Archive | Médias, culture

28 février 2014 ~ 0 Commentaire

Les intermittents du spectacle face au medef (le parisien)

Lire la suite

26 février 2014 ~ 0 Commentaire

Municipales à paris: télérama efface le premier tour (acrimed)

mechante

et ramène le second à un duel de catcheuses.

Rien de nouveau, diront certains.

Difficile pourtant de ne pas s’émouvoir à la lecture d’un numéro récent de Télérama dont la « Une » fait la part belle aux municipales parisiennes. Magazine d’opinion hebdomadaire cultivant sa sin- gularité dans le paysage médiatique, il semble ici s’aligner sur les pratiques les plus convenues de ses homologues : couverture tapageuse, pluralisme réduit à sa plus simple expression et, partant, débat démocratique réduit à néant.

Les deux (seules ?) prétendantes…

À plusieurs reprises ces dernières semaines, nous avons noté à quel point les grands médias ont tôt fait de résumer les élections municipales en France à l’élection municipale à Paris et l’élection dans la capitale elle-même à un simple « duel », entravant le jeu démocratique par avance et empêchant par là même tout (é)lecteur de se faire une opinion en connaissance de toutes les forces en présence [1].

Certes, l’entretien croisé entre la candidate UMP et la candidate PS proposé dans le numéro du 15 au 21 février 2014 ne constitue que « le premier épisode d’une enquête menée dans six villes de France ». Mais qu’on le veuille ou non, commencer cette « série » par une confrontation entre NKM et la première adjointe de Bertrand Delanoë paraîtra quelque peu arbitraire et très parisiano-centré. Au-delà de ce tropisme parisien, et bien que Télérama ne soit pas strictement soumis aux mêmes exigences de pluralisme que les « grands médias » d’information qui sont ou se veulent « neutres » et « nationaux », il reste surprenant de constater qu’ici comme ailleurs, la question du premier tour et de ses enjeux est tout bonnement escamotée.

D’ailleurs, les journalistes le disent sans ambages : « Le prochain maire de Paris sera une femme. À gauche, Anne Hidalgo, 54 ans, première adjointe, tentera de succéder à un Bertrand Delanoë au faîte de sa notoriété après deux mandats. À droite, Nathalie Kosciusko-Morizet, 40 ans, s’est engouffrée dans l’espace laissé vide par les atermoiements des leaders politiques de son camp […] et imposée facilement dans une primaire qui l’opposait à des seconds couteaux. »

Tout se passe comme si les projecteurs devaient être invariablement braqués sur les deux « élues » (des médias ?), et elles seules. La présentation des deux femmes, dans le chapeau de l’entretien, est sans appel : « Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP) et Anne Hidalgo (PS), candidates favorites à la Mairie de Paris ». On ne laisse pas de s’étonner qu’aucun des trois autres candidats déclarés (Danielle Simmonet pour le Front de gauche, Christophe Najdovski pour Europe Écologie- Les Verts et Wallerand de Saint-Just pour le Front National) ne soit mentionné. Comme si, donc, 2 + 3 = 2. De ce point de vue là, Télérama ne fait pas mieux qu’Europe 1, TF1 ou encore France 2 ; c’est même pire car les « petits candidats » (sic) accédaient au moins à l’existence dans ces médias omnibus. Dans notre grand hebdo culturel, même pas. Ils sont purement et simplement passés sous silence.

Le tête-à-tête : simple mise en scène et mise en scène simpliste

Conformément à la plupart des médias concurrents, Télérama choisit donc de réduire l’élection – a priori démocratique, donc ouverte et indécise – à une opposition binaire, débat ou duel inévita- blement ramené à la logique du combat de boxe (ou de catch) et donc à une logique du spectacle et du spectaculaire qui souligne les antagonismes plus ou moins artificiels et artificiellement construits. La couverture est à cet égard un cas d’école :

Tout y est : l’opposition frontale, la focalisation sur deux visages, donc deux personnes (voire deux « personnalités »), plutôt que sur deux programmes, la faille qui scinde verticalement la couverture en deux, symbole (probable ?) de deux candidates vouées à se déchirer ; sans oublier le titre « à chacune sa culture », qui contribue un peu plus encore à distinguer les deux « prétendantes ».

Outre ce titre qui barre la couverture de lettres rouge sang, on retrouve dans les pages intérieures la formulation suivante, tout ensemble choc et réductrice : « Culture : le face-à-face des candidates » ; et la présentation qui suit est toute pugilistique : « À gauche, Anne Hidalgo, 54 ans, première adjointe, tentera de succéder à un Bertrand Delanoë […]. À droite, Nathalie Kosciusko-Morizet, 40 ans, s’est engouffrée dans l’espace laissé vide par les atermoiements des leaders politiques de son camp […] » En somme, c’est le ring qui se matérialise sous nos yeux – mais uniquement celui du second tour attendu. Et les journalistes de poursuivre : « Les deux femmes ont des projets qui se recoupent. […] Mais leurs origines sociales, leur style, leur tempérament, les moyens de leur politique les opposent. Elles ne s’aiment pas, ne s’épargnent pas. Le mépris affleure dans leur propos jusque dans leur refus de ne jamais citer le nom de l’autre. La fin de la campagne sera âpre. » Combat de boxe, de catch ou de coq, Télérama privilégie une ligne éditoriale payante car sensationnaliste au détriment d’une vision plus nuancée et plus complète – donc complexe – de la situation.

Ultime question des journalistes à chacune des candidates : « Question finale : un mot à l’autre ? » Et pourquoi pas celle-ci, pour journaliste en mal de réflexivité : un mot des autres ?

« À chacun sa culture » : le pluralisme façon Télérama

Voilà donc une publication qui prétend se distinguer de ses concurrents par son exigence et qui pourtant reproduit les mêmes recettes éditoriales réductrices dès qu’il s’agit de se pencher sur « la politique ». Alors qu’était annoncée une « enquête » sur les municipales à Paris, Télérama réduit le scrutin à son second tour – ou plutôt à un second tour manifestement espéré, sinon fantasmé, par tous les médias. Après avoir découvert cet article caricaturant et mutilant de la sorte la vie politique et le débat public, l’édito du numéro de Télérama en question, vibrant et louable appel à promouvoir la « Culture », paraissait quelque peu saugrenu :

« Bientôt les municipales. Espérons que les enjeux culturels ne soient pas les grands oubliés des promesses électorales. Si l’on sait combien les arts élèvent l’esprit, développent le goût du beau et l’ouverture à l’autre, on mesure désormais à quel point ils contribuent aussi à l’essor de nos villes, y créent des emplois, des richesses, et participent au mieux vivre. La culture n’est plus ce supplément d’âme jadis célébré qui ne profitait qu’à quelques uns, mais une nécessité pour faire prospérer et rayonner nos cités. Hier, seules les villes riches osaient la dépense culturelle. Aujourd’hui, elle peut apporter la richesse aux villes pauvres.

Le face-à-face sur ce thème des deux candidates à la Mairie de Paris est le premier épisode d’une enquête menée dans six villes de France. Comment se préoccupe-t-on de cette question essentielle pour notre avenir tout ensemble individuel et collectif ? Dans nos sociétés du tout-numérique, nous avons déjà tellement capitulé. Renoncé à tant de nos libertés […] Jusqu’au respect de notre vie privée, qui paraît moins nous concerner face aux illusoires avantages de la socialisation du Web. Réveillons-nous, la culture est aussi faite pour ça. Avec elle, il n’est jamais trop tard. »

Peut-être la presse sous toutes ses formes devrait-elle commencer par ne pas « renon- cer » à réunir les conditions d’un débat réellement démocratique à propos des municipales à venir et ne pas « capituler » devant la logique médiatique qui expose et impose certains candidats aux dépens de certains autres ? Nul doute que cette culture démocratique-là profiterait au plus grand nombre. Thibault Roques , le 26 février 2014

http://www.acrimed.org/article4277.html

Lire la suite

23 février 2014 ~ 0 Commentaire

Cio et fifa, les étoiles jumelles du fléau sportif mondial (al’e)

camp-1934

Les lieux choisis pour l’organisation des grandes manifestations sportives laissent rêveur.

En 2008, les Jeux olympiques se sont déroulés à Pékin; en 2010, la Coupe du monde football a eu lieu en Afrique du Sud, mais, dès cet hiver, les Jeux olympiques sont organisés dans la Russie de Poutine (à Sotchi) et la Coupe du monde de football au Brésil. En 2016, les Jeux auront lieu à Rio, alors qu’en 2018 et 2022 la Coupe du monde se tiendra respectivement en Russie puis au Qatar.

Malgré des différences de régime politique évidentes, tous ces pays ont été ou sont en train de subir le poids d’une «olympisation» (Coubertin) du monde dans le cadre plus large d’une «sportivisation» générale, ce qui signifie toujours une perte sèche de démocratie.

Qui peut prétendre que la Chine, après ses JO de 2008, s’est ouverte au monde ou s’est démo- bcratisée? Qu’ont montré les dirigeants du Brésil au moment des manifestations de juin dernier sinon le visage de la répression ?

Jérôme Valcke, le secrétaire général de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), n’a-t-il pas de son côté affirmé :

«Je vais dire quelque chose de fou, mais un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde» et «Quand on a un homme fort à la tête d’un État qui peut décider, comme pourra peut-être le faire Poutine en 2018, c’est plus facile pour nous les organisateurs qu’avec un pays comme l’Allemagne où il faut négocier à plusieurs niveaux».

Ce qui sera vrai en 2018 l’est déjà tout autant en 2014 avec Sotchi et le Brésil, la FIFA et le CIO (Comité International Olympique) imposant des trajectoires économiques et politiques parallèles qui en disent long sur les «valeurs» olympiques et sportives. Ces institutions agissent comme des rouleaux compresseurs, saccageant, éliminant tout ce qui ressemble à des formes de résistance sur les territoires conquis par la calamité du fait ou plutôt du méfait sportif total.

Choisissant les villes ou les pays hôtes, délégant leur pouvoir en le mettant entre les mains de tous les Poutine de la planète, le CIO et la FIFA leur permettent de devenir les porteurs des projets olym- piques et sportifs, soit de belles doses d’opium, et surtout de faire admettre à tous l’inacceptable: le contrôle, la surveillance et la mise au pas des populations; la dévastation écologique avec, par exemple, celle d’une partie du Caucase pour le développement du tourisme alpin, au sein de ce que l’UNESCO décrit comme «la seule très grande zone de montagnes en Europe qui n’a pas connu d’impact humain significatif, avec des grandes parties de forêts de montagne intactes, uniques à l’échelle européenne»; l’aide à certaines entreprises privées choisies par le pouvoir, proches des mafias; l’appropriation privée de l’espace public.

Dans ce contexte, de manière intense et décomplexée, la FIFA et le CIO montrent, comme durant les années crépusculaires d’avant-guerre, leurs liens idéologiques, économiques, politiques et leurs inquiétants penchants pour les régimes anti-démocratiques ou qui vont le devenir. Ils n’hésitent plus à défendre une entreprise de destruction de l’humanité de l’homme, de la culture et de l’environ- nement, en s’attaquant aux droits les plus fondamentaux, aux libertés premières.

Largement honoré par les institutions sportives, le pouvoir russe: pratique les rafles contre les immigrés; les arrestations et détentions illégales; psychiatrise l’opposition comme aux plus sombres années du stalinisme; défend une politique homophobe et laisse des milices privées d’extrême droite agresser des migrants dans la rue, ou casser les vitrines des magasins tenus par des immigrés.

Ce même pouvoir limite la liberté de la presse et les journalistes indépendants risquent parfois leur vie à dénoncer certaines pratiques odieuses. Depuis 2012, une loi dite relative aux «agents étrangers» permet le contrôle des ONG et limite leurs actions en faveur de la défense des droits fondamentaux.

Pendant ce temps, le CIO, par l’intermédiaire de Jean-Claude Killy, le nouveau «copain» de Poutine, continue l’air de rien sa propagande sur les thèmes de l’avancée démocratique et de la paix. Mais il ne veut rien savoir de la corruption, des chantiers attribués sans aucun appel d’offres, de l’exploitation des ouvriers sur les sites en construction, de l’extradition de l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski en Allemagne, de l’arrestation d’Evgueni Vitichko, condamné à trois années de travaux forcés car il souhaitait publier un rapport sur les conséquences écologiques désastreuses des JO de Sotchi.

Le CIO, au statut pour le moins étonnant d’organisation internationale non gouvernementale, à but non lucratif, est de fait une entreprise dont les appels d’offres masquent les intérêts de ses dirigeants et leur rôle décisif dans les investissements financiers, les politiques économiques, sociales et culturelles des pays organisateurs.

Le CIO est, entre autres, composé de PDG et de dirigeants d’entreprises de toute sorte où sont représentés les secteurs de l’énergie, des travaux publics et de l’urbanisme, de la communication et des médias, des casinos, du luxe (Jean-Claude Killy est membre du conseil d’administration de Rolex), de l’immobilier, de la banque et de la finance. Le CIO tient sous sa férule une armée de sportifs aux ordres. Thomas Bach, son actuel dirigeant, lors de la cérémonie d’ouverture de Sotchi, pouvait s’adresser de la sorte aux dirigeants de ce monde:  «Ayez le courage de régler vos désac- cords par un dialogue politique direct et pacifique et non pas sur le dos des athlètes.» Ce groupe d’influence s’impose, et impose à tous, le rouleau compresseur d’une politique sportive mondialisée. Il est sans aucun doute le plus important think tank de la planète et, en tant que tel, influence au plus haut point les relations internationales, les politiques publiques, nombre de projets capitalistes. Dans ce maelström, les structures sportives et surtout les sportifs participant aux festivités, ne sont pas les victimes naïves ou innocentes de la FIFA ou du CIO, mais les acteurs conscients et consentants de leurs agissements, leurs fers de lance idéologiques, en quelque sorte leur bras armé. Publié par Alencontre1 le 19 – février – 2014 Par Marc Perelman et Patrick Vassort

Marc Perelman est professeur en esthétique. Il est l’auteur, entre autres, de L’ère des stades. Génèse et structure d’un espace historique, Infolio (2010)

Patrick Vassort est maître de conférences en sociologie. Il est l’auteur, entre autres, de Footafric. Coupe du monde, capitalisme et néocolonialisme (en collaboration avec Ronan David et Fabien Lebrun), Editions  L’échappée (2010)

http://alencontre.org/societe/cio-et-fifa-les-etoiles-jumelles-du-fleau-sportif-mondial.html

Lire la suite

17 février 2014 ~ 0 Commentaire

Les français approuvent le pacte de responsabilité…(acrimed)

sondage_question

… malgré eux!

Délire sondomaniaque

La sondologie prétend dire « scientifiquement » ce que pensent les Français sur tout et n’importe quoi. En particulier, les annonces du gouvernement ou du chef de l’État sont scrutées avec gour- mandise par les sondologues et autres experts médiatiques : l’enjeu est de taille puisque les sondages permettraient de plébisciter ou non les initiatives de l’exécutif. Le bât blesse lorsque « les Français » pensent une chose et son contraire, sur la foi d’un seul et même sondage…

Nous avons déjà pointé à de nombreuses reprises les biais méthodologiques qui inter- viennent dans la fabrication des sondages (échantillons discutables – notamment avec les sondages sur internet, questions orientées, etc.). À ces biais s’ajoutent ceux introduits par l’interprétation – par les médias ou le sondeur lui-même – des chiffres produits. Comme jadis les devins consultaient l’avenir dans le marc de café, les commentateurs se font fort de dire « ce que pensent les Français »… sans trop se soucier du bienfondé de leurs oracles.

Le baromètre BFM business du 6 février en donne une illustration particulièrement éloquente. Ce sondage, réalisé par BVA, publié le 6 février dans Challenges et diffusé sur BFM TV, a vocation à « mesurer » ce que pensent les français en matière d’économie. Seul problème : la lecture de ce « baromètre » par les météorologues de l’économie s’avère à géométrie variable.

Qui faut-il croire, le site du Figaro selon lequel « les Français approuvent le pacte de respon- sabilité », ou celui de BFM TV qui annonce que « le pacte de responsabilité ne convainc pas les Français » ? Le site de la Tribune, pour qui « les Français estiment que le pacte de responsabilité devrait avoir un impact positif en matière d’emplois » ou celui de BFM TV, où l’on peut lire qu’« ils doutent de son efficacité en matière d’emploi » ?

Il suffit de parcourir la présentation du sondage par BVA pour comprendre la cause de ces inter- prétations divergentes d’un média à l’autre : c’est le sondeur lui-même qui instille l’ambigüité dans le commentaire qui accompagne les chiffres qu’il livre !

Les principaux chiffres du sondage sont les suivants : pour 57% des répondants, le pacte de responsabilité ne sera pas efficace pour l’emploi, et pour 74% d’entre eux les entreprises béné- ficiaires ne créeront pas d’emploi. Or ces résultats, qui semblent exprimer un certain désaveu du pacte de responsabilité (dont l’objectif, rappelons-le, est la création d’emploi) sont clairement relativisés dans la présentation du sondologue en chef de BVA, Gaël Sliman. Celui-ci préfère retenir que 41% du panel sont convaincus par les effets bénéfiques sur l’emploi du pacte de responsabilité, ce qui est « certes minoritaire […] mais tout de même assez remarquable s’agissant d’un sujet sur lequel les Français se montrent généralement très pessimistes »…

Il ajoute que « si cette mesure n’était pas portée par un Président de gauche aujourd’hui très impopulaire, il est assez probable qu’elle serait encore mieux accueillie par les Français (mais sans doute moins bien par les sympathisants de gauche). » Notons tout de même la charge d’embarras que contient la dernière parenthèse. L’affranchissement du bavardage sondologique à l’égard de toute rigueur scientifique aurait-elle une limite ?

Résumons : les Français étant « généralement » pessimistes sur l’emploi, un résultat minoritaire peut être interprété comme un signal positif. Et ce d’autant plus que les sondés ne répondraient qu’en partie à la question puisqu’ils répondent aussi « en fonction de leur défiance / confiance à l’égard du gouvernement ». Pour toutes ces bonnes raisons, le sondologue ne s’em- barrasse pas pour dire, en exergue de son « analyse », l’inverse de ce que semble indiquer les chiffres de son propre sondage : « le pacte de responsabilité est une mesure globalement soutenue par une majorité de nos concitoyens ».

Que nous enseigne cet épisode de schizophrénie sondagière ? En premier lieu, elle montre combien l’interprétation des sondages par les experts médiatiques est à géométrie variable. En insistant davantage sur un chiffre plutôt qu’un autre, les experts commentateurs pourront voir le verre à moitié vide, ou à moitié plein…

Mais ce qui frappe dans ce cas précis, c’est la subjectivité totale des « analyses » du sondologue en chef de BVA. Celui-ci n’hésite pas à invoquer les biais inhérents à son propre sondage pour faire dire aux résultats l’inverse de ce qu’ils semblent indiquer. Une question se pose : pour quelle raison BVA tient-il tant à contredire les résultats de son propre sondage ? Difficile d’y ré- pondre. Des esprits mal intentionnés avanceront peut-être que ces résultats n’étaient pas conformes aux attentes…

Par Frédéric Lemaire, le 17 février 2014

http://www.acrimed.org/article4270.html

Lire la suite

17 février 2014 ~ 0 Commentaire

Tomboy (arte)

tomboy

Faire toutes ces manifs, et voir « Tomboy » à la télé! c’est un complot!

Laure, 10 ans, se fait passer pour un garçon dans son nouveau quartier…

Céline Sciamma (« La naissance des pieuvres ») explore un moment singulier de l’enfance, au seuil de l’adolescence. Avec délicatesse, d’une caméra à la fois proche et tenue, elle s’immisce dans les jeux, les bagarres et les désirs de ces enfants en lutte pour devenir quelqu’un dans le regard des autres.

Dernières semaines d’été. Laure, 10 ans, allure de garçon manqué, vient d’emménager dans un nouveau quartier, avec son père, sa mère enceinte et sa petite sœur Jeanne, 6 ans. Au pied de son immeuble, elle rencontre bientôt Lisa et ses copains, auprès desquels elle se fait passer pour un garçon prénommé Michael…Comme un garçon Quand le film a été présenté dans le cadre du programme « École et cinéma », certains parents scandalisés se sont insurgés contre cette intrusion des troubles du genre dans l’esprit de leurs chers bambins. Pourtant, si la cinéaste revendique un point de vue engagé, elle explore ici avant tout un moment singulier de l’enfance, au seuil de l’adolescence. Avec attention, énergie et délicatesse, d’une caméra à la fois proche et tenue, Céline Sciamma s’immisce dans les jeux, les bagarres et les désirs de ces enfants en lutte pour devenir quelqu’un dans le regard des autres. Quitte à passer par le mensonge, comme Laure – troublante Zoé Héran –, qui voit dans le travestissement masculin l’occasion de s’épanouir et de s’inventer autrement. Si mimer les gestes des garçons et se modeler un sexe parvient un temps à faire illusion, elle est finalement trahie par son corps et par une réalité sociale tenue essentiellement par les femmes – sa petite sœur modèle, sa mère enceinte… Sans pour autant renoncer à la liberté de son ambiguïté, si farouchement défendue et condensée dans le sourire séducteur en forme de final qu’elle adresse à son amie Lisa.

mercredi 19 février à 20h50 (79 min) Rediffusé samedi 22.02 à 3h10

http://www.arte.tv/guide/fr/045724-000/tomboy

Lire la suite

17 février 2014 ~ 0 Commentaire

Les sentiers de la gloire (arte)

Un film  censuré…

1916. Les fantassins français croupissent dans les tranchées face à une position alle- mande réputée imprenable.

Tout assaut serait suicidaire. Pourtant, espérant obtenir une étoile de plus à son uniforme, le général Mireau ordonne une attaque… En racontant un sombre épisode de la guerre de 14-18, Stanley Kubrick dénonce avec son humour distancié la démence du système militaire.

Décidé à protéger ses hommes, le colonel Dax s’y oppose avant de plier sous le chan- tage. Comme prévu, c’est l’échec total. Avant même d’avoir atteint les barbelés adverses, les fan- tassins sont repoussés. Niant l’absurdité de sa stratégie, le général Mireau réclame, à titre d’exemple, l’exécution publique de trois de ses soldats, accusés de lâcheté. Le colonel Dax les soutient devant le tribunal de guerre, mais les trois hommes sont condamnés à mort…

Une œuvre phare Quatre des treize films de Kubrick traitent de la guerre. S’il fustige l’armée, ici l’armée française, le cinéaste ne propose aucune thèse positive, pacifiste ou patriotique. Il se con- tente d’exposer un système absurde, voire dément. Kubrick ne met en scène ni héros ni victoire. Le colonel Dax aurait pu être le champion de la paix si son combat avait eu une quelconque incidence sur le chaos. Mais le film s’achève avec la reprise des assauts.

Et si Les sentiers de la gloire s’ouvre sur « La marseillaise », c’est pour mieux affirmer qu’au- cune utopie n’a jamais transformé le monde. Le pessimisme de Kubrick, qui deviendra légendaire, éclate au grand jour. Après Les sentiers de la gloire, sommet de la première période, l’œuvre du cinéaste explorera toujours plus avant la folie humaine. Mais il n’y manquera jamais l’humour dis- tancié qui transforme les épisodes les plus tragiques en irrésistibles farces. Quand le condamné, en chemin vers le poteau d’exécution, pleure et supplie, l’humour du cinéaste traverse ses cris. Metteur en scène des frissons troubles, Kubrick joue diaboliquement avec la jouissance du spectateur. À travers ses méandres, le film constitue une véritable grille de lecture pour toute l’œuvre du maître.

lundi 17 février à 20h50 (84 min) Rediffusé mardi 18.02 à 13h35

http://www.arte.tv/guide/fr/002696-000/les-sentiers-de-la-gloire

Lire la suite

13 février 2014 ~ 0 Commentaire

Sotchi: poutine le grand et hypocrisie officielle

bear-work-harder-comrade

Vladimir Poutine a donc ses jeux.

Une belle démonstration de la puissance retrouvée tant sur le plan économique que diplomatique. Le Cio lui offre de bon cœur ce magnifique cadeau pour vanter ses propres mérites comme ceux de la Russie éternelle… L’instance internationale n’est pas très regardante sur la morale, du moment qu’elle y trouve son compte…

«Je déplore le double langage qui consiste à vendre des trains, des avions de chasse ou des bateaux de guerre à certains pays pour snober ensuite la cérémonie d’ouverture d’un événement sportif d’envergure mondiale qui y a lieu. Il faut être pragmatique si l’on veut exporter, garder nos usines ouvertes… » Pour insupportables que puissent sembler les propos de Jean-Claude Killy, président de la commission de coordination des Jeux Olympiques, sa franchise vient casser les reins des minables contorsions du gouvernement.

Comment nous faire gober la « préoccupation » française face à la récente loi contre « la propagande homosexuelle », voire même le rôle de Moscou en Ukraine ou en Syrie ? L’absence de François Hollande en semble presque comique d’autant plus que la cérémonie d’ouverture des JO d’hiver n’a jamais été, contrairement à leur grand frère estival, un passage obligé pour les chefs d’État.

Il est aussi surtout vrai que le mouvement olympique n’a pas vraiment de leçon de cynisme à donner au monde politique. La charte olympique sert plus à indiquer le cahier des charges au pays hôte qu’à promouvoir des valeurs universelles. Les belles déclarations victorieuses sur les garanties obtenues dans les strictes limites du village olympique pour les sportifs gays et leurs « accompagnateurs » rappellent, toute proportion gardée, la saisissante fausse naïveté du CIO qui en 1936 se vantait des gages donnés par Hitler quant aux athlètes juifs.

Les tenants de la critique du sport, rassemblés dans la revue « Quel sport ? » peuvent dès lors, à raison, souligner l’hypocrisie générale et ambiante : « Est-il, dès lors, moralement acceptable d’invoquer le « droit » des athlètes à « réaliser leurs rêves » au prix d’une présence complice au banquet olympique d’un autocrate sans scrupule ? Est-il souhaitable que les régimes parlementaires occi- dentaux sacrifient une fois encore les valeurs humanistes et les droits de l’homme sur l’autel des performances sportives et des intérêts des multinationales ?(…) Pour Sotchi comme pour Pékin, Séoul, Moscou ou Berlin auparavant, les vrais héros de l’olympisme seront ceux qui ne participeront pas à la légitimation d’une dictature. »

L’universalisme… du fric Il existe d’autres réalités masquées au-delà de ces considérations politiques. Les JO d’hiver, peut-être encore plus que ceux d’été,  révèlent la question de l’utilité sociale de cet événement.  Quel universalisme pour une discipline comme le biathlon, quelle pé- rennité pour une piste de saut à ski ? Sans oublier l’impact écologique dramatique d’une telle dé- bauche de béton en pleine nature. Car en l’occurrence, ces jeux les plus chers de l’histoire (on parle de 42 milliards d’euros en tout) ont profondément défiguré le paysage.
Le CIO n’a jamais prétendu servir les peuples, mais l’intérêt « supérieur » du sport. D’où ce pseudo-vernis apolitique qui passe si bien dans les médias et cette capacité à imposer ses diktats aux États, tout en prenant bien soin de ne pas « interférer » dans leurs « affaires intérieures ».

En 1956, le mouvement olympique ne se soucia, depuis Sydney, que du sort de la délégation hongroise pendant le carnage de Budapest. Aujourd’hui sa crainte du « terrorisme » cache son refus de poser les questions qui fâchent sur la situation au Caucase ou sur la conception de la « démocratie » de ce si sympathique et sportif maître du Kremlin.

En cela le sport n’est certainement pas l’opium du peuple (ou alors plutôt un lithium) pas plus qu’une nouvelle religion. Juste une belle entreprise très rentable avec ses petites spécificités et ses grandes largesses, qui sait payer de son silence la générosité de ses hôtes, tout en essayant de conserver sa clientèle captive. Préparez-vous, dans quatre ans, la Russie accueille le mondial de foot… King Martov Hebdo L’Anticapitaliste – 229 (13/02/2014)

Lire la suite

12 février 2014 ~ 0 Commentaire

La littérature jeunesse, sous surveillance depuis un siècle (libération)

signe h

Exemple de littérature de jeunesse « saine » de droite : tous à poil, mais surtout pas de filles!

La sortie de Jean-François Copé contre un livre jugé impropre à l’éducation des enfants s’inscrit dans une longue tradition conservatrice.

Régulièrement depuis un siècle, la littérature jeunesse revient au cœur du débat. Jean-François Copé tempêtait dimanche soir sur RTL contre le livre pour enfants Tous à poil ! faisant «partie de la liste des livres recommandés aux enseignants pour faire la classe aux enfants de primaire». Le président de l’UMP jugeait choquante la manière dont ce livre illustré présente sans tabou la nudité aux enfants, et a dénoncé l’attitude du gouvernement qu’il juge «pétrie d’idéologie».

Sa sortie s’inscrit dans un mouvement qui régulièrement dénonce une littérature jugée indigne par une nébuleuse regroupant militants traditionalistes, d’extrême-droite et iden- titaires. Le salon beige, blog qui se présente comme un «quotidien d’actualité par des laïcs catho- liques», dénonce les «bibliothèques idéologiques» qui proposent des ouvrages abordant le thème de la sexualité en dehors d’un cadre hétéronormé. Lundi, le blog a publié un nouveau post contre la bibliothèque municipale de Vertou (près de Nantes), qui ose proposer La princesse qui n’aimait pas les princes, Jean a deux mamans, ou encore Papa porte une robe. Un autre livre, Le Jour du slip, d’Anne Percin, est ces derniers jours régulièrement attaqué pour apologie de l’homosexualité, notamment dans un post du 6 février du blog du mouvement catholique Civitas. En revanche, le Salon beige recommande un guide qui liste les «bons livres». Ecrit par Anne-Laure Blanc, Une Bibliothèque idéale propose des ouvrages qui, selon le blog, «ne déconstruit pas les repères traditionnels de la société et les valeurs ; il vise à éveiller la conscience à des aspirations élevées».

La croisade réactivée de l’abbé Bethléem

Cette démarche n’est pas isolée et loin d’être nouvelle. «Il est rigoureusement interdit [à la littérature] de blesser, d’aveugler, et surtout de souiller et d’égarer» : la phrase pourrait être le credo de Béatrice Bourges, porte-parole du Printemps français. Elle est vieille de plus d’un siècle, puisqu’elle figure dans la préface d’un ouvrage de 1905, Romans à lire et romans à proscrire de l’abbé Louis Bethléem, véritable best-seller à l’époque. Cet intellectuel catholique était parti en croisade pour la défense des bonnes mœurs, qu’il considérait mises en péril par des lectures dangereuses.

Son ouvrage se veut une référence pour «des familles justement alarmées du déver- gondage qui règne dans le roman contemporain». L’abbé Bethléem ne se contentait pas de con- damner sans appel les débauchés que sont Balzac, Dumas, Flaubert ou Hugo (liste non exhaustive). Parce qu’il avait à cœur de préserver l’innocence des enfants, des ouvrages de littérature jeunesse subiront également ses foudres. Ainsi L’Epatant, périodique qui publiait la bande-dessinée Les Pieds nickelés à partir de 1908, était classé par l’abbé parmi les mauvaises publications. Sans parler de son grand combat lancé contre Mickey, accusé de démoraliser les petits Français. L’abbé préconisait plutôt la lecture des premiers albums de Tintin, qui seyaient mieux selon lui à la morale chrétienne.

Les préceptes de l’abbé Bethléem peuvent paraître désuets. Pourtant, ils inspirèrent la loi du 16 juillet 1949 sur «les publications destinées à la jeunesse» qui entendait protéger les enfants contre les publications immorales. L’article 2 stipule que les publications ne doivent contenir «aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés de crimes ou délits ou de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse». Cette loi est toujours d’actualité, et la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à la jeunesse et à l’adolescence est toujours chargée d’une mission de contrôle. Renseignement pris auprès de la Commission, ses membres n’ont pas examiné Tous à poil. Et n’ont visiblement pas encore jugé utile de le faire.

Juliette JABKHIRO 10 février 2014 à 19:34

http://next.liberation.fr/sexe/2014/02/10/la-litterature-jeunesse-sous-surveillance-depuis-un-siecle_979130

signe de p

Lire la suite

10 février 2014 ~ 0 Commentaire

JT de France2: un pot-pourri de faits divers et de divers faits (acrimed)

Capt Hollande_ces femmes qui lui gatent la vie_LExpress cover

En octobre 2013, nous étions revenus sur une étude de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) qui mettait en évidence, entre 2003 et 2013, une augmentation de 73 % du nombre de sujets consacrés chaque année aux faits divers dans les journaux télévisés des grandes chaînes généralistes [1].  (…)

Quelles que soient leurs limites, que conclure de ces résultats ? Que dénotent-ils de la densité et de la valeur informative du 20h du secteur public ?

- Les faits divers, le sport et les sujets magazine (qui sont aussi à leur manière des faits divers…) ont représenté plus du tiers des JT au cours de ces deux semaines. À elles-deux ces rubriques pèsent presque autant que les rubriques « questions économiques et sociales », « politique » et « international » réunies. En ce sens, elles font bien diversion au sens où l’entendait Pierre Bourdieu, c’est-à-dire qu’elles prennent indûment la place de questions et d’enjeux d’intérêt public.

- La parité de durée entre les rubriques « questions économiques et sociales » et « faits de société » illustre encore la pauvreté informative des JT de France 2. Des questions d’intérêt général relatives à la conflictualité et à l’évolution des rapports sociaux, au rôle de la puissance publique, aux grands équilibres macroéconomiques et au fonctionnement de l’appareil productif, y ont ainsi la même importance quantitative que des problèmes très limités touchant si ce n’est des individus, du moins des catégories restreintes de la population, leurs modes de vie ou leurs relations avec les institutions… Et encore faut-il noter que nous avons classé dans la rubrique « questions économiques et sociales » un certain nombre de sujets qui auraient tout aussi bien pu figurer sans dépareiller dans la rubrique « magazine » (tels que « Soldes : chaussures en boutique ou sur internet », ou encore « Immersion : quotidien d’un patron de PME » d’une durée de près de six minutes).

- Les « affaires » Dieudonné et Hollande-Gayet-Trierweiler (et leur traitement médiatique), en suscitant de nombreuses réactions politiques, ont largement nourri la rubrique au cours de ces quinze jours. Plus en tout cas que le pacte de responsabilité qui ne donne lieu qu’à… deux sujets ! Ce choix éditorial de privilégier la réorientation de la vie amoureuse du Président sur celle de sa politique illustre bien la tonalité générale de la rubrique politique et relativise son importance quantitative : les polémiques, l’anecdotique et la personnalisation prennent systématiquement le pas sur la présentation des organisations collectives, des enjeux de fond qui les mobilisent et des rapports de force qui les opposent.

- Amputés des faits divers et des sujets magazine, la rubrique « international » est ramenée à bien peu de choses. Ainsi maltraitées et donc mal connues du public, les questions internationales demeurent rebutantes pour le téléspectateur, pour l’audimat et donc pour la chefferie éditoriale…

- Enfin, le poids significatif de la rubrique culture (4 % des sujets ; 6 % de la durée totale des JT) est trompeur. Deux entretiens en plateau avec Bernard Pivot et Isabelle Huppert (qui auraient tout aussi bien pu être considérés comme des sujets « magazine », voire publicitaires – les deux invités étant présents pour vendre un produit culturel), d’une durée respective de neuf et douze minutes, représentent les deux tiers de l’ensemble – pour le dire autrement, sans ces deux sujets la culture n’aurait représenté que 2 % des JT.

… et son sens Il ne s’agit pas ici de dessiner en creux le sommaire d’un JT idéal qui, se résumant aux seules questions économiques et sociales, politiques et internationales, aurait une ligne d’ensemble aussi austère qu’élitiste. Mais avant de se heurter à cet écueil, il semble que le 20 h de France 2 dispose d’une marge d’évolution – et de progression – assez confortable… Le tableau que dépeignent ces quelques chiffres, et que confirme la consultation détaillée des sommaires (que nous vous proposons en pdf ci-dessous), est en effet assez lamentable.

Le JT de la principale chaîne de service public apparaît ainsi avant tout comme un divertissement audiovisuel, juxtaposant chaque soir une vingtaine de sujets dont un inventaire à la Prévert n’épuiserait pas la diversité. Dans un enchaînement effréné où la durée moyenne d’un sujet est de deux minutes, l’accessoire, l’anecdotique, l’émouvant, le sensationnel ou le pittoresque alterne au fil du journal avec ce qui devrait constituer l’essentiel de l’information et finit par l’étouffer. Sur un plan strictement quantitatif d’abord, mais surtout parce qu’il devient impossible de discriminer dans ce fatras hétéroclite les « informations » qui concernent potentiellement tout un chacun, qui ont à voir avec la chose publique, voire la « marche du monde », et les « évènements » qui n’en sont que parce que les médias les jugent dignes de l’être.

C’est bien la hiérarchie de l’information, et donc les choix de la rédaction en chef qui sont ici en cause. Quel peut bien être, par exemple, la logique et l’intelligibilité de la succession sans queue ni tête de sujets qui constituait la seconde partie du 20h du 9 janvier : « États-Unis : une femme enceinte en état de mort cérébrale » 1’30 ; « Cuba : apparition publique de Fidel Castro » 30’’ ; « Attaque terroriste d’In Amenas : témoignage d’une infirmière rescapée » 3’30 ; « Sativex : le cannabis médical » 1’30 ; « Salon des nouvelles technologies de Las Vegas : le sommeil assisté » 2’15 ; « Régimes matrimoniaux : la séparation des biens en augmentation » 2’ ; « Couples : 20 ou 30 ans de différence d’âge » 4’ ; « Découverte : Cordouan, le plus ancien phare de France » 4’ ; « Pierre Lescure devrait succéder à Gilles Jacob à la présidence du Festival de Cannes » 40’’ ; « Spectacle de Dieudonné : en direct de Nantes » 1’ ; « Football : victoire du PSG contre Brest, 5 buts à 2 » 15’’ ?

Et que penser de la valeur informative globale de ce même JT qui avait été ouvert par une salve de sept sujets exclusivement consacrés à l’affaire Dieudonné – on comparera avec intérêt la pudeur exquise dont témoigne la durée du sujet consacré aux tracas judiciaires de Dassault, qui clôt la séquence : « Nantes : le spectacle de Dieudonné annulé » 1’10 ; « Dieudonné à Nantes : ambiance tendue avec les spectateurs » 1’ ; « Affaire Dieudonné : déroulement de la journée » 2’30 ; « Spectacle de Dieudonné : incohérences judiciaires » 1’ ; « Affaire Dieudonné : une victoire pour Manuel Valls ? » 2’30 ; « Affaire Dieudonné : des leçons à tirer de l’interdiction ? » 1’ ; « Dieudonné : son parcours » 2’ ; « Sénat : interrogation sur la levée d’immunité de Serge Dassault » 20’’ ?

Entre les deux séquences, deux sujets sur des thèmes apparemment mineurs, dont le second aura malgré tout les honneurs d’un reportage particulièrement long : « Plan social La Redoute » 10’’ ; « Sécurité sociale : la fin de l’assurance obligatoire ? » 3’30…

Cette évaluation essentiellement chronométrique est, somme toute, très charitable : elle n’entre pas dans le détail du traitement anecdotique de la plupart des « sujets », de l’emphase souvent dérisoire de la présentation de certains d’entre eux (« Immersion », « Grand format », « Dossier de cette édition ») ou des effets de la mise en scène de ce petit théâtre de l’information (et notamment des annonces à suspense des « sujets suivants »). Nous y reviendrons.

Nous avons déjà évoqué les « Cartes postales des États-Unis à destination du JT de France 2 ». Nous pourrions également évoquer le tour des destinations touristiques européennes, destiné à faire rêver les téléspectateurs installés leur canapé, souvent faute de moyens de le quitter. S’informer peut être aussi un moyen de se divertir. Mais divertir surtout peut-il être un moyen d’informer ? Blaise Magnin, le 10 février 2014
Sommaires des JT de France 2 du 8 au 22 janvier 2014

PDF - 256.5 ko
http://www.acrimed.org/article4265.html

Lire la suite

07 février 2014 ~ 0 Commentaire

Homos, ces héros (ci)

suis-je-homophobe-parce-que-je-dis-non-au-mariage-pour-tous

Au Brésil, la plus regardée des telenovelas relate désormais chaque soir les amours d’un couple d’homosexuels. Le signe que quelque chose est bel et bien en train d’évoluer dans le plus grand pays d’Amérique latine. (…)
*
Amor à vida [L’amour de la vie], diffusé sur Rede Globo, se distingue avec ce premier couple homosexuel vedette d’une telenovela, sur la tranche horaire la plus prisée du genre. Selon la chaîne, des téléspectateurs vont jusqu’à appeler le standard pour dire leur soutien au couple – et la plupart chantent les louanges de Mateus Solano. L’acteur de 32 ans a rendu les téléspectateurs accros à son personnage de mauvais garçon qui, dans la dernière ligne droite, s’est repenti de ses péchés de façon plutôt convaincante. “Félix est un personnage négatif qui a conquis le spectateur parce qu’il est drôle, émotif, impulsif, plein de contradictions. Bref, parce qu’il nous ressemble”, estime le scénariste Walcyr Carrasco. Pour Maria Immacolata Lopes, coordinatrice du Centre d’études sur la telenovela à l’université de São Paulo (USP), “la réussite de la série doit énormément à la performance de Mateus Solano”.

D’autres facteurs viennent expliquer le succès de ce couple gay, en particulier l’évolution de la société brésilienne, où la majorité hétérosexuelle est désormais plus sensible aux thématiques LGBT. Il fut un temps où le rejet du public était tel que les intrigues impliquant des couples de personnes du même sexe étaient réécrites. L’exemple le plus marquant reste celui de la série Torre de Babel, diffusée sur Globo en 1998 [“Tour de Babel”, diffusé sur Teva en 1999], où deux personnages féminins ont été tués par les scénaristes parce que leur relation amoureuse n’était pas du goût des spectateurs.

Il ne s’agit pas de dire que cette liaison de fiction entre Niko et Félix influence l’évolution des mentalités, ni que les préjugés ont disparu. Mais d’une certaine façon les personnages sont, devant les millions de foyers qui suivent tous les jours la série, les porte-parole d’un sujet qui pour beaucoup reste encore tabou. Fait intéressant, dans le cas d’Amor à vida, l’histoire d’amour entre les deux hommes semble avoir d’abord été une demande du public. Carrasco n’avait pas l’intention au départ de faire de Niko et Félix un couple. “Je suis un auteur très versatile, c’est pour cela que ce couple existe aujourd’hui”, s’amuse-t-il. Le scénariste constate cependant que les mentalités brésiliennes changent bel et bien. “Les couples de même sexe sortent des marges de la société pour entrer dans la normalité.”

Voir deux homosexuels former le couple vedette d’une telenovela, sur une chaîne qui, face à l’impératif d’audience, penche toujours du côté le plus conservateur, voilà qui montre effectivement que les temps ont changé. Le sujet est d’ailleurs à l’ordre du jour politique du Brésil. Le débat sur les droits des homosexuels a franchi une étape en 2011 avec la reconnaissance du mariage gay par le Tribunal fédéral suprême, à l’unanimité. L’année dernière, le Conseil national de justice (CNJ) a stipulé que les agents de l’état civil ne pourraient plus refuser d’enregistrer l’union de deux personnes du même sexe. (…)

Pour mieux cerner la question, il reste important de distinguer sphère publique et sphère privée, nuance le psychologue Paulo Tessarioli, spécialisé dans la sexologie : “L’homosexualité est plus naturellement acceptée à la télévision que dans l’entourage social. Individuellement, le spectateur accepte de voir un couple homosexuel, il peut même l’apprécier sincèrement. En revanche, rencontrer ce même couple dans la rue, dans l’espace public, cela continue à faire peur, car collectivement les préjugés restent prégnants.” Selon le Grupo Gay da Bahia, une organisation qui recense les agressions contre les homosexuels et les transsexuels, 306 homosexuels ont été assassinés en 2013 dans le pays. Et les plaintes pour agression homophobe sont en légère augmentation. (…)

Au-delà de la seule survie du couple, s’acheminerait-on vers la grande scène du baiser entre hommes, l’un des plus grands tabous télévisuels qui soit ? Un petit baiser qui pourrait constituer une apothéose pour ce couple qu’apprécie tant le public. Mais, si l’on en croit Mauro Mendonça Filho, le réalisateur d’Amor à vida, là n’est pas la question : “Je crois que nous avons déjà abattu d’autres barrières dans cette série. Pour être honnête, je trouve même cette question dépassée.”

Pourtant, en ajournant sans cesse ce baiser homosexuel, la télévision fait la preuve de son retard, estime Carlos Magno Fonseca, le président de l’Association brésilienne des lesbiennes, gays, bisexuels, travestis et transsexuels (ABGLT) : “Il serait encore plus important de mettre en scène un couple gay qui adopte un enfant [comme cela est possible depuis 2010], car on entrerait sur le terrain des droits civiques.” Irineu Ramos Ribeiro, auteur du livre A TV no Armário, A Identidade Gay nos Programas e Telejornais Brasileiros [La télé dans le placard : l’identité gay dans les émissions et journaux télévisés brésiliens, inédit en français], juge peu probable que Félix et Niko aillent plus loin : “Un baiser dérangerait les spectateurs et ça, la chaîne ne le veut précisément pas.”

Le réalisateur Mauro Mendonça Filho attribue le succès du couple de sa série au “talent extraordinaire” de Mateus Solano [qui joue Félix]. Carlos Magno Fonseca, président d’ABGLT, trouve lui aussi son interprétation convaincante. “Le personnage a ce que nous appelons la ‘pinta’ [belle allure] et il utilise le langage gay, mais sans être aussi caricatural que dans d’autres séries.”  (…)

Camila Brandalise et Michel Alecrim
Publié le 10 janvier 2014 dans Istoé (extraits) São Paulo

En savoir plus:

succès
Chaque soir à 21 h 15, 8 millions de foyers brésiliens regardent Amor à Vida diffusé depuis le 20 mai 2013. Au Brésil, l’importance de la telenovela de 21 heures est telle, en termes d’audience, que les matchs de foot attendent la fin pour commencer. Ce créneau rassemble la plus grosse audience de la journée sur Rede Globo, le plus puissant réseau de télévision du pays – et deuxième réseau privé du monde derrière l’américain ABC. (…)

Istoé  Camila Brandalise 30 janvier 2014

http://www.courrierinternational.com/article/2014/01/30/homos-ces-heros

Lire la suite

Rocutozig |
Tysniq |
Connorwyatt120 |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Rafredipen
| Agirensemblespourpierrevert
| Buradownchin