Extrême droite. Des groupes radicaux agissent pour empêcher une artiste de présenter son spectacle aux enfants.
Une artiste qui défend l’égalité entre les garçons et les filles subit la tyrannie de groupes de droite radicale. Loin d’actions visibles comme la lutte contre l’accueil d’étranger à Callac en Bretagne, leurs actions se font discrètes mais systématiques. Chronique d’une violence invisible.
Elle s’appelle Marion Rouxin et son spectacle pour enfants déchaîne les foudres de groupes d’extrême droite comme Civitas, la Cocarde étudiante, Profession-Gendarme, Breizh-Info ou Parents en colère. Partout où elle joue, ces factions mobilisent leurs troupes pour tenter d’empêcher le spectacle, allant parfois jusqu’au sabotage.
Jouer aux Légo, c’est pour les filles ou les garçons ?
“Faire ses emplettes, faire du vélo, jouer aux Légo, c’est pour les filles ou les garçons ? Aimer le rose, le bleu, c’est pour les filles ou les garçons ?” Des voix d’enfants ouvrent le spectacle musical de Marion Rouxin. L’artiste joue son spectacle « Fille ou Garçon ? » dans des petites salles partout en France depuis octobre 2022.
“Il n’y a qu’à Marseille ou dernièrement à Saint-Brieuc où nous avons pu jouer tranquillement. J’espère que leur colère se calme”, souffle l’artiste. Des groupes radicaux refusent que le spectacle conçu par cette experte de la scène pour enfants soit joué devant leurs têtes blondes.
L’histoire, chantée à deux voix par Marion et Eric Doria, pose la question de la différence entre garçons et filles. Les interdits, les tabous, la possibilité d’assumer des choix aussi simples que d’avoir des cheveux longs pour un garçon ou de jouer au ballon pour une fille.
Accusée de « perturber le développement des enfants »
Le conte donne, chanson après chanson, la parole à des enfants vivant dans le monde d’aujourd’hui. Certains ont des parents de même sexe, des petites filles jouent au foot et des petits garçons peuvent avoir les larmes aux yeux. Ce discours de tolérance est interprété comme pouvant « perturber le développement de jeunes enfants” par cette communauté radicale.
Un homme a arraché le compteur électrique de la salle pour mettre fin au spectacle.
Marion Rouxin, chanteuse du spectacle « Fille ou Garçon ? »
Depuis près de sept mois, sur quasi toutes les représentations, des petits groupes s’activent pour tenter d’interdire le spectacle. “Le pire a été à Nantes. Un homme a arraché le compteur électrique de la salle pour mettre fin au spectacle. Plus d’électricité, plus rien. Les familles avec enfants se sont retrouvées dans le noir”, se remémore la chanteuse. Un sabotage condamné par la mairie de Nantes qui a mis en lumière “l’implication de l’organisation catholique traditionaliste Civitas”.
Le président de Civitas a reconnu auprès de l’AFP que des “actions de tractages et d’affichages dans les semaines qui ont précédé” le spectacle avaient été menées par son collectif mais refusait de reconnaître sa responsabilité dans ce débordement. Dans un communiqué repris par le groupe Riposte catholique, Civitas mettait en avant “la propagande immorale et contre nature de l’idéologie du genre”.
Courriers aux élus et aux enseignants
Pour empêcher les représentations, ces partisans de l’extrême droite ou de valeurs chrétiennes traditionalistes écrivent aux élus et aux enseignants. Dans des courriers que nous avons pu consulter, le discours mêle théorie du complot face aux politiques en faveur de la “transsexualité” et accusation de « wokisme » ou « de gaspillage d’argent public ».
Certains imaginent que le spectacle est conté par des drag-queens. Une propagande nourrie par des sites d’extrême droite comme Breizh-Info qui affirme que la pîèce musicale présente des théories “déconstructrices pour la famille naturelle et traditionnelle”. À chaque fois, les articles ou tweet appellent à la “mobilisation” pour “les parents qui aiment leurs enfants”.
La méthode Callac
Comme à Nantes en Loire-Atlantique, à Janzé en Ille-et-Vilaine, Gouesnou dans le Finistère ou Sotteville-lès-Rouen en Normandie, Marion Rouxin a subi des pressions du même type que celles contre l’accueil des étrangers dans la commune de Callac : harcèlement numérique, désinformation, propagande. Même contre une artiste qui joue dans des petites salles, il semble que le mouvement d’opposition de la droite ultra-radicale se coordonne.
Quelle société veulent-ils ? Marion Rouxin, chanteuse du spectacle Fille ou Garçon ?
“J’ai longtemps hésité avant d’en parler, pour ne pas les mettre en lumière”, explique Marion Rouxin fatiguée de subir cette pression. “Mais quelle société veulent-ils ?” s’alarme l’artiste dont le but est d’offrir un spectacle qui casse les stéréotypes pour offrir aux enfants l’occasion d’oser s’exprimer.
“J’ai tellement d’enfants qui viennent avec leur classe et qui reviennent avec leurs parents”, s’enthousiasme la chanteuse. “Des petites filles sont contentes d’entendre qu’elles peuvent être aussi fortes que des garçons et des garçons m’avouent qu’ils aimeraient avoir les cheveux longs”.
Malgré les agissements ciblés de groupes militants “il y a très peu d’annulations, la tournée est bien fournie”, se rassure l’artiste. Les messages de soutien de communes, d’écoles, de parents d’élèves ayant pu découvrir le spectacle participent à la faire tenir debout.
Marion Rouxin ne faiblit pas et ne regrette rien. “Au contraire, cela me rend presque plus féministe”, conclut la musicienne.
Après des tags anti-avortement à Brest, une semaine d’échanges pour défendre « ce droit menacé »
Le Planning familial du Finistère et plusieurs organisations préparent une semaine pour défendre et informer sur le droit à l’avortement à Brest (Finistère), du 27 au 30 juin 2023. Cet événement répond à l’apparition depuis le mois d’avril de tags anti-IVG (interruption volontaire de grossesse) dans les rues brestoises.
L’organisation, accompagnée de plusieurs associations féministes et de syndicats brestois, a pensé une semaine pour défendre le droit à l’avortement. Du 27 au 30 juin 2023, des projections de films, des conférences et des débats auront lieu à Brest, en fin de journée, pour faire un état des lieux de l’accès à l’avortement en France, et revenir sur l’histoire de ce combat féministe. « On fait front face à la menace », affirme une représentante de la CGT.
Témoignages d’anciennes militantes
Au mois de mai, le Planning familial brestois avait organisé des collages, en plein jour, pour recouvrir les messages anti-IVG (interruption volontaire de grossesse). « On montre ainsi qu’on agit légalement, contrairement aux opposants, qui agissent cachés, de nuit. »
Mais pour ces représentants de différentes organisations, il fallait frapper plus fort. « Aujourd’hui, on voit même en Europe que ce droit est constamment menacé par les États, comme en Hongrie ou en Pologne, mais aussi pour des questions de moyens et d’accès aux soins en France, avec des centres gynécologiques ou des maternités qui ferment », soulignent les militants.
Pour la soirée d’ouverture, le film Annie Colère, de Blandine Lenoir, sera projeté aux Studios. « Il raconte l’histoire du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), créé dans les années 1970, qui a été un des pionniers, détaillent les organisateurs. On espère faire intervenir d’anciennes militantes de ce mouvement en fin de séance. »
Inquiétude face à l’extrême droite
Une autre projection est organisée par le collectif Nous toutes, consacrée à la nouvelle génération féministe, avec le film documentaire We are coming, de Nina Faure.
Deux conférences sont également programmées. L’une, consacrée au droit et à l’accès à l’avortement en Europe, aura lieu à la fac Segalen, mercredi 28 juin.
L’autre, dédiée aux femmes et à l’extrême droite, aura lieu à la Maison du peuple, vendredi 30 juin. Sera notamment abordée la façon dont les femmes sont perçues dans l’idéologie d’extrême droite mais également comment certaines figures et collectifs d’extrême droite s’approprient le mouvement féministe. « Ils ont beaucoup de moyens pour diffuser leurs idées, notamment sur les réseaux sociaux, et ça nous inquiète. »
Les conférences sont gratuites. Les séances de cinéma sont payantes, entre 4 et 8,50 € selon les publics. Le programme complet est disponible sur les réseaux sociaux du Planning familial de Brest, notamment sa page Facebook ou Instagram.
Rozenn Le Carboulec : « Nous assistons à une offensive réactionnaire, dans la continuité de la Manif pour tous »
Journaliste lesbienne spécialisée dans les questions LGBT, Rozenn Le Carboulec présentera son livre « Les Humilié.e.s » lors de la Pride de Brest, ce samedi. Elle revient sur les dix ans du mariage pour tous et la vague réactionnaire qu’il a attisée. Ancienne rédactrice en chef du média LGBT Têtu, désormais journaliste indépendante, Rozenn Le Carboulec a sorti son premier essai le 3 mai, « Les Humilié.e.s ».
Pourquoi était-il important de revenir dans un livre sur le mariage pour tous, légalisé en 2013 ?
Rozenn Le Carboulec, journaliste formée à Lannion et à Sciences Po Rennes : « Il m’a semblé nécessaire de conserver une trace des humiliations vécues par les personnes homosexuelles au moment de l’obtention de ce droit.
Dix ans après, la plupart des opposants de l’époque reviennent sur leurs propos, comme Gérald Darmanin. Il n’y a plus d’intérêt électoral à défendre cette position, car le mariage pour tous est largement accepté socialement.
Pourtant, des propos atroces ont été tenus, et ont mené à une augmentation sans précédent des violences homophobes, selon SOS Homophobie. Il faut s’en souvenir : les rétropédalages n’atténuent pas les souffrances causées, et la frilosité politique de la gauche à cette époque a laissé des traces. La légalisation de la PMA pour toutes, qui a traîné jusqu’en 2021, n’a pas été accompagnée d’une volonté politique suffisante ».
« Une des erreurs fondamentales de ce quinquennat a été d’ignorer une partie du pays qui a de bonnes raisons de vivre dans le ressentiment et les passions tristes. C’est ce qui s’est passé avec le mariage pour tous, où on a humilié cette France-là. Il ne faut jamais humilier, il faut parler, il faut “partager des désaccords ”, déclarait Emmanuel Macron à L’Obs à propos du mandat de François Hollande. “Cette France-là”, prétendument humiliée, c’était les membres de “La Manif pour tous ”. Puisque l’actuel président de la République nous y invitait lui-même, j’ai saisi l’occasion de ce livre pour pointer d’autres “désaccords ”, “partager ” d’autres points de vue que ceux alors en boucle à la télé. Raconter une autre version de cet “anniversaire”, du point de vue des “humilié·es ”, les vrai·es. »
Il y a dix ans maintenant était promulgué le «mariage pour tous ». Une reconnaissance à l’arrière-goût amer et non sans douleurs pour beaucoup de personnes LGBT, confrontées des mois durant aux cortèges rose et bleu défilant contre leurs droits ; aux tribunes criant à « la fin de notre civilisation» publiées au nom de la liberté d’expression ; aux débats menés en leur absence sur leurs unions, la PMA, l’éducation de leurs enfants.
Alors qu’étaient coulées les fondations d’un conservatisme désormais solidement établi, ce moment de bascule aurait dû nous alerter. Aujourd’hui plus que jamais, après l’humiliation, s’impose un nécessaire exercice d’humilité. Journaliste et lesbienne, Rozenn Le Carboulec nous invite à l’introspection sur des débats dont nous pourrions tous et toutes faire, un jour, l’objet – à mesure que sont menacés les droits des minorités – pour mieux s’interroger ensemble sur le modèle de société que nous désirons dessiner
Le 21 avril 2023 plus de 270 000 manifestants (selon les organisateurs) défilaient dans les rues de Paris sous le drapeau de « La Manif pour tous » avant l’adoption définitive du texte qui fera de la France le 14e pays au monde à légaliser le mariage entre personnes de même sexe, et après avoir maintenu la pression en se rassemblant quotidiennement près de l’Assemblée nationale, dans les rues, à travers la France, sur les plateaux de télévision et de radio.
Parmi les slogans brandis par les participants, on se souvient avoir lu ou entendu : « Qui détruit la famille menace la paix civile », « Non au mariage destruction de la parité homme-femme et de la société », « Stop à la familiphobie », « Une famille c’est un papa, une maman et des enfants ». Aujourd’hui, nous sommes dix ans après le Mariage pour tous. Personne n’a oublié ce que ça a déclenché dans notre pays.
Tout le monde sait aussi que ces dix dernières années, le Mariage pour tous n’a pas subitement fait s’effondrer les familles dites traditionnelles dans un grand fracas, contrairement aux déclaration des manifestants.
Journaliste, Rozenn le Carboulec se retourne sur dix ans d’une histoire qui drastiquement changé notre société, secouée par les failles entre les différentes groupes, à l’intérieur même de l’Eglise catholique, mais aussi à travers la population, et été le point de départ de nombreux déchirements, intersociétaux, interfamiliaux, et intérieurs.
Que reste-t-il des slogans scandés pendant de longs mois chez les enfants d’hier et les adolesncents et jeunes adultes d’aujourd’hui ? Ceux au coeur des manifestations, souvent exposés en première ligne ; ceux assistants aux défilés devant les journaux télévisés, aux débats chez les adultes. Que raconte cette manifestation de notre société d’aujourd’hui ? Elle-même journaliste LGBT, Rozenn le Carboulec sonne l’heure du bilan et raconte les hommes, les femmes, les enfants et les histoires derrière le déchirement d’une société toute entière.
« Nous aussi nous sommes Corses » : une première marche des fiertés organisée à Bastia
La marche des fiertés est rare en Corse. Après celle d’Ajaccio, la marche de ce samedi à Bastia sera la deuxième. La communauté LGBTI+ veut « célébrer les identités multiples ». L’événement est soutenu par 14 organisations, syndicats et mouvements politiques corses.
« Nous aussi nous sommes Corses », martèle Silver Maestrati, 23 ans membre de l’association Arcu, qui organise une marche des fiertés à Bastia ce samedi après-midi. L’association refuse que la défense de ce territoire, de cette langue, de cette culture, de cette nature, soit accaparée par les réactionnaires.
« On nous oppose le fait que nous soyons impurs par rapport à une région traditionnellement chrétienne » s’étonne Silver Maestrati. « C’est complétement idiot. Nous sommes nés ici, dans l’île. Nous sommes fiers d’être Corses. Nous voulons que notre île puisse construire un futur plus égalitaire et plus ouvert envers des personnes qui existent, des évolutions de la société. »
L’intimité réduite sur l’île
L’identité corse, comme toutes les identités, ne peut se limiter à un carcan stéréotypé et doit s’en affranchir, ajoutent les membres de l’association. D’autant que l’île a un périmètre réduit, que tous le monde s’y connait ou presque pour Livia Casalonga, la secrétaire de l’Arcu. « Dans les grandes villes, c’est plus simple de se découvrir, parce qu’il y a de l’anonymat. On en a beaucoup moins sur notre île, il y a moins de mélange social. Donc quand on se découvre, ce serait agréable de le faire quand on le veut, et sans se dire qu’on n’est pas prêt. »
Des menaces sur les réseaux sociaux
Comme partout l’association est ciblée sur les réseaux sociaux. Laora lit les commentaires sous les messages qu’elle diffuse sur ces réseaux : « Récemment, on a eu ‘Vivement que l’OMS reclasse l’homosexualité comme une maladie mentale’ », se désole-t-elle. Ils ne sont que quelques-uns derrière, pas la majorité. Mais ils sont insultants, et virulents.
Les membres de l’association sont menacés aussi. « On sera là cette marche ne se fera pas », lit-elle aussi dans les commentaires. Mais elle en rigole presque : « Ce sont vraiment des trompettes, qui claironnent pour nous impressionner. Mais je pense qu’ils resteront sur le trottoir d’en face à nous regarder de travers. » La préfecture de Haute Corse indique qu’elle portera une attention particulière à cette marche pour qu’elle se déroule dans de bonnes conditions.
Une déambulation est organisée à partir de 17h, depuis le palais de justice jusqu’à la place Saint-Nicolas, avant une soirée festive dans un bar de Bastia.
« Nous avons face à nous une internationale antidroits, sexiste, misogyne et conservatrice très organisée »
À chaque fois qu’ils progressent, les droits des femmes sont attaqués par les mouvements masculinistes et conservateurs. Un rapport revient sur ce phénomène nommé « backlash ». Entretien avec les expertes Lucie Daniel et Clara Dereudre.
Basta! : Votre association, Equipop, travaille à faire avancer la santé et les droits des femmes et des filles dans le monde. Elle a cosigné avec la fondation Jean-Jaurès un rapport intitulé « Droits des femmes : combattre le “backlash” ». Pouvez-vous nous expliquer ce concept de « backlash » ?
Lucie Daniel : Ce concept, traduit par « retour de bâton » en français, a été théorisé par la journaliste états-unienne Susan Faludi au début des années 1990. Elle voulait par là désigner les attaques des Républicains contre les droits des femmes.
Le terme a été remis au goût du jour l’année dernière, en 2022, suite à l’annulation aux États-Unis de l’arrêt Roe vs Wade qui avait institué le droit l’avortement au niveau fédéral dans le pays en 1973. « Backlash » est un concept qui désigne les actions de mouvements masculinistes et conservateurs qui agissent et réagissent violemment dès que les droits des femmes progressent.
Ces groupes mènent des actions pour stopper les progrès de ces droits, mais aussi pour les faire reculer. Trois types de discours sont particulièrement mobilisés par les mouvements anti-droits : celui de l’« idéologie de genre » qui viendrait perturber « l’ordre naturel » du monde, en particulier la vision traditionnelle de la famille hétéronormée ; celui de « l’impérialisme culturel et la colonisation idéologique » ; celui de l’avortement présenté comme un crime.
Les organisations féministes sont considérées comme des menaces à l’identité nationale, car elles seraient des « agents étrangers », ce qui suit bien la rhétorique des anti-droits, selon laquelle l’égalité de genre serait le fruit d’un agenda impérialiste occidental. Notre rapport a été rédigé pour susciter un sursaut politique en France et ailleurs pour que les gouvernements prennent la mesure de ces attaques. C’est une invitation à passer à l’action.
Vous évoquez 2022 et les reculs aux États-Unis du droit à l’avortement. Mais est-ce que #MeToo, en 2017, n’est pas aussi un moment clé ?
Clara Dereudre [1] : Effectivement. La libération de la parole des femmes et l’attention que l’on y a portée ont entraîné un violent retour de bâton. Beaucoup d’entre elles se sont retrouvées attaquées devant la justice pour diffamation, et il y a eu beaucoup de harcèlement sur les réseaux sociaux.
Lucie Daniel : Le tournant des années 1990 marque néanmoins aussi un moment charnière. De grandes conférences sur les droits des femmes ont lieu au niveau de l’Onu – on peut citer celle du Caire en 1994 et Pékin en 1995 – et les mouvements antidroits commencent à s’internationaliser et à s’organiser précisément dans ces années-là, en réaction.
Il est important d’avoir en tête que le concept de « backlash » n’est pas nouveau. L’histoire des droits de femmes est loin d’être linéaire. Elle est ponctuée d’avancées et de reculs. C’est un combat sans relâche et il faut rester vigilant en permanence sur ces questions. Mais c’est vrai de beaucoup de luttes sociales.
Les mouvements masculinistes produisent d’ailleurs des discours misogynes mais également racistes ; ils s’attaquent à tous les droits fondamentaux. En Hongrie par exemple, le « backlash » des droits des femmes découle de la convergence entre les attaques antigenre, anti-LGBTQIA+ et antidémocratiques.
Dans votre rapport, vous écrivez que « les femmes et l’égalité de genre sont des enjeux autour desquels les équilibres entre États se composent et se décomposent ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Lucie Daniel : On peut citer l’exemple de la dernière commission de l’Onu sur les droits des femmes, qui a eu lieu en mars dernier à New York. Le thème, c’était le numérique et l’accès à l’éducation, soit, a priori quelque chose d’assez anodin d’un point de vue diplomatique.
On a pu voir à quel point cela cristallisait des rapports de forces politiques. On a vu une coalition d’États autour du Guatemala, du Nigeria et du Cameroun par exemple, avec des prises de position contre des tentatives d’avancées des droits des femmes. On peut également citer l’impérialisme de Poutine et son désir expansionniste, qui accompagne une guerre contre les femmes en Russie.
Le contrôle du comportement, des corps et de la sexualité des femmes reste très politique. À partir de cette question fondamentale, certains États tirent un fil très « régressiste » et d’attaques contre les droits de toutes les personnes LGBTQIA+.
On peut ajouter qu’il y a une convergence des agendas antigenre et climatosceptiques, et des alliances qui se nouent autour de ces idéologies. Les deux premières actions de Donald Trump, quand il arrive au pouvoir, c’est de stopper le financement par les États-Unis de programmes en faveur de l’accès à l’avortement dans le monde et de se retirer de l’accord de Paris sur le climat. La politique de Jair Bolsonaro au Brésil a été à l’avenant : il a vraiment mené une politique très viriliste tout en affirmant son climatoscepticisme.
Vous demandez que le second quinquennat d’Emmanuel Macron soit celui de la politique étrangère féministe de la France. Pouvez-vous détailler ?
Lucie Daniel : C’est un concept qui a été théorisé par la Suède au début des années 2010, et qui a été formalisé dans un document de politique étrangère. Il repose sur trois axes – les trois « R » en anglais : « rights » (les droits), « ressources » (les moyens) et « representation » (la représentation).
Qu’est-ce que cela signifie ? Que les politiques étrangères doivent être basées sur les droits et donc, par conséquent, augmenter les budgets alloués aux programmes internationaux qui concernent l’égalité de genre. Cette politique implique par ailleurs d’avoir une approche intersectionnelle ; et de porter une attention particulière aux discriminations croisées : les femmes en situation de handicap par exemple, ou atteintes du HIV.
Il s’agit enfin de nommer des femmes aux postes à responsabilité ; les corps diplomatiques étant dans l’ensemble très masculins. L’importance de ce sujet a été révélée, si besoin était, lors de l’arrivée du gouvernement suédois de droite (soutenu par l’extrême droite, ndlr), à l’automne 2022 : l’un de leurs premiers gestes a été l’abandon de cette diplomatie féministe.
En France, la mise en place d’une diplomatie féministe impliquerait de changer en profondeur la culture institutionnelle, et elle mènerait le pays à porter une voie beaucoup plus forte sur l’égalité femmes/hommes en faisant du sujet une priorité dans les échanges diplomatiques. Elle pourrait, par exemple, être beaucoup plus offensive sur la défense de la convention d’Istanbul, traité contraignant en matière d’égalité femmes/hommes dont on dispose au niveau du Conseil de l’Europe, et autour duquel il y a eu des évolutions positives il y a peu.
Une diplomatie féministe impliquerait par ailleurs un soutien bien plus important des associations féministes françaises, car ce sont les premières actrices qui permettent de faire avancer les droits des femmes. Il existe une littérature académique importante qui permet d’affirmer que « l’activisme féministe fonctionne ».
Elles jouent un rôle fondamental, mais sont très peu financées. Il faut leur faire confiance, et leur apporter des financements sur le long terme, en France, et ailleurs dans le monde. On sait qu’une part infime de l’aide au développement atterrit dans les associations féministes, cela doit changer. Et c’est d’autant plus important que la lutte contre le « backlash » passe par la construction de solidarités féministes transnationales.
Pouvez-vous revenir sur cette organisation des mouvements masculinistes et antidroits que vous décrivez comme « très connectés » et « généreusement financés » ?
Lucie Daniel : Pour comprendre leur genèse, il faut revenir au début des années 1990 et des grandes conférences de l’Onu que nous avons déjà évoquées, et à l’issue desquelles les États reconnaissent que les femmes doivent être maîtresses de leur sexualité. Cela provoque une sorte de panique qui pousse les associations et mouvements antidroits à s’organiser et s’internationaliser.
Clara Dereudre : Vingt ans plus tard, au début des années 2010, on a affaire à une offensive composée d’acteurs très hétéroclites qui rassemble des États, des partis politiques, des groupes religieux, des ONG… On peut citer les États-Unis de Donald Trump, le Brésil de Bolsonaro, l’Arabie saoudite ou le Pakistan ; soit des États qui se retrouvent autour des projets de recul des droits des femmes.
C’est ainsi qu’en 2020, ils signent ensemble la déclaration du Consensus de Genève (signée par 35 États au total), en marge d’une conférence de l’Onu. Sous couvert de protéger les valeurs traditionnelles et la famille, il s’agit de dire qu’il n’existe pas de droit international à l’avortement (Depuis que Joe Biden est arrivé au pouvoir, les États-Unis en sont sortis, ndlr).
Lucie Daniel : Cette déclaration du Consensus de Genève n’a pas de conséquences concrètes immédiates dans la mesure où il s’agit d’un texte non contraignant. Mais politiquement, ça compte. C’est clairement un signal envoyé à la communauté internationale affirmant l’attachement de tous ces États aux valeurs traditionnelles et au modèle familial patriarcal.
Ces démonstrations de force ne sont pas sans peser sur l’échiquier international. Il ne faut pas sous-estimer leurs stratégies visant à détricoter peu à peu les conventions internationales qui concernent la protection des droits fondamentaux. Les services de renseignement états-uniens ont identifié en mars 2022 « “l’extrémisme misogyne” comme une menace réelle » exerçant un nouveau type de violence sur les femmes.
Qu’en est-il de leurs moyens financiers ? Qui permet à ces mouvements d’être si dangereux ?
On s’inquiète notamment de leur influence en Afrique, en Ouganda par exemple où une loi extrêmement homophobe vient d’être promulguée. Le texte prévoit jusqu’à 20 ans de prison si des personnes ou organisations « promeuvent » l’homosexualité ou ont des relations homosexuelles (cette loi va même jusqu’à menacer de condamnation des relations homosexuelles, ndlr).
Clara Dereudre : On peut également citer le congrès des familles en Pologne ou en Hongrie. Une enquête de Mediapart de 2020 que nous citons dans le rapport ] suggère que la Manif pour Tous aurait notamment bénéficié de financements issus de la Fondation Jérôme-Lejeune. Avec l’Alliance vita, cela fait deux organisations qui participent à des campagnes très offensives, à la limite de l’entrave au droit à l’IVG.
Lucie Daniel : On peut également parler de l’initiative One of Us, en Europe, premier mouvement à avoir eu recours à l’initiative citoyenne européenne, de manière assez ironique puisque cet outil démocratique était d’abord conçu pour faire avancer les droits.
Officiellement, cette initiative s’attaquait à la recherche sur l’embryon, mais il s’agissait en fait d’attaques contre le droit à l’avortement. Elle avait recueilli 1,8 million de signatures, grâce au soutien du Vatican et de deux membres du Parlement européen notoirement antidroits. Même si la Commission européenne a décidé de ne pas soumettre de proposition législative, elle avait quand même dû l’examiner.
Des chercheuses ont également décrit des stratégies en ligne, qui ont donné lieu à l’apparition d’une « manosphère », une communauté d’hommes masculinistes qui prétendent se défendre contre des « attaques » féministes à leur encontre et qui mènent une guerre contre l’égalité.
Parmi les victoires de ces mouvements anti-droits, vous citez l’épisode, en France, de l’« ABCD de l’égalité ». Pouvez-vous détailler ?
Lucie Daniel : Avec l’adoption de la loi permettant le mariage de personnes de même sexe, les mouvements antidroits ont perdu une manche. Mais dans le sillage de ce premier échec de la Manif pour Tous, on a eu cette offensive contre l’« ABCD de l’égalité ».
Les personnes qui s’y sont attaqué ont usé de techniques de désinformation très élaborées, en ressortant des documents de l’Organisation mondiale de la santé sur l’éducation à la sexualité, en trafiquant des captures d’écrans, en prétendant que l’on allait apprendre aux enfants à se masturber.
Il y a même eu des appels, via SMS, à retirer les enfants de l’école. Tout cela était d’une grande malhonnêteté intellectuelle, mais ça a fonctionné. Et on ne peut que constater, aujourd’hui, combien il reste difficile d’avancer sur ces sujets au sein de l’école. On sait très bien que l’éducation des plus jeunes est un sujet important pour les mouvements antidroits. Ils manipulent des concepts au nom de la protection des enfants et les retournent pour mieux avancer leurs pions.
Vous expliquez également que les mouvements antidroits sont également en train de peser dans la redéfinition de la notion de « société civile »…
Lucie Daniel : Le réseau féministe AWID a documenté plusieurs cas de figure, notamment au sein de l’Union africaine, où des organisations féministes et LGBTQIA+ se sont vu retirer leur statut d’observatrices, au nom de prétendues « valeurs fondamentales africaines ».
Nos partenaires africaines mentionnent souvent le fait qu’on leur reproche d’importer une pensée qui serait occidentale et postcoloniale. Ce dont elles se défendent en rappelant que les femmes d’Afrique n’ont pas attendu les Européennes pour défendre leurs droits. On entend les mêmes discours en France à propos des études de genre, que l’on aurait importées d’ailleurs.
Le problème, c’est que les discours masculinistes et antidroits trouvent un large écho dans un certain nombre de médias, y compris français. Des hommes accusés de violences sexuelles sont invités sur des plateaux où ils mobilisent une rhétorique d’inversion de la culpabilité et de remise en cause de la parole des femmes typique du « backlash ». Cela fait perdurer un discours dominant et une vision qui banalise les violences.
Le simple fait de reprendre la terminologie de ces mouvements – « théorie du genre », « wokisme » – contribue à légitimer leurs discours et à discréditer les mouvements d’émancipation dans leur ensemble. La question des mots est importante : les mouvements antichoix s’appellent « pro vie », alors qu’ils n’ont jamais sauvé de vies, au contraire leur idéologie met en danger la vie des femmes qui avortent dans des conditions désastreuses.
Les femmes, premières victimes de l’exposition aux polluants
Endométriose, cancer du sein… ces maladies spécifiquement féminines pourraient être liées à une exposition aux polluants. La Fondation pour la recherche médicale tente de comprendre.
Les femmes souffrent le plus de l’exposition aux polluants, et cela est dû tant à leurs conditions de vie qu’à leur biologie. C’est en tout cas ce qu’explore la Fondation pour la recherche médicale (FRM). Celle-ci finance trois programmes de recherche consacrés au lien éventuel entre exposition à des polluants (plastique, bisphénols, pesticides…) et pathologies féminines ou présentant des formes spécifiques chez les femmes (cancer du sein, endométriose et obésité).
« 23 % des décès et 25 % des maladies chroniques seraient aujourd’hui dus à des facteurs environnementaux, selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé) », a indiqué Benjamin Pruvost, président du directoire de la FRM, lors d’une conférence de presse le 31 mai. Ces facteurs environnementaux, regroupés par les scientifiques sous le terme « exposome », affectent différemment les femmes et les hommes.
Pour des raisons sociales, d’abord. « Certaines professions sont plutôt féminines, a rappelé Robert Barouki, chef du service de biochimie métabolique à l’hôpital parisien Necker. Un exemple typique est la caissière de supermarché qui manipule des tickets de caisse, lesquels ne contiennent plus de bisphénol A mais d’autres substances qui peuvent aussi poser problème. C’est le cas aussi pour les coiffeuses » qui manipulent des shampoings et colorations potentiellement dangereuses.
Plus précaires et vulnérables
Les femmes peuvent aussi être surexposées chez elles, parce qu’elles manipulent davantage de produits ménagers ou utilisent des cosmétiques. Enfin, la précarité, dont il est prouvé qu’elle augmente l’exposition aux polluants — à cause des conditions de travail et de vie associées —, frappe d’abord les femmes. Ces dernières représentent 70 % des travailleurs pauvres, occupent 82 % des emplois à temps partiel et constituent 85 % des familles monoparentales, dont une sur trois vit sous le seuil de pauvreté, selon la neurobiologiste Catherine Vidal de la FRM.
Or, la biologie des femmes présente des spécificités qui peuvent les rendre plus vulnérables. « La masse grasse, où vont se stocker certains polluants, est en moyenne plus importante en proportion chez les femmes que chez les hommes », a expliqué Robert Barouki. Des substances classées parmi les perturbateurs endocriniens peuvent interférer avec leur système hormonal.
C’est ainsi que Véronique Maguer-Satta, directrice de recherche CNRS au centre de cancérologie de Lyon, s’est intéressée aux effets des bisphénols — qui servent à fabriquer du plastique — [1] et des nanoparticules de plastique sur le développement du cancer du sein. Un enjeu de taille, car « le cancer du sein est la première cause de mortalité par cancer chez les femmes et touche une femme sur douze », a-t-elle ajouté.
L’endométriose serait d’origine environnementale dans 50 % des cas
Plus précisément, la chercheuse pense que les bisphénols, transportés ou non par des nanoparticules de plastique, pourraient contribuer à rendre les cellules souches (chargées de renouveler nos organes) cancéreuses. « Les cellules souches sont énormément sollicitées par la glande mammaire tout au long de la vie : puberté, cycle menstruel, ménopause. En cas de cancer du sein, elles sont soupçonnées d’être à l’origine de rechutes et de résistance aux traitements », a exposé Véronique Maguer-Satta. Pour l’heure, la directrice de recherche et son équipe essaient de comprendre comment « les polluants [...] vont détraquer, ou non, ces cellules », a-t-elle poursuivi.
Autre maladie féminine liée à des facteurs environnementaux : l’endométriose, une maladie gynécologique chronique [2]. « Elle touche 10 % des femmes en âge de procréer, soit 1,5 million de femmes en France, a indiqué Marina Kvaskoff, chargée de recherche Inserm au centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de Villejuif. Mais elle est difficile à étudier : il faut 7 à 10 ans pour être diagnostiquée, il existe des formes asymptomatiques… Les études menées sur les facteurs environnementaux de cette pathologie restent hétérogènes, avec des méthodologies peu robustes. » Pourtant, la maladie serait d’origine environnementale dans 50 % des cas.
Pour mieux comprendre les expositions favorisant l’endométriose, les chercheuses analysent les données issues de deux cohortes : Constances, 200 000 personnes représentatives de la population dont 100 000 femmes, et Nutrinet-Santé, qui vise 500 000 participants et se consacre aux habitudes alimentaires. Elles examinent plus particulièrement le lien éventuel entre la maladie et des expositions périnatales (tabagisme pendant la grossesse, prématurité, allaitement), la consommation d’aliments ultratransformés et d’additifs et l’exposition à la pollution de l’air. « L’intérêt de cette étude prospective est qu’elle regarde les expositions pendant l’enfance, avant que l’endométriose se développe », a expliqué Mme Kvaskoff. Objectif, « apporter des connaissances essentielles sur les facteurs de risque d’endométriose pour, à terme, mettre en place des moyens de la prévenir et améliorer le quotidien de millions de femmes ».
Car tel est l’intérêt de tous ces programmes : améliorer la prévention des maladies typiquement féminines, et des autres. S’il est toujours possible d’agir individuellement en privilégiant des produits bio et en essayant de limiter le plastique, la prévention passera essentiellement par des mesures gouvernementales, a insisté M. Barouki. « C’est un énorme enjeu sur les plans sanitaire, sociétal et économique, puisqu’on économiserait des centaines de milliards d’euros en faisant attention aux perturbateurs endocriniens, au tabagisme, a-t-il plaidé. La solution sera globale. Il faut que le gouvernement interdise certaines substances et prenne des décisions pour limiter la pollution de l’air. »
Podemos uni s’effondre dans les territoires et disparaît à Madrid, Valence et aux Canaries.
L’espace confédéral se délite dans les communautés autonomes et passe de 47 députés régionaux à à peine 13. Ils ne peuvent entrer que dans le gouvernement de Navarre, où ils détiendraient la clé d’un exécutif de gauche.
Dans la nuit du dimanche 28 mai, l’UNO Podemos a constaté l’érosion de son pouvoir territorial lors d’une élection où il a obtenu les pires résultats de son histoire dans les municipalités et les communautés autonomes. Les chiffres sont incontestables et le recul de la gauche transformatrice peut être quantifié de plusieurs manières.
Les candidats de Unidas Podemos (soutenus par les coalitions Podemos-IU dans 10 des 12 territoires qui ont voté ce dimanche) sont passés de 47 députés dans les assemblées régionales et les parlements à seulement 15 ; ils ont perdu 32 parlementaires, provoquant un écart territorial sans précédent.
Podemos-IU disparaît de la Communauté de Madrid, du Pays valencien et des Îles Canaries. Dans le premier territoire, ils avaient 10 députés à l’Assemblée régionale et aspiraient à entrer au Conseil municipal (où ils n’avaient aucune représentation). Leur principal objectif dans ce territoire était défini par les sondages et les chiffres : si leurs candidats (Alejandra Jacinto à la Communauté et Roberto Sotomayor au Conseil municipal) entraient dans les institutions, ni Ayuso ni Almeida (droite) n’auraient la majorité absolue.
La débâcle de la gauche inaugure un nouveau cycle politique qui donne au PP le pouvoir territorial.
L’objectif n’a pas été atteint au niveau municipal, et dans la région, ils ont également vu leur force se dilapider : zéro député dans le territoire que le parti violet a défini lors de son dernier jour de campagne, vendredi dernier, comme le noyau du pouvoir, « d’où la droite irradie son pouvoir dans tous les territoires, et où ils doivent être vaincus ».
Podemos-IU a quitté les gouvernements des îles Baléares et de l’Aragon. Au niveau municipal, Ada Colau (Barcelone) ne revalidera pas la mairie, car elle est derrière les Junts de Trías et le PSC de Collboni (un seul conseiller et une centaine de voix derrière les socialistes).
L’effet Yolanda Díaz ne fonctionne pas non plus
Le fait que la deuxième vice-présidente du gouvernement, ministre du travail et promotrice de Sumar, Yolanda Díaz, se soit rendue à Barcelone et ait soutenu la candidature d’Unides Podem dans le País Valencià n’a pas eu d’effet non plus. Illueca a été exclu du Parlement et les Comuns ont perdu ce que l’on a appelé la bataille de la triple égalité avec Junts et le PSC à Barcelone.
Alejandra Jacinto, Roberto Sotomayor Podemos : « La démocratie est mortellement blessée ».
En ce qui concerne les territoires, ils sont passés de quatre à un siège dans les Asturies, de cinq à un en Aragon, de six à deux dans les Baléares et de quatre à aucun dans les Canaries (avec la perte du gouvernement de coalition) ; en Estrémadure, ils conservent les quatre sièges obtenus en 2019, mais la perte du gouvernement par le PSOE de Vara les empêche de choisir de gouverner ; dans la Communauté de Madrid, ils passent de dix à zéro ; en Murcie, ils conservent leurs deux sièges, tout comme dans La Rioja ; et dans le País Valencià, ils passent de huit à zéro.
En Castille-La Manche et en Cantabrie, ils n’ont pas obtenu de représentation (ils ne l’avaient pas non plus en 2019) et la Navarre est le seul territoire où ils ont augmenté (de deux à trois sièges), et ils seront la clé du gouvernement si la socialiste María Chivite veut revalider l’exécutif.
Au-delà des chiffres, les dommages causés par le 28M à Unidas Podemos sont notables. Au sein de Podemos, Ione Belarra a tenté de renforcer la structure territoriale du parti et de structurer sa force au niveau municipal et régional (par l’activation des cercles, la préparation des candidats, les visites de membres de la direction de l’État dans différentes villes…). Les résultats des élections de dimanche seront la clé de cette feuille de route.
Le PSOE succombe à l’offensive de la droite pour présenter le 28M comme un plébiscite contre Sánchez
Les forces politiques qui ont soutenu Sumar ne sont pas non plus sorties indemnes d’un 28M qui a durement frappé la gauche transformatrice. Compromís a perdu le conseil municipal de València et ne fera pas partie du gouvernement régional, avec une baisse des votes et des sièges dans les deux cas.
À Madrid, Más Madrid consolide sa position de principale force d’opposition, devançant le PSOE en voix et en sièges, et se développe. Toutefois, lors des élections municipales, le parti de Rita Maestre a perdu sept conseillers dans la ville de Madrid, ne devançant les socialistes que d’une seule voix.
Une nuit amère pour une gauche transformatrice qui est gravement blessée au niveau territorial et qui doit relever le défi de reprendre du poil de la bête d’ici décembre, date des élections générales.
En partenariat avec la Union Locale de la CGT d’Epinal, la Confédération Paysanne de Vosges, ATTAC 88, les Ami.e.s de la Confédération Paysanne des Vosges et Réseau Salariat des Vosges