Archive | Justice & libertés

04 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

Mexique (ACAT)

 

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Je soutiens Erick et Verónica Razo Casales, victimes de torture et de détention arbitraire.

Bien qu’ils aient été libérés, Erick et Veronica Razo Casales poursuivent leur lutte pour que les détentions arbitraires et les tortures qu’ils ont subies ne restent pas impunies. Cependant, loin d’obtenir justice, ils continuent d’être harcelés par leurs agresseurs.

Le 25 / 10 / 2024

La famille Razo Casales endure depuis plus de 13 ans un calvaire marqué par des détentions arbitraires, des tortures et des menaces constantes. En juin 2011, les frère et soeur Verónica et Erick Razo Casales ont été arrêtés à Mexico. Torturés par la police fédérale, ils ont été  forcés de confesser des crimes qu’ils n’avaient pas commis. Ils ont été menacés, frappés,  électrocutés et soumis à des simulacres de noyade. Verónica a subi des violences sexuelles. Tous deux ont passé 11 ans en détention provisoire sans condamnation. En 2021, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a demandé leur libération immédiate, reconnaissant qu’ils avaient été victimes de détention arbitraire et de torture. Erick a été acquitté et libéré en mai 2022, tandis que Verónica a retrouvé sa liberté en janvier 2024, après une condamnation injuste fondée sur des preuves douteuses, à la suite de la libération de son frère. Malgré leur acquittement, la famille continue de subir des représailles pour avoir dénoncé l’impunité. Erick, qui, avec sa soeur, exige justice contre les agents de la police fédérale, les procureurs et les médecins légistes responsables de leur torture, a été victime de nouvelles détentions arbitraires cette année.

De nouvelles détentions en réponse à la quête de justice

Le 27 juin 2024, Erick a été arrêté à nouveau alors qu’il préparait sa défense pour une  audience visant à interroger certains des responsables des tortures qu’il a subies. Des  policiers en civil l’ont frappé, asphyxié et menacé de s’en prendre à sa famille s’il ne retirait pas ses plaintes.  Lors de son transfert au Bureau du Procureur de de la division des  Enquêtes sur les affaires  pertinentes à Azcapotzalco, il a été torturé et maintenu au secret  jusqu’au lendemain, lorsque la Commission des droits de l’homme de Mexico a pu vérifier  son état. Malgré les preuves de torture, un juge a validé son arrestation et lui a imputé de fausses accusations de port d’armes, trafic de drogue et corruption.
Le 5 juillet, il a été arrêté à nouveau de manière violente avant une audience concernant son
arrestation du 27 juin. Erick a été libéré sous caution une semaine plus tard, mais il reste poursuivi et placé sous contrôle judiciaire. Ces actes montrent clairement que la famille Razo Casales subit des représailles en raison de la lutte contre l’impunité, qu’elle mène depuis 13 ans.

Il est urgent que les autorités mexicaines mettent fin à ces représailles et garantissent la
protection de la famille Razo Casales, qui, après plus d’une décennie de souffrances, mérite
justice et réparation.

Téléchargez la lettre d’interpellation

https://www.acatfrance.fr/

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02 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

Marielle

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Brésil : les deux assassins de Marielle Franco, élue et militante noire et LGBT, condamnés

Le crime, survenu en 2018, avait eu un très grand retentissement, au Brésil et au-delà, et jeté une lumière crue sur la puissance du crime organisé à Rio.

Les assassins en 2018 de Marielle Franco, une élue brésilienne et militante noire et LGBT, ont été condamnés, jeudi 31 octobre à Rio de Janeiro, à respectivement soixante-dix-huit et cinquante-neuf ans de prison. Le 14 mars 2018, la charismatique conseillère municipale de Rio, devenue après sa mort une icône de la gauche et de la cause noire dans son pays, avait été criblée de balles dans sa voiture en centre-ville. Elle avait 38 ans. Son chauffeur, Anderson Gomes, avait également été tué sur le coup.

« La justice est parfois lente, aveugle (…) mais elle arrive », a lancé la juge Lucia Glioche en lisant les peines décidées pour ce double homicide par un jury populaire, à l’issue de deux jours d’audience. A cette annonce, parents et proches des victimes présents au tribunal se sont embrassés et ont fondu en larmes, notamment la sœur de Marielle Franco, Anielle Franco, ministre de l’égalité raciale dans le gouvernement du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva.

« Nous poursuivrons la lutte (…) pour en finir avec ce qui a assassiné Marielle et Anderson, qui est cette violence politique », a réagi devant la presse Monica Benicio, qui fut la compagne de l’élue locale. « Parce qu’elle était une femme noire, issue d’une favela, ses assassins ont pensé que son corps était jetable », a-t-elle dit.

Ronnie Lessa avait avoué avoir tiré sur la voiture de Marielle Franco avec une mitraillette depuis un véhicule conduit par Elcio Queiroz, qui est également passé aux aveux. Le premier a été condamné à soixante-dix-huit ans et neuf mois et son complice à cinquante-neuf ans et huit mois. Tous deux jugés pour homicides et participant par visioconférence depuis leur prison, ces anciens membres de la police militaire de Rio avaient passé un accord de plaider-coupable durant l’instruction.

Leur peine effective sera réduite, du fait de cette collaboration avec la justice dont les clauses sont confidentielles, ont expliqué à l’Agence France-Presse des sources judiciaires. Selon le site d’information G1, Ronnie Lessa devra purger treize ans et son acolyte sept ans, qui s’ajouteront aux années de prison effectuées depuis 2019. Le parquet avait requis pour chacun la peine maximale, soit quatre-vingt-quatre ans de réclusion.

Une affaire au retentissement international

Le crime avait eu un très grand retentissement, au Brésil et au-delà, et avait jeté une lumière crue sur la puissance du crime organisé et des milices à Rio. Ces groupes parapoliciers sèment la terreur et accaparent des terrains pour se bâtir illégalement une fortune immobilière. Marielle Franco se dressait contre l’action des milices et militait contre la violence policière.

Ronnie Lessa a assuré mercredi avoir été « aveuglé » et « rendu fou » par la somme de plusieurs millions de dollars offerte pour commettre le crime. « Je veux saisir cette occasion et, avec une sincérité et un regret absolus, demander pardon aux familles d’Anderson et de Marielle et (…) à l’ensemble de la société pour les actes funestes qui nous ont conduits ici », a-t-il déclaré. Les procureurs ont mis en doute la sincérité de son repentir. « Ils ont décidé de tuer par appât du gain », a estimé jeudi le procureur Fabio Vieira, qui a taxé les assassins de « sociopathes » sans regret.

Selon le ministère public, le tireur et le chauffeur avaient nié les faits face aux enquêteurs avant d’être confondus par les preuves de leur implication et ont alors cherché une sortie en collaborant avec la justice.

Un député et son frère fonctionnaire incriminés

« Ce n’est pas encore la fin car il reste les commanditaires », a cependant souligné Antonio Silva, père de Marielle Franco. Arrêtés en mars dernier après avoir été incriminés par Ronnie Lessa, le député Chiquinho Brazao et son frère Domingos Brazao, conseiller de la cour des comptes de Rio, ont été entendus la semaine dernière par la Cour suprême, tout comme l’ancien chef de la police civile de la ville Rivaldo Barbosa.

Les deux frères, liés aux milices selon le tueur, ont nié toute implication, de même que le policier, accusé d’avoir fait obstruction à l’enquête. L’instruction continue. « Qui a donné l’ordre [de l’assassinat] l’a donné pour une raison financière car il avait intérêt à faire taire la voix de Marielle », a affirmé jeudi le procureur Vieira.

https://www.lemonde.fr/

Note: Marielle était membre de notre organisation soeur, le PSOL

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15 août 2024 ~ 0 Commentaire

Vénézuela (ACAT)

 

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Répression des manifestants au Venezuela : l’ACAT-France exprime sa plus vive préoccupation

L’ACAT-France exprime sa plus vive préoccupation face à la forte répression contre les manifestants qui contestent les résultats de l’élection présidentielle.

L’escalade de la violence a atteint son summum au Venezuela, où des milliers de manifestants qui sont mobilisés à Caracas, à l’appel de la cheffe de l’opposition, María Corina Machado, contestent la réélection de Nicolás Maduro.

Le 28 juillet dernier, les citoyens vénézuéliens ont exercé leur droit de vote pour élire leur président. Six heures après la clôture officielle des bureaux de vote, le Conseil National Électoral (CNE) a annoncé les résultats, attribuant la victoire à Nicolás Maduro, qui concourait pour un troisième mandat.

Or, le CNE n’a pas présenté les bulletins de vote qui permettraient de vérifier l’authenticité des résultats. C’est la raison pour laquelle de nombreux  activistes et organisations de défense des droits humains ont annoncé que le  scrutin « n’a pas respecté les normes internationales en matière d’intégrité électorale et ne peut être considérée comme démocratique ». De plus, pendant le processus électoral, de graves irrégularités ont été constatées, telles que des détentions des membres de l’opposition, des restrictions imposées aux Vénézuéliens de l’étranger pour voter et des efforts pour restreindre l’espace civique.

La situation est critique avec des manifestations réprimées avec brutalité dans plusieurs régions du pays : abus de la force, arrestations arbitraires, homicides, harcèlement et criminalisation de la protestation.

On dénombre plus de 200 arrestations arbitraires et au moins 12 homicides.

Dans ce contexte, l’ACAT-France demande aux autorités vénézuéliennes de :

  • respecter le droit de manifester et la liberté d’expression ;
  • mettre fin aux détentions, à la répression et à la rhétorique violente contre les membres de l’opposition ;
  • libérer immédiatement les détenus arbitraires et de respecter les garanties de la procédure régulière ;
  • mettre en place une commission indépendante qui sera chargée de vérifier en toute transparence, les résultats de l’élection présidentielle.

 05 / 08 / 2024

https://www.acatfrance.fr/

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28 juin 2024 ~ 0 Commentaire

Jeunes (Yonne L’Autre )

jeunes

Jeunesse présumée délinquante : les contre-vérités d’Attal et de Bardella

La jeunesse serait plus violente qu’avant et la délinquance des mineurs augmenterait. Autant de contre-vérités assénées par Bardella (RN) comme par Attal (Renaissance) qui font craindre un avenir de coercition pour la jeunesse du pays.

Le premier ministre Gabriel Attal utilisait déjà des mots extrêmement durs à l’encontre de la jeunesse, qu’il accusait, il y a deux mois, d’être à l’origine d’un « déchaînement de violence » et face à laquelle il fallait « contre-attaquer ».

Autrement dit acter une « sanction immédiate », détricoter l’excuse de minorité (un enfant ou un adolescent n’est pas jugé de la même manière qu’un adulte), envisager une mesure de composition pénale (sans juge donc) pour les mineurs dès 13 ans, penser la comparution immédiate pour les jeunes à partir de 16 ans, créer des mesures d’intérêt éducatif (l’équivalent de travaux d’intérêt général, mais pour des mineurs) [1], envoyer certains « pour 15 jours » dans des foyers de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).

Une logorrhée qui fleure bon la fameuse autorité, mantra de la majorité actuelle, que ce soit pour l’école ou pour la jeunesse présumée délinquante. Ce discours faisait suite à une semaine particulièrement difficile de rixes entre adolescents, et dans lequel Gabriel Attal faisait tout reposer sur les épaules d’une jeunesse soi-disant de plus en plus violente, faisant fi au passage de réalités sociales complexes, des chiffres de ses propres ministères, des retours des professionnels de la justice, ainsi que de la recherche universitaire.

« Cette habitude qui consiste à prendre des faits divers dramatiques pour en faire des phénomènes de société date de l’époque de Nicolas Sarkozy, explique Christian Mouhanna, sociologue et chercheur au CNRS, spécialiste de la justice pénale. Or là on est carrément sur de la fake news car on relève plutôt une baisse des jeunes mis en cause par la police ou poursuivis par les instances judiciaires. Gabriel Attal n’a même pas regardé le site du ministère de la Justice ou de l’Intérieur ! »

La délinquance des mineurs en baisse

Un constat également fait par le Syndicat de la magistrature, qui dénonce une consultation de façade et s’est fendu d’un courrier explicatif et détaillé à la suite des mesures énumérées par le Premier ministre. Les magistrats y rappellent effectivement que la délinquance des mineurs est en baisse depuis une dizaine d’années, mais que les différentes réformes du code de la justice pénale des mineurs (CJPM) a en revanche conduit à une augmentation significative du nombre de mineurs envoyés en prison (+19 % entre les 1er janvier 2023 et 2024, soit 732 mineurs placés en détention), résultat d’une justice punitive plutôt qu’éducative.

« La délinquance augmente, dit-il, mais c’est faux ! il y a les chiffres du ministère de la Justice qui nous disent qu’il y a -20 % de mineurs impliqués entre 2019 et 2022 », détaille Kim Reuflet, présidente du Syndicat de la magistrature.

En 2019, 218 100 mineurs avaient été mis en cause dans des affaires de délinquance, 168 900 en 2022, soit moins de 3 % de la population âgée de 10 à 17 ans. Les vols et recels simples ou aggravés sont les deux catégories de contentieux les plus fréquentes chez les personnes mineures. Viennent ensuite les coups et violences volontaires puis les dégradations.

« Les mesures du gouvernement visent à montrer un visage de fermeté, mais l’objectif ne semble en aucun cas être la lutte contre la délinquance et la récidive, car si on s’intéresse aux pratiques judiciaires, on sait que tout ce qui est proposé par Gabriel Attal ne marche pas. Une justice plus rapide n’est en rien plus efficace. Ce qu’on sait en revanche c’est que la comparution immédiate amène à la prison. Ces annonces se fondent donc sur des contre-vérités ! », poursuit Kim Reuflet.

Illustration de l’inanité de cette pente uniquement répressive, le taux de re-condamnation dans les cinq ans qui suivent une sortie de détention est encore plus importante pour les jeunes que pour les adultes : de l’ordre de 70 % selon une ancienne étude de 2012. À nature, type d’infraction et peine prononcée donnés, les jeunes délinquants récidivent davantage et plus vite que les condamnés plus âgés. Qu’importe que cette politique qui ne se donne plus les moyens de mesures éducatives, d’insertion et d’alternatives à la détention soit un cuisant échec, RN et macronistes poursuivent la fuite en avant.

Pour ce qui est de l’excuse de minorité, il est déjà légalement possible de l’écarter pour les 16-18 ans en fonction du profil de l’adolescent, rappelle la juriste, qui ajoute que les magistrats ne réclament aucune de ces mesures. Quant à la composition pénale sans juge, si elle existe déjà pour les majeurs, elle semble compliquée à mettre en œuvre pour les mineurs par son principe même de faire disparaître le juge (la peine est prononcée par un procureur).

« Cela pourrait poser un problème constitutionnel car la Convention Internationale des Droits de l’Enfant prévoit des acteurs spécialisés pour rendre la justice à l’encontre des mineurs », explique la magistrate.

Justice laxiste ?

Dans ce fatras de propositions contre-productives, la question de la délinquance des mineurs est par ailleurs complètement décorrélée des enjeux environnementaux et sociétaux. Il n’y est pas question de prévention, ni de mesures éducatives, ni de réinsertion, ni de moyens supplémentaires pour les juges des enfants, la pédopsychiatrie, le travail social ou le milieu scolaire, ni d’aides éducatives.

Or, comme le rappelle Mathieu Moreau, membre du bureau du SNPES-PJJ-FSU, syndicat majoritaire de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), « un jeune qui commet une infraction est le signal que quelque chose ne va pas. Il n’y a pas d’un côté des jeunes fragiles et de l’autre des délinquants fauteurs de troubles, non, il n’y a qu’une seule jeunesse en difficulté. C’est la manière d’exprimer cette difficulté qui diffère ».

L’état catastrophique de la protection de l’enfance en France accentue cette tendance à poser une réponse pénale rapide, faute de suivis solides établis en amont. Le syndicaliste rappelle lui aussi qu’il n’y a rien, à ce jour, qui démontre une explosion de la délinquance. Au contraire. « On essaye de nous faire croire que la justice des mineurs est laxiste, alors qu’au niveau de la PJJ nous on voit bien qu’il y a un durcissement de la réponse pénale. On est très loin d’une justice des enfants émancipatrice ! »

Dans ce contexte répressif qui envoie de plus en plus de mineurs derrière les barreaux, que penser alors des propositions du président du Rassemblement national, Jordan Bardella, qui souhaite mettre fin à l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs (communément appelée « excuse de minorité »), abaisser la majorité pénale à 16 ans et supprimer les allocations familiales des parents de mineurs délinquants ?

« Il y a dans cette vision autoritaire et sécuritaire une forme de continuum avec les mesures proposées par Gabriel Attal, constate Kim Reuflet. Mais il n’y a quand même pas d’amalgame possible tant les questions de justice et de sécurité sont les matrices du RN… en pire. » Si la magistrate s’inquiétait déjà d’une atteinte conséquente aux fondements de la justice pénale des mineurs, la possible arrivée au pouvoir du parti d’extrême droite lui fait craindre qu’un certain nombre de mesures « ne soient encore durcies ».

Une jeunesse plus violente qu’avant ?

D’autant que si l’actuel gouvernement ciblait déjà une certaine jeunesse, celle des quartiers populaires, il est évident que le discours (et peut-être les actes) du RN accentueront cette tendance à l’individualisation, en déroulant ad nauseam les poncifs d’une jeunesse plus violente qu’avant. Un discours erroné vieux comme le monde qui semble pourtant fonctionner auprès d’un électorat conservateur, ce qu’Emmanuel Macron a très bien compris, « lui qui a donné, sous l’influence de Gérald Darmanin, un tournant de plus en plus sécuritaire à son deuxième mandat », analyse Christian Mouhanna.

Et pour cause, ces dernières années, le gouvernement a élargi l’arsenal législatif, donnant la possibilité à l’extrême droite de – peut-être – s’en servir à sa guise. « Le RN pourrait mettre de l’huile sur le feu, notamment dans la police. Que va t-il alors advenir du « jeune », a fortiori du jeune racisé de quartier populaire ? », s’inquiète le sociologue, au vu de ce qu’il nomme un discours « néo-colonial, déjà en vogue à l’époque de Manuel Valls ». Car la jeunesse délinquante n’est, aux yeux de ces politiques, pas n’importe quelle jeunesse.

D’après le sociologue Ugo Palheta, maitre de conférence à l’université de Lille et spécialiste des extrêmes droites, la catégorie des « jeunes » a été largement déterminée par les révoltes successives des quartiers populaires – lesdits jeunes sont, implicitement, ceux qui posent problème. « Ce discours public sur la jeunesse est saturé de stéréotypes racistes depuis les années 80. Il est clair que cela pèse sur les cerveaux aujourd’hui. »

Lorsqu’il s’adresse à la jeunesse non délinquante et hors mesures répressives, le parti d’extrême droite n’en cible qu’une seule, celle qui vote en partie pour lui, à savoir la jeunesse rurale ou semi-rurale, principalement blanche. « Cette dernière est une zone de force pour le RN, même si son discours très libéral en matière économique s’adresse aussi à cette jeunesse, sur le mode « il faut travailler dur ». C’est un discours anti-assistanat, qui dresse, sans réellement le dire, une opposition binaire entre la jeunesse post-coloniale des quartiers et la jeunesse des campagnes. C’est une forme d’urbaphobie. »

Alors que les politiques sécuritaires ont prouvé leur inefficacité depuis le début des années 2000, il est à parier que la jeunesse des quartiers populaires sera très probablement la plus violemment réprimée simplement parce qu’elle est cette jeunesse racisée.

Pour Mathieu Moreau, du SNPES-PJJ-FSU, la question de la constitutionnalité de l’excuse de minorité soulevée par Gabriel Attal, a en soi déjà ouvert grand les portes de « la négation de l’enfant ». « Nier la problématique spécifique de l’enfance et de l’adolescence va à l’encontre de toutes les sciences de l’éducation. Si la digue de la constitution tombe, je ne donne pas cher de la PJJ. » « On est dans une forme de criminalisation de la jeunesse, conclut Christian Mouhanna. Bientôt le fait même d’être jeune va être criminalisé. »

Elsa Gambin 27 juin 2024

https://basta.media/

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07 juin 2024 ~ 0 Commentaire

Ho Duy Hai (ACAT)

 

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Ho Duy Hai. © Photo DR – Modification ACAT-France
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Le 05 / 06 / 2024
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N’oublions pas Ho Duy Hai, innocent, dans le couloir de la mort depuis seize ans
Prononcée il y a seize ans, la peine de mort de Ho Duy Hai avait malheureusement été confirmée par la Cour populaire suprême de Hanoï. Il a toujours clamé son innocence, en vain. Ne l’oublions pas.
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Mobilisons-nous pour demander la libération de Ho Duy Hai !

Retournez par voie postale ou par voie électronique à l’Ambassadeur auprès de la Mission permanente du Viêtnam aux Nations unies.

Qui est Ho Duy Hai ?

Ho Duy Hai est la victime d’une erreur judiciaire : il a été condamné à mort pour un double meurtre qu’il n’a pas commis suite à une confession obtenue sous la torture. En outre, l’enquête a été bâclée, truffée d’erreurs et irrégularités. Preuve en est, en novembre 2019, lors du dernier réexamen de son dossier, le Parquet populaire suprême vietnamien avait reconnu que la procédure à son encontre avait souffert d’importants vices. L’un des bureaux chargé de l’enquête avait notamment admis avoir acheté un couteau et une planche à découper qu’ils ont présenté comme preuves lors du procès. Le Parquet avait par conséquent requis l’annulation de sa condamnation. Mais cela n’a pas suffi : en mai 2020, sa peine a finalement été confirmée par les juges de la Cour suprême à Hanoï.

https://www.acatfrance.fr/Ho

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27 mars 2024 ~ 0 Commentaire

Lorenza Cano (ACAT)

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Le 15 janvier, Lorenza Cano Flores a été enlevée par des hommes armés qui sont entrés violemment chez elle. À ce jour, on ne sait rien de son sort. Son cas reflète la tragique réalité des milliers de femmes mexicaines à la recherche de leurs proches disparus.

J’agis pour Lorenza Cano Flores et les mères chercheuses au Mexique.

Qui est Lorenza Cano Flores?

Lorenza Cano Flores, une femme de 55 ans, a rejoint le Collectif Salamanca unis pour les disparus au côté de sa fille en 2018, à la suite de la disparition de son frère José Francisco Cano Flores. Lorenza était l’une des femmes les plus actives de ce collectif.

Le 15 janvier 2024, Lorenza était chez elle avec son mari et son fils. Vers 22 heures, un groupe d’hommes armés a fait irruption dans la maison et l’a enlevée. Lorsqu’ils ont tenté de les arrêter, son mari et son fils ont été abattus sur place. Bien que deux auteurs présumés aient été arrêtés une semaine plus tard, ils ont été relâchés par manque de preuves. À ce jour, on ne sait toujours pas où se trouvent Lorenza et les responsables de ces crimes.

Le Comité des Nations unies sur les disparitions forcées (CED) a reconnu la disparition forcée de Lorenza et a accordé une action urgente dans ce cadre. Il a également demandé à l’État mexicain d’établir un plan de recherche complet et d’identifier le groupe d’hommes armés impliqué. Cependant, les recherches pour retrouver Lorenza se poursuivent sans résultat.

L’enfer des « mères chercheuses »

Le cas de Lorenza Cano Flores est un exemple représentatif des milliers de « mères chercheuses » au Mexique : des femmes courageuses qui sont devenues enquêtrices pour compenser l’inaction de l’État dans la crise des disparitions. En conséquence, ces femmes sont constamment confrontées à des menaces, à des violences physiques, voire à des disparitions et à des meurtres. Avec plus de 111 000 personnes disparues depuis 1962, au moins 234 collectifs de « mères chercheuses » se sont constitués à travers le pays. Ces femmes ouvrent les fosses communes et déterrent les corps en décomposition afin qu’ils puissent être identifiés par des experts médico- légaux. Mais leur travail est entravé par la négligence des autorités.

Les « mères chercheuses » ont vécu la disparition de leurs proches comme une première violence, souvent suivie de différents types de violences à leur encontre pour avoir poursuivi leurs recherches. La disparition de Lorenza Cano Flores nous rappelle que les autorités mexicaines doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité de celles qui, mues par l’amour et la justice, se consacrent à la recherche de leurs proches disparus.

https://www.acatfrance.fr/

L’ONG CHRÉTIENNE CONTRE LA TORTURE ET LA PEINE DE MORT

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16 mars 2024 ~ 0 Commentaire

En Slovaquie (courrier)

Anti-government protest in Kosice

Le pouvoir prorusse veut étendre son influence sur l’audiovisuel public

Pour la énième fois depuis le retour au pouvoir de Robert Fico à l’automne dernier, les Slovaques sont descendus en nombre dans la rue vendredi 15 mars. Cette fois pour rejeter un projet de loi visant à faire de la télévision et de la radio publiques un service à la botte du gouvernement prorusse.

“Un mois et demi après la dernière, une nouvelle manifestation s’est tenue contre le gouvernement de Robert Fico”, constate Dennik N, vendredi soir, 15 mars, après qu’“environ 15 000 personnes à Bratislava sur la place de la Liberté et 3 500 à Kosice [deuxième plus grande ville du pays, dans l’Est] ont répondu à l’appel des partis de l’opposition. La volonté de la ministre de la Culture d’abolir et de contrôler la télévision et la radio publiques et la politique étrangère de Fico, qui éloigne de plus en plus la Slovaquie de ses alliés [occidentaux], étaient les principaux motifs de colère”, explique le quotidien libéral.

“‘Fico en Russie’, a scandé la foule”, titre également le journal au-dessus d’une photo montrant notamment une pancarte sur laquelle le Premier ministre est représenté sous les traits de Jozef Tiso, l’ancien prêtre catholique devenu président de la République qui avait fait de la Slovaquie un pays vassal de l’Allemagne nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale. “Stop à la mafia”, “Stop Fico”, “Tu seras toujours pour nous un lâche, un collaborateur, un mafieux et un criminel”, peut-on lire également, alors qu’un drapeau de l’Union européenne flotte à côté de toutes ces inscriptions.

Depuis son retour au pouvoir et la formation d’une coalition avec un parti d’extrême droite suite à sa victoire aux élections législatives en septembre dernier, Robert Fico, contraint de débarrasser le plancher en 2018 après l’assassinat du journaliste d’investigation Jan Kuciak et de sa compagne, s’emploie sans relâche à verrouiller toute forme de contestation dans ce pays d’Europe centrale de 5,5 millions d’habitants, voisin de la Hongrie de Viktor Orban.

Dernier exemple en date : la présentation, lundi 11 mars, par la ministre de la Culture, Martina Simkovicova, membre du Parti national slovaque, une formation ultranationaliste et prorusse, d’un projet de loi visant tout à la fois à limoger l’actuel directeur de la RTVS, la Radio et Télévision slovaques, et à renforcer le contrôle de l’État sur le groupe audiovisuel public via la mise en place d’une nouvelle gouvernance.

“Suivre les manuels des autocrates”

“Au lieu de RTVS, ils veulent TV Slovan, au lieu de la liberté, ils veulent la censure”, résume ainsi Dennik N dans un autre article. “L’attaque contre la RTVS était attendue. Mais ce qui est effrayant, c’est qu’elle a lieu à un moment où le gouvernement s’en prend à tous les médias indépendants et où de moins en moins de médias sont indépendants. […] Les manuels des autocrates placent le contrôle des médias, et en particulier des médias publics, en tête de la liste des mesures à prendre”, souligne encore le journal qui, lors de sa fondation il y a quelques années, a justement fait de son indépendance financière la règle d’or de son fonctionnement.

“Fico a besoin d’un canal officiel pour atteindre les foyers les plus éloignés (du pays) et légitimer ses attaques contre ses opposants politiques et les médias. L’autre dérive est la création d’un conseil des programmes, un organe par lequel le gouvernement pourra contrôler le contenu des émissions”, explique également SME. “RTVS dessert également la partie de la population qui ne lit pas les journaux ou ne suit pas l’actualité sur Facebook, vers qui Robert Fico a déplacé son centre de propagande”, note le quotidien généraliste slovaque le plus lu du pays.

“La guerre a la liberté”

Spécialisé dans les enquêtes d’investigation, dont plusieurs par le passé ont étalé au grand jour les pratiques obscures de Robert Fico et de ses proches collaborateurs, le site Aktuality.sk, où Jan Kuciak travaillait avant d’être tué, rue dans les brancards, lui aussi, estimant qu’avec ce projet de loi, la Slovaquie retourne à l’époque d’avant la révolution de novembre 1989 et que les mesures du gouvernement rappellent les années sombres de “normalisation” dans l’ancienne Tchécoslovaquie communiste (période qui a suivi l’écrasement du Printemps de Prague en 1968 marquée par la reprise en main politique et idéologique de la société par la ligne conservatrice du Parti).

“Le gouvernement Fico a commencé à appliquer une véritable censure. La coalition a déclaré la guerre à la liberté. Elle s’attaque quotidiennement à la démocratie. Elle utilise les pratiques les plus sales pour parvenir à ses fins et rien n’indique qu’elle entende s’arrêter en si bon chemin”, s’indigne son rédacteur en chef.

“On ne vit plus dans les années 1990”

Finalement, alors que quelque 800 employés de la RTVS ont signé une lettre ouverte réclamant au gouvernement de retirer son projet et que 200 journalistes de différents médias slovaques ont signé une déclaration en faveur de l’indépendance de la RTVS, seul Pravda se montre moins virulent dans ses réactions.

Dans un commentaire intitulé “Ne nous mentons pas sur la RTVS”, le quotidien de gauche regrette que “nous ne sachions plus débattre et résoudre les problèmes sociaux importants sans hystérie et sans exagération, […] alors que les médias de service public font l’objet d’un débat et que leur financement évolue dans toute l’Europe”. “Les cris sur la nationalisation de la télévision ou le contrôle des services publics ne font que détourner l’attention de l’essentiel”, à savoir la qualité des programmes d’une RTVS “à la traîne par rapport à ses partenaires européens”, selon l’auteur pour, qui, de toute façon, “la couverture de l’actualité, son objectivité, reste toujours surestimée”. “C’est comme si nous vivions encore dans les années 1990, lorsque la télévision et la radio slovaques avaient une grande influence et étaient loin d’être objectives. Mais cette époque est révolue à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux.”

Un avis toutefois largement isolé, d’autant plus après que dans le même temps, mercredi 13 mars, le Parlement européen a adopté un règlement sur la liberté des médias. Et si la présidente libérale Zuzana Caputova s’est empressée de souligner que le projet de loi en Slovaquie était contraire à cette nouvelle législation européenne visant précisément à protéger l’indépendance de la presse, il est fort à parier que Robert Fico en fasse, lui, bien peu de cas.

Guillaume Narguet

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12 mars 2024 ~ 0 Commentaire

La Brèche (NPA)

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« Racismes d’Etat, états racistes » (éditions Amsterdam, 2024)

Présenté par son auteur Olivier Le Cour Grandmaison

Samedi 16 mars à 17h

Librairie La Brèche, 27 rue Taine, Paris 12e

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04 février 2024 ~ 0 Commentaire

profanations à gaza (courrier)

Des tombes endommagées dans un cimetière après un raid israélien à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 17 janvier 2024. Des tombes endommagées dans un cimetière après un raid israélien à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 17 janvier 2024. Photo Ahmed Zakot/REUTERS The Electronic Intifada

Palestine. La profanation des tombes à Gaza, l’autre visage d’une guerre sans nom

Alors que les combats font rage autour de la ville de Khan Younès, dans le sud de Gaza, les cimetières ne sont pas épargnés, raconte le site “The Electronic Intifada”, des sépultures ayant été détruites par Tsahal, selon des proches de personnes défuntes, qui déplorent une volonté d’effacement d’un peuple.

Israël commet des crimes abominables dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre actuelle. Il y a parmi ces crimes l’invasion de cimetières et la profanation de tombes. Alors qu’Israël avait imposé une coupure totale d’Internet et des télécommunications, son armée a envoyé des chars dans la zone à l’ouest de Khan Younès, dans le sud de Gaza. Le centre médical Nasser se trouve là, et nombre de mes proches sont inhumés dans un cimetière voisin.

Des tombes détruites au bulldozer

Pendant la coupure d’Internet, nous restions informés grâce à la radio : c’est comme ça que nous avons appris que l’armée israélienne avait déterré des tombes et les avait détruites au bulldozer. Quand ma mère l’a appris, elle nous a rappelé que des membres de sa famille reposaient dans le cimetière en question.

Mon frère y est allé et a vu que l’armée israélienne avait détruit les sépultures de mon grand-père et de ma grand-mère. Nous avons beaucoup pleuré en l’apprenant. Ragheb, mon grand-père, est mort il y a deux ans presque jour pour jour. Il ne détestait rien tant que les guerres.

À chaque fois qu’on essuyait une attaque de grande ampleur, il essayait de nous dire que les périodes difficiles finiraient par passer. Il nous apportait son soutien. Malgré toute sa patience, les guerres précédentes d’Israël contre Gaza l’affectaient psychologiquement.

Pendant la guerre actuelle, j’ai confié à ma mère que mon grand-père aurait été extrêmement triste s’il avait été en vie et témoin des horreurs infligées à Gaza. Les personnes âgées souffrent terriblement d’être déplacées et sont terrifiées par les bombardements.

Une guerre contre les morts ?

On souffre quand la tombe d’un proche est détruite. On a l’impression qu’Israël efface tout ce qui a un lien avec la population gazaouie. Vit-on maintenant une guerre contre les morts en plus d’une guerre contre les vivants ? Il n’y a aucun combattant dans les cimetières, pas plus qu’il n’y a de personnes en vie.

La perte de ces sépultures vient amplifier le deuil que traverse Gaza. L’ONG Euro-Med Human Rights Monitor a accusé Israël d’avoir ciblé la majorité des cimetières à Gaza. Ces attaques sont contraires au droit international, qui exige le respect des défunts en temps de guerre.

Khaled Al Sir, 55 ans, habite à Khan Younès. Après une nuit d’intenses violences, qui ciblaient principalement le centre médical Nasser et ses environs, Israël a retiré ses chars de la zone visée. Au matin, il s’est rendu dans un cimetière local.

“Nous avons vu que les tombes étaient détruites, témoigne-t-il. Dans certaines, il n’y avait plus de corps. L’armée israélienne les avait volés. J’ai vu un jeune homme pleurer près du cimetière car il ne trouvait plus la tombe de sa mère.”

“C’est comme s’il était mort une seconde fois”

Il a expliqué qu’il se rendait tous les jours sur sa tombe pour lui raconter sa journée, lui dire ce qui l’avait rendu heureux ou triste, poursuit Khaled Al Sir. Ça l’aidait à faire son deuil. Comment aller sur sa tombe si elle n’existe plus ?”

Raeda Salama, 35 ans, a été choquée d’apprendre que la sépulture de son père avait été prise pour cible. “Ma mère a énormément pleuré en l’apprenant, confie-t-elle. C’est comme s’il était mort une seconde fois. Avant, elle allait sur sa tombe une fois par mois, elle préparait des friandises pour les distribuer au cimetière à des personnes à qui elle demandait de prier pour mon père. En détruisant sa tombe, l’occupation israélienne lui a maintenant interdit de lui rendre visite.”

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26 janvier 2024 ~ 0 Commentaire

crise (basta)

Crise agricole : « Le problème est une overdose normative »

Alors que la colère agricole s’amplifie, le gouvernement promet « l’arrêt de la surtransposition des normes européennes ». Une « erreur juridique », selon le chercheur Dorian Guinard, qui empêche de s’attaquer aux distorsions de concurrence.

La colère d’une partie du monde agricole français est légitime, concernant notamment les niveaux de rémunération, certains traités internationaux favorisant l’importation déloyale sur le plan concurrentiel de produits agricoles, ou la très grande lourdeur des charges administratives internes. Elle se fait ces derniers jours de plus en plus forte sur fond de contestation du Green Deal européen.

Les enjeux sont immenses. Ils sont notamment liés au départ à la retraite de 55% des agriculteurs d’ici 2030 et aux disparités des revenus agricoles, 18% des ménages agricoles vivant sous le seuil de pauvreté. Mais le débat est parfois (très) mal posé.

Car certains arguments infondés reviennent dans les discours : l’antienne de la « surtransposition », de nouveau présente au sein des éléments de langage, est ainsi reprise par certains représentants syndicaux [1] et personnels politiques de premier plan, singulièrement le ministre de l’Agriculture.

Source de tous les maux ?

Que veut dire « surtransposition » ? Le terme désigne la transposition d’une directive par une norme interne – une loi par exemple – qui irait plus loin que les dispositions de celle-ci, c’est-à-dire qui « excéderait les obligations résultant d’une directive » selon le Conseil d’État [2]. Cette surtransposition serait, avec les normes environnementales européennes, source de bien des maux des agriculteurs français. L’idée est martelée, mais la réalité donne tort à ceux qui la prononcent.

Il faut noter que seules les directives européennes sont concernées par ce phénomène, et non les règlements de l’Union. Et pour cause : seules les directives de l’UE doivent être transposées – autrement dit intégrées dans notre droit français par une norme française – et non les règlements de l’Union qui sont d’application immédiate et « obligatoires dans tous leurs éléments » [3]. Ces derniers ne font donc l’objet d’aucune transposition, et logiquement, encore moins de surtransposition : ils s’appliquent tels quels sur l’ensemble du territoire de l’Union.

Dans le domaine agricole, comme dans tous les autres, ce sont ainsi les directives qu’il faut scruter pour voir s’il existe une éventuelle « surtransposition ». L’avis du Conseil d’État précité est de ce point de vue éclairant : le Conseil ne pointe, dans le domaine agricole, qu’une éventuelle surtransposition [4] à propos de … la chasse de certains oiseaux « pour prévenir des dommages importants causés aux cultures, au bétail, aux forêts, aux pêcheries et aux eaux ».

Le projet de loi de 2018 portant suppression des surtranspositions en droit français ne consacrait, lui, qu’un seul article (contre 5 à l’environnement) à l’agriculture à propos des autorisations de mise sur le marché de médicaments vétérinaires. Premier constat : la surtransposition n’est pas un phénomène juridique fréquent, spécialement dans le monde agricole.

Pas de surtransposition en matière de pesticides

En second lieu, regardons du côté des produits phytopharmaceutiques car ils sont systématiquement évoqués quand est mentionnée la surtransposition : dans la presque totalité du droit des pesticides relevant des règlements, on n’identifie pas de surtransposition. Si la France a adopté une position différente de plusieurs pays de l’Union concernant certaines substances actives [5], elle ne le fait qu’en mettant en œuvre un règlement de l’Union et aucunement en « surtransposant ».

Plus loin, autoriser ou ne pas autoriser un produit phytopharmaceutique n’est pas une surtransposition mais la mise en œuvre d’une compétence (habilitée par le système juridique de l’Union) conditionnée par une analyse scientifique interne (l’ANSES en l’espèce). Le problème n’est donc pas celui de la surtransposition mais plutôt d’une certaine « overdose » normative (ce qu’on comprend évidemment) et de certains écarts réglementaires en réalité pas si fréquents dans le monde agricole comme on peut le lire dans un rapport du Sénat.

Il reste que ces écarts réglementaires entrainent in fine des distorsions concurrentielles, véritable problème évoqué à juste titre par plusieurs représentants syndicaux. Cette question des distorsions concurrentielles implique de revenir rapidement sur leurs causes et ensuite sur la façon de les surmonter.

La France peut interdire l’importation

Les absences d’autorisation de produits phytopharmaceutiques peuvent être fondées sur des clauses dites « de sauvegarde » visées par les règlements de l’UE, actionnables pour protéger l’environnement ou la santé, causant de fait une situation différenciée avec les agriculteurs d’autres pays non régis par ces interdictions.

Mais, et c’est fondamental de le souligner, la France peut également si elle estime qu’une substance active (et/ou un produit) présente un danger, interdire l’importation d’aliments ayant fait l’objet d’un traitement avec celle-ci dans l’UE, comme elle l’a fait le 16 mars 2023 à propos des cerises contenant la substance active « phosmet », en actionnant le règlement de l’UE du 28 janvier 2002.

Il faut également se poser la question des raisons pour lesquelles les autres États et leurs agences adoptent telle ou telle position sur ce type de substances. Cette possibilité d’interdire l’importation – exceptionnellement mise en œuvre car elle suppose la mise au jour scientifique d’un danger causé par les aliments traités – protège les productions nationales et amenuise les distorsions concurrentielles. De façon relative néanmoins car la question de l’exportation de la production française, donc celle des rendements, reste posée.

Ne pas tirer les normes vers le bas

Pour finir sur les pesticides, c’est à notre sens au niveau de l’Europe qu’il faut en partie agir. Par exemple – la liste n’est pas exhaustive – en luttant concernant le marché intérieur pour une véritable harmonisation des pratiques nationales des règlements de l’UE, via les agences sanitaires, pour homogénéiser strictement la mise en œuvre.

Mais sans tirer les normes environnementales vers le bas. Concernant le marché extérieur, l’instauration de clauses et mesures miroirs dans la négociation des traités internationaux, comme l’UE l’a fait en février 2023 à propos de deux néonicotinoïdes, est fondamentale.

Les pistes, nombreuses et complexes, pour améliorer la situation des agriculteurs procèdent aussi, et surtout, de la pure politique nationale, en sachant qu’il faut préserver les impératifs de protection de la santé et de l’environnement. Elles ne pourront cependant être correctement exploitées qu’en identifiant les tout aussi nombreux problèmes auxquels nos agriculteurs sont confrontés. Et la surtransposition n’en fait pas partie.

Dorian Guinard  26 janvier 2024

Dorian Guinard
Maître de conférences en droit public à l’Université Grenoble-Alpes.

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