les cochons malades 2 (npa)
Malheureusement les éleveurs qui manifestent ces dernières semaines, souvent coiffés de bonnets roses et regroupés dans le collectif « Sauvons l’élevage français », restent dans ce cadre idéologique. Certes ils reprennent à juste titre la revendication d’un prix minimum mais ils restent sur le terrain d’une compétitivité qui serait entravée par des distorsions de concurrence.
De plus la dénonciation des intermédiaires fleure le Poujadisme : selon René Le Gouvidès, porte-parole parole du collectif, « Il y a un nombre très important de structures et de coopératives qui font toutes la même chose. Elles ont toute une bardée de salariés, avec des bâtiments, des voitures, des charges fixes que nous, éleveurs, on doit supporter, sauf que notre kilo de cochon, il n’en peut plus aujourd’hui ».
Le collectif se déclare apolitique et indépendant des syndicats, mais son souhait de restructuration de la filière reprend les thèmes favoris de la Coordination Rurale, plutôt mar- quée à droite. http://www.coordinationrurale.fr/la-coordination-rurale-soutient-le- mouve- ment-des-bonnets-roses.html . On y retrouve aussi la volonté d’économiser sur le dos des salariés. Nous restons sur le terrain de l’agriculteur « chef d’entreprise », bien éloigné du « paysan travailleur » solidaire des autres classes exploitées.
René Le Gouvidès peut ajouter la demande d’espaces dédiés aux produits issus du porc français dans les grandes surfaces, cela ne fait pas un programme. Et les Bonnets roses qui réclament une augmentation des débouchés par le développement de l’achat de porcs dans les cantines, outre ce que cela trimballe de pseudo laïcité alimentaire, sont également à côté de la plaque : les viandes étant substituables plus de cochon dans les assiettes signifierait moins de bœuf, d’agneau, de volailles et de poissons, donc le report des difficultés sur d’autres producteurs.
En fait la baisse constatée depuis quelques années de la consommation de viande affec- te moins le porc et la volaille que les viandes plus chères et les ventes de charcuterie se por- tent plutôt bien. Miser sur un marché intérieur en expansion est illusoire et va à l’encontre des préconisations sanitaires et environnementales. Quant aux exportations, la balance commer- ciale de la France est équilibrée en tonnage et déficitaire en euros : on exporte de la viande fraiche et importe de la charcuterie, logiquement plus chère.
Cependant des pays fortement consommateurs comme l’Ukraine ont restructuré leur filière et augmenté leur production en porc mais aussi en volaille, ce qui pourrait provoquer une surproduction à l’échelle européenne. « On aura beau rajouter de l’argent à l’enveloppe, cela ne suffira jamais, si on ne se décide pas à accompagner les paysans vers des systèmes qui les rendent moins dépendants de ceux qui n’ont pas d’autre intérêt que la taille de leur portefeuille ! Il est temps de changer le cap de cette agriculture qui va dans le mur et multiplie les drames humains ».
Nous ne pouvons que souscrire au communiqué du 22 janvier de la Confédération Paysanne. En fait le gouvernement tourne le dos à une véritable organisation des marchés pour satisfaire les industriels de l’agroalimentaire et la grande distribution qui ont besoin d’usi- nes à cochons, comme d’usines à poulets, à œufs ou à lait, pour tirer les prix vers le bas et engraisser leurs actionnaires. Dans ce système les paysans, toujours moins nombreux, deviennent de simples rouages privés d’autonomie qui exploitent à leur tour des salariés et se prennent de ce fait pour des vrais patrons.
Cette crise de l’élevage qui n’en finit pas devrait être l’occasion d’avancer un pro- gramme qui ne soit pas seulement d’urgence. Dans la filière porcine comme dans d’au- tres telle la production laitière, un prix garanti passe obligatoirement par la maîtrise de la pro- duction ; on voit les conséquences catastrophiques de la suppression des quotas laitiers.
Mais ne faut-il pas parler de revenu plutôt que seulement de prix ? En effet un prix identique au kilo favorisera toujours les plus performants, au détriment de la qualité et de l’aménagement du territoire (la concentration de l’élevage porcin dans quelques départements de l’ouest génère trop de transports et de pollutions). Or favoriser la quantité et la compétitivité n’a guère de sens quand les volumes produits sont suffisants voire excédentaires.
Il est encore possible de revenir à des élevages plus nombreux et moins gros et de construire un véritable modèle coopératif, au niveau de la ferme où l’association des produc- teurs – pas forcément dans un cadre familial – remplacerait les rapports patrons-salariés, avec une rémunération par unité de travail garantie par des aides ciblées. A cette coopération des producteurs correspondrait le contrôle par les agriculteurs, les travailleurs de l’industrie et du commerce et par la population de tous les niveaux de la filière.
http://www.anti-k.org/les-cochons-malades-du-productivisme-capitaliste