Ce n’est pas un problème », élude le DJ. « C’est moi qui en jugerai, rectifie Gwen dans un sourire. Je regarderai s’il y a assez d’éléments pour caractériser la relation de travail. Le mieux est d’avoir des attestations de tes collègues écrites à la main. » Damien pense pouvoir obtenir dix à quinze collègues prêts à se prononcer en sa faveur.

À partir de là, la procédure est simple : une demande de certificat de travail pour régulariser la situation est envoyée à l’employeur. En cas de refus, c’est la saisine des Prud’hommes. Un parcours simple mais long : le jugement n’aura pas lieu avant un an et demi. Damien ne s’en formalise pas et promet de revenir la semaine prochaine avec ces documents en poche. Entre temps, il retournera mixer dans la boîte ce week-end.

Justiciers du travail

Avant qu’il s’en aille, on l’interroge sur comment il a atterri ici. « Au conseil de prud’hommes, on m’a donné une fiche d’information avec la liste des numéros », répond Damien. Chaque organisation syndicale propose auprès de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets), des noms de défenseurs syndicaux. Comme François et Gwen, ces derniers peuvent défendre la cause de salariés en litige avec leur employeur devant le conseil de prud’hommes.

Légalement, ils bénéficient de dix heures d’absence de leur travail par mois. En pratique, cet accompagnement aussi invisible que précieux des travailleurs empiète sur le temps libre. D’autant plus lorsque la permanence hebdomadaire tombe sur le jour de repos de François. Mais ce guide touristique y voit l’occasion « d’être confronté à d’autres réalités, de s’aérer de ses propres conflits au travail. »

Ces justiciers ne sont pas des professionnels du droit, mais avant tout des syndicalistes. « Souvent, on est pris de haut par les avocats des employeurs qui, généralement sont juristes d’affaires ou fiscaux, constate Gwen, défenseur depuis juillet dernier. Notre force c’est qu’on connait bien le monde du travail ».

Dossier après dossier, ils se transforment en juristes confirmés, en stratèges procéduriers. « Je ne vais au tribunal que lorsque je pense qu’il est possible de gagner », prévient le syndicaliste. Qu’importe le montant de l’indemnité espérée par le salarié : « Une fois, j’y suis allé pour 80 euros ». Autre différence avec les robes noires, et pas des moindres, ces défenseurs ne tirent pas d’argent des affaires défendues. De l’avis de François, la récompense de leur engagement est avant tout symbolique : « Quand on arrive à décoincer une situation, à réparer une injustice, c’est gratifiant ! »

Burn-out et solidarité

À l’heure où le syndicalisme est parfois décrié pour sa bureaucratie ou son corporatisme, à l’heure où l’individualisation salariale émiette les collectifs de travail, cette solidarité concrète et désintéressée peut détonner. Bien souvent, les visiteurs des permanences ne s’encarteront pas ou ne reviendront jamais au syndicat. Avant de donner de son temps, Gwen Berthe a été l’un d’eux. Il y a cinq ans, cet animateur d’Escape Game a été victime d’un burn-out.

Une personne retraitée, repérée sur une liste de conseillers salariés [2], l’a alors soutenu tout au long de sa procédure de rupture conventionnelle. Une fois tiré d’affaire, le désormais vendeur dans une boutique de jeux de société réalise que le membre de la CGT qu’il ne connaissait « ni d’Eve ni d’Adam », l’a aidé à défendre ses droits sans rien lui demander en retour.

« Je me suis dit que la moindre des choses était de cotiser à un syndicat. Manque de chance pour ce cégétiste, j’étais plus radical donc je suis allé à Sud, rigole-t-il aujourd’hui. Il y a un an et demi, je suis passé au syndicat pour ma cotisation, on m’a demandé si je ne voulais pas filer un coup de main. »

Depuis, le trentenaire n’a pas raté une permanence. Aujourd’hui, c’est lui qui forme les futurs défenseurs à monter un dossier prud’homal [3]. C’est cette transmission du savoir-faire syndical acquis, de l’expérience militante accumulée qui se distille au gré des permanences…

Contester un licenciement

À 14h55, Ada, la cinquantaine, montre à Gwen son téléphone sur lequel s’affiche sa feuille de paie. Elle travaille comme lingère dans un grand hôtel parisien, mais est embauchée par une autre entreprise en tant qu’agente de service. Sa convention collective devrait l’amener à être prise en charge par Sud nettoyage mais le membre de la section Commerces choisit de l’aider malgré tout.

« Ils m’ont convoqué à un entretien préalable au licenciement le 1er juillet, j’étais étonnée », dit Ada. La femme est mise à pied depuis le 11 juin. En mars dernier, alors qu’elle œuvre dans son atelier sont jetés à la poubelle des « chapeaux publicitaires ». Une assistante en sort un et lui pose sur la tête : « Ça vous va bien, vous devriez les prendre ». Ada repose alors les couvre-chefs derrière les fers à repasser.

À son retour de congés dix jours plus tard, les chapeaux n’ont pas bougé, ils se sont simplement alourdis de poussière. En tant que couturière, Ada se perfectionne grâce à des tutos YouTube. Elle prend ce jour-là les chapeaux pour réaliser des patrons de couture. Mais à l’entrée de l’hôtel, la directrice l’interpelle : « Remettez ça, ce sont nos chapeaux. » « Je n’osais pas dire devant les voituriers et les agents de sécurité que je les avais trouvés dans la poubelle, confie Ada à la permanence syndicale. Après, le chef m’a demandé pourquoi j’avais pris ces chapeaux. »

En larmes, Ada regrette : « J’aurais dû réagir. » Gwen évacue ce détail : « Le plus important, c’est que vous soyez venue. Avez-vous confiance en quelqu’un sur votre lieu de travail ? » « Non », répond Ada. « Si vous allez seule à cet entretien, ils vont vous faire des reproches, vous devez absolument ne rien dire », précise le conseiller.

« L’épreuve » de l’entretien de licenciement

Chamboulée, Ada n’en revient pas qu’on ose l’accuser. De surcroît, elle devrait ne pas se défendre ? Gwen la rassure : « Pour la justice, votre silence ne veut rien dire. » Juste à côté, François cesse de taper sur l’ordinateur et intervient : « L’entretien de licenciement est une épreuve, il faut se préparer mentalement. Dites-vous que le ciel peut vous tomber sur la tête… La meilleure stratégie, c’est de se taire. »

Et d’enregistrer l’entretien. La retranscription mot à mot des échanges, autorisée selon un jugement de la Cour de cassation, évite le « parole contre parole » devant le tribunal. Selon l’issue de l’entrevue, Ada reprendra son travail le 1er juillet, ou le perdra… auquel cas elle reviendra voir Sud Commerces pour contester ce licenciement. François et Gwen ne sont ni coach de vie ni psychologues. « C’est difficile, mais on ne peut pas tomber dans la sensiblerie si on veut gagner », confie François Vidit.

Mensonges de l’employeur

16 heures. Hichem Aktouche, le secrétaire de Sud Commerce entre dans le bureau 309. Il revient d’une audience aux Prud’hommes, accompagné de Mme. T, souriante. Une conciliation a été trouvée avec son employeur. Celui-ci doit lui verser 15 000 euros de rappel de salaires.

En 2019, cette femme marocaine avait obtenu un poste de vendeuse dans une boulangerie du centre-ville de la capitale. Mme T. se tient derrière la caisse six jours sur sept, de 14 heures à 21 heures. Au moins 42 heures par semaine, 160 heures par mois, payées autour 1250 euros. Sa rémunération horaire avoisine les 7,35 euros. Parfois, une prime de 50 euros venait compléter le salaire, mais sans feuille de paie.

En octobre 2021, Mme T. a voulu prendre des vacances. « Le patron m’a dit : “OK, prends tes congés payés, par contre tu ne reviens pas” ». Officiellement, l’entreprise ne connaîtrait pas Mme T. Problème : lors de la crise sanitaire de 2020 chaque personne devait justifier sa présence dans l’espace public. « Pendant le confinement, le patron a signé toutes les attestations de déplacement pour éviter que la police m’arrête en allant au travail. » Autres éléments : la seule employée française de la boîte a signé un formulaire témoignant de la présence de Mme T. Enfin, des captures d’écrans de vidéosurveillance prouvent la présence de Mme T. au travail.

Du dossier épais de l’affaire, Hichem tire une retranscription écrite d’un ancien message vocal laissé à Mme T. On y lit des menaces à peine voilées pour qu’elle retire son témoignage en faveur d’un ex-collègue. « Ils ne pouvaient plus nier la relation de travail », se félicite Hichem. Lors de l’audience prud’homale, l’entreprise ne se démonte pas et présente… des bulletins de salaires soudainement retrouvés. Sauf que ceux-ci ne correspondant pas aux mois travaillés.

Solution de compromis

Avec tous ces éléments, Mme T. aurait pu espérer 30 000 à 45 000 euros d’indemnités en bout de procédure. Ce sera finalement 15 000. Car les Prud’hommes cherchent souvent une solution de compromis sur le fond. Mme T. projette aujourd’hui de quitter la France et est soulagée d’en finir. « Tout ça, c’est grâce à Hichem », sourit-elle.

Défenseur depuis 2011, Hichem Aktouche n’a pas découvert la lutte dans les bouquins de droit mais dans les fast-food. En 2006, il livre des pizzas le soir, tout en étudiant la journée. Il ne compte pas ses heures, le patron non plus. « Sa logique c’était : on a fini quand le travail est terminé », indique-t-il. Seul français de l’équipe, Hichem mobilise ses collègues et obtient le paiement des heures supplémentaires.

Il devient représentant syndical CGT. En guise de remerciement, il est menacé à la sortie de son boulot. Trois ans plus tard, il y travaille toujours, et il est délégué syndical Sud. « Ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir obtenu la subrogation des salaires », jargonne Hichem. En cas d’accidents du travail, plutôt fréquents dans le monde de la livraison express de pizza, l’assurance-maladie tarde à verser les indemnités aux salariés.

Dans le fast-food d’Hichem, grèves et négociations ont permis le maintien de rémunération le temps que la Sécurité sociale le rembourse l’employeur… Hichem Aktouche a finalement été élu permanent syndical en 2018. Pour continuer à aider les salariés du secteur face aux magouilles de certains patrons.

Ludovic Simbille 18 juillet 2024

https://basta.media/

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13 juillet 2024 ~ 0 Commentaire

Syndicats (CGT SUD)

Syndicats (CGT SUD) dans Macronie 616662396_socialmedia
Sophie Binet.

«La pression populaire doit continuer»

Entretien avec Sophie Binet conduit par Amandine Cailhol et Frantz Durupt

La secrétaire générale de la CGT salue la victoire du Nouveau Front populaire aux législatives et prévient que, quel que soit le prochain gouvernement, son syndicat «ne compte pas ranger les drapeaux». Selon elle, «une mobilisation sociale est nécessaire» à la rentrée.

Deux jours après la victoire surprise de la gauche aux élections législatives, la bouteille de champagne est encore au frais dans le bureau de Sophie Binet. Rencontre avec la secrétaire générale de la CGT qui n’a pas encore eu le temps de trinquer à cette issue à laquelle elle estime que son syndicat a largement participé. Elle fixe ses priorités pour les semaines et mois à venir, avec une mobilisation sociale en chantier pour la rentrée.

En mars, vous sortiez un livre intitulé Il est minuit moins le quart [Grasset, 2024]. Jusqu’à dimanche soir, il était minuit moins une. Aujourd’hui, quelle heure est-il?

On est revenu à minuit moins le quart. On a réussi à remonter le temps, donc c’est une belle victoire, mais si on veut redescendre à 11 heures et demie ou à 10 heures du soir, une heure plus raisonnable, il faut qu’on ait un gouvernement qui se mette en place et qui change la vie des gens.

Pour vous, ces élections, c’est une victoire de la gauche ou une défaite de l’extrême droite?

Les deux. On espérait une défaite de l’extrême droite et on a eu en plus une victoire de la gauche qu’on est allés chercher avec les dents, notamment les syndicats. Quand on voit que cette élection s’est jouée à quelques voix près. Quand on voit le brouillage idéologique organisé notamment par Emmanuel Macron, avec une mise dos à dos de la droite et de la gauche, et tous les repères qui tombaient sur le mode «l’antisémitisme c’est la gauche», «ceux qui défendent la République c’est l’extrême droite». Que le patronat s’est positionné en fonction de ses seuls intérêts financiers, ce qui était une honte républicaine… Les organisations syndicales et la CGT en particulier ont participé à remettre la mairie au milieu du village.

Que doit-il se passer maintenant? Lors du Front populaire de 1936, des grèves massives avaient été organisées…

La pression populaire doit continuer parce que la situation est extrêmement fragile. La majorité du NFP est étriquée. Emmanuel Macron veut nous voler la victoire, il a une stratégie pour construire une majorité de centre droit et poursuivre sa politique économique et sociale [1]. Et en face, le premier groupe d’opposition est l’extrême droite. Nous sommes en sursis. Nous n’avons pas le droit à l’erreur. S’il y a un faux pas, c’est l’extrême droite qui récupère à la fin.

Que compte faire la CGT?

Dans l’immédiat, il faut que la mobilisation de la société civile continue. Mais c’est plutôt à la rentrée que les choses peuvent se passer. La CGT ne compte pas ranger les drapeaux. Une mobilisation sociale est nécessaire. Elle sera de conquête, pour gagner des avancées, pour que notre quotidien au travail change. Parce que ça fait des années et des années qu’on se mobilise pour empêcher des reculs… Les avancées sociales n’arrivent jamais toutes cuites d’en haut. Elles arrivent quand on lutte et qu’on s’organise. Nos équipes syndicales vont aussi rencontrer l’ensemble des députés républicains pour leur dire qu’ils ont donc des comptes à rendre [2].

Une mobilisation intersyndicale?

C’est bien sûr notre objectif, mais il est trop tôt pour le dire, on va avancer par étapes en continuant à se respecter.

Un syndicaliste à Matignon, ce serait une bonne idée?

Nous, on n’est pas dans le casting. Mais il faut un gouvernement qui rassemble, de l’intelligence collective. Il y a aussi une rupture démocratique à faire. Ce n’est plus possible de diriger le pays seul comme l’a fait Emmanuel Macron.

Quelles sont les mesures les plus urgentes à prendre?

D’abord l’abrogation de la réforme des retraites. Ce serait un symbole de justice et ça montrerait tout de suite qu’on fait autrement.

Comment? Une loi adoptée par 49.3 ou avec les voix du RN, ce ne serait pas gênant?

Il vaut mieux gouverner sans 49.3. Quant aux députés d’extrême droite, il y en a 143 et ils votent, on ne peut rien y faire. Le sujet se posera sur tous les textes. Mais s’ils votent l’abrogation de la réforme, ça ne contredira pas le fait que c’est le parti de l’imposture sociale. S’ils avaient été au pouvoir, il y a de gros doutes sur le fait qu’ils l’auraient abrogée. Par ailleurs, sur les salaires, ils ont dit clairement qu’ils ne voulaient pas les augmenter. C’est notre deuxième urgence.

Sur les salaires justement, que défendez-vous?

L’extrême droite prospère sur le déclassement et le fait que le travail n’est plus payé à sa juste hauteur. Il y a quasiment la moitié de la population qui ne peut plus vivre dignement de son travail, et l’autre moitié qui considère que sa qualification n’est pas reconnue. Il faut traiter les deux. Indexer les salaires sur les prix est une mesure de protection, et dans un moment où l’inflation se calme, que le patronat ne vienne pas nous expliquer que ça va mettre les entreprises en déficit. Sur le smic, il faut une mesure immédiate car on a un smic horaire, mais pas mensuel. Or, quasiment 20% des salariés, notamment les femmes, sont à temps partiel. Donc bien loin du smic mensuel.

En augmentant d’un coup le smic à 1600 euros net, il y aurait un effet de tassement des grilles, mais aussi une explosion des exonérations de cotisations patronales…

Nous, on dit qu’il faut augmenter les salaires. Quand il y aura un gouvernement, on négociera avec lui sur comment on le fait. Pour que cela ne mette pas en difficulté les petites entreprises, il faut des stratégies d’anticipation et d’accompagnement. Il y a besoin de remettre à plat les 170 milliards d’aides fiscales et sociales dont bénéficient les entreprises. Plein de multinationales n’ont pas besoin de ces exonérations. Il ne faut plus qu’elles se cachent derrière les petites entreprises pour justifier de tirer les salaires vers le bas. Les exonérations sous 1,6 smic créent un effet de trappe à bas salaire. Il faut mettre fin à cette addiction du patronat aux aides publiques. On peut mettre en place un plan de décrochage progressif pour l’aider à se sevrer.

La troisième urgence?

Ce sont les services publics. Le gouvernement devra préparer le budget 2025. Il y a besoin d’un plan d’urgence pour nos hôpitaux, nos Ehpad. L’enseignement supérieur et la recherche, la justice, c’est la cata aussi. Les 60 milliards d’euros de cadeaux par an pour les plus grandes entreprises et les plus riches peuvent être remobilisés là.

Comment allez-vous travailler avec les autres acteurs sociaux?

Pour l’instant, il n’y a pas de calendrier. Mais il faut qu’on puisse reprendre la main sur l’assurance chômage sur une tout autre base que celle qui était prévue par la lettre de cadrage du gouvernement, qui nous imposait des économies inacceptables alors que les comptes de l’assurance chômage sont au vert et que le chômage et la précarité repartent à la hausse. Il y a besoin d’améliorer les droits à la protection des privés d’emploi, y compris pour permettre les transitions environnementales nécessaires.

Est-ce que la CGT envisage d’élaborer des propositions de loi à soumettre aux députés?

Bien sûr, on l’a fait avec succès, notamment sur les questions d’énergie, et on peut continuer à le faire sur plein de questions, qui peuvent être transpartisanes. Je pense à la réindustrialisation, mais aussi aux violences sexistes et sexuelles. La CGT sera disponible pour travailler sur une loi-cadre, sur la question de l’égalité femmes hommes, avec des sanctions pour les entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale, et de vraies mesures et un vrai budget sur les violences sexistes et sexuelles.

Les syndicats porteront-ils des choses ensemble?

On peut le faire au coup par coup. Nous avons suffisamment de bouteille sur le travail intersyndical pour se dire que ça va durer. Nous sommes conscients de nos responsabilités de boussole et de rassemblement d’un pays qui est fracturé. Nous le voyons dans nos collectifs de travail, avec une explosion des situations de racisme ces dernières semaines. Il faut lutter contre le racisme et l’antisémitisme, car on ne peut pas lutter contre l’un sans lutter contre l’autre. Le patronat doit aussi prendre ses responsabilités, la question ne lui est pas extérieure.

Le RN reste aux portes du pouvoir. Comment préparer l’après dans le monde syndical?

La priorité, c’est la syndicalisation. La force citoyenne qui a permis d’éviter le pire, il faut la structurer, que les choses continuent de fonctionner par en bas. Le principe du syndicalisme, pour nous, c’est «Ni Dieu, ni César, ni tribun, producteurs sauvons-nous nous-mêmes!» Se syndiquer est aussi en soi une arme contre l’extrême droite et le racisme, car on agit alors ensemble pour ses intérêts de travailleuses et travailleurs à être mieux payés et respectés au travail. Et ces intérêts sont les mêmes quelle que soit la couleur, l’origine, la religion.

(Entretien publié par le quotidien Libération le 10 juillet 2024)

https://alencontre.org/

Solidaires dans Syndicalisme

L’Union syndicale Solidaires réunie en comité national ce jour, se félicite que la mobilisation des organisations du mouvement social ait contribué à faire barrage à l’extrême droite.

Pour autant, rien n’est réglé. Le RN augmente significativement le nombre de ses député·es et ses moyens financiers pour promouvoir ses idées rétrogrades, racistes et accentuer son imposture sociale.

Cette réalité doit questionner le syndicalisme et en particulier le nôtre, notamment nos pratiques militantes, réinventer nos actions pour améliorer le quotidien des travailleurs et travailleuses et plus globalement de l’ensemble de la population.

Les années de politiques néolibérales et la montée de l’extrême droite nous engagent à renforcer la défense quotidienne des travailleurs et travailleuses, de répondre à leurs attentes, tout en refusant toutes les discriminations et en défendant nos valeurs d’égalité, d’antiracisme, de féminisme, de liberté, de solidarité et de justice…

Pour l’Union syndicale Solidaires, les luttes à mener dans l’unité la plus large sont essentielles dans les avancées sociales, dans chaque entreprise, secteur professionnel, comme au niveau interprofessionnel.

Trois revendications d’urgence seront portées dans les prochaines semaines par l’Union syndicale Solidaires pour reconquérir nos droits, pour reconquérir ce qui nous est dû face au patronat et au capitalisme devenu roi:

– l’abrogation de la réforme retraite 2023 et le retour à une retraite à 60 ans avec 37,5 annuités;

– exiger notre dû: l’augmentation des salaires dans le public comme dans le privé et le SMIC à 2000 euros nets;

– la défense, l’accès et le développement des services publics de qualité partout sur le territoire, gages d’égalité, de cohésion sociale, d’accès aux droits. Ces services publics sont indispensables pour la bifurcation écologique;

Pour l’Union syndicale Solidaires l’urgence est de gagner concrètement. Quel que soit le gouvernement en place.

C’est pourquoi, dès maintenant, l’Union syndicale Solidaires travaille à la construction d’une mobilisation unitaire, pour gagner par la lutte, l’abrogation de la réforme retraite et le retour de la retraite à 60 ans. (9 juillet 2024)

https://alencontre.org/

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30 juin 2024 ~ 0 Commentaire

COUERON (St Nicolas de Redon)

redon

06 95 94 66 54

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23 juin 2024 ~ 0 Commentaire

Front Pop (école)

ecole

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18 juin 2024 ~ 0 Commentaire

Choc ( France Info )

Les personnels du collège Lou Blazer de Montbéliard, ce mardi 18 juin

Les personnels du collège Lou Blazer de Montbéliard, ce mardi 18 juin • © FO Education

« C’est un tri social des élèves » : à Montbéliard, opération collège-mort contre le « choc des savoirs » et les groupes de niveaux

Pour protester contre le déploiement du Choc des savoirs, des opérations « collège mort » sont organisées. Ce mardi 18 juin, à Montbéliard (Doubs), c’est au collège Lou Blazer que les élèves ne sont pas venus en cours.

Ce mardi 18 juin, ils ne sont qu’une petite vingtaine d’élèves, sur les 640 que compte l’établissement, à s’être rendus en cours, au collège Lou Blazer de Montbéliard. En zone prioritaire « REP + », dans le quartier de la Petite Hollande, personnels et parents d’élèves y ont organisé une opération « collège-mort », pour protester contre la mise en place de la réforme du « Choc des savoirs » qui doit débuter en septembre 2024.

« C’est une réforme qui fait l’unanimité contre elle, et elle passe en force » résume Christophe Dubujet. Ce professeur d’Histoire-géographie, délégué du personnel du collège, demande l’abrogation de la réforme portée par Gabriel Attal. « Elle est rejetée par la totalité des organisations syndicales et des fédérations de parents d’élèves ».

Les groupes de niveaux, « tri social des élèves »

C’est le point de la réforme qui suscite la plus grande levée de boucliers : la création de « groupes de niveaux » en français et en mathématiques. En 6ᵉ et en 5ᵉ dès la rentrée prochaine, puis en 4ᵉ et 3ᵉ en septembre 2025.

« Il s’agit de supprimer le groupe classe et de remplacer par des groupes de niveaux : des groupes avec des élèves les plus en difficultés, de niveau standard et en facilité » détaille Christophe Dubujet. « Pour nous, c’est un tri social de nos élèves, et on y est opposés ». Selon les syndicats enseignants, ces groupes de niveaux casseront les dynamiques de « groupe classe », ou les meilleurs participaient à porter et encourager les élèves en difficulté.

Dans un tract distribué aux parents d’élèves, les personnels estiment que ces groupes entraîneront une « accentuation des inégalités et stigmatisation des élèves en difficulté », ainsi qu’une « désorganisation des emplois du temps »« À Delle près de Belfort, on leur demande de faire les groupes sans heures supplémentaires » rapporte le délégué du personnel à Lou Blazer, également secrétaire adjoint de FO Éducation dans le Doubs, « donc on va supprimer les dédoublements de classe en physique, en mathématiques, et on va piocher des heures dans d’autres dispositifs qui fonctionnent ». 

Le mouvement critique également les nouveaux programmes, très détaillés, ainsi que les nouveaux ouvrages de cours, qui suppriment selon les organisations syndicales enseignantes la liberté d’enseignement.

Portée par les parents d’élèves qui choisissent de ne pas envoyer leur enfant au collège, la mobilisation de ce mardi à Lou Blazer porte aussi contre la suppression d’une heure de technologie en 6ᵉ, d’une heure en moins pour les cours en Segpa, et de l’obligation d’avoir le brevet des collèges pour entrer en seconde, « barrière pour entrer au lycée ».

Johanna Albrecht  18/06/2024

https://france3-regions.francetvinfo.fr

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11 juin 2024 ~ 0 Commentaire

Sursaut (Basta)

Sursaut (Basta) dans Syndicalisme

Syndicats, mouvements féministes et société civile appellent à un « sursaut démocratique et social »

Abasourdis par la dissolution de l’Assemblée nationale suite aux élections européennes, les syndicats et la société civile construisent la riposte. La CGT soutient l’émergence d’un « front populaire » appelé par certains dirigeants de gauche.

Deux chocs à une heure d’intervalle. Une première secousse dimanche dès 20h, avec les résultats des élections européennes. Ils donnent Jordan Bardella largement en tête avec 31,5 % des voix, devant la candidate macroniste Valérie Hayer à 14,6% – soit deux fois moins de voix – et le candidat de la liste socialiste Raphaël Glucksmann à 13,8 %. L’ensemble des listes d’extrême droite avoisine les 40 %. Les listes de la France Insoumise (9,89 %), des Républicains (7,25 %), d’Europe Écologie (5,5 %) et de Reconquête (5,49 %) obtiennent également des députés européens.

Puis après 21h, le saut dans le vide : Emmanuel Macron prend tout le monde de court en annonçant une dissolution immédiate de l’Assemblée nationale, avec l’organisation d’élections législatives hasardeuses, comme le réclamait le Rassemblement national. Celles-ci auront lieu dans trois semaines, en deux tours, les 30 juin et 7 juillet.

L’extrême droite jubile et se voit déjà aux affaires dès l’été. Un scénario possible, puisque le RN, en pleine dynamique politique, fait office de favori du prochain scrutin et a déjà décidé de proposer Jordan Bardella comme Premier ministre en cas d’obtention d’une majorité parlementaire.

Face au risque d’une arrivée imminente de l’extrême droite aux commandes, les principales formations de gauche ont commencé à se réunir le 10 juin au siège des écologistes pour tenter de former une alliance électorale.

L’objectif : contredire le scénario écrit d’avance par Emmanuel Macron d’un face à face entre l’option libérale affaiblie qu’il incarne et l’extrême droite au pouvoir. Plusieurs personnalités de la gauche politique, dont François Ruffin, ont soutenu la création d’un Front populaire qui dépasse les seuls partis politiques et leurs divisions, très fortes depuis des mois.

Dans la soirée, l’ensemble de ces partis de gauche (LFI, PS, Ecologistes, PCF…) se sont mis d’accord sur le principe de candidature unique dès le premier tour dans les 577 circonscriptions et sur l’élaboration d’un programme commun « de rupture détaillant les mesures à engager dans les 100 premiers jours du gouvernement du nouveau front populaire ». Ils en appellent également à « toutes les forces de gauche humanistes, syndicales, associatives et citoyennes ».

La CGT appelle à un « front populaire »

Cette initiative a eu des répercussions jusque dans le monde syndical. Alors qu’elle alerte depuis des années sur la montée de l’extrême droite, la CGT a décidé de publier ce matin un communiqué qui prend la mesure du caractère historique de la situation et déclare : « L’unité de la gauche est indispensable ».

Intitulé « Face à l’extrême droite, le front populaire ! », le texte reprend le terme utilisé depuis le soir du scrutin du 9 juin par plusieurs ténors de la gauche (François Ruffin, Olivier Faure, Fabien Roussel…). Ainsi, le syndicat assume d’être sur une ligne de crête au regard du principe d’indépendance syndicale, en pesant sur les tractations politiques en cours à gauche. « On prend le sujet avec gravité et on appelle à ce que le PC, EELV, la France insoumise et le PS s’unissent. Sinon en face, on risque d’avoir Bardella à l’Elysée », commente Boris Plazzi, secrétaire confédéral de la CGT.

Cette position est loin de faire l’unanimité au sein des autres organisations syndicales. Ces dernières se sont d’ailleurs réunies ce lundi 10 juin à 18h30 au siège de la CGT pour décider d’un texte commun et de potentiels appels à manifester, qui a été publié ce 11 juin : « Après le choc des européennes les exigences sociales doivent être entendues ! ». « Il faut un sursaut démocratique et social. À défaut, l’extrême droite arrivera au pouvoir », alertent les cinq centrales syndicales (CFDT, CGT, FSU, Unsa, Solidaires). « Nous connaissons ses votes en France comme en Europe, ils sont toujours défavorables aux travailleuses et aux travailleurs. »

Combien de syndicats contre l’extrême droite ?

Chez Solidaires, si l’appel à battre l’extrême droite dans les urnes ne fait pas débat, appeler à voter pour des candidats de gauche n’a rien d’évident. « La charte d’Amiens et l’indépendance syndicale restent très importantes pour nous, mais cette fois la question se pose d’autant plus que l’on a l’extrême droite aux portes du pouvoir. On a d’ailleurs des équipes dans les sections syndicales qui nous demandent de travailler sur la question », explique Julie Ferrua, co-déléguée générale de Solidaires.

Les instances nationales du syndicat doivent se réunir mercredi 12 juin après-midi pour débattre du sujet. Pendant ce temps, des militants organisent des assemblées générales sur leurs lieux de travail, notamment dans l’éducation ou la santé.

Le débat est approchant à la FSU. « On va appeler à ce que les partis de gauche prennent leurs responsabilités sans aller jusqu’à exiger qu’il y ait un candidat unique de la gauche partout. On pense que notre rôle consiste plutôt à ce que les revendications sociales soient mises au centre du débat. On n’aime pas trop intervenir dans les débats entre partis politiques, comme on n’aime pas qu’ils interviennent dans les débats syndicaux », assure Benoît Teste, secrétaire général de la FSU.

Si la CFDT et l’Unsa ont déjà appelé à battre l’extrême droite, d’autres syndicats peinent encore à donner une quelconque consigne de vote. C’est notamment le cas de Force ouvrière, qui n’avait déjà pas clairement appelé à battre le RN lors du deuxième tour de l’élection présidentielle de 2022, au nom de la charte d’Amiens. Impossible d’ignorer également que le vote RN progresse même chez les sympathisants syndicaux, rendant plus difficile les prises de position appelant à lui faire barrage.

Mouvements féministes et organisations écologistes

L’union des forces sociales pourrait aussi s’élargir au monde associatif. La Ligue des droits de l’Homme doit réunir plusieurs organisations de la société civile et syndicats autour d’une riposte commune contre l’extrême droite. Y seront présents les syndicats FSU, CGT, Solidaires, CFDT, Unsa ; des organisations écologistes et de justice sociale comme Oxfam, Greenpeace, Attac ; ou encore le Syndicat des Avocats de France.

Initialement, la LDH avait décidé fin mai, lors de son congrès à Bordeaux, d’organiser cette assemblée mercredi 12 juin. L’objectif : « La constitution d’une alternative avec les forces progressistes sociales et environnementales pour contrer la prise de pouvoir par l’extrême droite », retrace Nathalie Tehio, présidente de la LDH. Mais suite à l’annonce de la dissolution, la réunion a été avancée d’un jour.

Pas de temps à perdre : ce risque de prise de pouvoir par l’extrême droite « arrive plus vite que nous le pensions… La société civile doit peser pour que ce front commun se forme, pour mobiliser les électeurs et éviter le pire ».

Plusieurs organisations féministes dont Nous toutes et la Fondation des femmes prennent quant à elles clairement position pour une « union de la gauche », appelant les partis politiques à « trouver le moyen de présenter ensemble une liste unique ». Le CNDF (Collectif national des droits des femmes), qui regroupe plusieurs associations féministes, recueille des signatures autour d’un texte appelant aussi à « l’unité de la gauche pour battre le RN ».

Les organisations antiracistes redoublent, elles, leurs appels à rejoindre les mobilisations déjà prévues dans les jours à venir : « Il y a urgence contre le racisme et contre le fascisme », « l’heure est grave », soulignent la Marche des solidarités ou encore le Collectif accès aux droits.

Dans le 93, la force des personnels de l’éducation

En Seine-Saint-Denis, les personnels de l’éducation réajustent leur lutte pour la défense de l’école publique face à cette menace d’accession au pouvoir de l’extrême droite. Mobilisée depuis février pour un plan d’urgence dans le 93, l’intersyndicale devait avoir une audience avec la ministre de l’Éducation Nicole Belloubet, demain. Déjà reportée une fois, cette audience vient juste d’être annulée par le gouvernement, au vu du contexte politique.

Une grève des personnels de l’éducation dans le 93 était prévue ce jour-là. Celle-ci est maintenue, mais réorientée sur le sujet de l’extrême droite : « On invite les collègues à s’emparer de cette journée de grève pour discuter des perspectives face à ces résultats et annonces politiques », soutient Jacques Dematte de Sud Éducation 93.

Les négociations autour du plan d’urgence risquent d’être mises en suspens, concède-t-il. Mais la force de mobilisation des personnels du 93 au fil des mois « nous permet aujourd’hui d’avoir une base solide, tant face au projet libéral du gouvernement que face à un projet qui pourrait être porté par l’extrême droite et qui serait aux antipodes de nos revendications ».

L’intersyndicale (composées des branches locales FSU, CGT Éduc’action, Sud, CNT) appelle à se mobiliser contre la « vision d’une école réactionnaire, ségrégative et excluante ». La FSU 93 insiste, de son côté, sur la nécessité d’un front populaire : « Les forces de gauche ont l’obligation historique de s’unir ces prochains jours ». Tout en visant un périmètre plus large pour « faire front dans le cadre syndical, politique et des collectifs ».

Au-delà du 93, la fédération Sud Éducation ​​appelle à organiser des assemblées générales partout demain ; et à rejoindre tous les rassemblements citoyens qui se tiendront dans les jours à venir.

Mobilisations spontanées

Des manifestations citoyennes s’organisent en effet spontanément dans plusieurs villes depuis hier. À Paris, un rassemblement est prévu ce soir à 20h place de la République, au même lieu et à la même heure que la veille. Ce rendez-vous va se répéter dans les jours qui viennent.

Quelques blocages de lycées contre la montée de l’extrême droite se sont organisés dès le 10 juin matin, comme à Paris devant le lycée Henri IV et à Lyon devant le lycée Saint-Exupéry. L’Union étudiante, l’UNEF ou encore l’Union syndicale lycéenne (USL) appellent la jeunesse à se rassembler ce soir place de la République à Paris ; puis « chaque soir » au fil des manifestations spontanées.

https://basta.media/

L’Union étudiante et l’USL demandent, dans une pétition commune, l’« union de la gauche ». « Notre objectif est de réaffirmer de façon unitaire le besoin d’une alliance politique sur la base d’un programme électoral de rupture, au cas où Bardella accède à Matignon », commente le président de l’USL, Gwenn Thomas-Alves. La FIDL, autre syndicat lycéen, pousse également cette idée : « La gauche toute entière se doit de faire front. Un front populaire et uni contre cette montée inquiétante. Un bloc et discours commun face aux idées plurielles de la gauche ».

Pas de temps à perdre pour ces organisations de jeunesse : un grand nombre de lycéens terminent leurs cours à la fin de cette semaine, ou passent leurs épreuves du baccalauréat dans les deux semaines qui viennent.

Cet article est publié dans le cadre de notre partenariat avec Rapports de force.

La rédaction de Rapports de force 11 juin 2024

Photo : © Serge d’Ignazio

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