Voici les informations sur les soirées d’information organisées par la Coalition du Québec URGENCE Palestine :
« PALESTINE, une histoire qui n’a pas commencé le 7 octobre 2023 : LES RACINES DU GÉNOCIDE À GAZA » : une série de cinq soirées d’information organisées par la Coalition du Québec URGENCE Palestine
Pour contribuer à mieux comprendre la situation de la Palestine au-delà du discours dominant et à développer la solidarité, la Coalition du Québec URGENCE-Palestine a préparé une série de CINQ SOIRÉES D’INFORMATION. Ces soirées porteront sur l’histoire de la dépossession du peuple palestinien, les enjeux géopolitiques qui l’ont traversée, la constance de la complicité du Canada, et les mouvements de la résistance palestinienne.
Ces soirées seront offertes par webinaire ET en présentiel à la salle A-4180, Département de géographie, UQAM, Montréal. Les soirées seront enregistrées et rendues disponibles par la suite sur la chaîne Youtube de la Coalition.
26 février, 19 h : De la naissance du sionisme à la Nakba (1897-1949)
Avec Dyala Hamzah et Yakov Rabkin
Le projet sioniste et la colonisation de la Palestine. Le plan de partition de la Palestine, la Nakba et la création de l’État d’Israël.
Pour s’inscrire au webinaire de la première soirée, vous pouvez déjà remplir ce formulaire.
12 mars, 19 h : Du nettoyage ethnique au génocide (1967- 2025)
La colonisation et l’occupation étendues à toute la Palestine et l’instauration d’un régime d’apartheid. L’échec des processus de paix. Le blocus et les guerres d’Israël à Gaza, jusqu’au génocide actuel.
2 avril, 19 h : La Palestine au cœur d’enjeux géopolitiques complexes
Le peuple palestinien pris dans un imbroglio d’intérêts géopolitiques et d’enjeux régionaux qui font aussi obstacle à l’autodétermination. L’impunité israélienne au mépris du droit international.
23 avril, 19 h : L’hypocrisie de la politique canadienne
Le soutien inconditionnel du Canada à Israël depuis sa création. Collaborations militaires, économiques, culturelles, etc. Un mouvement de solidarité avec la Palestine qui peine à se faire
entendre.
14 mai, 19 h : Les mouvements de résistance palestinienne
Les racines de cette résistance. Son développement à vaste échelle depuis 1967. Lutte armée, Intifada, BDS, Grande marche du retour, organisation de la société civile. Les divisions entre l’Autorité palestinienne et le Hamas.
La « capitale la plus polluée au monde » fait face à un terrible épisode de pollution aux particules fines. La santé des enfants, notamment des plus pauvres, est fortement affectée alors que cet « airpocalypse » devient la norme.
New Delhi (Inde), correspondance
Aparna Agarwal revient tout juste de l’Himalaya où elle a fui avec sa fille de 6 ans et son fils de 3 ans. « Depuis l’arrivée du smog sur New Delhi, ils toussent comme jamais. Ma fille est victime de maux de tête constants. Il leur est impossible de se concentrer ou même de s’amuser. Alors, nous sommes partis dans les montagnes pour éviter d’aggraver ces problèmes respiratoires », raconte cette mère de 35 ans qui vit à Noida, une banlieue à l’est de New Delhi.
Après quelques jours au contact de l’air pur, les symptômes de ses enfants ont diminué, mais pour combien de temps ? « Les habitants de New Delhi se réjouissent dès que la pollution a un peu baissé, mais les niveaux restent extrêmement élevés ! », s’inquiète Aparna Agarwal. Il y a une semaine, la pollution aux particules fines 2,5 (inférieures à 2,5 microns) était 60 fois supérieure aux seuils fixés par l’Organisation mondiale de la santé à New Delhi. Elles sont aujourd’hui « seulement » 30 fois au-dessus des normes…
Maladies chroniques mortelles
L’air est vicié toute l’année à New Delhi, mais cette pollution explose en novembre. Le froid hivernal, les fêtes hindoues célébrées avec des pétards polluants, l’agriculture sur brûlis des régions alentour, les usines et chantiers de la capitale : tout concourt pour créer un cocktail mortel. Les mesures gouvernementales timides, telles que la fermeture des écoles ou les solutions fantasques comme les tours antipollution, sont impuissantes face à la catastrophe.
La revue Lancet a attribué à la mauvaise qualité de l’air la mort de 1,67 million d’Indiens en 2019. À Delhi, les experts s’inquiètent des conséquences pour les plus jeunes. « Les enfants continuellement exposés alors que leurs poumons se développent sont extrêmement vulnérables », explique le docteur Nikhil Modi, pneumologue. « En quinze ans, j’ai vu les cas d’asthme et d’allergies exploser. Cet hiver, les consultations ont été multipliées par trois. » Seule l’élite a les moyens, comme Aparna Agarwal, d’éloigner temporairement ses enfants de l’air empoisonné.
Ces maladies chroniques sont une bombe en puissance. « L’espérance en vie des enfants diminue alors qu’on les voit développer des maladies mortelles de fumeurs : cancer des poumons, attaques cardiaques, AVC », alerte ce spécialiste en pédiatrie pour qui cette année est une des pires jamais vues à New Delhi. « Cela affecte aussi les familles, avec des heures de travail perdues pour les parents, qui viennent ajouter à la précarité économique de beaucoup de familles. »
Les plus pauvres sans solutions
Bhavreen Khandari, à la tête de Warriors Moms, une association de mères militants contre la pollution, ne décolère pas. « De qui se moque-t-on en faisant croire que fermer les écoles est une solution ? Il n’y a que 3 % de la population qui dispose de grands appartements et purificateurs d’air. Les enfants vont s’entasser dans une pièce polluée où l’on se chauffe parfois au charbon ! » Aparna Agarwal, elle, « empêche ses enfants de gambader dehors et leur fait suivre des cours en ligne », mais se lamente pour ceux « à qui on donne le choix entre la faim ou la toux, car le repas de midi à l’école est fondamental pour les plus pauvres ».
« Les industriels devraient être jetés en prison »
Les associations de défense des enfants ont déposé de nombreuses plaintes auprès d’institutions comme la Cour suprême. Cette dernière appelle régulièrement à des mesures ponctuelles, comme, récemment, le contrôle des véhicules polluants. Des mesures rarement suivies d’effets sur le terrain. « La seule solution, c’est de combattre pour de vrai la pollution de l’air, juge Bhavreen Khandar. On perd espoir car, chaque année, on nous fait des promesses vides. Les industriels et responsables devraient être jetés en prison car ils tuent nos enfants ! »
Mort de Rémi Fraisse : 10 ans après, retour sur un tournant de la lutte écologiste
Voilà dix ans que Rémi Fraisse, botaniste de 21 ans, a été tué par un gendarme. Reporterre revient sur la lutte contre le barrage de Sivens, une page violente de l’histoire des luttes environnementales.
26 octobre 2014, Lisle-sur-Tarn. Il était 1 h 45 du matin, quand un jeune homme de 21 ans s’effondrait, mortellement touché par une grenade offensive lancée par un gendarme. Cet homme, c’est Rémi Fraisse, le premier militant écologiste tué par les forces de l’ordre en France depuis l’antinucléaire Vital Michalon, abattu en 1977 par le même type d’arme.
Quelques heures plus tard, le chantier du barrage de Sivens contre lequel il manifestait était suspendu. Mais la zone humide du Testet, l’une des plus importantes du département du Tarn, était déjà entièrement détruite. Comment l’obstination pour un projet mal pensé, mené à marche forcée et voué à l’échec a conduit à la mort d’un manifestant dans une campagne française ? Dix ans après, Reporterre revient sur cette page violente de l’histoire des luttes environnementales.
Pourquoi un barrage ?
À l’origine du drame, il y a un projet dit « d’utilité publique » : le barrage de Sivens, du nom de la forêt qui entourait la zone concernée, dans la commune de Lisle-sur-Tarn. Dans les années 2000, les pouvoirs publics voulaient construire une retenue artificielle sur le Tescou, petite rivière serpentant entre Gailllac et Montauban. Principalement porté par le département du Tarn, ce projet visait officiellement à augmenter le débit du cours d’eau en aval.
En réalité, il concernait essentiellement la « constitution de réserves en eau » destinées à l’irrigation pour des productions de céréales (notamment du maïs). Près de 85 exploitants agricoles se disaient intéressés au départ, mais une partie d’entre eux disposaient déjà de leur propre solution de stockage d’eau. Le projet ne bénéficiait donc qu’à un très petit nombre d’exploitants, à peine une trentaine — comme l’a par la suite établi un rapport d’expertise. Rapport qui soulignait également combien l’option d’un barrage avait alors été choisie « sans réelle analyse des solutions alternatives possibles ».
En 2009, le conseil départemental du Tarn votait tout de même la construction d’une retenue artificielle d’1,5 million de mètres cubes d’eau, pour un coût estimé de 9 millions d’euros.
Pourquoi les écologistes s’y sont-ils opposés ?
Sur les 36 hectares d’emprise du projet se trouvait une zone humide boisée de plus de 11 ha aux abords du Tescou. Avec 94 espèces protégées recensées, c’était l’une des dernières zones humides de cette importance existant encore dans le Tarn. Ainsi, le Conseil supérieur de protection de la nature (CNPN) avait donné par deux fois un avis défavorable, du fait de manquements sur la protection des espèces, et parce qu’il jugeait que les mesures de compensation des zones naturelles détruites étaient « irréalisables, inadéquates ou très hypothétiques ».
Au tout début de la lutte, associations locales, paysans et écologistes se sont donc opposés au barrage en usant des moyens légaux. Dès 2012, le collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet s’est mobilisé — pétition, rassemblements, chaîne-humaine — pour contester l’utilité du projet. Cela n’a pas empêché la préfecture du Tarn d’autoriser le projet en 2013, aussitôt contesté devant la justice par les opposants.
Dans le même temps, une autre partie d’entre eux a alors entamé l’occupation d’un vieux corps de ferme, La Métairie Neuve, situé à 3 km à l’est du projet de barrage. L’année d’après, la préfecture du département autorisait le démarrage du chantier de déboisement, sans attendre l’épuisement des recours juridiques. Malgré les multiples irrégularités — autorisation de défrichement postérieure au début du chantier, destruction de vestiges archéologiques — et l’action des opposants, la zone humide du Testet fut entièrement rasée, et le sol aplani.
Reporterre a été le premier média à s’intéresser à cette lutte d’abord locale, dans la campagne occitane. Au départ, il n’y avait qu’une poignée d’occupants permanents, rassemblés au sein du collectif Tant qu’il y aura des bouilles, du nom des zones humides en patois local. La lutte a pris de l’ampleur et une zad s’est créée, comptant quelques centaines d’occupants, au point de faire figure de « Notre-Dame-des-Landes du Tarn ». Les zadistes utilisaient des techniques non-violentes pour défendre la forêt : ils se perchaient dans les arbres, s’enterraient dans le sol, et ont même entamé une grève de la faim. En face, la répression policière s’est accentuée, contribuant au changement d’échelle de la lutte.
L’occupation a été perturbée dès le départ par un harcèlement policier préfigurant celui qu’ont vécu les opposants de l’A69 : les occupants ont été expulsés à plusieurs reprises, et leurs campements successivement détruits. Par ailleurs, on recense de nombreuses blessures et humiliations liées aux interventions policières : un traumatisme crânien, un tir tendu de flashball reçu sur le bras, des tirs de lacrymos à bout portant sur le torse, une jeune fille avec quatre points de suture réalisés en urgence à la jambe à la suite d’un coup de matraque… S’est ajoutée à cela l’action de milices pro-barrage : pneus crevés, pare-brises défoncés, campements saccagés, affaires volées, tentatives d’intimidation…
Pour le gouvernement socialiste de l’époque, déjà embourbé à Notre-Dame-des-Landes, céder à la pression des zadistes de Sivens aurait été perçu comme un aveu de faiblesse. « Ma politique est de débloquer ce pays », clamait le Premier ministre Manuel Valls, devant un parterre d’agriculteurs en 2014. « Mobiliser la ressource en eau est un élément décisif pour l’installation des jeunes agriculteurs, c’est pour cela que nous avons tenu bon au barrage de Sivens. »
Comment Rémi Fraisse est devenu un symbole de la répression
Malgré la destruction de la zone humide, 3 000 personnes se sont retrouvées les 25 et 26 octobre 2024 pour le plus grand rassemblement contre le barrage, devenu enjeu national. La présence de gendarmes mobiles, malgré une mobilisation bon enfant, a fini par exaspérer une partie des manifestants, et la tension est montée. La nuit tombée, les affrontements sont devenus plus violents et vers 1 h 45 du matin, des gendarmes ont décidé de lancer une grenade dite « offensive ». Le projectile a explosé dans le dos d’un jeune homme désarmé. Quand les secours sont arrivés, il était déjà trop tard : Rémi Fraisse était mort sur le coup.
Aujourd’hui, on le connaît surtout via cette photo un peu floue, devenue iconique dans les milieux écolos : de profil, le regard de biais, un visage aux traits doux, cheveux longs, noués en dreadlocks. Rémi Fraisse avait 21 ans. Étudiant toulousain, botaniste pour l’association France Nature Environnement, il s’impliquait dans des actions de protection de la nature dans la région toulousaine, notamment sur la biodiversité urbaine. « Quelqu’un de gentil et de doux », décrivaient ses proches, auquel beaucoup de jeunes de l’époque ont pu s’identifier. Loin d’être un militant de longue date dans la lutte de Sivens et encore moins un occupant de la zone, il faisait partie de ces centaines de citoyens venus sur place ce week-end là pour protester contre ce projet.
Quelles condamnations pour les forces de l’ordre ?
Le gendarme auteur du lancer de la grenade, interdite depuis fin 2014 dans l’arsenal policier, n’a jamais été condamné. Après une enquête compliquée, la justice a ordonné le non-lieu le 9 janvier 2018. Une décision confirmée en appel deux ans plus tard en 2020 puis en cassation en mars 2021.
De son côté, la cour administrative d’appel a considéré qu’il y avait bien eu « une faute commise par les forces de l’ordre » et condamné l’État, pour le préjudice moral, à verser quelques milliers d’euros à ses proches.
Par Scandola Graziani, Elsa Souchay et JB Meybeck (dessins)
Des pesticides cancérogènes retrouvés dans l’organisme d’enfants près de La Rochelle
Des traces de pesticides ont été retrouvées dans les cheveux et l’urine de 72 enfants près de La Rochelle. Le résultat d’une enquête citoyenne sur les causes de la surincidence de cancers pédiatriques dans la zone.
La Rochelle (Charente-Maritime), reportage
Sophie Guillard a toute une liste de molécules à la main, les résultats des analyses de sa fille Fleur, auxquels elle ne comprend rien. « Et ça on le retrouve dans quoi ? »« Le lindane ? À peu près partout. Ne regardez pas sur internet, c’est un cancérogène avéré, interdit, persistant. »
En cette soirée de restitution des résultats de l’enquête de l’association Avenir Santé Environnement, le 12 octobre, à chaque parent qui défile avec de nouvelles questions, Laurence Huc, toxicologue, a d’autres mauvaises nouvelles à annoncer. L’atrazine : neurotoxique. Le diméthylsulfate : mutagène. Le terbutryn : reprotoxique. La liste est longue. Au total, quatorze pesticides interdits dans les cultures ont été retrouvés dans les cheveux et l’urine de 72 enfants participant à ce projet de recherche citoyen près de La Rochelle.
La plupart de ces pesticides avaient déjà été trouvés dans l’air de la plaine d’Aunis. En 2023, la dernière étude atmosphérique avait recensé 70 substances interdites. Mais un produit surprise a été relevé dans l’urine de plusieurs enfants : l’acétamipride, un néonicotinoïde interdit depuis 2018. « On a une corrélation entre la proximité des enfants avec les cultures et le taux. Plus ils sont près des exploitations, plus ils en ont, estime la toxicologue. Le fait qu’on en retrouve dans les urines révèle une exposition aiguë, et l’hypothèse privilégiée est qu’il est encore utilisé. »
Clémence, 8 ans, en a trouvé dans ses résultats. Sa mère, Sarah-Kim Wibaut, se questionne : « Est-ce qu’il restait des bidons [d’acétamipride] qu’on a cherché à écouler ? Peut-être que des contrôles serviraient à s’assurer qu’il n’y a plus ce genre de produits au sein des exploitations… » À Bourgneuf, où elles habitent, deux adolescentes ont déclaré des lymphomes cette année.
Un lien avec les cancers pédiatriques ?
L’association Avenir Santé Environnement a organisé et financé cette enquête avec un laboratoire public et des chercheurs bénévoles. Une tentative de faire un lien entre les toxiques auxquels sont exposés les enfants et la surincidence de cancers pédiatriques du territoire. En 2018, le CHU de Poitiers a détecté un cluster de cancers pédiatriques dans le village de Saint-Rogatien. Les jeunes de moins de 24 ans y auraient quatre fois plus de risque de développer un cancer que la moyenne nationale.
Pauline Brion est décédée en 2019, à 15 ans, des suites de deux cancers différents, une leucémie puis un lymphome. Sa mère Nathalie, qui milite toujours au sein de l’association, s’émeut des résultats des analyses : « Ça me fait quelque chose, parce que ma fille n’est plus là et qu’elle avait sûrement ces produits-là aussi… Ça me touche beaucoup, des enfants continuent de tomber malades. »
« Il y a des enfants qui sont morts ! »
À la sortie de la salle, Sophie Guillard a rejoint son mari avec l’explication des cinq molécules retrouvées chez leur fille adolescente. Le couple habite à Saint-Rogatien, où il élève ses trois enfants. L’utilisation de produits interdits met Christophe Guillard hors de lui : « Il y a des enfants qui sont morts ! Et là, on voit que certains agriculteurs continuent d’utiliser des produits interdits, et jouent au “pas vu, pas pris”. C’est cette impunité que je ne comprends pas, c’est tout un système qu’il faut dénoncer ! »
Un cocktail chimique agricole et domestique
Outre les pesticides agricoles, une part non négligeable de produits d’origine domestique est mise en cause dans l’enquête. Près de la moitié des enfants montrent des traces de pentachlorophénol (PCP), longtemps utilisé pour traiter le bois, aujourd’hui interdit. Ce perturbateur endocrinien présent dans les poutres des maisons est relargué en continu dans l’air.
Présent dans un quart des analyses, le phényl-2-phénol, fréquent dans les détergents, pourrait venir de son utilisation dans les lieux publics (écoles, hôpitaux…), pointant le rôle à jouer des collectivités dans la sortie des pesticides. Enfin, le fipronil, interdit dans les cultures, mais toujours utilisé pour traiter les animaux, est présent chez les propriétaires de chats ou chiens.
Toutes ces molécules sont plus ou moins nocives séparément. Mais ce qui inquiète Laurence Huc et son équipe de toxicologues, c’est l’exposition à leur effet cocktail : l’interaction entre ces différents composés peut créer une toxicité plus élevée et puissante que la somme de leur toxicité individuelle. Ce qui est impossible à évaluer.
L’association compte bien désormais enquêter sur l’origine des produits interdits, et interpeller les dirigeants, à commencer par l’Agence régionale de santé (ARS) de Nouvelle-Aquitaine, à qui elle a transmis ses résultats.
La détresse des jeunes filles : enquête en pédopsychiatrie
Elles s’entaillent la peau, se privent de nourriture, décrochent de l’école et frôlent souvent la mort. Surreprésentées dans les services de pédopsychiatrie, les filles se distinguent par des comportements auto-agressifs, qui se sont massivement intensifiés depuis le Covid. Axelle est allée à leur rencontre.
Un reportage réalisé avec le soutien du Fonds pour le Journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles.
C’est le début de l’été, avec ses horaires de vacances et son bitume en surchauffe. Depuis le parking de la gare de Braine-l’Alleud, il ne faut pas manquer la navette du Domaine qui s’arrête quelque part entre le Pizza Hut et Le Dragon Royal. On se serre à l’arrière avec quelques patients silencieux. La camionnette blanche sinue à travers un bois, frontière verdoyante qui sépare l’hôpital psychiatrique d’un Brabant wallon tout en quatre façades et haies bien taillées. Dans le couloir de l’unité ados, une poignée d’adolescentes parlementent à même le sol, cheveux lissés jusqu’à la dernière écaille, raie au milieu, cils noircis et crop-tops.
On s’est habillées parce qu’aujourd’hui, y a des nouvelles qui arrivent.
“On s’est habillées parce qu’aujourd’hui, y a des nouvelles qui arrivent. Hier on a lavé nos cheveux et tout. Mais d’habitude, on est dans des états pitoyables. Y en a ici, elles puent, hein. Mais ce matin, on s’est motivées. On s’est dit : allez, on se maquille.” Les filles disparaissent dans l’une des chambres, puis s’éparpillent sur les lits, glissent contre les armoires, s’adossent aux fenêtres qui ne s’ouvrent pas. Un flacon rose de parfum sucré circule entre les faux ongles. Un pschitt pour sentir bon, même quand on n’arrive plus à laver son propre corps.
Grand corps malade
C’est le début de l’été mais en “hospit’”, les crop-tops ont souvent des manches longues. “En ce moment, elles se scarifient presque toutes, raconte Barbara Lesseigne, infirmière. On leur demande de ne pas exposer leurs cicatrices, surtout quand elles sont récentes.” Quand elles entrent au Domaine, les ados s’engagent pourtant à ne pas se couper. “Si ça arrive,on utilise la mise en réflexion : elles doivent rentrer à la maison 2 à 3 jours et répondre par écrit à un questionnaire, détaille Bernard Catoire, infirmier-chef. Au moment de leur retour dans l’unité, on organise un entretien avec le médecin et le psychologue pour reparler du moment des coupures. On sait que pour certaines, c’est un moyen d’aller vérifier ce qui se passe à la maison, de voir si elles ont toujours leur place.”
On a déjà eu des repas avec zéro jeune qui mangeait.
Cette mesure permet aussi de ne pas “épuiser l’équipe par des passages à l’acte permanents”, des visites aux urgences et des points de suture, dans une surenchère qui contamine l’ensemble du groupe. “C’est par vagues, indique Clarissa Mingoia, éducatrice. Il y en a une qui commence à se scarifier et puis elles le font toutes.On observe la même chose avec les troubles alimentaires. On vient d’accueillir une jeune qui a un TCA [trouble du comportement alimentaire, ndlr] et je crains que toute la salle flambe. On a déjà eu comme ça des repas avec zéro jeune qui mangeait…”
En pédopsychiatrie, aller mieux est une aventure collective : comme un seul grand corps malade qu’il faut apprendre à ne plus maltraiter. “Comme on vit non-stop entre nous, on a envie que tout le monde aille bien, racontent les filles. C’est un peu comme si on se soignait toutes ensemble mais après, des fois, c’est un peu néfaste parce qu’on n’a pas toujours besoin d’absorber ce que les autres ressentent. Faut trouver des limites parce qu’on est des éponges.”
À la lame de rasoir ou de taille-crayon : sous les manches longues, les bras sont souvent entièrement zébrés. Les filles cachent le métal tranchant à l’intérieur des brosses à cheveux, entre deux épaisseurs de serviette hygiénique. Un fragment de cuillère en plastique ou un coin cassé de poubelle fait aussi l’affaire. La dissimulation les connaît : certaines ont planqué de l’alcool dans des bouteilles de jus d’orange, du cannabis dans des boîtes de nouilles instantanées. Tout est bon pour se faire mal.
La quasi-totalité de nos jeunes filles est ici en post-trauma.
“Il y a un côté soulagement dans les scarifications, explique Bernard Catoire. Les jeunes disent que c’est le truc qu’elles trouvent pour laisser échapper la pression, mais c’est aussi une manière d’exprimer quelque chose.” C’est pourquoi l’équipe “cartographie” les scarifications en plaçant des repères sur une silhouette imprimée. “Celles qui se scarifient au niveau des seins, de l’intérieur des cuisses et du bas-ventre ont très souvent subi des abus”, poursuit l’infirmier-chef. Manière pour elles de dire et de taire, de cacher et de montrer pour “tester le lien” : jusqu’où les adultes iront-ils pour comprendre leur détresse ? “La quasi-totalité de nos jeunes filles est ici en post-trauma, observe Barbara Lesseigne. Il y a eu – déposées ou pas encore déposées – des choses de l’ordre de l’abus.”
“Au mauvais endroit au mauvais moment”
La surreprésentation des filles en pédopsychiatrie, statistiquement plus exposées aux violences sexuelles, trouve ici sa première piste d’explication. Mais pourquoi cet écart de genre, observé depuis toujours, est-il en train de se creuser, comme l’attestent depuis le covid plusieurs indicateurs chiffrés ? En France, la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) constate “une progression inédite” des gestes auto-infligés (scarifications, brûlures, coups contre un mur…) chez les adolescentes, avec un pic autour de l’âge de 15 ans. Entre 2020 et 2022, le taux d’hospitalisations en psychiatrie liées à ces passages à l’acte a doublé chez les filles de 10 à 19 ans. “La recherche d’un pendant masculin à l’augmentation des gestes auto-infligés chez les filles au travers d’une éventuelle hausse des comportements à risque (qui peuvent se traduire par des agressions physiques, des accidents de transport ou des prises de toxiques) se révèle infructueuse, les hospitalisations en lien avec ces motifs n’ayant pas tendance à augmenter particulièrement”, précise la DREES.
Il y a toujours eu plus de filles dans l’unité.
En avril 2024, l’étude française EnCLASS réalisée auprès de plus de 9.000 jeunes rapportait par ailleurs que les filles présentaient une santé mentale moins bonne et un niveau de bien-être moins élevé que les garçons, mais aussi que la dégradation de la santé mentale et du bien-être chez les jeunes durant la période 2018-2022 était plus marquée chez les filles. Si de telles données n’existent pas pour la Belgique, tous les retours de terrain vont néanmoins dans ce sens. “Il y a toujours eu plus de filles dans l’unité, mais là où sur quinze lits, on pouvait parfois accueillir cinq ou six garçons, aujourd’hui, ils sont rarement plus d’un ou deux, raconte Bernard Catoire, qui travaille ici depuis 20 ans. Et souvent, comme en ce moment, il n’y en a pas du tout.”
Pour Sophie Maes, pédopsychiatre, ancienne responsable du Domaine et aujourd’hui à la tête de l’équipe mobile grands ados de Bru-Stars (Réseau bruxellois en santé mentale pour les enfants et adolescents), “c’est le propre de l’adolescence de porter le symptôme d’un dysfonctionnement familial ou social”. “Combien de fois on ne se dit pas entre nous que ce sont les parents qu’il faudrait hospitaliser”, reconnaît Bernard Catoire.
Confrontées à des adultes à la dérive, les filles, socialement éduquées au soin, auraient-elles tendance à prendre plus que leur part dans cette charge ? Tentent-elles dans la douleur de se libérer des traumas accumulés par la lignée de femmes qui les ont précédées ? La libération de la parole les conduit-elle à se confronter plus tôt que leurs aînées à ce qui les hante ? Les réseaux sociaux, avec leur tyrannie de la réputation et de l’image, ont-ils aggravé un peu plus le manque d’estime de soi chronique des filles ? Et que se passe-t-il dans la tête de leurs copains et de leurs frères ?
Je crois que les garçons, ils ont trop de fierté.
“On rentre toujours dans le crâne des garçons que les hommes, ils pleurent pas… Les hommes, ils souffrent pas… Et du coup un garçon hospitalisé en psychiatrie, ça veut dire que c’est un garçon qui admet qu’il va pas bien”, raconte Annabelle, bientôt 17 ans, longues jambes croisées sur le couvre-lit orange. “Je crois que les garçons, ils ont trop de fierté et du coup quand ils vont pas bien, ils osent pas le dire, ils vont pas le montrer… alors que moi, je suis très expressive”, avance Lou, 14 ans et demi, la tête calée dans le cou de Manuela, 16 ans. “Pour moi, le statut d’un homme et d’une femme n’est pas du tout le même dans la société, raconte cette dernière. Enfin je veux dire : une femme qui va se balader dans la rue, elle va être beaucoup plus craintive par rapport au regard des autres… Y a toujours des questions qu’on se pose et ça peut jouer sur le mental.”
Lola, 15 ans, genoux repliés dans son pull à grosses mailles, se raidit : “Qu’on ait besoin de se protéger deux fois plus que les garçons, je trouve ça dégueulasse. Parce qu’au final, on est juste des humains. On a le droit de s’habiller comme on veut, de tenir les propos qu’on veut. Tout le monde a le droit d’avoir sa personnalité. Qu’on se sente en sécurité nulle part, ça me met vraiment en colère.” Soupir d’Annabelle : “Nous les filles, on est toujours au mauvais endroit au mauvais moment…”
Des clopes, du maquillage et un doudou
À l’accueil, une ado à l’allure enfantine, sourire immobile et petits cœurs sur le jeans, attend près de ses parents. Elle ne lâche pas des yeux sa mère, qui semble comme absente. Au milieu de ce trio mutique, une immense valise à roulettes. Après une première hospitalisation courte en lit de crise, la voici de retour pour trois mois. “On essaie de ne pas aller au-delà car dans une vie d’ado, c’est beaucoup, souligne Bernard Catoire. L’idée, c’est de débroussailler la situation, de commencer déjà un travail individuel ou familial pour permettre au jeune de reprendre l’école le plus vite possible.”
Quand on entreprend ce curieux voyage en pays psychiatrique, il faut penser à emporter trois choses, avertissent les filles : “des clopes ou des puffs [des cigarettes électroniques jetables, ndlr]“, son maquillage et son doudou. “La soirée et l’approche de la nuit sont des moments hyper anxiogènes, commente l’infirmier-chef. Ce sont des jeunes qui ont vécu des difficultés principalement le soir et qui peuvent avoir des flashs, des ruminations.”
À ce trio d’essentiels, Annabelle ajoute ses livres de dark romance. Rires surexcités des copines quand on demande ce qui lui plaît dans ces histoires d’amour toxique. “Roh les gars… arrêtez…En vrai, ça me permet d’échapper à l’univers dans lequel je vis, à la réalité. En ce moment, c’est la dark romance, mais j’aime bien toutes les romances. J’aime bien l’amour… chez les autres. J’aime l’amour que dans les livres. En vrai j’aime pas l’amour… beurkkk…”
Lucille , 17 ans, nous adresse une moue énigmatique : elle aussi adore la dark romance et l’amour, “mais dans la vie aussi”. Annabelle lève les yeux au ciel : “Elle a que des relations bancales… Son copain, il la quitte parce qu’elle est en HP [hôpital psychiatrique, ndlr]… non mais allez…” Tirant sur ses manches, Lola rit jaune : “Moi aussi, ma copine m’a plaquée dimanche dernier.” Seule la jeune Lou se sent vernie : elle a rencontré son copain ici, “chez les fous”, lors de son hospit’ précédente, et elle est amoureuse.
Relations
Je pense qu’on peut pas construire une relation si nous-même on n’est pas construit.
Les idylles sont légion dans l’unité. Bernard Catoire le sait, qui n’oublie pas de jeter un œil averti vers l’angle mort de la salle télé. “Même quand il n’y a que des filles, ça arrive de plus en plus souvent”, raconte-t-il. “En fait, la plupart de nos relations, on les a eues ici, confirme Manuela, qui a passé huit mois dans l’unité l’année dernière. Mais moi je pense que quand deux personnes vont pas bien, amicalement, elles se tirent vers le haut, mais quand ça va plus loin, dans un stade amoureux, et ben là, on a plus tendance à se tirer vers le bas… Enfin, je pense qu’on peut pas construire une relation si nous-même on n’est pas construit. Ça me paraît pas cohérent. Ou alors plus tard, oui, rencontrer quelqu’un qui a eu des difficultés car il aura sans doute une certaine ouverture d’esprit.”
Ce discours de sagesse, Manuela le tire de son expérience mais aussi de ses manuels de psycho, ses livres de chevet à elle. “Je veux devenir psychologue parce qu’ici, j’ai rencontré une psychologue et c’est bizarre de dire ça comme ça, mais elle m’a vraiment sauvé la vie. Du coup, j’ai envie de pouvoir aider les gens comme elle m’a aidée moi.” Lou la prend dans ses bras : “Moi aussi je veux devenir psychologue car ma psychologue, c’est ma seule raison de vivre.” Manuela traduit en langage d’initiée : “En fait, on est toutes les deux en dépendance affective par rapport à notre psychologue…”
“Moi, plus tard, je voulais faire chirurgienne neurologique ou avocate mais j’ai abandonné l’idée car j’ai encore raté mon année, embraie Lola. Je sais pas ce que je vais faire…” Souvent interprété à tort comme de la paresse ou un manque d’intérêt pour l’école, le décrochage scolaire est un symptôme quasi omniprésent chez les ados en grande souffrance psychique. Il enclenche une spirale négative avec une perte de confiance en son intelligence, ses capacités de travail et son avenir. C’est pourquoi l’unité collabore avec l’école Robert Dubois, une école d’enseignement spécialisé de type 5 (“école à l’hôpital”) implantée sur le site du Domaine. “Parfois ce n’est qu’une demi-heure ou une heure de cours par jour, selon l’état de la jeune, mais c’est une manière de rester en contact avec le monde scolaire”, indique Bernard Catoire.
Annabelle, elle, a la chance d’être “super littéraire”. Accro à la dark romance, elle a aussi lu du Balzac. “J’ai détesté !” Plus tard, celle qui “adore corriger les fautes d’orthographe” se verrait bien travailler dans une maison d’édition mais seulement “en hobby, le week-end”. Comme vrai métier, elle voudrait être journaliste de guerre. “Ou journaliste politique, parce que je pense que c’est plus facile. Mais journaliste de guerre, ce serait top. Moi j’ai pas peur de la mort, hein, vraiment pas ! Mais c’est surtout que j’ai envie de voir des choses dont on parle pas, par exemple sur le conflit Palestine-Israël. Y a des chaînes où on montre que ce qui se passe en Israël et d’autres l’inverse. Moi, du coup, je me dis que si je suis journaliste de guerre, j’irai moi-même voir ce que c’est, en vrai. Et je devrai plus me fier aux médias.”
À la Kapeline
Gare de Mons, autre périple. Avec ses pavillons de briques rouges aux toits pentus baptisés de noms d’artistes – Chagall, Dali, Debussy, Magritte, Rimbaud… –, l’hôpital psychiatrique Le Chêne aux Haies pourrait passer pour un village de vacances en saison basse. De rares voitures raclent les allées goudronnées, les corneilles fendent les baies éparpillées au pied de quelques bancs. Au bâtiment numéro 11 se trouve la Kapeline, une unité pédopsy dédiée aux lits “médico-légaux” (lits For-K, l’abréviation de “forensisch”, en allemand, signifiant “médico-légal”, le K se référant aux enfants et adolescent·es dans l’index des services de neuropsychiatrie).
Ces jeunes filles vont tester le lien et le tester tellement qu’elles vont parfois agresser.
Dans ce service non-mixte, des adolescentes sont accueillies pour une durée de trois mois sur demande de la/du juge de la jeunesse – lorsqu’elles ont commis un fait qualifié d’infraction – ou du SPJ (Service de Protection de la Jeunesse) – quand elles sont concernées par un dossier en protectionnel. “Ce ne sont pas des futures psychopathes, mais parce qu’elles ont vécu des abandons, ces jeunes filles vont tester le lien et le tester tellement qu’elles vont parfois agresser”, explique Valentine Godeau, pédopsychiatre et responsable de la Kapeline. Certaines ont frappé du personnel, d’autres ont mis le feu à leur lieu d’accueil. “Elles peuvent aussi se retrouver dans des réseaux de prostitution, consommer des drogues, être prises dans des bandes urbaines.”
En raison du manque de lits en pédopsychiatrie “classique” (lits K) en province du Hainaut – les services les plus proches se trouvent à Charleroi ou Tournai –, la Kapeline a aussi obtenu une dérogation pour des dossiers SAJ (Service d’Aide à la Jeunesse), qui relèvent de l’aide négociée et non contrainte. “Dans tous les cas, c’est très important que la contrainte ne soit pas absolue, que la jeune soit dans l’acceptation du soin, sans quoi on ne saurait rien faire, poursuit la pédopsychiatre. Ces jeunes filles ne sont pas soit délinquantes, soit en souffrance : elles sont tout ça à la fois et, en fonction du moment, elles vont avoir besoin soit d’un rappel à la loi, soit de soins. Dans les unités For-K pour garçons, il y a notamment des délinquants sexuels, des jeunes qui ont commis des actes très graves alors que nos patientes ont surtout des troubles de l’attachement. Et ça, ça se travaille en créant du lien.”
Troubles de l’attachement
Ici, la proportion de jeunes filles qui ont été abusées est énorme, entre 70 et 80 %.
Les troubles de l’attachement se développent chez la/le jeune enfant lorsque la principale personne fournisseuse de soins (souvent la mère) ne répond pas à ses signaux de manière adéquate et constante. Plus tard, ces troubles favorisent l’apparition de traits de “personnalité borderline”, “même si, à l’adolescence, on ne parle pas de trouble de la personnalité”, précise la pédopsychiatre : rien n’est figé. En psychiatrie, la “personnalité borderline” (ou “personnalité limite”) se définit par une instabilité et une hypersensibilité dans les relations, une instabilité au niveau de l’image de soi, des fluctuations d’humeur extrêmes, une grande impulsivité et un risque suicidaire particulièrement élevé.
Travailler ces troubles de l’attachement chez les ados, c’est se donner la chance d’une évolution moins sombre malgré des parcours d’une rudesse inouïe, faits de maltraitances, de placements et très souvent de violences sexuelles. “Ici, la proportion de jeunes filles qui ont été abusées est énorme, entre 70 et 80 %”, évalue Valentine Godeau.
SRU, SRG, SRS : ces acronymes font partie du vocabulaire de ces jeunes qui, avant d’arriver à la Kapeline, ont souvent été ballottées d’un service résidentiel à l’autre (qu’ils soient d’urgence, généraux ou spécialisés). “Beaucoup arrivent ici sans avoir de lieu de vie fixe, or c’est une condition pour commencer un travail thérapeutique, qui nécessite de lever certaines défenses, de se fragiliser, poursuit la responsable de l’unité. Si elles sont en train de se demander où elles vont vivre ensuite, il est impossible d’être dans ce travail-là.” Pour Valentine Godeau, il y a quelque chose d’“insupportable” à savoir que certaines filles suivies devront, faute de places dans un réseau saturé, retourner vivre dans une famille maltraitante – quand ce n’est pas à la rue.
Grande surveillance
Ils doivent nous avoir à l’œil tout le temps pour éviter qu’on fasse une connerie.
Entre deux parties de console, Ophélie traîne des pieds dans son pyjama d’hôpital. Les autres filles sont de sortie VTT avec Basile Dascotte. “Si ton corps dépérit, tu peux pas te soigner mentalement”, nous résumait la veille cet éducateur spécialisé en activités socio-sportives. Si Ophélie n’en est pas, c’est qu’elle est depuis hier soir “en grande surveillance”. “C’est quand on se met en danger ou qu’on a l’intention de se mettre en danger, explique la jeune Hennuyère de 16 ans. Ça signifie qu’ils doivent nous avoir à l’œil tout le temps pour éviter qu’on fasse une connerie.” Le pyjama sert essentiellement à diminuer le risque de fugue : dans cette tenue, on ne va pas bien loin. “C’est une mesure qui leur permet surtout de sentir qu’on a pris conscience du fait qu’elles allaient moins bien, commente Valentine Godeau. Rien que par ce fait, c’est contenant.”
“Ici tout le monde est addict aux scarifs, raconte Ophélie en nous fixant de ses yeux pétillants. Me scarifier, genre un moment je pouvais pas vivre sans. Je pensais comme une droguée. Avec les médicaments aussi. Je pouvais marcher des kilomètres pour aller en chercher. Je faisais des TS [tentatives de suicide, ndlr] et tout. Et du coup, tout ce que j’avais sous la main, je prenais…”
Ophélie a commencé à se couper à 13 ans, le plus souvent en classe, devant tout le monde. “Ça a débuté avec une simple griffure de mon chien… J’ai bien aimé… et je me suis dit : pourquoi pas. Aussi, c’est comme si je m’appropriais mon corps, que je le dessinais.” Depuis trois ans, la jeune fille a enchaîné les hospitalisations, une vingtaine en tout. “Quand on voit que du noir… On voit que ce qu’on veut voir. C’est une boucle infernale.”
Quand elle est “en grande surveillance”, la patiente doit aussi déterminer avec l’équipe si elle est en mesure de dormir dans sa propre chambre ou s’il lui faut passer la nuit dans la chambre d’apaisement ou celle d’isolement. Avec sa caméra de surveillance et son absence de barre dans la douche et près du WC, la chambre d’apaisement est conçue pour réduire autant que possible le risque de passage à l’acte. “L’année dernière, on a quand même eu un incendie”, se souvient l’infirmière-chef Vanessa Panunzio, familière des histoires de briquets cachés dans la culotte et autres tours de passe-passe.
Plus loin dans le couloir, la chambre d’isolement continue d’impressionner avec son lit bardé de lanières. “La contention, c’est vraiment le dernier recours. On essaie d’éviter au maximum, parce que ça reste traumatisant pour les jeunes et pour l’équipe, commente l’infirmière-chef. Et on donne un médicament, sinon c’est inhumain.”
Apprendre à accepter l’aide
Au quotidien, quand elles sentent qu’elles perdent le contrôle, on encourage les filles à se défouler sur le sac de frappe ou à monter sur le tapis de course. Quand elles ont envie de se scarifier – “pour se sentir vivre alors qu’elles se sentent vides”, analyse Valentine Godeau –, elles peuvent demander des poches de glaçons, qu’elles serrent entre leurs paumes jusqu’à la douleur. Certaines préfèrent claquer des élastiques autour de leurs poignets. “On essaie de leur donner des outils pour se faire mal sans se blesser”, résume Vanessa Panunzio.
Pendant le Covid, on a vu une modification complète des symptômes.
“Pendant le Covid, on a vu une modification complète des symptômes, avec des patientes qui n’étaient plus du tout dans l’hétéro-agressivité [agressivité dirigée contre les autres, ndlr], qui ne faisaient plus de petites bêtises comme le font les adolescentes, poursuit Valentine Godeau. Elles étaient beaucoup plus calmes et en même temps dans des passages à l’acte plus graves, mais contre elles. On a notamment vu une explosion des troubles du comportement alimentaire chez des filles qui n’avaient pas un profil d’anorexie mentale. Comme les scarifications, c’est une manière de s’attaquer soi quand on ne peut plus attaquer la société.”
Car pour la pédopsychiatre, si tant de jeunes filles s’en prennent aujourd’hui à elles-mêmes, c’est parce que les structures ou les personnes à qui elles pourraient s’opposer n’y résisteraient pas. “On ne s’attaque pas à une société qui va mal, comme on ne s’attaque pas à des parents en souffrance”, compare-t-elle.
À la Kapeline, Ophélie apprend peu à peu à s’épargner et à “accepter l’aide”. “C’est compliqué quand on n’en a jamais reçu”, réfléchit la jeune fille. Lors des retours à la maison un week-end sur deux, elle retrouve “sa raison de vivre”, un golden retriever aux yeux doux, qui la comprend “sans même parler”. “C’est grâce à lui que je vais mieux. Je l’ai choisi parce qu’il était tout petit et que c’était le dernier de la portée. Il me faisait un peu de peine, du coup, je me suis dit, ben, faut que je le prenne.”
Plus tard, Ophélie veut devenir médecin ou infirmière. “Genre je serais trop heureuse, franchement, si je pouvais servir à quelque chose. Je me dis qu’alors j’aurai tout gagné et que j’aurai tourné une page sur mon enfance et mon adolescence qui ont été catastrophiques. Mon message pour les jeunes, c’est : on peut tous être sauvés.”
Tous les prénoms des jeunes filles hospitalisées ont été modifiés.
Le Service Écoute-Enfants 103, numéro d’appel pour les enfants et adolescent·es en difficulté et pour les adultes en difficulté dans leur rôle éducatif : www.103ecoute.be
Les AMO (Services d’Actions en Milieu Ouvert), pour tous·tes les jeunes qui rencontrent des difficultés ou qui souhaitent être accompagné·es dans leurs questionnements/projets. Trouvez une AMO près de chez vous : sur le site https://saaj-aidealajeunesse.cfwb.be, cochez AMO.
Les Centres PMS (Centres Psycho-Médico-Sociaux). Sur le site de Wallonie-Bruxelles Enseignement (www.wbe.be), cliquez sur l’onglet “Soutien”, puis sur “Centres PMS” où vous pourrez télécharger une liste avec les contacts mis à jour.
Les SSM (Services de Santé Mentale), qui orientent et proposent des consultations individuelles.
À Bruxelles : sur le site https://ccf.brussels, recherchez “liste des services de santé mentale”
Les psychologues conventionné·es : depuis le 1/02/24, les enfants et adolescent·es (jusqu’à 23 ans) ont droit à des soins psychologiques gratuits avec un·e psychologue conventionné·e (10 séances individuelles pour une aide de première ligne, puis 20 séances maximum pour une aide spécialisée). Retrouvez la liste des psychologues conventionné·es via le réseau de santé mentale enfants-adolescent·es de votre région :
Étincelle, association venant en aide aux enfants et adolescent·es qui ont un·e proche avec des troubles psychiques : 0474 08 80 07 ou https://etincelleasbl.com
Yapaka, programme de prévention de la maltraitance proposant de nombreuses ressources pour les jeunes et les professionnel·les concerné·es : www.yapaka.be
Maintenant j’en parle, tchat d’aide aux victimes d’abus sexuels qui s’adresse spécifiquement aux mineur·es : www.maintenantjenparle.be
Éducation nationale : ce qu’il faut savoir sur la journée de grève à Brest
Les organisations syndicales et politiques appellent à la grève dans l’Éducation nationale mardi 1er février. À Brest, le rendez-vous est fixé à 11h place de la Liberté.
Les principales organisations syndicales et des partis politiques appellent les personnels de l’Éducation, parents d’élèves, lycéens, étudiants et citoyens à participer à la journée de grève et de manifestation dans l’Éducation nationale mardi 1er octobre 2024.
À Brest, un rassemblement est prévu à 11h place de la Liberté.
Revendications
Parmi les revendications et inquiétudes : la perte possible de nombreux postes d’enseignants dans le premier degré pour la prochaine rentrée scolaire dans le Finistère, la mise en place de groupes de niveaux, l’augmentation des salaires et de meilleures conditions de travail.
Mouvement social du 1er octobre : à Brest, les écoles perturbées et une manifestation prévue à 11 h
Plusieurs syndicats et organisations étudiantes appellent à la grève nationale, mardi 1er octobre 2024, pour demander au gouvernement une hausse des salaires et l’abrogation de la réforme des retraites. À Brest, une manifestation aura lieu à 11 h, place de la Liberté.
CGT, FSU, FO, Solidaires, Union pirate et la Confédération paysanne s’unissent pour appeler à plusieurs mobilisations dans le Finistère, mardi 1er octobre 2024.
À Brest, elle aura lieu à 11 h, place de la Liberté. Selon l’intersyndicale, cette date « marque le début des discussions sur le budget de l’État à l’Assemblée nationale. C’est le moment de gagner qu’enfin les plus riches et multinationales soient taxés pour financer nos services publics, la justice sociale et environnementale ». Elle souhaite aussi profiter de la rentrée du nouveau gouvernement Barnier pour demander l’abrogation de la réforme des retraites.
La section PCF du pays de Brest (comme le NPA) annonce, via un communiqué, qu’elle apporte « tout son soutien à cette journée contre l’austérité et pour le progrès social, et appelle à rejoindre en grand nombre la manifestation ».
Ce mouvement social aura un impact sur les établissements scolaires de Brest. Des accueils périscolaires seront fermés, ainsi que des cantines et des multi-accueils, annonce la Ville.
Crédit Photo Photothèque Rouge : Martin Noda / Hans Lucas.
Réunion publique des Jeunesses Anticapitalistes à Rennes avec Olivier Besancenot
Réunion publique de rentrée des Jeunesses Anticapitalistes de Rennes, co-organisée avec l’Union Pirate, avec Olivier Besancenot et Eleonore Schmitt, porte parole de l’Union étudiante. Mercredi 25 septembre à 13h sur le campus de Rennes 2.
Dans le Finistère, l’association Don Bosco officialise son plan social : 55 postes sur la sellette
Ce mercredi 11 septembre 2024, la direction de l’association Don Bosco, pilier de l’accompagnement dans le domaine de l’économie sociale et solidaire dans le Finistère, a annoncé officiellement le projet de suppression de 55 postes. Une trentaine de postes devraient également être transférés. Sept dispositifs sont par ailleurs supprimés, essentiellement à Brest.
Acteur majeur de l’économie sociale et solidaire en Finistère, l’association Don Bosco emploie actuellement 1 040 salariés dans le domaine du handicap, de l’insertion, de la petite enfance et de la protection de l’enfance. Depuis 2022, elle est en difficulté financière. « On a assisté à une forte inflation, à des revalorisations salariales attendues et nécessaires. Mais les financements n’ont pas évolué à mesure que les charges augmentaient », argue Anthony Quéguineur, directeur général de l’association Don Bosco.
Ce mercredi 11 septembre 2024, accompagné de la présidente de l’association, le responsable a annoncé un Plan de sauvegarde de l’emploi. 55 postes sont concernés. Une trentaine de salariés devraientt également être transférés dans d’autres services. « Suppression ne veut pas dire licenciement, on va tout faire pour maintenir dans l’emploi », rassure le directeur.
Sept activités seront par ailleurs stoppées dans le Nord-Finistère. À Landerneau, le lieu d’accueil Bel Air a déjà fermé fin juillet. Suivront six autres services d’ici le 31 décembre, dans le domaine de la protection de l’enfance et de l’insertion, notamment l’auto-école Feu vert, à Brest, ainsi qu’un garage social.
« Pour que l’association ait un avenir »
L’association, financée par l’État, le Département et le Fonds social européen, affiche un déficit d’1,8 million d’euros. « On doit prendre des décisions pour que l’association ait un avenir », regrette Isabelle Melscoët. La présidente de la structure et Franck Monfort, secrétaire général de l’union syndicale départementale CGT, fustigent tous deux un « choix politique » de la part des collectivités et notamment du Département, dont la protection de l’enfance est l’une des « fonctions régaliennes » , rappelle le représentant syndical.
En colère, la présidente annonce qu’elle demandera à être entendue en séance plénière du conseil départemental. « Dans certains champs, nous sommes la seule association du Finistère à apporter une réponse. Le besoin existera toujours. »
« Notre soutien a augmenté de 27% entre 2021 et 2024 »
Le président du Département, Maël de Calan, a réagi dans un communiqué : « Notre soutien à Don Bosco a augmenté de 27% entre 2021 et 2024, mais sa situation financière reste difficile. Le Département va s’associer à la conférence des financeurs organisée prochainement afin de trouver des solutions viables qui consolideront l’association. »
2.700 manifestants ont défilé dans les rues de Brest contre la nomination de Michel Barnier
La manifestation contre le « coup de force » d’Emmanuel Macron a rassemblé 2.700 personnes à Brest selon la préfecture du Finistère. Tous sont venus protester contre la nomination de Michel Barnier au poste de premier ministre, ce samedi après midi, place de la Liberté.
À peine nommé Premier ministre et déjà la protestation gonfle autour de Michel Barnier. 2.700 personnes se sont rassemblées place de la Liberté à Brest, ce samedi après-midi, pour dénoncer la nomination d’un homme de droite à la tête du gouvernement alors que l’Assemblée nationale est majoritairement à gauche. Les manifestants ont défilé dans les rues après quelques prise de paroles notamment de Pierre-Yves Cadalen, député LFI et de Mélanie Thomin, députée PS.
À Quimper, 1.000 manifestants ont battu le pavé. Ils étaient 600 à Morlaix et 90 à Carhaix.
Un déni de démocratie selon les manifestants
« Je ne sais même pas comment faire pour expliquer à mes enfants le sens du vote », déclare Anna, une manifestante. Même si la plupart des manifestants ne croient pas à un changement de gouvernement ils veulent tout de même se réunir et aller dans la rue pour exprimer leur mécontentement.
OBSERVATOIRE DU NUCLEAIRE
Conférence de Stéphane Lhomme
Samedi 15 mars à 19 h à Belle-Île-en-Mer
salle A
(près de l’Hôtel de Ville, le Palais)
"Nucléaire, renouvelables,
économies d'énergie :
qui sauvera le climat ?"