D’où viennent les 500 000 € ? Ce virement vers le compte de Claude Guéant a été découvert lors d’une perquisition visant l’ex-secrétaire général de l’Elysée, en février, dans le cadre d’une enquête préliminaire sur des accusations de financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy, en 2007. Selon Claude Guéant, les 500 000 € proviennent de la vente à un avocat malaisien, en 2008, de deux tableaux d’un peintre flamand du XVIIe, Andries van Eertvelt, qu’il aurait acquis il y a « une vingtaine d’années ».
Que valent les tableaux d’Andries van Eertvelt ?
De l’avis d’Artprice, société française spécialisée dans la cote des artistes aux enchères, un tableau de la taille de ceux que Claude Guéant a vendus vaut dans les 15 000 €. Le record pour un van Eertvelt aux enchères est de 140 000 €, ce qui signifie que le prix auquel l’ancien ministre dit avoir vendu ses toiles (500 000 € pour deux œuvres) est une « anomalie par rapport au prix du marché ».
La vente des tableaux a-t-elle été déclarée ?
Claude Guéant n’a pas demandé de certificat d’exportation après la vente de ses tableaux, a indiqué jeudi le ministère de la Culture. Tout tableau d’une valeur supérieure à 150 000 € doit obtenir ce certificat pour être autorisé à sortir du territoire. Si l’acheteur malaisien a laissé les tableaux en France, aucun certificat n’était nécessaire. Mais si les tableaux ont quitté le pays, Claude Guéant pourrait être poursuivi pour exportation illégale de trésors nationaux, une peine passible de deux ans d’emprisonnement et 450 000 € d’amende.
Pourquoi des factures réglées en liquide ?
Lors de leur perquisition, les enquêteurs ont également retrouvé des factures payées en liquide. Ce sont des « sommes modestes », « des petits paiements, d’un millier d’euros, des choses comme ça », explique Claude Guéant qui parle aussi de « moins de dix factures, pour une somme de 20 000 à 25 000 euros », des « achats de la vie courante ».
D’où vient cet argent liquide ?
Claude Guéant explique qu’il aurait accumulé cet argent liquide depuis son entrée dans les cabinets de l’Intérieur à la fin des années 1970 et ce jusqu’en 2006. Selon lui, les membres des cabinets ministériels ont bénéficié de ces « primes non déclarées de toute éternité », « avec la tolérance des services fiscaux ». Or, Lionel Jospin a mis un terme dès 2002 à cette pratique des fonds secrets, ce qui a fait dire à l’ancienne ministre Roselyne Bachelot que Claude Guéant est « soit un menteur, soit un voleur ». À l’Intérieur, la pratique aurait perduré jusqu’en 2006, répond Claude Guéant qui évoque des « frais de police ». Mais plusieurs sources indiquent que ces fonds ne peuvent être utilisés pour rémunérer des collaborateurs. Quant à l’argent venant des fonds spéciaux, il est réduit au seul financement des opérations extérieures et fait l’objet d’un contrôle parlementaire. Une enquête administrative a été ouverte, à la demande de Manuel Valls.
Du blanchiment d’argent venant de l’étranger ?
Ces accusations ont été lancées par l’homme d’affaires Ziad Takieddine qui a affirmé aux juges avoir la preuve que trois sociétés françaises, dont l’une dirigée par le fils de Claude Guéant, ont bénéficié de contrats fictifs pour une valeur de 100 millions d’euros en Libye. Claude Guéant, qui a annoncé des plaintes en diffamation contre Ziad Takkiedine, nie en bloc.
Sur quoi reposent les accusations d’un financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy ?
En mars 2011, Seif al-Islam, l’un des fils Kadhafi, avait affirmé que son père, alors au pouvoir, avait aidé le candidat UMP à financer sa campagne. « Il faut que Sarkozy rende l’argent », avait-il dit, affirmant avoir « tous les détails » des transferts. Le site d’informations Mediapart a également fait état d’un document en ce sens qu’aurait signé un ex-dignitaire libyen. Ziad Takieddine a évoqué devant les juges des rencontres entre Claude Guéant et Bachir Saleh, bras droit de Kadhafi auquel « M. Guéant donnait des indications bancaires ». Selon lui, des comptes-rendus de ces rencontres existent. La justice française attend des preuves.
http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Claude-Gueant.-De-l-argent-des-tableaux-beaucoup-de-questions_55257-2188940_actu.Htm
Incohérences 02/05/2013 à 17h59
Guéant et l’argent : plus il se défend, plus il s’enfonce
Depuis que Le Canard enchaîné a révélé mardi que la justice avait repéré un virement de 500 000 euros sur son compte, Claude Guéant passe son temps à essayer de se justifier. Mais il se noie dans des explications absurdes et s’enfonce un peu plus à chaque fois. Il est évidemment présumé innocent, mais on peine de plus en plus à le suivre. Revue de ses principales incohérences.
Deux tableaux à 500 000 euros…
… qui en vaudraient dix fois moins et dont l’exportation n’a pas été déclarée. L’ancien secrétaire général de l’Elysée affirme que le virement de cette somme provient de la vente de deux tableaux d’Andries Van Eertvelt, peintre flamand du XVIIe siècle. L’acheteur serait un « avocat étranger » selon Guéant, qui lui aurait proposé les 500 000 euros. L’ex-ministre UMP dit avoir les pièces justificatives de cette vente. « Certains vendent leur voiture, leur maison, leur salon, moi, j’ai vendu mes tableaux. Je n’ai pas fait une mauvaise affaire », a-t-il banalisé. Pourtant, Artprice, une entreprise française de la cotation du marché de l’art sur Internet, a estimé ce jeudi le prix médian des tableaux du peintre à 15 000 euros. Aucune œuvre de cet artiste n’a atteint en vente publique plus de 170 000 euros. Le ministère de la Culture a indiqué ce jeudi que Claude Guéant n’a pas demandé de certificat d’exportation pour ses tableaux, ce qui est pourtant obligatoire.
L’acheteur ? Un avocat malaisien.
La Malaisie n’a pas de convention d’entraide judiciaire avec l’Europe. Claude Guéant a d’abord indiqué avoir vendu des tableaux à un confrère étranger. Il a ensuite précisé qu’il s’agissait d’un collectionneur malaisien. Autre explication qui soulève des interrogations : ce pays, un paradis fiscal, ne dispose pas de convention d’entraide judiciaire avec les pays européens. Si l’avocat malaisien ne veut pas se dévoiler, il ne sera pas facile à tracer.
Des primes en liquide…
… réservées aux policiers. Claude Guéant affirme avoir bénéficié jusqu’en 2006 d’un système de primes en espèces au sein du ministère de l’Intérieur. Il a évoqué des primes au mérite. Les primes au mérite étaient octroyées à certains policiers, qui touchaient une gratification en liquide de quelques centaines d’euros souvent pour avoir résolu des affaires importantes. Ces primes concernaient les policiers en activité et non les membres du cabinet ministériel, comme semble dire Guéant. Sarkozy a mis un terme à cette pratique en 2003 pour la rendre plus transparente : à partir de 2004, les primes sont passées sous surveillance des syndicats et déclarées sur les fiches de paye. En plus d’être réservées aux policiers, elles n’étaient donc plus en liquide à partir de 2004. Comment Guéant aurait-il pu toucher cet argent ? L’actuel ministre de l’Intérieur Manuel Valls a ouvert jeudi une enquête administrative sur les primes dont a bénéficié son prédécesseur. Les résultats définitifs de cette enquête réclamée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault sont attendus d’ici un mois.
Des fonds spéciaux…
… qui n’existaient plus depuis 2001. Claude Guéant a aussi évoqué les « fonds spéciaux ». Mais il devrait savoir que Lionel Jospin a mis fin à cette pratique en 2001, un an avant l’arrivée de Claude Guéant place Beauvau. Les enveloppes en liquide qui circulaient avant 2001 dans les ministères servaient notamment aux services secrets, mais les ministres utilisaient ces fonds pour rémunérer leurs collaborateurs. La réforme prévoyait la fin des fonds spéciaux pour les collaborateurs de ministres dès le 1er janvier 2002. Ces derniers sont désormais rémunérés en primes inscrites au budget de chaque ministère. Les primes en espèces de Guéant ne seraient donc pas légales. Cela voudrait dire que pendant cinq ans, il aurait puisé dans les fonds destinés au renseignement intérieur pour y prélever des primes.
« plus de 400 personnes » concernées…
… ou « des milliers », c’est pareil. « Quand je suis arrivé au ministère de l’Intérieur, il y avait plus de 400 personnes concernées par ces primes dont le régime fiscal n’était pas défini. J’ai d’ailleurs remis le système à plat pour mettre fin à ces pratiques en 2006 », a-t-il dévoilé lors d’une interview lundi au quotidien Le Monde. Guéant semble confus sur le nombre de bénéficiaires de ce fameux système.Le lendemain, sur France 2, le nombre de bénéficiaires augmente subitement : « Le ministère avait une situation spécifique, un système indemnitaire pour les membres du cabinet et des milliers de fonctionnaires. »
Des fonctionnaires imaginaires
ceux qui auraient bénéficié des fameuses primes. Selon les témoignages recueillis cette semaine, il n’y aurait pas de traces de primes en liquide attribuées à d’autres fonctionnaires. Un ex-membre du cabinet de Nicolas Sarkozy a affirmé au quotidien Le Monde que l’équipe Villepin a intégré pendant plusieurs mois à l’Intérieur quelques collaborateurs du précédent cabinet Sarkozy et aucun ne s’est plaint de la suppression éventuelle d’une prime en liquide :
« A ma connaissance, aucun de mes collègues n’a non plus bénéficié d’une telle faveur. » Selon les conseillers du cabinet de Claude Guéant joints par Le Monde, il n’y avait aucun système officiel ou officieux, de versement de primes en liquide aux collaborateurs. Encore moins à « des milliers de fonctionnaires », contrairement aux dires d’ancien ministre. Guéant est plutôt seul dans cette affaire. Ses anciennes collègues de l’UMP démentent le versement de primes en liquide. « Je ne touchais que des primes sur mon compte bancaire, rien en liquide », a affirmé Chantal Jouanno, membre du cabinet de Sarkozy entre 2002 et 2004.
Quant à Rachida Dati, conseillère à l’hôtel de Beauvau durant la même période, elle avoir « reçu une prime de 250 euros mensuels, par virement, sur son compte en banque ». Roseline Bachelot, ancienne ministre à l’UMP a insisté sur le fait qu’il est absolument impossible d’avoir touché des primes de cabinet à partir de 2002. Sur le plateau de D8, elle n’a pas épargné Claude Guéant :
« J’étais moi-même au gouvernement, les primes de cabinet avaient été supprimées par Lionel Jospin. Soit c’est un menteur, soit c’est un voleur. »
Des primes qui n’ont pas été déclarées au fisc
« Ce n’était pas l’usage ». Claude Guéant, ex-ministre de l’Intérieur chargé de faire respecter la loi, a déclaré tranquillement qu’il avait fraudé le fisc sur RMC. Interrogé sur les sommes en liquide, il a en effet déclaré que les fameuses primes en liquide « n’ont pas été déclarées car ce n’était pas l’usage ». A posteriori, ajoute-t-il « on se dit que c’était anormal ». Les contribuables honnêtes apprécieront.
Il « ne sait pas » ce qu’est le blanchiment
…mais il a organisé un G8 sur le sujet. « Je n’ai jamais rien blanchi, je ne sais pas comment on fait ça », a affirmé M. Guéant mardi sur Canal+. Une étrange ignorance de la part d’un ancien ministre de l’intérieur. Il a, qui plus est, présidé en mai 2011 un G8 consacré à la lutte contre le trafic de drogue et au blanchiment…
http://www.rue89.com/2013/05/02/gueant-largent-plus-defend-plus-senfonce-242009