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23 août 2013 ~ 0 Commentaire

23 août 1939, le Pacte germano-soviétique (lcr.be)

23 août 1939, le Pacte germano-soviétique (lcr.be) dans Histoire 1719979157

Le 23 août 1939 était signé le pacte germano-soviétique, «le pacte du diable», la «bombe diplomatique du siècle», pour reprendre quelques expressions journalistiques. Il importe avant toute chose de rapporter les faits essentiels qui ont mené à cet accord, car ils ont donné lieu à des interprétations diamétralement opposées.

LES FAITS

25 juillet 1939: suite à l’invitation de Molotov, ministre soviétique des Affaires étrangères, les Français et les Britanniques décident d’envoyer une délégation pour discuter d’un éventuel accord entre Paris, Londres et Moscou.

5 août (onze jours plus tard): départ des négociateurs…. par bateau lent qui arrive à Leningrad le 10 août. La délégation est dirigée par des militaires sans véritable pouvoir de négociation.

11 août: début des négociations tripartites. Les Russes demandent que la Pologne laisse passer l’Armée Rouge sur son territoire pour lui permettre d’affronter les forces armées allemandes. Consultés à ce sujet, les Polonais refusent.

17 août: les discussions sont reportées au 21 afin de laisser aux Alliés le temps de faire pression sur la Pologne. En vain.

19 août : un accord commercial est conclu entre les Allemands et les Russes. Dans la nuit du 20, Hitler propose que Ribentropp, ministre nazi des Affaires étrangères vienne à Moscou avec tout pouvoir pour conclure un accord.

21 août : les négociations franco-anglo-russes sont au point mort.

23 août: signature entre le Reich et l’URSS d’un pacte de non-agression de dix ans. Le pacte est accompagné d’un protocole secret prévoyant le partage de la Pologne entre les deux pays ainsi que le passage de la Finlande et des Etats baltes dans la sphère soviétique. Il est complété le 28 septembre par un deuxième pacte «d’amitié et de frontières».

LES DEUX INTERPRETATIONS CLASSIQUES

Pour les historiens bourgeois et les journalistes sociaux-démocrates, il s’agit d’un accord cynique, scandaleux, mais finalement guère étonnant puisqu’il lie deux «pays totalitaires». Grâce à ce pacte, Hitler a eu les mains libres pour attaquer la Pologne et ensuite les démocraties occidentales; le protocole secret est l’expression achevée du mépris du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes; les hésitations et les lenteurs des négociateurs franco-britanniques s’expliquent par un manque de lucidité des démocraties, par un manque de confiance dans la force de l’Armée Rouge ou par la répugnance à conclure un traité avec une puissance totalitaire.

On comprend l’indignation devant les clauses du protocole secret; on la partagerait d’avantage si ces mêmes historiens et journalistes condamnaient avec la même vigueur le colonialisme, ou encore la mise sous mandat franco-britannique du Moyen-Orient à l’issue de la première guerre mondiale, pour nous limiter à ces deux exemples. Parler de répugnance à se lier à une puissance totalitaire (l’URSS) alors que la Pologne de l’entre-deux guerres était tout sauf démocratique est assez piquant. De toute manières, s’il y avait des raisons valables de ne pas conclure, pourquoi avoir envoyé des négociateurs, et sans véritable mandat ?

Pour les staliniens, la faute incombe aux franco-britanniques. En 1938, lors des accords de Munich qui livraient la Tchécoslovaquie à Hitler, les occidentaux ont refusé l’aide que leur proposait Moscou pour arrêter l’expansionnisme nazi. Staline en a dès lors conclu que les franco-britanniques s’efforçaient d’orienter l’impérialisme allemand vers l’URSS. Le pacte germano-soviétique a alors permis de briser la coalition anti-soviétique des pays capitalistes; et, en reportant jusqu’en 1941 l’entrée en guerre de l’URSS, il a fait gagner un temps précieux pour améliorer la défense de l’Etat ouvrier. Quant au protocole secret, c’est une «fable inventée par les anti-communistes».

Concernant ce protocole secret, contentons-nous de relever qu’en son bulletin du 17 août 1989, l’agence de presse Novosti explique qu’il ne s’agit pas d’une invention. Parler d’une volonté occidentale d’orienter Hitler vers l’Est est par contre exact – mais incomplet, nous y reviendrons plus loin.

Ce qui est carrément faux, par contre, c’est d’affirmer qu’avec ce traité Staline s’est consciemment ménagé un délai pour améliorer la défense de l’URSS. Expliquons-nous. Pour un Etat ouvrier, la signature d’un traité avec une puissance impérialiste agressive n’est pas en soi condamnable. En 1918, à Brest-Litovsk, les Bolcheviks n’avaient pas d’autre choix que de signer un accord de paix avec les Allemands: ils n’avaient pratiquement plus d’armée pour se défendre. Mais d’abord Staline, ne s’est pas contenté d’un simple accord: en vertu du «deuxième pacte», il a livré à la Gestapo des Allemands anti-nazis réfugiés en URSS. Ensuite, il a étendu l’accord à l’Internationale Communiste. Celle-ci a cessé, dans sa propagande, de dénoncer le fascisme et a au contraire stigmatisé l’impérialisme franco-britannique (sur lequel elle faisait silence auparavant). Il existe de multiples témoignages de stupéfaction, de désarroi, de désillusion et de découragement qu’une telle attitude a semé parmi les militants communistes européens. Dans les premiers temps de l’occupation allemande en France, par exemple, la direction du PCF entreprit des démarches auprès des nazis pour que l’Humanité ne soit pas interdite….

Enfin, Staline, qui avait fait liquider, entre 1937 et 1939, les meilleurs éléments de l’état-major de l’Armée Rouge, n’a absolument pas utilisé le répit offert par le pacte pour préparer l’armée et les partisans à résister à l’attaque nazie. Pour une raison bien simple: il ne croyait tout simplement pas à l’offensive allemande ! Même dans les premières heures de l’agression, refusant de se rendre à l’évidence, il donnait à ses troupes l’ordre formel de ne pas riposter aux «provocations» (1) !

NOTRE ANALYSE

Pour de larges secteurs de la bourgeoisie anglaise et française (belge, française aussi d’ailleurs), l’ennemi principal, ce n’était pas l’Allemagne nazie mais l’URSS. Les représentants politiques de ce courant, tels Neville Chamberlain, premier ministre britannique, cherchent bel et bien, dès lors, à orienter Hitler vers la Russie. Cela explique l’envoi d’une délégation sans vrai pouvoir: Lord Halifax, ministre anglais des Affaires étrangères, estimait que tant que dureraient des négociations entre Paris, Londres et Moscou, Staline ne signerait rien avec les nazis. Ils s’agissait dès lors de gagner du temps, le temps qu’arrivent les pluies d’automne qui auraient empêché la Wehrmacht d’attaquer la Pologne en 1939. Et tant que la Pologne n’était pas attaquée, les franco-britanniques n’avaient pas à déclarer la guerre à l’Allemagne…

Pour Churchill, par contre, qui dirigea la Grande-Bretagne à partir du 10 mai 1940, il fallait agir autrement; tout aussi anti-communiste que Chamberlain, il estimait que si les nazis arrivaient à conquérir l’URSS, ils disposeraient de ressources formidables leur permettant d’abattre l’empire britannique. Churchill voulait gagner la guerre inter-impérialiste avant de «s’occuper» de l’URSS.

Mais, pour que puisse éclater cette guerre impérialiste, il fallait qu’au préalable aient été brisées les montées révolutionnaires en Europe. Et c’est ici que réside la véritable, la profonde responsabilité de Staline et de sa clique bureaucratique: après avoir empêché que se constitue un front entre communistes et socialistes allemands contre Hitler avant 1933 (2), le «petit père des peuples» a saboté la révolution espagnole de 1936 et a freiné les élans pré-révolutionnaires en France à la même époque. C’est grâce à l’apathie, au découragement ouvrier qui en ont résulté que les grandes puissances capitalistes ont pu se lancer dans la guerre pour la conquête de l’hégémonie mondiale… ainsi que dans l’attaque de l’URSS le 22 juin 1941.

C’est cette apathie qui a permis à Staline de conclure un accord d’Etat à Etat avec l’Allemagne nazie (ce qui revenait, de fait, à prendre position en faveur de l’impérialisme allemand), dans la perspective de tenir l’URSS à l’écart du conflit mondial imminent et de préserver ainsi le pouvoir de la bureaucratie. En ce sens, le pacte fut l’épilogue logique d’une politique contre-révolutionnaire, qui coûta finalement la vie à des dizaines de millions de Soviétiques. La Gauche n°16, 12 septembre 1989

Notes

(1) voir à ce sujet les témoignages d’auteurs russes que nous avons publiés dans La Gauche du 15 août 1989, ainsi que le livre «L’Armée Rouge assassinée», d’Alexandre Nekritch

(2) Ce qui ne disculpe nullement les dirigeants socialistes allemands: eux aussi sont responsables de la non-constitution d’un tel front.

http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?view=article&id=645:le-pacte-germano-sovietique&option=com_content&Itemid=53

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23 août 2013 ~ 0 Commentaire

Une note d’un suicidé à Trotsky (Tariq Ali) The Guardian

Une note d'un suicidé à Trotsky (Tariq Ali) The Guardian dans Histoire stalin-bourreau-enfant

Des hommes comme Adolf Joffe ne pouvaient pas garder le silence et se soumettre aux politiques et aux pratiques staliniennes, et il a critiqué Trotsky pour l’avoir fait.

Joffe reprochait à Trotsky: «Vous avez souvent mis en veilleuse des positions correctes, à la faveur de la recherche d’ accords, de compromis,  dont vous avez surestimé la valeur « .

Il y a un an de cela, Lucio Magri, un des intellectuels de gauche les plus respectés d’Italie, s’est envolé pour la Suisse, il est entré dans une clinique et a bu la ciguë fatale, dans son cas, cela signifiait avaler une pilule de mort. Pendant quelques jours, la majorité de l’Italie a été sous le choc. Soudain Magri était partout. Le Parlement a observé une minute de silence, les commentaires de la  presse ont été globalement sympathiques, mais ses plus proches amis étaient mécontents. Sa femme était morte d’une longue maladie deux ans plus tôt, et avait découragé Magri de la suivre, insistant sur le fait qu’il devait terminer son livre sur le destin du communisme italien.  « The Taylor of Ulm » achevé et publié, il a décidé de dire adieu à la vie. La perte de son épouse a été le déclencheur, mais il y avait d’autres raisons. Il ne se sentait plus contemporain.

Le communisme italien et ceux sur sa gauche se sont suicidés politiquement. Une clique de banquiers gouverne le pays, avec le soutien indéfectible d’un octogénaire, un président ex-communiste, l’intelligentsia de gauche s’est effondrée, alors à quoi bon vivre? La plupart de ses amis étaient sceptiques, voire en colère. Ils ont essayé lui faire changer d’avis, mais Magri était impassible. Stendhal a écrit   » Etre vrai, simplement vrai,  c’est la seule chose qui compte. » . Pour Magri, la vérité signifiait perdre sa propre vie. Il n’était ni le premier ni le dernier à la quitter de cette façon.

Cela m’a rappelé une petite brochure que j’ai lu il y a plus de quatre décennies. Les derniers mots de Adolf Abramovitch Joffe (publié par le parti « Lanka Sama Samaja », Ceylan, 1950). C’était une note d’un suicidé en date du 16 Novembre 1927, et adressée à Léon Trotsky. Après l’avoir écrite, Joffe, l’un des plus grand diplomate soviétique, a mis un pistolet sur sa tempe et a appuyé sur la gâchette. Ce qui m’a frappé à l’époque, ce n’était pas tant le suicide lui-même, que les qualités humaines de l’homme, visibles dès les premiers paragraphes: «Cher Léon Davidovitch: Toute ma vie, j’ai pensé que l’homme politique doit savoir s’en aller au bon moment, comme un acteur qui quitte la scène, et qu’il est préférable de s’en aller trop tôt que trop tard. Il ya plus de 30 ans, j’ai adopté cette philosophie que la vie humaine n’a de sens que dans la mesure où, et aussi longtemps que cette dernière est au service de quelque chose d’infini. Pour nous, l’humanité est infinie.

«Le reste est fini, et travailler pour le reste est donc dénué de sens. Même si l’humanité doit  aussi avoir un effet au-delà d’elle-même, cet effet va apparaître dans un avenir si lointain que pour nous, l’humanité peut être considérée comme un infini absolu. C’est ainsi et seulement ainsi  que j’ai toujours vu le sens de la vie.

« Et maintenant,  regardant en arrière mon passé, dont 27 années dans les rangs de notre parti, il me semble que j’ai le droit de dire que pendant toute ma vie consciente, j’ai été fidèle à cette philosophie. J’ai vécu selon cet unique but dans la vie: le travail et la lutte pour le bien de l’humanité. Et je pense que j’ai le droit de dire que pas un jour de ma vie n’a été sans signification.  Mais maintenant, il me semble, vient le moment où ma vie perd son sens, et qu’en conséquence je me sens obligé de l’abandonner, de l’amener à sa fin …  »

Une raison pour laquelle Joffe, un médecin de formation, avait quitté la scène était sa maladie. Sur les instructions de Staline, les médecins du Kremlin a refusé de le soigner et le Politburo a refusé de fournir l’argent nécessaire pour aller à l’étranger. Pourquoi? Parce que dans ces temps chaotiques et déconcertants, Joffe était un dissident, un membre éminent de l’opposition de gauche, un regroupement de la vieille garde bolchevique, dirigée par Trotsky, Grigory Zinoviev, Lev Kamenev, réunis après la mort de Lénine pour lutter contre les politiques et les pratiques staliniennes . Ils ont été battus, défaits et chassés de la direction et du parti lui-même.  Isolés par la fureur de la fraction déchaînée contre eux, Joffe, contrairement à beaucoup d’autres, a refusé d’observer et de passer à autre chose. Pour un homme comme lui, rester silencieux n’a jamais été une option. Cela aurait été se soumettre et  l’intégrité de sa vie intérieure ne pouvait rester à l’abri des tempêtes qui font rage à l’extérieur.

Joffe avait remarqué que l’opposition avait négocié un compromis et accepté la décision du parti, bonne ou mauvaise. Trotsky avait, à ce moment, repoussé l’idée avancée par certains de ses partisans: une rupture totale avec la fraction de Staline et l’annonce d’un nouveau parti. L’opposant Karl Radek écrit dans une lettre à ses camarades qu’en réalité, ce qu’ils avaient fait, était de se borner à choisir « entre deux formes de suicide politique»: soit d’être politiquement isolés dans le parti, soit de capituler afin d’être réintégrés dans les termes choisis par Staline. Ce dernier choix sera plus tard celui de Radek, et des autres.

La lettre de Joffe reprochait à Trotsky sa tendance à la conciliation : «Vous avez souvent renoncé à des  positions correctes, en faveur d’un accord, d’un compromis, dont vous avez surestimé la valeur, c’était une faute … Ne soyez pas étonné pas avoir qu’aujourd’hui certains vous abandonnent, et surtout que nombre de gens ne viennent pas vers vous aussi vite que nous le souhaiterions tous. Vous êtes dans le vrai, mais la certitude de la victoire de votre vérité réside précisément dans une intransigeance stricte, de la rigidité la plus exigeante, dans le rejet de tout compromis, exactement comme cela a toujours été le secret des victoires de Illitch [Lénine] … J’ai souvent eu envie de vous dire cela, et je n’y arrive que maintenant, au moment de dire au revoir …  »

Dans le monde d’aujourd’hui, les passions politiques et les impulsions généreuses révélés dans la lettre de Joffe se lisent comme s’il écrivait de l’Atlantide. Mais il fait partie d’une histoire qui a dominé le siècle précédent, et alors que nous approchons du centenaire de la révolution russe, il mérite d’être rappelé.  Sa veuve Maria Joffe a survécu aux camps, et après la mort de Staline, elle a quitté l’Union soviétique pour émigrér en Israël. Son livre, One long night – A Tale of Truth, reste l’une des plus touchantes,  des mémoires de cette époque.
        Tariq Ali  The Guardian, mercredi 21 Août 2013 18.00 Traduction: NPA29

http://www.theguardian.com/commentisfree/2013/aug/21/tariq-ali-joffe-suicide-note-trotsky

Commentaire: On est en 1927, Trotsky ne décidera de se lancer dans un nouveau parti qu’en 1933 après la victoire de Hitler, et dans une nouvelle internationale qu’en 1938. Le GPU-KGB décimera ses partisans en Espagne et ensuite les nazis (avec l’aide des staliniens) dans le reste de l’Europe.

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22 août 2013 ~ 0 Commentaire

Il y a 100 ans, August Bebel, la confiance dans le socialisme (LO)

Il y a 100 ans, August Bebel, la confiance dans le socialisme (LO) dans Histoire bebel

Le 13 août 1913, disparaissait l’un des fondateurs de la social-démocratie allemande.

Le nom d’August Bebel, l’un des dirigeants les plus influents du mouvement ouvrier allemand, évoque pour beaucoup son livre « La femme et le socialisme ». Il parut en 1879, à une époque où le parti socialiste était interdit en Allemagne et alors que les femmes ne possédaient pas le droit de vote et même pas le droit, dans bien des régions, de participer à une réunion publique. Bebel expliquait qu’étant communiste, il fallait lutter non seulement pour l’égalité des femmes dans le cadre de la société capitaliste, mais pour mettre fin à toute forme d’exploitation, et donc à l’oppression d’un sexe par l’autre. Au moment de sa parution, l’ouvrage était illégal en Allemagne. Son interdiction ne l’empêcha cependant pas d’être diffusé sous le manteau, au point qu’il devint dès cette époque le livre le plus lu dans le mouvement ouvrier.

August Bebel, né en 1840 dans un milieu modeste et très tôt orphelin, travaillait à domicile après l’école. Devenu apprenti tourneur, il entama un tour de compagnonnage qui lui fit découvrir et parcourir (à pied !) une partie de l’Allemagne et de l’Autriche. En 1860, il arrivait à Leipzig, en Saxe, région très industrialisée, où il fit deux rencontres déterminantes : celle de Wilhelm Liebknecht, l’homme qui le gagna au marxisme et avec lequel il ne devait plus jamais cesser de militer, et Julie, une ouvrière avec laquelle il partagea sa vie et bien des combats, puisqu’elle aussi était une militante socialiste. En 1867, Bebel devint président de l’Union des associations ouvrières allemandes, qui comptait quelques milliers de membres. Il y proposa un programme se réclamant explicitement de l’internationalisme, de la classe ouvrière, en un mot du marxisme, et l’Union des associations l’adopta. Quand deux ans plus tard, en 1869, avec Wilhelm Liebknecht et quelques autres, ils créèrent le Parti ouvrier social-démocrate (SDAP), l’énorme majorité des adhérents de l’Union les suivirent dans le nouveau parti.

L’INTERNATIONALISME AU PRIX DE LA PRISON En 1870, lors de la guerre avec la France, Bebel et Liebknecht résistèrent à la pres- sion nationaliste et refusèrent d’accorder les crédits de guerre à leur gouvernement ; ils dénoncèrent l’annexion de l’Alsace-Moselle « car on ne peut disposer ainsi des peuples », puis clamèrent leur pleine solidarité avec la Commune de Paris. C’en était trop pour le pouvoir, et les ca- lomnies, les menaces physiques, les procès commencèrent à pleuvoir sur les sociaux-démocrates. Les dirigeants transformèrent leurs procès en procès du capitalisme et en plaidoyers retentissants en faveur du socialisme et de l’internationalisme. Bebel passa en tout cinq ans de sa vie derrière les barreaux. Loin de se plaindre, il expliquait avec humour qu’il avait enfin l’occasion de lire les classiques et d’étudier vraiment l’économie politique et l’histoire. (…) Rosa Luxemburg commenta ainsi leur attitude : « Ils restèrent à leur poste, et la social-démocratie allemande s’est nourrie pendant quarante ans de la force morale dont elle avait fait preuve alors contre un monde d’ennemis. »

Bebel fut élu député au Reichstag dès 1871, et à part les moments où il était en prison, il fut député pratiquement sans discontinuer jusqu’à la fin de sa vie. Cela, alors même qu’il s’agissait d’un scrutin majoritaire et que souvent, tous les autres partis se coa- lisaient pour tenter d’empêcher la victoire d’un de ces dangereux « rouges » ! Il utilisait le parlement comme une tribune, depuis laquelle il s’adressait, par-dessus la tête de députés bouillonnants de rage, à l’ensemble des classes travailleuses. Ses discours, reproduits dans la presse, étaient attendus et commentés avec intérêt, lus avec fierté par les sympathisants. Même un adversaire, le ministre Puttkamer, reconnaissait : « Bebel est connu pour être le plus capable, le plus éloquent, mais aussi le plus dangereux de tous les sociaux-démocrates et agitateurs. »

L’INTERDICTION DU PARTI SOCIAL-DÉMOCRATE En 1878, Bismarck fit interdire le Parti social-démocrate et toutes ses structures. Des milliers de domiciles furent perquisitionnés, des adhérents expulsés de leur région, d’autres emprisonnés ou placés sur les listes noires du patronat. Pendant les campagnes électorales, des candidats du parti étaient embarqués par la police, gardés à vue pendant des jours pour les empêcher de faire campagne. Ces mesures, qui auraient pu signifier la fin du parti, firent naître dans la population un sentiment de solidarité envers les socialistes et conduisirent à une mobilisation accrue des militants. La social-démocratie sembla bientôt invincible. Pendant des années et jusqu’à la veille de 1914, elle grandit sans relâche : le nombre des adhérents, des journaux, des députés, des conseillers municipaux augmentait sans cesse.

En face, la réaction ne désarmait pas, de sorte qu’une confrontation violente entre ces deux puissances opposées paraissait inévitable. Trotsky écrivit à ce sujet : « Quoique tout le monde écrivît, dît ou lût que le conflit décisif était inévitable comme la rencontre de deux trains marchant en sens inverse sur de mêmes rails, on avait cessé intérieurement de sentir cette inéluctabilité. Le vieux Bebel se dis- tinguait de beaucoup d’autres en ce que, jusqu’à la fin de ses jours, il était profondément convaincu que les événements allaient fatalement au dénouement prévu, et, au jour de son soixante-dixième anniversaire, il parlait avec une passion concentrée de l’heure prochaine de la révo- lution socialiste. »

Et Trotsky écrivait encore : « La personnalité de Bebel incarnait l’ascension tenace et continue de la nouvelle classe [la classe ouvrière]. Ce vieillard fragile, sec, semblait fait d’une volonté tendue vers un but unique. (…) Tant que Bebel était là, une liaison vivante subsistait avec la période héroïque du mouvement, et les traits sans héroïsme des dirigeants de la deuxième fournée ne se mani- festaient pas avec un tel relief. » Après 1914, alors que le parti et la IIe Internationale avaient sombré dans le soutien à la guerre et le patrio- tisme, il constata : « Il semblait que l’histoire s’était allégé la tâche en supprimant deux hommes qui symbolisaient le mouvement de toute cette époque : Bebel et Jaurès. » De fait, Bebel mourut sans avoir eu à tenir bon encore une fois, face à la catastrophe de 1914. Cet homme pénétré de confiance dans la classe ouvrière et de la conviction que le socialisme l’emporterait, reste dans le mouvement ouvrier comme un exemple d’optimisme révolutionnaire et de ténacité. Alice MORGEN

http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2351&id=33

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22 août 2013 ~ 0 Commentaire

Tiennot Grumbach,1939-17 août 2013 (Wikipédia)

19680501_0464-021.jpg 1er mai 68, Cohn-Bendit, Grumbach

Tiennot Grumbach ) est un avocat travailliste, son cabinet ne plaidant que pour les employés ou les syndicats. Ancien militant maoïste, il a été par la suite élu bâtonnier du barreau de Versailles, présida le Syndicat des avocats de France et a dirigé l’Institut des Sciences Sociales du Travail (ISST) de Paris-Sceaux.

En 1957, alors qu’il n’est pas communiste, André Sénik parvient à le convaincre, lui (et Jean-Paul Ribes) de se rendre à Moscou pour le Festival mondial de la jeunesse et des étudiants3. Neveu de Pierre Mendès France, il est d’abord membre du PSU, membre du secrétariat national des ESU (étudiants), puis pied-rouge en Algérie, à partir de juillet 1962, avant de rejoindre l’Union des étudiants communistes (UEC). Militant maoïste pendant les années 1970. D’abord membre de l’UJC(ml), qui avait son QG à Normale Sup, Il fut l’un des huit fondateurs de l’UJCML, avec Robert Linhart, après la dissolution de l’UJC(ml) emportée par la tourmente de mai 68.

Après l’épisode UJC(ml), à la rentrée 1968, il s’« établit » (en même temps que Robert Linhart) dans l’usine de Citroën du XVe arrondissement (Paris), mais est licencié trois mois plus tard. Finalement, il participe à la création du journal Vive la révolution! (VLR), à l’automne 1969, avec Roland Castro, et sera avec ce dernier le dirigeant principal de VLR. Il s’installe près de l’usine Renault de Flins.

Après la dissolution de VLR en 1971, il intégre le barreau, se spécialisant dans le droit du travail. Entre autres « camarades », il est l’un des défenseurs de Pierre Goldman, lors de son procès en 1974 — il avait milité à l’UEC avec lui.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Tiennot_Grumbach

Lire aussi: http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2013/08/20/mort-de-tiennot-grumbach-avocat-specialiste-du-droit-social_3463819_3382.html

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21 août 2013 ~ 0 Commentaire

Il y a 70 ans, l’assassinat de Trotsky (Daniel Bensaïd)

Il y a 70 ans, l'assassinat de Trotsky (Daniel Bensaïd) dans A gauche du PS mexico_-_bellas_artes_-_fresque_riviera__man_at_the_crossroads_

Le 20 août 1940, l’agent stalinien Ramón Mercader assénait un coup mortel à Léon Trotsky dans son refuge mexicain de Coyoacán. A l’occasion de cet anniversaire, il faut repenser l’horizon de notre lutte socialiste et sauvegarder la mémoire que l’infamie prétend parfois inhumer.

Trotsky, un passeur du siècle Pourquoi cet assassinat ? Si on laisse de côté la personnalité perverse de Staline, il faut repartir des derniers combats de Trotsky, c’est-à-dire, toute la période mexicaine durant laquelle il mène principalement trois grandes luttes dans une phase d’effondrement de l’espérance.

 Il veut d’abord empêcher toute confusion possible entre révolution et contre-révolution, entre la phase initiale d’Octobre 1917 et le Thermidor stalinien. Il le fait notamment en organisant dès son arrivée au Mexique (janvier 1937), au moment du deuxième procès de Moscou, la commission d’enquête internationale présidée par le philosophe américain John Dewey. Cinq cent pages de documents démontent le mécanisme de la falsification, des amalgames politiques.

Le deuxième combat est la compréhension des enchaînements vers une nouvelle guerre, dans une phase où allaient s’exacerber les chauvinismes et s’obscurcir les enjeux de classe.

Enfin, le troisième combat, lié aux précédents, c’est celui de la fondation d’une nouvelle internationale,  proclamée en 1938, mais projetée au moins cinq ans auparavant, dès la victoire d’Hitler en Allemagne, qu’il ne concevait pas comme le rassemblement des seuls marxistes-révolutionnaires, mais comme un outil tourné vers les tâches du moment. C’est dans ce travail que Trotsky a pu, à ce moment, se vivre comme « irremplaçable ».

Temps des défaites Il se trompe dans ses pronostics, lorsqu’il fait un parallèle entre les évènements qui ont suivi la première guerre mondiale et ceux qui pourraient résulter de la deuxième. L’erreur réside dans le fait que les mouvements ouvriers se trouvent alors dans des situations très différentes. Dans la seconde guerre mondiale se cumulent beaucoup de facteurs; mais ce qui est majeur, c’est sans doute, la contre-révolution bureaucratique en URSS dans les années 1930. Avec un effet de contamination sur l’ensemble du mouvement ouvrier et sa composante la plus révolutionnaire. Il y a une sorte de quiproquo, dont la désorientation de beaucoup de communistes français devant le pacte germano-soviétique est la plus parfaite illustration.

Mais se rajoutent des défaites majeures, comme la victoire du nazisme en Allemagne et du fascisme en Italie, la défaite de la guerre civile espagnole, l’écrasement de le deuxième révolution chinoise. Une accumulation de défaites sociales, morales et même physiques, que nous avons du mal à imaginer. Mais on ne peut jamais considérer que tout est joué d’avance.

Une des erreurs importantes de Trotsky, c’ est d’avoir imaginé que la guerre signifierait de manière inéluctable la chute du stalinisme, comme la guerre franco-allemande de 1870 avait signifié l’arrêt de mort du régime bonapartiste en France. Nous sommes en 1945 au moment du stalinisme triomphant, avec ses aspects contradictoires. Tout cela est très bien illustré dans le livre de Vassili Grossman, Vie et destin, autour de la bataille de Stalingrad. A travers les combats, on y voit la société s’éveiller, et même échapper en partie à l’emprise bureaucratique. On peut envisager l’hypothèse d’une relance de la dynamique d’Octobre. Les vingt ans écoulés depuis les années 1920 sont un intervalle court. Mais ce que dit le livre de Grossman ensuite est imparable. Staline a été sauvé par la victoire ! On ne demande pas de comptes aux vainqueurs. C’est le gros problème pour l’intelligence de cette époque.

Les implications théoriques sont importantes. Dans sa critique du totalitarisme bureaucratique, si Trotsky voit très bien la part de coercition policière, il sous-estime le consensus populaire lié à la dynamique pharaonique, même au prix fort, conduite par le régime stalinien. C’est là un point obscur qui mériterait d’être repris.

Cela dit, après la guerre, il y a des responsabilités spécifiques des partis. Dans le cadre du partage du monde la répartition du monde,  la fameuse rencontre Staline Churchill, où ils se partagent l’Europe au crayon bleu, il y a eu des poussées sociales importantes, ou pré-révolutionnaires; en France, avec des forces en partie exsangues, mais davantage en Italie et en Grèce. Et là, on peut franchement parler de trahison, de subordination des mouvements sociaux aux intérêts d’appareils. Cela ne veut pas dire automatiquement une révolution victorieuse, mais une dynamique de développement et une culture politique du mouvement ouvrier à coup sûr différentes. Ce qui ménage d’autres possibilités. Il faut quand même rappeler le fameux « il faut savoir terminer une grève » du secrétaire général du PCF Maurice Thorez, où l’attitude du PC italien au moment de l’attentat contre Togliatti.

Mais le pire et le plus tragique ont été la défaite de la révolution espagnole et le désarmement de la résistance et de la révolution grecque. Puis, le véto stalinien au projet de fédération balkanique, pourtant la seule solution politique, et qui le demeure, face à la question des nationalités dans les Balkans.

Le nécessaire et le possible Au total, le destin tragique de Trotsky illustre la tenson entre le nécessaire et le possible. Entre la transfor-mation sociale répondant aux effets d’un capitalisme pourissant, et les possibilités immédiates. On trouve cela déjà en lisant la correspon- dance de Marx.

Quant à l’apport théorique et stratégique, il est considérable. Notamment dans l’analyse du développement inégal et combiné des sociétés, en commençant par la Russie dès 1905, ou la perception des modalités actuelles de l’impérialisme. Mais là où il est irremplaçable, malgré des lacunes, c’est dans l’analyse du phénomène inédit à l’époque, et difficilement compréhensible, de la contre-révolution stalinienne. De ce point de vue, Trotsky est un passeur. Ce qui ne signifie pas une référence pieuse ni exclusive. Nous avons au contraire pour tâche de transmettre une mémoire pluraliste du mouvement ouvrier et des débats stratégiques qui l’ont traversé. Mais dans ce paysage et ce passage périlleux, Trotsky fournit un point d’appui indispensable. Rouge1886, 27/07/2000 Daniel Bensaïd

http://orta.dynalias.org/archivesrouge/~18a0f7726cdbaa78f9cec6dd~/article-rouge?id=9332

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TrotskyLcr.be

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13 août 2013 ~ 0 Commentaire

Août 1944: La libération inconnue, de Maurice Rajsfus

Août 1944:  La libération inconnue, de Maurice Rajsfus dans Histoire st-just-et-gmoquet1

Compagnie Saint-Just/ Guy Mocquet avec au centre André (Ned) Calvez

Après l’indécence de Chirac, Bush et Poutine qui ont tenté d’apparaître en juin 2005 comme les défenseurs de la démocratie, pour la commé- moration du débarquement en Normandie, l’hypocrisie a gagné Paris, où Delanoé a fêté à grand renfort de gros budget et de publicité les 60 ans de la Libération de Paris et cela risque de continuer jusqu’au mois de mai prochain. Pour contrebalancer tout le discours dominant, la lecture du livre de Maurice Rajfus:  La libération inconnue, ne peut qu’être salutaire.

En premier lieu, il est important d’oublier l’idée qu’il existait en France une résistance homogène qui se battait contre les nazis. Non seule- ment, les résistants sont peu nombreux avant la Libération (environ 200 000) mais en plus, ils ne poursuivent pas les mêmes objectifs. C’est Yvan Craipeau qui expose le mieux la situation : « Sous le drapeau tricolore des maquis, camouflé par le mot d’ordre de libération nationale, se mènent en réalité, trois guerres différentes », ainsi classifiées :

- Celle de la majorité des hommes du maquis, de la jeunesse, de nombre de militants du Parti communiste. Pour ceux-là, la Libération de la France sera en même temps une libération sociale qui purgera le pays des exploiteurs, et ouvrira la voie au socialisme, comme semble le promettre du reste, le programme du Conseil national de la résistance.

- Celle du BCRA, des généraux et de la bourgeoisie : le maquis est pour eux l’embryon de l’armée régulière, non seulement comme force d’intervention contre la révolution, c’est-à-dire contre les maquis révolutionnaires.

- Celle du Parti communiste : le maquis doit jouer un rôle essentiel dans l’insurrection nationale qui remettra en place les organismes nationaux mais, en même temps, permettre au Parti communiste d’y peser avec force.

De Gaulle, représentant de la bourgeoisie Après la capitulation de Pétain, De Gaulle, depuis Londres lance l’appel du 18 juin. Celui-ci n’est pas un appel à résister. Il ne s’adresse d’ailleurs pas aux Français de l’intérieur, mais à ceux qui sont également en exil. Il s’agit pour De Gaulle, qui refuse de voir la France disparaître en tant que nation, d’un appel à reconstituer une armée. Il ne mentionne d’ailleurs jamais le nazisme en tant que tel, mais simplement la guerre contre l’Allemagne. Jusqu’à la libération, De Gaulle a pour but de prouver à la classe dominante aussi bien française qu’américaine qu’il est le seul apte à remettre un Etat en place. Pour cela, il crée à Londres le Bureau Central Renseignement et Action (BCRA) dans lequel il n’hésite pas à s’entourer d’ex-croix de feu et cagoulards. Il travaille avec les services secrets britanniques et agit comme un réseau de contre-espionnage.

Il a peu d’influence en France, mais son rôle est d’éviter que se développe dans le pays, une résistance populaire, qui pourrait ne pas vouloir rentrer dans le rang, une fois la guerre terminée. C’est ainsi qu’en décembre 1941, Jean Moulin, ancien préfet, est parachuté en France. Sa mission est de convaincre toutes les instances de la résistance intérieure que De Gaulle est le représentant de l’Etat, et que l’heure venue, il lui appartiendra de reprendre les rênes.
Une des choses importantes est que les maquis soient tenus éloignés des villes et de la résistance urbaine. De même, les petits maquis sont fortement incités à rejoindre des unités plus grandes. En effet, les petits maquis fonctionnent souvent de manière spontanée, parfois même avec un esprit antimilitariste, et sont incontrôlables. En revanche, dans les grands, existe l’embryon d’une armée régulière, avec levée des couleurs, salut au drapeau etc.

Cette politique à été menée alors même qu’elle a eu comme conséquence des massacres, comme dans le maquis du Vercors, où des milliers de résistants ont été assiégés et exécutés par les nazis sans être secourus, ni même recevoir des armes.
Lors de la Libération, De Gaulle a pour obsession la continuité de l’Etat. Malgré la collaboration avérée de la police, de l’armée et bien sûr de tous les hauts fonctionnaires de l’Etat, il est impossible de révoquer tout ce monde sans causer un renversement du système. C’est pourquoi, lorsqu’il arrive à Paris, il dédaigne les centaines de milliers de personnes qui l’attendent à l’Hôtel de ville et se rend à la Préfecture pour saluer la police parisienne.
Or, s’il est vrai que sentant le vent tourner, la police est rentrée en partie dans la lutte contre les Allemands le 19 août, elle a été avant cette date l’alliée des troupes nazies, n’hésitant pas à rafler les juifs et les résistants. Les groupes mobiles de réserve qui sont près de 11 000, sont 3 150 à être révoqués, alors que 63 % de leurs effectifs sont recyclés dans les CRS. Mais cela n’est pas vraiment étonnant lorsque l’on sait qu’une crapule comme Papon qui a envoyé des Juifs dans les camps de concentration est resté en activité des années après la fin de la guerre.

Le Rôle du PCF Dans un premier temps le PCF a été paralysé par le pacte germano-soviétique. Ce n’est qu’en 1941, lorsque l’Allemagne a attaqué l’URSS, que le PCF a commencé à organiser la résistance. Cependant, dès le départ, certains militants communistes n’ont pas suivi les directives de Moscou. Les communistes ont été les principaux organisateurs de la résistance de l’intérieur et ils ont notamment fourni les rangs des FTP, les francs tireurs partisans.

Mais comme l’explique Crépeau, le but du PCF n’était pas d’organiser une insurrection, mais bien de négocier des places dans les institutions. Et De Gaulle trouve un véritable allié en la personne de Thorez qui déclare « Une seule police, une seule armée, un seul État ». Parti pour Moscou dès le début de la guerre il était considéré comme un déserteur. Ce n’est pas seulement pour pouvoir rentrer en France que Thorez n’a pas appelé les militants à renverser le système.

Il suivait surtout les directives de Staline. L’URSS et les États-unis s’étaient partagés l’Europe, et la France ne faisait pas partie des annexions soviétiques. Il n’était donc pas question de remettre cela en cause. Depuis 1937, le PCF a suivi une évolution liée à la doctrine stalinienne du socialisme dans un seul pays, qui était de plus en plus nationaliste. Alors qu’en 1935, Thorez proclamait, « des soviets partout », le même déclarait en 1936 « le parti a associé l’Internationale et la Marseillaise et a réconcilié le drapeau tricolore et le drapeau rouge ». En 1937, il franchissait un pas raciste en souhaitant «  la France aux Français » et en 1938, il défendait l’empire colonial. Après s’être redé- couvert internationaliste au début de la guerre pour défendre l’URSS contre la France au temps du pacte, il redevient patriote, dès que l’URSS est attaquée. Et si pendant l’été 1940, L’Humanité prônait la fraternisation avec les soldats allemands, le ton avait bien changé en août 1944. Le 22 août la une était « Mort aux boches et aux traîtres », le 23, « Pas un boche ne doit sortir vivant de Paris insurgé » et le 24 « À chaque Parisien son Boche ! ».

La Libération a été une période propice pour les travailleurs. La bourgeoisie était complètement désavouée du fait de son rôle de collabo. Une armée populaire avait vu le jour, et une milice patriotique se développait dans les usines. Le PCF était en position de mener les travailleurs à l’insurrection. Mais cela ne correspondait pas aux plans de Staline. Et la direction du PCF a préféré négocier des places dans le gouvernement.

par Dominique Angelini http://quefaire.lautre.net/spip.php?page=article&id_article=25

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10 août 2013 ~ 0 Commentaire

10 août 1792 (1)

10 août 1792 (1)  dans Histoire caricature_valmy_deutsches

Les sans culottes chassent les prussiens (caricature anglaise)

La première Commune insurrectionnelle de Paris

La première Commune de Paris en 1792 est un des phénomènes les plus intéressants de la Révolution française, d’un point de vue libertaire. Elle fut l’institution qui permit aux sans-culottes de mener leur lutte pour ne pas laisser les gouvernements révolutionnaires successifs parler en leur nom . Si elle réussit à peser sur les orientations de la révolution, elle ne parvint toutefois pas à en prendre le contrôle…

Qualifier la Révolution française simplement de révolution bourgeoise est réducteur, et l’expérience de la Commune insurrec- tionnelle de 1792 nous l’indique, comme nous l’indiquent le rôle joué par la paysannerie ou l’existence d’une « extrême gauche » de la Révo- lution, avec les Enragés ou les babouvistes [1] actifs dans cette Commune. De par sa position centrale géographiquement, la Commune insurrectionnelle de Paris joue un rôle essentiel de double-pouvoir face à la Convention, de l’été 1792 à l’été 1794. D’ailleurs la durée de la Commune insurrectionnelle sera la même que celle de la Convention, qui naît à la faveur de l’insurrection du 10 août 1792.

La Commune de Paris existait en fait depuis la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. La bourgeoisie citadine avait alors institué cette nouvelle administration, dont Jean-Sylvain Bailly avait été le premier maire, et qui tenait ses séances à l’Hôtel de ville. La loi du 21 mai 1790 en avait fait un organisme régulier. Le comité général de la Commune de Paris était élu par les « citoyens actifs », c’est-à-dire des bour- geois acquittant un impôt, admis dans les 48 sections de la capitale. La Commune disposait d’une force armée, la Garde nationale, qui lui permettait d’appliquer ses décisions par la force s’il le fallait.

Au cours du mois de juillet 1792, la gravité des événements allaient cependant pousser les « sans-culottes » à investir d’autorité les assemblées de sections jusqu’ici réservées aux bourgeois. Chaque assemblée réunit alors 400 à 500 personnes tous les soirs. Le peuple entend reprendre en main une révolution qui semble ne plus se préoccuper de lui et transige avec un monarque qui a pourtant appelé les troupes autrichiennes et prussiennes au secours pour rétablir l’absolutisme. Le peuple de la capitale s’inquiète par ailleurs de la hausse des prix alimentaires et revendique des mesures comme le « maximum » sur les prix. Cette agitation, mêlée à celle des jacobins qui ont peur de perdre leur pouvoir récemment acquis, aboutit à l’insurrection du 10 août 1792. Le roi et sa famille sont arrêtés, c’est le début de la 1ère République. Mais les sans-culottes ne sont plus disposés à faire confiance à une assemblée bourgeoise. La Commune dépêche bientôt une délégation à la Législative qui n’a plus que pour quelques jours : « Le peuple qui nous envoie vers vous, nous a chargés de vous déclarer qu’il vous investissait de nouveau de sa confiance, mais […] qu’il ne pouvait reconnaître, pour juger des mesures extraordinaires […], que le peuple français, votre souverain et le nôtre, réuni dans ses assemblées primaires. » [2] Bien décidée à dicter aux parlementaires la conduite à adopter, la Commune se constitue de fait en double pouvoir.

À la recherche d’une conscience de classeÀ la faveur de l’insurrection du 10 août, une Commune insurrectionnelle prend donc la place de la Commune bourgeoise. Formée de 52 commissaires, elle est animée par le maire, Jérôme Pétion. Les militantes et les militants de la Commune de Paris reflètent la sociologie de Paris : une ville artisanale et majoritairement ouvrière. Sur une population de 640 000 habitants, l’historien Frédéric Braesch dénombre 250 000 ouvrières et ouvriers, 50 000 artisans ainsi que 70 000 indigents, tous dotés de revenus modestes [3]. C’est ce public qui va composer la masse des sans-culottes, cette « presque classe » selon les mots de l’historien Albert Soboul, qui militent dans les sections de la Commune.

Ces militantes et ces militants se définissent comme faisant partie d’un même groupe social, « la sans-culotterie ». Ce groupe social est difficile à définir car il a à la fois des connotations sociologiques, politiques, économiques et culturelles. Il se définit en premier lieu par le port du pantalon, par opposition à la culotte aristocratique ou bourgeoise. Être sans-culotte implique de partager des nor- mes et des valeurs opposées à ceux de la bourgeoisie et de l’aristocratie. Cela veut dire s’opposer à la réaction, à l’aristocratie et s’engager pour la révolution et les valeurs d’égalité et liberté qui sont censées en être le corollaire. C’est enfin, pour finir, ne pas posséder de richesses et n’avoir que ses bras pour travailler. Gracchus Babeuf définira la sans-culotterie comme le groupe de celles et ceux qui n’ont rien, les « impro- priétaires ». On voit que la définition et le rôle politique de la sans-culotterie n’est pas sans préfigurer la figure du prolétariat dans sa définition marxiste. Lui aussi ne possède que ses bras pour travailler et lui aussi par cette position, a un rôle politique et des intérêts de classe bien particuliers. Le caractère populaire de la Commune et les idées radicales qu’elles portent font de celle-ci l’organe – pour ne pas dire l’insti- tution – des sans-culottes. Elle exprime, parfois confusément, des revendications qui préfigurent le socialisme révolutionnaire du XIXe siècle.

À la recherche d’un projet social Loin de dépendre d’une faction parlementaire (jacobins, girondins ou autres), les sections développent des revendications, presque un programme qui lui est propre. Il n’est pas encore question de socialisme ni de mise en commun des moyens de production, mais les grandes revendications de la Commune vont constituer les bases de l’idéologie socialiste postérieure. Rappelons par ailleurs que l’un des premiers à formaliser ces idéaux cinq ans plus tard, Gracchus Babeuf, est militant des sections insurrectionnelles du premier au dernier jour.

La première revendication est l’égalité des jouissance: chacun a le droit de jouir également de la vie. Cette revendication a pour conséquence le partage de la subsistance, donc un accès égal à la nourriture, que permettra la loi du maximum. Elle aura aussi pour consé- quence le partage des richesses, qui sera un mot d’ordre souvent repris. Le droit au travail est dans la même lignée de revendications. Il per- met d’assurer la subsistance et une existence indépendante. La seconde revendication porte sur le mode de gouvernement : les sans-culottes se réclament de la souveraineté populaire, c’est à dire la démocratie directe et les mandats révocables. Les sections, par leur caractère popu- laire, détiennent la légitimité et sont prêtes à l’imposer par les armes s’il le faut. Vis-à-vis de la Convention, les sections fonctionnent comme un double pouvoir : le comité général de la commune centralise les délégués de section ; les comités civils et révolutionnaires appliquent les décisions des sections ; enfin les sections, lieux de discussion et de décision, sont le dispositif de base de la commune. Leur rôle de cercles de débat permet d’aboutir à des positions communes. C’est avant tout leur force militante qui permet à la Commune de devenir une force autonome.

Un rôle important Ainsi organisée, la Commune commence par faire pression sur la Convention, poussant toutes les factions parlementaires à reprendre ses revendications (égalité, maximum…), et les contraignant, par la force, à les appliquer. Dans un premier temps, elle soutient les jacobins dans leur lutte contre les girondins, et fournit la foule et l’énergie nécessaire à leur éviction en mai 1793, pour l’application du maximum. Le 10 mai 1793, le jacobin Robespierre est contraint d’exposer un projet d’« économie politique populaire » qui, limitant les droits illimités du com- merce, introduit le droit à l’existence de chaque personne. Mais l’été 1793 est marqué par une grave crise du ravitaillement qui touche principalement les classes les plus pauvres de Paris, et les jacobins au pouvoir ne semblent pas pressés de répondre aux besoins du peuple. La Commune finit donc par se détacher d’eux au cours de la journée du 2 septembre 1793.

Elle envoie alors une adresse au pouvoir en exposant sa propre solution : l’instauration de deux maximums généraux des prix : celui des denrées de première nécessité et celui des matières premières. Elle propose également un maximum sur les fortunes, afin de faire disparaître la trop grande inégalité des niveaux de vie. Le même jour, on apprend que les royalistes ont livré Toulon aux Anglais. Il y a ur- gence, il faut réagir ! Le lendemain, les ouvrières et les ouvriers (maçons, charpentiers, serruriers…) de plusieurs sections se rassemblent pour appeler le peuple à prendre les armes. Les mesures drastiques ne peuvent plus attendre : il faut s’en prendre aux spéculateurs qui affament le peuple. Les jacobins lancent alors une politique dite de Terreur qui se justifie par les difficultés à faire appliquer les solutions promises depuis des mois. Les sections ne se doutent pas que le décret des suspects du 17 septembre 1793, qui vise initialement les royalistes et spéculateurs, se retournera bientôt contre elles.

Robespierre n’avait effectivement pas l’intention de partager le pouvoir avec cette masse populaire qu’il ne contrôlait pas. Or, lorsque la Commune insurrectionnelle lance sa campagne de déchristianisation, qui consiste à interdire purement et simplement la reli- gion et à transformer les lieux de culte en espaces publics, elle s’aliène des pans entiers de la population, surtout rurale. La Commune affaiblie, l’habile Robespierre y voit l’occasion de la réprimer et de la museler. Elle est privée de son pouvoir exécutif entre décembre 1793 et février 1794. Elle décline alors rapidement, et la Convention finit par la supprimer après les journées de Thermidor.

Un épisode oublié ? La Commune de 1792, bien que relativement méconnue, a une importance fondamentale car elle est à l’origine de nombreuses pratiques des mouvements ouvriers et révolutionnaires, issues des expériences et du pragmatisme des classes populaires confrontées à une révolution qui se fait de plus en plus sans elles. Marx s’en est inspiré pour l’élaboration initiale de son concept de « dictature du prolétariat ». On le voit dans ses articles sur la Révolution française. Pour lui, la dictature du prolétariat, loin de se personnifier dans un parti d’avant-garde devait être l’expression de la force politique du prolétariat structuré dans des conseils démocratiques. L’Adresse à la commune de 1871 explique cette orientation. Les pratiques de la Commune de 1792 sont à la source des aspects les plus libertaires du mouvement ouvrier européen. On les retrouvera dans la théorie anarchiste, de même que dans la conception conseilliste du pouvoir populaire. La notion de souveraineté populaire et ses conséquences que sont la démocratie directe et le mandat impératif seront des constantes de la plupart des révolutions, de 1848 à la Commune de Paris de 1871, des conseils ouvriers de 1917 à l’autogestion pratiquée en Catalogne en 1936.

Matthijs (AL Montpellier) http://www.alternativelibertaire.org/spip.php?article2487

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10 août 2013 ~ 0 Commentaire

10 août 1792 (2)

10 août 1792 (2) dans Histoire tuileries

Prise des Tuileries 10 août 1792

Jacobins, Sans-culottes et Enragés

Législative : Régime de monarchie constitutionnelle qui dura de septembre 1791 à août 1792. Régime bourgeois – seuls les riches peuvent voter – et politiquement modéré, il ne survivra pas à la chute de la monarchie le 10 août 1792.

Convention : Assemblée gouvernante qui succède à la Législative. Talonnée par la Commune de Paris, elle se caractérise par sa radicalité, l’exécution du roi, la Terreur et le rôle important joué par les masses populaires (sans-culottes, paysannerie). Ses figures les plus connues sont Robespierre, Marat et Danton.

Jacobins : Club politique incarnant la fraction la plus radicalement révolutionnaire de la bourgeoisie, farouchement centralisatrice, et qui joue un rôle dirigeant sous la Convention. Ses membres les plus éminents sont Robespierre et Saint-Just. Bien que favorables à la propriété privée, les jacobins se résignent à une alliance avec les sans-culottes.

Girondins : Faction politique parlementaire incarnant la grande bourgeoisie modérément révolutionnaire. Elle est hostile à la loi du maximum et aux mesures égalitaires et est pour une décentralisation fédérale. Elle sera expulsée de la Convention à l’issue des journées insurrectionnelles du 31 mai au 2 juin 1793.

Enragés : Faction politique extraparlementaire qui mène l’agitation dans les sections de la Commune. Elle tient des positions expropriatrices et en faveur de la souveraineté populaire. Les Enragés sont éliminés par les jacobins à l’été 1793.

Loi du maximum : Revendication contre la famine. Elle consiste à imposer un prix maximum aux produits de première nécessité, par la terreur s’il le faut, aux marchands et spéculateurs. Ce sera une des revendications principales des sans-culottes.

Repères: Révolution bourgeoise ou populaire ?

4 septembre 1791 : Louis XVI accepte la Constitution qui lui ôte le pouvoir législatif, au profit d’une Assemblée législative élue par les bourgeois.

Juillet 1792 : Les militantes et les militants sans-culottes investissent par la force les assemblées de section et prennent le contrôle de la Commune de Paris.

10 août 1792 : Journée insurrectionnelle qui met fin a la monarchie. Mise en place de la Convention nationale, gouvernement officiel de la Ire République, concurrencé par la Commune insurrectionnelle de Paris.

16 janvier 1793 : Exécution de Louis XVI, début de la guerre civile.

2 juin 1793 : Expulsion des girondins du Parlement, début de la période la plus radicale de la révolution.

2-3-4 septembre 1793 : La Commune impose le maximum à la Convention par la force, début de la Terreur.

17 septembre 1793 : Décret des suspects qui permet d’arrêter et de condamner rapidement tous les « ennemis de la révolution ».

Octobre-novembre 1793 : Campagne de déchristianisation initiée par la Commune.

Décembre 1793- Janvier 1794 : Série de décrets qui musellent la Commune et la vident de ses attributions.

27 et 28 juillet 1794 : Journées de Thermidor : fin de la Convention, chute de Robespierre, retour à une république entièrement sous la coupe bourgeoise.

[1] Voir « 1797, Babeuf, premier révolutionnaire communiste ? » in AL n°163, juin 2007.

[2] Daniel Guérin, Bourgeois et Bras nus, Gallimard, 1973.

[3] Frédéric Braesch, La Commune du 10 août 1792, 1978.

publie 5 janvier 2009 par Commission Journal (mensuel)

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07 août 2013 ~ 0 Commentaire

Terreur atomique

Terreur atomique  dans Antiimpérialisme hiroshimaart

Il y a 60 ans, par les bombardements nucléaires des villes japonaises d’Hiroshima, le 6 août 1945, et de Nagasaki, le 9, les États-Unis ont voulu faire connaître aux peuples du monde entier la terrible capacité de destruction de leur nouvelle arme.

Le jour même de la destruction de Nagasaki, le 9 août 1945, le président des États-Unis, Truman, qui venait de succéder à Roosevelt, déclarait à la radio : « Nous sortons de cette guerre la nation la plus puissante du monde, la nation la plus puissante peut-être de toute l’histoire. » Au- jourd’hui, aux États-Unis, le débat sur les raisons de l’utilisation de la bombe atomique est encore censuré. Seule y prévaut la vérité officielle : il se serait agi d’amener le Japon à capituler le plus rapidement possible, pour épargner la vie de centaines de milliers de soldats étatsuniens.

Que la destruction quasi instantanée de deux villes d’importance, chacune sous l’effet d’une seule bombe, ait accéléré la capitulation du Japon ne peut être mis en doute. Que soit ainsi mis fin à la guerre qui continuait dans le Pacifique, trois mois après la capitulation allemande, non plus. Mais il est aussi certain que le Japon s’apprêtait à capituler et qu’il l’aurait fait avant si les alliés, réunis à la conférence de Potsdam au milieu du mois de juillet, n’avaient pas exigé de lui une « reddition sans condition ». Il n’avait plus, de toute façon, les moyens de continuer la guerre, après la destruction de ses forces aéronavales et les bombardements intensifs qui avaient détruit ses villes les plus importantes.

En réalité, les États-Unis étaient déterminés à utiliser les deux bombes atomiques qui venaient tout juste d’être mises au point pour en imposer l’utilisation au monde et être les seuls vainqueurs dans le Pacifique. Le 9 août, en effet, trois mois après la capitulation de l’Allemagne, comme l’avait prévu la conférence de Yalta en février de la même année, l’Urss devait déclarer la guerre au Ja- pon. Les États-Unis ne voulaient pas d’un partage de cette partie de l’Asie, comme ils avaient dû y consentir en Europe de l’Est.

Le 17 juillet 1945, en pleine conférence de Potsdam, Truman reçut un télégramme, « Babies Satisfactorily Born » (« Les bé- bés sont bien nés »), qui l’informait du succès de la première explosion atomique expérimentale aux États-Unis. Le projet Manhattan qui, depuis septembre 1942, mobilisait des milliers de scientifiques et avait donné lieu à la construction de deux énormes complexes industriels destinés à produire, l’un de l’uranium enrichi, l’autre du plutonium, venait d’aboutir. Aussitôt, un ultimatum fut adressé au Japon, le sommant de se rendre sous peine d’une «prompte et totale destruction ».

Terroriser la population Trois semaines plus tard, une bombe de chaque type était lancée sur Hiroshima (bombe à l’uranium 235) et sur Nagasaki (bombe au plutonium). Pour qu’on pût voir les effets de la nouvelle arme, ces deux cités industrielles avaient été épargnées par les bombardements que menaient de façon intensive les Superfortress (B-29) que la puissante industrie américaine fabriquait à plein régime. Le 9 mars, Tokyo avait été détruite à 60 % par un raid de ces B-29 équipés de bombes incendiaires et explosives, 84 000 habitants y avaient trouvé la mort. Une centaine de villes furent ainsi bombardées et un quart des villes japonaises détruites à 50 %. Au Japon, comme en Allemagne un an auparavant, ces bombardements visant sciemment les civils des cités industrielles avaient pour objectif de terroriser la population afin d’empêcher toute tentative de soulèvement, une fois le régime en place défait. La guerre dite « de libération » n’était en fait qu’une guerre entre impérialismes pour le repartage du monde et leur mainmise sur les peuples. Mais là où des centaines de bombes « classiques » avaient été nécessaires, une seule bombe atomique suffit.

Le 6 août, à 8 heures 15, la bombe est lâchée au-dessus d’Hiroshima. Elle explose 45 secondes plus tard. Le principe en repose sur la transformation de la matière en énergie, qui se libère sous trois formes différentes : énergie thermique, onde de choc et effet de souffle, ra- diations nucléaires. La première, qui se manifeste sous la forme d’une boule de feu d’environ un kilomètre de rayon et de plusieurs millions de degrés, puis d’une onde thermique se propageant à la vitesse de la lumière, brûle tout sur son passage : les corps humains sont pulvérisés, entièrement carbonisés et la ville entière s’embrase dans la demi-heure. L’onde de choc entraîne l’effondrement des bâtiments ; l’effet de souffle fait éclater les poumons et provoque lésions et fractures. Les radiations nucléaires entraînent la mort immédiate jusqu’à un kilomètre de distance, et une mort plus lente, plus loin, sous l’effet de ce qui apparut à l’époque comme un mystérieux « mal des rayons ». Selon les esti- mations, la bombe d’Hiroshima a tué, à la fin de l’année 1945, 140 000 personnes, celle de Nagasaki, 70 000, et des dizaines de milliers de blessés ont succombé les années suivantes.

Socialisme ou barbarie Les États-Unis venaient de faire savoir au monde quelle terrible puissance de destruction ils étaient désormais capables de lancer contre les peuples, et ils firent cyniquement de cette menace terroriste, au lendemain du cataclysme d’Hiroshima et de Nagasaki, un argument pour la paix, alors que s’engageaient des guerres meurtrières destinées à empêcher les peuples de se libérer du joug colonial et impérialiste. La course à l’arme atomique s’est dès lors poursuivie, plusieurs États entrant en sa possession. En 1954, la première bombe H, de capacité mille fois supérieure à la bombe d’Hiroshima, fut expérimentée.

L’effondrement de l’Urss a fait disparaître l’argument fallacieux de « l’équilibre de la terreur », qui était censé garantir la paix au monde. Ce qui a disparu en réalité, c’est le prétexte de la lutte contre le « totalitarisme communiste », sous couvert duquel l’impérialisme me- nait sa guerre contre les peuples, en même temps que son complice, la bureaucratie soviétique, dans le maintien de l’ordre mondial.

Aujourd’hui, c’est la «lutte contre le terrorisme» qui sert d’argument à un développement inégalé du militarisme. L’objectif, comme hier, est la mainmise des trusts impérialistes sur les ressources de la planète, l’accaparement des fruits du travail humain, dans le prolongement de la concurrence capitaliste. En 2002, dans le cadre de leur redéploiement militaire à la suite des attentats du 11 Septembre, les États-Unis ont révisé leur doctrine nucléaire, l’arme atomique cessant d’être considérée comme le dernier recours. À cet effet, les mini-nuke (« mini-bombes ») ont été mises au point. Leur puissance équivaut à celle de… 22 bombes d’Hiroshima. Socialisme ou barbarie ! L’alternative est plus que jamais d’actualité. Galia Trépère Rouge2121, 22/07/2005

http://orta.dynalias.org/archivesrouge/article-rouge?id=1388

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07 août 2013 ~ 0 Commentaire

Mythes et mensonges sur Hiroshima et Nagasaki (1)

Mythes et mensonges sur Hiroshima et Nagasaki (1) dans Antiimpérialisme

Différentes thèses s’affrontent pour expliquer les motivations réelles du bombardement atomique d’Hiroshima et de Nagasaki (les 6 et 9 août 1945) par les États-Unis, les amenant ainsi à commettre un crime contre l’Humanité.

La polémique ne doit pas être considérée comme une simple querelle entre historiens: au-delà de la simple question du « pourquoi? », il y a toute l’implication qui se cache derrière la réponse. Implication très actuelle, car les États-Unis sont désormais la seule superpuissance ato- mique capable de frapper où que ce soit dans le monde et ils se doteront bientôt, avec le système de défense anti-missile, d’un outil capable de supprimer toute dissuasion nucléaire.

La thèse officielle, celle que tous les enfants étasuniens apprennent par coeur à l’école et qui, dernièrement encore, a été réaffirmée par le Sénat des États-Unis, explique que l’usage de la bombe atomique en 1945 a permis de précipiter la fin d’une guerre sanglante, de perdre moins d’argent et d’épargner des milliers de vies humaines. Le président Truman, qui prit la décision finale, affirma que son geste avait sauvé la vie de près de 250.000 « boys ». Après la guerre, dans ses « Mémoires », ce chiffre monta à 500.000 (1). D’autres ont été jusqu’à avancer des chiffres de l’ordre de 1… à 3 millions de vies épargnées! Selon les tenants de cette thèse, au cas où les troupes U.S auraient débarqué au Japon, les soldats nippons, fanatiques et partisans d’une guerre à outrance, auraient opposé une résistance suicidaire et jusqu’au-boutiste. De plus, les soldats japonais auraient été épaulés par des millions de civils tout autant fanatisés.

Cet argument est toujours repris actuellement par certains historiens: « Sans aucun doute (sic), la population civile défendra pied à pied le sol de la mère patrie. Les militaires lui confieront des explosifs, des pieux en bois. Tous les moyens seront bons pour tuer des ennemis ». Conclusion ? « Truman n’a pas le choix » (2). Le président Truman nous est ainsi souvent présenté comme un homme sensé, qui a pris une décision difficile mais juste. Et un historien bourgeois de nous le démontrer: « Des soldats américains mouraient par milliers chaque jour (?). L’apitoiement n’était pas de mise. Truman n’avait pas le choix. Sa décision lui a coûté ». (3). Il s’agit ici de l’argument « moral » de la thèse officielle qui accorde à la bombe atomique le mérite paradoxal d’avoir sauvé des vies humaines. Un autre argument nous dit que la bombe atomique a permis aux Japonais de comprendre la formidable capacité de destruction des États-Unis: « Nous détruirons complètement la puissance qui permet au Japon de poursuivre la guerre » menace Truman le 6 août 1945. Sachant cela, les Japonais n’auraient plus eu aucune raison de lutter. Autre élément corollaire; la destruction d’Hiroshima et de Nagasaki, outre l’impact psychologique de l’événement, aurait permis à l’Empereur Hiro-Hito d’imposer honorablement la paix à ses chefs de guerre « jusqu’au-boutistes ».

Face à cette série de dogmes officiels, plusieurs historiens ont osé les démonter pièce par pièce. Le premier d’entre eux, Gar Alperovitz, politologue étasunien, soutient depuis 1965 que son pays a fait usage de la bombe pour faire peur à Staline, dont les « visées expansionnistes » menaçaient les intérêts (grandissants) des États-Unis dans le Sud-est asiatique et en Europe.

500.000…1.000.000? L’argument des 500.000 (ou plus) vies épargnées ne tient absolument pas debout. Un rapport des stratèges militaires américains prévoyant le coût humain d’une invasion du japon (prévue pour le 1er septembre 45) contient de tout autres chiffres. Rédigé par le Chef d’ Etat-Major, le général Marshall, et daté du 18 juin 1945, il estime avec précision les pertes américaines à… 46.000 hommes au maximum. (4). Ce rapport, qui n’a seulement été rendu public qu’en 1985, était adressé au président Truman, celui-ci a donc sciemment menti.

Les chiffres fantaisistes du président et consorts reposaient sur l’argument que les Japonais, civils et militaires, se battraient jusqu’à la mort. Or, pour ce qui est des soldats, ce fanatisme, réel à une certaine époque du conflit, commençait à se fissurer. Alors que durant les batailles précédentes les soldats japonais se faisaient tuer sur place plutôt que de se rendre, lors de l’importante bataille d’Okinawa au mois de juin 1945, plus de 7.000 d’entre eux se sont constitué prisonniers. Du jamais vu. Suivant en cela le code d’honneur militaire japonais, bon nombre d’officiers étaient effectivement des jusqu’au-boutistes, mais une bonne partie des hommes de troupe était fatiguée des combats.

Quant aux civils, l’argument est tout simplement absurde: le peuple japonais était totalement à bout après presque 13 années de guerre (d’abord avec la Chine, puis avec les Alliés): privations, misère, faim, souffrance et mort sous les tapis de bombes largués par les bombardiers américains (plus de 21 millions de Japonais ont été d’une façon ou d’une autre touchés par ces bombardements massifs), etc. Un tel peuple n’aspirait plus qu’à la paix et l’on peut difficilement se l’imaginer fonçant droit vers des chars étasuniens avec des « pieux en bois » (5).

La Bombe et le sacrifice d’Hiroshima et de Nagasaki ont-ils au moins permis de précipiter la fin de la guerre (d’au moins un an nous dit-on) en démontrant le potentiel destructif des États-Unis? Rien de plus faux. Le Japon avait déjà virtuellement perdu la guerre car il était tout bonnement matériellement incapable de la poursuivre. Le potentiel militaire nippon était pratiquement détruit: 90% des bâtiments de la marine de guerre et de la flotte marchande reposait au fond l’océan, ce qui, pour une île dépourvue de ressources et de matières premières stratégiques indispensable à l’industrie de guerre, comme le pétrole par exemple, équivalait à une agonie rapide.

L’aviation quant à elle ne comportait plus qu’un petit nombre de pilotes adolescents,  peu instruits (du fait du manque de carburant, l’instruction était réduite au-dessous du minimum) et désespérés. La plupart n’étaient d’ailleurs plus assignés qu’à des missions suicides « kamikazes » peu rentables militairement vu la supériorité matérielle des États-Unis.

Enfin, « La défense anti-aérienne s’était totalement effondrée » (6), ce qui explique la facilité avec laquelle des impressionnantes escadres de bombardiers US pénétraient dans le ciel nippon. Ces bombardements terroristes, aveugles et coûteux en vies humaines – c’était leur but ; celui de Tokyo du 9 mars 1945 a ainsi fait plus de 125.000 morts, soit plus de victimes directes qu’à Hiroshima! – avaient complè-tement déstructuré les entreprises et la machine de guerre japonaise. Tokyo était rasée à 50%, Yokohama, le principal port du pays, à 85%, Kobe à 56%. Quarante pour-cent des ouvriers avaient abandonné leur travail pour fuir la ville et ses bombardements. Résultat, l’activité indus- trielle des 5 grands centres nerveux japonais était annihilée à un taux de 80% (7). Imaginer dans ces conditions que le Japon pouvait encore soutenir le conflit pendant une année ou plus relève donc de la pure fantaisie. Par Ataulfo Riera le Jeudi, 05 Août 2010

Voir les notes: http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?view=article&id=637:mythes-et-mensonges-sur-hiroshima-et-nagasaki&option=com_content&Itemid=53

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