L’été des porcheries (SO)
Le gouvernement veut assouplir les règles sur les élevages porcins. L’association Eau et Rivières de Bretagne réagit.
L’association Eau et Rivières de Bretagne est en pointe dans la lutte contre la pollution de l’eau et des sols provoquée par la concentration des élevages industriels de porcs. Elle est notamment l’un des acteurs essentiels dans le dossier des algues vertes qui envahissent le littoral breton. Son délégué général, Gilles Huet, est vent debout après la confirmation cette semaine, par le ministère de l’Agriculture, de la préparation d’un arrêté pour assouplir les règles relatives à l’installation ou à l’extension des élevages porcins.
À partir de 2014, les élevages qui abritent entre 450 et 2 000 têtes pourraient être soumis à un simple enregistrement. Alors qu’aujourd’hui ils doivent obtenir une autorisation avec enquête publique préalable.
« Sud Ouest ». Avez-vous été consulté à propos de ce projet d’arrêté ?
Gilles Huet. Absolument pas. Ni les organisations de protection de l’environnement, ni les associations d’élus locaux. Or la suppression de l’enquête publique pour les élevages de moins de 2 000 têtes priverait les conseils municipaux d’un examen des dossiers qui concernent leurs territoires. Alors que l’on ramasse des milliers de mètres cubes d’algues vertes sur les plages bretonnes, alors que l’on met en œuvre des programmes très coûteux de protection des captages d’eau, cette mesure serait incompréhensible pour les citoyens comme pour les élus. Elle ne s’expliquerait que par la pression du lobby de l’élevage industriel sur le ministre de l’Agriculture. Celui-ci n’est même pas compétent sur le sujet, puisque ces élevages sont des installations classées qui relèvent du ministère de l’Écologie ! Où est Philippe Martin, le ministre de l’Écologie, dans ce dossier ?
Quelles seraient les conséquences d’un tel assouplissement ?
Malgré le régime d’autorisation existant, 60 % de la production porcine est concentrée dans l’Ouest et la réglementation n’est manifestement pas appliquée avec rigueur par les préfets. Alors demain ? L’absence d’étude d’impact pour l’implantation d’un élevage, l’absence d’enquête publique avec un commissaire enquêteur indépendant nommé par le tribunal administratif, tout ceci ne ferait qu’accroître les difficultés. Dans la procédure, le préfet serait le seul interlocuteur du lobby agricole, on imagine la suite ! Par ailleurs, la rigueur du contrôle des élevages déjà installés repose sur le fait qu’ils sont des installations classées.
Quelle analyse faites-vous de ce dossier sous l’angle politique ? Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture, en 2010, un amendement du député Marc Le Fur (UMP) portait exactement la même mesure, le relèvement du seuil de l’auto-risation à 2 000 têtes. Il avait été vivement combattu par les parlementaires socialistes et par le président de la région Bretagne, Jean-Yves Le Drian, qui est aujourd’hui ministre de la Défense. Je ne comprends pas cette volte-face. D’autant qu’à l’ouverture des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement, Delphine Batho, qui était encore ministre de l’Écologie, nous avait expliqué que modernisation ne rimerait pas avec régression. Aujourd’hui, cette annonce témoigne de l’insigne faiblesse du ministère de l’Écologie dans l’équilibre gouvernemental. Mais le combat n’est pas terminé. Il faut espérer que la sagesse l’emporte. Publié le 17/08/2013 à 06h00 Par Jean-Denis Renard
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