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23 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

oslo (npa)

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Édouard Soulier Hebdo L’Anticapitaliste – 673 (07/09/2023)
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Palestine : trente ans après Oslo, des accords au bénéfice d’Israël

Les accords d’Oslo avaient été un événement historique. Près de trente ans après, plus personne ne s’en sert pour parler de la situation en Palestine. Il n’est plus question du « processus de paix » ou du « quartet » qui étaient pourtant la norme dans les années 1990 et 2000, tant la situation s’est éloignée des espoirs suscités par ces accords.

Les accords du 13 septembre 1993 signés par l’État israélien et le dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) devaient instaurer une solution durable au « conflit » et permettre la création d’un État palestinien, revendication historique du mouvement de libération nationale. Les accords prévoyaient à terme le transfert progressif des territoires de Cisjordanie sous contrôle d’une autorité palestinienne nouvellement créée.

Ce transfert devait se faire via une répartition en trois zones des territoires de la Cisjordanie : les zones A, B et C pour une période de transition de cinq ans. Ce découpage entérinait une demande israélienne de gestion différenciée de ces zones. En effet, les territoires en zone A (18 % de la superficie totale des territoires) sont essentiellement les grandes villes palestiniennes (sauf Hébron), où se concentre l’essentiel de la population, et sont sous contrôle civil et militaire palestinien. La zone B, environ un quart du territoire, comprend les villages palestiniens et est sous contrôle civil palestinien et militaire israélien. Le reste, 60 % du territoire (zone C), est la seule bande de terre non fragmentée et est entièrement sous contrôle israélien. Elle inclut les colonies israéliennes implantées en Cisjordanie, à Gaza (démantelées depuis 2005) et à Jérusalem-Est, qui se trouve sous contrôle ­militaire israélien.

Pas de véritable autonomie des PalestinienEs

Près de trente ans après, la situation de ces zones temporaires a peu évolué alors que le nombre de colonies (dans la zone C) a explosé : près de 14 000 colons s’installent en moyenne chaque année dans les territoires occupés. On compte 460 000 colons en 2021 contre 110 000 au moment des accords d’Oslo1. Ceux-ci n’ont jamais été un contrat entre deux partenaires égaux. C’est un accord imposé par un occupant à un occupé ayant peu de poids dans la négociation. En outre, les textes étaient flous, ambigus et favorables à Israël. Par exemple, ils ne prévoyaient aucun arrêt de la colonisation de terres qui devaient pourtant être rendues aux PalestinienEs. Israël a donc continué à développer les colonies après la signature des accords2.

Même s’ils avaient été accomplis comme prévu, les accords d’Oslo créaient de fait une Palestine avec 10 % de son territoire historique morcelé entre Gaza et la Cisjordanie avec un « État » sous tutelle permanente sans véritable autonomie des PalestinienEs. Le peuple palestinien aurait continué à être morcelé entre celleux de Cisjordanie, celleux de 1948 et bien entendu les réfugiéEs.

Réorganisation du dispositif d’occupation

Ainsi le processus d’Oslo n’aurait pas permis d’aboutir à une satisfaction des droits nationaux des PalestinienEs. La direction palestinienne s’est retrouvée de fait mise en avant par l’occupant et structurellement intégrée à l’architecture de l’occupation. Depuis le début, ces accords et ce « processus de paix » ont servi de support à une réorganisation du dispositif d’occupation des territoires palestiniens, anticipée de longue date par une partie de la classe dirigeante israélienne.

« L’architecture d’Oslo permet en réalité aux autorités israéliennes de résoudre le paradoxe auquel elles étaient confrontées depuis la guerre de juin 1967, au terme de laquelle l’État d’Israël occupe l’ensemble de la Palestine théoriquement partagée en 1947-1948. […] Le succès militaire crée donc une difficulté politique : Israël abrite désormais en son sein les PalestinienEs de Cisjordanie et de Gaza, qui s’ajoutent aux PalestinienEs de 1948. La prétention de l’État d’Israël à être simultanément un “État juif” et un “État démocratique” est donc sérieusement menacée. »3

C’est sous cet angle qu’il faut comprendre la stratégie israélienne et la dynamique derrière les « zones » : renoncer à la souveraineté sur les zones palestiniennes les plus densément peuplées tout en conservant le contrôle sur la vallée du Jourdain, les rives de la mer Morte et Jérusalem, dont les limites municipales seront étendues. La disposition des colonies, le tracé des routes réservées aux colons et la fragmentation de la Cisjordanie sont une mise en application concrète de cet angle. Ainsi, il ne s’agit pas d’un compromis historique du côté israélien. Les accords d’Oslo sont une adaptation du projet sioniste aux réalités du terrain : l’Intifada de 1987 a exposé au grand jour la situation faite aux PalestinienEs des territoires occupés, contribuant à délégitimer l’État d’Israël et menaçant de déstabiliser le Moyen-Orient.

Non-acceptation de l’État palestinien par Israël

Les accords qui suivent la déclaration d’Oslo se traduisent en avril 1994 par les accords de Paris définissant les rapports économiques entre les zones « sous contrôle » palestinien et l’État d’Israël. De fait, l’économie palestinienne est sous contrôle des Israéliens : limitation des importations, fixation du montant des taxes, etc. En 1995, les accords de Taba, nommés aussi Oslo II, fixent les conditions du transfert de zones occupées aux PalestinienEs (zones A et B) sous l’ultime condition que la nouvelle institution palestinienne assure la sécurité de l’occupant, c’est-à-dire réprime la résistance palestinienne à l’occupation. De la déclaration d’Oslo à aujourd’hui, les multiples « négociations » ou plans de « paix » qui ont suivi – Camp David en 2000, le Quartet 2002, Anapolis 2007 – se sont tous heurtés à la volonté israélienne de ne pas accepter l’existence d’un État palestinien indépendant sur une partie des terres de la Palestine historique sous ce prétexte sécuritaire.

En plus de correspondre aux vues de l’État israélien, Oslo a replacé la colonisation des Palestiniens par Israël dans le cadre d’un conflit symétrique entre États antagonistes. Le moindre acte de violence ayant son « symétrique » d’un côté sans mesurer la disparité criante des victimes, destructions, etc. Oslo a permis de développer une rhétorique d’existence temporaire permanente, car l’autre partie – les PalestinienEs – ne jouaient pas le jeu des accords qui leur étaient défavorables. Le moindre prétexte a servi à réprimer plus durement et à coloniser d’autant plus au nom du « processus de paix ». Les contraintes imposées par Oslo sur Israël étaient toujours dépendantes d’une situation qui devait être évaluée par Israël lui-même, notamment sur la sécurité.

Cette symétrie du conflit – inexistante du point de vue de l’influence politique et militaire – a été utilisée par Israël pour s’assurer d’une neutralité bienveillante à la fois politique et médiatique.

Israël, État d’apartheid

Depuis une dizaine d’années, aucun acteur sérieux ne reparle du processus de paix ni ne met en avant la feuille de route issue des accords d’Oslo. Il s’agit plutôt de ce point de vue d’une inversion complète : la communauté internationale continue d’alimenter la mascarade de la symétrie entre deux camps alors que l’État israélien se radicalise de plus de plus.

« En 2018, le Parlement israélien vote une nouvelle loi fondamentale, intitulée “Israël en tant qu’État-­nation du peuple juif”, dont l’article 1 précise : “L’exercice du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservé au peuple juif”, un droit refusé donc aux Palestiniens ; un autre article stipule que “l’État considère le développement de la colonisation juive comme un objectif national et agira en vue d’encourager et de promouvoir ses initiatives et son renforcement” – ce qui signifie le droit de confisquer des terres, appartenant à des Palestiniens. Ce texte vient surtout normaliser une pratique qui depuis des décennies fait d’Israël un État d’Apartheid. En 2021, l’organisation israélienne B’Tselem concluait à l’existence d’“un régime de suprématie juive entre le fleuve Jourdain et la Méditerranée”. Elle sera suivie par deux grandes organisations non gouvernementales (ONG) internationales, Human Rights Watch et Amnesty International. »4

Pourtant, malgré le soutien de fait des USA et de l’Europe, l’image d’Israël est toujours plus écornée : la résistance acharnée des PalestinienEs a permis que leur situation soit toujours discutée à l’international et que des actions régulières aient lieu au niveau des Nations unies et d’autres groupes de travail lié à l’organisation onusienne et ce malgré le véto américain systématique.

Via la campagne de solidarité BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) propulsée par la société civile palestinienne, l’image de normalité d’Israël est battue en brèche et, même si elles sont peu nombreuses, les victoires symboliques de boycott et de désinvestissement ont porté leurs fruits et amené le débat sur la lutte des PalestinienEs et l’injustice qu’ils et elles vivent au quotidien en Palestine occupée. La fascisation de la société israélienne et les résistances qu’elle suscite dans la société civile israélienne ne doivent pas masquer l’étendue de la colonisation et le sort des PalestinienEs sous occupation.

Trente ans après, les espoirs suscités par les accords d’Oslo ont été démentis. Ils montrent la voie de ce qu’il ne faut pas faire. Il ne peut pas y avoir de « processus de paix » sous occupation et sous ­colonisation.

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22 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

pcf (npa)

Où va le PCF de Fabien Roussel ?

Fabien Roussel, qui a été réélu début avril à la tête du Parti communiste français, a publié en mars 2023, un livre intitulé « les Jours heureux sont devant nous, de la présidentielle à la reconstruction de la gauche » (éditions Le Cherche-Midi).

Dans cet ouvrage, il revient sur la campagne présidentielle et sur les législatives. Il s’agit pour lui de dresser un bilan et de donner la ligne qu’il entend défendre avec son parti dans les prochains mois.

Pour faire gagner la gauche, parler à droite ?

Fabien Roussel a un leitmotiv, qui revient tout au long du livre : la gauche a abandonné la valeur travail, et par la même occasion les travailleurEs. Il faut alors les convaincre de revenir dans le giron de la gauche. En soi, cette motivation n’est pas complètement mauvaise, même si « la valeur travail » ne semble d’emblée par être une valeur de gauche.

Mais se préoccuper de politiser les classes populaires sur les lieux d’exploitation est une bonne chose. Seulement, pour Fabien Roussel, ce qui a éloigné les travailleurs de la gauche, ce ne sont pas les trahisons multiples du PS, du PCF et de EELV une fois que ceux-ci sont au pouvoir ou lorsqu’ils gèrent des collectivités locales. Non, cette rupture serait liée au fait que la gauche se préoccupe plus d’autres sujets qui clivent la population.

À titre d’exemple, Roussel explique que la gauche a rompu les digues sur la question de la laïcité. Pour lui, il faut réaffirmer le droit à la caricature et au blasphème. Rappelons que ce droit existe, et que personne ne le remet vraiment en cause, si ce n’est les terroristes qui ne sont pas vraiment des militantEs de gauche. Sauf qu’à travers cette critique de la laïcité prétendument « oubliée » par la gauche, Fabien Roussel ne condamne à aucun moment le racisme anti-musulman qui touche notre société : l’islamophobie. Pourtant, le droit à la caricature n’ouvre aucunement le droit au racisme, et dire cela n’a rien à voir avec un rejet de la laïcité.

Revenant sur la campagne présidentielle, le dirigeant du PCF parle à nouveau de sa sortie sur la bonne viande, le bon vin, le bon fromage. Le tout devant être « français ». La stratégie est bien rodée : il lance une polémique volontairement caricaturale, cela donne lieu à un buzz médiatique, puis il contre-balance son propos en disant simplement être pour que tout le monde puisse bien manger à sa faim. Mais qui, à gauche, n’est pas pour que tout le monde puisse bien manger à sa faim ?

La polémique est ailleurs, et il le sait : en parlant de viande, de vin et de « France », c’est l’absence de critiques de la production de viande à outrance et des méfaits sur la santé, de l’alcoolisme très répandu dans notre pays, mais aussi le caractère chauvin des propos qui choquent. Il ne s’agit pas d’avoir un jugement moral sur les comportements des individus, mais, a contrario, il n’est pas normal de surfer sur cela pour « flatter » ce qu’il pense être une base électorale. En réalité, comme lorsqu’il avait eu des propos extrêmement choquants en disant que « oui, il faut être plus ferme » sur le sujet de l’arrivée des travailleurEs migrantEs, Roussel parle à l’électorat de droite, d’extrême droite, mais aussi de façon plus générale aux personnes qui ne votent pas ou pas pour lui et qui sont attirées par les discours racistes et « anti-woke ».

À chaque fois, pour ne pas trop froisser sa base ancrée à gauche, il revient sur ces propos polémiques avec des positions plus traditionnelles du mouvement ouvrier. Mélenchon faisait la même chose jadis, comme lorsqu’il avait dit que « les travailleurs détachés volent le pain des travailleurs français ». Ruffin, dans son style, adopte la même stratégie, dernièrement sur la question des droits des personnes trans à changer de genre, afin de ne pas « diviser la société ». Puis, devant le tollé, il est revenu sur ces propos promettant de « progresser ». Nous sommes ici face à un grave problème qui consiste à faire passer l’objectif électoraliste avant la construction d’une théorie communiste, anticapitaliste ou même socialiste.

Reconstruire quelle gauche ?

L’un des objectifs du livre est de proposer un plan pour reconstruire la gauche. Et le moins que l’on puisse dire c’est que, pour Roussel, le cadre pour faire cela ne peut pas être la NUPES, qu’il s’interdit d’ailleurs de nommer par son acronyme. Il y a évidemment une critique légitime à faire de cet attelage électoral. Seulement, les critiques formulées par le chef du PCF sont systématiquement des critiques droitières, qui visent principalement à attaquer Jean-Luc Mélenchon.

Dès les premières pages, Roussel se sent par exemple obligé de dénoncer les propos du leader insoumis sur la police : « La personnalité de Jean-Luc Mélenchon, son propos sur “la police tue” passent mal. […] Je suis d’emblée obligé de faire une déclaration publique pour dénoncer ces propos outranciers. ». Pour se démarquer de la FI et de EELV, il propose un chapitre entier pour rappeler en quoi le PCF est pro-nucléaire. Avec par exemple cette « pépite », à l’heure où la crise du nucléaire français rend la possibilité d’un accident de plus en plus crédible : « Nous avons la chance d’avoir un parc de 56 réacteurs nucléaires amortis ». Quelle chance en effet ! Ou encore, dans le genre démago, il cite un camarade de la CGT qu’il a rencontré et qui lui a dit : « Nos trains ne vont pas rouler avec des éoliennes ». Ce syndicaliste a par ailleurs voté pour Mélenchon… comme quoi.

Quelles limites ?

Toutefois les désaccords avec la NUPES vont encore plus loin. Ce qui transpire de la lecture de l’ouvrage, c’est que Roussel veut élargir le rassemblement… sur la droite. D’ailleurs, les mots d’amour pour le PS ne manquent pas. Alors qu’au départ LFI était contre intégrer le PS à la NUPES, Fabien Roussel écrit : « En outre, LFI nous indique que le Parti socialiste n’est pas convié à ce rassemblement. C’est à nos yeux là aussi une grosse erreur ». Et plus loin : « En ce qui me concerne, je ne me résous pas à la mise hors-jeu des socialistes. Je prends contact avec Olivier Faure pour lui faire part de mon total soutien ». Il faut dire que plus tôt, il écrivait aussi : « Ce cap-là [celui de sa campagne présidentielle], j’en suis persuadé, dépasse largement l’horizon de la gauche. Car avec un tel programme, nous avons l’ambition de rassembler les électeurs de gauche, bien sûr, mais aussi de convaincre de nombreux abstentionnistes ou des électeurs perdus qui se sont laissé persuader de voter à droite ou à l’extrême droite ».

Quelle est donc la limite de la gauche que veut reconstruire Roussel ? Car malheureusement, les personnes qui votent à l’extrême droite ne sont pas seulement des personnes qui se trompent de colère. Elles sont souvent gagnées aux idées racistes, aux préjugés LGBTIphobes, au sexisme, au climato-scepticisme. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir une politique à destination de ces personnes, mais cela impose d’être le plus clair possible sur le programme et sur le projet de société, et également sur la pratique militante : autrement dit, une gauche antifasciste, antiraciste, féministe, internationaliste, qui défende des mesures d’urgence sociale et écologique, et qui s’implique totalement dans les luttes des oppriméEs, sans exception. Cacher ces principes pour ne pas faire peur ne peut pas être une bonne solution.

Vision électorale autour de la nation

Autre point crispant, c’est celui qui consiste à ne pas donner un caractère de classe à la gauche à reconstruire. Pour Fabien Roussel, « il faut pouvoir parler à ce cœur battant pour mieux l’éloigner des ressentiments les plus néfastes. La gauche porte une responsabilité vis-à-vis du monde du travail. De la classe ouvrière jusqu’à la classe moyenne et même à une partie de la bourgeoisie, elle doit être capable de rassembler une majorité en respectant les choix de vie, les traditions, les cultures, les territoires. ». Cette vision, pour le moins inter-classiste, est le résultat d’un discours très porté autour de la Nation. En fin de compte, il n’y a quasiment que des réflexes électoraux et patriotes. Roussel n’envisage la prise du pouvoir que par les urnes, et dans le cadre d’alliances sur sa droite. Preuve en est sa main tendue à Bernard Cazeneuve en avril dernier.

Le discours électoraliste va jusqu’à revenir sur les exemples du CNR (Conseil national de la résistance) ou du Front populaire, en oubliant systématiquement de parler de la situation sociale qui a permis de gagner des droits sociaux en 1936 et en 1945 : c’est-à-dire, qu’au-delà de la présence du PCF (qui était d’ailleurs plutôt un frein à la révolution de par sa stalinisation à outrance), il y avait un fort niveau de combativité du prolétariat, avec en 1936 une grève générale et en 45 des milices révolutionnaires armées. Ne pas rappeler cela est malhonnête car précisément les grandes avancées de 1936 n’étaient pas dans le programme du Front populaire, et, si en 1945, la bourgeoisie concède des mesures importantes, c’est parce qu’elle a peur d’un débordement révolutionnaire.

Ceci n’est pas un communiste

Le dernier chapitre tente d’expliquer ce que c’est que d’être communiste aujourd’hui. Comme on a pu le voir avant, il n’y a pourtant pas grand-chose de communiste dans ce que propose le programme du PCF. Au mieux une gestion de gauche, mais à aucun moment une rupture révolutionnaire. Par exemple, lorsque Roussel nous parle de sa vision de la démocratie dans les entreprises, celui-ci se cantonne à vouloir donner du pouvoir aux travailleurEs, mais pas le pouvoir aux travailleurEs.

Autrement dit, la remise en cause de la propriété privée des moyens de production n’est pas posée. Ce qui est pourtant le B.A.BA d’une politique anticapitaliste. Bien sûr, nous pouvons comprendre que le but d’un tel livre n’est pas de présenter ce que serait le communisme aujourd’hui. Il est entendable de mettre en avant des mesures transitoires. Pourtant Roussel avait bien annoncé vouloir parler de communisme. Sauf que nous n’en voyons aucune trace. Nous avons déjà pointé plusieurs contradictions avec une politique révolutionnaire, et nous pouvons ajouter le rapport à l’État, et notamment à la police.

Fabien Roussel revendique toujours avoir eu raison de « participer à une manifestation organisée par des syndicats de policiers ». En fait ces principaux syndicats sont d’extrême droite et se mobilisaient pour que la police ait plus de pouvoir face à la justice qu’ils jugeaient « laxiste ». Disons-le : il n’est pas possible d’être communiste et de défendre la police, c’est-à-dire le bras armé de l’état capitaliste. Participer à cette manifestation relève de la trahison, trahison partagée avec Yannick Jadot et Olivier Faure qui y ont aussi participé. Pas communiste donc…

Cest nous qui le disons. Pas seulement. Le patron du PCF reconnaît lui-même que son parti n’est pas communiste, ou du moins ne défend pas une politique communiste, à travers cette phrase qui dit tout : « Malgré tout, je pense que les Français, à travers le travail des élus communistes et des adhérents qu’ils connaissent, savent faire la part des choses entre les idées que l’on défend et le nom du parti qui les incarne. Les partis ou les mouvements qui changent de dénomination tous les deux ou trois ans non seulement n’en retirent aucun bénéfice mais bien souvent se perdent en route ».

Si, comme nous l’avons déjà plusieurs fois affirmé, la politique de la France insoumise ne peut être une garantie sur bien des sujets, force est de constater que le PCF, avec Fabien Roussel à sa tête, se place à droite de la FI. La dérive, que pointait déjà Laurent Ripart1, se poursuit. Espérons que les militantEs du PCF qui se battent toujours pour une société débarrassée du capitalisme, du sexisme, de toutes les oppressions, et souhaitant mettre un terme au productiviste, sauront prendre le chemin de la construction d’une force politique nouvelle, unitaire, écologiste, anticapitaliste.

Alexandre Raguet

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22 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

huma (npa)

Crédit Photo Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas Almani Duplessis

Fête de l’Huma : au stand du NPA, la fête et la politique font le plein

La fête de l’Huma ça n’est clairement pas de tout repos ! ToutE militantE vous le dira… La pression folle et collective de faire marcher un stand, d’organiser les rencontres et les échanges politiques sur un long week-end de politique non-stop de contribuer à une fête massive, joyeuse et populaire. Et cette question : est-ce qu’on y arrivera cette année encore ? La réponse est clairement oui !

De longues heures, beaucoup de nuits courtes et bruyantes, parfois plus encore que les journées. C’est ça la fête ! C’est aussi tenir une table politique et discuter avec des centaines de personnes de tous horizons de la gauche très élargie, en plein soleil et sous les assauts d’une joyeuse et bruyante cacophonie. C’est couper des centaines de légumes, changer des fûts de bière, construire un bar en palettes récupérées, une estrade ou quoi que ce soit d’autre jugé nécessaire à rendre le stand le plus agréable possible pour y discuter lutte des classes, stratégie ou parti !

Joie militante, succès des débats

Pour nous au NPA, cette année encore, la fête a été marquée de nombreux moments de joie militante, d’échanges avec d’autres militantEs et organisations. Le samedi, lors du mini-meeting se sont succédé à la tribune notre porte-parole Christine Poupin, mais aussi les Jeunesses Anticapitalistes (JA), Salah Hamouri, la Coordination nationale contre les violences policières et les Soulèvements de la Terre (SDT).

Le succès était là aussi pour les présentations de livres avec la présence de Pauline Perrenot, Béatrice Walylo et Philippe Poutou, et Olivier Besancenot pour son livre sur le Chili de 1973. Beaucoup de monde sur le stand pour ces échanges et même jusque dans l’allée. Les ventes de la librairie la Brèche, présente sur le stand, témoignent de l’intérêt du public pour l’histoire de ce coup d’État mais plus largement pour l’ensemble des débats politiques.

Beaucoup de personnes sont d’ailleurs venues ensuite leur parler et nous manifester leur soutien. L’intervention d’Olivier a été particulièrement touchante, notamment autour du récit d’Helena, notre camarade chilienne décédée en janvier 2022, et a été porteuse d’espoir pour la suite, grâce aux leçons à actualiser pour les luttes en cours et à venir.

Écologie, radicalité, antiracisme et Beyoncé

Le stand était plein de jeunes le dimanche pour le débat entre les JA et les SDT, au cœur des questions générationnelles que soulèvent les mobilisations écologistes de ces dernières années et leur rapport à la radicalité des modes d’action. Une longue ovation est venue conclure cet échange vif et riche.

C’est également un énorme succès pour notre matériel, en particulier pour notre nouvelle affiche dont le slogan « Trop couvertes ou pas assez » est malheureusement trop d’actualité. Enfin nous saluons le succès désormais classique des DJs sets de nos soirées « Marx, Engels, Lenine et Beyoncé » animées par Tata 2 gauche, Fag Plastic et Elo Rage, parce qu’après tout, il faut pouvoir danser à notre révolution !

430 000 participantEs annoncées à la fête de l’Huma, c’est un succès politique très important. Cette année encore le NPA et ses militantEs ressortent de cette fête satisfaitEs et convaincuEs que face aux crises qui s’aggravent — politique, écologique, sociale, démocratique — cette parenthèse est un moment de respiration politique, que la voix politique et les pratiques que le NPA et ses porte-parole portent et représentent au sein de cette fête unique y sont non seulement nécessaires mais aussi appréciées. Déjà prêtEs pour l’année prochaine !

Vendredi 22 septembre 2023 Almani Duplessis

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20 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

l’anticapitaliste (npa)

antik675_la_une

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17 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

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13 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

édito (npa)

Crédit Photo Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas
 Violences policières, racisme et islamophobie, ça suffit ! Le 23 septembre dans la rue !

La mort de Nahel Merzouk est venue s’ajouter à la trop longue liste des crimes policiers. Deux semaines après celle de Alhoussein Camara, passée sous les radars médiatiques, la mort de Nahel a été filmée en direct. Une vidéo qui permettra de remettre en cause la version policière. Mais combien de Nahel n’ont pas été filmés ?

Combien de morts suspectes en prison ? Comme celle d’Alassane Sangaré décédé le 24 novembre 2022, cinq jours après son incarcération. Combien de vies brisées par une justice expéditive pour des délits mineurs, voire pas de délits du tout ?

Comme les plus de 1000 personnes condamnées à une peine d’emprisonnement après les révoltes ayant suivies la mort de Nahel. Derrière ces morts, combien d’humiliations et de violences policières quotidiennes subit la jeunesse racisée des quartiers populaires ? Et si Darmanin s’étouffe à ces simples mots, l’air ne lui manque sûrement pas encore assez. C’est d’une véritable violence d’État qu’il s’agit, violence permise par un racisme systémique qu’il est urgent de combattre.

Police raciste

L’étendue du racisme dans la police ne fait aujourd’hui aucun doute : 70 % des policierEs votent pour le RN, et la rhétorique raciste imprègne les interactions avec la population et les déclarations officielles des syndicats majoritaires. Ainsi en est-il du communiqué d’Alliance et d’Unsa Police félicitant les « collègues qui ont ouvert le feu sur un jeune criminel de 17 ans » et décrivant la jeunesse des quartiers comme des « nuisibles » et des « hordes sauvages »

Disons-le clairement : une institution qui a vocation à maintenir l’ordre social et qui voit son poids accru en cas de crise politique encouragera et protégera toujours le racisme et les violences qu’elle commet. Mais cette impunité policière est rendue possible par le racisme qui imprègne l’ensemble de la société française et ses institutions, conduisant à une dégradation matérielle et symbolique d’une partie de la population et légitimant le meurtre d’un jeune de 17 ans.

Désarmons la police

Il est donc urgent d’enlever à la police ses moyens de nuire et de prendre à bras le corps la lutte contre le racisme systémique. De ce point de vue, le front social et politique qui s’est constitué a la suite du meurtre de Nahel est salutaire. Et nous serons à nouveau dans la rue le samedi 23 septembre contre « la répression des contestations sociales démocratiques et écologiques, pour la fin du racisme systémique, des violences policières, et pour la justice sociale climatique, féministe et les libertés publiques ».

Nous y revendiquerons également le désarmement de la police au contact de la population, l’amnistie pour les personnes interpellées lors des révoltes, et affirmerons notre solidarité avec celleux qui subissent les mesures racistes de ce gouvernement, au premier rang desquelles les musulmanes discriminées pour leur tenues.

Racisme et islamophobie, ça suffit !

Le 3 décembre 1983, plus de 100 000 personnes manifestaient à Paris pour accueillir la marche pour l’égalité et contre le racisme. Elles revendiquaient notamment une carte de séjour et de travail valable pour dix ans, une loi contre les crimes racistes et le vote des étrangers aux élections locales.

40 ans plus tard, nous voulons renouer avec cette histoire. Le 23 septembre doit aussi s’affirmer un vaste mouvement antiraciste politique qui refuse le racisme comme l’islamophobie. L’interdiction de l’abaya et du qamis participe de l’escalade, en postant la police aux entrées des lycées et des collèges pour y discriminer les élèves raciséEs et musulmanEs. Le 23 septembre, nous serons dans la rue pour affirmer notre solidarité avec les raciséEs et le soutien aux musulmanEs.

Le mercredi 13 septembre 2023

https://nouveaupartianticapitaliste.org/

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12 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

université d’été (npa)

Crédit Photo Le meeting de rentrée du NPA à Port-Leucate. Photothèque Rouge/Martin Noda/Hans Lucas.
 15e université d’été du NPA : on a affiché complet !

Après un cru 2022 exceptionnel qui suivait notamment la séquence des présidentielles, cette nouvelle édition de notre traditionnelle université d’été n’a pas du tout démérité : 650 participantEs pour recharger les batteries en vue de la rentrée.

S’il fallait s’en convaincre, les chiffres de participation à la cinquantaine de réunions et d’ateliers du programme suffisent pour montrer le besoin d’échanger, après notamment des mois de mobilisation sur les retraites, quelques semaines après la révolte des quartiers populaires, mais dans un contexte toujours marqué par l’autoritarisme du pouvoir et l’offensive réactionnaire. Entre 350 et 400 participantEs dans l’ensemble de nos ateliers les deux premiers jours, et toujours près de 300 le dernier jour !

PrésentEs !

Ayant répondu à notre invitation, c’est en compagnie d’une cinquantaine d’invitéEs que nous avons pu aborder un large éventail de questions, allant de la conjoncture économique aux méchantEs dans la pop culture… En vrac et pour en citer quelques-uns parmi les plus fréquentés : Benjamin et Kathleen de la chaîne Bolchegeek ; autour de la question des médias avec l’historien Dominique Pinsolle ; sur les nouveaux visages de l’extrême droite avec Antoine Dubiau ; sur la trajectoire du capitalisme avec le journaliste Romaric Godin ; pour la défense des libertés publiques et la lutte contre les violences policières avec l’avocat et militant de la LDH Pierre-Antoine Cazau et Djeneba Sangaré de la Coordination nationale contre les violences policières ; sur le sort réservé par les impérialismes au continent africain, avec Éric Toussaint et Solange Koné du CADTM ainsi que Raphaël Granvaud de Survie ; et que celles et ceux non citéEs ici nous excusent.

Perspectives anticapitalistes

Outre le cycle consacré aux premières leçons de la bataille des retraites, celui abordant la construction d’une alternative a aussi été bien fréquenté. Ouvert dimanche par une table ronde consacré à l’écosocialisme (130 personnes), les différentes étapes de la discussion quotidienne ont permis en compagnie de différents représentantEs d’organisations de creuser le sillon d’une perspective d’émancipation : méthodes de lutte (120 personnes), recomposition politique (100 personnes) et stratégies de rupture (80 personnes).

Le meeting du lundi soir, où sont intervenues notamment nos deux porte-paroles Christine Poupin et Pauline Salingue, a aussi permis de poser les principaux enjeux de la rentrée sociale et politique, sans oublier l’atelier mené par le comité exécutif autour de la relance du projet politique du NPA quelques mois après son 5e congrès.

Soirées, projections, rencontres de La Brèche, travaux pratiques, bar, soleil (mais surtout du vent cette année !), piscine, plage, etc. Plus la place de développer, mais si vous voulez en savoir plus, rendez-vous en 2024 pour la 16e édition !

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07 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

Olivier besancenot (politis)

Crédit Photo Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas Politis Publié dans Politis (30 août 2023)

« L’extrême droite n’hésite jamais sur la marche à suivre » (Interview d’Olivier Besancenot dans Politis)

L’ancien candidat à la présidentielle Olivier Besancenot publie un livre coécrit avec Michael Löwy sur le coup d’État de Pinochet de 1973 au Chili. Il explique sa démarche et répond à quelques questions sur le NPA aujourd’hui et la conjoncture politique de cette rentrée.

Alors que s’ouvrait, le 27 août à Port-Leucate (Aude), l’université d’été de son parti, le Nouveau Parti anticapitaliste, l’ancien candidat à la présidentielle publie un livre coécrit avec le philosophe marxiste Michael Löwy sur les défenseurs d’Allende et la gauche chilienne, fauchés par le coup d’État de Pinochet de septembre 1973. Il explique ici sa démarche en revenant sur l’actualité sud-américaine. Et répond à quelques questions sur le NPA aujourd’hui et la conjoncture politique de cette rentrée.

Dans le livre coécrit avec Michael Löwy, vous rendez hommage aux combattantes et combattants qui ont défendu Salvador Allende et l’expérience démocratique socialiste chilienne, lors du putsch du 11 septembre 1973. Pourquoi avoir choisi la forme d’un récit fictionnel ?

Nous avons opté pour le docu-fiction car il existe déjà quantité de récits historiques et d’essais consacrés à ce sujet. Nous souhaitions rendre hommage à celles et ceux qui se sont battus à l’époque de façon différente. Nous avons construit un récit semi-fictif à partir de situations qui ont réellement eu lieu et de personnages qui ont réellement participé à ces événements, sur la base de faits documentés et recoupés.

Les dialogues sont parfois des reprises historiques in extenso de certains échanges, d’autres sont librement inspirés. Des méandres de l’inexorable conspiration putschiste aux minutes tragiques de la résistance armée et de la prise du palais présidentiel de La Moneda, nous nous sommes immiscés dans la peau de dizaines de personnages, des plus connus aux plus anonymes, en plongeant dans l’ambiance saisissante de ces heures qui ont bouleversé l’histoire.

Michael Löwy aime dire qu’user de notre propre subjectivité aide à faire ressortir la dimension subjective des événements. C’est donc un parti pris assumé, avec un point de vue qui ne camoufle pas son empathie et son admiration pour ces milliers d’hommes et de femmes qui ont eu le courage de s’opposer à la dictature, ces milliers de torturés, de disparus, d’exécutés. L’occasion à nouveau de se pencher sur la révolution chilienne qui s’est déroulée sous le gouvernement Allende de 1970 à 1973 – une expérience politique singulière et inédite – en l’incarnant dans un récit.

« La démocratie n’est tolérée par les oligarchies que si elle ne menace pas leurs privilèges », écrivez-vous. Discernez-vous dans l’actualité les germes d’une menace similaire de prise de pouvoir brutale, en Amérique latine ou ailleurs ?

Cet autre 11 Septembre trouve quelques sinistres échos dans l’actualité, à intervalles bien trop réguliers. Les invasions du Capitole à Washington ou du Parlement à Brasilia viennent rappeler, cinquante ans plus tard, une terrible réalité : en première comme en dernière instance, l’extrême droite n’hésite jamais sur la marche à suivre. L’histoire du 20è siècle nous enseigne qu’une fois en place, et en situation, elle déploie chaque fois une brutalité qui tétanise ses opposants.

Au Chili, toutes les gauches connaissaient le risque imminent d’un putsch ; une première tentative s’est même déroulée dès juillet 1973. Toutes les informations alertaient sur ce danger à la veille du fatidique 11 septembre. Pourtant la résistance, qui a bel et bien eu lieu ce jour-là dans les usines et les bidonvilles de Santiago, a été prise de court. Il ne s’agit pas de tirer les bilans politiques du passé à la place des révolutionnaires chiliens. En revanche, cela nous parle peut-être un peu d’aujourd’hui. Par exemple en France, beaucoup à gauche pressentent le pire, voire, en off, la catastrophe.

Or, plutôt que de se préparer à tenter de l’éviter, on a parfois l’impression que le mouvement ouvrier embrasse la crise politique qui l’envoie pourtant droit dans le mur. Le cours autoritaire qu’emprunte le libéralisme à travers le monde nous interpelle, et nous sommes obligés d’affronter cette nouvelle situation le plus froidement possible, avec la détermination qui s’impose. L’expérience chilienne de 1973 est une terrible piqûre de rappel : les régimes autoritaires, dictatoriaux, fascistes ou néofascistes, ne sont pas nécessairement l’antithèse du libéralisme, ils peuvent être son prolongement en temps de crise.

Le Chili de Pinochet, avec les tristement célèbres « Chicago boys », a été le grand laboratoire de ce libéralisme-là. Et conçu comme tel. Friedrich Hayek, grand apôtre de l’économie de marché, n’a pas hésité à adouber Pinochet en proclamant préférer « un dictateur libéral plutôt qu’un gouvernement démocratique manquant de libéralisme ». Le business, les profits, avant tout. Si les affaires l’exigent, en France, au Chili ou ailleurs, certains secteurs du capital n’hésiteront pas à formuler à nouveau ce choix. C’est déjà en partie le cas.

Voyez-vous dans le soulèvement populaire de 2019 au Chili une filiation avec l’esprit de résistance des militantes et militants de gauche en 1973 ?

Durant ce soulèvement, la mémoire des générations vaincues – concept cher au philosophe Walter Benjamin – est réapparue dans les cortèges avec les portraits de Salvador Allende ou de Miguel Enriquez, dirigeant du MIR (Mouvement de la gauche révolutionnaire) abattu en octobre 1974. L’interprétation bouleversante de la chanson bien connue « El Pueblo Unido », chantée à l’unisson par la foule amassée sur la place centrale de Santiago, en est aussi l’expression vivante. Carmen Castillo, réalisatrice qui fut une figure du MIR, évoque aussi le retour de « l’esprit » miriste à travers les couleurs rouge et noir du drapeau de l’organisation dissoute à la fin des années 1980, et qui ont rejailli sur les murs.

Pour l’heure, cette révolte sans précédent a eu raison de la Constitution issue de la dictature. Le président Boric et sa coalition de centre gauche n’ont malheureusement pas perdu de temps pour décevoir les couches populaires qui s’étaient mobilisées. Et les héritiers de Pinochet ont de nouveau le vent en poupe. Pour autant, les potentialités politiques de ce soulèvement ne sont pas parties dans les sables. Elles sont là et couvent quelque part. Le temps social et le temps politique ont du mal à se trouver et à être raccord. Telle est l’épineuse problématique stratégique de la discordance des temps sur laquelle insistait notre camarade Daniel Bensaïd.

À méditer, donc, y compris en France, après la séquence historique sur les retraites, qui a rassemblé 4 à 5 millions de personnes dans la rue pour protester contre une mesure injuste, symbole d’une politique de classe insupportable. Pendant ces longs mois de fronde, l’extrême droite française n’avait plus la main. La discordance tient peut-être au fait qu’en cette rentrée c’est la gauche qui semble en grande peine, préférant s’entredéchirer pour le leadership d’un avenir hypothétique plutôt que de tirer ensemble quelques enseignements de cette irruption massive qui a eu lieu sur la scène politique, malgré les limites et les échecs de cette séquence.

Il se dit que vous auriez quitté La Poste pour devenir documentariste. Est-ce exact ? Y aura-t-il une version filmée de ce livre qui vient de paraître ?

Quitté La Poste, non. Après plus de vingt ans de carrière passés comme facteur, puis comme guichetier, j’ai simplement bénéficié d’une formation professionnelle que j’ai eu la chance de concrétiser pour un projet de documentaire. Je me suis mis en disponibilité pour réaliser ce film, consacré au Chili mais sans rapport direct avec notre livre. Il y est question du MIR et de Miguel Enriquez. La LCR, parti que j’ai rejoint lorsque j’avais 14 ans, était liée politiquement au MIR, et plusieurs exilés politiques chiliens ont évolué dans nos rangs. Helena, par exemple, a longtemps été la libraire de la Brèche. J’ai commencé ce film avec elle. Elle nous a malheureusement quittés depuis. Je veux le finir en pensant à elle, à son combat, son engagement, sa gentillesse et sa détermination infaillible.

Le MIR est un courant dont la gauche française connaît surtout les combats menés héroïquement contre la dictature. On l’oublie, mais la situation chilienne a politisé des générations entières en France durant les années 1970. Les comités Chili ont compté plus de 500 000 personnes, un mouvement de solidarité internationale quasi inégalé.

Etrangement, on connaît mal la pensée politique du MIR, une pensée profondément révolutionnaire, certes, mais étonnamment hétéroclite. Le MIR des origines regroupait aussi bien des trotskistes, des guévaristes, des communistes critiques, des socialistes révolutionnaires, des libertaires que des théologiens de la libération. Les carnets personnels de Miguel Enriquez, récemment retrouvés après avoir été cachés près de quarante ans, donnent à voir certains des beaux fragments de cette pensée, avec des références naviguant de Marx à Bakounine, de Trotski à Rosa Luxemburg, de Gramsci au Che… Ce côté iconoclaste me plaît, m’inspire et me parle aussi du présent. J’aimerais tenter de transposer tout ça à l’écran. Après tout, on n’a qu’une vie.

Pour passer à quelques questions politiques, comment va le NPA aujourd’hui ? Car beaucoup ont parfois noté, dans les cortèges sur les retraites, deux points fixes du NPA. Les divisions lors de votre dernier congrès sont-elles encore vives ou seront-elles dépassées à Port-Leucate cet été ?

Depuis le congrès de séparation qui est intervenu en décembre de l’année passée, une page s’est en effet tournée. Une nouvelle s’est écrite au travers des luttes qui viennent de se dérouler, auxquelles nous avons pris part avec enthousiasme. Cette séquence valide plus que jamais la nécessité d’une orientation qui n’oppose pas la radicalité à l’unité et vice versa. Le NPA défend une perspective d’émancipation anticapitaliste et révolutionnaire, tout en restant disponible à son propre dépassement. Autour de cette orientation, nous avons multiplié les réunions publiques, les discussions ouvertes et les meetings. Quelques nouvelles sections ont vu le jour, des camarades nous ont rejoints, d’autres reviennent. Nous avons conscience de ce que nous pesons réellement, mais notre engouement demeure intact. Et cette université d’été est un très bon cru.

Les prochaines élections européennes sont-elles un enjeu pour le NPA ? Vu le débat stratégique au sein de la Nupes, vaut-il mieux, à gauche, des listes séparées ou bien une liste commune ?

Personne, même à la gauche de la Nupes – ce qui est notre cas –, n’a envie d’ironiser sur ses déboires et ses débats internes. D’autant qu’aucune organisation n’est exempte des difficultés liées à la période. Pour les européennes, le NPA décidera prochainement de la manière dont il prendra part à cette campagne et fera entendre sa voix. Il y a bien sûr un enjeu directement lié à la situation française, qui consiste à tenter de fédérer les forces anticapitalistes dans le prolongement de la mobilisation des retraites, face au pouvoir en place et au danger du RN. D’autant que Macron semble prendre un malin plaisir à vouloir confier au RN toutes les clés de l’État avant de quitter sa fonction. Mais la dimension internationale ne disparaît pas pour autant du paysage.

Les guerres, l’Ukraine, la catastrophe climatique, le traitement inhumain des migrants à travers le monde… À l’heure où la planète s’embrase, où 500 migrants « disparaissent » au large de la Grèce pendant que d’autres meurent déshydratés et abandonnés dans le désert libyen, on a parfois la mauvaise impression que la gauche regarde ailleurs – peut-être se regarde-t-elle trop elle-même ? Entre le rejet de l’Europe forteresse du capital et le refus du repli nationaliste et raciste, il y a une place pour un programme de mesures d’urgence et un projet stratégique. Nous formulerons probablement une proposition unitaire dans ce sens.

Quelle recomposition politique à gauche est-elle possible aujourd’hui, après la défaite du mouvement sur les retraites ?

Prétendre qu’on a la réponse à cette question existentielle, ce serait faire le malin. Nous entrons dans une zone de turbulences à laquelle personne ne s’est vraiment préparé. La politique, dans sa conception militante tout du moins, consiste précisément à apprendre à douter à haute voix et collectivement, dans le but de donner un sens à ces doutes et d’imaginer quelques issues possibles. Militer signifie aussi refuser de se résigner, de se morfondre ou, pire, de devenir blasé ou cynique. Oui, la période est grave et inquiétante. C’est dans ce genre de situation que les combats de celles et ceux qui nous ont précédés appellent à ce que nous prenions nos responsabilités.

Les luttes seules, malgré leurs vertus émancipatrices, ne suffisent pas pour changer durablement le rapport de force ; l’enjeu consiste à construire une réponse globale, un bloc anticapitaliste large et unitaire fédéré autour d’un programme d’action. Le bilan de la mobilisation des retraites, par exemple, mériterait d’être discuté collectivement, quitte à ne pas être d’accord sur tout, fraternellement. Il y a, bien sûr, les discussions récurrentes sur la stratégie des luttes, entre unité nécessaire de l’intersyndicale et radicalité légitime qui ne s’accommode plus de journées d’actions saute-mouton.

Il y a les débats politiques sur le dossier même des retraites : quid du retour au droit à la retraite à 60 ans et aux 37,5 annuités ? Pour financer la protection sociale, faut-il taxer les riches (fiscalité anticapitaliste absolument nécessaire pour les services publics) ou bien réhabiliter les cotisations, en tant que réappropriation de notre salaire socialisé ? Quel projet pour quelle Sécu ? Rétablir les élections dans les différentes branches, avec possibilité de révoquer les élus ? Existe-t-il une logique autogestionnaire pour une protection sociale qui ne soit ni privée ni bureaucratisée ? En finir avec la Ve République, oui, mais pour quel processus constituant ? Une constituante convoquée par le haut en tant que double pouvoir des institutions actuelles, ou l’authentique berceau d’une forme démocratique nouvelle qui fonctionne du bas vers le haut ?

Beaucoup de questions qui appellent des réponses par nature différentes. Seule une authentique pratique commune permettra de dénouer les blocages au rassemblement. Après tout, comme le disait Auguste Blanqui, du débat peut jaillir la lumière.

Samedi 2 septembre 2023

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05 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

édito (npa)

Crédit Photo Photothèque Rouge / JMB
Offensive raciste, explosion des prix… La rentrée de la lutte des classes !

À la faveur de cette rentrée scolaire, le gouvernement mène une offensive raciste avec l’interdiction de l’abaya. Le pouvoir prétend que derrière ce vêtement ample se dissimuleraient des intégristes musulmanes. Et, sous les regards des caméras, il a donc envoyé la police devant des centaines d’établissements scolaires pour interdire physiquement ce vêtement. Une agression islamophobe et une pression sur l’ensemble de la jeunesse, au moment où celle-ci est déjà confrontée à un avenir bien sombre, entre violences policières, changement climatique catastrophique et crise économique génératrice d’inégalités.

Et l’offensive contre la jeunesse continue avec la proposition d’obliger à porter un uniforme dans les écoles des quartiers populaires !

Violences policières et violences sociales

Après avoir fait passer en force la réforme des retraites, et alors que l’inflation a dépassé les 5 % depuis un an, le meurtre de Nahel et d’autres violences policières ont entrainé une légitime révolte des quartiers populaires, entraînant l’interdiction de plusieurs manifestations de protestation.

La colère sociale ne s’est pas éteinte, montrant que les capacités de résistance des classes populaires sont réelles. Ces prochaines semaines, la lutte contre Macron et ses amis capitalistes doit continuer. Sinon, nous risquons d’être broyés, contre-réforme après contre-réforme, appauvris par l’inflation et l’explosion des prix, avec au bout du chemin le danger mortel de l’extrême droite.

Construire les résistances

L’heure est dès maintenant à la contre-offensive, aux mobilisations. Le samedi 23 septembre, une grande marche à Paris et des manifestations dans de nombreuses villes sont appelées contre « le racisme systémique, les violences policières, et les inégalités sociales que creuse la politique de Macron ». Dans les quartiers populaires, sur les lieux de travail, la préparation de cette mobilisation est une priorité afin de construire dans une large unité une réponse au racisme et à la répression.

Une journée de mobilisation et de manifestations intersyndicales est aussi prévue le 13 octobre contre l’austérité et pour les salaires. En s’appuyant sur ce qui a été construit pendant la mobilisation pour nos retraites, nous pouvons bâtir un mouvement contre ce gouvernement, des grèves contre les capitalistes qui font du fric sur notre dos, pour le blocage des prix de l’alimentaire, la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité, pour des augmentations de salaires, 400 euros de plus pour touTEs, et l’indexation des salaires sur les prix.

Une alternative politique est urgente

Minoritaire à l’Assemblée nationale et décrédibilisé, Macron cherche un successeur, puisque la Constitution ne l’autorise pas à se représenter à la présidentielle… Ce successeur pourrait être Darmanin, qui incarne parfaitement tout ce qu’il y a de plus répressif et antisocial dans le macronisme. Sans parler de Le Pen qui, en embuscade, attend son heure.

Il y a urgence à construire une alternative anticapitaliste à Macron et son monde. Le NPA défend une alliance de l’ensemble de la gauche sociale et politique prête à en découdre, à construire les luttes, pour une rupture avec la gestion pro-capitaliste du système.

C’est l’enjeu des forums anticapitalistes que nous tiendrons ces prochains mois. Ces forums ont vocation à faire rencontrer toutes les forces militantes qui partagent ces objectifs.

Ce sera également l’un des enjeux des prochaines élections européennes lors desquelles un choix est posé à l’ensemble des organisations de la gauche qui lutte, entre unité avec les sociaux-libéraux ou rassemblement de celles et ceux qui s’affrontent au système.

Le mardi 5 septembre 2023

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25 août 2023 ~ 0 Commentaire

édito (npa)

mai 68

Ni ordre policier ni régression sociale : partage des richesses, justice sociale

Un remaniement ministériel et deux prises de parole plus tard, l’apaisement tant voulu par le président n’est toujours pas au rendez-vous en cette fin juillet. 

La preuve, lors de son interview du 24 juillet en direct de Nouméa, Macron n’a soufflé mot des raisons de la révolte de fin juin, étouffant une deuxième fois — symboliquement — la révolte elle-même. Car, il ne sait que s’adresser à sa classe, à sa caste… à laquelle il a donné une fois de plus des gages après un exercice d’autosatisfaction et d’autoconviction télévisuel.

À marche forcée

Macron semble poursuivre « l’œuvre » qu’il a commencée. Il a dit et répété plusieurs fois lors du premier Conseil des ministres du gouvernement Borne 3 que « dans l’année écoulée, plus de lois sont passés qu’il y a six ans » et s’est félicité des avancées « à marche forcée ». En guise d’avancées ces derniers mois, la réforme inique des retraites, le doublement du budget militaire, la casse du code du travail et les attaques contre les droits des chômeurEs… et le renforcement du nucléaire. Et il a prévu de continuer dans la même voie en restreignant les droits des immigréEs dès la rentrée, en réformant le lycée professionnel, et en favorisant les pédagogies autoritaires et punitives à l’école.

Des ministres de combat

Il n’est qu’à voir qui sont les huit nouveaux ministres et leur curriculum vitae pour prendre la mesure de ce qui nous attend. Gabriel Attal entre à l’Éducation nationale pour remplacer Pap Ndiaye, à qui l’exercice du pouvoir n’aura décidément pas réussi… surtout quand les idées nauséabondes prolifèrent. Ce n’est vraiment pas une bonne nouvelle pour le service public de l’Éducation ! Le plus jeune lieutenant de Macron a déjà tenté l’ubérisation des comptes publics…

Aurélien Rousseau, le nouveau ministre de la Santé, n’est autre que l’ancien chef de cabinet d’Elisabeth Borne. Une solide expérience des luttes sociales, donc… et beaucoup d’entregent puisque son épouse est numéro deux de la Caisse nationale d’Assurance maladie. Un conflit d’intérêts ? Nullement, répond l’intéressé !

Quant aux six autres entrantEs, ils sont tous issus des bancs du Palais Bourbon, et des rangs de Renaissance, le parti du président. Parmi eux, Aurore Bergé, une fidèle de la macronie, au ministères des Solidarités. De quoi s’inquiéter !

Autrement dit, avec ce gouvernement resserré autour de celles et ceux qui lui doivent tout, Macron se prépare à gouverner plus encore sous le signe de l’autoritarisme.

L’ordre, l’ordre, l’ordre

Macron l’a martelé trois fois. Son objectif, c’est « l’ordre, l’ordre, l’ordre ». On sait donc à quoi s’en tenir. L’ordre des profits, l’ordre de la concurrence généralisée, l’ordre de l’individualisme, l’ordre du capitalisme vert et l’ordre de la matraque pour toutes celles et ceux qui n’entreraient pas dans le rang… À cet égard, il a bien besoin de la police, entrée en sédition ces derniers jours. Ce n’est donc que du bout des lèvres qu’il a affirmé de Nouméa avec une bonne dose de généralités que « nul n’est au-dessus des lois ».

Pourtant, un certain nombre de ses ministres se sont illustrés en matière de transgression des lois, à commencer par Darmanin et Dupont-Moretti. Et ce ne sont pas à eux que le gouvernement a demandé de rembourser leurs indemnités (pas plus qu’à Sarkozy d’ailleurs) comme le gouvernement prétend le faire auprès des familles des jeunes interpelléEs à la suite de la révolte, dans une logique honteusement punitive.

La solidarité ne se marchande pas, la solidarité n’attend pas le silence et la docilité des classes laborieuses et des populations raciséEs. La solidarité c’est le partage des richesses et la mutualisation… À des années-lumière du projet de Macron, qui est l’ubérisation à grande échelle !

Un mouvement d’ensemble et une gauche combat

Face à l’inflation et aux bas salaires, face aux coups bas qui vont tomber à la rentrée sur les réfugiées, face à la casse du service public de l’école et sur celui de la santé, à l’urgence écologique, à l’offensive idéologique autoritaire, à la violence d’État, au racisme, plus que jamais le mouvement ouvrier et l’ensemble du monde du travail ont besoin d’une stratégie d’ensemble pour combattre le nouveau gouvernement d’Élisabeth Borne, Macron et son monde.

Nous avons besoin de l’unité la plus large dans la rue pour inventer une autre démocratie, d’autres manières de décider et imposer nos façons solidaires de travailler, de produire et de partager les richesses sans laisser brûler la planète !

27/07/2023

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