L’école conserve un rôle fondamental, et efficace, dans la transmission de la mémoire du génocide juif. Même si certains signaux témoignent d’une inquiétante dégradation. C’est ce que met en évidence notre sondage Ifop sur « le regard des jeunes sur la Shoah » pour le JDD et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), réalisé à l’occasion de la Cérémonie du souvenir en mémoire des déportés et des victimes, dimanche.
86 % des jeunes ont ainsi « entendu parler » de l’Holocauste – à titre de comparaison, ils sont 71 % à avoir entendu parler du génocide des Arméniens de 1915 et 1916, et 49 % de celui des Tutsis au Rwanda en 1994. Chez les collégiens, lycéens et étudiants, le total monte même à 93 %. « Bravo aux professeurs, se félicite Samuel Lejoyeux, président de l’UEJF. Le travail fait par l’Éducation nationale et les associations mémorielles porte vraiment ses fruits. »
Il en va de même des différents aspects de l’assassinat systématique des Juifs par les nazis, puisque 92 % des jeunes connaissent les chambres à gaz ; 88 % le camp d’Auschwitz-Birkenau ; et 72 % la rafle du Vel d’Hiv des 16 et 17 juillet 1942, dont le 80e anniversaire a été commémoré cet été : c’est 4 points de plus qu’il y a deux ans. Concernant la Shoah par balles, 61 % des jeunes la connaissent. Une progression de 3 points en deux ans, fruit des travaux des historiens, ces dernières années.
10 % y voient « un drame parmi d’autres de cette guerre »
De même, quoique moins popularisés par la littérature ou le cinéma, les « Justes », ces citoyens qui ont sauvé des Juifs traqués pendant l’Occupation, sont connus par une majorité (53 %) de jeunes.
Même si, dans le détail, seuls 19 % peuvent en donner la définition exacte. La perception du nombre de personnes assassinées se révèle plus approximative : la majorité des jeunes (54 %) estiment qu’ils furent moins de 5 millions. « La Shoah demeure un objet historique bien identifié, malgré des lacunes », analyse Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop. De fait, 83 % des jeunes ont d’abord acquis leur bagage culturel sur le génocide par l’école, contre 29 % par des films, livres, documentaires ou fictions ; 14 % par le biais d’Internet, autant par des musées ou des expositions ; et 12 % par la transmission familiale.
Le constat se révèle plus problématique dès lors qu’on se penche sur les représentations associées au génocide. Certes, 80 % des jeunes estiment qu’il s’agit d’« un crime monstrueux ». Mais 10 % le considèrent « comme un drame parmi d’autres de cette guerre qui a fait beaucoup de victimes », 3 % « comme une exagération » et seulement 1 % « comme une invention, tout cela n’a jamais existé ». Soit près d’un jeune sur six qui tend à relativiser le caractère unique de ce crime.
De même, 89 % des jeunes considèrent qu’« il est important d’enseigner la Shoah aux jeunes générations afin d’éviter que cela ne se reproduise ». Mais seuls 69 % d’entre eux disent que c’est un « crime qui n’a pas d’équivalent dans l’histoire de l’humanité », « ce qui veut dire qu’un jeune sur trois est sur une logique de relativisation », commente Frédéric Dabi.
De même, un jeune sur trois, soit 34 %, estime qu’elle est « trop abordée dans les programmes scolaires au détriment d’autres évènements tels que la guerre d’Algérie ou la traite négrière ». Et 56 % des jeunes sont d’accord avec l’assertion selon laquelle « la Shoah est utilisée par l’État d’Israël pour justifier sa politique vis-à-vis des Palestiniens ». Ils sont même 59 % à le considérer chez les partisans de la majorité présidentielle, 67 % chez ceux de La France insoumise et 80 % chez les musulmans.
Après les polémiques suscitées pendant la campagne présidentielle par les propos d’Éric Zemmour, et en dépit de la récente mise en valeur du rôle des autorités françaises dans la rafle du Vel d’Hiv, 33 % des jeunes estiment que « la France n’a pas à s’excuser de son attitude durant la Shoah ».
Ils sont 42 % des sympathisants du Rassemblement national (RN) à le considérer. D’ailleurs, 17 % des jeunes sont d’accord avec l’affirmation d’Éric Zemmour selon laquelle « Philippe Pétain avait sauvé, pendant l’occupation, les Juifs français en livrant les Juifs étrangers aux nazis », quand 41 % s’y opposent (42 % ne se prononcent pas). Pour 21 % des jeunes, soit un sur cinq, la Shoah est un « évènement daté dont l’enseignement ne devrait plus être une priorité ». Et 33 % considèrent que « la commémoration de la Shoah empêche l’expression de la mémoire d’autres drames de l’histoire ».
« Blagues et plaisanteries »
75 % des jeunes, contre 79 % deux ans plus tôt, affirment que l’enseignement de la Shoah en classe d’histoire s’est déroulé de manière satisfaisante. Mais, interrogés sur les comportements observés à cette occasion, 35 % évoquent des « blagues et des plaisanteries » ; 20 %, l’expression de critiques concernant « la place trop importante » accordée à ce sujet par rapport à d’autres ; 18 %, la remise en cause de certains aspects du génocide (existence des chambres à gaz, nombre de victimes) ; et 14 %, le refus, par un ou plusieurs élèves, de voir la Shoah enseignée.
Ils sont même 11 % à mentionner le fait que le professeur d’histoire ne puisse plus enseigner la Shoah. « Cela souligne le rôle central de l’école, qui n’empêche pourtant pas des incidents et une petite dégradation », diagnostique Frédéric Dabi.
Quant à l’exposition à des contenus antisémites ou révisionnistes, 32 % des jeunes, soit plus d’un sur trois, ont déjà « lu ou visionné des articles et vidéos remettant en cause l’existence de la Shoah ».
Enfin, concernant le parallèle établi dans les manifestations, pendant la crise du Covid, entre la situation des Juifs pendant la dernière guerre mondiale et celle des non vaccinés, 22 % des jeunes le trouvent justifié – et même 35 % des sympathisants RN et 37 % des LFI.
Et 27 % ne trouvent pas choquant le fait que des manifestants anti-passe portent des étoiles jaunes. Soit un jeune sur quatre. « C’est inquiétant, mais cela reste minoritaire, estime Samuel Lejoyeux. Bien que ces parallèles ignobles aient pu être diffusés par le médias, les jeunes prennent beaucoup de recul. » À l’heure de la disparition des derniers témoins, la mémoire demeure un perpétuel combat.
Cette année, un hommage sera rendu aux Justes parmi les nations, porté notamment par la voix de leurs enfants et petits-enfants et par Nathalie Saint-Cricq, Philippe Labro, Pierre-François Veil, Claire Chazal, Rachel Khan… Ce dimanche à 10h45, en direct sur France 2.
Sondage Ifop pour l’Union des étudiants juifs de France et le JDD, réalisé les 7 et 13 septembre 2022 auprès d’un échantillon représentatif de 802 personnes âgées de 15 à 24 ans. Les interviews ont eu lieu par questionnaire autoadministré en ligne. La marge d’erreur est située entre 1,5 et 3,5 points.
17 septembre 2022 David Revault d’Allonnes
https://www.lejdd.fr/
Commentaire:
Il va de soit, pour nous, qu’Israel se sert de la Shoah dans son combat contre les palestiniens!