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04 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Socialisme Japonais ( Jacobin)

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Aux origines du socialisme japonais

Le 1er octobre 2024, Shigeru Ishiba a pris ses fonctions comme Premier ministre du gouvernement japonais. Sans surprise, il est issu du Parti libéral-démocrate, l’organisation de droite conservatrice au pouvoir de façon quasiment ininterrompue depuis 1955. Dès sa naissance, la vocation de ce dernier est limpide : écraser les partis de gauche et, soutenu par les États-Unis, instaurer un capitalisme ultralibéral. Ainsi le Parti libéral-démocrate reprenait-il le flambeau de l’impérialisme japonais qui, au siècle précédent, avait été le moteur de la formation d’un État-nation capitaliste moderne. La droite au Japon serait-elle donc une fatalité ? À la même époque, un mouvement socialiste est pourtant apparu, animé par deux principes fondamentaux : la lutte des classes et l’anti-impérialisme. Nous traduisons ici une brève histoire de son émergence, parue dans la revue Jacobin1. ☰ Par Alexander J. Brown

Le mouvement socialiste japonais prend forme dans un contexte de répression brutale, tandis que le pays s’engage sur la voie de l’expansion impérialiste. Contre toute attente, les socialistes japonais ont construit une force politique capable de défier le nouvel ordre capitaliste. Le socialisme s’est développé au Japon à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle dans le contexte d’un bouleversement social général provoqué par une modernisation rapide. En 1853 et 1854, le commodore américain Matthew C. Perry arrive au Japon avec une flotte de « navires noirs » (des canonnières à vapeur) et exige que le Japon s’ouvre au commerce avec l’Occident. Cette violence impérialiste ébranle l’ancien ordre féodal et sert de catalyseur à l’établissement d’un État-nation capitaliste moderne.

« Le socialisme s’est développé au Japon à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle dans le contexte d’un bouleversement social général causé par une modernisation rapide. »

Les élites japonaises réagissent à la menace posée par l’impérialisme en cherchant à occidentaliser et à moderniser le Japon. Les domaines de Satsuma, de Chōshū et leurs clans de samouraïs alliés mènent un mouvement qui renverse le shogunat Tokugawa au nom du jeune empereur Meiji, qui est « restauré » au centre du pouvoir politique en 1868. La Charte du serment de l’empereur Meiji élimine le système de classes féodales, abolit les domaines féodaux et met en place un appareil administratif moderne. La conscription de tous les hommes adultes dans la nouvelle armée impériale permet d’éliminer la distinction entre les samouraïs et les roturiers.

Dans le but de se débarrasser des traités inégalitaires qui leur ont été imposés par les États-Unis et les puissances européennes, les dirigeants de l’ère Meiji recourent à des personnes, à des technologies et à des idées, parmi lesquelles le libéralisme qui, accompagné d’un large éventail des pensées sociales venues d’Europe, fait son entrée au Japon. Il influence le Mouvement pour les libertés et les droits du peuple (Jiyū Minken Undō), qui commence à réclamer des réformes démocratiques et l’élargissement du droit de vote à partir des années 1870. En 1890, une nouvelle constitution instaure le premier gouvernement parlementaire du Japon. Si les élites de l’ère Meiji empêchent le pays de tomber sous la domination directe des impérialistes occidentaux, les changements sociaux rapides engendrés par leurs réformes provoquent d’énormes bouleversements sociaux. La plupart des membres de l’ancienne classe dominante des samouraïs sombrent dans la pauvreté avec l’abolition des domaines féodaux. Ils contribuent à la formation d’une classe ouvrière émergente, aux côtés des paysans et des artisans déplacés.

Des mouvements de réforme sociale naissent de ce malstrom — et, notamment, un mouvement socialiste et ouvrier. Ils ont constitué une alternative au capitalisme autoritaire mis en place par l’État et par une classe capitaliste émergente, adossée à un impérialisme de plus en plus agressif à l’étranger. Toutefois, et en dépit de quelques épisodes de troubles importants, le mouvement socialiste n’a pas pu empêcher la montée du militarisme. Une grande partie du mouvement ouvrier finira par soutenir le nationalisme japonais, ce qui aura des conséquences dévastatrices pour les peuples d’Asie.

Les origines de la pensée socialiste

« Les autorités Meiji ont rapidement considéré le socialisme et les militants syndicaux comme une menace. »

Certaines des premières influences socialistes au Japon proviennent du populisme russe et du pacifisme chrétien de Léon Tolstoï. Dans les années 1890, le socialisme est essentiellement une quête intellectuelle, davantage axée sur la nécessité d’établir des normes élevées de comportement éthique que sur la construction d’un mouvement de masse de la classe ouvrière. L’industrialisation rapide a engendré des conditions de travail épouvantables dans le Japon de la fin du XIXe siècle. La main-d’œuvre des usines, essentiellement féminine, est soumise à de longues heures de travail et à des restrictions draconiennes de sa liberté. Nombre de ces femmes sont des filles de paysans ou de samouraïs déclassés de la campagne et sont confinées dans leurs dortoirs la nuit, ce qui peut entrainer de terribles conséquences lorsque des incendies se déclarent dans ces bâtiments en bois de piètre qualité.

Certains socialistes de la première heure, comme Katayama Sen (1859-1933), deviennent des syndicalistes actifs. Un mouvement ouvrier moderne commence à voir le jour avec la formation d’un syndicat des métallurgistes en 1897. Quelques grèves ont lieu, mais les syndicats manquent de ressources financières pour les soutenir. En 1900, elles sont rendues totalement illégales. Les autorités Meiji ont rapidement considéré le socialisme et les militants syndicaux comme une menace. Elles ont développé un large appareil répressif pour limiter la diffusion des idées socialistes ainsi que pour emprisonner et punir leurs sympathisants. La loi de 1900 sur l’Ordre public et la Police a eu des répercussions sérieuses sur ce mouvement balbutiant.

Le premier parti politique socialiste du Japon, le Shakai Minshutō (Parti social-démocrate), est fondé en mai 1901 pour tenter d’éviter cette répression. Mais, sans attendre, le ministre de l’Intérieur, le baron Kenchō Suematsu (1855-1920), ordonne sa dissolution et porte plainte contre les rédacteurs en chef des journaux qui ont publié le programme du nouveau parti, basé en partie sur le Manifeste du parti communiste. La dynamique de syndicalisation se poursuit néanmoins. Ainsi, la Yūaikai, basée sur le principe des premières sociétés amicales britanniques, voit le jour en 1912. Toutefois, ces efforts d’organisation n’attirent pas un nombre de membres conséquent.

La guerre et l’affaire de la haute trahison

« Les socialistes japonais insistent sur le fait que les socialistes du monde entier doivent s’opposer aux guerres impérialistes dans la perspective de la fraternité des travailleurs. »

Certains socialistes japonais sont animés par le pacifisme et l’opposition aux guerres impérialistes du Japon moderne. L’un des premiers intellectuels socialistes, Shūsui Kōtoku (1871-1911), développe une théorie de l’anti-impérialisme en réponse à l’implication du Japon dans la répression de la révolte des Boxers en Chine continentale. Avec Sakae Ōsugi (1885-1923), il fonde en 1903 la Société des roturiers, basée sur un mélange de pacifisme chrétien, d’anti-impérialisme et d’internationalisme prolétarien. Dans les pages de son journal, l’organisation s’oppose à la guerre russo-japonaise, mais est censurée lorsque le vent de la guerre semble tourner en défaveur du Japon. En 1904, le socialiste japonais Katayama Sen rencontre son homologue russe Georgii Plekhanov lors du Congrès de l’Internationale ouvrière, symbolisant l’internationalisme socialiste entre des nations officiellement en guerre. Certains sociaux-démocrates européens s’expriment à l’époque en faveur d’une victoire japonaise dans la guerre, affirmant qu’il s’agirait d’une défaite pour le despotisme tsariste. Les socialistes japonais, eux, critiquent cette position, notant qu’une victoire japonaise ne ferait qu’enhardir leur propre classe dirigeante tout en insistant sur le fait que les socialistes du monde entier doivent s’opposer aux guerres impérialistes dans la perspective de la fraternité des travailleurs.

Après sa visite des États-Unis en 1905-06, où il a été influencé par le mouvement anarchiste, Shūsui Kōtoku est devenu le principal représentant au Japon d’une stratégie d’« action directe ». En 1910, le gouvernement prétend avoir découvert un complot fomenté par Kōtoku et d’autres anarchistes, parmi lesquels l’anarcho-féministe Sugako Kanno (1881-1911), qui viserait à assassiner l’empereur. Vingt-quatre sympathisants anarchistes sont condamnés à mort dans le cadre de ce qui est désormais connu sous le nom de l’Incident de haute trahison. Douze d’entre eux verront leur peine commuée en prison à vie. L’Incident marque le début d’une période de répression accrue de la gauche japonaise, appelée « hiver socialiste ». Malgré tout, les tensions sociales ne faiblissent pas et explosent en 1918 lors d’émeutes généralisées qui éclatent en réponse à des augmentations spectaculaires du prix du riz. Pendant deux mois, quelque dix millions de personnes participent aux émeutes qui se déroulent dans 636 localités du Japon, entraînant la chute du gouvernement de Terauchi Masatake.

La démocratie Taishō

C’est au cours de la période dénommée « Démocratie Taishō », de 1918 à 1932, que le Japon développe son premier système fondé sur des partis politiques, avec un droit de vote qui reste néanmoins extrêmement limité. Dans les années 1920, une nouvelle vague de grèves permet le développement d’un vaste mouvement ouvrier et socialiste, qui comprend la formation d’une fédération nationale de syndicats ouvriers et agricoles et, en 1922, la fondation du Parti communiste japonais (PCJ). De leur côté, les entreprises japonaises réagissent à la fluidité du marché du travail en instituant le « paternalisme industriel ». Il s’agit d’offrir d’importants avantages non salariaux, tels que des pensions familiales à bas prix et d’autres services, ainsi que des augmentations de salaire régulières et un emploi à vie aux travailleurs qualifiés qui restent au service de leur employeur sur le long terme. Des syndicats d’entreprise sont créés pour garantir la fidélité des travailleurs. Les syndicats indépendants, eux, se limitent principalement aux petites usines et aux ateliers, où la forte rotation de la main-d’œuvre et le cycle d’expansion et de ralentissement économique entravent sérieusement les efforts d’organisation sur le long terme.

« Les responsables syndicaux masculins considèrent les femmes comme des victimes passives ayant besoin d’une protection paternaliste plus que comme des travailleuses ayant des droits. »

Si la répression à l’égard des organisations de travailleurs est forte dans les années 1920, la définition genrée de l’ouvrier constitue également un obstacle majeur à la mobilisation. À la fin du XIXe siècle, l’industrie textile est la plus grande industrie capitaliste du Japon. Elle repose principalement sur de la main-d’œuvre féminine, dont la réalité est mystifiée par une famille patriarcale et une idéologie genrée. Par le code civil Meiji de 1898, les femmes sont encouragées à être « de bonnes épouses et des mères sages ». Deux ans plus tard, la loi sur l’Ordre public et la Police interdit aux femmes de participer à des activités politiques. Si des femmes se sont engagées dans quelques grèves spontanées contre les conditions d’exploitation extrême dans les usines, le mouvement ouvrier n’a pas réussi à les organiser en masse. Et, bien que la législation sur les usines promulguée en 1911 ait imposé certaines restrictions à l’exploitation des femmes et des enfants, les fonctionnaires qui l’ont rédigée et les responsables syndicaux masculins considèrent les femmes comme des victimes passives ayant besoin d’une protection paternaliste plus que comme des travailleuses ayant des droits.

L’organisation des travailleurs est également entravée par le fait que les ouvrières d’usine viennent principalement de la campagne et vivent dans des pensions contrôlées par l’usine, inaccessibles aux militants syndicaux. À l’aube du XXe siècle, le combat pour la suppression de ces freins à la participation des femmes à la vie politique est au centre de l’activisme politique féminin. Le début des années 1920 a vu la création de groupes de femmes socialistes tels que la Société de la vague rouge (Sekirankai) et la Société du huitième jour (Yōkakai). À partir de 1922, les femmes sont autorisées à assister aux réunions et les ligues pour le droit de vote des femmes commencent à émerger des partis prolétariens, qui sont fondés après l’institution du vote masculin en 1925.

C’est également durant la période Taishō que certains groupes de burakumin2, que la société japonaise considère comme des parias, font leurs premières tentatives de contestation de la discrimination qui les touche, fondée sur le lien historique qu’ils entretiennent avec des métiers considérés comme déshonorant au sein des croyances religieuses japonaises, tels que la boucherie et le tannage du cuir. En 1922, un certain nombre de groupes de burakumin s’unissent pour former la Société des niveleurs afin d’obtenir l’égalité des droits sociaux et politiques. L’empire japonais en expansion dépend d’une hiérarchie foisonnante de formes d’oppression genrées et racialisées à l’encontre des femmes, des burakumin, des indigènes Aïnous et Okinawaïens, ainsi que des sujets coréens et chinois de l’empire. Ces oppressions contribuent à diviser la classe ouvrière. Ainsi, en 1923, lorsque le grand tremblement de terre de Kanto secoue Tokyo, causant 150 000 morts et une destruction généralisée des infrastructures, des rumeurs circulent accusant les Coréens et les gauchistes d’être à l’origine des troubles qui ont suivi. Ces derniers sont accusés d’avoir empoisonné des puits et pillé des maisons. Des groupes armés battent et tuent les personnes identifiées comme coupables, alimentant ainsi l’ethnonationalisme dont l’État japonais a besoin pour poursuivre son programme d’expansion à l’étranger.

Communisme et débat sur le capitalisme japonais

« L’empire japonais dépend d’une hiérarchie de formes d’oppression genrées et racialisées à l’encontre des femmes, des burakumin, des indigènes Aïnous et Okinawaïens, ainsi que des sujets coréens et chinois de l’empire. »

La première traduction japonaise du Manifeste du Parti communiste est publiée en 1904 dans un numéro du Commoners Newspaper qui est rapidement interdit. Alors qu’un mouvement socialiste distinct émerge, de nombreux intellectuels se tournent vers le marxisme pour tenter de comprendre la nature de la restauration Meiji et de la société qu’elle produit. Le débat sur le capitalisme japonais qui en a résulté a été la première tentative majeure des intellectuels japonais pour comprendre leur propre histoire récente. Le Komintern et ses partisans au sein du parti communiste japonais — la faction Kōza — définissent la restauration Meiji comme une révolution bourgeoise incomplète qui n’a pas réussi à se débarrasser des vestiges de la société féodale. Ils en concluent que l’objectif prioritaire des socialistes est d’achever la révolution démocratique bourgeoise. La faction Rōnō (ouvrier-agriculteur), formée autour du chef du parti Hitoshi Yamakawa (1880-1958), soutient au contraire que le Japon est déjà une société démocratique bourgeoise et que les conditions sont réunies pour qu’une révolution socialiste advienne. Ils rejettent la nécessité d’un parti d’avant-garde pour lui préférer une large alliance du prolétariat et de ses partisans au sein d’un parti politique de front uni légal et fondé sur les masses. Yamakawa et ses partisans quittent le Parti communiste pour protester contre son adoption des thèses de juillet 1927 du Komintern sur le Japon — ils formeront le noyau du courant de gauche du Parti socialiste japonais après la Seconde Guerre mondiale.

Après l’adoption du suffrage universel en mai 1925, les syndicats ouvriers et agricoles ainsi que les intellectuels de gauche commencent à travailler à la création de partis politiques prolétariens afin de participer aux premières élections prévue en 1928. Si beaucoup souhaitent construire un parti uni, c’est en réalité un nombre vertigineux de partis provisoires qui se sont forment, se divisent et se reforment dans un processus chaotique. Tandis que les socialistes discutent entre eux d’Histoire et de stratégie, l’économie japonaise est confrontée à une crise de plus en plus grave et les autorités répriment sévèrement leur activisme. Le 15 mars 1928, la police arrête 1 600 membres du PCJ en vertu de la loi sur la préservation de la paix, ce qui paralyse l’influence du parti dans les mouvements socialistes et ouvriers.

Au même moment, le mouvement de la littérature prolétarienne cherche à documenter l’expérience de la classe ouvrière et à l’exhorter à se soulever contre ses patrons. Les cercles théâtraux et culturels radicaux contribuent à forger une culture propre à la classe ouvrière dans le Japon urbain des années 1930, mais ils ont doivent faire face à leur tour à une répression de plus en plus draconienne de la part de la police. L’un des écrivains les plus populaires du mouvement est le communiste Kobayashi Takiji (1903-1933), auteur du Bateau-usine en 1929. Cette nouvelle est fondée sur les rapports d’une mutinerie de pêcheurs travaillant pour l’industrie des conserves de crabes dans les eaux septentrionales du Japon, près de la Russie, où l’exploitation est intense. Forcé de quitter son emploi dans une banque après la publication du roman, Kobayashi vit dans la clandestinité lorsqu’il est arrêté et torturé à mort par la police en 1933, à seulement vingt-neuf ans.

Sur le chemin de la guerre

« La répression croissante à l’intérieur du pays est directement liée à la politique expansionniste du Japon à l’étranger. »

La répression croissante à l’intérieur du pays est directement liée à la politique expansionniste du Japon à l’étranger. En 1931, l’armée japonaise stationnée au Kwantung [Guandong] organise un attentat à la bombe contre le chemin de fer de Mandchourie, dans le nord-est de la Chine. Cet incident justifie une invasion à grande échelle de la région. C’est ainsi que débute le conflit avec la Chine, connu par les historiens japonais sous le nom de Guerre de quinze ans, qui se poursuivra jusqu’à la défaite du Japon en 1945. C’est dans ce contexte que, en juillet 1932, divers groupes socialistes se coordonnent pour former le Parti socialiste des masses (SMP). Mais cette année-là, la gauche ne remporte que cinq des 466 sièges de la chambre basse lors des élections à la Diète, le parlement japonais. Certains socialistes pensent que leur attrait électoral serait accru s’ils apportent leur soutien au mouvement nationaliste — un mouvement socialiste légal se poursuit donc sur cette base. Cependant, c’est le nationalisme populiste des jeunes officiers militaires, qui proposent une solution révolutionnaire aux problèmes issus de la Grande dépression, qui bénéficie du soutien de la paysannerie. Une campagne de violences politiques menée par les officiers contre le gouvernement civil permet aux forces impériales d’étendre leurs activités dans le nord-est de la Chine. Lors des élections générales du 30 avril 1937, le SMP remporte 36 sièges et apporte son soutien à l’armée au nom de la défense nationale.

En 1937, des syndicalistes de gauche fondent le Parti prolétarien japonais (JPP) afin d’organiser un front populaire contre la collaboration du SMP passé à droite avec les militaristes. Mais la gauche subit de nouveau la répression. Entre décembre 1937 et février 1938, près de 500 socialistes sont arrêtés. En 1940, la police dissout le JPP ainsi que le Zempyo, sa fédération syndicale affiliée et arrête 400 membres et sympathisants. La même année, les quelques syndicats indépendants restants sont dissous de force dans la Fédération du service industriel patriotique (Sanpō), sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et de la Protection sociale, et sont contraints de soutenir l’effort de guerre. Quelques organisateurs syndicaux continuent toutefois de lutter, même en temps de guerre. Ainsi, le Print and Publishing Workers’ Club fonctionne secrètement en tant que cercle culturel jusqu’en 1942. Cependant, au début des années 1940, la majeure partie du mouvement socialiste est en prison, convertie au soutien de l’expansionnisme japonais ou réduite au silence.

Renaître de ses cendres

Le mouvement socialiste japonais d’avant-guerre s’est efforcé d’organiser le militantisme ouvrier dans un contexte de changements sociaux rapides. Fort de quelques succès, le mouvement a dû faire face à une répression sévère alors que le Japon s’engageait dans sa propre expansion impérialiste en Asie et dans le Pacifique. Les compromis de certains socialistes de premier plan avec le mouvement nationaliste ont été le reflet de leur propre compréhension limitée du socialisme en tant que philosophie et pratique de la libération humaine. Pour de nombreux intellectuels reconnus au sein du mouvement et au-delà, les théories marxistes et sociales-démocrates étaient considérées comme offrant une vision des différentes manières d’organiser l’État et la société sans nécessairement renverser les relations sociales capitalistes.

Après 1945, cette forme conservatrice de la social-démocratie a continué à exercer une influence significative au Japon. Elle a contribué à produire un capitalisme fondé sur le développement qui a permis au Japon de renaître de ses cendres et de devenir l’un des principaux États-nations capitalistes du monde de l’après-guerre. Les efforts des véritables socialistes pour réformer et révolutionner la société japonaise au début du XXe siècle n’ont pas suffi à mettre un terme à la misère et à la dévastation que le militarisme japonais a finalement infligées à l’Asie et à la population japonaise elle-même, mobilisée dans une guerre totale. Mais les luttes héroïques des militants socialistes et des activistes du mouvement ouvrier et du mouvement des femmes ont jeté les bases d’une renaissance socialiste après 1945 — des luttes continuent d’inspirer les activistes au Japon et au-delà.


Article traduit de l’anglais par la rédaction de Ballast |Alexander J. Brown, « The Heroic Origins of Japan Socialism », Jacobin, 26 août 2024

03 octobre 2024

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04 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Arbeiter (Ouest France)

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De Nantes à Brest, pour faire connaître le combat des internationalistes

Deux plaques seront dévoilées à Brest, ce samedi, en l’honneur de militants ouvriers, dont des Nantais et brestois, morts durant la guerre 39-45 « pour la fraternité entre les peuples. »

Résistance antinazie ouvrière et internationaliste, de Nantes à Brest, les Trotskistes dans la guerre. Ce livre coécrit par Robert Hirsch, Henri le Dem et François Preneau, connaît un vrai succès.

Dans l’ouvrage, les co-auteurs mettaient en exergue le travail d’’une poignée de militants de Nantes à Brest pour faire vivre l’esprit international ouvrier face au nazisme, en pleine  Seconde Guerre mondiale.

Partis de Nantes, en 1943, quelques-uns d’entre eux, dont le postier trotskiste Robert Cruau, sont montés à Brest pour fraterniser avec quelques soldats allemands.

L’opposition farouche au nazisme et la volonté de préparer un changement radical pour l’après-guerre, les liaient. C’est ainsi qu’ont été diffusés et imprimés, à Brest, par quelques soldats allemands, des bulletins clandestins en allemand intitulés Zeitung für Soldat und arbeiter im Western. Ce travail à Brest fut mené en lien avec le juif berlinois résistant internationaliste Martin Monath, à l’origine, pour sa part, d’Arbeiter und soldat.

Leurs actions sont stoppées, avec l’arrestation les 6 et 7 octobre 1943, des militants français et allemands. Parmi eux, Robert Cruau, connu sous le nom de Max par la police Nazie (1). Il est abattu. D’autres résistants internationalistes sont arrêtés et déportés. Quatre – Georges Berthomé, Yves Bodenez, André Floch, Albert Gohovec – sont morts en déportation.

Quant aux soldats allemands, ils sont fusillés en catimini, sans procès. Leurs identités, encore aujourd’hui, ne sont pas connues avec certitude. Même si les noms de trois d’entre eux sont apparus dans le registre du cimetière brestois de Kerfautras.

Pour poursuivre ce travail de recherche et faire connaître le combat des internationalistes allemands et français, François Preneau et quelques militants français et allemands ont créé une association intitulée Les Amis d’Arbeiter und soldat.

Ils seront à Brest, ce samedi 5 octobre, pour dévoiler deux plaques en hommage à ces résistants français et allemands, « morts pour la fraternité entre les peuples ».

Cette pose de plaques sera suivie d’un colloque à Brest, à la salle des syndicats pour évoquer avec des historiens français et allemands, le combat très original d’Arbeiter und soldat. Ils traiteront aussi « de son actualité à une époque où la lutte pour la paix et la fraternité entre les peuples n’a jamais été aussi nécessaire..»

(1) Robert Cruau qui avait changé d’identité avait aussi pour pseudonyme, Pleton et Cosquer.

Philippe GAMBERT.04/10/2024

https://www.ouest-france.fr/

Programme :

  • François Preneau présentera son livre « Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste. De Nantes à Brest, les trotskistes dans la guerre (1939-1945) ».
  • Nathaniel Flakin, auteur d’une biographie de Martin Monath présentera son livre : « Un Juif berlinois organise la résistance dans la Wehrmacht. “Arbeiter und Soldat” ».
  • Olivier Doriane, de la rédaction de La Tribune des travailleurs, interviendra sur l’actualité du combat d’Arbeiter und Soldat.
  • Jean-Yves Guengant fera le point sur les recherches en cours pour l’identification des soldats allemands fusillés à Brest en octobre 1943.
  • Claudius Naumann traitera de la déclaration des « Communistes internationalistes de Buchenwald (IVe Internationale), avril 1945 ».

Samedi 5 octobre 2024 de 14:30 à 17:30 Salle des Syndicats – Maison du peuple Brest

https://www.ouest-france.fr/

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02 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Liban (Gilbert Achcar )

Liban (Gilbert Achcar ) dans A gauche du PS 

Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas
« Israël se tourne maintenant contre le Liban pour sécuriser sa frontière nord » 

Depuis le 23 septembre, les bombardements de l’armée israélienne sur le Liban ont entraîné la mort de plus de 1 500 personnes, le départ vers la Syrie de 100 000 personnes et le déplacement d’un million de personnes, sur les quelque 5 millions d’habitantEs du Liban. Entretien avec Gilbert Achcar, militant libanais et professeur à l’université de Londres.

Il y a tout à craindre que les attaques de mi-septembre au Liban aient lancé une nouvelle séquence de la guerre commencée en octobre 2023 à Gaza…

Depuis qu’Israël a en gros achevé le stade le plus intensif de sa destruction à Gaza, il se retourne maintenant contre le Liban, contre le Hezbollah, pour sécuriser sa frontière nord. Il le fait en ne laissant au Hezbollah d’autre choix que de capituler et se retirer loin de la frontière ou de subir une guerre totale. Ils ont commencé une escalade progressive de la violence qui a maintenant abouti à la décapitation du Hezbollah, y compris l’assassinat de son chef Hassan Nasrallah, et refusent toute proposition de cessez-le-feu. Une capitulation pure et simple de l’organisation étant peu probable, il faut se préparer à la continuation de l’escalade, y compris l’intervention de troupes au sol dans des opérations ponctuelles, le tout visant à infliger le plus grand dégât possible à l’organisation et démanteler son infrastructure.

En quoi ce qui a lieu aujourd’hui est différent des conflits précédents : 2006, 1982 ?

En 1982, Israël avait envahi la moitié du Liban jusqu’à la capitale Beyrouth, investie par les troupes israéliennes en septembre. Très vite, la résistance, lancée au départ par les communistes, a fait reculer l’armée israélienne qui s’est cantonnée à une portion du Sud-Liban pendant plusieurs années (18 ans d’occupation) jusqu’à devoir l’abandonner en 2000. Israël a subi une défaite politique à cet égard. Autant la guerre avait marqué un point pour l’État Israël vis-à-vis de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) qui avait dû évacuer Beyrouth en 1982, autant Israël s’est montré vulnérable face à la résistance qui s’est développée au Liban. En 2006, Israël avait tenu compte des leçons de 1982 et n’envisageait donc pas d’occupation permanente. Il y a eu une incursion de troupes qui se heurtèrent à une résistance farouche, plus coûteuse que prévu. Cette guerre-là s’est aussi soldée par un fiasco pour Israël, au sens où le Hezbollah, loin d’être détruit, en est ressorti plus fort à terme puisqu’il a reconstitué son arsenal et l’a très considérablement amplifié. La leçon que l’armée israélienne a tirée de 2006, c’est de ne pas prendre de risque quand ils interviennent dans des zones peuplées comme Gaza ou le Liban, surtout les zones urbaines, mais de tout détruire avant d’entrer, ce qui s’est traduit par l’effroyable destruction de Gaza et le caractère génocidaire de la guerre menée contre l’enclave. Au Liban, ils n’en sont pas encore arrivés à ce stade, mais ils menacent ouvertement de transformer des parties du Liban en un autre Gaza.

Après la mort d’Hassan Nasrallah, que représente aujourd’hui le Hezbollah au Liban ?

L’organisation a été très affaiblie non seulement par l’assassinat de Nasrallah, mais aussi par le démantèlement de son réseau de communication interne et l’assassinat de plusieurs de ses cadres militaires. L’organisation a été véritablement décapitée. Elle va se reconstituer et tenter de reconstituer son arsenal bien qu’Israël rende la chose de plus en plus difficile en bombardant en Syrie les voies de transport par lesquelles l’armement peut arriver d’Iran au Hezbollah.

Sur le plan politique, c’est également un affaiblissement considérable de l’organisation. Le Hezbollah conserve certes sa base sociale, dont une grande partie dépend financièrement de l’organisation. Mais il y a dans la population libanaise une forte désaffection qui avait commencé avec l’intervention du Hezbollah en Syrie auprès du régime Assad. Cette intervention a beaucoup changé l’image du Hezbollah au Liban et dans la région : du combat contre Israël, l’organisation était passée au combat en défense d’un régime sanguinaire. Le Hezbollah est apparu plus que jamais comme étant avant tout un auxiliaire de l’Iran. Aujourd’hui, une grande partie de la population libanaise reproche au Hezbollah d’impliquer le Liban dans la guerre avec Israël au nom de la solidarité avec Gaza, même si c’est de façon limitée, en pointant du doigt le fait que la Syrie, qui est censée faire partie du même « axe de la résistance » et qui a certainement beaucoup plus de moyens que le Hezbollah, ne fait rien du tout. De même, l’Iran, leader du même « axe », ne fait pas grand-chose, au-delà des discours. Une seule fois, en représailles contre l’assassinat de dirigeants iraniens à Damas en avril dernier, l’Iran a lancé contre Israël des missiles et drones avec un préavis qui a contribué à en rendre l’impact négligeable.

Beaucoup au Liban demandent donc « pourquoi nous, petit pays, le plus faible de la région, devrions-nous subir des conséquences pour le compte de l’Iran ? » Ce type d’argument est devenu très fort aujourd’hui. Le Hezbollah revendiquait jusqu’ici le fait qu’il constituait une sorte de bouclier, une garantie sécuritaire pour le Liban face à Israël, mais cet argument est battu en brèche par la démonstration que fait Israël de manière spectaculaire de sa grande supériorité militaire, technologique et en renseignements.

Effectivement, avec le risque de voir le Liban détruit…

Une partie du Liban plutôt, parce qu’Israël vise spécifiquement le Hezbollah, les régions où il est présent. Il joue sur les clivages confessionnels et même les clivages au sein des chiites qui sont divisés au Liban en deux camps alliés, mais bien distincts : le Hezbollah d’une part et Amal de l’autre. Le mouvement Amal ne s’est pas impliqué dans le combat en cours contre Israël et ne dépend pas de l’Iran comme le Hezbollah. Israël joue donc là-dessus et vise spécifiquement les régions et zones contrôlées par le Hezbollah. Il y a fort à craindre que la menace de transformer cette partie du Liban en Gaza bis soit mise en œuvre.

Comment construire la solidarité pour les anticapitalistes et anticolonialistes alors que nous ne partageons pas les projets politiques des forces en présence ?

Il faut toujours concevoir la solidarité comme indépendante et critique. La notion de « solidarité inconditionnelle » ne me semble pas utile. La solidarité avec une force dont on ne partage pas le profil doit toujours être critique au sens où il faut se solidariser avec la victime contre l’oppresseur principal, sans oublier pour autant que cette victime peut à son tour être dans une position d’oppression vis-à-vis d’autres.

S’il y avait demain une offensive d’Israël et des États-Unis contre l’Iran, il faudrait se mobiliser puissamment contre celle-ci en tant qu’agression impérialiste, sans pour autant soutenir « inconditionnellement » le régime iranien et encore moins le soutenir contre sa population si elle se soulevait à l’occasion. De la même façon, en 1990-1991, il fallait se mobiliser contre l’agression impérialiste contre l’Irak, sans pour autant soutenir le régime de Saddam Hussein, et encore moins sa répression sanguinaire des populations du sud et du nord du pays qui se sont soulevées à l’occasion. Il ne faut tomber ni dans un travers ni dans l’autre. Il y a des personnes à gauche qui, au nom de la nature du Hezbollah comme organisation confessionnelle et intégriste inféodée au régime iranien des mollahs, en viennent à adopter des attitudes neutres, qui frisent parfois même le soutien à Israël. Cela doit être fortement combattu : il ne faut pas du tout hésiter à se mobiliser contre l’agression israélienne, celle d’un État colonial, oppresseur et prédateur. Quelles que soient les directions politiques dominantes en face, la résistance à l’agresseur colonial est juste. Mais il ne faut pas tomber dans l’autre travers qui consiste à faire du Hezbollah ou du Hamas — ou même bien pire, les Houthis du Yémen qui sont l’équivalent des Talibans — des champions progressistes. Il s’agit de forces, qui sur le plan social et culturel peuvent être tout à fait réactionnaires, et de dictatures brutales comme le sont les régimes syrien et iranien.

Propos recueillis par Fabienne Dolet, le 30 septembre 2024

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02 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Guerre (Reporterre)

Guerre au Proche-Orient : à Beyrouth, une cantine solidaire nourrit les déplacés

Guerre au Proche-Orient : à Beyrouth, une cantine solidaire nourrit les déplacés

L’armée israélienne intensifie ses bombardements contre le Hezbollah, au Liban, tuant des centaines de civils. À Beyrouth, une cantine autogérée se mobilise pour nourrir les personnes déplacées, réfugiées dans la capitale.

Des volontaires de toutes nationalités hachent des oignons, coupent des carottes et préparent une marmite de riz pendant qu’un drone de surveillance israélien bourdonne dans le ciel de Beyrouth. Une activité fébrile règne dans la station-service reconvertie qui accueille Nation Station, une cuisine associative qui distribue habituellement des repas aux personnes les plus démunies de Geitaoui, un quartier à l’est de la ville.

Depuis une semaine, l’association est mobilisée pour faire face à l’escalade de la guerre entre le Liban et Israël : des dizaines de volontaires, jeunes pour la plupart, s’activent pour nourrir des déplacés venant du Sud-Liban et de la banlieue sud de Beyrouth, réfugiés dans la capitale libanaise.

« On fait des journées de presque douze heures en cuisine pour préparer 400 repas trois fois par jour », explique Sélène, une jeune volontaire franco-libanaise. « Être dans l’action et s’engager, ça fait passer un peu la tension et l’anxiété constante qu’on ressent à cause de la guerre », dit-elle à Reporterre. Depuis deux semaines, Israël enchaîne les attaques sur le Liban : explosions des bipeurs et walkies-talkies, bombardements massifs sur le Sud-Liban et la vallée de la Bekaa, frappes aériennes contre les dirigeants du Hezbollah dans la banlieue sud de Beyrouth qui ont tué le dirigeant du mouvement islamiste, Hassan Nasrallah, le 27 septembre… Et maintenant des opérations terrestres à la frontière, comme l’a affirmé l’armée israélienne.

400 petits-déjeuners

Plus de 1 500 personnes ont été tuées par Israël au Liban, 7 000 blessées et un million déplacées, dont une majorité de civils, dans cette « nouvelle phase » de sa guerre contre le mouvement politique et armé chiite, le Hezbollah. Des dizaines de milliers de personnes ont trouvé refuge dans des écoles à Beyrouth, mais beaucoup dorment aussi dans les rues et les places publiques de la capitale. Malgré le chaos qui règne, des associations tentent d’assurer un minimum de solidarité avec les victimes de la guerre. « Nous avons été créés en 2020 après l’explosion du port de Beyrouth : être réactif en temps de crises est dans notre ADN », explique Jenitta Hebbo, 25 ans, gérante des opérations de l’association Nation Station.

Le lendemain, à 9 h 30, après avoir passé des heures à préparer des sandwichs pour le petit-déjeuner, Jenitta et Sélène se rendent en voiture à Dekwaneh, un quartier voisin de Beyrouth. Là-bas, des centaines de personnes déplacées ont trouvé refuge dans une école d’hôtellerie. Ce sont les volontaires de la branche libanaise d’Action contre la faim (ACF) Espagne qui y distribuent les 400 petits-déjeuners préparés par Nation Station.

« Nous nourrissons notre propre communauté, nos familles, alors nous donnons 1 000 % de notre énergie pour aider notre pays », explique Abdallah Sanan, gérant de la distribution des repas, à Reporterre d’une voix fatiguée, mais déterminée. Lui-même est originaire de Nabatiyeh, une ville moyenne du sud du Liban, qu’il a fui alors que les missiles israéliens pleuvaient sur la région, faisant des centaines de morts civils, touchant des mosquées et des hôpitaux.

Seuls ses canaris ont pu être sauvés

Autour de lui, une certaine tension règne et la crainte des espions israéliens est grande : les journalistes ne sont pas autorisés à prendre des photos des déplacés ni à leur parler, sauf pour quelques exceptions. Mahmoud, 56 ans, est l’un de ceux qui ont accepté de témoigner de leur exode forcé. Sa maison, dans le village frontalier d’Aita al-Jabal, a été bombardée peu après son départ, le 23 septembre dernier. « La maison, les champs, tout a disparu », soupire l’ouvrier agricole, qui gagnait son salaire en cultivant des champs de tabac autour de sa maison. Il a seulement réussi à sauver ses canaris, qui gazouillent dans leurs cages posées dans la cour de l’école. « Je les ai amenés parce que ce serait mal de les abandonner — ils auraient été tués dans le bombardement », soupire-t-il..

L’armée israélienne affirme viser des armes cachées au sein de la population civile, mais Mahmoud affirme qu’« Israël ne fait pas de différence entre les civils du Sud-Liban et les combattants : pour eux, nous sommes tous coupables ». Alors que l’État hébreu a annoncé avoir effectué des opérations terrestres contre les villages frontaliers dans la nuit, la perspective pour les agriculteurs et les déplacés du Sud-Liban de retrouver un jour leurs champs et leurs collines s’amenuise.

Philippe Pernot 2 octobre 2024

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02 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Ouragan (Reporterre)

Après le passage de l'ouragan Hélène, Trump et Harris éludent la question climatique

Atlanta, Géorgie (États-Unis), correspondance

Après le passage de l’ouragan Hélène, Trump et Harris éludent la question climatique

Après le passage et les 110 morts de l’ouragan Hélène aux États-Unis, les candidats à l’élection présidentielle cherchent à tirer profit de la catastrophe. Sans pointer du doigt la responsabilité du changement climatique.

Des centaines de personnes sont encore portées disparues. Quelques jours après l’arrivée de l’ouragan Hélène sur les côtes de la Floride jeudi 26 septembre, le bilan est considérable dans le sud-est des États-Unis. Il a touché terre en catégorie 4, sur une échelle de 5. À mesure qu’il progressait vers le Nord, il a rétrogradé en « tempête tropicale », mais les conséquences en ont quand même été désastreuses.

Plus d’une centaine de personnes sont mortes dans les États de Floride, de Géorgie et de Caroline du Sud, ainsi que dans le Tennessee et la Caroline du Nord. De nombreuses routes ont été coupées, des quartiers inondés, et des villes presque détruites. Dans certaines régions, les opérations de secours cherchaient encore ce lundi 30 septembre, par tous les moyens possibles, à accéder aux sinistrés.

Six cents personnes étaient portées disparues le 30 septembre, selon l’administration de Joe Biden. Le président a annoncé se rendre en Caroline du Nord mercredi 2 octobre. La campagne présidentielle s’est aussi invitée dans ce déluge. Donald Trump était lundi à Valdosta, dans le sud de la Géorgie. L’État est un des plus touchés, avec la Caroline du Nord.

Des « swing states » particulièrement touchés

Les deux sont des « swing states », des États pivots, où une victoire est importante, sinon essentielle, pour les candidats. Devant des bâtiments en ruine, le candidat républicain ne cache pas sa casquette « Make America Great Again », son slogan de campagne, vissée sur sa tête. Fidèle à lui-même, il a aligné les mensonges, accusant le président Joe Biden d’être en train de « dormir », une allusion à son âge, et de ne pas avoir réagi à cette catastrophe. Il a affirmé que le gouverneur de Géorgie, Brian Kemp, un Républicain, « a appelé le président sans avoir de réponse ».

Le gouverneur a contesté ces faits, expliquant que le président Joe Biden l’avait appelé la veille pour lui proposer de l’aide — chaque État, dirigé par son gouverneur, est en première ligne pour gérer de tels scénarios climatiques, et l’État fédéral, dirigé par Washington, peut venir en aide avec ses ressources financières et logistiques.

Donald Trump s’en est également pris au gouverneur démocrate de Caroline du Nord, Roy Cooper, l’accusant de « délibérément ne pas aider les gens dans les zones républicaines ». « Ce qui me met en colère [c’est qu’il] sous-entend que nous ne faisons pas tout ce qui est possible. […] C’est faux et c’est irresponsable », a déclaré en réponse Joe Biden. « Notre nation est avec vous, et notre administration continuera de faire tout ce qu’elle peut », a déclaré Kamala Harris. La vice-présidente s’est également entretenue avec les autorités fédérales de gestion de telles crises.

« La crise climatique en action »

Même s’il est difficile d’évaluer la part exacte du changement climatique dans de telles catastrophes climatiques, ces événements — et leur puissance — en sont bel et bien une conséquence. « Ne vous trompez pas : les ravages inimaginables qu’on voit à travers le sud-est [des États-Unis] sont la crise climatique en action. Tant que nous maintenons le statu quo sans limites de l’utilisation des énergies fossiles, ces désastres seront plus fréquents, plus graves, et plus mortels », a déclaré le président de l’organisation environnementale Sierra Club, Ben Jealous.

Sauf qu’aucun des deux candidats n’a évoqué le changement climatique dans ses prises de paroles. Ce n’est pas surprenant de la part de Donald Trump, qui a maintes fois répété son attachement aux énergies fossiles, et son souhait d’abattre les régulations contre les entreprises polluantes. Mais Kamala Harris n’a pas davantage souligné le rôle du changement climatique. Depuis plusieurs mois, la candidate démocrate a plus que lissé son discours sur l’environnement, pour paraître moins radicale aux yeux des électeurs indécis. Reste à savoir si les personnes sinistrées, elles, en tiendront rigueur aux candidats.

Edward Maille 2 octobre 2024

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30 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Beyrouth (Moyen-Orient)

Beyrouth (Moyen-Orient) dans Altermondialisme

Hassan Nasrallah : qui était le secrétaire général du Hezbollah ?

Tôt dans la journée du samedi 28 septembre 2024, la nouvelle a été diffusée par les Israéliens puis confirmée par le Hezbollah lui-même : après plusieurs jours d’une violente escalade et une nuit de frappes aériennes sur la banlieue sud de Beyrouth au cours de laquelle plusieurs dizaines d’immeubles ont été détruits [1], l’armée israélienne est parvenue à éliminer Hassan Nasrallah, le secrétaire général tricennal du mouvement paramilitaire chiite Hezbollah et plusieurs de ses lieutenants – ainsi que sa fille, Zainab Nasrallah.

Personnage complexe et très croyant, Hassan Nasrallah a consacré sa vie à la défense de ses idéaux religieux et politiques, en particulier la lutte contre Israël, perdant dans ce combat des amis et des membres de sa famille au fil des décennies. A l’aune du 7 octobre 2023 du nouveau conflit israélo-palestinien, et face à un Iran et une Syrie peu enclins à réellement s’engager contre Israël, il s’était imposé comme le héraut régional de la lutte contre l’Etat hébreu, ouvrant un nouveau front au nord du territoire israélien afin de forcer l’armée israélienne à se diviser et à y maintenir une présence soutenue alors que la guerre à Gaza faisait rage.

Depuis 1992, année pendant laquelle il devient Secrétaire général du Hezbollah, le mouvement est devenu, de fait, une organisation politique et paramilitaire, aux ramifications régionales et mondiales quasi-inédites s’étendant jusqu’en Amérique latine : plus puissant politiquement et militairement que le gouvernement libanais lui-même, le mouvement chiite est devenu de facto la force dominante dans le pays. Son intervention au profit de Bachar al-Assad dès 2011 puis auprès des milices chiites en Syrie et en Irak s’est montrée déterminante, tant dans la lutte contre les différents mouvements insurgés (rébellion syrienne et organisations djihadistes comme l’Etat islamique notamment) que dans l’expansion de l’influence iranienne à travers la région. Puissamment armé grâce au soutien de l’Iran et disposant désormais d’un arsenal fourni et varié de missiles balistiques capables de frapper le territoire israélien, le Hezbollah est devenu l’une des plus importantes forces militaires du Moyen-Orient et, en conséquence, l’une des plus grandes « bêtes noires » d’Israël qui, plusieurs années avant le 7 octobre 2023, s’employait déjà à affaiblir les capacités opérationnelles de l’organisation chiite en ciblant ses bases en Syrie et en Irak.

En assassinant Hassan Nasrallah, qui s’exprimait encore à la télévision libanaise le 19 septembre, Israël est parvenu à se débarrasser de l’un de ses adversaires les plus redoutables, mais probablement pas de l’héritage qu’il laisse derrière lui : celui d’une organisation politique et militaire puissante, résiliente et se percevant comme la Némésis de l’Etat hébreu. De fait, alors que Hassan Nasrallah est élevé par ses alliés régionaux comme un martyr de la lutte contre Israël, le Hezbollah s’est d’ores et déjà engagé à « poursuivre la guerre sainte contre l’ennemi et en soutien à la Palestine » [2], illustrant sa promesse par un barrage de roquettes contre plusieurs villes au nord du territoire israélien [3].

Héros pour les uns, terroriste pour les autres, un personnage historique est mort ce samedi 28 septembre 2024 : le présent article en dressera donc la biographie, en présentant d’abord les premières années de sa vie (I), puis ses débuts au Hezbollah (II) ; son rôle-clé dans la « régionalisation » du Hezbollah conclura cet article (III).

I. Les premières années : du jeune clerc au secrétaire général du Hezbollah (1960-1992)

Hassan Nasrallah est né le 31 août 1960 à Bourj Hammoud, dans une banlieue orientale de Beyrouth connue pour sa mixité ethnoreligieuse. Il était le neuvième d’une fratrie de dix enfants. Bien que sa famille, chiite, ne se soit pas montrée particulièrement portée sur le fait religieux, le futur chef du Hezbollah s’est intéressé très tôt aux études de théologie. Il fréquente une école publique dans le quartier majoritairement chrétien de Sin el Fil jusqu’en 1975 où, à 15 ans, il se trouve contraint de fuir avec sa famille en raison de l’éclatement de la guerre civile libanaise (13 avril 1975-13 octobre 1990). Ils se réfugient dans le village de Bazourieh, dont était issu le père de Hassan, non de loin de Tyr, au sud du Liban. Nasrallah y termine ses études secondaires et y rejoint brièvement le Mouvement Amal, un groupe politique chiite libanais disposant alors de milices armées.

Déterminé à devenir clerc, Nasrallah part ensuite étudier au séminaire chiite de Baalbek, dans la vallée de la Beqaa. L’école suivait alors les enseignements de l’ayatollah d’origine irakienne Mohammad Baqir al-Sadr, qui avait fondé le mouvement Dawa [4] à Nadjaf, en Irak, au début des années 1960. En 1976, à l’âge de seize ans, Nasrallah se rend dès lors en Irak où il est admis au séminaire de l’ayatollah al-Sadr à Nadjaf, ville sainte majeure de l’islam chiite. Il n’y restera que deux ans : en 1978, il est expulsé d’Irak avec des dizaines d’autres étudiants libanais en raison de la répression baathiste s’abattant alors contre les mouvements chiites. Al-Sadr est quant à lui emprisonné, torturé et assassiné en 1980.

De retour au Liban, Nasrallah étudie et enseigne à l’école du leader d’Amal, Abbas al-Musawi, avant que ce dernier ne le choisisse comme délégué politique du parti dans la Beqaa en 1979 : les deux hommes s’étaient en effet connus au séminaire d’Al-Sadr à Nadjaf et avaient été expulsés ensemble d’Irak. Le début de la carrière politique de Hassan Nasrallah commence. En 1982, après l’invasion israélienne du Liban, l’intéressé rejoint le Hezbollah, alors formé par des clercs musulmans avec le soutien de l’Iran afin de combattre les Israéliens. A l’aune de son engagement pour le Hezbollah, il se rapproche de Téhéran et, en 1989, part pour Qom, en Iran, afin d’y poursuivre des études religieuses.

En 1991, Nasrallah retourne au Liban où il continue d’œuvrer comme cadre du Hezbollah avant que le secrétaire général du mouvement, son camarade Abbas al-Musawi (en poste depuis mai 1991), ne soit tué dans une frappe aérienne israélienne le 16 février 1992 : Hassan Nasrallah est appelé à le remplacer et prend alors la tête du mouvement à l’âge de 32 ans.

II. Des premières années résolument anti-israéliennes à la tête du Hezbollah (1992-2011)

L’une des premières actions de Nasrallah est de venger la mort d’al-Musawi. Grâce au soutien de l’Iran, il acquiert des roquettes à plus longue portée que celles déjà en possession du Hezbollah et frappe le nord d’Israël malgré l’occupation israélienne du sud du Liban. Dans le même temps, le 8 mars 1992, un attentat à la voiture piégée tue un employé de l’ambassade d’Israël en Turquie [5], tandis que le 17 mars de la même année, un kamikaze se fait exploser contre l’ambassade israélienne en Argentine, détruisant l’intégralité du bâtiment et tuant 29 personnes, dont 4 Israéliens [6].

En représailles, Israël conduit l’opération « Comptes à rendre » le 25 juillet 1993 : durant une semaine, le Liban est pilonné par l’armée israélienne, détruisant une grande partie des infrastructures militaires et civiles libanaises. Un accord est finalement conclu, par lequel Israël s’engage à mettre fin à ses attaques au Liban moyennant un engagement similaire du Hezbollah à l’égard du nord d’Israël. Après une courte pause, les hostilités reprennent : du 11 au 27 avril 1996, Israël lance l’opération « Raisins de la colère », mettant sous blocus d’importantes villes portuaires libanaises et conduisant plus de 1 100 missions de bombardements aériens à travers le territoire libanais. Après 16 jours de frappes, un nouvel accord de cessez-le-feu est conclu. Une fois de plus, le Hezbollah accepte de cesser ses tirs de roquettes en échange de l’arrêt des attaques israéliennes. Toutefois, comme en 1993, la paix ne durera pas longtemps et les escarmouches reprendront très rapidement.

L’utilité d’occuper militairement le sud du Liban est dès lors questionnée en Israël, où les autorités militaires constatent que cette « zone de sécurité » n’empêche finalement pas le Hezbollah d’atteindre le territoire israélien. Dans le même temps, les partisans de la paix défendent l’idée que le conflit ne prendra fin que si Israël se retire du Liban. Ce sera dès lors chose faite en 2000 : le Premier ministre israélien Ehud Barak annonce le 23 mai le retrait des troupes israéliennes du sud du Liban. Les différentes organisations armées entraînées par Israël (notamment « l’Armée du Liban du Sud » [ALS]) afin de s’opposer au Hezbollah ne résistent pas à ce dernier, qui investit sans difficulté l’ancienne zone d’occupation israélienne. Cet événement est perçu comme une grande victoire pour le Hezbollah sur Israël et accroît la popularité de Hassan Nasrallah et de son mouvement, tant au Liban qu’à travers le monde musulman.

En 2004, il sera crédité d’un nouveau succès après être parvenu à obtenir de Tel Aviv un échange de prisonniers aboutissant à la libération de centaines de détenus palestiniens et libanais et à la restitution au Liban des dépouilles de nombreux combattants, dont celui de son fils, Hadi Nasrallah, tué au combat le 12 septembre 1997 lors d’un accrochage avec les forces israéliennes [7]. L’accord sera alors perçu à nouveau comme une grande victoire pour le Hezbollah et notamment Hassan Nasrallah [8].

L’image de Nasrallah sera toutefois ternie lors du déclenchement de la guerre du Liban en 2006 : à la suite d’une embuscade tendue par le Hezbollah en territoire israélien ayant entraîné la mort de 3 soldats et l’enlèvement de 2 autres, Israël lance une vaste opération aéroterrestre au Liban qui durera du 12 juillet au 14 août 2006. Les bombardements israéliens causeront des dommages substantiels dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, et provoqueront la mort de plus d’un millier de civils. Au cours du conflit, Nasrallah fera l’objet de vives critiques de la part des pays arabes, notamment de la Jordanie, de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, qui critiqueront par exemple « l’aventurisme » du chef du Hezbollah et le risque que ce dernier ne nuise aux intérêts du monde arabe et à la population libanaise.

III. La montée en puissance régionale du Hezbollah (2011-2024)

Le début de la guerre civile syrienne en 2011 et les difficultés militaires rapidement rencontrées par Bachar al-Assad vont pousser le Hezbollah à entamer une métamorphose : le 25 mai 2013, Nasrallah annonce l’envoi de combattants du mouvement aux côtés de l’armée syrienne, affirmant que le Hezbollah entre dans « une phase complètement nouvelle » de son existence [9]. Au fur et à mesure de l’aggravation de la guerre civile et de l’intervention régulière de nouveaux acteurs (Al-Qaeda, Etat islamique, acteurs étrangers…), le Hezbollah enverra toujours plus de troupes et se montrera toujours indispensable dans la survie du régime syrien, rassemblant un total de 7 000 à 9 000 soldats sur ce théâtre d’opérations, dont des unités d’élite [10]. Le 26 juillet 2014, Hassan Nasrallah perdra l’un de ses neveux, Hamzah Yassine, tué lors de combats contre des groupes rebelles en Syrie [11].

Fort de son assise politique, économique et sécuritaire au Liban, dirigeant un véritable Etat dans l’Etat, Hassan Nasrallah ne sera que peu inquiété par les manifestations monstres organisées dans le pays au cours de l’année 2019 appelant à un changement de gouvernance et qui, à plusieurs reprises, le cibleront personnellement, notamment son rôle dans la situation politique et économique dégradée du Liban [12].

L’intervention décisive du Hezbollah en Syrie puis en Irak, tant auprès de Bachar al-Assad qu’au profit des milices chiites soutenues également par l’Iran, permettront au Hezbollah d’asseoir son rôle de puissance paramilitaire régionale. Hassan Nasrallah deviendra dès lors un acteur chiite de premier plan au Moyen-Orient et un des alliés les plus fiables de l’Iran. Il soutiendra ainsi d’autres proxies de Téhéran, tels que les Houthis [13], et participera au développement de réseaux économiques et politiques parallèles, voire clandestins (blanchiment d’argent par exemple [14]), au profit de la République islamique et du Hezbollah à travers le monde.

Le 8 octobre 2023, le lendemain de l’attaque du Hamas contre Israël et des premières frappes israéliennes dans la bande de Gaza, les combats jusque-là sporadiques entre le Hezbollah et Israël s’intensifieront à la frontière israélo-libanaise ; initialement attentiste, Hassan Nasrallah tentera autant que possible d’éviter une escalade militaire avec Israël sans l’assurance d’un soutien de l’Iran, qui ne viendra jamais véritablement. Prisonnier d’un mécanisme de surenchère de la riposte et de nécessité de préserver la crédibilité du Hezbollah auprès de ses alliés régionaux et du monde arabe, il autorisera progressivement ses militants à lancer des attaques toujours plus audacieuses et meurtrières, jusqu’aux tirs, pour la première fois, de missiles balistiques ces derniers jours contre Israël, provoquant une campagne massive de bombardements israéliens au Liban à l’origine de la mort de plusieurs centaines de civils puis, quelques jours plus tard, de la sienne, aux côtés de sa fille Zainab et de plusieurs de ses lieutenants dans la banlieue de Dahiyeh, au sud de Beyrouth.

Emile Bouvier 29/09/2024

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30 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Pénis (Reporterre)

penis

Du pénis au cerveau, l’invasion microplastique se poursuit

De nouvelles études montrent la présence de microplastiques dans les pénis et cerveaux humains. Si ces résultats, encore isolés, font débat dans la communauté scientifique, notre contamination aux plastiques inquiète unanimement.

La liste des organes du corps humain contaminés aux microplastiques s’allonge. Après les poumons, le tube digestif, le rein et le foie, le pénis et le cerveau seraient également contaminés. Une nouvelle étude publiée le 19 juin dans la revue International journal of impotence research a mis en évidence la présence de ces particules dans cet organe génital. Notre encéphale est aussi touché selon une étude en phase de prépublication — qui doit donc encore être validée par les pairs. Une troisième étude publiée en mars 2024 dans le New England Journal of Medecine en trouve également dans les artères, sur les plaques d’athérome responsables de troubles cardiovasculaires.

Ces premiers résultats sont-ils significatifs ? « Sans aucun doute », estime le chercheur Xavier Coumoul, codirecteur de l’équipe de recherche Metatox. Pour ce professeur de toxicologie à l’université Paris Cité, le fait que les méthodes d’analyse caractérisent de mieux en mieux les nanoplastiques, plus petits et donc plus mobiles, « va conduire à en trouver de plus en plus dans l’ensemble du corps humain. C’est un sujet d’alerte ».

Les résultats sur le pénis ou le cerveau, qui restent isolés, « font débat dans la communauté scientifique qui travaille sur le plastique », dit néanmoins Bettie Cormier, de la Norwegian University of Science and Technology. Elle précise qu’il n’existe aucun mécanisme connu pour expliquer le passage de plastiques de la taille de l’ordre du micromètre à travers la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau. « La méthode utilisée dans ces études de chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse doit encore être validée », estime cette chercheuse en écotoxicologie.

Décontaminer les laboratoires d’analyse

Autre problème pour évaluer la fiabilité des études, le risque de contamination des échantillons par les microplastiques présents dans tout notre environnement et donc aussi dans les laboratoires. Guillaume Duflos, en charge de la mission microplastiques à l’Anses (Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale), raconte comment l’agence a revu ces processus analytiques pour limiter et quantifier cette contamination. Par exemple, le port d’une combinaison de coton pour éviter la contamination par des fibres plastiques des vêtements.

« Aujourd’hui, il est aussi indispensable d’avoir des témoins positifs, un récipient laissé à l’air libre dans le laboratoire rempli d’une solution garantie au départ sans plastique. La mesure à la fin de l’expérimentation de la quantité de plastique dans la solution donne une idée de la contamination des échantillons dans le laboratoire », précise l’expert.

« Ce qui nous pose question, c’est le relargage des additifs dans le corps »

« Les microplastiques sont majoritairement éliminés par l’organisme, filtrés dans les poumons ou évacués dans les fèces. Mais ça n’enlève en rien leur toxicité à cause des substances chimiques présentes dans les plastiques et relarguées dans l’organisme », explique Bettie Cormier. Son équipe norvégienne a publié un rapport début 2024 qui estime que les additifs chimiques dans les plastiques représentent le principal danger toxique : « Nous avons montré qu’un problème plus important que la présence des microparticules sont les 16 000 substances chimiques connues pour leur potentiel de toxicité et qui sont utilisées dans les plastiques. »

Un plastique est en effet formé de polymères mais aussi de nombreux additifs chimiques ajoutés pour lui conférer les propriétés voulues, additifs qui représentent la moitié de la masse du morceau de plastique. « Ce qui nous pose aujourd’hui question, c’est le relargage de ces additifs dans le corps », confirme Guillaume Duflos. Une récente étude publiée en septembre 2024 dans Nature montre que sur ces 16 000 substances, 3 600 ont déjà été détectées chez les humains.

Des modèles animaux mais aussi de nouveaux modèles organoïdes qui reproduisent en laboratoire des organes humains — par exemple, un cerveau miniature — permettent aujourd’hui de commencer à étudier la toxicité des cocktails chimiques présents dans les plastiques. Mais le chantier est titanesque face au nombre démesuré de recombinaisons possibles entre les 16 000 substances identifiées.

« Des études épidémiologiques sur des cohortes humaines sont aussi nécessaires pour suivre la quantité de plastiques dans l’organisme et l’associer au développement de pathologies, études qui ne sont pas encore lancées à ma connaissance », dit Xavier Coumoul.

Inflammation et maladies chroniques

La toxicité mécanique, c’est-à-dire la présence concrète de particules de microplastiques en elles-mêmes dans nos corps, n’est pas pour autant négligeable. Plusieurs études chez l’animal montrent que l’accumulation de microparticules participe à un phénomène inflammatoire responsable de nombreuses maladies chroniques, même s’il existe encore peu d’éléments pour transposer ces résultats chez l’humain.

À ces toxicités s’ajoute celle spécifique des nanoplastiques, liée aux propriétés de ces particules qui peuvent interagir avec nos propres molécules biologiques. Les experts de l’université de West England dans un rapport rendu à la Commission européenne en 2023 ont fait une revue de la littérature qui montre que les nanoplastiques peuvent interagir avec des protéines, des lipides, des acides nucléiques et former des couronnes de nanoplastiques qui facilitent leur absorption et leur translocation. Autrement dit, qui leur permettent de mieux passer les membranes biologiques…

Magali Reinert 30 septembre 2024

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28 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

fachosphère (Reporterre)

facho

Dans les médias d’extrême droite, une croisade anti-écolo

Nier le changement climatique, attaquer les militants, développer une « écologie de droite » : dans les médias d’extrême droite, cette triple mission dessine les contours de leur projet raciste, défendu comme « civilisationnel ».

L’Arcom a infligé pour la première fois une amende à une chaîne de télévision — CNews — pour des propos climatosceptiques tenus à l’antenne le 10 juillet dernier. Il en a coûté 20 000 euros au média de Vincent Bolloré d’avoir laissé l’un de ses invités affirmer que « le réchauffement climatique anthropique est un mensonge et une escroquerie », sans apporter de contradiction.

L’économiste Philippe Herlin, soutien du candidat Éric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022, avait persisté, dans l’émission « Punchline Été » du 8 août 2023, en qualifiant le réchauffement d’origine humaine de « complot qui justifie l’intervention de l’État dans nos vies ».

Sur la chaîne du milliardaire Vincent Bolloré, comme dans les autres médias d’extrême droite, ce type de propos climatosceptiques ou climatodénialistes — qui remettent en cause l’origine anthropique du changement climatique, en relativisent l’urgence et l’ampleur, voire en nient l’existence — trouvent un écho complaisant. Et ce déni s’accompagne désormais d’un discours virulent à l’encontre des écologistes, au profit de la promotion d’une écologie aux relents identitaires.

Des climatosceptiques en « mission »

Les propos tenus sur Cnews en août 2023 ne sont pas isolés. Ils sont fréquents sur la chaîne, et sur d’autres médias proches de l’extrême droite. Le 25 juin de cette année, l’Arcom avait déjà épinglé Sud Radio avec une « mise en garde » pour la diffusion de propos qui « venaient contredire ou minimiser le consensus scientifique existant sur le dérèglement climatique actuel, par un traitement manquant de rigueur et sans contradiction ».

Le 7 décembre 2023, pendant la COP28, l’animateur André Bercoff y avait reçu le physicien François Gervais dans son émission. L’invité avait notamment assuré que l’actuel changement du climat serait induit par des cycles naturels, évoquant une « arnaque climatique », face à un animateur qui avait lui-même qualifié les rapports du Giec de « pseudo-scientifiques ».

François Gervais, membre d’une association d’autorevendiqués « climato-réalistes » a aussi été reçu plusieurs fois sur Cnews, en 2021, puis en juin 2022 et en décembre 2023. Il y avait toute latitude pour répéter ses messages sur la « variabilité naturelle du climat » et accuser les scientifiques du Giec d’avoir un « discours catastrophiste » afin d’obtenir des financements.

« L’écologisme qui menace la France »

Ce discours est rodé et débité devant des animateurs ou éditorialistes cachant à peine leur adhésion, comme Ivan Rioufol, lui-même pourfendeur de « l’écologisme qui menace la France » ou de « la jeunesse manipulée des marches climat ».

La chaîne est si complaisante avec les climatodénialistes que le président de cette association de « climato-réalistes », le mathématicien Benoît Rittaud, tribun régulier sur Valeurs Actuelles, y voit une « terre de mission » pour diffuser leurs thèses.

Ce magazine, Valeurs Actuelles, est tout aussi enclin à les promouvoir. En juillet 2023, au cours de l’été le plus chaud depuis 2 000 ans dans l’hémisphère Nord, il publiait un hors-série intitulé « Climat : infos et intox » pour démontrer que « l’influence de l’homme sur le climat est modeste » et que « la transition écologique s’apparente à une impasse ». Une publication où l’on retrouvait notamment Steven Koonin, ex-conseiller scientifique de Barack Obama et ancien directeur scientifique de British Petroleum, coqueluche internationale des climatodénialistes, et dont les thèses ont par exemple alimenté la vidéo récente climatosceptique du Raptor sur Youtube.

Du climato-déni à l’écolo-discrédit

Pour le chercheur en analyse de discours Albin Wagener, professeur à l’École des sciences de la société de Lille et auteur de Blablabla, en finir avec le bavardage climatique (éd. Le Robert, 2023), le fait que ces personnalités soient privilégiées par les médias les plus à droite, alors que le traitement médiatique du climat s’accentue, leur permet de « se présenter comme alternatifs, faisant entendre une voix différente » de la soi-disant « presse bien-pensante » et du « politiquement correct ».

Selon l’association Quota Climat qui publiera en novembre les premiers chiffres de l’Observatoire des médias sur l’écologie, la couverture de l’écologie dans les médias d’extrême droite est trois fois moins importante que la moyenne globale des médias.

Et quand ils font un pas de côté, entre deux émissions et articles sur l’immigration et l’insécurité, ce n’est pas seulement pour offrir une tribune aux climatodénialistes. C’est aussi pour dénigrer ceux qui alertent sur le changement climatique, les destructions écologiques et leurs causes. « Une partie de l’extrême droite s’est rendu compte qu’on ne peut plus nier le changement climatique, alors ils s’en prennent au messager », explique le journaliste Maxime Macé, co-auteur de Pop fascisme : Comment l’extrême droite a gagné la bataille culturelle en ligne (éd. Divergences, 2024).

« Anti-viande, anti-joie de vivre, anti-traditions, anti-tout »

En janvier 2024, en pleine révolte des agriculteurs, Pascal Praud fustigeait sur Cnews et Europe 1, « toutes ces associations écologistes, minoritaires, comme WWF, qui en permanence pointent du doigt ce monde agricole, veulent nous faire manger de l’herbe, du tofu et du quinoa, qui refusent tout ». Les « khmers verts », comme il se plaît à les dépeindre, sont devenus la bête noire de l’animateur et de ses confrères des médias d’extrême droite.

Valeurs Actuelles titre régulièrement sur le « monde de fous que les écolos nous imposent », ces « écolos sectaires » qui seraient « anti-viande, anti-joie de vivre, anti-traditions, anti-tout ». « Ces médias exploitent les failles de la communication écologiste qui n’a pas encore trouvé ses points d’ancrage positifs et utilise des termes renvoyant à l’imaginaire de la privation, comme décroissance ou sobriété », analyse le chercheur Albin Wagener.

Diaboliser les écolos

Embrassant sans retenue le discours criminalisant à l’égard des défenseurs de l’environnement, ces médias s’attellent à construire un ennemi écolo et à « mener le combat culturel » contre « l’écologisme », « cheval de Troie de ces anticapitalistes qui annoncent la fin du monde pour justifier la décroissance et réussir ce qu’ils ont raté avec le communisme : abattre la société de marché », affirme Pascal Praud.

« L’écologisme est un gauchisme », tranche Valeurs Actuelles. Il a « la couleur du totalitarisme, l’esprit du totalitarisme » et il est porté par des « peine-à-jouir », insiste Élisabeth Lévy.

« Tubercules en bermuda »

La cofondatrice et directrice de la rédaction de Causeur y voit une « conspiration contre la vie », et s’en prend tantôt aux militants, « tubercules en bermuda » occupant « d’immenses zad insalubres », tantôt aux journalistes se muant en « menaçants perroquets logorrhéiques », tous accusés d’avoir « gobé la propagande du Giec » jusqu’à devenir des « cavaliers de l’apocalypse écologique ». « L’écologisme » revêt pour la polémiste les atours « d’une religion séculière aux relents totalitaires », dont Greta Thunberg serait le « nouveau Dalaï-Lama » prônant le « catéchisme climatique ».

En 2019, Causeur titrait : « Contre la religion du climat, pour la raison ». Ainsi se construit une distinction entre les « dogmatiques », adeptes d’une « doxa alarmiste » appartenant « au champ de la croyance plutôt qu’à celui de la raison », et les « pragmatiques ». L’écologie « pragmatique » se fonderait sur une « science véritable », tandis que la « dogmatique » se contenterait de la « science officielle », tant décriée par les « climato-réalistes ».

« Génie humain » et « enracinement »

Bien que prolixes, les pourfendeurs de l’écologie « idéologique » et « punitive » ne s’en tiennent pas seulement à cette bataille « contre l’écologisme ». Ils ont un antidote : « l’écologie de droite ». Contrairement à celle de la gauche, honteusement « décroissante » et « anticapitaliste », « l’écologie de droite » est technosolutionniste, confiante dans le « génie humain » et sa capacité à trouver de « nouvelles solutions »… à condition qu’il ne s’agisse pas des énergies renouvelables. « Les médias d’extrême-droite parlent davantage des énergies renouvelables que la moyenne, mais la tonalité y est plus négative », constate Eva Morel, de Quota Climat.

Au vu de l’invisibilité de la question des énergies fossiles dans les médias les plus à droite, cette écologie-là est aussi imperméable aux causes du changement climatique. « Raisonnable et rationnelle », elle doit rester « compatible avec le capitalisme », défend Jean-Marc Governatori, coprésident d’Écologie au centre et élu écologiste niçois, qui a sa tribune dans Causeur. Une écologie qui s’accommode du « paradigme dominant néolibéral », observe Albin Wagener.

« L’enracinement est le terme clé », note Antoine Dubiau, auteur d’Écofascismes (Ed. Grévis, 2022) : « Il traduit le fantasme d’une harmonie naturelle entre un peuple et son environnement naturel, dont l’écologie viserait à préserver l’équilibre. » Cette sémantique de « l’enracinement » est par exemple énoncée en 2019 par Clément Martin, porte-parole de Génération Identitaire, dans une vidéo publiée par Valeurs Actuelles. Après avoir exposé sa proposition de « remigration, l’incitation au retour des immigrés non assimilés », il mentionne sa conception de l’écologie : « Enracinée, respectueuse des peuples et de leurs traditions ».

La construction d’une écologie « civilisationnelle »

Cette écologie « enracinée » permet à la fois de s’en tenir à une échelle locale et de l’associer avec un « combat identitaire ». Car contrairement à « l’écologisme », elle ne porte pas le funeste projet de « déconstruire la société occidentale » fustigé sur Cnews par Alexandre Devecchio, rédacteur en chef du FigaroVox.

« Toute l’extrême droite n’est pas climatosceptique, mais elle est ethnodifférentialiste, et souscrit à la protection de la nature comme bien appartenant à un processus civilisationnel », analyse le journaliste Maxime Macé. Ainsi, au cours de son débat avec le journaliste Hugo Clément, organisé par Valeurs Actuelles, le président du Rassemblement national Jordan Bardella expliquait : « Lorsqu’on est patriote, on a le souci et l’inquiétude de la survie de son propre peuple et de sa propre civilisation, mais aussi de l’environnement dans lequel cette civilisation s’épanouit. »

« Médiapart de droite »

Cette vision identitaire de l’écologie s’épanouit dans un paysage médiatique toujours plus conquis par l’extrême droite. Depuis la rentrée, elle peut compter sur de nouveaux supports : JDNews, dernier né de la galaxie Bolloré qui avait déjà étendu sa mainmise sur le JDD et Europe 1, et le média Frontières (Ex-Livre Noir) dirigé par Erik Tegnér, habitué de Cnews et de Sud Radio, qui souhaite devenir le « Médiapart de droite pour rendre coup pour coup aux attaques de cette presse de gauche ».

Face à cette offensive, les luttes écologistes contre-attaquent. Le 5 octobre, les Soulèvements de la Terre appellent à « lever les voiles » sur l’empire Bolloré. Côté médiatique, la Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence climatique signée par de nombreux journalistes et médias, entend participer à la prise de conscience croissante de la crise écologique et climatique. Reste à s’engager pleinement dans la bataille des imaginaires en offrant la perspective d’un avenir désirable et capable de rassembler.

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28 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Total (Reporterre)

total

Meurtres, viols… Au Mozambique, des soldats protégeant TotalEnergies accusés d’atrocités

Les révélations sont glaçantes. Le média Politico a publié le 26 septembre une enquête affirmant que des soldats mozambicains, qui travaillent pour un site de production de gaz naturel exploité par le groupe français TotalEnergies, ont enlevé, torturé, violé et tué des dizaines de personnes.

TotalEnergies est depuis 2019 l’opérateur principal d’un projet gazier au Mozambique particulièrement climaticide. Le terrain, situé au nord du pays dans une zone de conflits avec les rebelles islamistes, est protégé par de gigantesques clôtures de sécurité. Il est surveillé par « quelque 700 soldats mozambicains, commandos et policiers paramilitaires, payés, équipés et logés par Total », souligne l’enquête de Politico. La construction du projet a été mis à l’arrêt en 2021, date à laquelle les rebelles islamistes ont envahi la région, massacrant plus de 1 000 personnes.

La justice française avait déjà ouvert une enquête sur la gestion de TotalEnergies à la suite de la mort de sous-traitants lors de cette attaque. Mais l’enquête de Politico révèle aujourd’hui un second bain de sang, perpétré non pas par des islamistes mais par un commando mozambicain, dirigé par un officier qui a affirmé avoir pour mission de protéger « le projet de Total ».

Des hommes retenus dans des conteneurs pendant trois mois

Selon le média en ligne, à l’été 2021, des soldats ont enlevé des dizaines de villageois qui se cachaient dans la brousse pour échapper aux rebelles. Les militaires ont accusé les civils de faire partie des milices rebelles, avant de séparer les hommes (un groupe de 180 à 250 personnes) de leurs femmes et de leurs enfants. Les femmes ont été parfois violées, puis libérées au bout de quelques jours, tandis que les hommes ont été emmenés et entassés dans deux conteneurs situés de part et d’autre de l’entrée du site de production de gaz naturel de TotalEnergies. « Les soldats ont détenu ces hommes pendant trois mois. Ils les ont battus, affamés, torturés puis finalement exécutés. Seuls vingt-six prisonniers ont survécu », écrit Politico.

Les survivants décrivent des journées épouvantables, passées dans des conteneurs métalliques sans fenêtre, sous une chaleur de 30 °C. Ils affirment qu’ils n’avaient pas assez de place pour s’asseoir, ni d’endroit pour aller aux toilettes. Ils ont été privés d’eau et de nourriture pendant plusieurs jours. Un homme qui a tenté de s’enfuir « a été abattu et décapité », raconte un homme auprès de Politico, ce qui a dissuadé les autres de faire de même. Les hommes ont ensuite été emmenés par groupe, au fur et à mesure des jours, pour être exécutés à l’extérieur. Les survivants ont été libérés en septembre lorsqu’ils ont été découverts par l’armée rwandaise.

Le commando affirme défendre Total

Politico révèle qu’un brigadier anonyme du commando meurtrier a déclaré à la télévision publique du Mozambique, le 3 juillet, que sa mission était de défendre TotalEnergies. « L’ennemi est arrivé avec l’intention d’attaquer, d’entrer et d’occuper Afungi, le projet de Total. Nous avons avancé pour riposter à l’ennemi [qui] était encore dans la brousse et cherchait à s’abriter dans ses cachettes », a-t-il affirmé.

Interrogé par Politico, Maxime Rabilloud, directeur général de Mozambique LNG, la filiale de TotalEnergies dans le pays, a déclaré que son entreprise n’avait « aucune connaissance des événements présumés décrits » ni « aucune information indiquant que de tels événements ont eu lieu ».

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25 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

LIBAN (Inprecor)

LIBAN (Inprecor) dans Altermondialisme

Réflexions stratégiques sur l’escalade de l’intimidation israélienne au Liban

À peine une heure s’était écoulée après que j’eus écrit mon article de la semaine dernière (« Le Liban et la stratégie d’intimidation israélienne », 17/9/2024) lorsque les services de renseignement israéliens ont lancé une opération terroriste de masse au Liban en faisant exploser des appareils de communication individuels en deux vagues successives sur deux jours, tuant plus de 40 personnes et en blessant plus de 3 500.

Ces deux vagues de terrorisme de masse ont été suivies d’une escalade dans l’échange de bombardements de part et d’autre de la frontière entre le Hezbollah et les Forces d’agression israéliennes (dites « Forces de défense »), en prélude aux bombardements violents et intenses qui se sont déversés lundi sur le sud du Liban et autres zones de présence du Hezbollah, tuant près de 500 personnes et en blessant plus de 1 600. Le bombardement se poursuit toujours au moment où ces lignes sont écrites.

La question qui s’est imposée à tout le monde, à commencer par ceux qui sont visés au Liban, est de savoir si cette escalade soudaine de ce que nous avons appelé la « stratégie d’intimidation israélienne » prélude à une agression à grande échelle contre le Liban.

Qui comprendrait des bombardements intensifs aveugles de toutes les zones où le Hezbollah est présent, y compris la banlieue sud densément peuplée de Beyrouth, et ce dans le but de la faire « ressembler à Gaza », selon les termes de l’un des proches collaborateurs de Benjamin Netanyahu.

Il est à craindre, en effet, que l’État sioniste ne mène une agression brutale contre certaines parties du Liban, similaire à l’agression qui a visé l’ensemble de la bande de Gaza, conformément à ce que l’un des commandants de l’agression israélienne contre le Liban en 2006 a appelé la « doctrine Dahiya » (par référence à la banlieue sud de Beyrouth, le mot arabe dahiya signifiant « banlieue »).

Cette doctrine vise à créer un effet dissuasif sur quiconque aurait l’intention d’affronter Israël, en menaçant d’infliger un niveau élevé de violence aux zones habitées par la population civile à laquelle appartiennent ceux qui entretiennent cette intention, comme ce qu’a subi en 2006 la banlieue sud de Beyrouth, qui est la principale zone où se concentre la base populaire du Hezbollah.

C’est un fait que l’agression de 2006 qui a suivi une opération menée par des combattants du Hezbollah contre des soldats israéliens en traversant la frontière sud du Liban, tuant huit soldats et en capturant deux, a eu un effet dissuasif, reconnu par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lorsqu’il exprima son regret, en déclarant à la télévision au lendemain de cette guerre : « Si j’avais su pour un pour cent que cette opération d’enlèvement conduirait à une guerre de cette ampleur, nous ne l’aurions certainement pas faite pour des raisons humanitaires, morales, militaires, sociales, sécuritaires et politiques. »

Ce que ne disent pas les médias occidentaux, qui s’empressent de condamner les crimes de guerre lorsqu’ils sont commis par des ennemis de l’Occident, à l’instar du régime russe en Ukraine, c’est que la « doctrine Dahiya » n’est pas un exemple de génie militaire et une doctrine digne d’être enseignée dans les collèges militaires des pays civilisés, mais plutôt une violation flagrante des lois de la guerre, qui consiste en la pratique de crimes de guerre à grande échelle, jusqu’au niveau génocidaire atteint à Gaza, de par l’intention explicite de cibler les civils afin de dissuader les combattants.

En d’autres termes, il s’agit d’une stratégie terroriste formulée par un État terroriste par excellence, qui constitue une confirmation éclatante du fait que le terrorisme d’État est beaucoup plus dangereux que le terrorisme des groupes non étatiques, car il applique la même logique, c’est-à-dire le meurtre de civils à des fins politiques, mais avec un potentiel de létalité et de destruction incommensurablement plus grand.

Le Hezbollah a tiré deux leçons de la guerre des 33 jours de 2006. La première se traduit par le fait qu’il a pris en compte, depuis lors, ce qu’il considère comme une ligne rouge qui, si elle était franchie, donnerait à l’État sioniste un nouveau prétexte pour attaquer les civils libanais.

Afin d’épargner sa base populaire au premier chef, le Hezbollah n’a plus mené d’opération audacieuse comme celle qui a déclenché la guerre de 2006 – ou celle menée par le Hamas il y a environ un an, déclenchant la guerre de destruction de Gaza et d’extermination de son peuple.

La deuxième leçon a conduit le Hezbollah à se doter d’un énorme arsenal de missiles, établissant ainsi une contre-dissuasion en menaçant les zones civiles à l’intérieur de l’État sioniste, réalisant ainsi ce que l’on appelle dans le vocabulaire de la dissuasion nucléaire un « équilibre de la terreur ».

Cette équation est ce qui explique l’initiative prise par le Hezbollah de commencer une guerre d’usure limitée avec l’État sioniste au lendemain de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », en réponse à l’appel du Hamas l’incitant à se joindre à ce qu’il avait initié.

Cet appel fut lancé dans le message du chef militaire du mouvement islamique dans la bande de Gaza, Mohammed al-Deif, diffusé au début de l’opération : « Ô frères de la résistance islamique, au Liban, en Iran, au Yémen, en Irak et en Syrie, le jour est venu où votre résistance va fusionner avec votre peuple en Palestine afin que ce terrible occupant comprenne que le temps où il se déchaînait et assassinait des religieux et des dirigeants est révolu.

Le temps du pillage de vos richesses est terminé. Les bombardements presque quotidiens en Syrie et en Irak vont cesser. Le temps de la division de la umma et de la dispersion de ses forces dans les conflits internes est révolu. Le temps est venu pour toutes les forces arabes et islamiques de s’unir pour balayer cette occupation de nos lieux saints et de notre terre. »

Le Hezbollah était cependant plus intelligent que de se laisser emporter par l’euphorie au point de croire que le jour de la victoire sur Israël et de la libération de la Palestine était arrivé. Il décida donc d’entrer dans la bataille en tant que force de soutien plutôt qu’en tant que participant à part entière, une décision qui se traduisit par la guerre d’usure limitée.

Le parti voulait ainsi exprimer sa solidarité avec le peuple de Gaza, mais sans exposer sa base populaire à un sort similaire à celui des habitants de l’enclave. Toutefois, ce calcul se retourne à présent contre le Hezbollah, car l’armée d’agression sioniste, ayant terminé ses opérations intensives à grande échelle à Gaza, concentre maintenant son attention sur son front nord et a lancé ce que nous avons appelé « stratégie d’intimidation », qui est une escalade progressive des attaques assortie de la menace de passer à la mise en œuvre de la « doctrine Dahiya ».

Ce comportement israélien démontre l’efficacité de la contre-dissuasion du Hezbollah, en ce que le gouvernement sioniste est contraint d’être prudent avant de déclencher une guerre à grande échelle dont il sait qu’elle sera coûteuse pour la société israélienne, même si le coût pour la base du Hezbollah sera beaucoup plus élevé compte tenu de la grande supériorité des capacités militaires israéliennes.

Le gouvernement sioniste a donc eu recours d’abord à l’escalade au moyen de la « guerre asymétrique », un terme qui décrit généralement les actions d’une force irrégulière contre une armée régulière.

Ici, c’est l’État sioniste qui porte un coup sournois et douloureux au Hezbollah et à son milieu civil en faisant exploser des appareils de communication. Cela a été suivi d’une escalade de la guerre conventionnelle qui a commencé lundi, constituant une escalade dangereuse de la pression sur le Hezbollah pour le forcer à capituler et accepter les conditions fixées par Washington avec l’approbation du gouvernement sioniste, dont la plus importante est le retrait des forces du parti au nord du fleuve Litani.

Confronté à cette pression croissante, le Hezbollah se retrouve piégé dans une dissuasion mutuelle, mais inégale. Il ne possède pas la capacité de mener une « guerre asymétrique » au cœur d’Israël et ne peut pas le frapper d’une manière qui causerait des centaines de morts, comme ce que l’armée sioniste a infligé au Liban lundi, de crainte que la réponse ne soit écrasante, sachant qu’Israël est tout à fait capable de répondre à un niveau beaucoup plus élevé.

Le gouvernement sioniste, de son côté, est parfaitement conscient des conditions de l’équation. Bien qu’il souhaite démanteler la capacité de dissuasion du Hezbollah, il ne peut pas lancer une guerre de grande envergure sans s’assurer de la pleine participation des États-Unis, à l’instar de la participation de Washington à la guerre contre Gaza durant plusieurs mois, les mois les plus meurtriers et les plus destructeurs, au point de contrer tous les appels à un cessez-le-feu.

Le gouvernement sioniste a besoin de pareille complicité totale des États-Unis pour le cas où il lancerait une agression à grande échelle contre le Liban, et les conditions politiques n’en sont pas encore réunies. Il s’efforce cependant d’y parvenir et pourrait adresser un ultimatum assorti d’un délai limité au Hezbollah à cette fin, comme nous l’avons mentionné la semaine dernière.

Tout cela indique que Netanyahu semble avoir commencé à craindre que son ami Donald Trump puisse échouer aux prochaines élections présidentielles américaines dans environ un mois et demi.

Il semble qu’il ait décidé par conséquent d’escalader les choses, profitant des derniers mois de présence de son autre ami, le « fier sioniste irlando-américain » Joe Biden, à la Maison Blanche.

La question qui se pose maintenant est la suivante : Biden fera-t-il suffisamment pression sur Netanyahu pour empêcher une guerre susceptible d’affecter négativement la campagne de la candidate de son parti, Kamala Harris, ou bien soutiendra-t-il une fois de plus l’entreprise criminelle de son ami, voire même en exprimant regret et rancœur afin d’esquiver le blâme de la manière hypocrite qui est habituellement la sienne et celle de son secrétaire d’État Blinken ?

Traduction de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est paru le 24 septembre en ligne et dans le numéro imprimé du 25 septembre. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

25 septembre 2024 par Gilbert Achcar

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