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19 octobre 2021 ~ 0 Commentaire

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11 septembre 2021 ~ 0 Commentaire

11 septembre (à l’encontre)

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11 septembre: comment les Etats-Unis – et le Royaume-Uni – ont récolté ce qu’ils ont semé

Il y a vingt ans, dix-neuf hommes, remplis de haine envers les Etats-Unis et de foi dans la promesse du paradis, se faisaient exploser, tuant des milliers de personnes et provoquant l’un des plus grands chocs politiques de l’histoire mondiale. Ils étaient tous originaires du Moyen-Orient; quinze d’entre eux étaient des citoyens du plus ancien et plus proche allié de Washington dans cette région: le royaume saoudien. Les Etats-Unis récoltaient ainsi ce qu’ils avaient semé.

Pendant des décennies, le gouvernement américain a manigancé au Moyen-Orient, soutenant des régimes despotiques et encourageant l’intégrisme islamique comme antidote à tout ce qu’il pouvait considérer comme étant de gauche. En 1990, l’agonie de l’URSS sembla ouvrir la voie à un «nouvel ordre mondial» dominé par Washington–- ce qu’un chroniqueur américain appela judicieusement le «moment unipolaire».

L’empire étatsunien, qui était jusqu’alors encore sous le coup du «syndrome vietnamien», parvint à le surmonter – du moins c’est ce que crut Bush père – en lançant une attaque dévastatrice contre l’Irak en 1991. Bush père avait été incité par Margaret Thatcher à refouler les troupes irakiennes hors du Koweït voisin, qu’elles avaient envahi en août 1990. L’Irak fut ensuite étranglé par un embargo cruel qui a causé un excès de mortalité estimé à 90 000 par an par les Nations unies.

C’est la première fois que les Etats-Unis menaient une guerre de grande envergure au Moyen-Orient. Jusqu’alors, ils avaient mené des guerres par procuration, notamment par le biais de leur allié israélien. Les attentats du 11 septembre ont été le résultat direct de ce changement: une réponse «asymétrique» spectaculaire, sur le sol même des Etats-Unis, au déploiement massif de ces derniers au Moyen-Orient.

Et pourtant, plutôt que de prendre du recul et de reconsidérer une ingérence qui s’était retournée contre eux de façon si spectaculaire, George W. Bush et la horde sauvage de néoconservateurs qui peuplaient son administration virent dans le 11  septembre leur Pearl Harbor [7 décembre 1941, l’attaque japonaise qui entraîna la participation des Etats-Unis à la Deuxième Guerre mondiale]. C’était une nouvelle occasion de pousser plus loin l’expansionnisme des Etats-Unis dans ce qu’ils appelaient le Grand Moyen-Orient, une vaste zone s’étendant de l’Asie occidentale à l’Asie centrale et à l’«AfPak» (Afghanistan et Pakistan), sans autre caractéristique commune que l’Islam.

Bush fils et son équipe ont porté l’arrogance (hubris) des Etats-Unis de l’après-guerre froide à son paroxysme. Ils sont entrés en Afghanistan, avec l’OTAN et d’autres alliés, dans le but de transformer le pays en une plate-forme pour la pénétration étatsunienne dans une région stratégiquement située entre le cœur de la Russie et la Chine, les deux rivaux potentiels de l’hégémonie unipolaire de Washington.

Dix-huit mois plus tard, ils envahissaient l’Irak, leur prise la plus convoitée en raison de ses propres réserves de pétrole et de sa situation dans le Golfe, une région vitale pour des raisons stratégiques et économiques liées au pétrole. Cette expédition néocoloniale fut beaucoup plus contestée dans le monde que celle d’Afghanistan, malgré le soutien enthousiaste de Tony Blair et la participation peu glorieuse du Royaume-Uni.

L’invasion de l’Irak avait été le leitmotiv du Projet pour le Nouveau siècle américain (Project for the New American Century), le think tank dont le nom même incarnait l’arrogance des Etats-Unis. Les principaux personnages de l’administration de George W. Bush en avaient été membres. Ils avaient la conviction illusoire que les Etats-Unis pouvaient refaire l’Irak à leur image et que les Irakiens adhéreraient massivement à cette perspective.

Ils se faisaient beaucoup moins d’illusions sur l’Afghanistan, à en juger par les effectifs américains qui y furent déployées – bien moindres qu’en Irak. Mais là-bas aussi, ils s’engagèrent dans un projet irréfléchi d’édification d’Etat, après avoir réalisé qu’il y avait, en fait, plus de collaborateurs volontaires de l’occupation menée par les Etats-Unis en Afghanistan qu’en Irak même.

Ils dédaignèrent ainsi la leçon principale du Vietnam, à savoir qu’il ne faut jamais s’enliser dans une aventure militaire prolongée dont le succès est incertain. L’Irak se transforma rapidement en bourbier. En 2006, l’occupation avait clairement tourné au désastre. Alors que les troupes étatsuniennes étaient occupées à combattre une insurrection arabe sunnite dirigée par la même Al-Qaida que Washington avait extirpé d’Afghanistan, l’Iran s’assurait le contrôle de l’Irak par le biais de forces arabes chiites alliées, parvenues en position de force grâce à l’occupation américano-britannique elle-même.

La classe dirigeante des Etats-Unis tira la sonnette d’alarme et contraignit le principal architecte de l’occupation, le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld, à démissionner. Une commission bipartisane du Congrès élabora une stratégie de sortie, impliquant une «montée en force» (surge) temporaire des troupes étatsuniennes et l’achat de l’allégeance de tribus arabes sunnites afin de vaincre l’insurrection. Bush conclut ensuite un accord avec le gouvernement de Bagdad, soutenu par l’Iran, pour le retrait des troupes avant la fin de 2011. Son successeur, Barack Obama, supervisa l’achèvement du retrait.

Obama essaya de répéter le «surge» en Afghanistan. Il échoua lamentablement, car les chefs de guerre corrompus alliés des Etats-Unis n’ont jamais été très crédibles (les Talibans avaient pris le pouvoir en 1996 après les avoir vaincus). Obama enclencha alors un programme de sortie, que son successeur Donald Trump suspendit pendant un temps pour tenter un nouveau «surge» – non plus contre les seuls Talibans, mais aussi contre le nouvel avatar d’Al-Qaida, l’Etat islamique (EI).

Ce dernier était passé d’Irak en Syrie en 2012. Il y avait reconstruit ses forces en profitant de la guerre civile, puis était repassé en Irak en envahissant les zones arabes sunnites à l’été 2014. Cela provoqua une débâcle infamante des forces gouvernementales irakiennes, mises en place, entraînées et armées par Washington.

Les Etats-Unis combattirent l’EI au moyen de bombardements massifs en soutien à des combattants locaux, agissant sur le terrain. Paradoxalement, ces derniers ont inclus des forces kurdes de gauche en Syrie et des milices pro-Iran en Irak. L’EI fut réduit derechef à l’état de guérilla clandestine, mais il avait déjà commencé à se propager dans le monde entier, notamment en Afrique et en Asie. Des dissidents extrémistes des Talibans ont même créé une branche locale de l’EI en Afghanistan. En se débarrassant d’Oussama ben Laden en 2011, Obama n’avait achevé de défaire Al-Qaida que pour assister peu après à l’émergence de son avatar, plus violent encore.

Trump finit par jeter l’éponge. Il réduisit le nombre de troupes étatsuniennes au strict minimum et conclut un accord avec les Talibans pour le retrait des troupes étrangères restantes en 2021. Joe Biden présida à la fin de ce retrait de la manière tragiquement bâclée dont le monde entier a été témoin au mois d’août. L’armée du gouvernement de Kaboul s’est effondrée dans une débâcle identique à celle des troupes du gouvernement de Bagdad. Comme dans la mythologie grecque, l’hubris (arrogance) des Etats-Unis (et du Royaume-Uni) a une fois de plus déclenché l’ire de la déesse Némésis et a été puni en conséquence.

Les défaites en Irak et en Afghanistan ont provoqué une rechute des Etats-Unis dans le «syndrome vietnamien». Cela ne signifie pas pour autant que Washington va dorénavant s’abstenir de toute agression impériale: cela signifie seulement qu’il ne s’engagera pas de sitôt dans des déploiements à long terme et à grande échelle dans d’autres pays en vue de reconstruire leur Etat.

Washington utilisera plutôt plus intensivement ses «capacités de frappe à distance», comme l’a promis Joe Biden dans son allocution du 31 août. Obama, qui s’était opposé au Sénat à l’invasion de l’Irak en 2003, a eu recours aux drones de manière beaucoup plus intensive que son prédécesseur. Cette pratique a été poursuivie par Trump, avec frappes de missiles en sus, et de même par Biden.

Elle va sans doute s’intensifier encore. Ces frappes sont de la guerre à petites doses, non moins mortelles à la longue que des injections massives occasionnelles, et plus pernicieuses en ce qu’elles échappent à l’examen public. Elles doivent être stoppées.

(Article publié sur le site Labour Hub le 10 septembre 2021; traduction rédaction A l’Encontre)

Gilbert Achcar est professeur d’études du développement et de relations internationales à la SOAS, Université de Londres.

11 septembre 2021 Gilbert Achcar

https://alencontre.org/

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18 août 2021 ~ 0 Commentaire

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L’Afghanistan assis sur un trésor

Selon le New York Times, les terres afghanes recèlent de gisements de minerai inexploités, dont du lithium, du cuivre et même de l’or. Une découverte qui pourrait faire de ce pays en guerre l’un des principaux centres miniers du monde. Mais à quel prix? Pour l’heure, l’Afghanistan ne dispose d’aucune infrastructure pour exploiter ces ressources.

L’Afghanistan serait assis sur une richesse inestimable. C’est en tout cas ce que pensent des responsables du Pentagone et des géologues américains. Dans son édition dominicale, le New York Times a dévoilé les conclusions de l’enquête qu’ils ont menée sur la composition du sous-sol afghan. Celui-ci renferme des gisements de minerai inexploités, dont du lithium, du fer, du cuivre, du cobalt et de l’or. Selon les estimations des experts, une fois exploités, ces gisements pourraient valoir près de 1.000 milliards de dollars!

Cette information – et le chiffre de 1.000 milliards de dollars – avaient déjà été révélés fin janvier par le président afghan, Hamid Karzaï, mais ces données n’avaient pas encore été scientifique-ment validées. Selon l’enquête menée par les spécialistes américains, ces richesses sont réparties dans l’ensemble du pays, y compris dans le sud et l’est, le long de la frontière pakistanaise, là où l’insurrection des talibans est la plus forte.

« Il y a là un potentiel incroyable. Il y a beaucoup de ‘si’ évidemment, mais je pense que le potentiel est incroyablement important », commente dans les colonnes du journal le général David Petraeus, chef du commandement central américain.

Cuivre, fer et lithium

Si ces découvertes – basées sur l’étude de cartes et de données collectées par les experts miniers soviétiques durant l’occupation russe des années 1980 – sont confirmées, l’Afghanistan, dont l’histoire récente n’a été qu’une succession de guerres, pourrait devenir l’un des principaux centres miniers du monde.

Dans une note interne révélée par le New York Times, le Pentagone estime même que le pays pourrait devenir « l’Arabie saoudite du lithium ». Ce métal est très utilisé dans les nouvelles technologies, notamment pour la fabrication de batteries d’ordinateurs, de téléphones portables et de voitures électriques. Selon le quotidien américain, ses réserves seraient comparables à celles de la Bolivie, première réserve mondiale de lithium. Kaboul pourrait par ailleurs devenir l’un des principaux producteurs mondiaux de fer et de cuivre, aux côtés du Brésil pour le premier, du Chili et des Etats-Unis pour le second.

Interrogé sur ces informations, le porte-parole du Quai d’Orsay s’est contenté de confirmer que les autorités afghanes avaient entrepris « de recenser les ressources naturelles présentes dans le sous-sol afghan et le potentiel qu’elles représentent pour permettre au pays d’assurer à terme son développement ». Et de préciser qu’un « premier état des lieux devrait être présenté à l’occasion de la conférence de Kaboul le 20 juillet ». Une politique d’exploration des sous-sols afghans devra alors être définie, estime Paris.

La Chine, l’Inde et la Russie sur les rangs

Mais pour l’heure, l’Afghanistan ne dispose pas d’industrie ou d’infrastructures minières. Une seule véritable route relie le nord au sud du pays. Par ailleurs, le sous-sol afghan regorge de nombreuses mines artisanales, prêtes à exploser à tout moment.

Selon les responsables américains, il faudrait ainsi des décennies avant que le pays ne puisse réellement exploiter ces ressources. La guerre – et la fragilité des institutions afghanes – rendent par ailleurs difficile toute politique minière sur le long terme. Mais cette découverte pourrait toutefois avoir des conséquences sur le conflit: les puissances régionales voisines de l’Afghanistan – Chine, Inde, Russie -, jusqu’ici peu engagées dans le pays, pourraient subitement y voir un intérêt stratégique.

Pour preuve, deux entreprises chinoises se sont d’ores et déjà engagées à investir quatre milliards de dollars dans la mine de cuivre d’Aynak, au sud de Kaboul, soit le plus important investissement étranger civil à ce jour dans le pays.

Un appel d’offres international est par ailleurs attendu cette année pour l’exploitation d’une mine contenant 1,8 milliard de tonnes de fer de haute qualité dans la région montagneuse isolée de Hajigak.

Selon le ministère afghan des Mines, il s’agirait du plus grand gisement de fer inexploité de toute l’Asie. L’Inde et la Chine sont sur les rangs. Mais ces ressources pourraient être à l’origine de nouvelles tensions, dans un pays déjà très instable. D’autres pays avant l’Afghanistan l’ont expérimenté: les diamants du Liberia et de la Sierra Leone, le coltan de la République démocratique du Congo ou encore le pétrole de l’Irak et du Koweït ont davantage été sources de conflit que gages de paix.

  19 juin 2017 M.E

https://www.lejdd.fr/

Lire aussi:

Comment les talibans ont pris le contrôle du marché de la drogue

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17 août 2021 ~ 0 Commentaire

communiqués (cgt 22)

super cgt

Communiqué de presse
Union Départementale CGT des Côtes d’Armor
du 17 août 2021
Les Patriotes annoncent:

« Un grand rassemblement populaire pour la liberté »L’union départementale CGT des Côtes d’Armor se prononce pour la vaccination de masse et dénonce fermement la mise en œuvre du pass sanitaire. En effet, le gouvernement n’a pas été en mesure de convaincre et d’organiser une vaccination massive de la population. Il pénalise les salariés et agents publics par un dispositif généralisé de contrôle, de surveillance et de contraintes. La loi du 5 août est une brèche inacceptable au droit du travail, déjà bien mis à mal par Macron depuis 2016.

Pour autant, la CGT ne peut pas rester sans réagir devant l’attitude des partis et des mouvements d’extrême droite qui se mobilisent depuis cet été. La venue de Philippot, président du mouvement d’extrême-droite Les Patriotes, à Saint-Brieuc, n’est pas un hasard. Depuis plusieurs mois, nous constatons l’organisation régulière de rassemblements régionaux des mouvances radicales de droite dans la capitale costarmoricaine (Les patriotes, Génération Frexit, Debout la France, VIA la Voie du peuple, l’Union Populaire Républicaine).
Notons qu’un rassemblement comme celui organisé ce jeudi 19 août mêle revendications anti-masques et anti-vaccination. Cette mobilisation, relayée dans plusieurs villes du département, laisse apparaître un discours propre à l’extrême-droite. Ce dernier est alimenté par la peur du progrès et nourri de récits complotistes et obscurantistes, de slogans et de symboles racistes et antisémites.
Le mécontentement à l’égard du gouvernement est légitime et l’extrême-droite s’en nourrit ; elle l’utilise pour diffuser son idéologie réactionnaire. Dans un contexte de montée de l’extrême-droite, la CGT affirme ses positions et rappelle aux syndicats et syndiqués son refus de participer à de tels rassemblements.
Il s’agit maintenant de porter nos propres revendications et perspectives d’actions contre la politique anti-sociale du gouvernement et pour le progrès social, par la construction d’un mouvement national et interprofessionnel à partir de septembre.

Pétition : Loi sanitaire et Régressions sociales à venir

Pour une politique sociale et de santé juste et démocratique, contre la loi sanitaire et les régressions sociales
Comment justifier qu’un pass sanitaire permette :
  • de discriminer à l’embauche, de suspendre le salaire ou de licencier des salarié·e·s, en CDD ou précaires, parce qu’ils·elles ne sont pas vacciné·e·s ?
  • de refuser des patient·e·s dans les hôpitaux pour la même raison ?
  • d’instaurer un contrôle et une surveillance généralisés sur la population et de diviser la population entre vacciné·e·s et non vacciné·e·s ?
En même temps, peut-on accepter que la casse de l’hôpital public continue ? Que la crise soit payée, non pas par les multinationales et les plus riches qui en ont profité, mais par tous les autres, notamment les travailleur·euse·s, les jeunes, les chômeur·euse·s, les retraité·e·s ?Une vaccination large et massive est nécessaire pour combattre la pandémie, ainsi qu’une autre politique, juste et démocratique. Nous, signataires, nous opposons à la loi sanitaire et aux régressions sociales à venir.

Nous exigeons :

  • Après le vote du parlement le 24 juillet, le retrait de cette loi et de l’état d’urgence sanitaires ;
  • des moyens financiers et humains bien plus importants dans les hôpitaux publics et les Ehpad, un débat et une information d’ampleur, des possibilités de se faire vacciner sur le temps de travail, une couverture bien plus importante des centres de vaccination et les embauches nécessaires pour permettre des conditions de travail respectueuses des exigences sanitaires ;
  • la levée des brevets au sein de l’Organisation mondiale du commerce pour la solidarité internationale et la santé publique ;
  • l’abandon des lois et projets sur l’assurance chômage et les retraites.
  • Signez la pétition

2021 Union Départementale CGT des Côtes d’Armor

https://www.cgt.fr/

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24 juin 2021 ~ 0 Commentaire

droits des femmes (el diario)

femme ecrivain

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Les fonds destinés à supprimer les droits des femmes et des LGBTI en Europe ont quadruplé en dix ans

Le rapport du Forum parlementaire européen sur les droits sexuels et reproductifs (EPF) intitulé « The Tip of the Icerberg » (la pointe de l’iceberg) a chiffré l’augmentation des groupes qui tentent d’imposer un programme ultra-catholique par le biais d’une « stratégie soigneusement orchestrée » qui « produit des résultats concrets », comme le détaille le rapport.

707,2 millions de dollars pour tenter de renverser les droits sexuels et reproductifs. Ce sont les chiffres qu’une récente enquête du Forum parlementaire européen sur les droits sexuels et reproductifs (EPF) attribue à l’agenda ultra-catholique en Europe avec lequel un conglomérat de fondations et d’ONG opère pour saper les lois sur l’avortement, l’éducation sexuelle et les LGTBI et empêcher la promulgation de nouvelles lois.

Le forum est un réseau de parlementaires de tout le continent qui a surveillé l’activité d’une demi-centaine de groupes et l’argent qu’ils ont dépensé pour cet agenda, qu’il qualifie d’anti-genre. Le rapport « The Tip of the Iceberg Extremist Religious Funders Against Sexual and Reproductive Rights » révèle qu’il a quadruplé en une décennie, passant de 22,2 millions en 2009 à 96 millions en 2018. Au total, ils ont totalisé 707,2 millions en dix ans, selon une approximation « sous-estimée », souligne-t-elle.

Les chiffres illustrent la montée en puissance, ces dernières années, des mouvements opposés au féminisme et aux droits des femmes, à l’avortement et au collectif LGTBI. Parmi eux, l’association espagnole HazteOír ou sa filiale internationale CitizenGo, à laquelle l’étude attribue une dépense de 32,7 millions d’euros sur cette période, et tout un conglomérat d’acteurs ayant un poids au sein de l’Union européenne, où ils tentent d’exercer une influence politique. Mais aussi à l’intérieur de ses frontières.

L’étude souligne que la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et la Pologne sont les pays de base des fondations les plus « importantes ». Dans notre pays, HazteOír s’est fait connaître pour avoir affrété le bus transphobe et lancé des initiatives ultraconservatrices. Ses liens avec Vox, une formation avec laquelle elle partage des discours et des idées, mais aussi des noms sur les listes électorales, sont bien connus.

« L’image qui se dessine est celle d’une communauté transnationale d’extrémistes religieux et d’acteurs d’extrême droite partageant les mêmes idées et prenant des décisions stratégiques de financement par-delà les frontières internationales », conclut l’enquête, qui décrit une « stratégie soigneusement orchestrée » contre l’avancement des droits qui « produit déjà des résultats concrets. »

Il s’agit notamment de l’interdiction quasi-totale de l’avortement et des « zones sans LGTBI » en Pologne ou des lois anti-LGBTBI en Hongrie, qui vient d’interdire de parler d’homosexualité dans les écoles dans une règle qui l’assimile à la pédophilie. Aujourd’hui, ces groupes s’efforcent de renverser le « rapport Matic » sur les droits sexuels et reproductifs des femmes, qui doit être voté jeudi par le Parlement européen.

Le rapport note que l’opposition à ces évolutions a été considérée pendant un temps comme une « réaction naturelle » au progrès ou « une excentricité locale contenue dans quelques pays conservateurs » et que la résurgence actuelle « a été initialement sous-estimée [...] jusqu’à ce qu’elle commence à mobiliser le soutien populaire, à influencer et à façonner le paysage politique ».

Les analystes ont depuis longtemps averti que cette toile d’acteurs s’incarne dans des formations politiques qui se sont développées ces dernières années. L’étude cite l’Espagne et l’Allemagne comme pays où ces groupes ont créé des mécanismes « pour canaliser l’activisme » contre les droits sexuels et reproductifs « et transformer les participants en acteurs politiques » par le biais de partis tels que Vox, citent les experts.
Un réseau international coordonné

L’EPF a identifié trois origines géographiques importantes de ces organisations : Europe, États-Unis et Russie. C’est la première qui contribue le plus au montant total grâce à l’activité de fondations privées  » engagées  » dans le programme  » anti-gender « .

Au total, une vingtaine d’organisations ont dépensé 437,7 millions de dollars au cours des dix dernières années, selon l’étude. Ils le font par le biais de nombreuses activités, telles que la création de médias, la collecte de signatures en ligne, l’organisation de marches ou la tenue de forums et d’événements. L’étude prévient que les données de ces acteurs européens « sont les plus incohérentes » et présentent « des lacunes importantes qui conduisent à une sous-estimation ».

L’étude décrit HazteOír/CitizenGo comme « l’une des organisations les plus importantes de l’extrême droite de l’échiquier politique international » et lui attribue des stratégies fructueuses telles que le « astroturfing », qui consiste à lancer des initiatives en les faisant passer pour une expression populaire et spontanée.

Tous deux se définissent sur leur site web comme « une communauté de citoyens actifs qui cherche à promouvoir la participation de la société à la politique » par le biais de pétitions de signatures. Le dernier demande à Pablo Casado de faire appel de la loi sur l’euthanasie qui entrera en vigueur dans deux jours.

De cette manière, « ils fabriquent de l’indignation sociale pour canaliser leurs objectifs vers les partis politiques de droite et d’extrême droite », détaille l’étude.

L’étude cite également One of Us, une fédération européenne fondée en 2013 par l’ancien ministre populaire Jaime Mayor Oreja dans le but de défendre « les valeurs basées sur les racines judéo-chrétiennes » ; la Fundacio Provida Catalunya, ou encore la fondation française Jérôme Lejeune, également présente en Espagne. Les fondations en France, en Allemagne, en Italie et en Pologne complètent la carte des acteurs plus actifs qui n’agissent pas de manière isolée du reste, mais s’organisent et se coordonnent entre eux et également avec les formations politiques et les églises et acteurs religieux de premier plan.

Cette « collaboration internationale », derrière laquelle se cache une stratégie d’action formelle, prend la forme d’initiatives collectives telles que l’Agenda Europa, un réseau créé en 2013 auquel appartiennent nombre de ces organisations, ou encore le Political Network for Values, une plateforme « de représentants politiques pour travailler en réseau, dans un échange global et local, en promouvant et en défendant activement un décalogue de valeurs partagées, dont la protection de la vie humaine, le mariage, la famille et la liberté de religion et de conscience ».

Parmi ses membres figurent le maire Oreja, l’ancien sénateur Luis Peral et près d’une vingtaine d’autres hommes politiques venus du monde entier. Le conseil est présidé par la ministre hongroise de la famille, Katalin Novák, et Ignacio Arsuaga, président et fondateur de HazteOír, en est membre.

L’utilisation du contentieux « pour porter atteinte aux droits de l’homme ».

L’étude chiffre à 81,3 millions d’euros le montant qui provient d’une douzaine d’ONG et de think tanks aux États-Unis qui « bénéficient à leur tour de fondations conservatrices produites par des milliardaires ayant des liens avec le Parti républicain et l’extrême droite », affirment-ils.

Les acteurs de ce groupe sont passés de huit à dix au cours de la dernière décennie et parmi eux se distinguent ADF International et ECLJ, activement engagés dans des litiges stratégiques et qui, selon le rapport, « ont construit une infrastructure juridique en Europe » avec des bureaux « dans tous les centres de décision » du continent d’où ils ont participé « à plus de 30 affaires » devant les tribunaux européens « pour porter atteinte aux droits de l’homme ». Cette dernière est une technique utilisée en Espagne par l’organisation ultra-catholique Christian Lawyers (avocats), qui a porté devant les tribunaux des dizaines d’affaires liées à l’avortement ou à l’éducation sexuelle.

Une autre des organisations de la droite chrétienne américaine actives en Europe que l’enquête identifie est le Leadership Institute, fondé dans l’État de Virginie en 1987 et connu « pour former des militants » du mouvement ultraconservateur Tea Party et pour organiser en Europe, indique le rapport, « des formations pour des publics ultraconservateurs et d’extrême droite tels que le HazteOír espagnol », notamment « en les aidant à professionnaliser les opérations de collecte de fonds ». Arsuaga, a en effet été récompensé en 2012 par un conglomérat d’acteurs dont ce collectif pour avoir fait de HO « l’un des mouvements de la société civile les plus influents d’Europe occidentale ».

Le dernier point de mire a été la Fédération de Russie, d’où proviennent 188 millions de dollars pour financer le « programme antisexiste ».

Principalement d’entités « liées à deux oligarques russes : Vladimir Yakunin et Konstatin Malofeev » et de quatre agences gouvernementales. Le rapport souligne également l’existence d’argent « noir » provenant de blanchisseries en Russie.

Le Forum parlementaire européen sur les droits sexuels et reproductifs affirme que c’est ainsi que les fonds ont été acheminés vers les partis d’extrême droite sur le continent.

Marta Borraz 23 juin 2021

https://www.eldiario.es/

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08 juin 2021 ~ 0 Commentaire

racisme canada (presse de gauche)

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Au Canada, qu’en est-il du racisme envers les Autochtones ?

Les événements de Kamloops et avec eux les douloureux souvenirs des pensionnats autochtones devraient pouvoir mieux nous aider à comprendre ce qu’il en est du racisme existant au Canada et par conséquent des manières les plus propices pour le combattre.

Car si la notion de racisme systémique —si à la mode aujourd’hui— permet de comprendre que le racisme n’est pas que le fait de quelques individus isolés, elle reste en même temps si vague et indéterminée qu’elle peut ouvrir la voie à de multiples interprétations, et donc à des manières bien différentes de mener le combat anti-raciste.

Un anti-racisme décolonial décontextualisé

C’est ainsi qu’un certain type d’anti-racisme décolonial décontextualisé a pris dans la société allochtone du Québec le haut du pavé et s’est fait entendre haut et fort ces derniers temps au travers de dérives passablement inquiétantes (voir entre autres les débats autour du comité anti-raciste décolonial au sein de Québec Solidaire !).

Car cette approche tend —au fil d’un discours apparemment radical— à réduire le combat anti-raciste à une série de positions manichéennes, individualistes, sectaires et moralisantes, loin de toute compréhension en profondeur du racisme et surtout des leçons historiques que nous pourrions tirer du si triste épisode des pensionnats autochtones.

Car le racisme n’est pas qu’une question de couleur de peau, de fragilité blanche et de privilège ou mea-culpa individuels. Il est aussi une question d’État, et on ne peut en comprendre la profondeur qu’en le reliant à des politiques sociales et économiques menées depuis d’implaca-bles intérêts de classes. Et c’est justement ce que nous rappellent les événements de Kamloops.

Pourquoi un régime des pensionnats ?

Car c’est dans la droite ligne de la loi sur les Indiens (1876) et de ses visées assimilatrices, que le régime des pensionnats fut officiellement instauré en 1892 par le gouvernement fédéral, suite à des ententes avec les clergés catholiques, anglicans, méthodistes et presbytériens.

Et si ce régime a été officiellement aboli en 1969 (le dernier pensionnat a été fermé au Québec en 1991), il n’en a pas moins donné naissance à près de 140 pensionnats répartis dans tout le Canada (dont au moins 10 implantés au Québec et 40 gérés par la congrégation des Oblats) et qui ont pris en charge pendant toute cette période de plus de 150 000 enfants.

Il s’est donc agi, par le biais d’une alliance « entre le sabre et le goupillon », entre l’État fédéral et les Églises du Canada, d’assimiler et d’évangéliser les populations autochtones ; en d’autres mots de faire disparaître —par le biais d’une rééducation forcée de leurs enfants— tout ce qui avait à voir avec les mœurs, les langues, les cultures et traditions des Premiers Peuples.

Non d’ailleurs sans des abus de toutes sortes : mauvais traitements, agressions sexuelles, expérimentations pseudo-scientifiques, nourriture insuffisante, etc. En ce qui concerne les Oblats, il faut ajouter que, s’ils étaient officiellement les gestionnaires financiers de ces pensionnats, c’étaient surtout des congrégations féminines (les soeurs grises notamment) qui étaient en charge au quotidien de ces enfants et des pédagogies répressives qui y étaient appliquées ainsi que des maigres ressources qui leur étaient allouées.

En fait, il ne s’est agi, avec ces 140 pensionnats, de rien d’autre que de la mise en marche d’un véritable ethnocide culturel des peuples autochtones visant à assimiler leurs propres enfants et à leur enlever —en la brisant— toute identité qui leur soit propre.

Un racisme d’État

Le régime des pensionnats, était donc une des pièces clefs des politiques coloniales prises au plus haut niveau de l’État fédéral et visant ultimement à répondre aux intérêts économiques des classes possédantes canadiennes qui cherchaient à s’emparer définitivement de vastes territoires inexploités et à les ouvrir au développement, ainsi qu’à l’exploitation forestière et minière. Il participait donc à ces stratégies d’exploitation économique et de répression des peuples sur la base de laquelle s’est d’ailleurs fondé puis renforcé le Canada.

En ce sens, s’il peut exister encore aujourd’hui un racisme dit systémique au Canada, c’est parce qu’il est d’abord —et continue d’être— un racisme d’État mis au service des intérêts politiques et économiques des élites possédantes canadiennes.

Certes les élites religieuses québécoises y furent directement impliquées —notamment par le biais des Oblats— mais ce ne le fut qu’en se pliant et cautionnant ou légitimant (par la religion) ces politiques de colonisation économique et d’assimilation culturelle menées depuis l’État fédéral.

Beaucoup plus que des excuses

Aussi si l’on veut vraiment s’en prendre au racisme d’État toujours en vigueur au Canada, c’est beaucoup plus que des excuses venant des gouvernements ou des Églises qu’il faudrait exiger. C’est beaucoup plus que des réparations d’ordre monétaire, ou des mea-culpa individuels ou collectifs, ou encore des statues qu’on déciderait de déboulonner solennellement. C’est même beaucoup qu’une simple réconciliation, car il ne peut pas y avoir de réconciliation sans justice sociale, politique et culturelle.

Si l’on veut vraiment s’en prendre au racisme d’État toujours en vigueur au Canada, c’est nécessairement et en même temps, oser s’en prendre politiquement à cette prison des peuples que reste le Canada et qui fait que tant de peuples se sont trouvés —au nom d’insatiables intérêts économiques et jusqu’à aujourd’hui— dépossédés des territoires où ils vivaient, mais aussi de tout droit à l’auto-détermination, Québec compris.

Lutter contre le racisme, c’est donc nécessairement prendre en compte, toute la profondeur de cet arrière-fond économique, social et politique sans lequel le racisme n’aurait jamais pris le caractère systémique qu’il revêt aujourd’hui au Canada. Et si ce n’est pas là un mince défi, c’est pourtant à cette seule condition que l’on pourrait en finir avec ce terrible poison qu’est le racisme pour tant de peuples !

mardi 8 juin 2021 Pierre Mouterde

https://www.pressegauche.org/

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23 mai 2021 ~ 0 Commentaire

shlomo sands (le monde diplo)

croisades

Une étoile de David sur le bouclier

Comment fut inventé le peuple juif

Tout Israélien sait, sans l’ombre d’un doute, que le peuple juif existe depuis qu’il a reçu la Torah (1) dans le Sinaï, et qu’il en est le descendant direct et exclusif.

Chacun se persuade que ce peuple, sorti d’Egypte, s’est fixé sur la « terre promise », où fut édifié le glorieux royaume de David et de Salomon, partagé ensuite en royaumes de Juda et d’Israël. De même, nul n’ignore qu’il a connu l’exil à deux reprises : après la destruction du premier temple, au VIe siècle avant J.-C., puis à la suite de celle du second temple, en l’an 70 après J.C.

S’ensuivit pour lui une errance de près de deux mille ans : ses tribulations le menèrent au Yémen, au Maroc, en Espagne, en Allemagne, en Pologne et jusqu’au fin fond de la Russie, mais il parvint toujours à préserver les liens du sang entre ses communautés éloignées. Ainsi, son unicité ne fut pas altérée. A la fin du 19è siècle, les conditions mûrirent pour son retour dans l’antique patrie. Sans le génocide nazi, des millions de Juifs auraient naturellement repeuplé Eretz Israël (« la terre d’Israël ») puisqu’ils en rêvaient depuis vingt siècles.

Vierge, la Palestine attendait que son peuple originel vienne la faire refleurir. Car elle lui appartenait, et non à cette minorité arabe, dépourvue d’histoire, arrivée là par hasard. Justes étaient donc les guerres menées par le peuple errant pour reprendre possession de sa terre ; et criminelle l’opposition violente de la population locale.

D’où vient cette interprétation de l’histoire juive ? Elle est l’œuvre, depuis la seconde moitié du 19è siècle, de talentueux reconstructeurs du passé, dont l’imagination fertile a inventé, sur la base de morceaux de mémoire religieuse, juive et chrétienne, un enchaînement généalogique continu pour le peuple juif. L’abondante historiographie du judaïsme comporte, certes, une pluralité d’approches. Mais les polémiques en son sein n’ont jamais remis en cause les conceptions essentialistes élaborées principalement à la fin du 19è siècle et au début du 20è.

Lorsqu’apparaissaient des découvertes susceptibles de contredire l’image du passé linéaire, elles ne bénéficiaient quasiment d’aucun écho. L’impératif national, telle une mâchoire solidement refermée, bloquait toute espèce de contradiction et de déviation par rapport au récit dominant.

Les instances spécifiques de production de la connaissance sur le passé juif — les départe-ments exclusivement consacrés à l’« histoire du peuple juif », séparés des départements d’histoire (appelée en Israël « histoire générale ») — ont largement contribué à cette curieuse hémiplégie. Même le débat, de caractère juridique, sur « qui est juif ? » n’a pas préoccupé ces historiens : pour eux, est juif tout descendant du peuple contraint à l’exil il y a deux mille ans.

Ces chercheurs « autorisés » du passé ne participèrent pas non plus à la controverse des « nouveaux historiens », engagée à la fin des années 1980. La plupart des acteurs de ce débat public, en nombre limité, venaient d’autres disciplines ou bien d’horizons extra-universitaires : sociologues, orientalistes, linguistes, géographes, spécialistes en science politique, chercheurs en littérature, archéologues formulèrent des réflexions nouvelles sur le passé juif et sioniste. On comptait également dans leurs rangs des diplômés venus de l’étranger. Des « départements d’histoire juive » ne parvinrent, en revanche, que des échos craintifs et conservateurs, enrobés d’une rhétorique apologétique à base d’idées reçues.

Le judaïsme, religion prosélyte

Bref, en soixante ans, l’histoire nationale a très peu mûri, et elle n’évoluera vraisemblablement pas à brève échéance. Pourtant, les faits mis au jour par les recherches posent à tout historien honnête des questions surprenantes au premier abord, mais néanmoins fondamentales.

La Bible peut-elle être considérée comme un livre d’histoire ?

Les premiers historiens juifs modernes, comme Isaak Markus Jost ou Leopold Zunz, dans la première moitié du 19è siècle, ne la percevaient pas ainsi : à leurs yeux, l’Ancien Testament se présentait comme un livre de théologie constitutif des communautés religieuses juives après la destruction du premier temple.

Il a fallu attendre la seconde moitié du même siècle pour trouver des historiens, en premier lieu Heinrich Graetz, porteurs d’une vision « nationale » de la Bible : ils ont transformé le départ d’Abraham pour Canaan, la sortie d’Egypte ou encore le royaume unifié de David et Salomon en récits d’un passé authentiquement national. Les historiens sionistes n’ont cessé, depuis, de réitérer ces « vérités bibliques », devenues nourriture quotidienne de l’éducation nationale.

Mais voilà qu’au cours des années 1980 la terre tremble, ébranlant ces mythes fondateurs. Les découvertes de la « nouvelle archéologie » contredisent la possibilité d’un grand exode au 13è siècle avant notre ère. De même, Moïse n’a pas pu faire sortir les Hébreux d’Egypte et les conduire vers la « terre promise » pour la bonne raison qu’à l’époque celle-ci… était aux mains des Egyptiens. On ne trouve d’ailleurs aucune trace d’une révolte d’esclaves dans l’empire des pharaons, ni d’une conquête rapide du pays de Canaan par un élément étranger.

Il n’existe pas non plus de signe ou de souvenir du somptueux royaume de David et de Salomon. Les découvertes de la décennie écoulée montrent l’existence, à l’époque, de deux petits royaumes : Israël, le plus puissant, et Juda, la future Judée. Les habitants de cette dernière ne subirent pas non plus d’exil au 6è siècle avant notre ère : seules ses élites politiques et intellectuelles durent s’installer à Babylone. De cette rencontre décisive avec les cultes perses naîtra le monothéisme juif.

L’exil de l’an 70 de notre ère a-t-il, lui, effectivement eu lieu ? Paradoxalement, cet « événement fondateur » dans l’histoire des Juifs, d’où la diaspora tire son origine, n’a pas donné lieu au moindre ouvrage de recherche. Et pour une raison bien prosaïque : les Romains n’ont jamais exilé de peuple sur tout le flanc oriental de la Méditerranée. A l’exception des prisonniers réduits en esclavage, les habitants de Judée continuèrent de vivre sur leurs terres, même après la destruction du second temple.

Une partie d’entre eux se convertit au christianisme au 4è siècle, tandis que la grande majorité se rallia à l’islam lors de la conquête arabe au 7è siècle. La plupart des penseurs sionistes n’en ignoraient rien : ainsi, Yitzhak Ben Zvi, futur président de l’Etat d’Israël, tout comme David Ben Gourion, fondateur de l’Etat, l’ont-ils écrit jusqu’en 1929, année de la grande révolte palestinienne. Tous deux mentionnent à plusieurs reprises le fait que les paysans de Palestine sont les descendants des habitants de l’antique Judée (2).

A défaut d’un exil depuis la Palestine romanisée, d’où viennent les nombreux Juifs qui peuplent le pourtour de la Méditerranée dès l’Antiquité ? Derrière le rideau de l’historiographie nationale se cache une étonnante réalité historique. De la révolte des Maccabées, au 2è siècle avant notre ère, à la révolte de Bar-Kokhba, au 2è siècle après J.-C, le judaïsme fut la première religion prosélyte.

Les Asmonéens avaient déjà converti de force les Iduméens du sud de la Judée et les Ituréens de Galilée, annexés au « peuple d’Israël ». Partant de ce royaume judéo-hellénique, le judaïsme essaima dans tout le Proche-Orient et sur le pourtour méditerranéen. Au premier siècle de notre ère apparut, dans l’actuel Kurdistan, le royaume juif d’Adiabène, qui ne sera pas le dernier royaume à se « judaïser » : d’autres en feront autant par la suite.

Les écrits de Flavius Josèphe ne constituent pas le seul témoignage de l’ardeur prosélyte des Juifs. D’Horace à Sénèque, de Juvénal à Tacite, bien des écrivains latins en expriment la crainte. La Mishna et le Talmud (3) autorisent cette pratique de la conversion — même si, face à la pression montante du christianisme, les sages de la tradition talmudique exprimeront des réserves à son sujet.

La victoire de la religion de Jésus, au début du 4è siècle, ne met pas fin à l’expansion du judaïsme, mais elle repousse le prosélytisme juif aux marges du monde culturel chrétien. Au 5è siècle apparaît ainsi, à l’emplacement de l’actuel Yémen, un royaume juif vigoureux du nom de Himyar, dont les descendants conserveront leur foi après la victoire de l’islam et jusqu’aux temps modernes.

De même, les chroniqueurs arabes nous apprennent l’existence, au 7è siècle, de tribus berbères judaïsées : face à la poussée arabe, qui atteint l’Afrique du Nord à la fin de ce même siècle, apparaît la figure légendaire de la reine juive Dihya el-Kahina, qui tenta de l’enrayer. Des Berbères judaïsés vont prendre part à la conquête de la péninsule Ibérique, et y poser les fondements de la symbiose particulière entre juifs et musulmans, caractéristique de la culture hispano-arabe.

La conversion de masse la plus significative survient entre la mer Noire et la mer Caspienne : elle concerne l’immense royaume khazar, au 8è siècle. L’expansion du judaïsme, du Caucase à l’Ukraine actuelle, engendre de multiples communautés, que les invasions mongoles du 13è siècle refoulent en nombre vers l’est de l’Europe. Là, avec les Juifs venus des régions slaves du Sud et des actuels territoires allemands, elles poseront les bases de la grande culture yiddish (4).

Ces récits des origines plurielles des Juifs figurent, de façon plus ou moins hésitante, dans l’historiographie sioniste jusque vers les années 1960 ; ils sont ensuite progressivement marginalisés avant de disparaître de la mémoire publique en Israël. Les conquérants de la cité de David, en 1967, se devaient d’être les descendants directs de son royaume mythique et non — à Dieu ne plaise ! — les héritiers de guerriers berbères ou de cavaliers khazars. Les Juifs font alors figure d’« ethnos » spécifique qui, après deux mille ans d’exil et d’errance, a fini par revenir à Jérusalem, sa capitale.

Les tenants de ce récit linéaire et indivisible ne mobilisent pas uniquement l’enseignement de l’histoire : ils convoquent également la biologie. Depuis les années 1970, en Israël, une succession de recherches « scientifiques » s’efforce de démontrer, par tous les moyens, la proximité génétique des Juifs du monde entier.

Cette conception historique constitue la base de la politique identitaire de l’Etat d’Israël, et c’est bien là que le bât blesse ! Elle donne en effet lieu à une définition essentialiste et ethnocentriste du judaïsme, alimentant une ségrégation qui maintient à l’écart les Juifs des non-Juifs — Arabes comme immigrants russes ou travailleurs immigrés.

Israël, soixante ans après sa fondation, refuse de se concevoir comme une république existant pour ses citoyens. Près d’un quart d’entre eux ne sont pas considérés comme des Juifs et, selon l’esprit de ses lois, cet Etat n’est pas le leur. En revanche, Israël se présente toujours comme l’Etat des Juifs du monde entier, même s’il ne s’agit plus de réfugiés persécutés, mais de citoyens de plein droit vivant en pleine égalité dans les pays où ils résident.

Autrement dit, une ethnocratie sans frontières justifie la sévère discrimination qu’elle pratique à l’encontre d’une partie de ses citoyens en invoquant le mythe de la nation éternelle, reconstituée pour se rassembler sur la « terre de ses ancêtres ».

Ecrire une histoire juive nouvelle, par-delà le prisme sioniste, n’est donc pas chose aisée. La lumière qui s’y brise se transforme en couleurs ethnocentristes appuyées. Or les Juifs ont toujours formé des communautés religieuses constituées, le plus souvent par conversion, dans diverses régions du monde : elles ne représentent donc pas un « ethnos » porteur d’une même origine unique et qui se serait déplacé au fil d’une errance de vingt siècles.

Le développement de toute historiographie comme, plus généralement, le processus de la modernité passent un temps, on le sait, par l’invention de la nation. Celle-ci occupa des millions d’êtres humains au 19è siècle et durant une partie du 20è. La fin de ce dernier a vu ces rêves commencer à se briser.

Des chercheurs, en nombre croissant, analysent, dissèquent et déconstruisent les grands récits nationaux, et notamment les mythes de l’origine commune chers aux chroniques du passé. Les cauchemars identitaires d’hier feront place, demain, à d’autres rêves d’identité. A l’instar de toute personnalité faite d’identités fluides et variées, l’histoire est, elle aussi, une identité en mouvement.

Les Juifs forment-ils un peuple ? A cette question ancienne, un historien israélien apporte une réponse nouvelle. Contrairement à l’idée reçue, la diaspora ne naquit pas de l’expulsion des Hébreux de Palestine, mais de conversions successives en Afrique du Nord, en Europe du Sud et au Proche-Orient. Voilà qui ébranle un des fondements de la pensée sioniste, celui qui voudrait que les Juifs soient les descendants du royaume de David et non — à Dieu ne plaise ! — les héritiers de guerriers berbères ou de cavaliers khazars.

Shlomo Sand 2008 Historien, professeur à l’université de Tel-Aviv, auteur de Comment le peuple juif fut inventé, à paraître chez Fayard en septembre.

https://www.monde-diplomatique.fr/

 

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07 avril 2021 ~ 0 Commentaire

sandinistas (nortes)

sandinistas

Asturies: en mémoire du prêtre guérillero Gaspar García Laviana

L’association culturelle d’Oviedo organise une présentation du livre Mientras yo viva, Gaspar no morirá, de José María Álvarez « Pipo ».

Journaliste, écrivain et traducteur littéraire de l’italien. Il est l’auteur des romans « Lluvia d’agostu » (Pluie d’août) (Hoja de Lata, 2016) et « Los xardinos de la lluna » (Trabe, 2020), avec lesquels il a remporté deux fois le prix Xosefa Xovellanos.

L’association culturelle La Ciudadana, d’Uviéu, a organisé une présentation en ligne du livre Mientras yo viva, Gaspar no morirá (Tant que je vivrai, Gaspar ne mourra pas) vendredi 9, à 20 heures. L’événement, qui peut être suivi via Facebook Live et YouTube, sera présenté par Ignacio Bujanda, vice-président de La Ciudadana, et comprendra, entre autres, le prêtre d’Allerano José María Álvarez Pipo, auteur du livre, qui évoquera la figure de Gaspar García Laviana, prêtre guérillero du Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN), mort en 1978 en luttant contre la dictature d’Anastasio Somoza.

Pipo a connu le prêtre, poète et combattant du conseil de Samartín del Rei Aurelio, et a récemment rappelé dans une interview à Nortes que « Gaspar est devenu un guérillero du FSLN, où il a fini commandant ».

Selon lui, « il a été solidaire au point de risquer sa vie et de finir par la perdre ». Il était venu au Nicaragua en tant que missionnaire. Beaucoup diraient que les problèmes de ce pays n’étaient pas ses problèmes, mais il s’y était impliqué corps et âme. Dans sa poésie également, le prêtre de Nalón, membre de la Théologie de la libération latino-américaine, a montré « une sensibilité particulière à l’égard de la souffrance, de l’injustice et de la pauvreté qui frappent surtout les paysans ».

Gaspar García Laviana était né en 1948 à Les Roces, dans la Güeria Carrocera, bien qu’il ait déménagé très tôt dans la paroisse de Tiuya. Il a étudié la philosophie et la théologie à Logroño, a été ordonné prêtre et a travaillé comme prêtre ouvrier à Madrid, alternant la menuiserie et le sacerdoce.

À 28 ans, il se rendit au Nicaragua en tant que missionnaire et y termina ses jours en tant que guérillero, abattu dans une embuscade par des soldats de la dictature de Somoza alors qu’il avançait à l’avant de la colonne sandiniste Benjamín Zeledón.

Paco Álvarez 6 avril 2021

https://www.nortes.me/

Commentaire:

Nous avons soutenu passionnément le FSLN de 1978 mais pas sa caricature actuelle!

Lire aussi:

Front Sandiniste de Libération Nationale (FSLN)

Nicaragua: La Révolution sandiniste (LCR)

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25 février 2021 ~ 0 Commentaire

texas (npa rdf rp)

capitlaislme

Catastrophe climatique au Texas

Le changement climatique et les politiques des Républicains se sont combinées au Texas ces derniers jours pour produire une catastrophe qui a laissé des millions de personnes sans électricité, sans chauffage et sans eau, la température tombant sous le point de congélation et la neige et la glace recouvrant l’État, faisant au moins 70 morts.

Ce froid sévère, rare dans cet État, est un exemple supplémentaires des conditions météorolo-giques extrêmes, qui se présentent également sous la forme d’inondations et de feux de forêt, que le changement climatique a amenées aux États-Unis.

Une économie dominée par le pétrole et le gaz

Il y a vingt ans, les Républicains ont repris le poste de gouverneur et la majorité des élus du Texas (tant à la Chambre qu’au Sénat), puis ils ont déréglementé et négligé les systèmes énergétiques de l’État, ce qui a conduit à cette catastrophe.

Le gouverneur Greg Abbott et d’autres Républicains, dont le parti est alimenté par l’industrie pétrolière et gazière de l’État, a imputé la crise à la défaillance des éoliennes et prévient maintenant qu’ Alexandra Ocasio-Cortez, son « Green New Deal » et les éoliennes vont détruire l’économie de l’État.

Le Texas, près de 25 % plus grand que la France, a une population diversifiée de 29 millions de personnes, 40 % de blancs, 40 % de latinos, 13 % de noirs et 5 % d’asiatiques. L’économie de l’État est dominée par la production de pétrole et de gaz, et le Texas est le plus gros producteur du pays.

Les milliardaires pétroliers et financiers texans, dirigés par Midland Energy, ont financé le Parti républicain à la fois dans l’État et au niveau national. La combinaison d’une économie basée sur le pétrole et de la politique du Parti républicain a signifié le déni du changement climatique ainsi que la déréglementation et l’irresponsabilité.

Comment la catastrophe a-t-elle pu arriver ?

Les températures au Texas varient généralement entre 15 et 21°, mais la semaine dernière, après que le vortex polaire a baissé au-dessus des États-Unis, Houston avait des températures de – 8° et Dallas a atteint – 16° le 15 février, les températures les plus basses depuis environ 30 ans.

Les systèmes électriques, de chauffage et d’eau sont tombés en panne dans les habitations, les cliniques et les hôpitaux. Les cliniques ne pouvaient pas donner aux patientEs leurs traitements de dialyse, tandis que les tempêtes ont interrompu les vaccinations Covid.

Les immenses ranchs et fermes ont perdu des animaux et des récoltes d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. À mesure que les conduites d’eau éclataient dans les maisons, de la glace se formait sur les lampes et les ventilateurs des plafonds. Comment cela a-t-il pu arriver ?

Le Texas est le seul État qui possède son propre réseau électrique ; tous les autres sont reliés aux systèmes d’inter­connexions de l’est et de l’ouest, ce qui leur donne une plus grande capacité à répondre aux variations de la demande énergétique.

L’énergie de l’État provient de plusieurs sources : 46 % de gaz naturel, 23 % d’énergie éolienne, 18 % de charbon et 11 % de nucléaire. Face au gel, le réseau électrique de l’État, géré par l’Electric Reliability Council of Texas (ERCOT), a échoué.

Les politiciens ont créé et maintenu leur système particulier et son organisme de direction pour échapper à la réglementation fédérale. Le Texas avait été averti en 2011 que son système devait être mis à niveau pour faire face à des températures plus froides, mais ERCOT ne l’a pas fait.

Toutes les formes de production d’électricité ont connu des défaillances pour des raisons diverses, les éoliennes en raison de l’incapacité du gouvernement de l’État à les adapter aux conditions hivernales.

Dans la foulée de la crise du covid

En pleine crise, l’un des principaux politiciens républicains du Texas, le sénateur Ted Cruz, s’est envolé avec sa femme et ses enfants pour séjourner dans un hôtel de luxe à Cancún au Mexique. Des voyageurs ont pris des photos de Cruz à l’aéroport et dans l’avion, les ont publiées sur les réseaux sociaux et elles sont devenues virales, ce qui a provoqué un tollé public. Cruz a dû acheter un billet de retour et revenir le lendemain au Texas.

L’échec du système énergétique texan fait suite à la mauvaise gestion du coronavirus par l’État.

Depuis le début de la pandémie, le Texas a eu 41 981 morts ; ce qui en fait le deuxième État, après la Californie, parmi le demi-million de décès à l’échelle nationale. Après les fermetures initiales, le gouverneur Abbott a déconfiné l’État et cédé aux chrétiens évangéliques : il a permis aux services religieux de se poursuivre, et bientôt le Texas est devenu le premier État à atteindre un million de cas.

L’échec lamentable du Parti républicain du Texas à faire face à la fois à la pandémie Covid et à la crise énergétique pourrait jeter les bases d’un changement politique qui permettrait aux Démocrates de reprendre le gouvernement de l’État, mais cela ne résoudrait les problèmes que si les démocrates étaient capables de rompre réellement avec les politiques pro-business.

Traduction Henri Wilno, Dan La Botz 25/02/2021

https://lanticapitaliste.org/

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Texas. Après la vague de froid, des ménages reçoivent des factures d’électricité allant jusqu’à 17 000 dollars

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21 février 2021 ~ 0 Commentaire

camilo torres (nueva tribuna)

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Camilo, bien plus qu’un prêtre ou un guérillero

Une mémoire nécessaire pour un pays qui continue à chercher à faire son chemin vers la paix.

Camilo Torres Restrepo (Bogotá, 3 février 1929 – Patio Cemento, Santander, 15 février 1966) était un intellectuel critique, un militant politique, un prêtre engagé auprès des plus démunis et un guérillero dans ses derniers jours. Sa figure est toujours vivante dans l’imaginaire colombien comme une référence qui a favorisé l’unification de la base pour lutter pour la transformation sociale.

Pour beaucoup, il a été une croix de lumière et un unificateur des sentiments d’identité d’un peuple subjugué. Au-delà du mythique, le prêtre Camilo était bien plus qu’un prêtre ou un guérillero, c’était un serviteur chrétien, un défenseur des droits et des libertés de l’homme et contre l’appauvrissement, matériel et intellectuel, d’un peuple opprimé par les classes dirigeantes politiques internes et exploité par les multinationales économiques externes.

Connu et reconnu comme le prêtre de la guérilla, cette étiquette ne sert qu’à occulter ses grandes qualités humaines et académiques et à ceux qui le suivent de montrer la valeur de son combat et à ceux qui le dénigrent de le pointer du doigt et de le proscrire pour cette même raison.

Pour Camilo Torres, le christianisme a dû lutter aux côtés du marxisme, en promouvant une véritable transformation sociale. Un symbole d’une révolution jamais réalisée et d’une résistance qui, aujourd’hui encore, un demi-siècle plus tard, est nécessaire pour ne pas perdre sa dignité et son identité, même si cela continue à lui coûter la vie, comme cela est arrivé à Camilo lui-même.

Ce mois de février marque le 55è anniversaire de la mort de Camilo Torres Restrepo, dans l’exercice de ses fonctions. Oui, le service qu’il a décidé de rendre afin de servir son pays et son peuple en luttant contre les politiciens et leur politique et en dénonçant une Église catholique ultra-conservatrice toujours du côté du pouvoir et non du côté des opprimés.

Camilo était plus qu’un prêtre et doit continuer à l’être. En ces temps de crise sanitaire, il doit être un vaccin de plus, aussi nécessaire que les injectables, pour maintenir la lutte, la résistance et la survie face aux autres pandémies, celles qui ravagent la Colombie et une grande partie du territoire latino-américain.

Formé au Liceo Cervantes, c’est peut-être pour cela qu’il a été un autre des Quixotes de l’histoire face aux géants et aux moulins à vent. Il a étudié à l’Université nationale de Colombie, où il a été aumônier, professeur et promoteur des études de sociologie avec Fals Borda, et à l’Université catholique de Louvain (Belgique).

Son travail social et académique actif l’a conduit à étudier les inégalités et l’appauvrissement dans les zones rurales et dans les quartiers de la capitale. Sans être l’un des signataires, il a contribué par son travail au livre La violencia en Colombia, l’une des meilleures études sur la réalité colombienne réalisée par Fals Borda lui-même, avec le juriste Eduardo Umaña Luna et le prêtre Germán Guzmán Campos (auteur du texte El padre Camilo Torres).

Camilo Torres a construit une histoire de sa vie et de son époque et d’autres personnes ont construit la leur en se basant sur le personnage, ses étapes et ses mythes. C’est pourquoi on dit qu’il n’y a pas un seul Camilo, mais des centaines.

Il a découvert qu’au cœur du christianisme se trouvait l’amour du prochain et qu’il valait la peine de s’engager dans cet amour. Il est donc devenu prêtre, pour devenir « un serviteur à plein temps de l’amour du prochain ». Il a affirmé avec conviction que « Ce qui fait de moi un prêtre, fondamen-talement, c’est de faire en sorte que mes frères s’aiment de manière efficace et je crois que l’efficacité de l’amour ne peut être obtenue que par la révolution.

Dans ses enseignements, il a souligné l’importance d’aimer davantage, au-delà des prières. Son christianisme était plus social et plus engagé envers les autres qu’envers l’institution ecclésiastique. Aux questions qu’il s’est toujours posées sur le pourquoi de tant de différences sociales, de tant d’inégalités et de tant d’oppression, il a trouvé une réponse dans le marxisme et son rôle dans la lutte pour le changement social. C’est pourquoi il a défendu que les chrétiens devraient être aux côtés des marxistes pour lutter ensemble pour la transformation de la société.

En politique, il a promu la création du Frente Unido del Pueblo (Front uni du peuple), un scénario de rencontre et de politique, d’action, symbolique et communicative, pour la construction fraternelle de la nationalité colombienne et une alternative politique à l’oligarchie colombienne traditionnelle qui a historiquement partagé le pouvoir.

Il a également défendu l’expropriation des biens de l’église. Frente Unido est également le nom du journal qu’il a fondé et édité pour ses treize éditions, qui paraissaient le jeudi selon son affiche de lancement, et qui s’adressait aux classes populaires.

La somme de tout cela l’a mis dans une situation compliquée, recevant des menaces qui l’ont amené à prendre parti pour l’Armée de libération nationale récemment formée. En tant que membre de ce groupe de guérilla, il a connu sa mort le 15 février 1966. Dans cette union, on dit que Camilo est devenu un éléniste et que les guérilleros sont devenus des camilistas.

Sa mère, Isabel Restrepo, a déclaré dans une interview : « J’ai dit, ils vont le tuer à un coin de rue et il va mourir bêtement (…) il vaut mieux pour lui qu’il aille à ce qu’il veut (…) que d’être tué pour avoir défendu ses idées et pour avoir défendu le peuple ».

Cinquante-cinq ans plus tard, son image et son œuvre sont toujours vivantes dans une partie importante de la population colombienne qui continue à voir en Père Camilo une référence humaine, sociale, éthique et engagée. Avec sa disparition, tout le monde a perdu : l’église, la politique, l’université et le pays en général.

Jesús Antonio Mejía, un ancien militant du Front uni qui a partagé la vie de Torres Restrepo, souligne : « Si l’on examine l’œuvre, le travail, la pensée et l’action de Camilo Torres, tout est orienté à la lumière d’un nouvel esprit social pour notre pays, car il ne pensait qu’au bien-être de son peuple.

Pour sa part, Fredy Ramirez, prêtre aumônier de l’Université industrielle de Santander (UIS, Colombie) déclare à propos du travail de Camilo que « Dans notre pays, ils sont très habiles, de sorte que tout ce qui semble libérateur est immédiatement envoyé dans un endroit où il n’a pas beaucoup de valeur ».

Camilo Torres a été accusé par les médias de l’époque de ne rien dire de nouveau, ce à quoi il a répondu : « Si ce que je dis est vieux, si je dis que le pouvoir est concentré dans quelques mains et que ceux qui ont le pouvoir ne l’utilisent pas pour la majorité, si cela est vieux, alors ceux qui connaissent le problème et ne sont pas capables de le résoudre sont d’autant plus coupables.

En guise d’avertissement aux navigateurs de ce que nous vivons aujourd’hui, cette phrase : « Alors que la classe dirigeante, minoritaire mais puissante, s’unit pour défendre ses intérêts, les dirigeants de gauche s’attaquent les uns aux autres, produisent la confusion dans la classe populaire et représentent plus fidèlement les critères traditionnels, sentimentaux, spéculatifs et idéologiques du colonialisme ».

Si vous voulez en savoir plus sur lui, visitez « Camilo Lives » ; lisez la biographie écrite par le Colombo-Australien Walter J. Broderick Camilo, le prêtre guérillero, un autre ancien prêtre intéressé par les problèmes entre le christianisme et la révolution, ou voyez la mémoire visuelle de l’histoire de sa vie dans Le révolutionnaire souriant de Lorena López et Nicolás Herrera.

Camilo n’était pas un leader qui voulait être un caudillo, mais un éveilleur et un unificateur de consciences, un défenseur de la justice sociale. C’est une mémoire nécessaire pour construire une citoyenneté civile critique et engagée.

Son empressement à insister sur ce qui nous unit et à se passer de ce qui nous sépare reste valable dans un pays qui continue à chercher à faire de la paix son chemin. Camilo Torres Restrepo, bien plus qu’un prêtre ou un guérillero.

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