Archive | Luttes paysannes et alimentation

04 juin 2023 ~ 0 Commentaire

gaza (le télégramme)

gaza

« Nous sommes un peuple privé de sa liberté » : à Gaza, la détresse des pêcheurs appauvris par le blocus

Zones de pêches réduites, confiscation de matériel… Le blocus israélien, qui verrouille la bande de Gaza depuis plus de quinze ans, touche particulièrement le secteur de la pêche. En première ligne, les pêcheurs cherchent à survivre.

23 mai, non loin du camp de réfugiés de Al-Nuseirat, à Gaza. Sur une longue bande de sable reposent des dizaines de barques bleu-vert et jaune vif. À l’arrière de celles-ci dépassent des fils en métal, reliés à des moteurs situés en haut de la plage, lesquels permettent de tracter les rafiots.

La journée de travail est terminée, et on tente de renouer avec la normalité, onze jours après la fin de la dernière escalade militaire avec Israël. Les pêcheurs sirotent du café, abrités sous une cabane en feuilles de palmiers. « À l’époque, nos parents vivaient bien mieux que nous. Malgré le manque de moyens, la pêche était bonne », confie Mohamed Ahna Al Moussaoui, jeune homme de 26 ans à la barbe broussailleuse, et au visage marqué par le soleil. En 2020, Mohamed et deux de ses amis ont acheté à crédit un bateau. Celui-ci devant permettre, en principe, de nourrir trois familles, soit plus de 30 personnes. À Gaza, la pêche est essentiellement vivrière. Mais en cas d’affrontements avec l’État hébreu, comme le 8 mai dernier, plus personne ne prend la mer. « Nous devons alors contracter des prêts pour manger », déplore Mohamed.

Zones de pêche réduites et matériel confisqué

Territoire exigu de 360 kilomètres carrés où s’entassent 2,3 millions de Palestiniens, la bande de Gaza subit un blocus israélien depuis 2007. Et les pêcheurs sont en première ligne. « Les autorités israéliennes réduisent généralement les zones de pêches entre 3 et 12 milles nautiques. Mais les eaux les plus poissonneuses sont situées au-delà », explique Jehad Abu Hassan, coordinateur terrain de l’ONG Première urgence internationale. Les accords israélo-palestiniens d’Oslo, signés dans les années 1990, fixaient pourtant la limite de pêche à un maximum de 20 milles nautiques. « Dans ces conditions, le secteur ne peut guère renforcer l’économie palestinienne », reprend Jehad.

Néanmoins, via des financements européens, des éclairages alimentés par panneaux solaires ont été installés à Al-Nuseirat, afin d’éviter les accidents lors des retours nocturnes. Et quelques pêcheurs bénéficient d’une aide humanitaire, à défaut de recevoir un soutien du Hamas qui contrôle Gaza depuis 2007. Pour le reste, ils ont à peine de quoi survivre. L’importation de fibre de verre est interdite, ainsi que les moteurs de bateaux.

« Il arrive que la marine israélienne confisque notre matériel. Souvent, ils nous accusent d’avoir dépassé la limite de pêche autorisée, même si c’est faux », indique Abdel Al Bardouil, 32 ans. Titulaire d’une licence d’EPS, Abdel rêvait par le passé de devenir professeur de sport, mais comme les autres, il a hérité du métier de son père. « J’espère que mes enfants feront autre chose. En attendant, continuer à aller en mer, c’est notre manière à nous de résister à l’occupation. »

Sentiment de liberté au port

Une fois revenus sur terre, les pêcheurs d’Al-Nuseirat transportent la marchandise à dos d’homme, vers la criée située à plusieurs kilomètres. Rougets, mérous, crevettes, sardines : le poisson est vendu en moyenne à 2 euros le kilo. « Une petite part est exportée vers la Cisjordanie, et le reste est consommé localement », indique Ibrahim Al Budouan, un ancien pêcheur. Ce sexagénaire à l’allure bonhomme achète en gros directement à Al-Nuseirat. « Certaines virées en mer ne sont pas rentables à cause du prix exorbitant de l’essence, ajoute-t-il. Nous sommes un peuple privé de sa liberté. »

À trente kilomètres à l’est, le port de Gaza City grignote le littoral. Après l’école, des adolescents s’y retrouvent. C’est l’un des seuls lieux accessibles leur procurant un sentiment de liberté. Aux côtés de pêcheurs à la ligne, qui espèrent pouvoir mieux nourrir leurs familles le soir même, des jeunes s’amusent à plonger depuis la digue du port. Laquelle est un assemblage de blocs de béton issus de bâtiments détruits par l’aviation israélienne.

« Libérez la Palestine », scandent en anglais des ados lorsqu’ils voient passer des étrangers. Au même moment, un bateau de la marine israélienne continue invariablement ses va-et-vient, à quelques kilomètres des côtes de l’enclave.

Pierre Coudurier le 04 juin 2023

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30 mai 2023 ~ 0 Commentaire

brest (ponta)

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03 mai 2023 ~ 0 Commentaire

el niño (france info)

Climat : le monde doit se préparer à des températures records provoquées par El Niño, avertit l’ONU

Selon l’Organisation météorologique mondiale, le phénomène a 80% de chance de se développer d’ici à la fin septembre.

Le phénomène météorologique El Niño a de fortes probabilités de se former cette année et pourrait faire grimper les températures jusqu’à battre de nouveaux records de chaleur, dans un contexte de réchauffement climatique. C’est la mise en garde lancée mercredi 3 mai par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), qui dépend de l’ONU. Elle estime désormais qu’il y a 60% de chances qu’El Niño se développe d’ici à la fin juillet et 80% de chances d’ici à la fin septembre.

El Niño est un phénomène climatique naturel généralement associé à une augmentation des températures, une sécheresse accrue dans certaines parties du monde et de fortes pluies dans d’autres. Il s’est produit pour la dernière fois en 2018-2019 et a laissé la place à un épisode particulièrement long de La Niña, qui provoque les effets inverses, notamment une baisse des températures. En dépit de cet effet modérateur, les huit dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Sans La Niña, la situation de réchauffement aurait pu être pire.

Un « nouveau pic du réchauffement climatique »

La Niña « a agi comme un frein temporaire à l’augmentation de la température mondiale » provoquée par notre consommation de charbon, de pétrole et de gaz, a déclaré le chef de l’OMM, Petteri Taalas. « Le développement d’El Niño conduira très probablement à un nouveau pic du réchauffement climatique et augmentera les chances de battre des records de température », a-t-il averti.

A ce stade, il n’est pas possible de prédire l’intensité ou la durée du Niño qui se profile. Le dernier en date était considéré comme faible, mais celui d’avant, entre 2014 et 2016, était puissant et il a eu des conséquences désastreuses. L’OMM souligne que 2016 a été « l’année la plus chaude jamais enregistrée en raison du ‘double effet’ d’un Niño très puissant et du réchauffement provoqué par les gaz à effet de serre liés à l’activité humaine ». Les effets d’El Niño sur les températures se font en général sentir l’année suivant l’émergence du phénomènemétéorologique. Son impact se fera donc sûrement plus ressentir en 2024.

Climat : le monde doit se préparer à des températures records provoquées par El Niño, avertit l’ONU

Selon l’Organisation météorologique mondiale, le phénomène a 80% de chance de se développer d’ici à la fin septembre.
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Climat : on vous explique pourquoi le retour du phénomène météo El Niño, attendu d’ici à l’automne, est redouté

Il pourrait « alimenter un nouveau pic des températures mondiales », a prévenu Petteri Taalas, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale de l’ONU.

Les météorologues et les climatologues du monde entier sont sur le qui-vive. Selon les prévisions de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), dévoilées mercredi 3 mai, il y a désormais 60% de chances que le phénomène El Niño se développe d’ici à la fin juillet et 80% d’ici à la fin septembre. Certains scénarios anticipent même un « super El Niño » à venir. Franceinfo revient sur ce phénomène météorologique pour tenter d’y voir clair.

C’est quoi, El Niño ?

Il s’agit d’un phénomène météorologique qui se traduit par une hausse de la température de la surface de l’eau, dans l’est du Pacifique. Il survient de façon cyclique mais irrégulière, tous les trois à sept ans, et provoque des catastrophes climatiques, en particulier des vagues de sécheresse et des précipitations supérieures à la normale.

Le phénomène atteint généralement son intensité maximale vers la fin de l’année, d’où le nom El Niño, qui désigne aussi l’enfant Jésus, en espagnol. Son impact est mondial, explique à France 24 Jérôme Vialard, océanographe et directeur de recherche à l’Institut de recherche pour le développement.

« C’est un phénomène tellement puissant qu’il a une influence sur le climat sur tout le globe. » Jérôme Vialard, océanographe France 24

Le journaliste de France Télévisions Nicolas Chateauneuf avait présenté le phénomène en 2016, sur le plateau du « 20 Heures » de France 2. Il expliquait alors qu’avec El Niño, la chaleur du Pacifique équatorial n’était pas poussée vers l’Asie et l’Australie, mais qu’elle restait plutôt proche de l’Amérique latine.

El Niño est à différencier de La Niña, qui a plutôt tendance à faire baisser la température des océans. Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), ce phénomène-là est en train de se terminer. En cours depuis 2020, cet épisode a été « exceptionnellement long et persistant », note l’OMM. Généralement, on observe une alternance entre La Niña et El Niño avec, entre les deux, des conditions neutres.

Que sait-on de son retour ?

Rien n’est certain. Nous en sommes encore au stade des probabilités. Mais elles penchent vers un retour d’El Niño. « Aujourd’hui, on observe déjà des signaux climatiques forts, qui montrent un réchauffement important de l’océan Pacifique équatorial », explique à Nouvelle-Calédonie La 1ère Thomas Abinun, climatologue à Météo France.

« C’est un signal qu’on surveille, parce que ce réchauffement de l’océan pourrait conduire à une survenue d’un épisode El Niño, à partir du second semestre. »

Thomas Abinun, climatologue à Météo France Nouvelle-Calédonie La 1ère

Ce constat est partagé sur l’ensemble de la planète. Selon l’OMM, les chances qu’El Niño se développe sont estimées à 60% d’ici à juillet et 80% d’ici à fin septembre. De son côté, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (Noaa) écrit, dans son bulletin de suivi publié le 24 avril, qu’il y a 62% de risques que le phénomène réapparaisse d’ici l’été. Un chiffre qui frôle les 90% d’ici la fin de l’année.

« Vous pouvez comparer cela à un pistolet chargé, résume auprès du quotidien britannique The Guardian Axel Timmermann, spécialiste du climat à l’université de Busan (Corée du Sud). « Le chargeur est plein mais l’atmosphère n’a pas encore appuyé sur la détente. »

Mais pourquoi parle-t-on d’un potentiel « super El Niño » ?

Le Bureau australien de météorologie rapporte que certains modèles de prévision suggèrent l’apparition possible d’un « super El Niño » pour cette année. Si le phénomène classique correspond à une augmentation de la température du Pacifique équatorial de 0,8°C par rapport à la normale, un « super El Niño » se caractérise par une augmentation d’au moins 2°C. Ces températures plus élevées entraîneraient des effets plus puissants.

Un tel phénomène est rare. Les spécialistes n’en dénombrent que trois lors des quarante dernières années : 1982-1983, 1997-1998 et 2015-2016. « Les températures en 2016 et, dans une moindre mesure, en 2015, avaient été poussées à la hausse par un phénomène El Niño exceptionnellement puissant », relevait en 2017 l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

Il faut néanmoins souligner le niveau élevé d’incertitude et tous les scénarios évoqués doivent être pris avec une grande prudence. « Nous avons besoin de deux ou trois mois de plus pour avoir une idée plus fiable de ce qui va suivre », a prévenu Alvaro Silva, consultant à l’OMM.

Quelles pourraient être les conséquences sur le climat mondial ?

Impossible d’être précis à ce stade. El Niño « risque d’alimenter un nouveau pic des températures mondiales », avance Petteri Taalas, le secrétaire général de l’OMM. Les précédents épisodes avaient fait grimper le mercure partout dans le monde. Il faut donc s’attendre aux mêmes conséquences, d’autant que les huit dernières années (2015-2022) ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées sur la planète, alors que La Niña a tendance à faire baisser la température des océans.

S’il s’agit de phénomènes naturels, l’OMM rappelle qu’El Niño et La Niña s’inscrivent « dans un contexte de changement climatique induit par l’homme, qui fait augmenter les températures mondiales, affecte le schéma des pluies saisonnières et rend notre climat plus extrême ». Autrement dit, le phénomène pressenti pour l’année 2023 ne va faire que s’additionner au réchauffement climatique d’origine humaine, un réchauffement si fort que même La Niña n’a pas réussi à l’estomper.

Au-delà de l’augmentation globale des températures, les conséquences liées à El Niño sont différentes selon les zones du globe. Pour l’Amérique du Sud, il peut s’agir de pluies diluviennes avec des risques de glissements de terrain et un océan qui ne permet plus aux pêcheurs de vivre. Du côté de l’Australie, le phénomène pourrait induire un risque de sécheresse accru, augmentant aussi les risques d’incendies. La problématique de la sécheresse concerne également le continent africain et une partie de l’Asie avec une potentielle baisse des rendements de l’agriculture et une hausse des risques de famine. L’OMM illustrait déjà toutes ces conséquences dans une vidéo publiée il y a sept ans.

Un potentiel « super El Niño » cumulé à l’actuelle accélération du réchauffement climati-que pourrait donc engendrer des conséquences encore plus importantes. C’est pour cela que la surveillance est minutieuse. « Le suivi de l’oscillation entre les deux phases aide les pays à se préparer à leurs impacts potentiels », explique l’OMM.

Louis San 03/05/2023

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03 mai 2023 ~ 0 Commentaire

thons (lutte ouvrière)

thon

Thons, requins et aigrefins

Le 5 février, une majorité des membres de la commission des thons de l’océan Indien (CTOI) se prononçait pour l’interdiction annuelle, trois mois durant, de la pêche industrielle au thon dans leur région. Il s’agit évidemment de tenter de protéger une ressource, et même une espèce, menacée par la surpêche.

Chaque année, 4,5 millions de tonnes de thon sont capturées. Dans un marché mondial partagé entre quelques groupes, les armateurs européens, principalement français et espagnols, ont un quasi-monopole sur les th ons de l’océan Indien. Pour y faire passer leurs captures annuelles de quelques dizaines de tonnes dans les années 1990 à 400 000 aujourd’hui, ces capitalistes des mers ont usé de tous les moyens, techniques comme politiques.

Les thons sont attirés par des dispositifs de concentration du poisson (DCP), des radeaux dérivants équipés de balises, voire de dispositifs signalant l’arrivée du poisson. Lorsqu’une masse suffisante est réunie, attirée par la présence du plancton concentré par le radeau, le navire fait route vers le DCP, l’entoure d’un filet géant, une senne, et remonte des dizaines de tonnes d’un seul coup. Dans l’opération, d’autres espèces de poissons, des cétacés et des thons juvéniles, c’est-à-dire qui ne se sont pas encore reproduits, sont sacrifiés allègrement. On comprend que, dans ces conditions, l’océan Indien se dépeuple rapidement. De plus, chaque navire larguant plusieurs centaines de DCP à chaque campagne, l’océan est envahi de milliers de ces déchets flottants, éventuellement dangereux pour la navigation des petits bateaux.

Les thons sont débarqués dans les conserveries des Seychelles, de l’île Maurice et de Madagascar, qui emploient 20 000 travailleurs, payés naturellement au tarif local – le salaire moyen varie de l’équivalent de 60 euros à Madagascar à 470 euros aux Seychelles, îles dont le niveau de vie, le plus élevé de la région, ne repose que sur le tourisme et le thon. Les exportations de ces usines vers l’Union européenne sont détaxées, car le poisson est pêché par des armements européens. L’Union européenne a en fait organisé elle-même ce marché, ses règlements et la CTOI où, jusqu’ici, elle imposait sa loi et l’exclusivité de la ressource pour ses armateurs.

Elle a subventionné les armements, envoyé un représentant permanent dans les îles de la région, balisé le terrain dans les moindres détails. Pour plus de sûreté, le syndicat des armateurs européens au thon, Europêche, avait recruté comme porte-parole l’ancienne fonctionnaire responsable des pêches à la Commission européenne et fait savoir que les crédits de l’UE aux États riverains dépendaient de leurs votes. Ces États riverains constituent en effet, avec l’Union européenne et les territoires français, l’essentiel des membres de la CTOI. Mais, visiblement, ils n’ont pas réussi à tous les acheter cette fois-ci, et leur type de pêche est, sinon proscrit, du moins mis publiquement en accusation.

Les ONG de défense de l’environnement, au premier rang desquelles Bloom et Greenpeace, dénoncent depuis des années le massacre des thons de l’océan Indien, la ruine de la petite pêche locale et, avec un peu moins de fougue toutefois, les conditions de travail des travailleurs de ce secteur. C’est grâce à leur travail que de grands médias, comme la télévision publique française ou le journal Le Monde, ont fait connaître cette situation.

Ces ONG, présentes sur place mais surtout dans les grandes métropoles, auprès des États, de l’ONU et de la Commission européenne, crient victoire. C’est prématuré et surtout très hypocrite. En effet, pour les 100 000 petits pêcheurs de l’océan Indien, rien n’est réglé, car l’interdiction temporaire ne concerne que les eaux internationales, bien au-delà des zones de pêche de leurs embarcations. Leur voix risque d’avoir moins de portée que les protestations d’Europêche. Les représentants des armateurs européens, qui ont même le culot de prétendre défendre les emplois des travailleurs des conserveries, hurlent à la faillite. Pourtant, non seulement rien n’est encore fait, mais les armateurs et l’UE ont la possibilité de faire appel, ce qui suspendrait automatiquement l’interdiction de pêcher. La question est donc bien loin d’être réglée mais, quand bien même le serait-elle, il y a anguille, ou plutôt thon et même banc de thons, sous roche.

En effet Bloom, Greenpeace et les autres ONG qui bataillent contre les DCP et les filets géants militent pour la pêche dite durable, c’est-à-dire à la ligne. C’est en fait un autre type de travail industriel. Des bateaux sont spécialement conçus pour que des dizaines de travailleurs lancent simultanément des lignes à l’arrière, remontent les thons à une cadence infernale sur le pont derrière eux, pendant que d’autres les décrochent, les tuent et les stockent, en attendant qu’un bateau transbordeur vienne récupérer les prises. Comme dans l’océan Indien, les bancs sont repérés par les moyens les plus modernes, du satellite au sonar.

Ce type de pêche, qui a certes l’avantage de ne presque pas capturer d’autres espèces, se pratique surtout dans le Pacifique, pour des volumes encore plus importants que ceux de l’océan Indien. Cette pêche a la préférence intéressée des importateurs américains, dont la chaîne géante de supermarchés Walmart, et des importateurs britanniques et de leurs relais politiques, associatifs et médiatiques.

Sa promotion est assurée par une ONG, International Pole and Line Foundation (Fondation internationale de la canne à pêche), regroupant des armateurs, des chaînes commerciales, « durables » et classiques, des conserveries, etc. Ce sont des capitalistes de la même eau, et même de plus gros calibre que les armateurs de l’UE auxquels ils interdisent de fait de pénétrer leurs zones de pêche et leurs marchés. Les prétextes sont écologiques, cela va de soi, et étayés par une série de labels, tous plus verts et durables les uns que les autres.

Mais, alors que des prolétaires modernes opèrent sur les bateaux usines de l’océan Indien, les pêcheurs « à la ligne » du Pacifique sont bien souvent des travailleurs forcés, comme le montre une enquête de 2020, réalisée par le Business and Human Rights Ressource Center, intitulée « L’esclavage moderne dans la chaîne de production du thon du Pacifique ». Les coûts de main-d’œuvre de ce type de pêche représentant 30 à 50 % du total, les armateurs sont amenés à les réduire de plus en plus, d’autant que la rentabilité de la pêche au thon diminue avec la ressource.

Les cas de travail forcé, de quasi-esclavage, de mauvais traitements, de disparitions se multiplient dans ces pêcheries. Cela concerne des travailleurs du Sud-Est asiatique et des entreprises qui sont souvent thaïlandaises ou de droit thaïlandais, mais dont les capitaux sont américains ou britanniques et dont la pêche est labellisée durable. De plus, comme dans l’océan Indien, les pêcheurs des îles du Pacifique accusent les grands armements de les réduire à la famine en vidant leur mer. Entre le filet et la ligne, où est alors la pêche durable ?

Les considérations écologistes, quelle que soit par ailleurs leur légitimité, ne sont plus là que le travestissement publicitaire du combat pour dominer un marché. Le progrès technique, ligne ou filet, ne sert qu’à saccager plus définitivement la nature et à exploiter plus férocement le travail, faisant cohabiter le repérage par satellite et le quasi-esclavage. On ne sait ce qui est le plus révoltant, de cette criminelle course au profit ou des mensonges qui l’accompagnent.

Lutte de Classe n°231 – avril 2023

https://mensuel.lutte-ouvriere.org//

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30 avril 2023 ~ 0 Commentaire

haies (le huff’)

terres

Le nombre de haies dégringole en France, et c’est un mauvais choix face au changement climatique

Le nombre de haies sur le sol français ne cesse de diminuer. Elles sont pourtant un moyen triplement efficace de lutter contre le changement climatique.

Dans les villes, les jardins et surtout dans les champs, les haies continuent chaque jour de disparaître à une vitesse impressionnante. Pourtant elles sont très efficaces pour lutter contre la sécheresse, les inondations et la perte de biodiversité dans les campagnes françaises. Pour inverser la tendance, le ministère de l’agriculture veut « construire un pacte en faveur de la haie ». Réel changement ou mesure de façade ?

Depuis 1950, la France a éliminé 70 % de ses haies. Cela représente 1,4 million de kilomètres de végétation détruite, soit l’équivalent de deux allers-retours entre la Terre et la Lune. C’est le résultat des directives d’après guerre et des nombreux remembrements agricoles, périodes au court desquelles les parcelles françaises ont été mises en commun pour former des champs plus grands et gagner en productivité. Les arbustes qui les séparaient ont été arrachés à tour de bras.

Deux fois plus d’arrachage de haies qu’il y a dix ans

Un déboisement de massif… qui se poursuit aujourd’hui. Selon un rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), depuis 2017 la France perd en moyenne 23 500 km de haies par an. Problème : c’est deux fois plus que ce que l’on arrachait dix ans en arrière. Si bien que le CGAAER estime que « l’état des haies françaises est globalement médiocre » et met en garde le gouvernement sur ses choix agricoles.

Car si la haie était autrefois démodée, elle apparaît aujourd’hui comme une solution face à bon nombre de défis posés par le changement climatique, à commencer par la sécheresse qui préoccupe déjà plusieurs régions en ce mois d’avril. « La haie permet de retenir l’eau et de la faire pénétrer dans les sols, jusqu’aux nappes phréatiques, plutôt que de la laisser ruisseler sur les terrains et provoquer de l’érosion », indique Luc Abbadie, écologue. Plantées perpendiculairement aux pentes, ces rangées de végétation limitent à la fois les risques de crues et de sécheresse.

« Face aux aléas climatiques de plus en plus intenses et fréquents, les haies et les arbres représentent une vraie solution », indique donc le rapport du CGAAER. Car ces enfilades de végétation réduisent aussi les extrêmes de températures et permettent de stocker du CO2, premier gaz à effet de serre responsable du changement climatique. Autre point essentiel : les haies favorisent la biodiversité. Pourquoi alors continuer de les décimer ?

Passée de mode, la haie va-t-elle faire son retour ?

C’est d’abord une question de mentalité : depuis soixante ans le fait d’arracher les haies est présenté aux agriculteurs comme un signe de modernité et de rentabilité pour leurs parcelles. Or cette image tend à changer dans le monde agricole, justement à cause des effets du changement climatique.

« Ces quatre dernières années, les agriculteurs ont dû faire face à des aléas climatiques de plus en plus intenses. Ils sont nombreux à se rendre compte que les haies sont une partie de la solution », constate Sylvie Monier, agronome et directrice de la Mission haies Auvergne-Rhône-Alpes. Difficile en effet de passer à côté de certains constats : « on voit par exemple dans les vignes que les haies sont efficaces pour couper les vents caniculaires du sud, qui viennent brûler les feuillages des cultures ».

« Certes les haies diminuent le rendement car elles occupent de la place sur les parcelles mais comme elles protègent contre les évènements climatiques les plus durs on gagne en sécurité et stabilité des récoltes, c’est un calcul à faire », explique Luc Abbadie.

La France métropolitaine compte aujourd’hui autour de 750.000 km de haies : c’est 70 % de moins qu’en 1950.

Pour autant, il n’est pas rentable immédiatement de planter une haie : pour les agriculteurs il faut compter une dizaine d’années pour amortir ce choix. En 2021, le gouvernement lançait en ce sens un programme intitulé « Plantons des haies ». 50 millions d’euros investis pour aider les agriculteurs à planter 7000 km de haies sur la période 2021-2022. « Un soutien utile mais éphémère », constate le CGAAER dans son rapport.

Au regard des 23 500 km de haies perdues chaque année, cet objectif de plantation paraît une goutte d’eau dans l’océan. Le CGAEER souligne que plutôt de planter, il faudrait déjà arrêter d’arracher. « Il devrait y avoir un principe fort aujourd’hui de garder ce qui est en place », estime Luc Abbadie, écologue. Depuis 2015, la PAC a interdit l’arrachage de haie. Une règle qui n’est pas respectée sur le territoire français, faute de contrôles et de sensibilisation.

Pourtant, « si nous décidons de protéger aujourd’hui les haies, nous verrons une nette différence dans vingt ans », insiste Sylvie Monier, agronome et conseillère en agroforesterie. Une solution relativement simple à mettre en place, mais « la reconquête de la haie dépendra pour beaucoup des moyens que l’État pourra mobiliser pour financer des projets », prévient le rapport du CGAAER.

29/04/2023 Maëlle Roudaut

https://www.huffingtonpost.fr/

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28 avril 2023 ~ 0 Commentaire

1er mai (fr3)

macron poulet

Manifestations du 1er Mai et réforme des retraites. Les ouvriers de l’agro-alimentaire témoignent de la pénibilité au travail

Des conditions de travail particulièrement difficiles dans l’agro-alimentaire. Le recul de l’âge de la retraite jugé injuste par les ouvriers du secteur.

Les ouvriers de l’agro-alimentaire seront dans la rue le 1er mai. Vus leurs conditions de travail et leurs horaires souvent décalés, ils trouvent la réforme des retraites très injuste. Nombreux sont ceux qui n’arrivent d’ailleurs pas à travailler jusqu’à 60 ou 62 ans pour cause de maladies professionnelles et d’inaptitude au travail, Le report à 64 ans leur parait impensable.

Michel Caradec a travaillé en 3×8 à la Sill, entreprise spécialisée dans l’industrie laitière, basée dans le Finistère, à  Plouvien. Travail de nuit, vigilance qui diminue avec l’âge. Demain, il sera en retraite à 60 ans après une carrière longue. La retraite à 64 ans, il n’imagine même pas. » Cela va être compliqué pour certains. Dans nos métiers, jusqu’à 50 ans c’est jouable mais après, selon la forme de chacun, vu notre type de travail, on peut rencontrer des difficultés de sommeil. On ne se rend même pas compte de la fatigue accumulée » explique t-il.

Avant le retraite, déjà abimées par le travail

Mais le pire des conditions de travail dans l’agroalimentaire se trouve dans l’industrie de la viande. A Châteaulin, employées chez France Poultry, Delphine et Laurence ont la cinquantaine et se disent déjà cassées à force de manipuler les poulets.

Les gestes répétitifs font qu’on a mal. On ne peut plus lever le bras ou s’habiller. Je tourne aux anti-inflammatoires et aux infiltrations depuis 20 ans. Alors la retraite à 62 ans, c’était déjà compliqué. A 64 ans, c’est impossible. Delphine, salariée chez France Poultry

Maryse Carn est une de leurs anciennes collègues de l’abattoir. Mais un jour son corps a dit non. Inaptitude, reclassement impossible, licenciement, chômage : plus possible de travailler pour elle. La réforme des retraites, elle la vit vraiment comme une injustice. Elle explique : « J’avais sufisament de trimestres pour partir en carrière longue. Logiquement, mon dossier était bouclé pour un départ en novembre 2023. « Avec la réforme, il va me manquer des trimestres. Vu ma situation, je vais être un an et demi sans aucun revenu. Maryse Carn ancienne salariée de Doux et France Poultry

La précarité c’est une des grosses craintes dans le secteur. Si 55% des plus de 55 ans sont sans emploi en France, dans l’agroalimentaire c’est encore plus. Michel Le Bot, de la Fédération générale de l’agroalimentaire-CFDT en fait l’amer constat : « Tous ces salariés se retrouvent sur l’Assurance Maladie, le chômage, voire en grande difficulté financière quand il n’ont plus de droits. Cela a une indidence sur leur niveau de retraite. »

Delphine et Laurence, les deux ouvrières de Doux à Chateaulin, qui ont accepté de nous rencontrer, n’acceptent pas cette situation, qu’elles considèrent comme une double peine.

Pour le travail pénible comme le notre, il faut une reconnaissance. On sait qu’on risque de vivre 5 ans de moins que des salariés en bureau. On ne pourra même pas profiter de notre retraite. Delphine, salariée chez France Poultry

Lundi 1er mai, ces ouvrières qui n’ont pas pu se permettre de faire grève jusqu’ici, iront manifester.

 28/04/2023

Catherine Jauneau et Muriel Le Morvan

https://france3-regions.francetvinfo.fr/

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24 avril 2023 ~ 0 Commentaire

faim (basta)

faim (basta) dans Altermondialisme
  • Neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté : le retour de la faim en France ?

    « Sans des structures comme les Restos du cœur, il y aurait peut-être des émeutes de la faim », estime la chercheure Bénédicte Bonzi. Elle dénonce le développement d’un marché de la faim qui conforte le système agro-industriel.

La demande en aide alimentaire a triplé depuis dix ans. Il est difficile d’avoir des données précises sur le nombre exact de bénéficiaires, en raison notamment des doubles inscriptions – les banques alimentaires indiquent avoir accueilli 2,4 millions de personnes en 2022 contre 820 000 en 2011, sans compter les autres réseaux de distribution comme les Restos du cœur. Une chose est sûre : la proportion de personnes qui n’y ont pas recours et qui ne demandent rien est importante. Neuf millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté. Pour ces personnes-là, la nourriture est potentiellement une variable d’ajustement.

Les visages de la pauvreté sont multiples. Il y a beaucoup d’accidents de vie – maladies, accidents du travail, divorces, licenciements, alcoolisme – qui font basculer dans une spirale dont on se relève difficilement. Et quand on retombe, on n’essaie plus de se relever, on espère survivre à aujourd’hui.

Il y a également les personnes en attente de papier et qui ne peuvent pas travailler. Dans les « nouveaux publics », on remarque beaucoup plus de personnes âgées qui n’arrivent pas à s’en sortir avec l’augmentation des charges. Pour maintenir un toit sur la tête, elles n’ont plus d’argent pour manger… « Nouveaux venus » aussi, des travailleurs pauvres qui n’y arrivent plus.

Les étudiants sont apparus pendant le covid, car ils n’avaient plus accès aux petits boulots. Leur présence semble rester d’actualité. Les files s’allongent, sans possibilité d’en sortir, à l’heure où tout augmente sauf les revenus. Sans des structures comme les Restos du cœur, il y aurait beaucoup d’explosion de violences, de tensions, peut-être des émeutes de la faim.

« Des acteurs économiques ont développé un marché de la faim »

Ce mal-être est amplifié par le fait que des acteurs économiques ont développé un marché de la faim. À partir du moment où il est possible de récupérer de l’argent avec la détresse alimentaire des personnes, on rentre dans une logique de marché sous forme de défiscalisation et d’échanges. De grosses commandes sont faites pour nourrir les personnes qui n’ont pas les moyens de se nourrir. Tout un marché s’est développé pour fournir des produits très peu chers et de qualité insuffisante. Ce système participe d’une surproduction agricole.

Il y a deux aspects. D’une part, l’aide alimentaire est entrée dans la loi de modernisation agricole, ce qui crée un débouché en direction de l’alimentation des pauvres. Quand on parle d’accessibilité pour tous, cela interroge ! Par ailleurs, la loi Garot adoptée en 2016 visant à lutter contre le gaspillage alimentaire, n’incite pas à produire moins.

Car celui qui produit trop peut donner une partie de sa production auprès d’associations caritatives et récupérer la défiscalisation [1]. Cela n’incite pas à être dans des quantités justes ni à donner au bon moment, dans un contexte de concurrence internationale favorisant une production à moindre coût.

Les plats distribués sont constitués majoritairement de produits de la gamme la moins chère possible, d’invendus et d’invendables. Les bénéficiaires de l’aide apparaissent comme une variable d’ajustement chargée d’absorber des surplus de production et de permettre des déductions fiscales.

« Violence alimentaire »

La violence alimentaire, c’est la prise de conscience pour les bénévoles et professionnels comme pour les bénéficiaires, que l’aide alimentaire est incapable de répondre au droit à l’alimentation. Ce droit n’est pas du tout garanti en France. La violence du système alimentaire est structurelle et se ressent dans toutes les étapes de l’aide alimentaire. Elle crée des inégalités très fortes avec des conséquences sur la santé et le mental des personnes bénéficiaires – les bénévoles n’en sortent pas non plus indemnes.

L’observation fine du terrain renseigne ces violences psychologiques : on voit les personnes qui baissent les yeux, les attitudes au moment du contrôle… Être toujours dans l’aide abîme la confiance en soi. C’est une violence un peu diffuse : faire la queue tous les jours, c’est pesant, comme ne jamais pouvoir choisir… L’accumulation de petits actes du quotidien rythmés par le fait de revenir sans cesse les impacte fortement, et cela entraîne des demandes et des réponses à côté de ce que veulent vraiment ces personnes.

« Transformer tout le système alimentaire »

Grâce à l’énergie des bénévoles et des professionnels, l’aide alimentaire crée une forme de résistance. Ils ont la tête dans le guidon, font face à des personnes qui font tout pour survivre, mais ils ne sont pas là pour cogérer la pauvreté : ils sont là pour agir contre les injustices. Ils ont beaucoup de désillusions quant à ce que l’État peut apporter et ils bricolent une société parallèle. Les structures bénévoles ont bien d’autres demandes que de faire des ramasses et de passer par le Fonds européen d’aide aux plus démunis. Ils aspirent à servir des produits frais, en quantité, sans avoir à se poser la question des stocks ! Ils jonglent comme ils peuvent.

Transformer l’aide alimentaire, c’est s’autoriser à transformer tout le système alimentaire – système agricole compris – d’un bout à l’autre de la chaîne. Cela implique de sortir l’alimentation du marché pour faire démocratie, de socialiser l’alimentation et protéger les personnes des dérives du système agro-industriel.

Cela induit des réponses structurelles aux inégalités sur toute la chaîne, en donnant les moyens économiques à chacun·e de faire autrement et en le décidant démocratiquement avec de nouveaux espaces de discussion pour se réapproprier, se réancrer dans le système alimentaire : quel type de semence, d’élevage, de distribution, de transformation voulons-nous ? 

Il s’agit de ne plus laisser cette question à des experts, mais d’assumer que nous sommes toutes et tous experts, et d’être davantage dans l’éducation populaire pour que les choses changent. Depuis des années, des résistances liées à l’aide alimentaire sont à l’œuvre dans le monde paysan et les milieux populaires. La rencontre de ces résistances sera déterminante dans la transformation historique, ou non, du système alimentaire. Il nous faut sortir des logiques de jugements pour faire ensemble.

Bénédicte Bonzi est docteure en anthropologie sociale, chercheuse associée au LAIOS (laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales). Aujourd’hui, elle accompagne les collectivités dans leurs transitions alimentaires chez Auxilia Conseil. Elle a mené pendant plusieurs années, dans le cadre d’une thèse, des travaux de recherches en lien avec les associations d’aide alimentaire.

Propos recueillis par Sophie Chapelle

21 avril 2023  Bénédicte Bonzi

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19 avril 2023 ~ 0 Commentaire

dessaler (reporterre)

 eau de emer

Dessaler l’eau de mer : fausse solution, vraie catastrophe écologique

Des communes françaises se sont récemment mises au dessalement de l’eau de mer pour faire face à la sécheresse. Ce procédé a cependant des répercussions écologiques néfastes.

Faute de pluie, boirons-nous bientôt de l’eau dessalée ? L’idée peut sembler tentante, alors que le pays se dirige, lentement mais sûrement, vers une nouvelle sécheresse estivale, et que le changement climatique promet de raréfier nos ressources en eau.

Déjà adopté depuis une cinquantaine d’années sur l’île de Sein, en Bretagne, le dessalement de l’eau de mer a récemment été testé par deux nouvelles communes françaises : le village de Rogliano, en Corse, et l’île morbihannaise de Groix, qui a mis en place l’été dernier une unité — temporaire — de dessalement afin de répondre à l’explosion de la demande durant la saison touristique. Transformer un bouillon de plancton, de chlorure et de sulfate en eau potable se fait cependant à un prix écologique élevé.

Dessaler avec… les énergies fossiles

Premier problème : la consommation d’énergie requise par l’opération. Plusieurs techniques de dessalement existent. On peut grossièrement les diviser en deux : les procédés thermiques, qui rendent l’eau salée potable en la distillant, et l’osmose inverse (aujourd’hui majoritaire), qui récupère l’eau douce contenue dans l’eau de mer en la faisant passer à travers une membrane.

Les premiers consomment entre 7 et 27,3 kWh pour 1 m3 d’eau dessalée, relèvent les chercheurs Marc-Antoine Eyl-Mazzega et Élise Cassignol dans un rapport réalisé pour l’Institut français des relations internationales (Ifri) en septembre 2022. L’osmose inversée requiert quant à elle entre 2,5 et 3 kWh pour produire la même quantité d’eau douce.

De nombreux projets de recherche ont été lancés, ces dernières années, afin d’augmenter la résistance des membranes au sel, et ainsi améliorer l’efficacité énergétique de ce procédé. Il n’en demeure pas moins, comme ses compères thermiques, « très énergivore », note le rapport.

La facture est d’autant plus salée que les usines de dessalement fonctionnent, dans leur immense majorité, grâce aux énergies fossiles. C’est notamment le cas aux Émirats arabes unis, en Arabie saoudite, au Koweït et à Oman, qui font partie des plus gros producteurs d’eau dessalée de la planète.

En 2017, les énergies renouvelables ne fournissaient que 1 % de la demande d’énergie nécessaire aux quelque 20 000 stations opérationnelles à travers le monde, selon une étude publiée dans la revue Desalination. Chaque année, selon les estimations de Marc-Antoine Eyl-Mazzega et Élise Cassignol, le dessalement est responsable de l’émission d’au moins 120 millions de tonnes de dioxyde de carbone. D’après une étude de la Banque mondiale, si rien n’est fait pour rendre le secteur plus durable, il pourrait d’ici 2050 en émettre 280 millions supplémentaires — soit, au total, l’équivalent du volume des émissions françaises en 2021.

« Un cercle de résistance non vertueux, qui amplifie le dérèglement climatique »

Autre péril : les rejets toxiques. Selon une étude publiée sous l’égide des Nations unies en 2019, les usines de dessalement déversent chaque jour dans l’océan 141,5 millions de mètres cubes de saumure, un concentré d’eau de mer plus chaude, plus salée, et surtout bourrée de produits chimiques (anti-tartre, antichlore, anti-mousse…). Ce sous-produit représente un risque écologique majeur.

L’augmentation de la salinité de l’eau peut en effet amplifier, localement, le phénomène de désoxygénation de l’océan. « Si l’eau est moins oxygénée, elle peut capter moins de CO2, explique à Reporterre Christophe Mori, hydrobiologiste et maître de conférences à l’université de Corse. Avec le dessalement, on entre dans un cercle de résistance non vertueux, qui amplifie le dérèglement climatique. »

« Le dessalement devrait être la dernière chose à faire »

Les conséquences peuvent également être catastrophiques pour les organismes marins, notamment les coraux, les algues et certains mollusques. Christophe Mori se dit particulièrement inquiet pour l’avenir des herbiers de posidonie, des plantes à fleurs marines emblématiques de la Méditerranée, déjà très endommagées par les ancres des bateaux de plaisance. « À Chypre, une étude a montré que ce milieu était très détérioré, en partie à cause de la saumure. »

Ces résultats devraient selon lui nous inciter à juger le dessalement avec plus de circonspection. Les herbiers ne sont pas là « que pour faire des jolies couleurs sur la mer », insiste-t-il : « Ils augmentent la biodiversité, oxygènent la mer, stockent le carbone, freinent la houle, ce qui nous protège des tempêtes et ralentit l’érosion… » Si cette espèce venait à disparaître, « tout l’édifice de l’écosystème pourrait être déstabilisé ».

Plutôt que de miser sur le dessalement à grande échelle, l’universitaire recommande de réduire au maximum les fuites du réseau — responsables, en France, de la perte de 1 milliard de mètres cubes d’eau potable par an, soit 20 % de la production —, de réutiliser les eaux usées, et de remettre en question certains de nos usages, notamment les piscines. « Il faut voir au cas par cas : certains pays ne peuvent pas faire autrement, et cela peut également être compliqué pour certaines îles détachées du continent qui n’ont pas de ressources en eau sur place, précise-t-il. Mais globalement, sous nos latitudes, le dessalement devrait être la dernière chose à faire. »

https://reporterre.net/

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19 avril 2023 ~ 0 Commentaire

agrivoltaïsme (npa)

npa agricol 
Crédit Photo Photothèque Rouge / Franck Houlgatte

Entretien. Olivier Lainé, membre de la commission climat de la Confédération paysanne, explique pourquoi les panneaux solaires ne doivent pas être installés dans les champs.

Le gouvernement veut développer l’agrivoltaïsme. Qu’en penses-tu ?

Si la Confédération paysanne est favorable au photovoltaïque, elle s’oppose à la notion d’agrivoltaïque. Selon le recensement fait par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), les possibilités d’installation de panneaux sur les toitures existantes, les friches industrielles et les parkings permettent largement de remplir les objectifs que le gouvernement s’est fixés, pourquoi vouloir alors mobiliser des terres agricoles ? Généralisons plutôt le chauffe-eau solaire, technique « low-tech » en comparaison du photovoltaïque, pour diminuer la consommation de gaz utilisé pour l’eau chaude (15 % de la conso de gaz en France).

Que réponds-tu à l’affirmation que ce pourrait être positif dans certains cas, par exemple avec une bonne association cultures-panneaux-nature des sols ?

La terre agricole a pour vocation de produire de la nourriture. Nous ne sommes plus en autosuffisance alimentaire en France, la surface des terres agricoles françaises qui sont destinées aux exportations est moindre que celle qui, à l’étranger, est utilisée pour produire ce que nous importons… Les « mauvaises » parcelles pourraient devenir productives si elles étaient menées avec l’arbre, en verger, en agroforesterie, avec des haies… Elles apporteraient alors un bénéfice aux écosystèmes, de l’ombre pour les animaux, du fourrage en cas de sécheresse, une réserve pour la biodiversité, des paysages plus heureux qu’un alignement de panneaux photovoltaïques.

En outre, le bois permet la production d’une énergie renouvelable lorsque seule la production de l’année est brûlée et lorsque les cendres reviennent à la terre…

Pourquoi et comment cela va-t-il renforcer la précarité des paysanEs ?

À cause du risque de dépossession de la terre agricole par les entreprises qui installent des panneaux photovoltaïques et de faire monter le prix de la terre agricole rendant alors impossible la rentabilité de certaines productions déjà fragiles. Les installations déjà difficiles dans certaines régions, le seraient encore davantage puisqu’elles ne pourront rivaliser avec la ­spéculation sur le foncier.

Commission nationale écologie Olivier Lainé
Hebdo L’Anticapitaliste – 657 (13/04/2023)

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15 avril 2023 ~ 0 Commentaire

bio st-brieuc (fr3)

bio

« C’est maintenant qu’il y a urgence » : 200 personnes rassemblées à Saint-Brieuc pour sauver l’agriculture bio

Début mars, le ministère de l’Agriculture a annoncé déployer un fonds d’urgence de 10 millions d’euros destiné aux exploitations en graves difficultés économiques et en risque de déconversion.

Quelque 200 personnes, agriculteurs, membres d’associations ou syndicalistes, se sont rassemblées ce jeudi à Saint-Brieuc, dans les Côtes d’Armor, pour « sauver » l’agriculture bio et demander un soutien plus important de l’Etat pour surmonter la crise actuelle.

Ils en appellent à l’aide de l’État. Plusieurs organisations d’agriculteurs, et de producteurs, travaillant dans les filières du bio, ont lancé ce matin un cri d’alarme sur la crise sans précédent que rencontre le secteur. Ils étaient près de 200 personnes rassemblées devant la préfecture de Saint-Brieuc pour défendre l’agriculture biologique.

« Soutenir le bio, c’est l’intérêt général. C’est préserver la santé des gens, c’est protéger l’eau, c’est protéger la biodiversité« , s’insurge René Louail, ancien agriculteur et porte-parole du collectif de soutien aux victimes de pesticides, qui accompagne les malades et leurs proches dans leurs démarches administratives et judiciaires, en particulier pour faire reconnaître le caractère « professionnel » de certaines maladies.

Pour Dominique Le Goux, chargée de mission « Santé Pesticides » à Eau et Rivières de Bretagne, l’agriculture bio « permet de protéger notre ressource en eau. C’est une plus-value très nette » pour la collectivité, ne serait-ce qu’en réduisant le coût des traitements nécessaires pour rendre l’eau potable, résume-t-elle.

À l’heure où l’eau devient rare, « des dizaines de captages sont fermés en Bretagne pour cause de pollution« , principalement aux pesticides et « on ne peut pas s’en priver« , a-t-elle estimé. Une délégation a été reçue par le préfet auquel elle a rappelé « l’urgence » de la situation, en particulier pour les producteurs de porcs bio qui sont les plus touchés.

L’aide n’est « pas à la hauteur des besoins »

L’aide de l’État, annoncée récemment, de 10 millions d’euros pour les producteurs bio, est considérée par la filière comme n’étant « pas à la hauteur des besoins« , a rappelé la délégation. La région Bretagne a pour sa part annoncé la semaine dernière une aide de 5,5 millions d’euros en 2024.  »C’est maintenant qu’il y a urgence, car une partie des bio ne passeront pas l’été« , a jugé René Louail.

Les participants ont également réclamé l’application de la loi Egalim qui prévoyait, dès 2022, 20% de bio dans la restauration collective publique, type cantines scolaires ou hôpitaux. « Si la loi était respectée, il n’y aurait pas de paysans bio avec ces difficultés« , a estimé Thierry Thomas, de la Confédération Paysanne.

Selon les derniers chiffres de la chambre régionale d’agriculture, les installations d’agriculteurs se font désormais pour 40% en bio en Bretagne. Le cap des 4.000 fermes bio a été franchi en 2022, soit 15,4% du total, contre 12,4% en 2019. Les deux grands secteurs de production en bio sont les bovins/lait et la production de légumes.

13/04/2023 Yoann Etienne

https://france3-regions.francetvinfo.fr/

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