Archive | NPA

22 août 2023 ~ 0 Commentaire

13 aoùt (argentine)

catalogne
Le 13 aout ont eu lieu, les « primaires argentines ». Il ne s’agissait pas de choisir « les 2 meilleur(e)s » mais les meilleurs aux sein des 5 coalitions.
Recoupements

La politique argentine continue de s’articuler autour d’un obstacle issu du passé: détruire l’adversaire, même en l’absence de meilleures propositions. La dictature qui a renversé Juan Perón en 1955 a interdit son nom et son symbolisme pour tenter d’éradiquer toute trace de péronisme. Javier Milei et les partisans de Juntos por el Cambio (Ensemble pour le changement) maintiennent le cap. «Je vais en finir avec le kirchnerisme», s’est écrié Milei à la fin de sa campagne électorale.

Au milieu de la campagne, Horacio Rodríguez Larreta, le pré-candidat défait de l’opposition, se présentait comme le garant de la liquidation du kirchnerisme «pour toujours». Il avait enregistré son spot de campagne dans la province de Santa Cruz, la ville natale de Néstor Kirchner. «2023 sera l’année où nous mettrons fin au kirchnerisme», a également prédit Mauricio Macri à l’occasion du 20e anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Néstor Kirchner. L’idée d’éradiquer le rival de l’arène politique comme s’il s’agissait d’un mal en soi et non d’une manière différente d’organiser et de conduire le destin d’un pays semble avoir fait son chemin depuis longtemps.

Ensemble, les deux principales options de droite ont représenté près de 59% de l’électorat lors de ces PASO (élections primaires, ouvertes, simultanées et obligatoires). L’une des grandes inconnues se situe dans la manière dont elles se comporteront l’une envers l’autre en octobre. «Maintenant, l’objectif principal est de battre [le gouverneur de la province de Buenos Aires Axel Kicillof», a annoncé Carolina Píparo, candidate de Milei au poste de gouverneur de la province, dans un message aux électeurs de Juntos por el Cambio (Ensemble pour le changement) afin d’obtenir leur soutien.

Les résultats des trois dernières primaires (PASO) n’ont pas été mécaniquement répétés lors des élections présidentielles et législatives qui ont fait suite. Cependant, si ces résultats se répétaient, et même si Milei n’arrivait pas à la Casa Rosada [Palais de la présidence], il disposerait d’un bloc d’une douzaine de députés nationaux et d’au moins trois sénateurs. Cela impliquerait un pouvoir de négociation considérable vis-à-vis du péronisme et du macrisme, qui se refléterait dans l’adoption de chaque projet de loi.

(Article paru dans l’hebdomadaire uruguayen Brecha, le 18 août 2023; traduction rédaction A l’Encontre)

________

[1] Javier Milei fut économiste en chef de l’AFJP (Administration des fonds de pension), il occupa le poste d’économiste senior dans la banque HSBC. Il fut aussi conseiller d’Antonio Domingo Bussi, membre de la dictature militaire. Il occupa de nombreux postes universitaires. Il joua le rôle de conseiller d’Eduardo Eurnekian, qui est à la tête d’un holding contrôlant une trentaine d’aéroports en Argentine. Dès 2012, il occupa dans divers médias une place de relief. (Réd. A l’Encontre)

Argentine-débat. «Les résultats des PASO et le jour d’après»

13 aoùt (argentine) dans A gauche du PS FrenteIzquierda
Myriam Bregman et Nicolás del Caño, candidats à la présidence et à la vice-présidence du FIT.

Par Izquierda Socialista

Les élections des PASO du 13 août ont permis de définir les principaux candidats pour les élections générales du 22 octobre. Le parti d’ultradroite de Milei a remporté le plus grand nombre de voix, canalisant une grande partie du mécontentement populaire. Un mécon-tentement également exprimé par onze millions de personnes qui n’ont pas voté et un million qui ont voté en blanc ou dont le vote est nul.

Avec de mauvais résultats électoraux, Juntos por el Cambio est arrivé en deuxième position et son ticket sera dirigé par Patricia Bullrich, qui a battu Rodríguez Larreta lors de l’élection interne. Le parti péroniste Unión por la Patria (Union pour la patrie) a quant à lui connu une véritable débâcle avec Massa-Grabois, réalisant ainsi la pire élection de son histoire. Les deux coalitions patronales traditionnelles ont été battues.

Le Frente de Izquierda-Unidad a obtenu 628 893 voix pour la présidence, la liste PTS-Izquierda Socialista menée par Myriam Bregman et Nicolás Del Caño (PTS) étant celle qui a remporté l’élection interne de FIT-Unidad, et qui figurera donc parmi les cinq formules présidentielles en octobre. Nous appelons dès à présent à faire face à l’ajustement brutal de la dévaluation que le gouvernement vient d’appliquer au lendemain des élections, et à renforcer le Frente de Izquierda Unidad afin de lutter pour les changements fondamentaux dont les travailleurs ont besoin.

L’ultradroite Milei a gagné et a déclaré: «Je n’aurai pas de problèmes avec le FMI parce que l’ajustement que je prépare est beaucoup plus sévère».

La grande surprise a été la progression de Milei, qui a obtenu 30% du total des voix. Un phénomène qui n’avait pas été enregistré dans les sondages. S’ajoutant aux défaites du péronisme et de Juntos por el Cambio, le résultat des PASO a provoqué une secousse politique, avec l’émergence d’un candidat présidentiel d’ultradroite qui prend comme vice-président un négationniste voué à la défense des génocides de la dernière dictature militaire, face à un gouvernement qui doit tenir jusqu’en décembre pour appliquer l’ajustement du FMI. De nouveaux changements brutaux sont à prévoir, tant sur le plan social que politique.

Le vote pour Milei a été national, il a gagné dans 16 des 24 districts, même là où le péronisme ou Juntos por el Cambio (Ensemble pour le changement) gouvernaient. Il a obtenu le vote des jeunes (principalement des hommes) des secteurs populaires et ouvriers. Le vote pour Milei est un vote de répudiation et de dégoût qui est complètement erroné.

En effet, il s’agit d’un politicien d’ultradroite et réactionnaire qui ne peut offrir que moins de droits, plus de faim et d’asservissement. Son «plan tronçonneuse» est dirigé contre la classe ouvrière, contre les femmes et les dissidents, et contre la jeunesse. Si nous ajoutons à cela le fait que Patricia Bullrich (qui ne postule qu’une main de fer et la répression) sera à la tête du ticket de Juntos por el Cambio, nous partageons l’inquiétude légitime de millions de personnes qui disent: «comment se fait-il qu’on en soit arrivé là», avec une grande incertitude qui englobe tous les secteurs sociaux. Lali Expósito a mis en garde contre le danger que «certaines personnes votent pour un anti-droit» et le musicien Catriel a déclaré que «si les hôpitaux étaient tous privés, je serais mort».

Mais, quelle est la raison de cette croissance d’un personnage qui dit ouvertement qu’il va éliminer les droits essentiels, en taxant l’accès à la santé et à l’éducation publique gratuite, qui propose la dollarisation (ce qui signifierait la pulvérisation directe des salaires et des pensions), ainsi que la vente d’organes et qui veut mettre fin au droit à l’avortement légal, sûr et gratuit, entre autres barbaries ?

Cela ne peut s’expliquer que par le désastre auquel nous ont conduits les différents gouverne-ments capitalistes, avec plus de misère et de capitulation, générant une déception et une lassitude qui finissent par tirer profit des personnages extrêmement dangereux comme Milei, comme Bolsonaro au Brésil, Vox en Espagne ou l’ultra-droitier Katz au Chili, précisément ceux qui l’ont félicité pour sa victoire.

Milei est l’expression nationale de ces phénomènes d’extrême droite qui se produisent dans d’autres pays face à la décadence capitaliste et à la répudiation de cette démocratie pour ceux qui sont au sommet, justement alors que l’on célèbre les «40 ans de démocratie», au cours desquels tout le monde a gouverné, les radicaux, les péronistes sous leurs différentes formes, le centre-droit et le centre-gauche, responsables d’un tel désastre social.

Dans les PASO, ce vote a été donné à une variante électorale d’extrême droite comme Milei, bien que ce phénomène représente un vote disparate et contradictoire, allant de ceux qui approuvent certaines de ses propositions, à d’autres qui ne les partagent pas, mais qui disent: «nous n’irons pas plus mal», «nous avons déjà essayé tout le monde et ils nous ont conduits au désastre» et «ils peuvent tous partir», croyant au milieu d’une confusion brutale que Milei peut lutter contre les «politiciens voleurs» ou qu’il représente «quelque chose de nouveau et de différent».

La confusion et le désespoir sont tels qu’ils optent pour Milei, croyant qu’il représente quelque chose de nouveau, alors qu’il n’a rien de différent de ceux qui nous ont gouvernés, car il soutient la dictature et donne raison au gouvernement péroniste des années 1990 avec Menem et Cavallo (que de nombreux jeunes ne connaissaient pas), qui nous ont conduits à un désastre avec des milliers de licenciements, l’abandon d’entreprises stratégiques, une énorme dette extérieure et le pardon des auteurs du coup d’État militaire. C’est pourquoi il ne s’agit pas d’un simple «vote de sanction», mais d’un personnage rétrograde, réactionnaire, anti-droits, misogyne et anti-ouvrier que la gauche appelle résolument à affronter, dans les rues et dans les urnes, en donnant le débat aux jeunes et aux secteurs populaires désorientés qui ont voté pour lui, et dont beaucoup font marche arrière en voyant toutes les mauvaises choses que représente son programme gouvernemental néfaste.

Le péronisme a réalisé les pires élections de l’histoire et Larreta-Morales est un autre des grands vaincus.

Le grand perdant de ces PASO a été le péronisme, avec Sergio Massa à sa tête. Ni Alberto Fernández ni Cristina ne sont apparus dans la campagne, ni dans le bunker dans lequel Massa a pris la parole à plusieurs reprises pour remercier Grabois, le collecteur qui s’est manifesté pour empêcher une frange d’aller vers la gauche, avec laquelle le résultat aurait probablement été pire. Il faut aussi noter que l’Union pour la Patrie a perdu à Santa Cruz, terre kirchnériste par excellence, où les enseignants subissent des salaires de misère de la part de la gouverneure Alicia Kirchner, qui les ajuste, les persécute et les criminalise dans le meilleur style de Macriste.

Le péronisme a perdu cinq millions et demi de voix, vingt points de moins qu’en 2019 (27 contre 47%). Même là où il a gagné, comme dans la province de Buenos Aires, le gouverneur Kicillof, qui se représente, a perdu 16 points avec 1,5 million de voix en moins. Concrètement, le Frente de Todos de l’époque (aujourd’hui Unión por la Patria) peut uniquement montrer plus d’austérité, de pillage et de capitulation devant le FMI. Un gouvernement qui, le lendemain des élections, a dévalué le peso de 22% sur ordre direct du FMI, ce qui génère déjà une inflation à deux chiffres pour les mois à venir, ayant comme conséquence une perte plus importante de salaires et de pensions. Voilà le péronisme d’aujourd’hui, au 21è siècle, qui montre qu’il n’est absolument pas «national et populaire», comme il le prétend faussement.

Le gouvernement a déjà lancé la campagne selon laquelle nous devons le soutenir en octobre pour que «la droite ne gagne pas». Bien sûr, Milei et Bullrich sont condamnables et doivent être combattus, mais le péronisme n’est pas l’outil. Comme l’a très bien dit Myriam Bregman ce dimanche: «sous le gouvernement du Frente de Todos, l’ultradroite s’est développée comme jamais auparavant».

Qu’est-ce que «combattre la droite» ? Combattre la droite aurait été d’ignorer le pacte de Macri avec le FMI et de cesser de payer une dette usuraire et frauduleuse, comme nous l’avons postulé depuis le Frente de Izquierda, et non le contraire, comme l’a fait le gouvernement du Frente de Todos.

Combattre la droite à Jujuy, par exemple, ce serait faire ce que les gens de Jujuy font avec le soutien du Frente de Izquierda Unidad: affronter la réforme constitutionnelle capitularde et répressive de Gerardo Morales, et non comme l’a fait le péronisme, qui a été complice et a même voté en sa faveur.

On a vu la même chose sous le gouvernement de Macri en 2015-2019, où seuls les travailleurs, le syndicalisme combatif et la gauche ont affronté la réforme des retraites en décembre 2017, alors que le péronisme a voté les lois de Macri et que la CGT a été complice de l’ajustement de Macri. Il ne faut pas se laisser abuser. Assez de double discours. La gauche est la seule qui continuera d’être cohérente en affrontant l’ajustement et la répression de tous les gouvernements, comme nous l’avons toujours fait, en y mettant notre militantisme et nos sièges. C’est la grande leçon à tirer des résultats que nous avons obtenus lors toutes ces années.

Le Frente de Izquierda a fait une bonne élection, faisant du ticket Bregman-del Caño le seul ticket de gauche parmi les cinq candidats à la présidence, appelant à lutter dans les luttes et dans les élections.

Le Frente de Izquierda Unidad a fait une bonne élection, dans le cadre de laquelle les trois forces patronales ont obtenu 86% des voix. Les 628 893 voix qu’il a obtenues sont très précieuses pour continuer à renforcer la seule alternative des travailleurs: le syndicalisme militant et l’unité de la gauche pour affronter les candidats de l’austérité et du FMI.

La liste formée par le PTS et Izquierda Socialista, dirigée par Myriam Bregman et Del Caño, avec “Pollo” Sobrero comme gouverneur dans la province stratégique de Buenos Aires et tant de combattants dans le reste du pays, a été la grande gagnante des élections internes du Front d’Izquierda.

Un triomphe national qui a récompensé ceux d’entre nous qui ne se sont pas divisés et qui ont respecté les accords au sein du Frente de Izquierda qui lui ont permis de grandir au fil des ans. Un vote particulièrement important a été récolté dans les quartiers ouvriers et populaires de l’agglomération profonde, comme se fut démontré à La Matanza et dans d’autres districts, à l’exception du chef de gouvernement de la CABA, où il y a eu une élection locale controversée, détachée de l’élection nationale et avec un vote électronique désastreux, la liste PO-MST l’emportant.

La liste PTS-Izquierda Socialista a gagné au niveau national avec 70% des voix contre 30% pour la liste PO-MST avec Solano-Ripoll. Par contre, la division promue par ces partis a empêché le Frente de Izquierda de lutter de manière unie contre les partis patronaux, attaquant notre liste par des mensonges et des accusations infondées. Les autres listes de gauche, en dehors de FIT-Unité, comme le Nouveau MAS de Manuela Castañeira et Marcelo Ramal de Política Obrera, n’ont pas passé les PASO.

Maintenant, le Frente de Izquierda va se battre avec une seule liste contre les candidats des patrons. Nous appelons les combattants et le reste de la gauche à rejoindre ce combat ensemble, en soutenant les candidats du Frente de Izquierda Unidad, dirigé par Bregman.

Nous appelons à continuer à présenter un programme de fond, comme nous l’avons fait dans les PASO, pour la rupture avec le FMI, le non-paiement de la dette extérieure, en soutien aux luttes ouvrières et populaires comme à Jujuy et chez les enseignants, en défense des droits des femmes, des dissidents et des jeunes, contre le pillage de l’environnement et en répudiation de la répression et de la gâchette facile.

Nous disons que Milei, Bullrich et Massa sont les candidats de l’austérité et du FMI et que, par conséquent, l’issue traverse la gauche, par le renforcement d’une alternative ouvrière et socialiste afin de lutter pour imposer un plan économique ouvrier et populaire et un gouvernement de gauche et des travailleurs. Les politiciens patronaux sont impliqués dans leurs «stratégies» électorales en vue du mois d’octobre. Ils s’inquiètent de sa façon de continuer à tromper les travailleurs et les jeunes, en spéculant sur qui sera dans les urnes, alors que les travailleurs s’enfoncent dans la misère.

Pour notre part, Izquierda Socialista et FIT-Unité appellent les travailleurs à faire face aux nouvelles mesures d’austérité que le gouvernement vient de décharger.

Nous dénonçons la bureaucratie syndicale de la CGT et du CTA, qui passe son temps à soutenir le gouvernement, en exigeant qu’ils appellent à une grève nationale et à un plan de lutte. Nous mettons tout notre militantisme et notre syndicalisme militant au service du soutien des revendications ouvrières et populaires, et du renforcement de la seule liste de gauche en octobre, en mettant en avant notre programme ouvrier et socialiste et en luttant pour plus de sièges à gauche. Nous saluons celles et ceux qui nous ont accompagné dans ce combat, en les appelant à continuer à le faire ensemble.

(16 août 2023, Izquierda Socialista d’Argentine pour version française)

Lire aussi

Triomphe électoral de l’extrême droite en Argentine

Lire la suite

22 août 2023 ~ 0 Commentaire

npa (communiqué)

NoPasaran

Communiqué du NPA. Agression de l’extrême droite contre des locaux du NPA

Ce lundi 21 août, le local du NPA dans le 12e arrondissement de Paris ainsi que la librairie La Brèche, proche du NPA, ont été les cibles de tags antisémites et sexistes signés par les Zouaves de Paris et le GUD, des groupuscules d’extrême droite qui se sont déjà illustrés par leurs actions violentes ces derniers mois et années.

De manière générale, les agressions de l’extrême droite sont en hausse. Lors du mouvement contre la réforme des retraites, elle a attaqué les étudiants et étudiantes qui se mobilisaient dans plusieurs universités.

Ces agressions sont évidemment encouragées par la montée de partis d’extrême droite tels que le Rassemblement national et Reconquête, par la diffusion incessante de leurs discours dans les médias, comme ceux du groupe Bolloré, mais aussi par l’ensemble de ceux qui leur courent après dans la surenchère raciste, réactionnaire et sécuritaire, à commencer par le gouvernement et sa politique : chasse aux immigrés, autoritarisme, mise au pas de la jeunesse avec le SNU, stigmatisation des enfants de travailleurs et travailleuses immigrés…

Les déclarations des deux syndicats majoritaires de la police lors des révoltes qui ont suivi le meurtre de Nahel à Nanterre, qualifiant les jeunes des quartiers populaires de « nuisibles » et de « hordes sauvages », montrent l’intrication entre l’extrême droite et les plus hauts sommets de cette institution, Darmanin volant à leur secours.

Pour en finir avec l’extrême droite, il faut en finir avec le capitalisme, son État, sa police. Le NPA ne se laissera pas intimider. Il continuera à œuvrer pour un mouvement d’ensemble pour renverser cette société.

Communiqué de presse du NPA du 21 août 2023

Lire la suite

03 août 2023 ~ 0 Commentaire

capitulation (dr)

pif le chien

Face à l’offensive réactionnaire, capitulation de la gauche syndicale et politique

Le « dialogue social » derrière lequel courent les directions syndicales est une imposture, face à ce gouvernement qui veut poursuivre sa politique anti-ouvrière.

Le 12 juillet, elles étaient reçues par Borne pour discuter « agenda social » dans une ambiance particulièrement cordiale… Le même jour, le Sénat votait le projet de loi pour le « plein-emploi » prévoyant d’obliger les bénéficiaires du RSA à travailler au rabais 15 h par semaine !

Quant à la Nupes, elle éclate à la fois par ses rivalités à l’approche des élections européennes et par son soutien quant au fond du système. Même leur timide communiqué appelant « au rétablissement de l’ordre républicain dans la police et au respect de l’état de droit » après les déclarations du DGPN n’a pas été signé par le PCF en raison « des différences d’approche sur les questions de sécurité et sur les violences de ces dernières semaines ».

Sur le fond, cette gauche institutionnelle soutient et défend la police, à l’image d’Olivier Faure qui avait voté la loi Cazeneuve de 2017 permettant aux flics de tirer pour un refus d’obtempérer. Beaucoup d’entre eux étaient présents aux côtés des syndicats policiers lors du « rassemblement citoyen en soutien aux forces de l’ordre » du 19 mai 2021 devant l’Assemblée Nationale.

Une gauche qui s’est associée dans le passé aux guerres coloniales et a toujours capitulé devant le parti de l’ordre quand elle ne l’a pas rallié. Une gauche nationaliste, défendant la République, la France et son armée et qui soutient la guerre en Ukraine, cette guerre par procuration permettant aux Etats-Unis et aux grandes puissances de se lancer dans une militarisation du monde.

La défense des intérêts des travailleurs et des peuples est indissociable du combat contre cette domination du capital à tous les niveaux pour y mettre un terme.

Contre leur guerre contre les travailleurs et les peuples, une politique révolutionnaire internationaliste

Alors qu’il veut mener une vaste offensive pour le compte des classes possédantes, Macron n’a d’autre politique que de mettre en scène son pouvoir personnel, son « autorité » en appelant au parti de l’ordre.

Cette fuite en avant est lourde de dangers pour le monde du travail et la jeunesse. Mais la situation peut rapidement s’inverser vu la faiblesse politique du pouvoir, à condition que les travailleurs, les jeunes, puissent agir en toute indépendance de classe, conscients de leurs propres intérêts.

Cela signifie discuter largement de nos perspectives et de nos réponses face à la politique du capital. Un programme qui mette au cœur la question de qui dirige la société, conteste le « dialogue social » et les institutions, comme le droit des actionnaires à décider ce qu’ils veulent.

Il n’y aura pas d’issue démocratique à la situation sans prise en main de la société par les travailleur·se·s eux-mêmes, sans contrôle démocratique par en-bas dans les usines, les bureaux, les quartiers, sans expropriations des actionnaires pour satisfaire les besoins de la collectivité.

En cette période de congés, après l’échec du mouvement contre la réforme des retraites, nous avons aussi besoin de refaire des forces politiques pour nous préparer aux rendez-vous de la rentrée, en toute lucidité sur les objectifs du pouvoir et du patronat qui se préparent à nous faire la guerre, afin de nous donner les moyens de défendre sans compromis nos propres intérêts de classe.

Laurent Delage

http://www.npa-dr.org/

Lire la suite

02 août 2023 ~ 0 Commentaire

26 juillet

  • fidel che

    Ni Che ni maître

    Vingt-huit ans après la mort de Che Guevara, parution d’une première biographie et de textes qui tentent, loin de la légende, de donner au guérillero argentin une vraie place dans l’histoire. par Edouard WAINTROP

    Bolivie le 7 octobre 1967: un groupe de dix-sept guérilleros,

    Conduits par Che Guevara, prend position dans le ravin du Yuro. Le 8 octobre, à l’issue d’un rude combat avec les forces armées, Guevara est fait prisonnier avec deux de ses compagnons. Il sera exécuté le lendemain, dans la petite école de la Higuera, bourgade montagnarde située sur les premiers contreforts des Andes

    . Avec cette liquidation, qu’ils ont expressément commandée ­ il s’agit de ne pas susciter un mouvement international en faveur d’un Che emprisonné ­, les Etats-Unis espèrent en avoir fini avec la subversion «communiste» en Amérique latine. Et les partis communistes officiels pensent que le «castrisme» ­ avant tout le «guévarisme» ­, doctrine qui refuse la fatalité du partage de la planète entre les deux superpuissances, est mort et enterré.

    Quelques mois plus tard, le nom de Guevara réapparaît, référence du Mai 68 français, du mai rampant italien, des éruptions allemandes. Et symbole des soulèvements d’Amérique latine. Les années passent. On oublie le Che. D’autant que, comme l’écrit François Maspéro dans sa belle et polémique préface à la réédition du Journal de Bolivie, «les mots qui faisaient partie [de son] vocabulaire sont, trente ans plus tard, devenus suspects, presque obscènes: révolution, socialisme, militant, communisme » Ils ont recouvert trop de mensonges et masqué trop de réalités qui étaient la négation même de leur contenu originel».

    Or voici qu’aujourd’hui, vingt-sept ans après les barricades, vingt-huit après la bataille du Yuro, six ans après la chute du mur de Berlin, on met en chantier des films (1). Et surtout sortent à Paris quatre livres consacrés au révolutionnaire né argentin: une biographie cavalière de Jean Cormier, grand reporter au Parisien libéré; la réédition du Journal de Bolivie du Che lui-même; la relation de la guérilla qu’a menée Guevara au Congo en 1965, par l’auteur de romans noirs et historien mexicain Paco Ignacio Taibo II; enfin le récit, par ses compagnons survivants du maquis bolivien, des semaines qui ont suivi la mort de Guevara. Le Che est à la mode.

    Méfions-nous de la mode, lance François Maspéro. Elle «fige» Che Guevara dans l’image sainte ­ cheveux longs, regard inquiet sous un béret illuminé par une étoile ­ réalisée en mars 1960 par le photographe cubain Alberto Korda. Icône «à tout jamais » épurée, simplifiée, utilisée par les uns et par les autres aux fins les plus nobles comme parfois les plus mercantiles », elle évoque désormais un mythe et non l’homme, une légende et non l’histoire, une mort et non une vie: Che Guevara mort éternellement jeune et héroïque permet à tous ceux qui l’invoquent de rêver de pureté dans une humanité qui par cela même qu’elle est humaine en manque singulièrement». Pour Maspéro, le Che mérite une vraie place dans l’histoire, c’est-à-dire un regard critique, pas une louange unilatérale.

    La révélation de l’injustice On devine qu’avec un tel état d’esprit, celui qui fut dans les années 60 l’éditeur et le camarade d’Ernesto Guevara n’ait guère goûté la biographie, la première sur le marché (2), écrite par Jean Cormier. Trop mythologique. On y retrouve Ernesto, dit «Tete», né le 14 juin 1928 à Rosario en Argentine, son père, ingénieur, sa mère Celia de la Serna, qui aura une grande influence sur lui. Et ses copains, les frères Granado, avec lesquels Ernesto joue au rugby. Avec Alberto Granado, devenu médecin et «progressiste», il ira plus loin, fera un voyage initiatique de sept mois à travers l’Amérique du Sud dominée par les dictatures. Que Cormier raconte comme Guevara et Granado l’ont déjà fait (3).

    Ernesto a alors 23 ans, il n’est pas loin de finir ses propres études de médecine, et, malgré des crises d’asthme violentes, ou plutôt à cause d’elles, pour les défier, il est devenu un sportif accompli. C’est aussi un étudiant remarquable, un lecteur de Gandhi et de Rousseau et un admirateur de la France, pays de la Révolution, dont il parle la langue. Alberto Granado le surnomme Fuser, Furibondo (le furieux) Serna (le nom de sa mère). Et lui n’appelle Alberto que Mial.

    Le 29 décembre 1951, Mial et Fuser chargent une motocyclette Norton avec une tente, des sacs de couchage, des cartes routières, emballés dans des sacs de jute. Et démarrent. Ils passent par le nord de la Patagonie et le Chili. La Norton agonise. Ils s’en séparent en mars 1952 à Santiago. Auto-stoppeurs, ils atteignent Valparaiso, puis Chuquimata, les mines monumentales de cuivre, propriété des Nord-Américains. Révélation de l’injustice, de l’exploitation des mineurs issus du peuple arauco: «par un tour de passe- passe qui échappe aux Indiens, explique Alberto, leur terre rouge se transforme en billets verts».

    Granado et Guevara passent au Pérou, travaillent en Amazonie dans une léproserie où Guevara, qui n’a pas encore ses diplômes, se révèle un médecin dévoué à ses malades indiens. Ils vont ensuite au Venezuela et se séparent. Granado reste sur place (il rejoindra le Che à Cuba et y vit aujourd’hui), son ami repart à Buenos Aires finir ses études.

    Dans sa préface au Journal de Bolivie, Maspéro cite ce que le Che dit, en 1960, de cette expérience: «A cause des conditions dans lesquelles je voyageais, j’étais en contact étroit avec la pauvreté, la faim et la maladie. J’ai découvert qu’il était impossible de guérir des enfants malades à cause du manque de moyens, et j’ai vu la dégradation due à la sous-nutrition et à la répression constante.»

    En 1953, médecin diplômé, Ernesto reprend la route. Au même moment, à Cuba, «un leader estudiantin répondant au nom de Fidel Castro a attaqué une caserne, la Moncada, dans l’est du pays, près de Santiago» (Cormier). Guevara arrive au Guatemala, que préside le général Arbenz, un progressiste modéré. Il rencontre Hilda, exilée, militante d’un mouvement de gauche péruvien. Il l’aime, elle lui fait découvrir les oeuvres de Lénine, Trotski et Mao. Le ciel se couvre: les Américains jouent des biceps et une intervention militaire installe un régime soumis à leurs exigences. Ernesto participe à la résistance, puis fuit avec Hilda au Mexique. Ils se marient et ont une fille. Hilda est morte dans les années 70, sa fille le 21 août dernier, à La Havane.

    Goethe et Castro

    Le 9 juillet 1955, à Mexico, Ernesto Guevara rencontre Fidel Castro. Le Cubain, raconte Cormier, est un «gaillard de près d’un mètre quatre-vingt-dix, la trentaine, impressionnant de force, le cheveu très noir, brillant et ondulé »» L’Argentin a 27 ans, il est plus petit, un mètre soixante-treize. Ils deviennent amis. Castro cherche un médecin pour le groupe de révolutionnaires qu’il commande et qu’il veut débarquer dans son île pour combattre le dictateur Fulgencio Batista. «Guevara s’enrôle et désormais il est le Che, surnom que l’on donne aux Argentins dans toute l’Amérique espagnole.» (Maspéro)

    Commence une épopée militaire que Cormier nous conte trop longuement: 120 pages, pas un fait d’armes négligé, pas un tir de mortier passé sous silence, la politique trop oubliée. On en retiendra que les premiers pas de l’insurrection castriste sont lamentables, le débarquement ridicule, les accrochages avec l’armée régulière défavorables. La petite troupe de survivants s’accroche à la sierra Maestra, apprend son métier, noue des liens avec les paysans, avec le peuple. Guevara abandonne sa vocation de médecin et devient un dirigeant, un «artiste» de la guérilla et un homme dur, exigeant avec lui-même et avec les autres. Lecteur toujours inlassable, le soir lors des haltes, alors que les autres dorment ou jouent aux cartes, il dévore Goethe.

    Fin 1958, il est fait commandant, le grade le plus haut dans la Sierra. C’est lui qui lance l’offensive sur La Havane, livre la bataille décisive de Santa Clara. Batista en déroute, le Parti communiste cubain, jusque-là réticent, se rallie. Un gouvernement «démocratique» et modéré est mis en place et dure ce que dure ce genre de fiction: quelques mois.

    Les Américains ne voient pas d’un bon oeil les réformes entreprises par les nouveaux leaders et multiplient les mesures de rétorsion. «Le gouvernement cubain de l’époque ne souhaitait pas rompre avec les Etats-Unis», dit l’économiste français Charles Bettelheim à Cormier. «Il voulait simplement des rapports basés sur le respect mutuel.» Comme les «Yankis» n’en ont cure, le régime se radicalise. S’ébauche alors un rapprochement avec les Soviétiques. Qu’accentue le débarquement anticastriste désastreux de la baie des Cochons, mis au point en 1961 par John Kennedy. A l’origine, Castro ne se veut pas communiste. Le Che, lui, se dit marxiste, mais dans une conception originale qui ne ressemble pas à celle des Soviétiques. En 1962, son pays dépendant de plus en plus de l’aide soviétique, Castro proclamera: «Je suis marxiste léniniste!»

    En 1961, Guevara accède aux plus hautes responsabilités économiques. On connaît l’anecdote: dans une réunion de dirigeants, on demande: «Y a-t-il un économiste dans la salle?» Il lève la main, ayant entendu «y a-t-il un communiste dans la salle?». Le voici à la tête de la banque nationale. Et, en 1963, ministre de l’Industrie. Il s’attaque à une tâche immense: la rupture non seulement avec les rapports économiques capitalistes, mais aussi avec ceux qui sont pratiqués dans les pays du bloc communiste. Il est contre la loi du marché, contre les stimulants matériels ­ dont on parle alors tant dans les pays de l’Est européen ­ parce que, dit-il, ils privilégient l’égoïsme, l’intérêt privé. Il leur préfère les stimulants moraux. Mais comme il n’est pas sûr de lui, il demande leur avis à des experts de gauche.

    Dans le livre de Cormier, Charles Bettelheim, alors consulté, affirme que «compter en priorité sur les stimulants moraux n’a pas d’effets bénéfiques sur la production.» Dans Cuba est-il socialiste?, excellent livre publié en 1970 (4), René Dumont, agronome et futur père de l’écologie de gauche en France, invité lui aussi à cette époque par les Cubains, déplore que Guevara n’ait pas adapté l’économie «aux hommes tels qu’ils sont, c’est-à-dire imparfaits». Castro, remarque Maspéro, ne s’en mêle pas, «la conception d’une gestion centralisée de l’île n’est pas pour lui déplaire, puisqu’elle l’arme d’un pouvoir absolu, même si le Che la conditionne à un contrôle étroit des travailleurs, dont on connaît le sort dans le système soviétique». D’autres, des responsables cubains et des experts internationaux, polémiquent avec l’Argentin. Leur répond un spécialiste auquel le Che a fait appel, le trotskiste Ernest Mandel (disparu cet été): «Laisser guider les investissements par la loi de la valeur serait conserver pour l’essentiel la structure économique déséquilibrée héritée du capitalisme.»

    «Deux, trois, quatre, Viêt-nam»

    L’audace est dans la réponse de Mandel, mais aussi dans le fait que Guevara a sollicité un leader de la IVe Internationale. A cette époque, les trotskistes sont toujours considérés comme des hérétiques dangereux par le «mouvement communiste international». En faisant appel à l’un d’eux, et pas au moindre, le Che fait preuve d’une belle indépendance. Qui n’empêche pas la presse américaine d’en faire un agent soviétique.

    Son combat n’est pas qu’intérieur. A New York, aux Nations unies, il s’en prend aux relations de l’URSS avec les pays du tiers monde. En février 1965, à Alger, il remet en cause la participation du bloc de l’Est à «l’échange inégal» qui appauvrit et subordonne les pays du tiers monde. Scandale! De retour à La Havanne, il est accueilli par Castro, son ami mais aussi l’allié des Russes. Les deux hommes s’isolent deux jours avec le président de la République cubaine, Oswaldo Dorticos. Maspéro: «On ne saura probablement jamais ce qu’ils se sont dit » Dorticos s’est suicidé quelques années plus tard » Un suicide que l’on a présenté à Cuba comme consécutif à un surmenage, explication habituelle de tous les suicides politiques.»

    A l’issue de ce tête-à-tête, Che Guevara quitte Cuba, sa seconde épouse Aleida, leurs quatre enfants. Et le PC cubain, auquel il écrit: «Je renonce officiellement à mes responsabilités à la direction du Parti, à mon poste de ministre, à mon grade de commandant, à ma condition de cubain. Plus rien ne me rattache légalement à Cuba, seulement des liens d’une autre espèce, qui, contrairement aux postes officiels, ne peuvent être cassés »» Il laisse aussi un testament politique, le Socialisme et l’homme à Cuba: « » Pour construire le communisme, il faut changer l’homme en même temps que la base économique »» Remarque de Maspéro: «Texte redoutable où l’on lit davantage la volonté d’instaurer la cité de Dieu augustinienne sur terre qu’une simple société plus juste.» Guevara laisse un autre texte où il prône l’insurrection partout où les intérêts de l’impérialisme peuvent être mis en cause, et la constitution de «deux, trois, quatre Viêt-nam».

    L’année 1965 sera celle où, comme le dit le titre du livre de Paco Ignacio Taibo II consacré à cet épisode, le Che n’est nulle part. C’est à dire potentiellement partout. Les journaux américains et européens rivalisent de hardiesse dans les hypothèses. On l’annonce en Colombie, au Pérou, au Viêt-nam, en Argentine et même dans une clinique psychiatrique à Mexico. On évoque son assassinat par Castro. «La plus surprenante (des nouvelles) était peut-être celle qui le donnait pour mort et enterré dans les sous sols d’une usine de Las Vegas, capitale mondiale du jeu. L’information ne précisait pas la manière dont il était arrivé là, qui l’avait tué ni de quelle usine il s’agissait.» (Taibo II)

    Les déconvenues du Congo

    En fait, Guevara est au Congo ex-belge pour y mener une guérilla avec les amis de Patrice Lumumba, assassiné quelques années plus tôt. Pour y appliquer sa théorie politique (5). Cette expédition peu glorieuse (6), Paco Ignacio II la raconte dans un livre qui n’est pas vraiment le Journal inédit du Che annoncé par le bandeau, mais une bonne enquête mêlant éléments sélectionnés de ce journal et interviews de témoins. On y voit Che déterminé, confronté à des événements qui le dépassent. Il est parti en Afrique convaincu que les Cubains et les Africains ont des mentalités proches, il est ébahi par les croyances des combattants, l’usage de la «Dawa», «protection magique contre les balles »», mais qui ne fonctionne pas contre les avions. Quelques mois de déconvenues, et la guérilla est démantelée. Son chef revient à Cuba. Pour peu de temps.

    L’Amérique latine, dont la plupart des pays sont alors dominés par des dictatures soumises aux USA, reste l’objectif prioritaire des exportateurs de la révolution cubaine. A l’automne 1966, Guevara entre sous un faux nom dans la Bolivie du général Barrientos. Pendant cette campagne, il tient encore un journal. Chaque jour, il couche sur le papier quelques phrases synthétiques, devenues aujourd’hui le témoignage hiératique de l’échec d’une campagne qui se termine dans l’isolement total (7). Et la mort, à 39 ans. Il faut lire ce journal avec, en contrechamp, les Survivants du Che de Dariel Alarcon dit Benigno, compagnon du Che depuis la Sierra Maestra, et Mariano Rodriguez, journaliste cubain.

    Y est retracée la survie de six des membres de la guérilla à n’être pas tombés aux mains de l’armée bolivienne » Cormier, lyrique, écrit: «Si, le 9 octobre 1967, la vie réelle du Che prend fin, une autre vie posthume y prend naissance pour lui, et celle-là n’est pas près de se terminer.» La formule ressemble aux slogans du régime cubain, du genre: «Le Che est immortel.» On peut préférer l’attitude critique de Maspéro, qui fait deux remarques. Que ce soit sciemment ou par incurie, les Cubains n’ont rien fait pour sauver le Che du guêpier bolivien, ils l’«ont laissé seul face à la mort». Et s’il est vrai que le PC bolivien n’a pas été plus brillant, cette trahison était plus prévisible. «N’est-elle pas la traduction d’une politique qui est à l’époque [celle de] tous les partis communistes d’Amérique latine: l’obédience à la ligne soviétique implique ["] de ne pas gêner la « coexistence pacifique?»

    Ce point de vue en rappelle un autre, publié en octobre 1967 (le mois même de l’assasinat du Che), dans l’Internationale situationniste: «Plus importante nous semble la critique de Guevara, parce qu’enracinée dans des luttes authentiques. Mais elle pêche par un défaut. Le Che, tel Epiménide, semble avoir dormi pendant ce dernier demi-siècle pour croire qu’il y a encore un camp « progressiste et que celui-ci est étrangement « défaillant. Ce bureaucratique et romantique révolutionnaire ne voit ainsi dans l’impérialisme que le stade suprême du capitalisme, en lutte contre une société qui est socialiste même si elle a des défauts » Ni la conscience vertueuse, ni la bureaucratie ne sont capables de voir l’unité profonde du monde actuel.».

    1) Dont un de Luis Puenzo, le réalisateur de l’Histoire officielle, sur le Che jeune, une sorte de Sur la route latino; un documentaire sur la Bolivie. Il y avait déjà eu le film de Richard Dindo produit par Arte. Dans un autre film qui vient de sortir, Jusqu’au bout de la nuit, Gérard Blain déclare que le Che est oublié.

    2) On en annonce une autre, de Pierre Kalfon.

    3) Ernesto Guevara et Alberto Granado, Latino Americana, journal de voyage, Austral.

    4) Le Seuil.

    5) Constituer un foyer de guérilla adapté aux conditions locales, puis étendre le soulèvement à tout un pays. Le recours à la guérilla n’est cependant nécessaire que «quand toutes les voies légales ont été épuisées» (Guevara).

    6) Qui n’est pas le terrorisme dont Guevara disait qu’il «est une forme négative qui ne produit en aucune manière les effets recherchés et qui peut inciter un peuple à réagir contre un mouvement révolutionnaire déterminé».

    7) Sur ce sujet, lire aussi la Guérilla du Che (Seuil) de Regis Debray, acteur important et courageux de cet épisode.

  • Cuba : de l’assaut de la caserne Moncada (1953) au « retrait »
  • Nicolas Balutet

Après avoir dirigé le pays de 1940 à 1944, Fulgencio Batista (1901-[1940-1944/1952-1959]-1973) revient au pouvoir en mars 1952 à la faveur d’un coup d’État. Il supprime alors la Constitution de 1940, suspend les libertés et, avec le soutien de l’oligarchie citadine cubaine et des États-Unis qui contrôlent une grande partie des richesses (90 % des grands domaines par exemple), inféode peu à peu le pays à son voisin, tandis que La Havane devient une capitale dédiée à la prostitution, aux maisons de jeux, aux bars et aux boîtes de nuit. La prise autoritaire du pouvoir par Fulgencio Batista suscite l’émotion dans une certaine frange de la population, notamment étudiante. Parmi les opposants, se dresse le jeune Fidel Castro, né le 13 août 1926 dans la province d’Oriente (Est de l’île), d’un père d’origine galicienne. D’un caractère affirmé, assoiffé d’indépendance et de rébellion (en 1947, il fait partie d’un projet qui entend renverser le dictateur dominicain Rafael Leónidas Trujillo Molina), il suit des études secondaires à Santiago de Cuba (Est du pays) et à La Havane, avant de s’inscrire en Droit et de décrocher un diplôme d’avocat en 1950.
Face au régime de Fulgencio Batista, en 1953, Fidel Castro élabore un plan consistant en l’attaque simultanée de deux casernes militaires : Moncada à Santiago de Cuba et Carlos Manuel de Céspedes à Bayamo (ville située dans le Sud de l’île). Le but est de s’emparer par surprise des armes des deux casernes, de soulever la province d’Oriente puis le pays tout entier…

https://www.cairn.info/

Attaque de la caserne de Moncada

Lire la suite

01 août 2023 ~ 0 Commentaire

l’hebdo

antik672_la_une_0

Ni ordre policier ni régression sociale : partage des richesses, justice sociale

Un remaniement ministériel et deux prises de parole plus tard, l’apaisement tant voulu par le président n’est toujours pas au rendez-vous en cette fin juillet. 

La preuve, lors de son interview du 24 juillet en direct de Nouméa, Macron n’a soufflé mot des raisons de la révolte de fin juin, étouffant une deuxième fois — symboliquement — la révolte elle-même. Car, il ne sait que s’adresser à sa classe, à sa caste… à laquelle il a donné une fois de plus des gages après un exercice d’autosatisfaction et d’autoconviction télévisuel.

À marche forcée

Macron semble poursuivre « l’œuvre » qu’il a commencée. Il a dit et répété plusieurs fois lors du premier Conseil des ministres du gouvernement Borne 3 que « dans l’année écoulée, plus de lois sont passés qu’il y a six ans » et s’est félicité des avancées « à marche forcée ». En guise d’avancées ces derniers mois, la réforme inique des retraites, le doublement du budget militaire, la casse du code du travail et les attaques contre les droits des chômeurEs… et le renforcement du nucléaire. Et il a prévu de continuer dans la même voie en restreignant les droits des immigréEs dès la rentrée, en réformant le lycée professionnel, et en favorisant les pédagogies autoritaires et punitives à l’école.

Des ministres de combat

Il n’est qu’à voir qui sont les huit nouveaux ministres et leur curriculum vitae pour prendre la mesure de ce qui nous attend. Gabriel Attal entre à l’Éducation nationale pour remplacer Pap Ndiaye, à qui l’exercice du pouvoir n’aura décidément pas réussi… surtout quand les idées nauséabondes prolifèrent. Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour le service public de l’Éducation ! Le plus jeune lieutenant de Macron a déjà tenté l’ubérisation des comptes publics…

Aurélien Rousseau, le nouveau ministre de la Santé, n’est autre que l’ancien chef de cabinet d’Elisabeth Borne. Une solide expérience des luttes sociales, donc… et beaucoup d’entregent puisque son épouse est numéro deux de la Caisse nationale d’Assurance maladie. Un conflit d’intérêts ? Nullement, répond l’intéressé !

Quant aux six autres entrantEs, ils sont tous issus des bancs du Palais Bourbon, et des rangs de Renaissance, le parti du président. Parmi eux, Aurore Bergé, une fidèle de la macronie, au ministères des Solidarités. De quoi s’inquiéter !

Autrement dit, avec ce gouvernement resserré autour de celles et ceux qui lui doivent tout, Macron se prépare à gouverner plus encore sous le signe de l’autoritarisme.

L’ordre, l’ordre, l’ordre

Macron l’a martelé trois fois. Son objectif, c’est « l’ordre, l’ordre, l’ordre ». On sait donc à quoi s’en tenir. L’ordre des profits, l’ordre de la concurrence généralisée, l’ordre de l’individualisme, l’ordre du capitalisme vert et l’ordre de la matraque pour toutes celles et ceux qui n’entreraient pas dans le rang… À cet égard, il a bien besoin de la police, entrée en sédition ces derniers jours. Ce n’est donc que du bout des lèvres qu’il a affirmé de Nouméa avec une bonne dose de généralités que « nul n’est au-dessus des lois ».

Pourtant, un certain nombre de ses ministres se sont illustrés en matière de transgression des lois, à commencer par Darmanin et Dupont-Moretti. Et ce ne sont pas à eux que le gouvernement a demandé de rembourser leurs indemnités (pas plus qu’à Sarkozy d’ailleurs) comme le gouvernement prétend le faire auprès des familles des jeunes interpelléEs à la suite de la révolte, dans une logique honteusement punitive.

La solidarité ne se marchande pas, la solidarité n’attend pas le silence et la docilité des classes laborieuses et des populations raciséEs. La solidarité c’est le partage des richesses et la mutualisation… À des années-lumière du projet de Macron, qui est l’ubérisation à grande échelle !

Un mouvement d’ensemble et une gauche combat

Face à l’inflation et aux bas salaires, face aux coups bas qui vont tomber à la rentrée sur les réfugiées, face à la casse du service public de l’école et sur celui de la santé, à l’urgence écologique, à l’offensive idéologique autoritaire, à la violence d’État, au racisme, plus que jamais le mouvement ouvrier et l’ensemble du monde du travail ont besoin d’une stratégie d’ensemble pour combattre le nouveau gouvernement d’Élisabeth Borne, Macron et son monde.

Nous avons besoin de l’unité la plus large dans la rue pour inventer une autre démocratie, d’autres manières de décider et imposer nos façons solidaires de travailler, de produire et de partager les richesses sans laisser brûler la planète !

Mercredi 26 juillet 2023 Fabienne Dolet

https://lanticapitaliste.org

Lire la suite

25 juillet 2023 ~ 0 Commentaire

mai 1968 (npa)

Lire la suite

25 juillet 2023 ~ 0 Commentaire

edito (npa)

Crédit Photo DR

Avec Borne 3, la « marche forcée » va continuer

Emmanuel Macron s’est livré ce vendredi 21 juillet à un exercice périlleux en ouverture du premier Conseil des ministres du gouvernement Borne 3. Le discours en dit long sur la situation du pouvoir, après un remaniement communiqué de manière erratique la veille.

En s’adressant en même temps à l’ensemble des citoyenEs et aux ministres, dans un discours oscillant entre politique générale et coaching ministériel, le Président a exprimé la difficulté de l’exercice du pouvoir.

Il a pourtant « choisi la continuité et l’efficacité pour les temps qui viennent en réaffirmant avec clarté [sa] confiance à la Première ministre » et s’est félicité que le gouvernement ait « traversé les budgets, la réforme des retraites, des textes importants en matière d’énergie et d’économie et puis mis en œuvre la feuille de route des “cent jours” ». Il a affirmé un « cap est clair et simple : l’indépendance du pays pour consolider un modèle plus juste. »

En clair, les actions engagées sur l’école, la santé, l’écologie, la réindustrialisation et le plein emploi, le travail et le chômage vont se poursuivre. On sait bien ce que cela veut dire en matière de cadeaux aux profits et à l’agriculture intensive, en matière de dérégulation du droit du travail, de pression sur les salaires et de casse des service publics. On a vu ! Il s’en félicite et annonce la suite.

Ainsi, « dans l’année écoulée, plus de lois sont passés qu’il y a six ans », a-t-il souligné. À trois reprises au moins, il s’est satisfait des avancées « à marche forcée ».

Après « En marche », nous voilà donc « à marche forcée », ce qu’indique d’ailleurs au plan politique la loi de la programmation du ministère de l’Intérieur ou le doublement du budget militaire dont une fois encore le Président s’est félicité, ou encore le contentement que la « justice [ait] su être implacable ».

D’autant qu’on est prévenu, la rentrée sera sous le signe de la préparation d’un budget serré et de la préparation des échéances sportives de 2024. En attendant, les ministres eux-mêmes n’ont qu’à bien se tenir : « Il est attendu du gouvernement de le France d’être exemplaire », a rappelé Macron avant d’envoyer un petit tacle à la sortante Marlène Schiappa, sans la nommer : « Conformément à la Constitution, les ministres dirigent leur administration. Être ministre, ce n’est pas parler dans le poste. »

Autrement dit, avec Gabriel Attal à l’Éducation, et Aurélien Rousseau à la Santé ou Aurore Bergé au ministère des Solidarités, avec ce gouvernement resserré autour de celles et ceux qui lui doivent tout, Macron se prépare à gouverner plus encore sous le signe de l’autoritarisme.

Plus que jamais, le mouvement ouvrier – syndicats et partis – doit s’unir autour d’un plan d’urgence parfaitement opposable à la politique de Macron à mettre en œuvre en l’imposant par la grève et par la rue, dans les entreprises et les quartiers !

Montreuil, le 21 juillet 2023

https://nouveaupartianticapitaliste.org/

Lire la suite

21 juillet 2023 ~ 0 Commentaire

le bon poing (npa)

Lire la suite

17 juillet 2023 ~ 0 Commentaire

nazis (côtes d’armor)

nazis

.
Côtes d’Armor
Voici l’un des tags sur le monument qui rend hommages à 55 fusillés de la Résistance anti nazie après avoir été torturés. Dont Mireille Chrisostome agent de liaison des FTP,
jeune communiste d’une vingtaine d’année.
.
Ce monument vient d’être profané
quelques semaines après les tags fascistes, les croix celtiques et signes SS peints sur les murs des UL cgt de Guingamp et Rostrenen
après l’attaque de la fête antifasciste de st Brieuc par un commando d’extrême droite il y a 15 jours
Les fachos continuent leurs ignoble besogne
Comite Nathalie Le Mél du NPA
Lire aussi:

 

Lire la suite

12 juillet 2023 ~ 0 Commentaire

mathieu rigouste (npa)

Crédit Photo Casserolade et comité d’accueil du ministre de l’Éducation Pap Ndiaye à la Gare de lyon, 24 avril 2023. © Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas
Mathieu Rigouste
 « La bourgeoisie a de moins en moins recours au spectacle démocratique »

Entretien avec Mathieu Rigouste, sociologue et essayiste, chercheur indépendant en sciences sociales, réalisateur et militant. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, notamment L’ennemi intérieur : La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine, La Découverte, 2009.

L’Anticapitaliste : Quel est l’arsenal déployé par la police dans les manifestations aujourd’hui ? Quelle est la signification politique de l’utilisation de telles armes, et des arrestations « préventives » ou en manifestation ?

Mathieu Rigouste : On a un continuum militaire et policier qui croise plusieurs dynamiques, notamment des dynamiques préventives, de fichages, d’établissement de listes et parfois des arrestations préventives, assignations à résidence, selon les séquences.

Sur le terrain, il y a différents niveaux de quadrillage, qui peuvent aller de la nasse ponctuelle, avec usage de gaz, à la nasse mobile, autour de la manifestation, voire l’interdiction du rassemblement et l’attaque automatique de certains rassemblements, avec gaz et tous types d’armes mutilantes pour disperser, blesser, abîmer les corps et empêcher la manifestation.

Et maintenant il y a la surveillance tout au long, avec les caméras portatives, les drones, et la surveillance des réseaux sociaux.

Bien entendu, il y a aussi tout l’arsenal des armes dites sublétales, qu’on ferait mieux d’appeler armes toxiques et mutilantes, comme les gaz et les balles de défense. Les tasers ne sont pas tellement utilisés en manifestation, mais peuvent l’être pendant les arrestations.

Il faut voir aussi tout l’appareillage judiciaire et la chaîne d’incarcérations et de traitement judiciaire, c’est-à-dire les arrestations, comparutions immédiates, gardes à vue, gardes à vue prolongées, criminalisation médiatique et tentatives de traiter judiciairement et de pénaliser de manière maximale les personnes arrêtées pour faire du chiffre et de la démonstration, et pour abîmer les parcours de vie et écraser les personnes qui se mobilisent et ainsi dissuader de continuer.

On a vu aussi, pendant différentes séquences, le recours à Sentinelle et aux unités militaires de quadrillage des territoires sur certaines opérations de contrôle ou de répression. Il faut bien avoir en tête qu’à chaque fois que les mouvements sociaux déborderont le cadre préétabli par les bureaucraties syndicales et les capacités policières de gestion de ces mouvements, il y aura une montée en intensité et en militarisation. Parce qu’une des fonctions principales du financement, de l’organisation, de l’entraînement, du maintien en condition d’une armée, c’est aussi de pouvoir l’envoyer contre les soulèvements populaires, contre les processus révolutionnaires.

Et donc, évidemment, c’est ce qui s’expérimente en permanence dans les domaines coloniaux et dans les centres d’entraînement à la guerre urbaine sur le territoire métropolitain.

Concernant la signification politique, c’est à nous, depuis en bas, depuis les luttes, de la mettre en récit, c’est à nous produire une analyse de ce que veut dire, politiquement, ce système répressif.

Pour moi, ça vient simplement révéler les dimensions structurelles et systémiques de ce qu’est le capitalisme racial et patriarcal. La manière dont c’est présenté, leur démocratie, à travers toute la modernité impérialiste occidentale, a toujours été un régime de justification, de mystification.

En fait, ces régimes bourgeois racistes et patriarcaux n’ont entretenu ce mythe de la démocratie, des Droits de l’Homme, de la séparation entre la police et l’armée entre le temps de paix et de la guerre, que pour les séquences et contre les strates des classes populaires contre lesquelles ils n’avaient pas besoin de monter en puissance répressive ou d’utiliser le régime de guerre.

Aujourd’hui, on est dans une séquence que j’appelle impérialiste sécuritaire, où le continuum militaro-policier est utilisé à plein régime, et où justement la bourgeoisie mondiale et les bourgeoisies des centres impérialistes ont de moins en moins recours au spectacle démocratique et assument très clairement un système d’accumulation du capital et de concentration et de captation du pouvoir, par tous les moyens nécessaires.

Est-ce que pour toi il y a un avant et un après 49-3 et pourquoi ?

MR : C’est lié avec ma réponse précédente. Il y a une étape symbolique avec les usages de plus en plus récurrents et maintenant quasiment systématiques, pas seulement du 49-3 mais de toutes ces dispositifs juridiques qui permettent de contourner le spectacle de la démocratie bourgeoisie.

Ces dispositifs ont été créés en même temps que la Constitution de la 5e République dans un cadre, justement, de guerre coloniale, de contre-révolution, de guerre intérieure. Ils ont été là à toutes les époques, ils ont servi à chaque fois que le bloc de pouvoir a décidé qu’il n’était pas nécessaire de maintenir la mythologie démocratique et qu’il avait besoin de passer outre. Et donc ça, ça s’intègre aussi dans une continuité. Après il faut justement ne pas se laisser avoir par ce mythe démocratique : l’utilisation de la force pure et l’écrasement des volontés populaires, de toutes formes d’auto-organisation, de résistance, etc., c’est la structure du pouvoir dans le domaine colonial.

Finalement, à travers le 49-3 et le durcissement autoritaire au centre de l’impérialisme, le système est en train d’importer et de généraliser au centre ce qui est sa dynamique, sa mécanique principale dans les périphéries et dans les semi-périphéries, c’est-à-dire la gestion autoritaire dictatoriale et par les moyens les plus féroces des peuples. C’est ça la normalité du système mondial et de l’impérialisme.

Il est simplement en train de l’importer, de la généraliser, dans les centres et contre des strates, des classes populaires, des parties des mouvements sociaux qui ne les subissaient pas jusque-là.

Comment replacer tout ça dans un contexte plus large, à la fois sur la « politique de maintien de l’ordre » de l’État français dans la période, et dans la période politique que nous vivons ?

MR : Depuis mon travail, je me distingue un peu d’une partie de la géographie critique anglo-saxonne et notamment des travaux de Harvey où il parle de nouvel impérialisme, à partir des guerres en Irak et en Afghanistan. Je suis en train de confronter les hypothèses que j’avais développées pour l’histoire et le cas français, et de les confronter dans une histoire globale des centres impérialistes et d’une histoire décentrée globale et de longue durée de la contre-insurrection et du système sécuritaire.

J’observe qu’on n’est pas dans un nouvel impérialisme mais dans une phase particulière, que j’appelle « sécuritaire », un impérialisme sécuritaire ou une séquence sécuritaire de l’impérialisme, parce que les dynamiques de fond sont les mêmes que celles qui dirigent l’expansion mondiale de ce système depuis son premier âge entre le 15e et le 17e siècle : accumulation maximale, concentration du pouvoir, dépossessions, des territoires, des corps, des cultures, aliénation, etc.

Le système mondial se concentre sur la forme sécuritaire, et la forme sécuritaire est une forme qui considère la population comme une matière à gouverner par la guerre policière permanente. Et avec différentes dynamiques, des dynamiques préventives dont on a parlé, une dynamique pro-active, qui consistent à produire les conditions d’extension et de reproduction du système. Une dynamique intensive, où il s’agit de maximiser les taux de profit et ce que j’appelle le taux de contrôle, qui est complètement articulé à la baisse tendancielle du taux de profit.

Pour moi, s’il y a cette baisse tendancielle, c’est parce qu’il y a une baisse tendancielle du taux de contrôle : à travers les séquences, à travers les âges, les résistances populaires se réorganisent et font que ça coûte toujours de plus en plus cher, économiquement, politiquement au pouvoir, de se reproduire.

Il doit en permanence s’affronter à la résurgence, à la réorganisation des résistances, de révoltes, de soulèvements, et donc il doit en permanence développer des technologies de pouvoir qui soient optimisées.

Et la dernière logique, c’est la logique supplétive, qui est logique au cœur du pouvoir colonial à toutes les époques et qui consiste à faire participer, à faire collaborer des strates des classes dominées à la reproduction du système d’accumulation et de pouvoir, et qui est vraiment au cœur de la logique sécuritaire.

Pour conclure, il faut bien se dire que ce sont aussi des schémas de pouvoir qui ne sont pas mécanistes, qui ne fonctionnent pas de manière absolue et qui sont aussi gouvernés par des logiques d’opportunisme où les classes dominantes, dans certains aspects, pensent les stratégies à très court terme. Ainsi, on voit partout, dans le développement de l’impérialisme sécuritaire, des interstices dans les systèmes de contrôle, de surveillance, de répression, comme en retour de chaque rouage, de chaque mécanique, il y a toujours des manières d’intervenir, de bloquer, de saboter. On voit aussi que le pouvoir ne se manifeste jamais comme il est fantasmé par les classes dominantes, qu’on a évidemment toujours raison de résister et de s’organiser, et qu’on en est capable.

Depuis 2011, et les révolutions arabes, et le soulèvement mondial de 2019, on a vu que les déploiements féroces de forces militaires et sécuritaires écrasent les vies et les peuples, mais n’arrivent pas à les soumettre définitivement. Il s’agit aussi pour nous de penser des mouvements révolutionnaires sur la très longue durée, un peu comme le font les zapatistes qui réfléchissent sur 500 ans de résistance, et la révolution kurde qui se pense comme un processus de 5 000 années de résistance.

Il faut qu’on construise des structures et des capacités révolutionnaires sur le temps très long, qui nous permettent de nous réorganiser en permanence, et puis de construire l’autre société qui remplacera celle-là. Quand on a des défaites sur certaines séquences, il faut les penser comme des batailles dans un mouvement révolutionnaire de très longue durée. o

Propos recueillis par Antoine Larrache

https://lanticapitaliste.org/

Lire la suite

Rocutozig |
Tysniq |
Connorwyatt120 |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Rafredipen
| Agirensemblespourpierrevert
| Buradownchin