L’ex Bérurier Noir refait le monde en Bretagne (OF)
Dans les années 1980, les Bérurier Noir étaient le fer de lance de la jeunesse révoltée. Un groupe punk parisien dont Loran était le guitariste. Trente ans plus tard, il est toujours musicien, leader d’un des groupes de fest-noz bretons les plus prisés ! Aujourd’hui installé dans le Finistère, il est devenu amoureux de la Bretagne. Et n’a pas quitté la scène.
La vieille Volvo file vers le Velvet, un bar punk de Santec, petite ville du Finistère Nord, où le musicien a ses habitudes. Sur le tableau de bord, des pierres, des badges et quelques fleurs un peu fanées. La voiture n’est pas toute jeune. Le compteur affiche 525 000 kilomètres. « Mais il est bloqué. En vrai, elle en a bien 800 000 », se marre Loran. L’ancien guitariste des Bérurier Noir, reconverti leader des Ramoneurs de Menhirs, roule avec prudence. Le compteur de vitesse aussi a rendu l’âme.
Le Velvet apparaît coincé entre une crêperie et… La mer. Au large, se dresse l’île de Sieck. La Bretagne à l’état brut. Loran, 49 ans, s’est installé dans la région au début des années 2000, après treize ans de vie en communauté en Ligurie, une petite province italienne qui longe la mer, entre la France et la Toscane.
Alan Stivell et Nolwenn Leroy ? Trop star-system… Au bout du monde, il est venu chercher le calme et scelle son amour avec les peuples qu’il juge insoumis, rebelles. La Bretagne a une identité forte, ça lui plaît, lui, le fils d’émigrés grecs qui a grandi en région parisienne. Il est rebelle, se réclame de l’anti-fascisme et a chanté les peuples opprimés toute sa carrière.
Attablé devant une bière bretonne, il montre qu’il est toujours un énervé. Il dézingue tour à tour François Hollande, Jean-Luc Mélenchon, Manuel Valls, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes… Mais aussi Alan Stivell et Nolwenn Leroy, un peu trop star-system à son goût.
Les Béru et la Bretagne ? Une vieille histoire… « La Bretagne est une terre promise pour le rock et le punk-rock », lâche-t-il entre deux bouffées de cigarette. Il compare volontiers les Bretons aux irréductibles du village gaulois d’Astérix et glisse que deux de ses filles sont scolarisées dans une école Diwan, en langue bretonne.
Son histoire d’amour avec la région ne date pas d’hier. En 1985, les Bérurier Noir enregistrent Vive le feu, dont la rengaine est encore aujourd’hui reprise dans les manifs étudiantes. La chute de ce morceau de punk-rock est un air de danse bretonne. En découlera un projet inachevé d’album sur la Bretagne.
Mais pendant cette période, les Béru ont d’autres combats à mener. En premier lieu, celui contre le racisme. Étendard de l’anti-fascisme, ils font chanter à des milliers de gamins leur haine de l’extrême droite, lorsqu’ils entonnent Porcherie, écrite après les élections européennes de 1988. Chanson aujourd’hui remisée au placard : « Si la jeunesse emmerdait vraiment le Front National (un refrain du groupe, NDLR), on n’en serait pas là… », assène-t-il sèchement.
Pas revendicatif, c’est décoratif Les Béru resteront proches de la Bretagne, même après la mort du groupe en 1989. Ils se reformeront pour un concert dantesque aux Trans Musicales de Rennes, en 2003. Et se produiront à Astropolis, à Brest, en 2005. Loran referme la parenthèse Bérurier Noir l’année suivante. Il devient le leader des Ramoneurs de menhirs, son groupe formé notamment avec des sonneurs bretons qui avaient participé à l’enregistrement de Vive le feu…
Réunir toutes les cultures du monde dans un même lieu, voilà à quoi il rêve. Après un premier projet avorté, un cabaret pourrait ouvrir courant 2014 dans le Finistère Nord. Il imagine « un endroit où on s’apaise », où se dresseront de « grandes tablées avec artistes, public, organisateurs ». La proximité est essentielle pour lui. Encore aujourd’hui, il termine ses concerts à arpenter les parkings. Au pied des voitures et des fourgons, il rencontre le public, passe la soirée avec eux, discute, refait le monde… Pour son cabaret, il veut des musiciens revendicatifs car « un artiste qui n’a rien à dire, c’est comme un papier peint, c’est décoratif » ! L’idée de ces soirées ? « Qu’il n’y ait plus d’horaires ». Et il est prêt à en débattre avec le préfet si ce dernier refuse cette exigence.
« Quand on joue dans un bar, on prend ce qu’il y a » Loran se veut provocateur quand il évoque l’autorité et la loi. « Je suis enfant de l’État et je me bats contre ça », se plaît-il à répéter. Une vieille rengaine des Béru, dont il reste forcément indissociable. Leur public, qui a aussi pris trente ans, guette toujours le signe d’une possible renaissance. La sortie récente de l’intégrale des enregistrements, chez Coop Breizh, aurait pu en être un. Loran réfute : « C’est un fantasme ».
Son avenir s’inscrit avec les Ramoneurs, loin des strass et des paillettes. « On refuse de jouer dans les gros festivals chers ». Il confesse avoir refusé les Vieilles Charrues. « L’entrée de ce festival pourrait être gratuite ou de 2 €, mais c’est beaucoup plus cher à cause d’artistes qui tapent le million d’euros de cachet ! Avec les Ramoneurs, quand on joue dans un bar, on prend ce qu’il y a. On préfère une relation conviviale, saine ». Sur fond de musique bretonne. Et sur quelques airs punks, bien entendu.
Mickaël LOUÉDEC. Musique vendredi 27 septembre 2013