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01 mars 2014 ~ 0 Commentaire

Les bataillons scolaires…(cnt)

Les bataillons scolaires...(cnt) dans Antimilitarisme arton1212-2ee2c

et autres « symbioses » (!) Armée/Education

2014 est le centenaire du déclenchement de la 1re guerre mondiale (et le 60e anniversaire de celui de la guerre d’Algérie). Il nous a paru utile de rappeler les « Bataillons scolaires » et autres ingérences de l’Armée dans l’Education nationale.

La défaite de la guerre de 1870-71 avait laissé une cuisante blessure. Après le Traité de Francfort et la perte de l’Alsace-Lorraine, la Nation allait pendant des décennies nourrir l’espoir de la « revanche » : effacer l’humiliationde la défaite, recouvrer les deux provinces perdues, substituer aux luttes sociales la guerre France-Allemagne. Les gouvernements successifs de la IIIe République firent des efforts constants pour doter la France d’une armée moderne.

Bataillons scolaires, de 7 à 13 ans

Pour entretenir chez les jeunes français la flamme patriotique et les préparer à leur rôle de futurs soldats, le gouvernement De Freycinet décréta le 14 juillet 1882 la création de « Bataillons Scolaires » au sein des établissements d’enseignement public. Ces « Bataillons » devaient dispenser aux élèves une formation pré-militaire graduée, adaptée (? !) à leur âge, dont le programme était ainsi conçu :

- Au Cours Élémentaire – de 7 à 9 ans – gymnastique, exercices de présentation individuelle et évolutions collectives.

- Au Cours moyen – de 9 à 11 ans – éducation physique avec éventuellement exercices aux agrès, marches, évolutions en ordre serré.

- Au Cours Supérieur – de 11 à 13 ans – gymnastique,agrès,évolutions en ordre serré, marches, éléments de topographie et préparation au tir.

Pour l’instruction avec armes, on créa deux répliques allégées du fusil Gras modèle 1874, l’une avec canon en bois, ne pouvant tirer, l’autre réelle, utilisable pour le tir avec cartouche Gras de type réduit, et dotée d’un sabre-baïonnette un peu plus léger que le modèle réglementaire. Pour des raisons diverses, l’institution des Bataillons Scolaires (enfants de 7 à 13 ans) fut loin, heureusement (esprit « critique », laïcité) de donner les résultats escomptés. L’échec constaté amena bientôt la dissolution des Bataillons Scolaires. Ouf !

16-20 ans

Cependant,dans le même esprit, une nouvelle tentative fut faite avec la création de « Bataillons Topographiques », s’adressant cette fois aux jeunes gens de 16 à 20 ans. Ce projet n’eut pas plus de succès. Dans le département des Vosges, un seul Bataillon Topo, vit le jour – celui de Saint-Dié - ; il n’eut d’ailleurs qu’une existence éphémère car il avait disparu avant 1889. L’expérience fut abandonnée. Re-ouf !

Après 1900 l’évolution de la situation internationale marquée par de fréquentes périodes de tension, amenèrent le gouvernement à revoir la question de la préparation militaire des jeunes de 17 à 20 ans, celle-ci restant toutefois facultative. Une loi de 1905, puis une circulaire ministérielle de 1907 réglèrent les modalités d’organisation de l’instruction pré-militaire, qui fut confiée aux Sociétés de Tir et Sociétés de Préparation Militaire agréées par le Ministère de la Guerre.

La guerre de 1914, malheureusement, ne devait pas tarder.

Symbioses Armée/Education (1982 …2007…)

Les protocoles d’accord Armée/Education (Hernu/Savary en 1982, Chevènement/Jospin), Armée/Culture (Hernu/Lang, 1983), Armée/EN, Enseignement Supérieur et Recherche (Alliot-Marie/De Robien, 31/01/2007) ciblaient à la fois les élèves et les enseignantEs (1)(2).

Les militaires ont donc par exemple organisé des formations continues pour les enseignantEs, notamment après la casse des IUFM. Des enseignantEs-stagiaires ont plusieurs fois boycottéen cours de route : formations inadaptées, propos méprisants des officiers formateurs (2) à l’égard des personnels de l’Education Nationale.

En 2010, le protocole Défense/Education relatif aux ERS Etablissements de Réinsertion scolaire organisait des actions concertées entre les ministères de l’EN et de la défense, où, par exemple, la maîtrise de la lecture est « une mission essentielle confiée conjointement à la Défense et à l’Education Nationale ». Henri

(de Hernu/Savary, Chevènement/Jospin, Alliot-Marie/De Robien …).

(1) Voir par exemple l’article de 2011 « NON à l’armée « éducatrice », sécuritaire et discriminatoire » (à propos de collégiens en stage en uniformes dans la caserne de Monthléry du 121e – et ses réf.) en octobre 2011 dans la revue « L’Emancipation S et P », sur le site www.emancipation.fr rubrique laïcité-débourrage de crânes. (2) Voir par exemple l’article « Militaires formateurs ou format…tueurs » sur le site www.unionpacifiste.org/ rubrique Education.

http://www.questionsdeclasses.org/?Les-bataillons-scolaires

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26 février 2014 ~ 0 Commentaire

A l’origine de la journée du 8 mars (1)

GERzetkin1 Klara Zetkin et Rosa Luxembourg
Une militante communiste : Clara Zetkin (1857-1933)

8 mars 1911 : la première journée internationale pour le droit des femmes est un succès, en particulier en Allemagne où pas moins d’une quarantaine de réunions et de manifestations ont lieu dans la seule ville de Berlin. Selon Clara Zetkin qui en est l’instigatrice et qui en a fait adopter le principe au sein de la Deuxième Internationale l’année précédente, cette journée est «  la mani- festation la plus massive qu’ait connu le mouvement pour l’émancipation féminine  » [1].

La tâche pourtant n’a pas été facile. Membre du Parti social-démocrate allemand en 1881, Clara Zetkin dirige de 1891 à 1916 un magazine féminin socialiste, Gleichheit («  Egalité  »), qui atteint péniblement les 4 000 exemplaires au début du siècle. Le tirage passe cependant à 28 000 exemplaires en 1905 puis à 125 000 en 1914.

Secrétaire internationale des femmes socialistes au sein de la Deuxième Inter- nationale, Clara Zetkin est de tous les combats au sein de son aile gauche, aux côtés de Rosa Luxemburg. Membre fondatrice du Parti communiste allemand (KPD) en janvier 1919, elle échappe aux massacres et continue le combat depuis le sud de l’Allemagne avant de prendre la direction à Moscou du secrétariat féminin de la Troisième Internationale. Elue députée au Reichstag en tant que communiste sans interruption jusqu’en 1933, elle assiste à la prise du pouvoir des nazis avant de mourir quelques semaines plus tard. C’est cette histoire que nous voudrions retracer ici, qui mêle intimement le combat pour l’émancipation des femmes avec celui du prolétariat.

L’essor du mouvement ouvrier

La jeunesse de Clara Eisner raconte à elle seule les transformations que connait l’Europe durant cette période. Née en 1857 dans un milieu d’artisans en Saxe, une région encore pauvre et reculée, elle se familiarise très tôt avec les idées de la Révolution française que prolonge d’une certaine manière celle de 1848 en l’Allemagne. Sa mère, bien que de milieu modeste, est une fervente lectrice de George Sand, tout en cultivant des relations épistolaires avec les pionnières du mouvement féministe. Une communauté d’immigrés russes introduit de son côté les premiers ferments du socialisme dans la région.

Vivant avec l’un de ces immigrés du nom de Zetkin, Clara aspire au grand air. Elle rencontre à Paris tous les courants du mouvement ouvrier renaissant, dans les années 1880, après le massacre des communards. Tandis qu’en Allemagne nait en 1875 le premier grand parti ouvrier de l’histoire : la Social-démocratie, née d’une fusion entre le courant lassalien et une minorité se réclamant de Marx. Elle écrit de plus en plus souvent pour le journal de Kautsky  : die Neue Zeit («  Les temps nouveaux  »).

Au point de rencontre de ces différentes influences, elle joue un rôle actif dans la naissance de la Deuxième internationale à Paris en 1889, où elle présente pour la première fois un rapport consacré à la place des femmes dans la classe ouvrière et dans le mouvement socialiste, faisant du travail l’outil à ses yeux fondamental de leur émancipation. Sans ignorer non plus le piège de la «  double journée de travail  » comme elle le raconte dans l’une de ses correspondances avec Karl Kautsky : «  A peine avais-je tenté de me plonger dans l’étude de Louise Michel [pour un article] qu’il m’a fallu moucher le n°1, et à peine m’étais-je assise pour écrire, qu’il a fallu donner la becquée au n°2. A quoi s’ajoute la misère d’une vie de Bohème.  » [2]

Elle rentre en Allemagne en 1890 au moment décisif : les lois d’interdiction frappant la Social-démocratie sont abrogées. Une nouvelle étape commence. Sa priorité est de s’adresser aux femmes qui se tournent vers le socialisme avec un matériel spécialement adapté, tout en participant activement à la vie de l’Internationale et de son parti allemand. Elle devient en 1895 la première femme membre d’une instance dirigeante du SPD, élue à sa commission de contrôle.

Opprimées en tant que femmes, exploitées en tant qu’ouvrières

Mener ce combat n’a rien d’une sinécure. La législation est profondément rétrograde dans un pays qui représente encore au début du 20e siècle un curieux mélange entre féodalisme conservateur (celui des «  Junkers  », les grands propriétaires fonciers) et diffusion d’idées plus progressistes amenées par certains milieux libéraux et par le mouvement ouvrier.

Cela ne concerne pas seulement la question du droit de vote. En particulier dans le roy- aume de Prusse (l’empire ayant préservé une large autonomie après l’unité réalisée en 1871), les femmes n’ont tout simplement pas le droit d’adhérer à une quelconque organisation politique jus- qu’en 1908. Elles n’ont même pas le droit de participer à une réunion où l’on discute politique !

Il est vrai que jusqu’à cette date, une femme n’a pas non plus le droit de passer l’Abitur (l’équivalent du bac) ni d’aller à l’université. Il faut même attendre 1918 pour qu’une institutrice ait la possibilité de se marier, tant l’exercice de ce métier – souvent le seul possible pour des femmes ayant fait des études – est volontiers confondu avec un véritable sacerdoce.

Le ton est donné par l’empereur Guillaume II : «  La mission principale de la femme n’est pas de participer à des réunions ni de conquérir des droits lui permettant d’être l’égale de l’homme, mais de remplir silencieusement sa tâche dans son foyer et sa famille et d’éduquer la jeune génération en lui inculquant avant tout le devoir d’obéissance et le respect des ainés  » [3]. Dans cette Allemagne wilhelmienne qui prétend régénérer un monde jugé «  malade  » en donnant l’exemple de la discipline et de l’ordre, la place assignée à la femme a une fonction politique et idéologique bien précise. Le contester conduit logiquement à remettre en cause l’ordre patriarcal qui s’imbrique parfaitement avec l’ordre social dominant.

Mais s’adresser aux femmes les plus exploitées représente une difficulté supplé- mentaire. A la différence du prolétariat masculin de plus en plus concentré dans les grandes usines, le prolétariat féminin reste beaucoup plus dispersé, et il ne bénéficie en général d’aucune formation professionnelle. La majorité des travailleuses est employée dans des petites unités de production de style artisanal et surtout dans le travail à domicile, ou dans des métiers comme gens de maison, serveuses dans des cafés ou des restaurants (parfois assimilées à des prostituées). Le prolétariat féminin est nettement plus difficile à atteindre et à organiser. Le taux de syndicalisation dépasse les 50 % chez les hommes, mais il n’est que de 9 % chez les femmes salariées.

La femme et le socialisme

La référence pour Clara Zetkin, comme pour tous les militants de l’époque, est le livre d’Auguste Bebel publié en 18913, La femme et le socialisme. Etant lui-même l’un des principaux dirigeants du parti, il s’est largement inspiré de l’ouvrage d’Engels publié en 1884 [4], L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat.

Pour ce dernier, la question de l’émancipation est étroitement liée à celle du travail : «   Pour que l’émancipation féminine devienne réalisable, il faut d’abord que la femme puisse participer à la production sur une large échelle sociale et que le travail domestique ne l’occupe plus que dans une mesure insignifiante. Et cela n’est devenu possible qu’avec la grande industrie moderne qui non seulement admet sur une grande échelle le travail des femmes, mais aussi le requiert formellement et tend de plus en plus à faire du travail domestique privé une industrie publique  ».

La question se pose donc à deux niveaux : c’est grâce au progrès général introduit par le capitalisme avec la généralisation du salariat que la femme peut commencer à échapper à l’emprise totale de la famille en conquérant le début d’une autonomie financière et en participant aux luttes du prolétariat pour le socialisme ; c’est aussi grâce à ce progrès qu’on peut imaginer dans une autre société l’extinction progressive de la frontière entre la sphère publique et la sphère privée, susceptible d’alléger considérablement le poids des tâches domestiques tout en permettant une participation effective aux affaires de la cité.

Cette approche se double d’une considération plus générale et plus fondamentale : le lien étroit entre le patriarcat et la question de l’héritage – en particulier sa transmission –, à la base de la plupart des sociétés de classe. Mais elle ignore en même temps d’autres aspects : les formes extrêmement variées d’oppression qui peuvent perdurer même dans une société sans classe. Il suffit d’ailleurs de revenir sur l’exemple cité par Engels : la grande industrie – développée de manière rationnelle et planifiée entre les mains du prolétariat – peut sans doute considérablement alléger le poids des tâches domestiques, mais elle n’induit pas automatiquement une meilleure répartition de leur gestion quotidienne entre les hommes et les femmes.

Après une assez longue période de tâtonnement, l’apport de Clara Zetkin est double : donner au combat féministe une dimension pleine et entière en intégrant dans sa réflexion les diverses dimensions de l’oppression des femmes, tout en le maintenant fermement sur un terrain de classe. CABRAL Jean-François 1er février 2014

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article31202

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26 février 2014 ~ 0 Commentaire

A l’origine de la journée du 8 mars (2)

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Une militante communiste : Clara Zetkin (1857-1933)

Pour la conquête des droits démocratiques et sociaux

De manière significative, sa première brochure sur le sujet a pour titre « La question des travailleuses et la question féminine à notre époque ». Il y a bien une dimension spécifique à la question féminine, mais le combat féministe que mènent les militantes socialistes n’est pas le même que celui que mènent les autres courants, même les plus progressistes, du «  féminisme bourgeois  ».

Car tout diffère, selon Clara Zetkin: le milieu auquel on s’adresse, les préoccupations, les objectifs, les moyens d’action. Comme elle le précise au congrès de 1896 : « Engagées dans la lutte de classe, la prolétaire a autant besoin que la femme de la petite et moyenne bourgeoisie et les intellectuelles de l’égalité juridique et politique (…) Mais en dépit de tous ces points de contact (…) la prolétaire n’a rien de commun pour ce qui est de ses intérêts économiques décisifs avec les femmes des autres classes. Aussi l’émancipation de la prolétaire ne saurait-elle être l’œuvre des femmes de toutes les classes, elle sera uniquement l’œuvre de l’ensemble du prolétariat sans distinction de sexe».

Le centre de gravité est bien la lutte pour le socialisme. Et la première revendication est d’améliorer le quotidien des travailleuses, en exigeant l’égalité des salaires, mais aussi certaines dispositions particulières, comme les congés maternité, ou l’abolition du travail de nuit. Les argu- ments employés ne sont, il est vrai, pas toujours sans ambiguïté. Car cette dernière revendication par exemple s’appuie parfois sur la nécessité de préserver la santé des femmes en tant que mères. Mais dans le monde du travail, cette intervention rencontre un écho favorable qui ouvre ensuite bien d’autres opportunités pour discuter de tout.

Clara Zetkin reste profondément attachée à maintenir une indépendance complète vis-à-vis de ce qu’elle appelle le «  féminisme bourgeois  », lui-même très hostile à la Social-démocratie, à l’exception d’une toute petite frange qui se veut plus «  progressiste  », tout en appe- lant à voter pour les libéraux qui n’intègrent pourtant pratiquement aucune de leurs revendications. Cela n’empêche pas Clara Zetkin de proposer une politique particulièrement offensive, notamment sur le terrain des droits démocratiques.

Le combat pour le droit de vote des femmes en est une illustration. Cette revendication est défendue par Clara Zetkin en collaboration avec d’autres mouvements féministes. Elle doit néan- moins se battre sur deux fronts. Au sein de la Social-démocratie, il faut surtout joindre les actes à la parole. Avec les mouvements féministes, il faut convaincre que ce suffrage doit être effectivement accordé à toutes les femmes – mêmes pauvres –, ce qui est loin d’être gagné (sachant que le suffrage universel masculin n’existe pas non plus dans certains Etats comme la Prusse).

A la conférence féminine de Stuttgart, en 1907, Clara Zetkin fait adopter une résolution qui spécifie que « les partis socialistes de tous les pays ont le devoir de lutter énergiquement pour l’instau- ration du suffrage universel des femmes». A la conférence de Copenhague, en 1910, il est décidé d’organiser chaque année au mois de mars une journée internationale des femmes : ce sera le 8 mars. Sa revendication immédiate est l’obtention du droit de vote.

Fait notable : sur cette revendication démocratique, le mouvement ouvrier est alors en capacité d’entraîner la majeure partie du mouvement féministe qui se situe pourtant dans le sillage des partis libéraux. Mais on peut aussi observer que cette revendication n’a été obtenue en Allemagne qu’à la suite d’une révolution, après le renversement de l’empereur le 9 novembre 1918 et la proclamation de la république. Bien avant la France.

Dans le parti aussi

Clara Zetkin a beau répéter que «l’émancipation de la prolétaire ne saurait être l’œuvre des femmes de toutes les classes, elle sera uniquement l’œuvre de l’ensemble du prolétariat sans distinction de sexe», cela suppose que cette préoccupation soit effectivement prise au sérieux au sein du parti. Ce dernier part malheureusement avec un handicap assez lourd sous l’influence de Lassalle et de ses positions très proches de celles de Proudhon, qui considère que la place «  naturelle  » des femmes est à la maison.

Marx et Engels défendaient une toute autre position, mais au début des années 1870, il n’est pas rare de voir encore des syndicats se prononcer pour la suppression du travail féminin. C’est donc à la suite d’une longue bataille que les marxistes, avec Auguste Bebel, imposent un tout autre point de vue, faisant du même coup de la social-démocratie le seul parti réellement d’avant-garde sur cette question.

Mais du programme à l’activité quotidienne de ses militants, il y a parfois une certaine marge. Clara Zetkin en est convaincue : pour en faire une préoccupation réelle, il faut donner une plus grande visibilité et de plus grandes responsabilités aux femmes dans le parti. En particulier, ses statuts prévoient à l’occasion des congrès que les femmes puissent désigner directement un certain nombre de déléguées si aucune femme n’a été élue dans les assemblées des sections locales. Clara Zetkin se bat vigoureusement pour la mise en œuvre effective de cette clause, non sans succès : il n’y a encore que 25 déléguées femmes en 1901, mais elles sont 407 en 1907.

Surtout Clara Zetkin met en place à la veille de chaque congrès une conférence fémi- nine qui réunit de manière spécifique les femmes afin de leur permettre de discuter d’un certain nombre de sujets qui pourront ensuite être posés de manière plus concertée à l’occasion du congrès. Pratique qui est également étendue au sein de la Deuxième Internationale avec les «conférences féminines internationales». C’est d’ailleurs à l’occasion de l’une d’elle, à Copenhague en 1910, qu’est décidé le principe de la journée du 8 mars.

Le combat se mène à deux niveaux : il s’agit à la fois d’encourager les femmes à faire toutes les tâches du parti, tout en menant un travail spécifique en direction des femmes prolétaires. Sur le premier point, elle impose le terme de «Vertauenspersonnen» (personnes de confiance) pour désigner les propagandistes du parti, au lieu de «Vertrauensmänner » (hommes de confiance), afin de bien montrer que cette tâche est ouverte également aux femmes. En même temps, les statuts précisent en 1905 que «la propagande systématique dans le prolétariat féminin est assurée par des délégués féminines élues, si possible dans toutes les localités, en accord avec les instances du parti  ». A la même époque, les ventes du Gleichheit explosent littéralement, signe que quelque chose est bien en train de changer dans la vie du parti.

Viser l’émancipation intégrale

Contrairement à certains préjugés, le mouvement ouvrier de l’époque n’ignore pas des questions qui prendront, il est vrai, une place plus grande par la suite, notamment à partir des années 1960-1970. Dans une Allemagne encore profondément imprégnée de morale religieuse, le journal de Clara Zetkin s’étend longuement sur les questions du mariage et du divorce. Elle défend – certes avec moins de vigueur qu’Alexandra Kollontaï – «l’amour libre», sans faire pour autant de la liberté sexuelle un étendard du combat féministe. Mais pour reprendre ici le point de vue exprimé par l’historien Gilbert Badia, «sa vie, peut-être plus que ses théories en la matière, illustre ses conceptions profondes. Elle a vécu, jusqu’à la mort de celui-ci, avec un homme dont elle a eu deux enfants et qu’elle n’a pas cru indispensable d’épouser (…) A trente-neuf ans, elle n’a pas hésité à vivre en union libre avec un jeune homme son cadet de dix-huit ans».

Quant à sa curiosité, elle est insatiable : elle est une des rares dirigeantes à s’intéresser à la psychanalyse, discipline alors toute nouvelle. Sur la question de la «  nature féminine  », sa position est incontestablement très en avance sur son temps, allant même jusqu’à contester l’idée qu’il y aurait naturellement chez les femmes un «instinct maternel». En même temps, il serait vain de vouloir découvrir chez elle une quelconque «théorie du genre». Mais son adhésion profonde au marxisme en tant que philosophie matérialiste lui donne malgré tout quelques atouts pour éviter toute forme de naturalisation des rapports humains…

On peut sans doute lui reprocher un certain optimisme sur la résolution des conflits de genre dans une future société socialiste. Mais ce n’est pas pire, ou pas mieux, que l’optimisme un peu général qui s’imposait à cette époque sur la société future, avant de faire l’expérience du stalinisme. Certains débats doivent être absolument remis dans leur contexte. Cela concerne en particulier la question de la limitation des naissances.

Au sein de la bourgeoisie, les idées de Malthus – qui voulait limiter la pauvreté en limitant le nombre de pauvres – restent très influentes. Ce qui explique sans doute pour une bonne part que l’idée même de planification des naissances soit très largement combattue au sein du mouvement ouvrier. Clara Zetkin se bat cependant vigoureusement pour la légalisation de l’avortement, au nom du libre choix pour les femmes à disposer de leur corps. En 1913, les députés sociaux-démocrates s’opposent au Centre catholique (l’un des principaux partis représenté au Reichstag) qui veut interdire la vente de préservatifs, en expliquant que le législateur n’a pas à en réglementer l’usage.

Sur l’avenir communiste, même si les idées restent vagues, quelques projets voient le jour dans le cadre d’un mouvement coopératif beaucoup plus développé qu’en France : coopératives de con- sommation, cuisines et laveries communales, restaurants coopératifs, cités-jardins… Autant d’ex- périmentations qui laissent entrevoir la possibilité d’une réorganisation de toute la société. De même, dans le domaine de l’éducation, bien des idées novatrices commencent à émerger, même si elles sont loin d’être aussi élaborées que celles développées plus tard par Montessori ou par Freynet. Ce sont parfois des choses toutes simples, comme la mixité dans les écoles, alors que l’alternative était soit de travailler pour un salaire de misère sans aucune qualification dans les milieux popu- laires, soit d’échapper à cette misère dans les milieux aisés en restant femme au foyer.

Mais après la révolution russe, le combat féministe change de nature. Car le communisme désormais n’est plus une utopie : c’est une réalisation pratique, pour le meilleur et parfois pour le pire. Une autre histoire… [5] Jean-François Cabral

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article31202

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25 février 2014 ~ 0 Commentaire

Nddl 1974 et 1992

 

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23 février 2014 ~ 0 Commentaire

Cio et fifa, les étoiles jumelles du fléau sportif mondial (al’e)

camp-1934

Les lieux choisis pour l’organisation des grandes manifestations sportives laissent rêveur.

En 2008, les Jeux olympiques se sont déroulés à Pékin; en 2010, la Coupe du monde football a eu lieu en Afrique du Sud, mais, dès cet hiver, les Jeux olympiques sont organisés dans la Russie de Poutine (à Sotchi) et la Coupe du monde de football au Brésil. En 2016, les Jeux auront lieu à Rio, alors qu’en 2018 et 2022 la Coupe du monde se tiendra respectivement en Russie puis au Qatar.

Malgré des différences de régime politique évidentes, tous ces pays ont été ou sont en train de subir le poids d’une «olympisation» (Coubertin) du monde dans le cadre plus large d’une «sportivisation» générale, ce qui signifie toujours une perte sèche de démocratie.

Qui peut prétendre que la Chine, après ses JO de 2008, s’est ouverte au monde ou s’est démo- bcratisée? Qu’ont montré les dirigeants du Brésil au moment des manifestations de juin dernier sinon le visage de la répression ?

Jérôme Valcke, le secrétaire général de la FIFA (Fédération Internationale de Football Association), n’a-t-il pas de son côté affirmé :

«Je vais dire quelque chose de fou, mais un moindre niveau de démocratie est parfois préférable pour organiser une Coupe du monde» et «Quand on a un homme fort à la tête d’un État qui peut décider, comme pourra peut-être le faire Poutine en 2018, c’est plus facile pour nous les organisateurs qu’avec un pays comme l’Allemagne où il faut négocier à plusieurs niveaux».

Ce qui sera vrai en 2018 l’est déjà tout autant en 2014 avec Sotchi et le Brésil, la FIFA et le CIO (Comité International Olympique) imposant des trajectoires économiques et politiques parallèles qui en disent long sur les «valeurs» olympiques et sportives. Ces institutions agissent comme des rouleaux compresseurs, saccageant, éliminant tout ce qui ressemble à des formes de résistance sur les territoires conquis par la calamité du fait ou plutôt du méfait sportif total.

Choisissant les villes ou les pays hôtes, délégant leur pouvoir en le mettant entre les mains de tous les Poutine de la planète, le CIO et la FIFA leur permettent de devenir les porteurs des projets olym- piques et sportifs, soit de belles doses d’opium, et surtout de faire admettre à tous l’inacceptable: le contrôle, la surveillance et la mise au pas des populations; la dévastation écologique avec, par exemple, celle d’une partie du Caucase pour le développement du tourisme alpin, au sein de ce que l’UNESCO décrit comme «la seule très grande zone de montagnes en Europe qui n’a pas connu d’impact humain significatif, avec des grandes parties de forêts de montagne intactes, uniques à l’échelle européenne»; l’aide à certaines entreprises privées choisies par le pouvoir, proches des mafias; l’appropriation privée de l’espace public.

Dans ce contexte, de manière intense et décomplexée, la FIFA et le CIO montrent, comme durant les années crépusculaires d’avant-guerre, leurs liens idéologiques, économiques, politiques et leurs inquiétants penchants pour les régimes anti-démocratiques ou qui vont le devenir. Ils n’hésitent plus à défendre une entreprise de destruction de l’humanité de l’homme, de la culture et de l’environ- nement, en s’attaquant aux droits les plus fondamentaux, aux libertés premières.

Largement honoré par les institutions sportives, le pouvoir russe: pratique les rafles contre les immigrés; les arrestations et détentions illégales; psychiatrise l’opposition comme aux plus sombres années du stalinisme; défend une politique homophobe et laisse des milices privées d’extrême droite agresser des migrants dans la rue, ou casser les vitrines des magasins tenus par des immigrés.

Ce même pouvoir limite la liberté de la presse et les journalistes indépendants risquent parfois leur vie à dénoncer certaines pratiques odieuses. Depuis 2012, une loi dite relative aux «agents étrangers» permet le contrôle des ONG et limite leurs actions en faveur de la défense des droits fondamentaux.

Pendant ce temps, le CIO, par l’intermédiaire de Jean-Claude Killy, le nouveau «copain» de Poutine, continue l’air de rien sa propagande sur les thèmes de l’avancée démocratique et de la paix. Mais il ne veut rien savoir de la corruption, des chantiers attribués sans aucun appel d’offres, de l’exploitation des ouvriers sur les sites en construction, de l’extradition de l’oligarque Mikhaïl Khodorkovski en Allemagne, de l’arrestation d’Evgueni Vitichko, condamné à trois années de travaux forcés car il souhaitait publier un rapport sur les conséquences écologiques désastreuses des JO de Sotchi.

Le CIO, au statut pour le moins étonnant d’organisation internationale non gouvernementale, à but non lucratif, est de fait une entreprise dont les appels d’offres masquent les intérêts de ses dirigeants et leur rôle décisif dans les investissements financiers, les politiques économiques, sociales et culturelles des pays organisateurs.

Le CIO est, entre autres, composé de PDG et de dirigeants d’entreprises de toute sorte où sont représentés les secteurs de l’énergie, des travaux publics et de l’urbanisme, de la communication et des médias, des casinos, du luxe (Jean-Claude Killy est membre du conseil d’administration de Rolex), de l’immobilier, de la banque et de la finance. Le CIO tient sous sa férule une armée de sportifs aux ordres. Thomas Bach, son actuel dirigeant, lors de la cérémonie d’ouverture de Sotchi, pouvait s’adresser de la sorte aux dirigeants de ce monde:  «Ayez le courage de régler vos désac- cords par un dialogue politique direct et pacifique et non pas sur le dos des athlètes.» Ce groupe d’influence s’impose, et impose à tous, le rouleau compresseur d’une politique sportive mondialisée. Il est sans aucun doute le plus important think tank de la planète et, en tant que tel, influence au plus haut point les relations internationales, les politiques publiques, nombre de projets capitalistes. Dans ce maelström, les structures sportives et surtout les sportifs participant aux festivités, ne sont pas les victimes naïves ou innocentes de la FIFA ou du CIO, mais les acteurs conscients et consentants de leurs agissements, leurs fers de lance idéologiques, en quelque sorte leur bras armé. Publié par Alencontre1 le 19 – février – 2014 Par Marc Perelman et Patrick Vassort

Marc Perelman est professeur en esthétique. Il est l’auteur, entre autres, de L’ère des stades. Génèse et structure d’un espace historique, Infolio (2010)

Patrick Vassort est maître de conférences en sociologie. Il est l’auteur, entre autres, de Footafric. Coupe du monde, capitalisme et néocolonialisme (en collaboration avec Ronan David et Fabien Lebrun), Editions  L’échappée (2010)

http://alencontre.org/societe/cio-et-fifa-les-etoiles-jumelles-du-fleau-sportif-mondial.html

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21 février 2014 ~ 0 Commentaire

21 février: hommage au groupe manouchian

RETOUR SUR L’AFFICHE ROUGE, AIMER LA VIE A EN MOURIR

Le 21 février 1944, 22 combattants des Francs-tireurs et partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) étaient fusillés. La mémoire de leur participation à la Résistance est restée longtemps enfouie…, notamment dans les archives du Parti communiste français.
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Il y a 60 ans, 22 résistants étaient fusillés. Parmi eux, Missak Manouchian. Le plus jeune, Thomas Elek, avait 17 ans. La seule femme, Golda Bancic, fut décapitée en mai. Le colonel-président du « procès » affirmait alors : « La police française a fait preuve d’un grand dévouement. » Il faisait référence, en l’occurrence, à l’une des brigades spéciales des renseignements généraux qui les arrêta après de multiples attaques de convois militaires et de colonnes de troupes, hold-up, sabotages, attentats (entre autres contre le commandant du Grand Paris et le responsable du Service du travail obligatoire (STO) en Allemagne.
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Sur les 80 combattants des Francs-tireurs et partisans de la Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI) actifs en région parisienne entre juin et novembre 1943 — auxquels appartenait le groupe —, huit seulement n’ont pas été arrêtés ou tués. Il ne restait alors, dans la région, déjà plus beaucoup d’autres FTP, suite à la répression et au départ au maquis des jeunes requis par le STO.
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Il aura fallu du temps avant que cette épopée ne figure dans les manuels du secondaire ; comme celle de l’affiche des occupants — placardée à 15 000 exemplaires — dénonçant « l’armée du crime’, baptisée bien plus tard « L’Affiche rouge », dans un poème d’Aragon chanté par Léo Ferré.Le « procès » avait été monté pour alimenter la xénophobie et l’antisémitisme du régime de Vichy. La Résistance était ainsi le fait d’une « tourbe internationale » (Le Matin), de « terroristes judéo-communistes » (Paris-soir), « l’activité d’étrangers et de Juifs abusant de l’hospitalité française pour créer le désordre dans le pays qui les a recueillis », et dont « le but est l’avènement du bolchevisme international » (1). Internationalistes effectivement, ces Arméniens, Espagnols, Italiens, Hongrois, Polonais, Roumains, dont les familles avaient été souvent exterminées, combattants antifascistes dans leur pays ou/et dans les Brigades internationales de la Révolution espagnole. Beaucoup étaient communistes, bien sûr. Et nombreux étaient Juifs…
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«Vous étiez fait pour la lutte armée? Je ne crois pas, j’étais normal.»  (interview de Raymond, ex-FTP-MOI, par Mosco).
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Du côté de la résistance gaulliste, Radio Londres n’y fait allusion que deux mois après : il faut se méfier des fausses nouvelles allemandes, les résistants sont avant tout des fonctionnaires, de simples citoyens, des anciens de Verdun. Le Conseil national de la résistance (CNR) va d’ailleurs s’inquiéter de « l’activité des mouvements étrangers sur le territoire français », qui « doit s’interdire toute attitude susceptible de compromettre l’unité ».

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Dans l’édition du Larousse en trois volumes de 1966, Missak Manouchian est absent. Et il faudra attendre le 40e anniversaire pour un hommage officiel, enfin, mais limité aux Arméniens. Le ministère des Anciens Combattants appose des croix sur les tombes de combattants juifstout autant ignorés par les instances communautaires. Pour le PCF, les actes sont plus facilement revendiqués que les personnes, ces résistants cosmopolites font tache dans le tricolore. De même qu’on passera longtemps sous silence le « travail allemand », dont le responsable était Arthur London etqui n’a pas été le monopole de ceux auquel il a valu l’épithète d’« hitléro-trotskystes ». Officiellement, c’était « A chacun son boche ! » (titre de l’Huma en 1944). Tant pis si, sous l’uniforme, il y avait un travailleur, parfois un communiste…

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L’heure était au Front national (créé par le PCF comme organisation « large » des FTP, bientôt FTPF, avec un « F » comme Français, dont le journal s’appelait France d’abord !). « Il fallait pouvoir chanter La Marseillaise sans accent ! » (2). André Marty, au bureau politique du PCF, parle à la Libération de « chasser tous les “ski” des directions du parti » (3). A la tête de la MOI, il n’y avait plus que des Français. A Claude Lévy, qui écrit un livre sur son bataillon, Aragon, poète et éditeur, demande de « changer les noms. On ne peut tout de même pas laisser croire que la Résistance française a été faite par des étrangers ». Le 1er mars 1944, d’ailleurs, l’Huma avait consacré 15 lignes à l’exécution du groupe, sans citer le nom d’un seul de ses membres. Il faudra attendre 1951 pour qu’un deuxième article, intitulé « Pages de gloire des 23 », sorte et pour que « le poète du BP », Aragon, écrive Manouchian, en ajoutant certes sa touche patriotarde aux derniers mots écrits par Missak à sa compagne, censurés de 1946 à 1965 de leurs allusions aux trahisons. Est-ce un hasard si, cette année-là, un Comité Manouchian, indépendamment du PCF, s’était mis en place et obtiendra une rue dans le XXe ?

INTERNATIONALISTES DONC TROTSKISTES ?

Après la Libération, une partie des survivants sont repartis dans leur pays pour construire ce qu’ils pensaient être le socialisme. Beaucoup, comme les anciens des Brigades internationales ou des maquis, ont connu la répression stalinienne. Certains même ne quitteront un camp que pour un autre. Le spectre d’une résistance dynamique, sociale, anticapitaliste, échappant aux accords de Yalta (imposés par les impérialismes vainqueurs), mais aussi celui du titisme — qui mènera à l’élimination politique du PCF, entre autres, de Guingouin (responsable des maquis du Limousin), puis de Marty et de Tillon (chefs des FTP) — est un angle d’éclairage pour comprendre l’interrogatoire d’Arthur London.

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Ce dernier, premier responsable des FTP-MOI, interrogé à Prague en 1951 par ses procureurs staliniens, s’entend demander d’avouer que la MOI était une « section de la Quatrième Internationale trotskyste. » Il est vrai que le mécanicien arménien Arben Dav’tian, bolchevik en Géorgie en 1917, garde rouge puis officier commissaire politique dans l’Armée rouge pendant la guerre civile, exclu ensuite puis déporté comme membre de l’Opposition de gauche, qui s’évade en Iran en 1934 sous le nom de Manoukian, rejoint ensuite, sous le pseudonyme de Tarov, le groupe russe qui travaillait à Paris avec le fils de Trotsky, avant d’être recruté pour son groupe, en 1942, par Manouchian qui n’ignore pas son passé. « Il faut penser également à Manoukian qui meurt avec moi », écrit-il à sa belle-soeur, deux heures avant l’exécution. En août 1943, une note de la section des cadres aurait avisé la direction du PCF que Manouchian était de tendance trotskyste. Confusion de noms ? Quoi qu’il en soit, ils étaient « des nôtres ».

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Jean-Pierre Debourdeau Rouge n° 2052 du 19 février 2004

1. Cité par le colonel-président du fameux « procès ».
2. Comme le note ironiquement Maurice Rajsfus.
3. Lise London.

Nota :  Je n’hésite pas un seul instant à publier ce remarquable article de Jean-Pierre Debourdeau paru dans Rouge du 19 février 2004. Celui-ci a le mérite de nous rappeler comment le PCF a su si bien nourrir le mensonge et alimenter le révisionnisme sur l’histoire de la Résistance. Il fallait absolument que la Résistance fût française, Manouchian, Rajman, Bancic…, autant de noms qui résonnaient mal aux oreilles « patriotardes » des thuriféraires du stalinisme. Souvenons-nous donc de ce « n’oubliez pas » ; non, n’oubliez pas comment le PCF a avili Guingoin pendant des années jusqu’à ce que Marie-George Buffet lui rende un pathétique hommage lors de ses funérailles, lui présentant des excuses post mortem au nom de son parti.

Oui monsieur Aragon, vous le disiez vous-même : « Onze ans déjà que cela passe vite onze ans », onzelongues années après lesquelles le PCF organisera pompeusement à grand renfort de commémorations la récupération de l’Affiche rouge. Ceux que l’on ne devait pas nommer deviennent subitement des héros, ils ne dérangent plus, ou plus exactement ils servent aujourd’hui d’alibi politique face à la montée de la xénophobie. Après le reniement et la lâcheté, après les insultes et les crimes qui vous donnaient tant d’aplomb, qualifiant d’ »hitléro-trotskistes » ceux qui combattaient pour l’Internationalisme et contre la guerre impérialiste, ceux qui sont morts sans haine pour le peuple allemand, vous continuez à visiter l’histoire avec cette insupportable fourberie, pour rester dans l’euphémisme, reniant aujourd’hui, niant même, ce dont vous êtiez si fiers hier. Patrice Corbin

http://fr.wikipedia.org/wiki/Missak_Manouchian

http://www.arte.tv/guide/fr/024362-000/des-terroristes-a-la-retraite

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17 février 2014 ~ 0 Commentaire

La révolution de février 1917

FebRevolution

La Russie était depuis le milieu du XIXème siècle un pays empêtré dans de grandes contradictions économiques.

Pour tenter de rivaliser avec les puissances occidentales, l’aristocratie était contrainte à des ten- tatives de modernisation du pays (industrialisation par en haut, réformes politiques et sociales…), tout en étant terrorisée par les nouvelles forces sociales libérées et elle défendait donc la fermeté de l’autocratie tsariste. A Petrograd et à Moscou, une industrialisation rapide génère des concentrations ouvrières sans précédent. Ce prolétariat a déja montré lors de la révolution manquée de 1905 son énergie impressionnante, c’est pourquoi les velléités libérales de la bourgeoisie russe restent timides.

La situation sociale empire avec la Première guerre mondiale, dans laquelle la Russie est engagée aux côtés de la France et l’Angleterre en tant qu’alliée. Le déclenchement des hostilités en 1914 met dans un premier temps un coup d’arrêt à une vague de grèves révolutionnaire.[1] Mais dans les villes comme dans les campagnes, la misère s’aggravait, pendant que l’opulence et la corruption régnaient à la Cour, dans l’aristocratie et la bourgeoisie.

L’hiver 1916-1917 fut très rude. A Petrograd, il n’y avait plus de viande et presque plus de farine. Une cinquantaine d’usines avaient fermé leurs portes faute de fuel ou d’électricité. Dans le vaste pays, les paysans pauvres réclament des terres, et la russification forcée fait sourdre des révoltes nationalistes. Le 9 janvier, à l’occasion du 12ème anniversaire de la révolution de 1905, le nombre de grévistes, à Petrograd, s’élevait à 145 000, soit près d’un tiers de la classe ouvrière de la capitale.

Les femmes se révoltent, les soviets se forment

Le 23 février 1917[2], les rassemblements pour la Journée internationale des femmes se transfor- ment rapidement en manifestations. Ce sont d’abord les ouvrières du textile à Petrograd qui vont d’usine en usine pousser les travailleurs à se mettre en grève, contre le manque de pain et contre la guerre. Cette spontanéité surprit complètement les militants, y compris les bolchéviks. [3] « Sans tenir compte de nos instructions, les ouvrières de plusieurs usines textiles se sont mises en grève et ont envoyé des délégations aux métallurgistes pour leur demander de les soutenir… Il n’est pas venu à l’idée d’un seul travailleur que ce pourrait être le premier jour de la Révolution.» [4]

130 000 grévistes répondirent à leur appel. Le 24, la police a ouvert le feu à différents endroits, mais les foules dispersées se regroupaient aussitôt. Le 25, à Petrograd, la grève était générale. Très rapidement, « A bas le Tsar !’ s’ajoute aux slogans. Le 26, sur ordre direct du Tsar (« Nicolas le Sanglant »), la police a de nouveau tiré sur les manifestants, mais les soldats du régiment Pavlovsk, ayant reçu l’ordre de faire feu sur les ouvriers, ont tourné leurs armes contre la police. Le rapport de forces basculait en faveur des grévistes. Les soldats rallièrent en masse la cause révo- lutionnaire. La ville était en pleine insurrection.

Dans le même temps, les soviets, dont les masses avaient déjà fait l’expérience en 1905 se forment dans les usines et les quartiers. Les Gardes rouges, milices révolutionnaires, se forment également. Au front même, les soldats élisent leurs comités et leurs officiers ! Plus tard, pendant l’été 1917, la paysannerie se met à son tour en marche, retirant toute base sociale au régime. Véritable contre-pouvoir, ces soviets sont de plus en plus nombreux et de mieux en mieux centralisés…

Le gouvernement provisoire

C’est une révolution démocratique, mais accomplie par un mouvement prolétarien qui fait extrê- mement paniquer la bourgeoisie, même « libérale ». Les Démocrates Constitutionnels (KD, dits « Cadets ») et autres représentants des capitalistes cherchaient désespérément à maintenir la monarchie, sans laquelle « l’ordre établi » – où ils occupaient une très bonne place – risquait de s’effondrer. L’objectif initial était de sauver la monarchie en remplaçant Nicolas II par son fils, sous l’autorité de son frère Mikhaïl comme Prince Régent. Mais cela s’avéra impossible. Mikhaïl, cons- tatant la fureur révolutionnaire et l’absence de troupes fidèles, a préféré se désister.

Le 2 mars, un « gouvernement provisoire » est formé en toute hâte, sous la présidence du Prince Lvov. Composé de monarchistes notoires, de grands propriétaires terriens et d’industriels (Guchkov, Tereshchenko, Konovalov etc.) il n’avait aucun soutien dans la capitale. Les travailleurs et les soldats ne faisaient confiance qu’aux dirigeants du soviet de Petrograd. Mais ici réside, préci-sément, le paradoxe de cette première phase de la révolution russe. Les travailleurs ont fait couler leur sang pour renverser le Tsar, et ils ont placé leur confiance dans les « socialistes modérés » qui dirigeaient le soviet. Mais ceux-ci, conscients de l’immense pouvoir concentré entre leur mains, n’avaient qu’une seule idée en tête : s’en libérer au plus vite à la faveur du « gouvernement pro- visoire » capitaliste qui, à son tour, espérait un retournement de situation lui permettrant de restaurer la monarchie !

La lutte de classe s’exacerbe

Entre fin février et fin octobre 1917, la situation est révolutionnaire parce qu’il y a en fait deux pouvoirs. La classe ouvrière a été assez déterminée pour renverser un tsar impopulaire et se doter d’organes de démocratie directe, mais elle ne se rend pas immédiatement compte qu’elle peut et doit diriger la société. En face, le gouvernement bourgeois provisoire a très peu de force et de légitimité, et le véritable enjeu pour les révolutionnaires est dès lors d’expliquer la nécessité de la prise du pouvoir.

Le Parti bolchevique va y parvenir, et dévenir rapidement majoritaire en amenant les ouvriers et paysants conscients des soviets à comprendre la situation, et en gardant le cap sur les revendications transitoires que le système en faillite ne pouvait satisfaire. Cette situation de dualité du pouvoir est donc à la fois une lutte entre le prolétariat et un gouvernement bourgeois instable, et entre les différents partis politiques du mouvement ouvrier et populaire, dont tous ceux qui s’opposent à la révolution sont repoussés dans le camp réactionnaire.

Des premiers soviets modérés

Dans la masse immense d’hommes et de femmes qui entrent soudainement de force dans « la politique », c’est-à-dire dans l’arène où se joue leurs destinées, infiniment peu y étaient préparés et avaient eu les moyens d’y réfléchir. Ce n’est qu’au prix de choc et de déceptions que cette masse insurgée cesse d’être un agent semi-conscient de l’histoire et forme sa conscience de classe.

La guerre avait conféré à l’armée, et donc aux masses paysannes qui formaient le gros de ses effectifs, le rôle déterminant dans la vie des soviets. Les soldats-paysans ont d’abord choisi pour représentants aux soviets les officiers et les intellectuels qui leur en imposaient, et semblaient « s’y connaitre ». Le poids de l’armée réduisait d’autant celui des représentants éprouvés du mouvement ouvrier au profit d’éléments petit-bourgeois – avocats, médecins, journalistes, etc. L’idéologie amorphe de ces leaders correspondait aux formules vaguement « démocratiques » et « huma- nitaires » du Parti Socialiste-Révolutionnaire (SR) et des mencheviks. Par conséquent, ce sont ces derniers courants qui, dans la foulée de la révolution de février, composaient la grande majorité du Comité Exécutif du « Soviet des députés des travailleurs, des soldats et des paysans ».

Quant aux bolcheviks, leur implantation avait été énormément réduite depuis le début de la guerre, sous l’impact de la répression et de la vague patriotique qui accompagnèrent les premiers mois de guerre. En outre, la marginalisation du parti de Lénine avait été aggravée par la volonté des travailleurs qui se reconnaissaient en lui de se rapprocher le plus possible des députés issus de l’armée et de la paysannerie. Ils craignaient une rupture entre le mouvement ouvrier et la paysannerie, laquelle rupture, pensaient-ils, avait été l’une des causes de la défaite de 1905.

http://www.wikirouge.net/R%C3%A9volution_russe_%281917%29

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17 février 2014 ~ 0 Commentaire

Les sentiers de la gloire (arte)

Un film  censuré…

1916. Les fantassins français croupissent dans les tranchées face à une position alle- mande réputée imprenable.

Tout assaut serait suicidaire. Pourtant, espérant obtenir une étoile de plus à son uniforme, le général Mireau ordonne une attaque… En racontant un sombre épisode de la guerre de 14-18, Stanley Kubrick dénonce avec son humour distancié la démence du système militaire.

Décidé à protéger ses hommes, le colonel Dax s’y oppose avant de plier sous le chan- tage. Comme prévu, c’est l’échec total. Avant même d’avoir atteint les barbelés adverses, les fan- tassins sont repoussés. Niant l’absurdité de sa stratégie, le général Mireau réclame, à titre d’exemple, l’exécution publique de trois de ses soldats, accusés de lâcheté. Le colonel Dax les soutient devant le tribunal de guerre, mais les trois hommes sont condamnés à mort…

Une œuvre phare Quatre des treize films de Kubrick traitent de la guerre. S’il fustige l’armée, ici l’armée française, le cinéaste ne propose aucune thèse positive, pacifiste ou patriotique. Il se con- tente d’exposer un système absurde, voire dément. Kubrick ne met en scène ni héros ni victoire. Le colonel Dax aurait pu être le champion de la paix si son combat avait eu une quelconque incidence sur le chaos. Mais le film s’achève avec la reprise des assauts.

Et si Les sentiers de la gloire s’ouvre sur « La marseillaise », c’est pour mieux affirmer qu’au- cune utopie n’a jamais transformé le monde. Le pessimisme de Kubrick, qui deviendra légendaire, éclate au grand jour. Après Les sentiers de la gloire, sommet de la première période, l’œuvre du cinéaste explorera toujours plus avant la folie humaine. Mais il n’y manquera jamais l’humour dis- tancié qui transforme les épisodes les plus tragiques en irrésistibles farces. Quand le condamné, en chemin vers le poteau d’exécution, pleure et supplie, l’humour du cinéaste traverse ses cris. Metteur en scène des frissons troubles, Kubrick joue diaboliquement avec la jouissance du spectateur. À travers ses méandres, le film constitue une véritable grille de lecture pour toute l’œuvre du maître.

lundi 17 février à 20h50 (84 min) Rediffusé mardi 18.02 à 13h35

http://www.arte.tv/guide/fr/002696-000/les-sentiers-de-la-gloire

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14 février 2014 ~ 0 Commentaire

14 fevrier 1974: attentat de roc’h tredudon (fr3)

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La moitié de la Bretagne privée de télé

Dans la nuit du 13 au 14 février 1974, un attentat détruit l’émetteur de Roc’h Trédudon, à Plounéour Menez, dans le Finistère. La moitié de la Bretagne ne reçoit plus la télévision. Revendiquée par le FLB cette action spectaculaire marque l’histoire bretonne, 40 ans après.

Dans la nuit du 13 au 14 fevrier 1974, à 1h 10 du matin, un attentat détruit l’émetteur de Plounéour Menez dans le Finistère. Plusieurs charges d’explosifs déposées aux pieds des filins de Roc’h Trédudon font vaciller l’emblématique antenne de la télévision française : voilà la moitié de la Bretagne privée de télé. Au pied de l’émetteur effondré, pas de victimes, le gardien et sa famille sont sains et saufs, mais le lendemain à la vue des dégâts, le directeur du centre succombera à une crise cardiaque.

Revendication du FLB, rumeur de la DST

Si un temps la rumeur évoque une manipulation de la DST (direction de la surveillance du territoire), il semble désormais acquis que l’explosion était bien le fait des indépendantistes du Front de Libération de la Bretagne, qui avaient revendiqué l’attentat. Dans leur collimateur notamment, explique le journaliste et écrivain Erwan Chartier qui a enquêté sur l’affaire, l’ORTF, peu sensible à l’identité régionale, et qui avait notamment censuré l’une des trop rares chroniques en breton passant à l’antenne, chronique où le journaliste Charles Le Gall (proche du PCF note du blog)  évoquait la naissance de comités de soutien aux prisonniers bretons. En deux mots, puisque Paris ne voulait pas écouter la voix des défenseurs de l’identité et de la langue bretonne, le FLB avait choisi de lui faire entendre le langage de la poudre.

Des reporters américains

L’attentat fit grand bruit. Dans les Monts d’Arrée, des touristes et même des correspondants de presse américains, sillonnèrent la lande, et l’on repéra aussi beaucoup de gendarmes, en uniforme ou en civil, sur la piste des « activistes ». Mais jamais l’enquête ne permit de confondre les auteurs. Giscard décréta l’amnistie, et le FLB, pour entretenir la légende de l’une de ses actions les plus spectaculaires, se garda bien de dévoiler officiellement l’identité de ses artificiers.

Quarante après, dans la brume des Monts d’Arrée, Roc’h Trédudon n’a donc toujours pas livré tous ses secrets. Même si ici et là, quelques noms parcourent parfois la lande…   Gilles Le Morvan

Publié le 14/02/2014 | 09:42, mis à jour le 14/02/2014 | 10:03

Lire aussi:

« Raconter l’histoire du FLB, sur fond de décentralisation et de régionalisation » 

Commentaires:

Illustration, l’affiche d’un FLB « légal » issu de l’extrême gauche de mai 68, proche des « Comité d’action bretons » et du PCB, qui n’a jamais fait parler la poudre.

Les militants « bretons », (le mot « nationaliste » est tabou), se réfèrent soit à « la Bretagne » (la légitimité du combat c’est le territoire, l’histoire), soit « au peuple breton », les habitants actuels ce qui est plus à gauche

Le sigle FLB, fait référence au combat colonial (Algérie, Vietnam: FNL, FLN) et est plutôt de gauche. La référence à l’IRA est plutôt de droite, dans les années 1920-30. L’ ARB, armée républicaine des années 60 n’était pas « de gauche » mais tournée vers la décolonisation. Avec le tournant à gauche des années 70, l’ARB « républicaine » devient « révolutionnaire ».

Il y aura en 1974 un FLB-LNS (lutte nationale et socialisme) opposé au « FLB de droite », mais apparemment dès sa création infiltré par la police.  Il aurait eu pour seule fonction d’attirer des jeunes gauchistes pour pouvoir ensuite le « démanteler »!

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14 février 2014 ~ 0 Commentaire

La trajectoire déplorable du stalinisme sud-africain 1 (essf)

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En décembre dernier, le syndicat de la métallurgie (NUMSA) a tenu un congrès de rupture avec la centrale historique COSATU en lui faisant procès d’appuyer la politique libérale de la coalition au pouvoir formée par l’ANC et le parti communiste.

Ce 11 février, la direction du COSATU prend acte de cette rupture et met à son ordre du jour l’ex- pulsion du syndicat dissident. Dans cette déclaration, un argument se singularise particulièrement pour entériner la scission sans autre tentative de maintenir l’unité syndicale : le NUMSA a décidé de suspendre son prélèvement financier (levy) au profit du COSATU…  et du parti communiste.

Un étrange attelage

L’arrivée au pouvoir de l’ANC en 1994 se fit sous couvert d’une « coalition » avec le Parti com- muniste sud-africain et la centrale syndicale majoritaire COSATU. L’acceptation de cet assemblage par la classe dirigeante blanche et ses soutiens internationaux semblait se justifier par le haut niveau de conflictualité sociale qu’avait connu le pays depuis la fin des années 70. Les longues années de négociations qui avaient précédé avaient donné le temps nécessaire aux protagonistes pour se mettre d’accord sur le fond, sur le système économique, sur le maintien de la propriété industrielle, sur un programme de « reconstruction ».

Mais, il fallait donner le change aux populations noires au nom de la « révolution démo- cratique » et même du socialisme, terminologie massivement utilisée dans les luttes ouvrières et celles des townships. En proclamant l’existence d’une coalition tripartie dans laquelle le syndicat et le PC proclamaient haut et fort leur attachement au socialisme, l’illusion était garantie.

Toutes formes de coalition peuvent exister. Mais celle-ci a sa singularité : le PC est finan- cé par les syndicats. Les locaux du parti sont situés dans l’immeuble du COSATU et payés par celui-ci. L’osmose entre directions syndicales et état-major du PC est totale, le tout sous le parapluie bien- veillant de l’ANC et donc aussi du gouvernement, qui profitent de ce lien organique avec la « classe ouvrière » et « son parti ».

Le calcul se révéla très vite faisandé. La corruption en quelques mois engloutit dirigeants syn- dicaux et cadres du PC. On ne comptait plus les anciens secrétaires généraux devenus business man, dirigeants de fonds de pension ou heureux acquéreurs d’actions minières. Mais le souffle de la liberté et l’espoir né des luttes précédentes limitaient la lucidité du plus grand nombre. Il fallut attendre le remplacement de Mandela par Mbeki et surtout l’arrivée de Zuma à la présidence pour que les faits s’imposent à une part importante de la population. Ce qu’a reflété au demeurant la décision de rupture du NUMSA.

L’affaire est en train de mal tourner et c’est une chance. Trop c’est trop dans un pays voué aux politiques libérales. Il est de plus en plus difficile de prétendre gouverner au nom du peuple et des opprimés, notamment après l’assassinat par la police de 34 mineurs grévistes à Marikana en 2012. Tout le montage bureaucratique prend l’eau. Avec le départ du NUMSA, d’autres vont suivre. Mais comment en est-on arrivé là ? L’histoire est ancienne et se confond avec celle du stalinisme.

Une longue trajectoire stalinienne

Le PC sud-africain a été fondé en 1921. Très vite, il s’attachera aux thèses politiques staliniennes. Durant trente ans, il est pour beaucoup composé de blancs mais pas exclusivement. Quand, après la seconde guerre mondiale, les luttes d’émancipation prennent leur essor un peu partout dans le monde, il se rapproche du mouvement nationaliste noir, l’African National Congress ; au point de mordre sur ses rangs et d’influencer son élaboration politique.

Plusieurs thèmes vont être ainsi transférés du PC vers l’ANC. D’abord, au début des années 60, c’est la décision très discutable de la « lutte armée » (avec sa part de mimétisme du modèle al- gérien entre autres). Ce choix, qui se réduisit très vite à une simple propagande armée (pose d’ex- plosifs ici ou là essentiellement), avait deux conséquences qui intéressaient directement Moscou dans cette région (tout près des luttes armées du MPLA en Angola et du FRELIMO au Mozambique) : d’une part se positionner comme pourvoyeur d’armes et d’autre part comme prestataire d’entraî- nement militaire et politique dans les camps situés à l’extérieur de l’Afrique du Sud et nourris par une exfiltration constante de militants venant de l’intérieur.

Le second apport, si l’on peut dire, de Moscou via le PC fut celui de la théorie du « colo- nialisme d’un type spécial », sorte de mouture locale de la théorie de la « révolution démo- cratique ». Puisque l’Afrique du Sud n’était, selon le PC, qu’un pays colonial tardif, avec toutefois la présence d’une réelle classe dirigeante blanche locale, il fallait d’abord combattre pour un état démocratique, débarrassé de ses lois raciales, avant de poser la question sociale. La Charte de la Liberté, le programme de l’ANC, était dans cette épure même si elle pouvait apparaître plus radicale à certains égards en posant la revendication des nationalisations et de la réforme agraire. Claude Gabriel

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article31081

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