Nous avons bloqué pacifiquement la circulation par un sit-in sur le passage piéton du boulevard / quai Dupleix le plus proche de la Préfecture durant 15 mn environ en criant des slogans : » pas de familles à la rue » ; »pas d’enfants à la rue »; » français, immigrés, le logement c’est un droit » …)
À Quimper, des militants se rassemblent en soutien aux familles de migrants à la rue
Une quarantaine de militants quimpérois sont de nouveau rassemblés, mardi 20 août 2024, devant la préfecture, à Quimper, en soutien aux familles de migrants à la rue. Une délégation est reçue depuis 14 h 30.
Rassemblement en soutien aux familles de migrants à la rue mardi 20 août à Quimper. (Le Télégramme/Olivier Scaglia)
« Nous demandons simplement que le droit à l’hébergement d’urgence soit appliqué », martèle Jean-Pierre Bigorgne, devant la préfecture, à Quimper, mardi 20 août. Il est le porte-parole d’un mouvement qui pousse pour la quatrième fois ces dernières semaines des militants quimpérois* à se rassembler en soutien à des familles de migrants se retrouvant à la rue. « Le Département finance des nuits d’hôtel pour la famille de quatre enfants dont un bébé âgé d’un an. Les services seraient à la recherche d’un appartement », annonce le porte-parole.
« Quatre autres familles sont sous la menace d’une expulsion »
« Mais les deux enfants de 11 et 8 ans qui sont toujours à la rue avec leur maman ne sont pas considérés par la préfecture en situation de vulnérabilité », ajoute-t-il avant de préciser : « Au moins quatre autres familles avec enfants – à notre connaissance – sont sous la menace d’une expulsion de leur logement et risquent de se retrouver dans une situation similaire. Nous ne pouvons pas tolérer cela. Le budget alloué au 115 doit être abondé pour faire face à l’augmentation des demandes d’hébergement d’urgence ».
Rassemblement en soutien aux familles de migrants à la rue mardi 20 août à Quimper. (Le Télégramme/Olivier Scaglia)
Blocage pacifique de la circulation
Une délégation de quatre personnes a été reçue, en préfecture, à 14 h 30, « de manière très cordiale », explique la délégation à la sortie de l’entrevue avec un représentant de la préfecture vers 15 h 15. « Il confirme le réexamen d’un dossier le 5 septembre. Pour les autres familles, il nous a été dit que budget ne permet pas d’extension de l’aide. On nous a dit que, depuis 2 ans, le préfet n’a pas eu recours à la force publique mais on ne nous a pas dit que ça allait durer ». Pour « marquer leur présence et leur opposition à la politique suivie », une vingtaine de militants se sont assis sur le passage piéton au milieu du quai, bloquant pacifiquement la circulation pendant quelques minutes peu après 15 h 30.
* 100 pour un toit Cornouaille, Droit d’asile Quimper Cornouaille, Ligue des droits de l’Homme, Fraternité Douarnenez, Secours catholique, Solidaires, CNT, Les Écologistes EELV, LFI, NPA, PCF, PG, UDB.
La guerre oubliée : tirer la sonnette d’alarme pour le Darfour
Le nouveau rapport des Nations Unies sur le Darfour n’a pas encore été officiellement publié, mais il fait déjà du bruit. Avec raison !
Les lecteurs réguliers du Brief du Jour sont bien au courant de la détérioration de la situation dans cette région de l’ouest du Soudan. Nous avons mis en évidence la spirale infernale qui se déroule au Darfour, nous avons détaillé les massacres ethniques et autres atrocités, et appelé à une plus grande action internationale à de nombreuses reprises l’année dernière.
Aujourd’hui, un rapport du groupe d’experts sur le Soudan du Conseil de sécurité des Nations Unies révèle au monde davantage sur les horreurs qui se déroulent dans cette région. Ce rapport, qui n’a pas encore été publié mais qui a été largement diffusé dans les médias, constitue une lecture inquiétante.
Le rapport décrit les vagues d’attaques catastrophiques menées par les Rapid Support Forces (RSF) et leurs milices alliées dans la capitale du Darfour occidental, El Geneina. Selon le rapport de l’ONU, les RSF ont tué entre 10 000 et 15 000 personnes dans la ville et ses environs l’année dernière.
Le rapport confirme que les RSF et leurs alliés ont pris pour cible des civils de l’ethnie Massalit lors d’attaques qui « pourraient constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ». Human Rights Watch a également documenté la façon dont la RSF et les milices alliées ont perpétré des meurtres ethniques ciblés, des violences sexuelles et des actes de torture à l’encontre de civils de l’ethnie Massalit.
Ces nouvelles atrocités ont contraint plus d’un demi-million de personnes à fuir vers le Tchad, faisant maintenant partie des 10,7 millions de personnes qui ont été déracinées de leurs maisons au Soudan, principalement depuis que le conflit a éclaté en avril. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du Soudan – neuf millions – est le plus élevé au monde.
Le rapport du groupe d’experts de l’ONU cite les noms des principaux membres des RSF et des milices qui ont supervisé les atrocités commises au Darfour.
Il présente également des allégations crédibles à l’encontre des Émirats arabes unis, qui auraient expédié des armes et des munitions aux RSF au Darfour, en violation de l’embargo sur les armes décrété par les Nations Unies.
Le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait agir sur la base de ces conclusions.
Jusqu’à présent, il a condamné les exactions commises au Darfour, mais il n’a pas encore pris de mesures pour sanctionner les responsables des atrocités ni condamné explicitement les violations de son propre embargo sur les armes.
Le Conseil de sécurité devrait agir sur ces deux fronts. Il devrait ajouter les noms des auteurs de crimes graves à sa liste de sanctions générales, et suivre de près toutes les allégations liées au transferts illicites d’armes. Les autres gouvernements devraient faire de même, en utilisant le nouveau rapport de l’ONU pour prendre des mesures dans le cadre de leurs propres régimes de sanctions.
Cette mise à jour est sinistre, je sais. Les atrocités continuent au Darfour et le monde ne fait pas assez pour les arrêter. Et elles ne s’arrêteront probablement pas avant que le monde agisse.
24 février 2024 Andrew Stroehlein
Directeur des relations médias en Europe de Human Rights Watch
Dans un camp humanitaire ouvert à Paris, Porte de la Chapelle, des réfugiés sont en transit. Quelques jours à peine d’humanité dans ce centre de « premier accueil ». Là, ils se reposent de la rue où ils ont échoué à leur arrivée en France après un voyage de plusieurs mois. Souvent de plusieurs années. Mais déjà, ils doivent affronter la Préfecture et entendre la froide sentence administrative.
un film documentaire de Vincent Gaullier et Raphaël Girardot
France. «La condition des étrangers a toujours été déterminée par des considérations utilitaristes et l’Etat viole le droit des étrangers»
Entretien avec Karine Parrot conduit par Hugo Boursier
Alors que le 29e projet de loi sur l’immigration depuis 1980 sera en discussion cet automne au Sénat et à l’Assemblée nationale, l’autrice d’Étranger, juriste, chercheuse et membre du Gisti, examine le rapport de l’État au concept de nationalité.
Karine Parrot est professeure de droit privé et de sciences criminelles à l’université de Cergy-Pontoise. Membre active du Groupe d’information et de soutien des immigré·es (Gisti), elle travaille sur la manière dont le droit est utilisé dans la guerre contre les personnes étrangères. En 2019, elle a publié un ouvrage passionnant sur le racisme au cœur de l’État: Carte blanche. L’État contre les étrangers (La Fabrique).
Une tribune transpartisane a été publiée dans Libération, qui demande notamment la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. L’idée est de sécuriser leur statut administratif. Pour autant, s’inscrit-elle dans l’histoire utilitariste de la nationalité française?
La tribune est en faveur d’un des articles les plus controversés du projet de loi sur l’immigration, consistant à régulariser les personnes étrangères qui travaillent dans des zones ou des métiers en tension. On sait très bien qu’il y a tout un pan des activités économiques qui fonctionnent grâce aux travailleurs et aux travailleuses étrangères sans papiers – le bâtiment, la restauration, l’aide à la personne, le nettoyage. Régulariser celles et ceux qui forment ce nouveau lumpenprolétariat paraît une bonne idée, mais il faut voir ce qui soutient cette proposition. Pourquoi uniquement les personnes qui travaillent dans les métiers en tension? Au Gisti, nous militons pour la régularisation inconditionnelle de toutes et tous. Les critères qui seront utilisés pour choisir qui on régularise ou non seront centraux. Or, en pratique, on s’aperçoit que c’est toujours inégalitaire, arbitraire et utilitariste.
Est-ce toujours l’économie qui dicte qui doit être régularisé ou non?
La condition des étrangers a toujours été déterminée par des considérations utilitaristes. Quand l’État a eu besoin de soldats pour faire la guerre, il a transformé des étrangers en Français pour pouvoir les mener au front. Pendant la Première Guerre mondiale, il a importé des étrangers pour remplacer dans les champs et dans les usines les Français mobilisés. Et, au lendemain de la guerre, il a voulu assez rapidement se débarrasser de cette population jugée surnuméraire, tout en continuant à ajuster le nombre d’étrangers à régulariser en fonction des besoins. On est très loin des valeurs de la République que l’on brandit dès qu’on parle de naturalisation ou de régularisation: quand l’État a besoin de soldats ou de main-d’œuvre, il intègre. Cela dit, derrière ces choix économiques, il y a toujours du racisme. C’est le racisme qui se cache derrière certains motifs d’expulsion que l’on voit fleurir dans les années 1930 notamment, et encore aujourd’hui, derrière le motif bien commode des «menaces» ou «troubles à l’ordre public».
Ce motif aboutissait-il toujours à une expulsion?
Non, pas toujours. Notamment parce que les effectifs de police étaient plus réduits qu’aujourd’hui et les technologies de surveillance et de suivi des personnes moins poussées. Il y a toujours eu une partie d’«esbroufe» derrière les grandes déclarations de fermeté des politiques. C’est une composante que l’on retrouve encore de nos jours. Les mesures prononcées haut et fort par le ministre de l’Intérieur ne visent pas forcément à être appliquées. Elles cherchent aussi à faire peur.
D’où les vingt-neuf projets de loi sur l’immigration depuis 1980…
Tout à fait. Même le Conseil d’État, que l’on ne peut pas accuser de gauchisme, critique la «logorrhée législative» à l’œuvre depuis des décennies. Il y a plus d’une dizaine de régimes différents d’obligation de quitter le territoire. C’est d’ailleurs une tendance générale du droit, cet empilement inextricable de règles. En droit des étrangers, les règles sont si complexes que seule une poignée de spécialistes s’y retrouvent – et encore! – donc certainement pas les personnes concernées…
Si la nationalité ne repose que sur des besoins utilitaristes, tout le discours sur les «valeurs communes» relève-t-il du mythe?
Pour acquérir la nationalité française, il y a toujours eu cette condition d’être au minimum «assimilé» à la communauté qui partage certaines valeurs. On peut comprendre qu’on exige des personnes qui veulent devenir françaises qu’elles respectent les lois de la République. Mais le respect des valeurs, notamment, c’est autre chose que le respect des lois. Ces valeurs sont floues. Par exemple, si l’on parle de l’égalité hommes-femmes, on sait très bien que la majorité des hommes qui nous gouvernent ne la pratique pas. On se souvient de Laurent Fabius qui, lorsque Ségolène Royal se porte candidate à la primaire socialiste, demande: «Qui va garder les enfants?», ou des députés de droite qui sifflent Cécile Duflot, alors ministre du Logement, lorsqu’elle se présente à l’Assemblée en robe à fleurs. Nos gouvernants exigent des personnes étrangères qu’elles respectent des valeurs d’égalité ou de fraternité qu’eux-mêmes bafouent au quotidien. Ces règles et ces discours sur les valeurs sont dangereux aussi parce qu’ils sont facteurs d’arbitraire. Aujourd’hui, les étrangers musulmans sont les premiers visés, ils sont systématiquement soupçonnés de ne pas partager «nos valeurs».
Vous expliquez dans votre livre que ce soupçon de dangerosité des personnes étrangères fait partie intégrante de l’histoire de la nationalité française. Pourquoi?
À rebours des discours ambiants qui évoquent une identité nationale, une identité française immuable, quasi immanente, on observe que la nationalité française est une invention récente. On le sait peu, mais la carte nationale d’identité date seulement de 1921. La première carte qui assigne officiellement à un individu un état civil, c’est la «carte d’identité et de circulation pour travailleurs coloniaux et étrangers». Mise en place pendant la Première Guerre mondiale, elle sert de dispositif de surveillance et de contrôle des travailleurs étrangers, tenus de la faire signer à chaque changement d’employeur. En pratique, sans cet encartement des étrangers, la qualité de «Français» reste largement évanescente.
La volonté de différencier clairement les Français des étrangers apparaît dans la dernière partie du XIXe siècle, dans une période de crise économique où les arguments racistes sont exacerbés par une presse quotidienne en plein essor. Soumis à différentes pressions, les députés finissent par inscrire dans la loi des critères permettant à l’État de déterminer avec certitude qui est français (et donc qui ne l’est pas). Ils sont mus par des raisons à la fois économiques et politiques. Aujourd’hui, j’ai l’impression que c’est peut-être davantage le racisme qui oriente les choix politiques plutôt que les considérations économiques. Mais en réalité, les deux – racisme, capitalisme – sont toujours étroitement imbriqués.
Y a-t-il une forme de renoncement de la part de la gauche sur les questions relatives aux personnes étrangères?
C’est difficile de généraliser des positionnements qui diffèrent selon les époques. Ce que je peux dire, c’est que le combat par le droit ne fonctionne plus vraiment. Dans les années 1970, les personnes étrangères, soutenues par des associations, se sont battues sur le terrain juridique et ont obtenu des droits et une amélioration de leurs conditions de vie. Aujourd’hui, on est dans un mouvement inverse. Le droit fonctionne comme une digue contre le grand lâchage et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) apparaît comme un rempart face à la droitisation globale des dirigeants, qui donnent la priorité à la répression et à la «gestion des flux». Dans les années 1970, l’enfermement administratif était marginal. Aujourd’hui, 50 000 personnes sont placées dans les centres de rétention administrative (CRA) chaque année et cela semble «normal», conforme à l’idée largement véhiculée que les étrangers sont des délinquants. Mais ces personnes sont simplement étrangères et dépourvues de droit au séjour. Ce sont aussi des personnes pauvres. Parce que, lorsqu’on est riche, on ne va pas dans ces lieux. L’argent dissout les problèmes administratifs.
Vous qui êtes juriste, le droit est-il la seule arme pour lutter contre le racisme?
Ce n’est pas la seule. Il y a quelques années se sont tenus les états généraux des migrations. Plus de 500 associations s’étaient réunies pour rédiger des cahiers de doléances. De là est né un réseau pour documenter et faire connaître les initiatives locales où les gens accueillent les personnes étrangères.
Il y a beaucoup d’endroits où la solidarité se crée, où des expériences sont menées à l’échelle locale. Il faut faire connaître ces pratiques et les mettre en réseau. En Allemagne, Angela Merkel a assumé d’accueillir largement, ce qui a poussé la population à agir de manière solidaire. Force est de constater qu’il paraît difficile d’attendre quoi que ce soit du gouvernement français sur cette question. Il faut donc agir localement, souvent contre la machine de l’État.
La position tantôt répressive, tantôt utilitariste que tient l’État est à rebours des enjeux de notre époque où le dérèglement climatique oblige des milliers de personnes à quitter leur pays…
Cet objectif de mener une politique d’immigration stricte est consubstantiel à l’État. Définir les limites de son territoire et contrôler les personnes qui y entrent est un attribut de la souveraineté étatique. C’est ce que répète à l’envi la CEDH. Donc plus les dirigeants contrôlent l’immigration, plus ils existent en tant que dirigeants. C’est pourquoi il me paraît difficile d’attendre d’eux qu’ils dissolvent ce concept de nationalité. Conditionner le droit au séjour à une liste de critères entretient le concept de nation, et la nécessaire présence de l’État pour l’incarner. Attention aussi aux adjectifs qui suivent toujours le mot de «réfugié»: «climatique», «économique», «politique». Cette catégorisation est toujours arbitraire, elle induit toujours un tri arbitraire.
Mais, aujourd’hui, le continuum entre nation, État et étranger n’est-il pas trop ancré pour s’en extraire?
C’est ce que j’essaie de développer dans mon livre: à quel point le concept de nationalité est récent. Il n’a que 150 ans! Et la carte d’identité n’est vieille que d’un siècle. Avant 1921, l’État n’était pas capable de dire qui était français et qui était étranger. C’est une construction politique pour asseoir un pouvoir qui, aujourd’hui, va vers la fascisation. Ce que l’on a construit en une centaine d’années, il faut absolument le déconstruire. On parle de «carte nationale d’identité» comme si la nationalité était constitutive de notre identité. Mais non! Il faut absolument imaginer et expérimenter d’autres manières de faire communauté et laisser tomber cette idée de nationalité qui aboutit forcément au racisme. Dans les faits, la nationalité nie la devise républicaine en plaçant la filiation comme critère premier de l’appartenance à la communauté politique. Surtout quand l’État utilise le droit, le contourne et le viole constamment pour asseoir sa légitimité.
La France est régulièrement condamnée par la CEDH pour avoir enfermé des enfants en CRA, mais elle continue. L’administration ne respecte pas les décisions de justice: avec la dématérialisation des services publics, énormément d’étrangers n’arrivent pas à prendre rendez-vous en préfecture. Ils sont obligés de saisir un juge pour obtenir un rendez-vous, celui-ci enjoint à la préfecture de l’organiser, mais rien ne se passe! L’administration est décomplexée, elle assume de ne pas respecter les règles et les décisions de justice. Face à l’État, les personnes étrangères ne pèsent pas lourd dans le rapport de force. Et tout le monde se fiche que l’État viole le droit à leur encontre. Donc ça continue. Imaginez que l’État viole systématiquement les droits des super-riches… Les réactions ne tarderaient pas et, surtout, c’est inimaginable!
Dans ce contexte, la CEDH a-t-elle encore un poids?
La protection qu’elle offre est insatisfaisante mais, si la cour n’était pas là, il n’y aurait plus aucune limite. La cour, qui interprète la Convention européenne des droits de l’homme et qui condamne parfois les États, marche sur des œufs. Elle voit bien que les États se droitisent et elle ne peut pas aller ouvertement contre leurs choix politiques, si inhumains soient-ils. Pourtant, les enjeux humains sont au centre de toute cette machinerie administrativo-juridique. Les États ont dressé des barricades meurtrières aux frontières de l’Europe. Chaque année, des milliers de personnes meurent sur les routes de l’exil. Asphyxiées, noyées, violées, exténuées. Sauf à endosser cette réalité, il me semble indispensable de repenser radicalement nos formes d’organisation collective.
Entretien publié le 20 septembre par l’hebdomadaire Politis
À Brest, Marion Maury dénonce « l’inhumanité » du déplacement des sans-abri
Marion Maury est l’adjointe au maire de Brest chargée des affaires sociales et la présidente du SIAO29 (Service intégré d’accueil et d’orientation du Finistère), qui gère notamment le 115 dans le département.
Dans les deux prochaines années, Brest devrait accueillir une partie des sans-abri déplacés de la région parisienne vers Rennes. Marion Maury, adjointe au maire chargée des affaires sociales, dénonce une méthode « inhumaine ».
La ville de Brest a-t-elle déjà été sollicitée pour accueillir des sans-abri déplacés de Paris vers la Bretagne, ou de Montgermont (35), où un centre d’hébergement a été vidé pour accueillir ces populations ?
« Oui, dix personnes (*) déplacées dans ce cadre ont été accueillies sur le territoire de Brest Métropole ces derniers jours, pour une trentaine dans le Finistère. Ce qui avait été annoncé, c’était non pas de faire place nette pour les Jeux olympiques comme chacun l’a bien compris, mais d’organiser une politique d’accueil répartie de façon équitable au niveau national pour lutter contre la précarité face à l’hébergement. Ce qui paraît clair à l’issue des premières opérations de déplacement, c’est que les collectivités territoriales et notre commune n’ont pas été intégrées à une préparation avec l’État pour organiser un accueil digne de ces personnes ».
Avez-vous une visibilité sur le nombre de sans-abri que pourrait accueillir Brest ?
« Non. Aujourd’hui, l’objectif en matière de nombre et de profils de personnes à accueillir n’est pas clairement annoncé. Pas plus que les capacités d’accompagnement social et d’hébergement qui y seront associées. On est dans une impréparation inacceptable ».
Le Télégramme a évoqué le cas d’une famille comorienne évacuée de Montgermont vers Brest, alors que leur fille de 14 ans était scolarisée en Ille-et-Vilaine et y préparait le brevet des collèges. Vous confirmez ?
« Dans ce cas précis, au final, l’enfant a été placée à proximité de son établissement, tandis que la mère a été déplacée sur le territoire de Brest métropole. Ce n’est pas la seule situation de ce type que nous avons accueillie.
Le scénario est le même : ils reçoivent un SMS de trois phrases qui leur fait croire que l’accueil est bien préparé, que l’hébergement est assuré à leur arrivée et que l’aide alimentaire sera organisée. Mais dans les faits, ces personnes sont hébergées par l’État et le 115 pendant une, deux ou trois nuits à l’hôtel, et remises à la rue, dans une ville qu’elles ne connaissent pas, sans avoir le moindre relais organisé, et parfois en rupture de soins : j’ai connaissance, dans le Sud-Finistère, du cas d’une personne qui a subi une rupture de soins VIH par ce déplacement ». On est dans un manque d’humanité totale, une simple politique de déplacement et de remise à la rue
Que se passe-t-il pour ces personnes déplacées, après ces deux ou trois nuits à l’hôtel ?
« Dans l’expérience constatée pour l’instant, les personnes se retrouvent à la rue et repartent. Parce qu’elles ont été séparées de leur enfant, ou veulent retrouver les relais ou appuis dont elles bénéficiaient avant d’être déplacées. C’est donc un échec total : tout cela n’est qu’une politique cynique de déplacement de sans-abri, qui met en danger ces personnes. On est dans un manque d’humanité totale, une simple politique de déplacement et de remise à la rue ».
Brest est-elle réellement prête à prendre sa part de l’effort, si les conditions sont réunies ?
« Oui, Brest est une ville de solidarité qui entend prendre sa part de l’effort d’accueil des personnes vulnérables et exilées, dès lors que cette solidarité est organisée dans des conditions qui permettent de le faire de façon digne, et dans le respect de ces personnes ».
Craignez-vous des réactions hostiles à ces arrivées à Brest ?
« Toute impréparation en matière d’accueil de personnes vulnérables ou exilées est susceptible d’exacerber les fragilités sociales présentes sur notre territoire. Donc si ça revient à remettre ces populations à la rue, cela peut créer un rejet, oui, par rapport à cet accueil qui est pourtant nécessaire. Mais j’ai aussi une pensée pour les travailleurs sociaux, aujourd’hui confrontés à des situations qui les heurtent dans leur mission, par ce manque d’éthique. C’est une perte de sens terrible pour eux, dans un contexte où le travail social n’est déjà pas suffisamment valorisé ».
Peut-on quantifier la population de sans-abri à Brest aujourd’hui ?
« On l’avait fait début 2022, avec la première Nuit de la Solidarité à Brest. À l’époque, on avait relativement peu de situations de sans-abrisme pur et dur à la rue, mais on avait recensé entre 500 et 700 personnes en situation de précarité face au logement, c’est-à-dire sans solution à un horizon de plus de trois mois. Un phénomène relativement peu visible grâce à l’énorme travail de solidarité des associations, qui prenaient leur part avec plus de 200 personnes hébergées, aux côtés des hébergements du 115 ».
* L’entretien a été réalisé le jeudi 1er juin 2023.
Dans le cadre de Festisol nous projetons dimanche 4 décembre aux Studios « Wardi » à 16h .Film d’animation (1h20 2018 réalisé par Mats Gorud).La projection sera suivie d’un échange avec les spectateurs /trices avec Claude Léostic .Le film aborde la question des réfugiés à travers Wardi,une jeune palestinienne de 11 ans qui vit dans un camp au Liban.Le film s’adresse tout autant aux adultes qu’aux enfants à partir de 10ans…c’est pourquoi nous l’avons mis un dimanche à 16h!…On peut venir seul.e …ou en famille!
Communiqué : la CGT Guingamp soutient le journaliste du Poher agressé à Callac
« L’ union locale CGT de Guingamp apporte son soutien au journaliste de « Poher Hebdo » agressé samedi à Callac alors qu’il couvrait dans l’exercice de sa fonction le rassemblement de l’extrême droite.
La CGT considère la liberté de la presse comme un acquis fondamental et la libre expression des journalistes, tant envers leurs comités de rédaction qu’à travers les événements dont ils rendent compte, nécessaire aux confrontations démocratiques.
Nous exprimons donc toute notre sympathie à Erwan.