Archive | Féminisme

10 mars 2025 ~ 0 Commentaire

8 Mars Femmes

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« Nous ne nous laisserons pas faire » : à Brest, 2 500 personnes réunies pour la journée internationale des droits des femmes

2 500 personnes au bas mot pour la manifestation pour l’égalité du droit des femmes, à la faveur de la journée du 8-Mars. À Brest, entre discours de combat et ambiance de fête, la mobilisation a tenu ses promesses ce samedi.

Il est 15 h sur la place de Strasbourg, en haut de la ville de Brest, ce samedi 8 mars 2025. Peu à peu, la foule s’agrège à l’appel des différentes organisations, pour une manif’ en faveur de l’égalité hommes femmes. Le petit rassemblement grossit à vue d’œil alors que les mascottes des manifs contre les retraites retournent d’active. La chorale du Maquis et les Femmes solidaires font monter la température sur des tubes pas si vieux et qui retrouvent une actualité en cette journée internationale du droit des femmes.

Steven Le Roy 08 mars 2025

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08 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Quimper (NPA)

Lors de la manifestation du 8 mars 2024.

Lors de la manifestation du 8 mars 2024. (Archives Le Télégramme/Olivier Scaglia)

À Quimper, le NPA appelle à rejoindre la grande marche du 8 mars

La Journée internationale des droits des femmes aura lieu ce samedi 8 mars 2025. À cette occasion, une grande marche sera organisée par des syndicats et associations féministes du collectif Nous Toutes. Le rendez-vous est fixé à 15 h, place Saint-Corentin. Un moment « convivial et festif », soulignent les organisateurs, auquel le NPA de Cornouaille appelle aujourd’hui à participer.

« Le 8 mars, faisons grève du travail productif et reproductif. Rassemblons-nous et mobilisons-nous pour nos droits, pour l’égalité réelle », écrit le Nouveau parti anticapitaliste dans un communiqué, adressé ce mercredi 5 mars 2025. Lui, qui appelle à « améliorer nos conditions de vie et de travail ; lutter contre les violences sexistes et sexuelles ; lutter contre l’extrême droite qui est un danger pour toutes les femmes et les minorités de genre ; lutter en solidarité avec les femmes du monde entier ».

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Plusieurs rassemblements organisés en Bretagne pour la journée internationale des droits des femmes


De Saint-Brieuc à Vannes en passant par Rennes, de nombreuses manifestations sont prévues en ce 8 mars 2025 (image d’archive) © Radio France – Valentin Belleville

Des rassemblements et manifestations sont organisés en Bretagne ce samedi 8 mars 2025, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

Pancartes, slogans, chansons… des milliers de personnes descendent dans la rue ce samedi 8 mars partout en France à l’occasion de la journée international des droits des femmes. En Bretagne, plusieurs rassemblements et manifestations sont prévues toute la journée

Des rassemblements à Vannes, Saint-Brieuc, Rennes…

À Saint-Brieuc, une manifestation est organisée en début d’après-midi. Le cortège partira à 14h de place du Guesclin. À Rennes, une Zone d’Occupation Féministe (ZOF) se tiendra sur le mail François-Mitterrand de 11 h à 15 h avant une manifestation dans le centre ville.

Du côté de Saint Malo, un rassemblement se tiendra au Jardin des Douves, au pied du château de 14 h à 18 h. Une déambulation est prévue dans l’Intra-Muros, de 15 h à 16 h. Enfin, à Vannes, un village associatif va s’installer sur l’esplanade du port Simone-Veil de 10 h à 18 h. Des déambulations sont prévues ensuite de 14h à 16h.

Charlotte Schuhmacher; samedi 8 mars 2025

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07 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Féminicides ( Basta)

Une manifestation des femmes avec des pancartes "Stop féminicides"
Manifestation du 8 mars 2020 à Paris. CC BY 2.0 Deed Jeanne Menjoulet 

Contre les féminicides : un combat mondial

À travers la planète, des hommes tuent des femmes et des filles parce qu’elles sont femmes et filles. Le féminicide est un phénomène mondial. De la Colombie à la Grande Bretagne, des médias disent « ça suffit » et appellent les autorités à agir.

Portrait de Rachel Knaebel
L’édito international de Rachek Knaebel. Pour découvrir notre revue de presse « Chez les indés – International », inscrivez-vous ici.

Le 8 mars, c’est la journée internationale des droits des femmes. Mais c’est tous les jours que des femmes et des filles sont victimes de féminicides. En France, en 2023, il y a eu 93 féminicides et 319 tentatives recensées. Et 135 féminicides en 2024. Mais le phénomène est, évidemment, mondial, et alerte les médias.

« Entre janvier et décembre 2024, 886 femmes ont été victimes de féminicides en Colombie, selon l’Observatoire colombien des féminicides. C’est l’année avec le plus grand nombre de cas depuis 2018 », lorsqu’un registre réalisé par la société civile a commencé, signale la revue féministe latino-américaine Volcánicas. « Les autorités colombiennes ont signalé que 44 de ces féminicides concernaient des filles », ajoute la média. Ce qui « nécessite des mesures institutionnelles urgentes pour garantir leur vie », pointe la revue.

Filles et adolescentes en danger en colombie

« La nuit du 18 janvier, la Plaza de la Libertad de Chiquinquirá, Boyacá (un département de Colombie), était remplie de ballons et de bougies blanches. Des chants demandent que justice soit faite après la disparition d’une jeune fille », rapporte le site dans un reportage. Il s’agit en de Laura Valentina Páez Velandia, 9 ans.
Elle a disparu le 16 janvier, « au milieu d’une promenade de routine ». Son corps a été découverte cinq jours plus tard. Un homme a été mis en cause et arrêté.

Autonomie mise à mal

Certaines régions du pays sont plus touchées que d’autres par ces meurtres, qui ont des effets sur toute la société. « Ces cas de féminicides représentent également une violence symbolique à l’égard d’autres filles et adolescentes, qui voient leur autonomie mise à mal lorsque leurs amies, leurs voisines ou des filles et adolescentes du même âge qu’elles se font assassiner », dit Natalia Escobar, de l’Observatoire colombien pour l’égalité des femmes.

« La violence contre les filles, les adolescentes et les femmes continue d’augmenter et les mesures institutionnelles pour la prévenir font toujours défaut », accuse aussi Volcánicas. Le cas de l’Argentine donne raison à la revue. Là, le gouvernement du président Milei a annoncé « qu’il abrogerait le crime de féminicide du code pénal, ce qui constitue un revers majeur dans la lutte contre la violence fondée sur le genre », notait une chercheuse dans la revue The Conversation fin janvier.

Des autorités qui prennent ces morts au sérieux devraient déjà enquêter précisément sur le phénomène. Et pendant des années, les données ont manqué. Le quotidien britannique The Guardian révèle ainsi cette semainequ’au Royaume Uni, près d’une femme sur dix décédée aux mains d’un homme au cours des 15 dernières années « était une mère tuée par son fils ».

Des mères tuées par leurs fils

C’est ce que montre un rapport publié début mars par une organisation de la société civile : « Les données analysant la mort de 2000 femmes tuées par des hommes depuis 2009 ont donné un aperçu sans précédent du fléau caché qu’est le matricide, avec plus de 170 mères tuées par leurs fils. »

Le rapport conclut que la mauvaise santé mentale a joué un rôle dans 58% des cas de matricide. Selon Karen Ingala Smith, cofondatrice du groupe Femicide Census, les femmes sont souvent amenées à « payer le prix » des échecs de l’État, les fils en souffrance psychique n’ayant pas été pris en charge par le système de santé et social.

« La violence masculine à l’encontre des mères est une réalité largement méconnue mais brutale, dit elle. Ce que nous voyons dans ces chiffres n’est que la partie émergée de l’iceberg. Il s’agit des femmes qui ont été tuées, mais il y a bien d’autres victimes cachées qui vivent leur vie dans la détresse la plus totale. »

Les gouvernements doivent agir

Les chiffres analysés par l’organisation britannique montrent par ailleurs que sur l’ensemble des 2000 cas de féminicides étudiés, « 90 % des meurtriers sont des membres de la famille, des partenaires ou des connaissances de la victime, tandis que 61 % des femmes ont été tuées par un partenaire actuel ou ancien. Environ 80 % des meurtres ont été commis au domicile de la victime ou de l’auteur. 61% des femmes ont été tuées par un partenaire actuel ou ancien, 9% des femmes ont été tuées par leur fils, 6% par d’autres membres de la famille, 15% par d’autres hommes qu’elles connaissaient et 10% par quelqu’un qu’elles ne connaissaient pas. »

Les nouvelles statistiques sur les cas de mères tués par leurs fils « ont conduit à des appels au gouvernement pour qu’il prenne des mesures spécifiques afin de lutter contre le matricide, et d’apporter un soutien aux victimes », écrit The Guardian. Le gouvernement du Royaume-Uni, et les autres à travers le monde, entendront-ils enfin ces appels ?

7 mars 2025 Rachel Knaebel

https://basta.media/

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07 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Vague Féministe (NPA)

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Face à l’internationale d’extrême droite : que reste-t-il de la quatrième vague féministe ?

L’extrême droite est à l’offensive à l’échelle mondiale et les mouvements – et conquêtes – féministes sont l’une de ses cibles. Que peuvent ces mouvements face à la vague néo-réactionnaire portée par Trump, Milei et consorts ? Quelle stratégie adopter ? Aurore Koechlin propose une série de réponses en commençant par un bilan de ce qu’on a pu appeler la quatrième vague féministe.

***

Il y a dix ans, en 2015, naissait le mouvement Ni Una Menos en Argentine, suite à une série de féminicides, dont celui de Chiara Páez. Les manifestations massives qui déclaraient « pas une femme de moins », constituaient le premier acte d’une mobilisation féministe internationale, qui allait bientôt embraser l’Amérique latine, puis le monde avec Me Too. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) devenait le centre de ce qu’on peut appeler « la quatrième vague du féminisme ».

Dans de nombreux pays d’Amérique latine, comme l’Argentine, le Mexique, ou la Colombie, ces luttes se sont traduites par des victoires, avec l’obtention par la mobilisation de la légalisation de l’avortement. Dix ans après pourtant, le tableau semble plus sombre. En Argentine comme aux États-Unis, l’extrême droite, via Milei et Trump, a pris le pouvoir. Leurs politiques s’attaquent directement aux luttes et aux acquis féministes et LGBTI+ de la décennie précédente. Tant et si bien qu’il semble légitime, en ce 8 mars 2025, de s’interroger : que reste-t-il de la quatrième vague féministe ?

Différentes réponses politiques à la crise de la reproduction sociale

La montée, puis la prise de pouvoir, par le fascisme dans les années 1920 et 1930 est classiquement interprétée comme une réponse à la force du mouvement ouvrier, et au risque d’une révolution imminente. Plus précisément, la crise politique ouverte par la crise économique de 1929 ne parvenait à être réglée ni par le maintien au pouvoir de la bourgeoisie, ni par la prise de pouvoir du prolétariat. Le fascisme est alors apparu comme une réponse crédible à une bourgeoisie en pleine crise d’hégémonie.

Elle faisait en quelque sorte d’une pierre deux coups : conserver son pouvoir économique via un gouvernement qui défendrait ses intérêts, et écraser toute contestation par la destruction physique du mouvement ouvrier. Cette corrélation entre montée de l’extrême droite et force du mouvement ouvrier est précisément ce qui a poussé ces dernières années une partie de l’extrême gauche à minimiser le danger de l’extrême droite : la bourgeoisie parvenant malgré tout à imposer ses contre-réformes libérales, l’extrême droite n’aurait pas été une réelle alternative aux yeux des classes dominantes. À tort malheureusement, comme l’évolution de la situation l’a montré.

Dans cette perspective, on pourrait alors relire la montée de l’extrême droite à l’échelle internationale dans les années 2010 et 2020 comme une réponse à la force non moins internationale du mouvement féministe et LGBTI+ : c’est par exemple l’analyse que propose Veronica Gago[1]. Le mouvement féministe aurait en quelque sorte pris la place d’un mouvement ouvrier affaibli, notamment en mettant en son centre l’arme de la grève féministe comme réponse aux attaques néolibérales et patriarcales contemporaines. Et de fait, l’extrême droite développe un discours très élaboré sur le genre et les sexualités, et apparaît comme cristallisant une forme de backlash contre la quatrième vague féministe.

Il est symptomatique que Milei arrive au pouvoir dans un des pays où le mouvement féministe a été le plus fort ces dernières années, l’Argentine. Dès son accession au pouvoir, Trump a immédiatement promu un ensemble de décrets anti-trans, transférant les femmes trans emprisonnées dans des prisons pour hommes, déremboursant les transitions pour les mineur·e·s, interdisant aux personnes trans le service militaire et les compétitions sportives, ou encore faisant annuler les passeports des personnes non binaires.

L’actrice Hunter Schafer, connue pour son interprétation dans la série Euphoria, a dénoncé récemment sur les réseaux sociaux que suite à son renouvellement de passeport, on lui a imposé la lettre « M », alors que son genre à l’état civil avait été changé depuis qu’elle était adolescente. Trump a également interdit l’usage par son administration ou par les recherches scientifiques financées par l’État de certains mots, désormais interdits – comme « genre », « femme », « LGBT », « race », ou encore « changement climatique ».

Mais la montée de l’extrême droite n’est pas d’abord une réponse à la force du mouvement féministe : si ces deux phénomènes sont effectivement corrélés, c’est qu’ils sont le produit d’un tiers facteur, la crise du capitalisme et de sa dernière mue néolibérale, crise qui est tant économique et sociale que sanitaire et écologique. Or, dans cette crise multiforme, la question du genre est centrale. En effet, un des aspects que revêt la crise du capitalisme néolibéral n’est autre que la crise de la reproduction sociale, également appelée « crise du care ».

Qu’entend-on par-là ? Le capitalisme est depuis toujours pris dans une contradiction indépassable entre sa recherche effrénée d’accumulation de la sur-valeur, produite par la force de travail, et la nécessité dans laquelle il se trouve de reproduire cette dernière, donc d’assigner une partie de la force de travail non à la production de la sur-valeur mais à la reproduction de la force de travail elle-même (historiquement, cette assignation a surtout été celle des femmes, des populations immigrées et aujourd’hui racisées). Nancy Fraser a bien montré comment à chaque époque du capitalisme, ce dernier est parvenu à résoudre cette contradiction de façon différente, mais toujours imparfaite[2].

Aujourd’hui, à un capitalisme néolibéral correspond une gestion néolibérale de la reproduction sociale. Celle-ci connaît alors un double mouvement. D’un côté, la prise en charge de la reproduction sociale par les services publics est remise en cause (baisse des financements, manque d’effectifs, fermetures, etc.) pour que se développe au contraire sa marchandisation. De l’autre, la reproduction sociale revient de plus en plus à la charge des femmes de façon gratuite et invisibilisée dans le cadre familial. C’est ce que souligne Nancy Fraser :

« Dans un contexte d’inégalités sociales croissantes, cela aboutit à une reproduction sociale à deux vitesses : utilisée comme marchandise pour celleux qui peuvent en payer le prix, restant à charge de celleux qui n’en ont pas les moyens »[3].

Si bien que la prise en charge de la contradiction passe par un dépassement de celle-ci, en faisant en partie au moins du travail reproductif un travail productif de sur-valeur sur le marché. Mais ce dépassement se fait au prix de la reproduction sociale elle-même : un certain nombre de travailleur·se·s ne parviennent plus à assurer leur propre reproduction sociale. C’est pourquoi on peut parler de crise de la reproduction sociale.

Or, ces évolutions ne se font pas sans une réponse du mouvement féministe et LGBTI+. La quatrième vague du féminisme, en soulignant combien la famille est le lieu de production de violences, combien la construction de deux genres uniques et opposés sert en définitive à la renforcer, remet en question cette structure comme unité économique de la société. Elle défend au contraire une autre prise en charge de la reproduction sociale, par sa socialisation, tout au contraire de ce que fait le néolibéralisme. La quatrième vague féministe propose ainsi de sortir de la crise de la reproduction sociale par le développement des services publics, mais aussi leur extension, par exemple par la mise en place de crèches et de cantines collectives dans les entreprises et dans les lieux de vie.

L’extrême droite propose une résolution bien différente à cette crise de la reproduction sociale, et en tout point opposée. De la même façon que dans le champ de la production elle propose un néolibéralisme autoritaire et identitaire, elle propose dans le champ de la reproduction sociale une version encore plus autoritaire et identitaire de ce qui existe déjà. Il va s’agir de poursuivre la destruction des services publics et leur mise sur le marché de façon accélérée, tout en en préservant une fraction de la population, du moins c’est ce qu’elle promet en discours.

Félicien Faury a effectivement montré que le RN défendait une forme de « protectionnisme reproductif » pour les classes moyennes blanches, ce qui pourrait d’ailleurs constituer une des raisons explicatives du vote des femmes pour le RN en France[4]. L’accès à ce qui reste de services publics ne serait ainsi assuré que pour les populations blanches. Mais au-delà, l’extrême droite propose une autre voie d’issue à la crise de la reproduction sociale, et qu’elle assume très largement – le retour des femmes au foyer, dont les trad wives sont la manifestation la plus spectaculaire sur les réseaux sociaux.

C’est pourquoi la production idéologique d’un discours réactionnaire et transphobe n’a pas uniquement pour but d’écraser les avancées de la nouvelle vague féministe, ni d’instrumentaliser ces thématiques dans un but électoral autour de « paniques morales » construites de toute pièce, même si ces deux dimensions sont évidemment importantes. Elle est aussi parfaitement en adéquation avec une vision du monde congruente entre la sphère de la production et la sphère de la reproduction.

La famille doit reprendre toute sa dimension économique, elle doit redevenir le lieu central de la reproduction sociale : pour ce faire, il faut une idéologie qui le justifie et qui réaffirme cette fiction qu’est la famille hétérosexuelle monogame composée d’un « homme » et d’une « femme », avec une division clairement genrée du travail.

Féminisme ou barbarie : une polarisation accrue

Regarder une telle situation en face a de quoi inquiéter. D’un certain côté, les années 2010 où nous connaissions un incroyable élan de mobilisations nationales – avec les mobilisations contre la Loi travail, celles des étudiant·e·s et des cheminot·e·s, ou encore celle des Gilets jaunes – et internationales – qu’on pense à Black Lives Matter ou à Me Too – semblent bien lointaines. Cette situation n’est pas effacée bien sûr, et nous devons nous rappeler qu’en France, la plus grande mobilisation de ces dernières années, celle contre la réforme des retraites, a eu lieu il y a seulement deux ans. Mais il est indéniable que la situation a évolué : il est difficile aujourd’hui de ne pas tenir compte dans l’équation politique du danger que représente cette internationale d’extrême droite qui s’est développée, qui gouverne dans de nombreux pays, et qui en menace d’autres.

Néanmoins, la montée de l’extrême droite ne met pas fin à la quatrième vague féministe. La particularité de la situation est que les deux ont lieu simultanément. En France, le mouvement Me Too continue de se développer dans toutes les sphères de la société : le procès Mazan en est une fois de plus la preuve, et avec l’affaire Bétharram, pose enfin à une échelle de masse la question de l’inceste et de l’oppression spécifique des enfants. Aux États-Unis, suite à la révocation de l’arrêt Roe vs Wade, une véritable mobilisation numérique s’est déployée sur Tik Tok afin de permettre aux femmes souhaitant avorter et ne pouvant plus le faire d’être hébergées dans un autre État, voire un autre pays, comme le Canada[5].

En Argentine, une manifestation massive a eu lieu le 1er février dernier pour répondre aux propos anti-féministes et anti-LGBTI+ de Milei. La situation est donc avant tout caractérisée par une très forte polarisation. Cette polarisation trouve d’ailleurs une expression dans certaines enquêtes scientifiques. Il y a quelques mois, Le Monde titrait « Les jeunes femmes sont de plus en plus progressistes, tandis que les hommes du même âge penchent du côté conservateur »[6] : ce constat effectué par plusieurs études concerne les jeunes générations, et a lieu simultanément à l’échelle internationale, puisqu’il se retrouve tout aussi bien en Europe, aux États-Unis, qu’en Corée du Sud, en Chine ou en Tunisie.

En France, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) ne dit pas autre chose dans son dernier rapport de janvier 2025, intitulé significativement « À l’heure de la polarisation » : surtout chez les jeunes, les femmes sont plus féministes, et les hommes sont plus masculinistes[7].Dans un tel contexte de polarisation croissante, et de force de la quatrième vague féministe à l’échelle internationale, le mouvement féministe doit prendre la mesure de toutes ses responsabilités dans la lutte contre l’extrême droite.

Dans les pays où il est le plus fort, il doit être force d’impulsion pour des réponses unitaires contre l’extrême droite – manifestations, constitution de collectifs unitaires pour organiser la riposte, grèves féministes contre l’extrême droite. Dans les pays où il est plus faible, la question se pose un peu différemment. C’est le cas de la France, dont la particularité est double : d’une part, le mouvement social y est très fort, d’autre part, la quatrième vague ne s’y est pas développée autant que dans d’autres pays, y compris d’Europe (par exemple l’État espagnol, l’Italie, la Belgique ou la Suisse). Cela implique trois choses.

Premièrement, le mouvement féministe ne doit pas tomber dans le piège sectaire d’un repli sur lui-même à une heure où il peut se sentir très minoritaire. Cette tentation est toujours présente, elle peut l’être d’autant plus dans une période où le risque de démoralisation est fort. Parce que le mouvement féministe a le sentiment que son action politique ne parvient pas à influencer la société, il se tourne sur lui-même, sur ses débats internes, sur le niveau de responsabilité dans la situation de chaque collectif, pire, sur le degré de pureté militante de chacun·e de ses membres.

Quel groupe, quel·le individu a dit, a fait telle chose problématique ? Et dans une période au climat dégradé, on ajoute de la peur à la peur. Rien de plus démobilisateur. Nous devons nous le répéter une fois pour toute : nos pratiques et nos discours ne seront jamais « parfaits » tant que nous vivrons dans une société qui demeure inchangée par ailleurs. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas les politiser, mais cela veut dire qu’il est absurde de les moraliser.

Ensuite, le mouvement féministe doit réussir à se détacher au moins partiellement des critiques qui le créditent de tous les maux de la terre, et qui ne peuvent tout simplement là encore que mener à l’inaction. Les risques de récupération par l’État, le fait que les fractions les plus dotées du mouvement (en termes de race et de classe) soient celles qui soient le plus mises en avant, son caractère situé, etc., n’est pas le propre du mouvement féministe, il concerne tous les mouvements sociaux : que chacun·e balaye devant sa porte. Pourquoi n’interroge-t-on que le mouvement féministe ? Je vous laisse deviner la réponse.

Cela ne veut bien sûr pas dire qu’il ne faille pas œuvrer à améliorer cet état de fait, c’est une certitude. Mais cela ne doit pas servir de prétexte pour disqualifier l’entièreté du mouvement, comme c’est le cas depuis des années dans certains milieux d’extrême gauche, pourtant souvent bien moins prompts à critiquer les syndicats et les partis. Depuis Me Too, des femmes et des minorités de genre qui n’avaient jamais milité auparavant se sont politisé·e·s sur la question des VSS : plutôt que de leur reprocher de ne pas être suffisamment anti-carcéral·e·s, passons un cap en les convainquant que l’extrême droite, par sa vision du genre, des sexualités et de la famille, est notre ennemi mortel. Nos choix, nos corps, nos familles, nos vies sont en jeu. En tant que femmes, que LGBTI+, nous n’avons rien à prouver.

C’est donc tout le contraire qu’il faut faire. Il faut agir, et il faut le faire dans la démarche la plus large et unitaire possible. D’autant plus que, sous la pression de la situation, des clarifications ont lieu en accéléré. Dans le mouvement social, l’islamophobie, les attaques anti-trans, sont maintenant clairement identifiées à l’extrême droite. Parallèlement, le mirage d’un féminisme néolibéral, qui depuis les années 1980 avait fait tant de promesses, est en train de s’effondrer sous nos yeux, avec le ralliement des secteurs du capitalisme réputés « progressistes » à Trump.

Le plus marquant est sans doute celui du secteur de la Tech, avec l’exemple de Mark Zuckerberg, qui a, du jour au lendemain, mis fin à toute politique de diversité au sein de son entreprise, et tenu un discours crypto-masculiniste. Ce faisant, nous avons la démonstration éclatante que le capitalisme n’a jamais été que tactiquement et en apparence un allié des femmes et des minorités de genre.

Enfin, le mouvement féministe doit sortir de son isolement, et renforcer ses alliances. La première et la plus évidente vu le danger de l’extrême droite est bien sûr avec le mouvement antiraciste. Une autre est également d’une grande importance – celle avec les syndicats, à l’heure actuelle première organisation des travailleur·se·s. Aucune riposte contre l’extrême droite ne pourra se faire sans les syndicats. Et concernant les liens entre mouvement féministe et syndicats, beaucoup reste encore à faire.

Le dernier mouvement contre la réforme des retraites en France l’a mis dramatiquement en lumière lors du 8 mars 2023. Dans une sorte d’alignement des étoiles, non seulement le mouvement féministe l’avait tout particulièrement préparé, mais l’intersyndicale s’en était emparée pour faire du 7 et du 8 des journées de mobilisation, afin d’essayer de porter le départ en grève reconductible. Ce fut effectivement un immense succès féministe : en tout, près de 150 000 personnes ont manifesté le 8 mars dans toute la France. Mais on était très loin des 3 millions et demi de la veille… Et l’histoire a montré qu’il n’y a pas eu de départ en grève reconductible.

Les causes en sont multiples, et ont été analysées depuis, mais au-delà de ça, ce qui a très certainement joué, et que nous devons regarder en face également, c’est un manque de conviction de la part des syndiqué·e·s de la pertinence des revendications féministes, et de la grève pour le 8 mars en particulier. Ce travail reste encore très largement à faire, et c’est à nous de le porter, pour ce 8 mars, en construisant l’échéance avec les équipes syndicales, en s’en emparant pour tisser de nouvelles convergences, mais bien sûr également au-delà.

Pour cela, nous pouvons nous inspirer de la démarche de la Coordination féministe, qui a appelé à la grève féministe pour battre l’extrême droite pour le 25 janvier et le 8 mars[8]. Ce type d’initiatives doivent être prolongées dans les mois qui viennent. Nous devons bien en avoir conscience, la polarisation dans laquelle nous nous trouvons ne peut mener qu’à une chose : féminisme ou barbarie. Mais rien n’est encore écrit. En ce 8 mars 2025, même si la situation a changé, que reste-t-il de la quatrième vague féministe ?

Tout. Et pour cette raison, tout est encore possible.

Aurore Koechlin 7 mars 2025

https://www.contretemps.eu/

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06 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Humour

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06 mars 2025 ~ 0 Commentaire

8 Mars Landerneau

Gladys Grelaud et Lenaig Georget Salaün, membres de l’association « Femmes solidaires du pays de Landerneau-Daoulas ».
Gladys Grelaud et Lenaig Georget Salaün, membres de l’association « Femmes solidaires du pays de Landerneau-Daoulas ». (Photo Le Télégramme/Gabrielle Gillot)

« Des événements essentiels » : à Landerneau, des images, de la musique et de la danse pour sensibiliser aux droits des femmes

« Femmes solidaires » organise, du 6 au 9 mars, à Landerneau et Daoulas, des événements pour sensibiliser à l’égalité hommes-femmes, avec projections, stands et performances culturelles.

Les jeudi 6, samedi 8 et dimanche 9 mars 2025, l’association « Femmes solidaires du pays de Landerneau-Daoulas » organise, dans le cadre de la Journée internationale des droits de la femme, une série d’événements pour sensibiliser aux enjeux de l’égalité hommes-femmes. Gladys Grelaud, membre de l’association, le souligne : « Ces événements sont essentiels pour rendre visibles les inégalités persistantes et sensibiliser ».

Gabrielle Gillot « On voulait vraiment valoriser ce film »

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03 mars 2025 ~ 0 Commentaire

8 Mars

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01 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Inégalités

L’évolution des inégalités de salaires entre hommes et femmes

Les écarts de salaires entre les femmes et les hommes se réduisent. Mais l’égalité salariale entre femmes et hommes est encore loin. Au rythme actuel, il faudrait encore 30 ans pour annuler l’écart.

Progressivement, les salaires des femmes se rapprochent de ceux des hommes. Dans les années 1960, les hommes gagnaient en moyenne presque 60 % de plus [1] que les femmes pour des postes à temps complet, c’est-à-dire sans tenir compte de l’effet du temps partiel. Petit à petit, l’écart s’est réduit. Le mouvement a pris de l’ampleur à partir des années 1970 quand les générations de femmes scolarisées dans l’après-guerre sont arrivées sur le marché du travail.

Avec une marge de 16 % en faveur des hommes (données 2022), l’égalité est encore loin. Si la tendance des dix dernières années se maintenait, il faudrait encore 30 ans pour annuler cet écart.

Les nouvelles générations de femmes sont de plus en plus diplômées. Parmi les personnes en emploi, la part des femmes disposant d’un diplôme supérieur à bac + 2 est plus élevée que celle des hommes depuis le début des années 2000. Les femmes accèdent davantage à des postes à responsabilité mieux rémunérés. Pourtant les inégalités de salaires perdurent. La situation des femmes sur le marché du travail aujourd’hui est décalée par rapport à leur niveau de diplôme, surtout pour les plus jeunes. De plus, l’emploi féminin peu qualifié se développe rapidement avec des rémunérations rarement supérieures au smic. L’emploi féminin devient plus inégal, on dit qu’il se « polarise ».

La lenteur du rattrapage entre femmes et hommes est étroitement liée au manque d’ouverture aux femmes des postes du haut de la hiérarchie salariale. Ces inégalités résultent aussi de la dévalorisation salariale des métiers occupés majoritairement par des femmes, ainsi que de l’ampleur globale des écarts dans la grille des salaires, qu’il s’agisse des hommes ou des femmes. Une augmentation du smic serait, par exemple, un instrument puissant de réduction de l’écart de salaire selon le genre [2].

25 février 2025

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27 février 2025 ~ 0 Commentaire

NPA ( 8 mars)

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20 février 2025 ~ 0 Commentaire

Sexisme (Contretemps)

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La racialisation du sexisme à l’École, ou comment on dévoie la cause de l’égalité

Les programmes d’Éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle viennent enfin d’être publiés, comprenant une série des reculs devant la contre-offensive réactionnaire. Dans son livre intitulé Discipliner les banlieues, l’éducation à l’égalité des sexes dévoyée (éditions La Dispute), Simon Massei revient sur la façon dont les politiques d’éducation à l’égalité entre les sexes ciblent aujourd’hui principalement le public racisé des établissements de quartiers populaires. Nous publions ici la conclusion générale de son livre.

Pourquoi le public de l’éducation à l’égalité des sexes aujourd’hui est-il majoritairement populaire et racisé ? À cette interrogation liminaire, cet ouvrage apporte une réponse en quatre temps. Une partie de l’explication réside, comme on l’a vu, dans l’histoire des luttes pour l’égalité et de leur institutionnalisation.

Au tournant des années 1970, le sexisme (ici entendu au sens de représentations sexistes) est pensé par les organisations féministes matérialistes comme un problème structurel appelant des solutions collectives : révision des manuels scolaires, formation des enseignant·e·s, encadrement juridique de la publicité. Il est aussi conçu à cette époque comme la composante d’un tout, indissociable d’autres formes de violences avec lesquelles il forme un continuum : violences physiques, sexuelles, économiques. La stratégie de ciblage prioritaire du public scolaire, absente des revendications des militantes de la deuxième vague, ne s’impose au cours des décennies suivantes qu’au prix d’un lent retournement.

En plein « creux de la vague » féministe[1], dans un contexte d’institutionnalisation de la cause des femmes et de diffusion d’une vulgate psychologique dans les champs de l’action publique, le sexisme tend, à partir du milieu des années 1980, à être pensé politiquement comme un problème individuel relevant de la responsabilité de chacun, et comme une affaire de stéréotypes préjudiciables à l’économie de marché, aux hommes autant qu’aux femmes. Au tournant des années 2000, tandis que ressurgit le débat sur le sexisme, alors posé en termes d’« hypersexualisation », c’est désormais au public scolaire, formé à la « déconstruction des stéréotypes », qu’est attribuée la responsabilité d’enrayer ce problème.

Cette individualisation du problème se conjugue sur le mode de la race. Le début des années 2000, caractérisé entre autres par le développement de la sous-traitance associative et la poursuite de la décentralisation des politiques éducatives, marque l’émergence d’un véritable marché de l’éducation à l’égalité entre les sexes, lieu de rencontre entre l’offre des associations partenaires de l’enseignement public et la demande des établissements scolaires.

Dans un contexte de politisation ancienne du « problème musulman » et de forte médiatisation des violences de genre en banlieue, ce marché se structure alors autour d’une représentation du sexisme comme un enjeu socialement et racialement situé, représentation matérialisée sous la forme de financements « sociaux » (lutte contre la délinquance, « politique de la ville », éducation prioritaire), et dans la distribution géographique des actions d’éducation à l’égalité entre les sexes à l’école. Les données statistiques et l’analyse cartographique mettent en évidence une corrélation étroite entre niveau de vie, taux d’immigrés dans la population locale et éducation à l’égalité entre les sexes.

Ce phénomène s’explique comme on l’a montré par un ensemble de pratiques (codage différencié des comportements sexistes par les personnels de l’Éducation nationale selon les propriétés sociales des élèves, traitement différencié de ces enjeux d’un établissement à l’autre, segmentation du marché de l’éducation à l’égalité entre les sexes suivant des critères socio-économiques…) dont la somme contribue pour une large part à expliquer la racialisation de l’antisexisme scolaire.

Face à leur mandat « civilisateur », les salariées du secteur associatif, véritables street-level bureaucrats de l’égalité, apparaissent divisées. Ces divisions tiennent à la diversité de leurs trajectoires et aux circonstances variables de leur entrée dans l’espace de l’éducation à l’égalité entre les sexes. Monde professionnel précaire, lieu de réinvestissement provisoire ou durable des ambitions et des capitaux, cet espace est traversé par un ensemble de clivages liés principalement au type de diplôme et aux antécédents professionnels des intervenantes. Leurs pratiques professionnelles et le contenu de leur discours dépendent fortement de leur position au sein de cet espace.

Les unes, militantes de la cause des femmes, diplômées de sciences sociales ou de science politique, exercent leur métier sur un registre politique et refusent la mission « civilisatrice » à laquelle les assignent une partie de leurs financeurs. Les autres, titulaires de diplômes de sciences de l’éducation, de sciences du langage ou de philosophie, éducatrices souvent passées par l’Éducation nationale ou populaire, exercent leur métier sur un registre éthique et justifient la racialisation de l’antisexisme scolaire (sans jamais la nommer comme telle) par des arguments républicains universalistes. Entre les deux, juristes, psychologues et artistes, mercenaires de l’éducation à l’égalité entre les sexes arrivées sur le tard à ces questions, forment un groupe plus hétérogène et exercent leur métier sur un registre technique sans faire intervenir de considérations morales dans la définition de leur rôle.

La racialisation de l’antisexisme scolaire doit également être appréhendée comme une construction par le bas, ainsi qu’y invite l’observation du comportement des élèves pendant les actions d’éducation à l’égalité entre les sexes. Laboratoire parmi d’autres des rapports de domination, les salles de classes sont le théâtre d’une magie institutionnelle qui permet aux élèves blancs bien classés scolairement de convertir leur compétence scolaire (discipline corporelle, participation active aux débats, utilisation du registre politique) en compétence égalitaire et d’apparaître ainsi comme les bons élèves de l’égalité entre les sexes, quand les provocations et l’incapacité des autres à parler d’amour sans en rougir, ou à mettre les « bons » mots sur leurs sentiments ou sur les images sexistes, justifient aux yeux de la plupart des enseignant·e·s le ciblage des écoles de quartiers.

À ces effets de classe et de race s’articulent des effets de genre qui permettent aux filles de classes populaires de sauver la face devant les adultes, sans jamais parvenir toutefois à manier la langue légitime et le registre féministe avec autant d’aisance que les filles blanches de catégories favorisées. Dispositions classées et classantes, la docilité des un·es et l’incapacité des autres à mobiliser les bons registres de réponse agissent ainsi pendant ces séances comme des révélateurs des inégalités scolaires et des inégalités sociales qui les fondent.

La racialisation de l’antisexisme scolaire, observable tant à l’échelon local qu’au niveau national, contribue pour une large part à expliquer la participation en 2013-2014 de familles racisées de banlieue pauvre à un combat – la lutte contre la diffusion de la « théorie du genre » – historiquement porté par la bourgeoisie catholique blanche.

Les entretiens menés auprès des militantes de deux collectifs anti-genre nés dans le contexte de l’expérimentation des ABCD de l’égalité, JRE et VigiGender, révèlent néanmoins d’importantes différences dans les raisons de la participation des unes et des autres à ces mouvements, ainsi que dans ses conséquences sur leur vie quotidienne et celle de leurs enfants. Majoritairement issues de la bourgeoisie catholique de droite, fortement diplômées et résidant dans les arrondissements de l’ouest parisien ou dans des communes bourgeoises d’Île-de-France, les militantes VigiGender présentent un profil homogène.

Au-delà des motivations religieuses et morales apparentes, leur engagement contre l’enseignement de la « théorie du genre » trouve son origine dans le décalage observable entre leurs exigences vis-à-vis de l’institution scolaire et le sentiment que l’école publique ne garantit plus à leurs enfants le bénéfice des profits scolaires et sociaux dont elles ont jadis tiré avantage. Issues des classes populaires urbaines stabilisées, majoritairement racisées, plus faiblement diplômées que leurs homologues catholiques et résidant dans des communes moyennes ou populaires de la banlieue parisienne ou montpelliéraine, les militantes JRE forment un groupe politiquement plus hétérogène, composé à la fois d’anciennes sympathisantes de gauche déçues du Parti socialiste et de « musulmanes patriotes » objectivement proches des idées de l’extrême droite.

Plus que dans leur conservatisme sexuel ou leur traditionalisme religieux, les raisons de leur entrée en mobilisation contre l’enseignement de la « théorie du genre » logent dans leur déception collective vis-à-vis de l’Éducation nationale. Au contraire des militantes VigiGender dont la participation au mouvement contre les ABCD n’a généré que des coûts économiques liés à la rescolarisation de leurs enfants dans de prestigieux établissements d’enseignement privé catholique, les militantes JRE ont payé de leur personne sur plusieurs plans à la fois, économique, relationnel, professionnel, ayant pour certaines retiré leurs enfants de l’école publique pour leur faire l’école à la maison, en se précarisant ainsi davantage.

À travers ses différents chapitres, cet ouvrage espère contribuer à la compréhension des modes de reproduction des rapports de race et de la place qu’y occupent les politiques de la « main gauche » de l’État. Il montre que la racialisation du sexisme ne constitue pas simplement un discours journalistique ou une représentation sociale, mais aussi une construction politique au sens où l’institution scolaire, c’est-à-dire l’État, y prend directement part à travers un enseignement de l’égalité qui, de par ses modalités, sa géographie et sa réception, consacre paradoxalement l’altérité des classes populaires et des racisé·es.

20 février 2025 La racialisation du sexisme à l’École, ou comment on dévoie la cause de l’égalité

https://www.contretemps.eu/

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