
Une nouvelle étape de la mobilisation
Une fois de plus, en écho à la mobilisation de l’année dernière, les lycéen-ne-s se mettent en pointe de la contestation sociale en refusant de laisser impuni le crime d’Etat que constitue l’assassinat de Rémi Fraisse. Ils étaient plus de 3000 jeudi dans les rues parisiennes, et à nouveau quelques centaines vendredi.
«Lycéens en colère, Contre les violences policières!» «On peut désormais parler d’«affaire Rémi Fraisse»: c’est un ainsi que débutait l’article des Echos sur la journée de jeudi. «Désormais», l’affaire Rémi Fraisse ne peut rester plus longtemps le synonyme d’une entreprise de communication réussie pour le gouvernement et la caste politico-médiatique. Après de longues journées de vacances où il avait semblé possible de faire oublier ce crime d’Etat, voire de criminaliser les rassemblements qui s’étaient tenus dans toute la France, la mobilisation lycéenne de ces deux derniers jours a remis à l’ordre du jour la seule réponse possible face à la mort de Rémi Fraisse: une réponse militante, une réponse de rue, bien loin des cierges et des minutes de silence apolitiques.
Dès le début de semaine, les réseaux sociaux s’agitaient de la colère lycéenne. De commentaires facebook en boucles de textos, l’idée qu’on ne pouvait pas ne pas réagir à la mort d’un jeune, d’un camarade, s’est propagée de lycée en lycée. Organisation du blocage, écriture de slogans, confection de pancartes et de banderoles: jeudi, c’est au total 15 lycées qui ont été totalement bloqués, et 14 autres à demi-bloqués avec un filtrage à l’entrée, selon les sources policières.
Ils étaient ensuite plus de 3000 qui, au pas de charge, sont descendus de la place de la Nation jusqu’à Bastille, puis jusqu’à Place d’Italie, en un cortège très dynamique, animé de slogans de colère contre la police et ses « bavures », qui rappellent à de nombreux lycéen-ne-s leurs mauvaises expériences avec les flics. Cette dernière a d’ailleurs brillé par son absence, certainement suite à de nouvelles consignes: pas question d’un nouveau scandale… Vendredi à nouveau, les lycées au cœur du mouvement (Voltaire, Montaigne, Ravel, Hélène Boucher, Paul Valéry, Monet, Racine, Turgot, Brassens ou encore Suger dans le 93…) poursuivaient la mobilisation et reprenaient la rue.
Ces réseaux lycéens qui s’organisent, qui préparent la mobilisation plusieurs jours à l’avance, tout cela est un héritage de l’année dernière, lorsque les lycéens avaient déjà montré l’exemple en soutenant leurs camarades sans-papiers [1]. C’est ce qui permet aujourd’hui cette alliance puissante entre la spontanéité de la jeunesse lycéenne, qui pourrait bien être une étincelle, et la construction consciente d’équipes combatives sur chaque lycée, qui renoue avec la tradition du mouvement lycéen de l’hexagone. Cette dynamique est d’autant plus exemplaire que de manière scandaleuse, aucune des organisations de jeunesse plus traditionnelles n’a cherché à construire la nécessaire mobilisation. La Fidl ou l’UNL font la démonstration de leur soumission au gouvernement, de même que la direction de l’Unef, de loin la plus grosse organisation syndicale étudiante, qui a 15 jours de cet assassinat n’a toujours rien entrepris !
L’air du temps souffle dans les brêches des lycées-casernes Les organisations du mouvement étudiant comme du mouvement ouvrier restent en effet pour l’instant atones, presque décidée à subir le rapport de force défavorable qui a mené à la mort d’un camarade de lutte. Les lycéens relèvent la tête, et ils pourraient bien incarner un climat plus général.
C’est aujourd’hui pour Rémi Fraisse, pour sa mémoire, qu’ils manifestent, mais plus largement, contre la violence de cette société et de cet Etat. La côte de popularité du gouvernement en baisse depuis des mois, le mépris explicite des ministres envers les classes populaires, la rentrée catastrophique de Hollande et du gouvernement Valls 2, associée au refus des médiations réformistes de le combattre un tant soit peu, voilà ce qui fixe le terreau et le faciès de cette colère lycéenne.
La police, qui tend à devenir la dernière cartouche du gouvernement quand sa méthode de «dialogue social» s’effrite, vient incarner cette crise. Tous les lycéens font alors le lien entre la mort de Rémi et les violences policières vécues au quotidien, que ce soit dans les quartiers ou envers leurs camarades lycéens sans papiers. Sur le lycée Voltaire, c’est notamment cette dernière question qui a aussi fait le sens du blocus de jeudi, celui-ci devenant aussi le moyen de protester contre l’expulsion de Yero, lycéen mauritanien de 17 ans. Et à Saint-Denis, sur le lycée Paul Eluard, c’est bien évidemment les harcèlements policiers et contrôles au faciès quotidien qui ont construit le blocus.
Les lycéens montrent la voie! Les organisations du mouvement ouvrier et du mouvement étudiant doivent prendre en charge l’extension de la mobilisation à suivre! Les manifestations lycéennes de ces deux derniers jours ont poussé les organisations politiques et syndicales à proposer une réaction unitaire après la mort de Rémi. C’est ainsi que doit réagir le mouvement ouvrier, de façon à ne pas rendre possible que le gouvernement Hollande-Valls-Cazeneuve puisse s’en tirer à bon compte après le meurtre d’un jeune manifestant. Différentes initiatives en province vont en ce sens, avec des rassemblements militants à Lyon, à Caen, à Rouen… A Toulouse, à l’université du Mirail, une assemblée générale a rassemblé 700 étudiants, qui ont appelé à une journée nationale de mobilisation contre les violences policières jeudi prochain. Voilà la perspective qu’il faut suivre, pour que la lumière soit faite sur la mort de Rémi, pour que les coupables, policiers mais surtout leur donneur d’ordre Ministre de l’Intérieur, payent pour leurs actes, pour inverser le rapport de force contre la répression du mouvement social.
[1] Voir notre article : http://www.ccr4.org/Quand-les-lycee…
[2] Voir notre déclaration : http://www.ccr4.org/a-une-semaine-d…
http://www.ccr4.org/Remi-Fraisse-des-milliers-de-lyceens-reprennent-la-rue
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