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25 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

Ces merveilleux traités qui transfèrent le pouvoir des états aux multinationales (reporterre)

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Alors que la Commission européenne poursuit en secret la négociation du traité transatlantique, dit Tafta, avec les Etats-Unis, il est utile d’examiner ce à quoi a servi le traité qui lui sert de modèle : l’Alena, entre les Etats-Unis, le Canada, et le Mexique.

Le bilan est simple : il donne des pouvoirs exorbitants aux grandes entreprises. Vingt ans après son entrée en vigueur, beaucoup a déjà été écrit sur les effets désastreux pour les travailleurs et les agriculteurs du Mexique, des États-Unis et du Canada, de l’accord de libre échange nord américain (Alena, en anglais NAFTA). Mais l’Alena a également réécrit les règles de l’investissement international, et cela pourrait se révéler son legs le plus insidieux.

Les règles d’investissement de l’Alena étaient ostensiblement conçues pour donner aux investisseurs américains ou canadiens un moyen de régler les conflits avec le gouvernement du Mexique : les auteurs du pacte faisaient valoir que le système juridique mexicain était inefficace et corrompu. La série de procès qui ont ensuite été intentés contre le Mexique et le Canada, en s’appuyant sur l’Alena, montre que le processus de règlement des différends relatifs aux investissements prévu par cet accord est un outil aux services des grandes entreprises pour faire chanter les États et empêcher des politiques sociales et respectueuses de l’environnement.

Une modification des règles au profit des multinationales

Le chapitre 11 de l’Alena a non seulement déréglementé la circulation des capitaux et facilité la délocalisation de la production à travers les frontières, mais il a également inclus un système de « règlement des différends » entre investisseur privé et État (Investor-State Dispute Settlement, ISDS, AGCS en français). Cet arbitrage commercial international permet aux multinationales de contourner les tribunaux classiques respectueux de la souveraineté des États et de leurs droits nationaux, notamment sur la protection de l’environnement. Ce système permet aux multinationales d’appliquer directement des « protections » en vertu du contrat, en fait des normes minimales de traitement et l’interdiction de l’expropriation « indirecte » des investissements existants ou futurs.

Les recours selon l’AGCS sont des plaintes d’investisseurs nord-américains d’un pays contre une décision, la politique, le droit, la réglementation qui selon l’investisseur aurait violé les dispositions de l’Alena en matière de protection des investissements.

Par exemple, si un gouvernement met en œuvre une réglementation du travail ou de l’environnement qu’une multinationale n’aime pas, même si le règlement est légal et appliqué à toutes les entreprises qui travaillent dans le pays, cette société peut néanmoins poursuivre en dommages-intérêts ce pays à la Banque mondiale (Centre international de la Banque mondiale pour le règlement des différends relatifs aux investissements, dit Cirdi ou, en anglais, Icsid).

Le Canada et le Mexique ont été jusqu’à présent les plus grands perdants dans ce schéma.  Le gouvernement américain a fait face lui-même à plusieurs poursuites selon le chapitre 11, mais n’a jamais perdu un procès. Les trois pays ont dû payer des sommes énormes en frais juridiques, ou en honoraires versés à des tribunaux d’arbitrage. Dans tous les cas, les perdants sont les citoyens ordinaires, parce que l’argent pour apaiser les sociétés et payer ces dépenses provient du trésor public. Et désormais les décideurs politiques devront y réfléchir à deux fois avant de passer une loi pour protéger le public contre les excès de l’entreprise.

Un modèle mondial paralysant

Le chapitre 11 de l’Alena a servi de modèle à plus de 3000 traités bilatéraux d’investissement qui sont en vigueur aujourd’hui. Le nombre de litiges d’investisseurs contre des Etats est en plein essor. 500 litiges sociaux contre les décisions de gouvernements sont en cours et les sociétés découvrent constamment de nouveaux moyens d’utiliser l’AGCS pour extraire d’énormes sommes des trésors publics sans même avoir à faire d’investissement tangible. Ces règles ont un effet paralysant sur les gouvernements. La simple menace d’un procès d’investissement peut suffire à décourager un état de passer une nouvelle loi d’intérêt public qui pourrait interférer avec les bénéfices attendus d’une société.

L’effet sur le développement est également prononcé, puisque le principe du « traitement national » oblige les Etats à traiter de la même façon toutes les entreprises sur son territoire : cela contraint les gouvernements à aider les entreprises multinationales, alors qu’ils pourraient préférer ne soutenir que les petites et moyennes entreprises locales.

Ses promoteurs appellent cela « niveler le terrain de jeu », mais la réalité est que l’Alena a créé un ensemble de règles qui favorisent les investisseurs multinationaux sans rien leur demander en retour. On a interdit par exemple la possibilité d’exiger d’une entreprise multinationale qu’elle s’engage à fonctionner dans le pays pendant une certaine période de temps, ou se fournisse localement pour une partie de ses besoins.

À bien des égards, l’Alena est plus une prise de pouvoir des entreprises qu’un accord commercial, et ce n’est nulle part plus évident que dans son chapitre sur l’investissement. L’Alena et autres traités semblables accordent aux sociétés transnationales une totale liberté de mouvement des capitaux, de biens et de services, associée à la capacité de poursuivre devant des tribunaux secrets les pays où les gouvernements tentent de leur faire obstacle.

L’échec de ce modèle monolithique est occulté par la promotion qu’en font les trois pays de l’Alena, mais cet échec est de plus en plus évident pour le nombre croissant de personnes qui contestent l’extension des règles commerciales des entreprises grâce à des accords de libre-échange et d’investissement transpacifiques et transatlantiques.

Le résultat de cette nouvelle lutte est incertaine. Avec courage et persévérance, nous pouvons un jour être en mesure de faire reculer l’héritage de l’Alena et d’introduire de nouveaux modes de négociation et d’investissement qui aient pour objectif premier la santé et du bien-être des gens sur notre planète. Jusque-là, nous sommes coincés avec un modèle qui met les entreprises en premier et donne aux tribunaux secrets le dernier mot.

Source : Foreign Policy in Focus, traduction par Elisabeth Schneiter pour Reporterre.

Lire aussi : La Commission européenne organise la propagande en faveur du traité de libre-échange avec les Etats-Unis

http://www.reporterre.net/spip.php?article5317

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24 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

Stop au « grand marché transatlantique » (cadtm)

TAFTA

Nouvel outil d’exploitation et de domination des peuples

 

Depuis le 8 juillet 2013 les États-Unis et l’Union européenne ont entamé les négociations d’un accord de commerce et d’investissement proposé sous le nom de « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » (PTCI).  Ce projet d’accord de libre échange bilatéral appelé éga- lement Grand marché transatlantique ou TAFTA (Transatlantic Free Trade Agreement), se situe dans la lignée des politiques libérales et de dérégulation de la BM, du FMI et de l’OMC.  C’est un outil supplémentaire d’exploitation et de domination particulièrement redoutable, au service de ces politiques.  Les négociations, qui sont à leur 3ème étape, doivent se terminer en 2015 et sont censées rester secrètes, de même que le mandat (qui a néanmoins fuité).

Ambition et stratégie

Le projet de GMT est particulièrement important du fait de la puissance économique et politique des parties. Les USA et l’UE représentent la moitié du PIB mondial et le tiers des échanges et ce projet d’accord n’est pas le seul.. Il s’inscrit dans une stratégie globale, impulsée par les États-Unis et soutenue par l’UE, de conquête des marchés au niveau mondial face à la concurrence des pays émergents et surtout de la Chine. Cette stratégie implique d’aller encore plus loin que l’OMC dans le libéralisme économique et la dérégulation et de contourner cette institution limitée par ses règles de fonctionnement et les résistances qu’elle soulève .
Elle vise aussi à entériner le système de délégation de la norme au privé et à imposer ses normes ainsi définies au niveau mondial par la jurisprudence. La nouvelle vague d’accords de libre échange, comme le GMT, l’AECG (l’Accord économique et commercial global entre l’UE et le Canada, actuellement en négociation avancée), le Partenariat transpacifique (PTP) avec 12 pays d’Asie hors la Chine, et de nombreux autres ALE, rentre dans cette stratégie discrète de domination mondiale.

Des préparatifs et une procédure marqués par le déni de la démocratie

Le projet de GMT ne date pas d’hier, il est préparé depuis 10 ans par de multiples rencontres offi- cielles transatlantiques mais surtout par une intense activité de lobbying de la part des multi-nationales auprès de dirigeants politiques et de membre de la CE, au sein d’instances de dialogue créées sous le patronage de la Commission européenne et du Ministère du Commerce des États-Unis. Les organisations syndicales ou représentantes de la société civile ont été pratiquement exclues de ces préparatifs. Sur 130 réunions de la CE avec les parties concernées, 119 se sont faites avec les transnationales ou leurs lobbys.

Toute la procédure, de l’élaboration du mandat à la négociation, marquée par l’opacité et le secret, témoigne de la volonté anti-démocratique des initiateurs de tenir les citoyens et même leurs repré- sentants dans l’ignorance d’un projet destiné à les déposséder de leurs droits. Le but, évidemment, étant d’empêcher toute opposition qui ferait capoter le projet comme pour l’AMI (l’Accord multilatéral sur l’investissement) rejeté en 1998, dont le GMT constitue une nouvelle version en pire.

Un traité de libre échange qui institue un nouveau stade de la marchandisation du monde

Sans s’illusionner sur le fonctionnement de l’UE déjà non démocratique et largement soumise, avec l’application des derniers traités, aux diktats libéraux et au pouvoir des multinationales (comme en témoignent les 4 arrêts récents rendus par la CJUE).  Sans s’illusionner sur le fait que de nombreuses mesures prévues par le projet sont déjà largement en voie de réalisation, que des dispositions part- iculièrement contestées et rejetées avec l’AMI, comme le mécanisme de règlement des différents investisseur-État, ont pu ressurgir dans des ALE avec les USA. Néanmoins, l’application de l’accord GMT constituerait un nouveau stade extrêmement inquiétant de régression de la démocratie et des droits des populations, au profit du droit du capital, non seulement pour les peuples de l’UE et des États-Unis mais pour le reste du monde qui en subirait aussi les conséquences.

23 janvier par Raymonde Lagune  Lire la suite

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22 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

Chine, l’argent caché de la classe dirigeante (of)

Workers stand at a police station after they were rescued from a brickworks in Hongdong County in Linfen Esclaves

Des milliers de Chinois, dont des proches des plus puissants dirigeants, auraient dissimulé leur fortune dans des paradis fiscaux.

Des proches des plus puissants dirigeants chinois, dont le président Xi Jinping et l’ancien Premier ministre Wen Jiabao, ont utilisé les paradis fiscaux pour dissimuler une partie de leur fortune, révèle ce mercredi un réseau de journalistes d’investigation. Selon les documents financiers obtenus par le Consortium indépendant des journalistes d’investigation (ICIJ), basé à Washington, près de 22 000 clients originaires de Chine populaire ou de Hong Kong sont ainsi liés à des compagnies « offshore » dans les paradis fiscaux.

Un tabou en chine

Parmi eux, des millionnaires issus du monde des affaires, dont Yang Huiyan, la femme la plus riche de Chine, ou encore Pony Ma et Zhang Zhidong, fondateurs du géant de l’internet Tencent. Mais les 2,5 millions de dossiers confidentiels décortiqués par l’ICIJ révèlent également un véritable « who’s who » de l’élite politique de la deuxième économie mondiale.  Cela alors même que la richesse des dirigeants reste un sujet tabou en Chine et que les plus hauts responsables du régime communiste sont officiellement supposés servir le peuple de façon désintéressée.

Des membres de l’Assemblée nationale populaire…

On y trouve des membres de l’Assemblée nationale populaire (ANP), le parlement chinois, ainsi que des proches de l’ancien président Hu Jintao, de l’ancien Premier ministre Li Peng, et de Deng Xiao- ping, qui avait supervisé à partir de la fin des années 1970 l’ouverture de l’économie chinoise.  Sont également impliqués des proches de Xi Jinping, l’actuel chef d’Etat, et de Wen Jiabao, Premier ministre de 2003 à 2013, qui avaient déjà été éclaboussés en 2012 par des enquêtes journalistiques sur la fortune colossale de leurs familles.

Richissime promoteur immobilier et investisseur, Deng Jiagui, qui a épousé en 2006 la soeur aînée de Xi Jinping, possède ainsi 50 % d’une société immatriculée aux îles Vierges britanniques, appelée Excellence Effort Property Development.  De son côté, Wen Yunsong – fils de Wen Jiabao – a constitué en 2006 dans le même paradis fiscal une société dont il était l’unique dirigeant et actionnaire. Bien que de telles sociétés et trusts « peuvent ne pas être tout à fait illégaux », ils recouvrent souvent « des confits d’intérêts et l’utilisation des relations au coeur du gouvernement », a indiqué à l’ICIJ Minxin Pei, professeur au Claremont McKenna College.

Les Îles Vierges britanniques plébiscitées

Ces révélations interviennent quelques jours après la publication à Hong Kong d’une lettre de Wen Jiabao, où ce dernier clamait son « innocence » après les informations publiées l’an dernier sur sa famille et se défendait de toute malversation. 90 % des clients de Chine continentale ont constitué des entités « offshore » aux îles Vierges britanniques, souvent avec l’aide de firmes occidentales, parmi lesquels les établissements helvètes UBS et Crédit suisse, mais également le géant du conseil PricewaterhouseCoopers (PwC).

Quelque 7 % d’entre eux se sont établis aux îles Samoa, et 3 % dans d’autres zones, a également indiqué l’ICIJ, qui a précisé avoir travaillé avec plus de cinquante organisations et médias partenaires à travers le monde pour analyser les documents. Chine – 09h25

http://www.ouest-france.fr/chine-largent-cache-de-la-classe-dirigeante-1871697

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21 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

Grandes surfaces, première chute de la consommation depuis 2008 (lt)

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C’est une information du « Figaro » : pour la première fois depuis 2008, les Français ont réduit de 0,5 % en volume leurs achats de produits de consommation courante (alimentaire, entretien, hygiène…) l’an passé.

L’institut IRI (*), qui analyse l’intégralité des tickets de caisse, chiffre, en effet, cette chute à 0,5 %, tous circuits confondus (hypermarchés, supermarchés, hard discount et drive). Pour mémoire, les volumes étaient restés stables en 2012, après avoir progressé de 1 % en 2011. « Les Français ont continué à procéder à des arbitrages et réduit leurs achats en volume par foyer, a constaté Jacques Dupré, directeur Insight chez IRI. Ils ont sans doute également voulu limiter le gaspillage, comme c’est souvent le cas en temps de crise ».

* Institut de recherche et d’innovation.

http://www.letelegramme.fr/ig/generales/economie/grandes-surfaces-premiere-chute-de-la-consommation-depuis-2008-21-01-2014-2375858.php

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20 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

La fortune des 85 personnes les plus riches est égale à celle de la moitié de l’humanité

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selon une ONG

Si vous avez regardé le classement Forbes de ces dernières années, il n’est pas rare que vous soyez restés bouche bée devant le montant colossal des fortunes des Bill Gates et autres Carlos Slim.

Cependant, l’ONG Oxfam vient de publier un autre chiffre qui devrait lui aussi vous laisser coi. D’après un rapport sorti le 17 janvier dernier, la richesse combinée des 85 personnes les plus riches du monde est égale à celle de la moitié la moins riche de l’humanité. « C’est sidérant qu’au 21ème siècle, la moitié de la population mondiale – soit 3,5 milliards de personnes – ne possède pas plus qu’une minuscule élite » a déclaré Winnie Byanyima, la directrice générale d’Oxfam international.

Une inégalité entre les plus riches et les plus pauvres qui se creuse, d’autant plus que cette minuscule élite (représentant 1% de la population mondiale) a vu sa part de revenus augmenter dans 24 des 26 pays pour lesquels des données sont disponibles entre 1980 et 2012, d’après Les Echos.

Les plus riches finalement peu affectés par la crise

« Même si la crise a momentanément entamé la part des richesses mondiales détenues par les plus riches, ces derniers se sont depuis largement rattrapés, » remarque l’Oxfam dans son rapport. Les 1% les plus riches en Chine, au Portugal et aux États-Unis ont plus que doublé leur part de revenus national depuis 1980. Même dans les pays réputés plus égalitaires comme la Suède et la Norvège, la part de revenus allant aux 1% les plus riches a augmenté de plus de 50%. Selon le quotidien économique français, les causes de ce creusement d’écart sont nombreuses: la déréglementation financière, les règles et les systèmes facilitant l’évasion fiscale, mais aussi les mesures d’austérité.

« Sans une véritable action pour réduire ces inégalités, les privilèges et les désavantages se trans-mettront de génération en génération, comme sous l’Ancien régime. Nous vivrons alors dans un monde où l’égalité des chances ne sera plus qu’un mirage » conclut l’Oxfam.

Le Huff Post/AFP  |  Par Wendy Bracat Publication: 20/01/2014 12h15 CET  |  Mis à jour: 20/01/2014 13h18 CET

http://www.huffingtonpost.fr/2014/01/20/85-personnes-les-plus-riches-egale-moitie-humanite-ong_n_4630261.html?utm_hp_ref=france

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19 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

Économie, le vrai scandale français (ci)

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Pour l’économiste Paul Krugman, ce qui est vraiment choquant aujourd’hui en France, c’est d’entendre François Hollande souscrire aux vieilles doctrines économiques de droite. – Une soumission qui vire à la faillite intellectuelle.
*
François Hollande a cessé de m’intéresser dès que j’ai compris qu’il n’allait pas rompre avec l’orthodoxie destructrice de l’Europe et son parti pris d’austérité. Mais maintenant, il a fait quelque chose de vraiment scandaleux.

Je ne parle pas de l’aventure qu’il aurait avec une actrice, ce qui, même si c’est vrai, n’est ni étonnant (on est en France, quand même) ni choquant. Non, ce qui me choque, c’est qu’il souscrive désormais aux doctrines économiques de droite, pourtant discréditées. Ce qui vient nous rappeler que les difficultés économiques persistantes de l’Europe ne peuvent pas être seulement attribuées aux mauvaises idées de la droite. Certes, des conservateurs insensibles et malavisés ont appliqué leur politique, mais ils ont bénéficié de la complicité de politiciens mous et confus d’une gauche modérée (…)

François Hollande a déclaré : « C’est donc sur l’offre qu’il faut agir », avant d’ajouter « c’est l’offre qui crée la demande ».

L’offre crée la demande : une faribole

Eh bien dites donc. Le voilà qui reprend, presque mot pour mot, cette faribole depuis longtemps discréditée qu’on appelle la loi de Say, ou « loi des débouchés », selon laquelle il ne peut y avoir d’insuffisance globale de la demande, puisque les gens doivent bien dépenser leur revenu quelque part. C’est tout simplement faux, et particulièrement faux, en pratique, en ce début 2014.

Tout montre que la France regorge de ressources productives, de capital humain comme de capitaux financiers, qui restent inexploitées en raison d’une demande insuffisante. Il suffit pour le comprendre de voir avec quelle rapidité dégringole l’inflation. La France comme l’Europe dans son ensemble semblent même s’acheminer dangereusement vers une déflation à la japonaise.

Comment faut-il interpréter, dès lors, le fait que M. Hollande ait choisi ce moment, plutôt que tous les autres, pour reprendre à son compte cette théorie discréditée ?

Comme je l’ai dit, c’est le signe du piteux état dans lequel se trouve le centre gauche en Europe. Depuis quatre ans, l’Europe est en proie à la fièvre de l’austérité, avec des conséquences désastreuses. Le fait que la timide reprise actuelle soit saluée comme une réussite de cette politique en dit d’ailleurs très long. Etant donné les terribles difficultés suscitées par la politique en question, on aurait pu s’attendre à ce que le centre gauche plaide énergiquement pour un changement de cap. Or partout en Europe, le centre gauche (notamment britannique) a tout au plus émis quelques critiques molles et frileuses, avant, bien souvent, de se soumettre bon gré mal gré.

Quand François Hollande est arrivé à la tête de la deuxième économie de la zone euro, nous sommes quelques-uns à avoir espéré qu’il se dresse contre cette tendance. Mais comme les autres, il s’est soumis, soumission qui vire désormais à la faillite intellectuelle. L’Europe n’est pas près de sortir de sa deuxième « grande dépression ». The New York Times Paul Krugman 19 janvier 2014

http://www.courrierinternational.com/article/2014/01/19/le-vrai-scandale-francais?page=all

Commentaire: Ceci n’est pas un playdoyer « pro-keynésianisme »! Juste un avis sur notre austérité « de gauche ».

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19 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

Dexia augmente ses dirigeants de 30%! (jdd)

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Trois cadres de la banque ont vu leurs salaires passer de 340.000 à 450.000 euros par an.

Le directeur financier, le directeur des risques et le secrétaire général de Dexia ont vu leurs salaires s’envoler de 340.000 à 450.000 euros par an à la simple faveur de leur entrée au comité de groupe. La banque a perdu 15 milliards d’euros depuis trois ans après avoir été renflouée de 5,5 milliards d’euros par la France et la Belgique.

http://www.lejdd.fr/Economie/Entreprises/Dexia-augmente-ses-dirigeants-de-30-649054

Sauvée par l’Etat, Dexia augmente trois dirigeants de 30% (jdd)

Trois dirigeants de la banque franco-belge Dexia, renflouée par les contribuables, ont vu leur rémunération s’envoler de 30% au 1er janvier. Tous gagnent au moins 450.000 euros par an.

Piscine intérieure, sauna, hammam et salle de sport. Le luxueux château Saint-Just, dans l’Oise, a accueilli jeudi et vendredi 70 cadres de Dexia pour un « séminaire stratégique ». Deux jours et une nuit en pension complète pour un coût d’environ 20.000 euros. La banque a mis les moyens pour introniser les trois nouveaux dirigeants nommés mi-décembre. Mais elle a oublié de dire que leurs salaires avaient été augmentés de 30%! Selon nos informations, le directeur financier, Pierre Vergnes, le responsable des risques, Marc Brugière, et le secrétaire général, Johan Bohets, ont vu leurs rémunérations annuelles passer de 340.000 à 450.000 euros. Le patron Karel De Boeck émarge déjà à 600.000 euros.

Pierre Vergnes et Marc Brugière remplacent Philippe Rucheton — qui partira en mars — et Claude Piret, en cours de négociation pour quitter la banque. Ces derniers gagnaient respectivement 500.000 euros et 480.000 euros. Un niveau plutôt élevé pour une banque détenue à 44% par l’État français et à 50% par la Belgique. En France, les salaires des dirigeants d’entreprises publiques chez EDF, Areva ou encore à La Poste sont plafonnés à 450.000 euros. En Belgique, le plafond descend à 290.000 euros.

« La banque ne fait plus rien »

En interne, ces augmentations font grincer des dents. Nationalisée en 2008, Dexia a perdu plus de 15 milliards d’euros en trois ans et a été renflouée par la France et la Belgique pour 5,5 milliards en 2012! Au siège, on confirme ces salaires mais on peine à les justifier. Liquider les 238 milliards d’euros de prêts au bilan « nécessite d’avoir des compétences pointues », explique la direction ajoutant : « On ne peut pas offrir d’énormes perspectives de carrière. » Sauf que depuis son déman- tèlement en 2012, « la banque ne fait plus rien », explique un banquier. Ces salaires sont comparables à ceux des dirigeants de grandes banques comme le Crédit agricole ou les Caisses d’épargne qui comptent près de 150.000 salariés.

Chez Dexia, les effectifs sont tombés à 1.300 personnes contre 22.000 il y a trois ans. Surtout, les trois dirigeants concernés n’ont pas endossé de nouvelles responsabilités. Ils occupent leurs fonctions depuis plus d’un an. Leur seule entrée au comité de direction, simple organe de gouver- nance, justifie leurs émoluments. En octobre 2012, le comité avait été réduit à trois membres pour faire des économies.

Dimanche 19 janvier 2014 Matthieu Pechberty – Le Journal du Dimanche

http://www.lejdd.fr/Economie/Sauvee-par-l-Etat-Dexia-augmente-trois-dirigeants-de-30-649180

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16 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

la façon la plus simple de désobéir à la finance, c’est de refuser de payer les dettes (basta)

Volavautours

La dette ? Une construction sociale, fondatrice d’un pouvoir arbitraire, estime David Graeber, anthropologue et économiste états-unien, considéré par le New York Times comme l’un des intellectuels les plus influents actuellement.

Les pays pauvres et les personnes endettées sont aujourd’hui enchainés aux systèmes de crédit. Piégés dans des relations basées sur la violence, les inégalités et justifiées par la morale, décrit l’auteur, dans un ouvrage qui retrace 5000 ans d’histoire de la dette. « Rembourser ses dettes » est devenu un dogme, impossible à contester. Et si, malgré tout, on décidait d’effacer l’ardoise ? Avec le mouvement Occupy Wall Street, David Graeber lance des actions de désobéissance civile pour démontrer l’absurdité du système capitaliste actuel. Entretien.

Basta ! : A quel moment dans l’histoire le crédit est-il apparu ? Qu’est-ce qu’une dette ?

David Graeber [1] : La dette est une promesse, qui a été pervertie par les mathématiques et la violence. On nous a raconté une histoire : « Il était une fois des gens qui utilisaient le troc. Voyant que cela ne marchait pas très bien, ils ont créé la monnaie. Et l’argent nous a amené le crédit. » Du troc au crédit, une sorte de ligne droite nous amènerait donc à la situation actuelle.

Si on regarde plus attentivement l’histoire, cela s’est passé bien différemment !Le crédit a d’abord été créé. La monnaie physique est apparue quelques milliers d’années plus tard. Cela permet de poser les questions différemment : comment sommes-nous passés d’un système où les gens disaient « je vous dois une vache », à un système où l’on peut mesurer la valeur exacte d’une dette ? Ou l’on peut assurer, formule mathématique à l’appui, que « 340 poulets sont équivalents à cinq vaches » ? Comment une promesse, une obligation de remboursement, est devenue une « dette » ? Comment l’idée que nous devons une faveur a-t-elle été quantifiée ?

En quoi quantifier une dette est-elle un problème ?

Quantifiable, la dette devient froide, impersonnelle et surtout transférable : l’identité du créancier n’a pas vraiment d’importance. Si je promets de vous rencontrer à cinq heures demain, vous ne pouvez pas donner cette promesse à quelqu’un d’autre. Parce que la dette est impersonnelle, parce qu’elle peut être exigible par des mécanismes impersonnels, elle peut être transférée à une autre personne. Sans ces mécanismes, la dette est quelque chose de très différent. C’est une promesse qui repose sur la confiance. Et une promesse, ce n’est pas la négation de la liberté, au contraire, c’est l’essence de la liberté ! Être libre, c’est justement avoir la capacité de faire des promesses. Les esclaves ne peuvent pas en faire, ils ne peuvent pas prendre d’engagements auprès d’autres personnes, car ils ne sont pas sûrs de pouvoir les tenir. Être libre, c’est pouvoir s’engager auprès d’autrui.

Au contraire, le « remboursement de la dette » est devenu un dogme moral…

La dette a été transformée en une question d’arithmétique impersonnelle, en l’essence même de l’obligation morale. C’est ce processus que nous devons défaire. Il est fascinant aussi de voir le lien entre la notion de dette et le vocabulaire religieux, de constater comment les premières religions débutent avec le langage de la dette : votre vie est une dette que vous devez à Dieu. La Bible par exemple commence avec le rachat des péchés… (…)

Vous citez l’exemple de la mafia…

Parler de dette devient un moyen pour décrire des relations inégales. Les mafieux ont compris cela : ils utilisent souvent le terme de dette, même si ce qu’ils font est en réalité de l’extorsion. Quand ils annulent ou reportent certaines dettes, cela passe pour de la générosité ! C’est comme les armées qui font payer un tribut aux vaincus : une taxe en échange des vies épargnées. Avec le langage de la dette, on dirait que ce sont les victimes qui sont à blâmer. Dans de nombreuses langues, dette, culpabilité et péché sont le même mot ou ont la même racine.

La monnaie, qui permet de quantifier précisément la valeur d’une dette, apparaît d’ailleurs dans les situations de violence potentielle. L’argent est aussi né du besoin de financer les guerres. La monnaie a été inventée pour permettre aux États de payer des armées professionnelles. Dans l’Empire romain, la monnaie apparait exactement là où stationnent les légions. De la même façon, le système bancaire actuel a été créé pour financer la guerre. Violence et quantification sont intimement liés. Cela transforme les rapports humains : un système qui réduit le monde à des chiffres ne peut être maintenu que par les armes.

Il y a aussi une inversion : le créancier semble être devenue la victime. L’austérité et la souffrance sociale sont alors considérées comme un sacrifice nécessaire, dicté par la morale…

Absolument. Cela permet par exemple de comprendre ce qui se joue en Europe aujourd’hui. L’Europe est-elle une communauté de partenaires égaux ? Ou y a-t-il une relation de pouvoir entre entités inégales ? Est-ce que tout peut être renégocié ? Quand une dette est établie entre égaux, elle est toujours traitée comme une promesse. Nous renégocions des promesses tout le temps, car les situations changent : si je vous promets de vous voir demain à cinq heures, si ma mère meurt, je ne suis pas obligé de tenir ma promesse.

Les gens riches peuvent être incroyablement compréhensifs concernant la dette des autres riches : les banques états-uniennes Goldman Sachs et Lehman Brothers peuvent se concurrencer, mais quand quelque chose menace leur position générale de classe, soudain elles peuvent oublier toutes les dettes contractées si elles le veulent. C’est ce qui s’est passé en 2008. Des trillions de dollars de dettes ont disparu, parce que cela arrangeait les puissants. De la même façon des gens pauvres vont être très compréhensifs les uns envers les autres. Les prêts que l’on fait à des proches sont finalement souvent des cadeaux. C’est lorsqu’il y a des structures d’inégalités, que soudain la dette devient une obligation morale absolue.

La dette envers les riches est la seule à être vraiment « sacrée ». Comment se fait-il que Madagascar soit en difficulté quand il doit de l’argent aux États-Unis, mais que lorsque ce sont les États-Unis qui doivent de l’argent au Japon, c’est le Japon qui est en difficulté ? Le fait notamment que les États-Unis ont une puissante armée change le rapport de force…

Aujourd’hui, on a l’impression que la dette a remplacé les droits : les droits à la formation ou au logement se sont transformés en droit au crédit ?

Certains utilisent leur maison pour financer leur vie en contractant de plus en plus de prêts hypothécaires. Leurs maisons deviennent des distributeurs de billets. Les micro-crédits pour faire face aux problèmes de la vie se multiplient, en substitution de ce qui était auparavant assuré par l’État-providence, qui donnait des garanties sociales et politiques. Aujourd’hui, le capitalisme ne peut plus offrir un bon « deal » à tout le monde. On sort de l’idée que chacun pourrait posséder un bout du capitalisme : aux États-Unis, chacun était censé pouvoir investir dans les entreprises, qui en fait exploitent chacun. Comme si la liberté consistait à posséder une part de notre propre exploitation.  Par Agnès Rousseaux 16 janvier 2014

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09 janvier 2014 ~ 0 Commentaire

usa: l’augmentation de la productivité au seul bénéfice du patronat (lo)

usa: l'augmentation de la productivité au seul bénéfice du patronat (lo) dans Crise panting2

Dans une étude intitulée « The Forty-Year Slump » (quarante ans de crise éco- nomique), Harold Meyerson, journaliste connu et membre dirigeant du parti des Démocrates socialistes d’Amérique, membre de l’Internationale socialiste, analyse les reculs de la classe ouvrière et constate que l’évolution défavorable du rapport de force entre celle-ci et le patronat a permis à ce dernier d’accaparer tous les gains de productivité réalisés au cours de ces années de crise. Et ils sont considérables.Il cite un économiste de l’université du Michigan, Mark Perry, qui affirme qu’en moyenne un ouvrier d’usine aux États-Unis produit chaque année le triple de ce qu’il produisait en 1972, avant le début de la récession.

« Aujourd’hui, nous produisons deux fois plus de produits industriels que dans les années 1970 avec 7 millions d’ouvriers en moins. » Et Meyerson constate que « dans de nombreuses industries l’accroissement de la productivité va bien au-delà des estimations de Perry ». Il cite un PDG de l’US Steel qui affirmait en 2011 : « Il y a trente ans, il fallait dix heures d’un ouvrier pour produire une tonne d’acier ; aujourd’hui, cela prend deux heures. » Une augmentation de la productivité de 500 % en quarante ans !

Un ouvrier d’aujourd’hui produit autant que cinq ouvriers d’il y a quarante ans. Cette augmentation considérable de la productivité du travail humain devrait permettre de vivre mieux, de pouvoir mieux répondre aux besoins en matière d’éducation, de santé publique, de logement, d’assurer dans des conditions toujours meilleures le développement des enfants et la retraite des anciens.

Les politiciens qui osent affirmer qu’on ne peut plus payer les retraites parce que le nombre d’actifs a diminué par rapport au nombre de retraités sont de fieffés menteurs, qui veulent faire oublier qu’un actif d’aujourd’hui remplace trois, quatre ou cinq actifs d’hier !

Au cours de ces quarante années, l’augmentation de la productivité s’est accompagnée d’un afflux d’argent dans les caisses des entreprises. Elles s’en sont servi pour racheter leurs propres actions et augmenter les dividendes versés aux actionnaires, mais pas pour augmenter les salaires. La part de la classe ouvrière, la classe productive qui a produit ces richesses, a au contraire diminué dans le revenu national. L’étude se limite aux États-Unis mais elle est à l’image de ce qui s’est passé dans bien d’autres pays. Dominique CHABLIS

http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2371&id=43

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31 décembre 2013 ~ 0 Commentaire

en immersion parmi les requins de la grande distribution (essf)

fianance

Yann Cézard – Tu as travaillé «  en immersion  ». Peux-tu expliquer les conditions de ton étude sur cette firme que tu as rebaptisée Batax  ?

Marlène Benquet – C’est une enquête qui s’est déroulée en trois temps. J’ai d’abord travaillé comme caissière, dans deux hypermarchés du groupe durant six mois, puis au sein de l’organisation syndicale majoritaire pendant cinq mois et enfin à la direction des ressources humaines du siège durant quatre mois. L’objectif était de comprendre le fonctionnement d’une entreprise à la fois par en bas, par en haut et par le côté, du point de vue légèrement décalé des organisations syndicales. C’est un travail ethnographique que j’ai conduit par observation participante, c’est-à-dire en partant du principe que pour comprendre le travail des individus, on ne peut pas se contenter d’écouter ce qu’ils en disent au cours d’entretiens ou en répondant à des questionnaires, il faut le pratiquer soi-même à leurs côtés pour saisir de l’intérieur ses différentes dimensions.

Quand tu arrives dans l’entreprise, elle est en train de basculer sous l’emprise de ce qu’on appelle parfois le «  capitalisme financier  ». Qu’est-ce qui a changé dans la politique des directions et le fonctionnement du groupe  ?

On a intérêt à étudier la financiarisation du capitalisme via l’évolution de l’actionnariat, depuis une vingtaine d’années en France. On trouve de plus en plus souvent des fonds d’investissement à la tête des grandes entreprises. Ces fonds réunissent des capitaux venus de banques, de fonds de pension, de sociétés d’assurance, situés partout dans le monde, qui leurs sont prêtés pour une durée maximale de dix ans. Ils rachètent avec cet argent des entreprises pour les «  restructurer  » et les revendre rapidement en réalisant la plus-value la plus importante possible. Les entreprises sont achetées à crédit et leurs profits servent à rembourser la dette  ; comme si un particulier achetait un appartement et remboursait le crédit avec l’argent laissé dans la commode. Si l’opération réussit, les fonds gagnent de l’argent. Si elle échoue, les fonds ne pouvant rembourser leur dette, les banques qui ont prêté des capitaux finissent par faire appel aux Etats pour éviter la faillite. Dans les deux cas, une part des revenus du travail (sous forme de salaires ou d’impôts) est transférée aux fonds et aux banques.

C’est ce qui est arrivé à Batax, passé en 2008 des mains des familles fondatrices à un fonds d’investissement. Le fonds a immédiatement commencé à réorganiser l’entreprise en nommant un nouveau PDG chargé de restructurer en deux étapes  : d’abord générer du cash en vendant des parties rentables de l’entreprise (en l’occurrence les murs des hypermarchés), puis réduire les coûts de 4, 5 milliards d’euros en quatre ans, notamment en réduisant les frais de personnel. Depuis, l’entreprise a perdu 16, 4 % de salariés alors que le nombre de magasins est resté le même.

Tu cites un «  M. Bruneteau  » (page 246), DRH du groupe, qui à l’occasion d’une réunion de ses collaborateurs, assène  : «   c’est très important que les salariés soient motivés et adhèrent. Nous sommes convaincus que le ‘‘plan de transformation’’ ne pourra pas se faire sans les collaborateurs. Pour que le groupe arrive (…) à réduire ses coûts, il faut que les salariés suivent mais aussi qu’ils participent et qu’ils s’impli- quent.  » Alors, comment «  obtenir le travail  » des salariés en les payant et en les traitant si mal  ?

Luc Boltanski et Eve Chiapello écrivaient assez justement, dans Le Nouvel esprit du capitalisme (en 1999), que le profit ne peut se réaliser qu’avec la participation «  d’un très grand nombre de personnes dont les chances de profits sont faibles  » et dont l’hostilité ou l’indifférence doit être vaincue. Définir un assortiment de marchandises, en négocier les prix auprès des fournisseurs, les acheter, les acheminer vers les entrepôts, vérifier leur qualité, les faire parvenir dans les points de vente, en faire la promotion, les mettre en rayon, les vendre, fidéliser les clients, gérer le personnel et la comptabilité, autant d’activités se décomposant en des centaines de tâches, assurées par des milliers de salariés, confrontés à des millions d’occasions de freiner la circulation des produits, de brouiller la visibilité des flux de marchandises, d’introduire dans le système de petits grains de sable propres à le gripper. En d’autres termes, si les individus utilisaient toutes les possibilités dont ils disposent pour freiner ou saboter le travail, le profit peinerait à se réaliser.

Or ce n’est pas le cas. Contrairement à ce qu’affirment les départements de ressources humaines – et beaucoup de travaux de sociologie – la participation des salariés n’est pas obtenue par des mécanismes incitatifs producteurs de motivation et d’enthousiasme, mais par des mécanismes bloquant les possibilités de révoltes  : le recrutement de salariés enclin à la docilité en raison de leur situation extraprofessionnelle (des femmes, peu diplômées, en charge de famille), l’organisation du travail en horaires individualisés qui empêchent les salariés de se connaître, la surveillance informatique des gestes de travail, etc.

Ces hauts cadres ont leurs soucis. Ces spécialistes de la restructuration peuvent même devenir les «  arroseurs arrosés  »  !

Oui, lorsque je travaillais au sein de la direction des ressources humaines du groupe, il venait d’être décidé un plan social destiné à réduire d’un tiers ce département. Les directeurs ressources humaines se sont retrouvés contraints d’organiser leur propre licenciement.

Parfois, les caissières sont vues comme un symbole de la précarité des salariées. Mais de quelle précarité s’agit-il vraiment  ?

On oppose souvent la précarité au contrat à durée indéterminée, comme si celui-ci protégeait mécaniquement de l’insécurité professionnelle. Ce n’est pas le cas. Les caissières sont presque toutes embauchées en CDI. Elles sont pourtant exposées à une triple forme de précarité. Une précarité économique, d’abord, puisque le taux horaire est inférieur à 10 euros et que le salaire permet donc à peine la reproduction de l’existence. Une précarité temporelle, ensuite, puisque les horaires de travail différant d’une semaine à l’autre, les caissières ne peuvent organiser leur vie extra-professionnelle de façon pérenne. Une précarité projectionnelle, enfin, au sens où le temps passé dans cet emploi ne diminue en rien les chances d’être exposé à l’avenir à la précarité, puisque l’expérience de caissière n’est absolument pas valorisée sur le marché du travail.

Tu refuses de dire que les salariées sont «  aliénées  ». Mais en revanche tout est fait pour les «  coincer  ».

Il y a une certaine tradition marxiste, notamment dans ses versions althussérienne et bourdieusienne, qui s’échine à expliquer la faiblesse de la lutte des classes par l’aliénation et qui donne comme tâche aux organisations de faire prendre conscience aux individus de leur situation de classe. Au-delà du caractère un peu condescendant de ce présupposé de la servitude volontaire, du consentement à la domination, d’un peuple qui aime ses chaînes et ses chefs, je ne pense pas que l’aliénation permette de décrire la situation de la plupart des salariés. La lucidité est une qualité très bien partagée. Je n’ai pas rencontré de caissières pensant que la répartition des profits au sein du groupe soit juste ni de cadres ignorant que ce sont les actionnaires qui décident en dernière instance de ses orientations stratégiques.

La pacification n’est pas le résultat de l’adhésion idéologique des salariés aux finalités de l’entreprise. Elle est un processus continu de multiplication des liens entre les individus, qui finit par créer une toile suffisamment dense pour qu’il devienne très difficile pour quiconque de s’en extirper. Les individus sont plus coincés que convaincus. Ce que le patronat cherche à obtenir, ce n’est pas tant leur adhésion que leur travail effectif. Les stratégies patronales neutralisent les salariés plus qu’elles ne les soumettent, en les immobilisant. Si l’on ne se révolte pas, ce n’est pas car l’on pense que sa situation est juste, mais parce qu’il ne nous semble pas possible d’obtenir davantage. Plutôt que d’essayer de convaincre de l’injustice ceux qui le sont déjà, il me paraît plus efficace de décrire les dispositifs pratiques mis en place dans les entreprises pour empêcher la contestation et surtout les marges de manœuvre pratiques que les résistances peuvent investir.

Parfois, à te lire, entre les stratégies du management et la précarité des salariées, on a le sentiment que la lutte collective est fort improbable.

La grande distribution emploie plus de 600 000 personnes en France, très majoritairement des femmes, d’âge intermédiaire donc souvent en charge de jeunes enfants, avec des horaires de travail très flexibles, autant d’éléments qui rendent difficile l’organisation d’actions collectives. Traditionnellement, le niveau de conflictualité professionnelle était donc très faible, tout comme le taux de syndicalisation qui se situe autour de 2, 7 %. D’autant que les organisations syndicales du secteur ont une longue histoire de coopération avec le patronat.

Pourtant, depuis le milieu des années 2000, les choses changent. On a vu apparaître les premières journées inter-enseignes de grève collective (le 1er février 2008), une journée d’action a été organisée le 8 avril 2011 chez Carrefour, en juillet 2011 chez Auchan et en avril 2013 chez Casino. Le patronat qui, jusqu’au changement d’actionnaires, avait fait le choix d’acheter la paix sociale, trouve aujourd’hui son prix trop élevé. Pour ne pas perdre leur crédit auprès des salariés, les organisations syndicales sont du coup de plus en plus poussées à se radicaliser et à opter pour des stratégies plus clairement contestataires. Propos recueillis par Yann Cézard

Notes:

Entretien avec Marlène Benquet. La sociologue Marlène Benquet vient de publier Encaisser  !, une étude, menée de l’intérieur d’un célèbre grand groupe international de la distribution qu’elle a pudiquement rebaptisé «  Batax  ». Un témoignage parfois sidérant dans les cuisines de l’exploitation [1].

[1] A lire également de l’auteure  : Les Damnées de la caisse. Grève dans un hypermarché (Editions du Croquant, 2011).

 Paru dans la revue L’Anticapitaliste (France) n° 48, novembre 2013.

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30725

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