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27 février 2025 ~ 0 Commentaire

Ammoniac (FR 3)

Timac Agro a été reconnue coupable d'avoir dépassé les seuils de rejets d'ammoniac à Saint-Malo et a été condamnée à 10 000€ d'amende.

Timac Agro a été reconnue coupable d’avoir dépassé les seuils de rejets d’ammoniac à Saint-Malo et a été condamnée à 10 000€ d’amende. • © Marc OLLIVIER / MAXPPP

Timac-Agro condamné pour ses rejets d’ammoniac : les écologistes bretons ne lâchent pas leur lutte contre ce gaz polluant

Timac Agro, l’industriel breton spécialisé dans la production d’engrais, vient d’être reconnu coupable de pollution à l’ammoniac à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Les associations écologistes bretonnes à l’initiative des signalements se félicitent de cette condamnation, alors que la lutte contre ce gaz polluant représente un enjeu régional majeur.

L’industriel Timac Agro, envoyé devant la justice par l’association Osons ! pour des dépassements de seuils de rejets d’ammoniac fin 2019 et début 2020 à Saint-Malo, vient de reconnaître sa faute devant la justice.

La filiale du groupe Roullier, spécialisée dans la production d’engrais et implantée dans la zone industrielle de la cité corsaire, a été condamnée à 10 000€ d’amende devant le tribunal de Saint-Malo, dans le cadre d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

« Pour la première fois, nous sommes dans une procédure où la Timac reconnaît sa culpabilité » se félicite Alain Guillard, Président de l’association « Osons ! », qui avait porté plainte contre l’industriel après le non-respect des obligations de seuil maximal de rejet d’ammoniac (Nh3) dans l’air à maximum 50mg/m3, fixé par la Préfecture d’Ille-et-Vilaine.

Malgré plusieurs alertes et une mise en demeure des services de l’Etat en 2018, Timac Agro avait continué ses rejets de gaz polluant. « Les rejets d’ammoniac 2017/2018 atteignaient 641 mg/m3 presque 13 fois plus que la norme. Ce record était battu en 2019, année durant laquelle le seul mois sans dépassement était un mois sans activité (mai) » s’indignait « Osons ! » qui dénonce, avec d’autres associations environnementales, des risques pour l’environnement et pour la santé publique.

L’ammoniac ou Nh3 est un gaz incolore, mais qui s’avère toxique, d’autant plus qu’il « peut se recombiner dans l’atmosphère avec des oxydes d’azote et de soufre pour former des particules fines, pouvant être responsables de graves problèmes de santé » comme l’explique l’Agence de la transition écologique (ADEME).

« La Bretagne est soumise à une surpollution à l’ammoniac »

Mais la bataille juridique entre Timac Agro et les associations écologistes Osons !, Eaux et Rivières et Bretagne Vivante (qui ont également porté plainte sur les infractions environnementales) n’est pas encore terminée.

Tout d’abord, la Timac peut encore faire appel de la condamnation prononcée ce mercredi 26 février 2025. Ensuite, le jugement de l’action civile de l’infraction, qui doit déterminer les montants des dommages et intérêts, a été renvoyé en novembre 2025. Enfin, les associations environnementales et les riverains exposés au Nh3, dont certains se plaignent de picotements dans les yeux et de difficultés respiratoires, entendent bien continuer le combat contre la pollution de l’air à l’ammoniac à Saint-Malo et plus largement en Bretagne.

« On ne lâche pas l’affaire. On voit que la mobilisation citoyenne fait bouger les choses et la santé est une préoccupation primordiale » lance Rozenn Perrot, membre du conseil d’administration d’AirBreizh et bénévole d’Eaux et Rivière qui suit de près le dossier Timac.

Car l’enjeu est de taille, d’autant plus sur le territoire breton. « Avec 17% des émissions régionales en 2018, la Bretagne est la première région émettrice d’ammoniac alors que la région ne représente que 5% de la population et de la superficie de la France » interpelle AirBreizh, dans une enquête du média Splann!.

« La Bretagne est soumise à une surpollution de l’air liée à l’ammoniac, qui est le résultat du système agro-industriel breton. Dans la région, plus de 99% des émissions d’ammoniac proviennent de l’agriculture. Comme les algues vertes, la pollution à l’ammoniac remet en cause le modèle agricole breton » affirme Rozenn Perrot.

De nouvelles études attendues

L’étude la plus récente de la pollution de l’air au Nh3 en Bretagne menée par AirBreizh, réalisée sur la période 2008 – 2018, n’indique « aucune tendance à la baisse des rejets d’ammoniac en Bretagne pour le moment, puisque l’évolution 2008-2018 des émissions est stable (1%)« .

De nouvelles données sont attendues d’ici le mois de mai, avec les résultats des capteurs fixes de Saint-Malo et Merléac et de dispositifs mobiles.

« Nous sommes en train de finaliser les études des relevés entre 2018 et 2022. Nous avons été confrontés à des difficultés d’inventaire car chaque appareil de mesure en temps réels coûte 70 000€ et est donc difficile à acquérir. Et aussi, car nous suivons nous-même le site de Saint-Malo seulement depuis juin 2024, car la Timac n’avait pas déclaré ses émissions » précise Gaël Lefeuvre, directeur d’AirBreizh.

À terme, les associations écologistes aimeraient multiplier les points de mesure pour mieux quantifier la pollution à l’ammoniac dans la région, notamment dans certains secteurs agricoles. « Nous aimerions que des capteurs fixes soient installés par exemple au nord de Brest, où on recense de nombreuses fermes à cochons, pour mesurer l’ammoniac issu de l’agriculture, souligne Rozenn Perrot. Dans tous les cas, nous restons mobilisés et en surveillance contre la pollution à l’ammoniac dans la région« .

  Lucas Hobe  27/02/2025

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30 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

Marine Calmet (Reporterre)

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Marine Calmet : « Les actions criminelles pour notre avenir sont parfaitement légales aujourd’hui »

La nature doit être protégée par des droits fondamentaux, comme les humains, plaide la juriste en droit de l’environnement Marine Calmet. En ce sens, inspirons-nous des peuples autochtones, appelle-t-elle.

Marine Calmet est juriste et spécialiste des droits de la nature. Elle préside l’association Wild Legal et vient de publier Décoloniser le droit (éd. Wild Project).

Reporterre — Vous êtes engagée pour la reconnaissance des droits de la nature. Comment définissez-vous ce mouvement ?

Marine Calmet — C’est un mouvement juridique mondial qui allie une nouvelle perspective en termes d’éthique environnementale et un nouveau concept de hiérarchie juridique. Il s’agit de faire reconnaître que la nature est l’ensemble des entités qui composent une communauté de vie. Elle est sujet de droit, mais aussi titulaire de droits fondamentaux qui lui sont propres. Il s’agit donc de reconstruire un édifice juridique sur la base d’une coexistence avec les autres êtres vivants et de faire en sorte que nos droits et nos libertés cessent d’écraser le monde vivant

Nos droits à nous, les humains ?

Oui, puisqu’aujourd’hui nous sommes les seuls êtres titulaires de droits fondamentaux. D’ailleurs, cela a pris énormément de temps pour que tous les êtres humains puissent bénéficier de la qualité de sujet. Christopher Stone, un des fondateurs du mouvement des droits de la nature, rappelle que le statut des esclaves noirs a longtemps été celui de bien possédé, que dans le droit romain les enfants étaient la propriété du père, et qu’il a fallu un temps extrêmement long pour reconnaître des droits aux femmes.

Dans Décoloniser le droit, vous rappelez la grande division dans le droit romain entre les êtres humains et les choses.

C’est la summa divisio. Il y a d’un côté la catégorie des personnes : les êtres humains, les personnes physiques et, ce qui est venu bien plus tard, les fictions juridiques que sont les personnes morales, les entreprises, les associations. Et il y a l’ensemble du reste du vivant, les objets, les choses, les services écosystémiques, la marchandise, les ressources dont nous avons banalisé l’usage, l’exploitation et la destruction.

C’est un regard binaire sur le monde : soit les personnes, soit les choses. En parlant de « choses », nous les objectivons et leur enlevons la qualité de sujet. Je tire un parallèle avec la colonisation française, parce qu’elle est une négation de l’autre. Les colons sont arrivés dans les pays colonisés, notamment en Guyane française, avec l’idée qu’il n’y avait personne, et ils se sont approprié la terre. Le lien avec les droits de la nature est évident parce que nous, êtres humains, nions l’existence des autres et pourtant nous habitons cette terre avec eux.

Les droits de la nature sont le droit des non-humains. Que signifie par exemple le droit d’un fleuve ?

La reconnaissance de personnalité juridique des fleuves, des forêts ou des montagnes prend des formes très diverses. Il y a une richesse et une profondeur d’analyse, une adaptation du droit qu’on ne retrouve pas dans le droit occidental. Dans les droits de la nature, on se place dans la position subjective d’un fleuve dont il faut connaître l’histoire. En Nouvelle-Zélande, par exemple, le fleuve Whanganui a certains droits qui sont protégés par les peuples maoris. Là où, en Colombie, le fleuve Atrato a été reconnu sujet de droit, titulaire de droits différents et défendus différemment par d’autres cultures.

Un fleuve est une communauté de vie. Il est composé d’eau, mais aussi de berges, de ripisylve, de tout un tas d’êtres qui vivent avec et dans lui. Cette communauté de vie est une personne morale, juridique, un groupement d’êtres. Et celui-ci est titulaire de droits à l’existence, à la santé, à la régénération de ses cycles de vie. De la même manière qu’on pense une entreprise non pas comme une personne unique mais comme un ensemble de personnes agissant dans un intérêt commun, partageant les dettes, les avantages, les bénéfices et les pertes. La nature, c’est pareil. Nous partageons les pertes et les bénéfices, mais sans nous en rendre compte, parce que cette interdépendance avec le vivant a été invisibilisée. Pourtant, elle est là.

Cette société que nous formons avec le vivant doit désormais être titulaire d’une personnalité propre et bénéficier d’une protection de droits fondamentaux. Le mouvement des droits de la nature ne fait pas de distinction entre droits humains et droits de la nature.

En quoi certains usages d’un fleuve, comme l’extraction de l’or pour fabriquer des bijoux, sont-ils moins légitimes que ceux qu’en ont les communautés qui vivent directement du fleuve ?

En Équateur, premier pays à reconnaître officiellement les droits de la nature dans sa Constitution en 2008, le juge apprécie les activités au regard de la légitimité. Celle-ci est définie comme ce qui est fondamentalement utile à l’être humain pour sa survie, pour la couverture de ses besoins essentiels, l’alimentation notamment, et qui entre en concurrence avec les droits de la communauté. Il peut effectivement y avoir violation des droits de la nature, mais pour un intérêt légitime. C’est une histoire de compromis.

En revanche, lorsqu’il s’agit d’un besoin non essentiel, non vital, purement spéculatif et qui a pour conséquence une destruction massive de la nature, le juge dit qu’il y a incompatibilité sur le plan constitutionnel.

Les juges ont ainsi la capacité d’apprécier la légitimité de l’intrusion dans les droits d’une communauté vivante pour des besoins qui sont souvent des intérêts corporatistes, capitalistes, industrialisés et qui n’ont, au regard des besoins propres des communautés locales, aucune légitimité. Pour chaque cas, il y a une recherche d’un modèle de gouvernance au plus proche de l’histoire des besoins de l’identité locale.

N’y a-t-il pas une contradiction entre l’approche de l’anthropologue Philippe Descola, pour qui la nature est une invention de la modernité occidentale au XVIIᵉ siècle, et la vôtre, qui insiste sur le concept de nature à laquelle il faut donner un droit ?

Le mouvement des droits de la nature est extrêmement divers. À tel point qu’il y a beaucoup de territoires où les initiatives de ce qu’on appelle le « mouvement des droits de la nature » ne prennent pas cette dénomination. En Équateur, on parle des droits de la Terre-Mère, de la Pachamama. Cela incarne quelque chose de radicalement différent, à la fois d’un point de vue de la culture occidentale, mais aussi d’un point de vue de la cosmovision.

« L’idée n’est pas de séparer l’humain et la nature, mais de penser les milieux »

En Inde par exemple, Vandana Shiva utilise le terme de « Mother Earth » et parle de familles vivantes et de communautés vivantes. Cette pensée irrigue le mouvement des droits à la nature. En Europe, nous avons fait le pari de continuer à utiliser le terme de « nature » parce que nous n’avons pas de référentiel qui nous amènerait à sortir par un autre mot de la question de la « nature » versus la « culture ».
Est-ce que Gaïa pourrait être ce référentiel, comme le suggère le sociologue Bruno Latour ?

C’est peut-être une question générationnelle, mais j’utilise peu ce terme. En revanche, je suis très friande de la pensée de Glenn Albrecht [un philosophe de l’environnement] et de sa théorie selon laquelle il faut inventer de nouveaux mots. À défaut d’avoir un mot, nous utilisons celui de « nature » dans le mouvement des droits de la nature.

En tant que juriste, nous nous demandons quelle sera la stratégie. Les droits de la nature ont connu deux chemins stratégiques : soit une reconnaissance globale, comme les droits de la Terre-Mère, la Pachamama en Équateur, soit une représentation et une reconnaissance locale, tels que les droits du Whanganui, de la rivière Yamuna et du glacier Gangotri en Inde. En France, la question est de savoir si la nature sera reconnue comme un sujet de droit titulaire des droits fondamentaux dans la Constitution. Ou cela se fera-t-il par paliers ? Pour l’instant dans notre pays, le mouvement se matérialise par la reconnaissance des droits de certaines forêts, de certains fleuves. Il y a des collectifs sur la Durance, la Garonne, la Seine.

Stratégiquement, cela commencera probablement par ces tentatives locales. L’idée n’est pas de séparer l’humain de son milieu ou de séparer l’humain et la nature, mais de penser les milieux. C’est ce que font la plupart des activistes et des militants sur le terrain, ils pensent à partir de leur milieu.

Chez les peuples autochtones, il y a souvent des chamanes qui sont des intermédiaires entre la communauté des humains et celle des autres êtres vivants. Nos chamanes à nous, ce sont les scientifiques, celles et ceux qui, en s’appuyant sur une méthode, expriment de façon occidentale les besoins de la nature et nous permettent de comprendre le fonctionnement, les interactions des écosystèmes et des entités qui nous entourent. Sauf que nous, nous n’écoutons pas nos chamanes…

Non, pas du tout. Enfin, certains ne veulent pas les écouter. Parce que beaucoup de gens ont besoin de science et sont alertés par les faits scientifiques. Mais ceux qui nous gouvernent n’en tirent pas l’application qu’ils devraient. La place des chamanes dans un village traditionnel autochtone est très importante, il fait cohabiter les humains avec les autres humains, que ce soient les générations passées, les morts, les générations à venir, mais aussi les humains et les non-humains.

Dans notre société, les scientifiques alertent et essayent de faire le lien entre ce qu’ils observent, ce qu’ils calculent, comme les modifications de notre climat, l’effondrement de la biodiversité, et nous. Or, les alertes des scientifiques ne sont pas écoutées et les représentants politiques font le choix du scénario catastrophe. Il y a une réelle urgence à revoir notre modèle juridique. Parce que les actions qui sont criminelles pour notre avenir sont parfaitement légales aujourd’hui. Nous n’avons pas les outils juridiques pour faire face.

Ne sommes-nous pas démunis face à cette puissance destructrice de gens qui n’entendent rien et n’écoutent pas les scientifiques ?

Effectivement, nous perdons une bataille. Aussi parce qu’il y a une remise en question de nos modèles démocratiques, une montée des extrêmes, une banalisation de la violence et de plus en plus de phénomènes politiques qui vont à l’encontre de nos intérêts humains et de la protection du vivant. C’est parce que la bataille politique est en train d’être perdue que je crois au mouvement des droits de la nature. Au lieu de vouloir fournir une réponse globale, les initiatives locales vont montrer de nouvelles voies et construire des alternatives. Je suis très inspirée de Vandana Shiva qui dit que plus nous pensons à l’échelle globale, plus nous nous démunissons de notre capacité d’action.
Sur le plan juridique, quel changement faut-il opérer ?

Le droit actuel conçoit un modèle dans lequel il est possible de détruire encore et encore. Il faut chercher à concevoir un modèle dans lequel tuer, détruire et piller n’est plus tolérable, dans lequel l’existence est protégée et garantie. Transmettre aux générations futures est l’alpha et l’oméga. Non seulement nous savons le faire juridiquement, puisque cela a déjà été fait par des générations de peuples autochtones, et, en plus, c’est notre seul outil concevable pour protéger nos droits fondamentaux. Il ne s’agit pas de penser un retour à d’autres droits qui seraient totalement différents du nôtre, mais de s’inspirer des droits des peuples autochtones pour en faire une transition radicale au service de ce que l’on appelle la « transition écologique ».

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26 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

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« La détresse sociale va augmenter » : face aux coupes budgétaires, les collectivités locales

Les régions, départements, villes et communautés d’agglomération doivent économiser 5 milliard d’euros, selon le projet de budget 2025 du gouvernement. Les élus s’alarment des conséquences.
Gervais Egault est particulièrement remonté. Le président de Lannion-Trégor Communauté (LTC), qui regroupe 57 communes de l’ouest des Côtes-d’Armor, estime qu’il va perdre « 3,2 millions d’euros de recettes en 2025″. Cette somme est due aux économies de 5 milliards d’euros (dont 2 milliards pour les 450 plus grandes collectivités) réclamées par le gouvernement dans son projet de budget 2025, ainsi qu’aux baisses de certaines dotations précédemment annoncées.
Si certaines dépenses essentielles, comme la gestion des déchets, sont sanctuarisées, les élus trégorrois ont déjà décidé de « suspendre les recrutements en cours et les embauches », explique Gervais Egault. Mais la baisse des recettes prévue par le projet de loi examiné désormais au Sénat se fait surtout ressentir sur les investissements futurs.

La grogne est d’autant plus forte que, contrairement à l’Etat, les collectivités locales ne peuvent pas adopter de budget déficitaire, selon le code général des collectivités territoriales. Or, une fois les dépenses de fonctionnement et les missions essentielles financées, il ne reste que peu de marge aux élus locaux pour trouver des fonds.

« C’est simple, avec ces coupes, nos capacités d’autofinancement tombent », résume Gervais Egault. Celui qui est également maire de Louannec compte « étaler les projets dans le temps et les limiter au strict nécessaire ». Il veut ainsi maintenir la transformation de friches industrielles en campus, mais la réhabilitation du Carré magique de Lannion, scène nationale de cirque, risque d’être remise en cause. « Tous ces investissements qu’on ne fait pas sont autant d’emplois locaux qui seront touchés », se désole le Breton.

De nombreuses dépenses intouchables

Comme lui, les responsables des collectivités locales (régions, départements, agglomérations et villes) s’inquiètent des conséquences des coupes budgétaires demandées par le gouvernement. Ils les ont même réévaluées à 10 ou 11 milliards, en comptant les prélèvements de l’Etat sur les recettes, mais aussi la baisse de dotations, comme le non-versement d’une partie du fonds de compensation de TVA ou la baisse du Fonds vert, ainsi que l’explique l’Association des maires de France.

Au nord-ouest de l’Hexagone, le président de la Région Normandie, Hervé Morin, s’apprête, lui, à baisser le montant de ses subventions « de 5% à 10%, là où l’on peut ». L’élu centriste rapporte un effort de 700 millions d’euros à trouver, pour un budget de « 2,3 milliards d’euros, dont 1,7 milliard de dépenses intouchables, comme les lycées et les transports ». Où récupérer cet argent ? « Nous avons réduit de 15% notre participation aux contrats territoriaux, qui financent notamment de nouveaux gymnases et piscines. Nous avons aussi décidé de ne pas contribuer à de nouveaux programmes routiers », détaille-t-il.

Partout en France, des régions et des départements traquent les dépenses qui sortent de leurs obligations légales. Ils doivent mener de nombreuses missions obligatoires : versement du RSA, gestion des enfants placés, des Ehpad pour l’échelon départemental, des lycées et des transports pour le niveau régional…

« Nos budgets sont très contraints, 70% de nos dépenses sont des missions sociales que l’on ne pilote pas vraiment. Je ne peux pas dire : ‘J’arrête d’accueillir les enfants placés’ », souligne Frédéric Bierry, président de la collectivité européenne d’Alsace. L’élu estime qu’il va perdre « 300 millions de capacités budgétaires pour un budget d’environ deux milliards par an ». La chasse aux économies doit se faire « sur chaque politique », estime l’élu Les Républicains.

« Il va falloir se demander ce que l’on coupe : par exemple, je vais proposer d’arrêter la subvention du Racing Club de Strasbourg. Cela représente 100 000 euros, mais ce n’est qu’une goutte d’eau. »  Frédéric Bierry, président de la communauté européenne d’Alsace à franceinfo

Le département d’Ille-et-Vilaine est confronté à une situation similaire. « Malheureusement, l’essentiel des efforts ne peuvent être trouvés que sur des compétences qui ne sont pas obligatoires, même si elles sont essentielles« , explique son président Jean-Luc Chenut. Ce sont donc « le sport, la culture, la jeunesse, la santé, l’action en matière de biodiversité et pour le monde associatif qui vont être touchés », détaille le socialiste. L’élu, qui explique devoir économiser « 50 millions d’euros en 2025″, s’inquiète aussi des coupes « dans les aides du département versées aux communes et intercommunalités ».

Un « impact économique récessif important »

Les gros projets, comme la rénovation thermique d’un bâtiment, la remise en état d’une route ou l’ouverture d’une salle de spectacle, sont fréquemment financés par plusieurs strates, allant de la commune à l’Etat, voire l’Union européenne. Avec le désengagement de l’un des acteurs, l’entièreté du projet risque dès lors d’être remise en cause. Les ambitions cyclables du département breton pourront-elles se poursuivre, avec l’abandon du plan vélo par l’Etat et la baisse des ressources des agglomérations et municipalités ? Pas forcément, « mais on va devoir étaler d’un an ou deux ans des projets qui étaient dans les tuyaux », répond Jean-Luc Chenut.

Un risque que Virginie Carolo-Lutrot, présidente de Caux Seine Agglo et maire de Port-Jérôme-sur-Seine (Seine-Maritime), a bien en tête. « Je mesure les choses en réfléchissant au coût de l’inaction », explique-t-elle quand elle évoque les choix à faire. L’élue a par exemple remis à plus tard la rénovation de son hôtel de ville.

« Finalement, cela me coûte moins de ne pas rénover que de ne pas faire venir des médecins ou investir dans l’emploi. » Virginie Carolo-Lutrot, présidente de Caux Seine Agglo à franceinfo

Dans le Sud-Ouest, Jean-René Etchegaray, maire de Bayonne et président de la communauté Pays basque, pense déjà aux conséquences. « Le monde de l’entreprise risque de souffrir. En France, 70% de la commande publique vient des collectivités territoriales », rappelle-t-il. Une note de la fondation Jean-Jaurès publiée le 19 novembre prévoit d’ailleurs une chute de 12 milliards d’euros de l’investissement des collectivités locales en 2025, évoquant « un impact économique récessif important ».

« Je m’inquiète aussi, au niveau municipal, de notre capacité à rembourser les emprunts de projets en cours de finalisation », souffle Jean-René Etchegaray, alors que les mandats des élus s’achèveront courant 2026. Pour préparer les esprits, le centriste a déjà commencé à faire « le tour des assemblées générales des associations pour prévenir que les subventions seront diminuées ».

« L’Etat se désengage pour un certain nombre des acteurs que nous accompagnons, ils aimeraient que la Région vienne compenser, mais on ne pourra pas le faire », lâche quant à elle Sandrine Derville, vice-présidente socialiste en charge des finances pour la Nouvelle-Aquitaine. L’exécutif régional a calculé qu’il devrait économiser « 108 millions d’euros » l’année prochaine.

La crainte d’une défiance envers les institutions

Là encore, certaines missions sont intouchables, tel « le rail, puisque nous sommes liés à un contrat avec la SNCF sur plusieurs années ». « Notre priorité reste de préserver l’économie et l’emploi, alors que l’on sait que des plans sociaux vont advenir dans les mois qui viennent, mais aussi la transition agricole et écologique », ajoute Sandrine Derville. Les économies viendront plutôt de l’abandon du « soutien aux grands projets industriels » et de « la poursuite du moratoire sur les aides aux grands groupes ». Si elle promet de tout faire pour préserver les services publics, elle craint que « les collectivités soient forcées, de façon injuste, de les dégrader ». De quoi « générer un sentiment de mécontentement et d’abandon », estime la vice-présidente.

« Le risque est d’augmenter la détresse sociale », abonde Gervais Egault. Régis Banquet, président de Carcassonne Agglo, redoute, lui, que cela renforce « la défiance envers les institutions et favorise un comportement électoral néfaste pour le pays », soit, aux yeux de l’élu socialiste, les extrêmes. Jean-Luc Chenut identifie un autre danger : voir les Français « consentir de moins en moins à l’impôt ».

Cette grogne a déjà poussé le gouvernement à réagir. Le Premier ministre a ainsi dévoilé cinq mesures d’atténuation à destination des départements le 15 novembre, dont la réduction de la contribution au fonds de réserve et le relèvement de 0,5 point pour trois ans du plafond des droits de mutation à titre onéreux, prélevés sur les transactions immobilières.

Michel Barnier a également tâché de rassurer les maires quelques jours plus tard, affirmant que « les communes et collectivités » n’étaient pas responsables du déficit. Les pistes avancées par le chef de l’exécutif doivent être validées par les sénateurs, qui examinent le projet de budget jusqu’au 12 décembre, avant probablement une commission mixte paritaire pour trouver un compromis entre les deux chambres, et un retour à l’Assemblée nationale qui s’annonce explosif.

Fabien Jannic-Cherbonnel

https://www.francetvinfo.fr/

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17 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

USA (Solidarity)

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Élection 2024 aux États-Unis : Première réponse

Élection 2024 aux États-Unis : Première réponse «Il ne devrait pas être surprenant qu’un parti démocrate qui a abandonné la classe ouvrière se retrouve abandonné par la classe ouvrière. Alors que les dirigeants démocrates défendent le statu quo, le peuple américain est en colère et veut du changement. Et il a raison». – Bernie Sanders

Les élections américaines de novembre ont donné lieu à une large victoire de l’extrême droite, non seulement aux États-Unis, mais aussi à l’échelle internationale. Elle a provoqué une onde de choc non seulement dans la direction du Parti démocrate, mais aussi dans les forces progressistes et les mouvements pour la justice raciale, autochtone et de genre.

Certes, la victoire décisive de Trump a permis d’écarter les craintes de chaos post-électoral et de crise constitutionnelle – et toutes les accusations concoctées par la droite de « fraude électorale massive » se sont évaporées comme la rosée du matin. Nous pouvons également tirer un trait sur l’héritage présidentiel durable de Joe Biden : valider le génocide de Gaza, s’accrocher à sa campagne de réélection bien au-delà de la date de péremption, et porter Trump au pouvoir.

Les conséquences pourraient être tout aussi désastreuses que le prédisent de nombreux commentateurs. C’est certainement vrai pour le peuple palestinien qui subit le génocide l’État d’Israël, soutenu par les États-Unis, très probablement pour la lutte de l’Ukraine pour se défendre de l’invasion russe, sans aucun doute pour les communautés d’immigrants aux États-Unis qui font face à un nouveau règne de la terreur, et pour les étudiants et les professeurs activistes pro-palestiniens qui font face à la répression sur les campus, ainsi qu’aux menaces imminentes pour les mouvements antiracistes, pro-LGBTQ et pour les droits des transsexuel·les. Elle accélérera également – nous ne savons pas dans quelle mesure – l’apocalypse du changement climatique mondial.

Il y a beaucoup à dire sur tout cela, et nous ne pouvons qu’en effleurer une partie dans cette première réponse.

Mais nous devons commencer par un dilemme que la victoire de Trump/MAGA présente bien au-delà de la défaite d’une présidence Biden stagnante : Pour ceux d’entre nous qui font partie du mouvement socialiste, la lutte et l’auto-activité de la classe ouvrière sont l’élément déterminant pour obtenir des gains sérieux et durables. Pourtant, la réalité d’aujourd’hui est qu’une minorité substantielle de travailleurs aux États-Unis – en grande partie, mais pas seulement, parmi les travailleurs blancs- a été amenée à voter pour un programme profondément réactionnaire. Selon certaines sources, la moitié des membres des syndicats du Michigan ont soutenu Trump.

Les travailleurs qui ont voté pour Trump ne s’identifient pas nécessairement aux politiques sociales vicieuses de l’extrême droite. Il est tentant, et en partie valable, d’attribuer le résultat de l’élection à la suprématie de la race blanche – mais après tout, il s’agit d’une réalité constante aux États-Unis, qui n’explique pas de manière adéquate le résultat de 2024. Si cette élection a tourné autour d’une question centrale, c’est bien celle de l ‘inflation, dans le sillage de la dislocation de la vie des gens par le Covid.

Les appels racistes anti-immigrants ont clairement été une force mobilisatrice à droite, et le restent évidemment, mais les sondages électoraux ont indiqué qu’ils n’étaient pas l’essentiel – comme c’était également le cas pour les craintes très réelles concernant l’avenir de la démocratie qui ont motivé une grande partie du vote démocrate.

La désertion du Parti démocrate par la classe ouvrière n’est pas une nouveauté. Elle apparaît dans les élections depuis les années 1980, s’est accélérée pendant les décennies désastreuses du « néolibéralisme » et se manifeste aujourd’hui. Dans le même temps, l’aliénation politique est largement répandue au sein de la population. En 2024, le vote Trump n’a pas beaucoup changé, avec environ 72 millions de voix (contre 74 millions en 2020), tandis que le vote présidentiel des démocrates a chuté de 13 millions de voix, passant de 81 millions en 2020 à 68 millions.

Alors même que nous nous préparons à rejoindre la résistance, par tous les moyens disponibles, à l’assaut qui s’annonce contre les mouvements progressistes et les populations vulnérables, la gauche socialiste doit accepter les tendances politiques à droite au sein d’une grande partie de la classe ouvrière et analyser clairement la manière dont elles pourraient être inversées.

L’extrême droite elle-même fera une partie du travail – puisque les tarifs douaniers de Trump, les réductions d’impôts pour les riches et les attaques contre les programmes et services essentiels victimisent des millions de personnes qui ont voté pour lui. Mais cela ne fera pas automatiquement évoluer les classes populaires vers la gauche, en particulier lorsque tant de personnes réagissent aux crises de leur vie en tant qu’individus et familles isolés plutôt qu’en tant que classe organisée.

La débâcle des démocrates

Nous n’ignorons pas les graves pressions exercées sur la vie des gens par la pandémie de Covid, en particulier l’inflation corrosive qui en a résulté (faussement imputée par la droite, bien sûr, aux « dépenses publiques effrénées »). Mais nous pensons que le sénateur Bernie Sanders met précisément le doigt sur la raison fondamentale pour laquelle une grande partie de la classe ouvrière a « abandonné » les démocrates.

Il est trop facile de se concentrer sur des questions secondaires et des maladresses tactiques. Bien sûr, l’establishment démocrate a dissimulé le déclin de Biden pendant bien trop longtemps. Bien sûr, leur refus, lors de la convention, d’autoriser le moindre discours d’un délégué palestino-américain était une rebuffade cynique, lâche et raciste – qui aurait pu être fatale si l’élection s’était révélée beaucoup plus serrée et si le vote arabo-américain et progressiste avait été décisif.

Mais nous devons comprendre pourquoi la campagne de Kamala Harris – qui n’a pas été conçue par Harris mais par la même clique de consultants d’entreprise qui perçoivent leurs honoraires exorbitants après chaque défaite – a été si insipide. Harris s’est focalisée sur la seule question de fond du droit à l’avortement, qui a bien sûr une résonance, ainsi que sur le fait qu’elle n’est pas Donald Trump, et sur très peu d’autres choses.

Son programme économique se résumait à des phrases creuses sur les « opportunités », avec des gestes de campagne en faveur des syndicats – mais rien sur la loi PRO (Protect the Right to Organize) que les démocrates n’ont pas réussi à faire passer, sur l’augmentation du salaire minimum au niveau de la pauvreté, ou sur la lutte contre les inégalités obscènes qui existent dans le pays. Plutôt que d’adhérer au message de Bernie Sanders qui s’attaque au pouvoir des entreprises, elle (c’est-à-dire les consultants professionnels qui ont façonné la campagne) a choisi de tourner avec Liz Cheney, proposant essentiellement un gouvernement de coalition avec les républicains qui ne font pas partie de Trump.

Sa promesse de « construire l’armée la plus meurtrière du monde » tournait le dos à la base électorale progressiste, et à toute circonscription populaire. Il s’agissait de la promesse faite par les démocrates à la classe dirigeante d’être le principal parti de l’impérialisme américain. La promesse démagogique et mensongère de Trump de « mettre rapidement fin aux guerres » en Ukraine et au Moyen-Orient a peut-être été mieux perçue par certains électeurs.

Pour être clair, nous ne saurons jamais si une campagne véritablement progressiste (ou même une campagne traditionnelle de type New Deal) aurait vaincu Trump et les Républicains MAGA. Il aurait difficilement pu faire pire que le Parti démocrate, qui n’a absolument pas mené une telle campagne. Et il n’y a pas la moindre raison de penser qu’il le fera un jour.

Sanders a mis le doigt sur le problème lorsqu’il a conclu : » Les grands intérêts financiers et les consultants bien payés qui contrôlent le Parti démocrate tireront-ils de véritables leçons de cette campagne désastreuse ? Ont-ils des idées sur la manière dont nous pouvons nous attaquer à l’oligarchie de plus en plus puissante qui détient tant de pouvoir économique et politique ? Probablement pas ».

Dystopies à venir

La nouvelle présidence Trump commencera sans aucun doute à réaliser ses promesses de campagne aux intérêts des entreprises, de la haute technologie et des crypto-monnaies : nouvelles réductions d’impôts, déréglementation, démantèlement des protections environnementales qui sont déjà désastreusement insuffisantes, etc.

Les conséquences de ces mesures – pour le déficit budgétaire fédéral et la dette nationale, pour la catastrophe climatique en cascade – se feront sentir dans les années à venir. Des promesses telles que la nomination du fanatique anti-vaccination Robert Francis Kennedy Jr. à la tête des agences de santé publique et d’Elon Musk à la tête d’une nouvelle commission de réduction des budgets auraient également des conséquences médicales et sociales à long terme.

Ce qui n’est pas clair, c’est si Trump passera rapidement à la mise en œuvre de mesures telles que d’énormes droits de douane qui déstabiliseraient immédiatement l’économie et les relations internationales, et « le plus grand programme de déportation de l’histoire » qui coûterait des dizaines de milliards, pourrait provoquer des bouleversements et de la violence, et avoir un impact sérieux sur des pans de l’économie agricole, des services et même de l’économie industrielle.

En bref, il pourrait y avoir une concurrence entre les éléments du programme de Trump – la cupidité pure et simple des entreprises d’une part, et les politiques plus folles et plus idéologiques qui pourraient prématurément saper le soutien de la nouvelle administration (compte tenu des impulsions erratiques de Trump et de certains signes de déclin, le chef de cabinet de la Maison Blanche pourrait jouer un rôle décisif).

Il s’agit là de spéculations, mais en tout état de cause, les défis auxquels la gauche est confrontée sont considérables. Il est certain que la construction d’une résistance contre les menaces anti-immigrés et les déportations massives doit être une priorité de premier ordre pour les progressistes !

Il est regrettable que l’espoir d’une modeste percée du Parti vert ne se soit pas concrétisé au niveau national – bien que le potentiel ait été perçu dans un endroit comme Dearborn, Michigan, où la rage entièrement justifiée des communautés arabo-américaines et musulmanes contre le génocide de Joe Biden et la destruction de Gaza s’est manifestée par un soutien de 18 % à la candidate verte Jill Stein.

L’incapacité de la gauche à forger une alternative crédible au duopole des partis capitalistes explique en partie comment nous en sommes arrivés au gâchis politique toxique actuel. Dans le même temps, la stratégie préconisée par une grande partie de la gauche, qui consiste à « travailler au sein du Parti démocrate pour le changer », n’a rien fait pour arrêter le recul du parti vers le « centre », c’est-à-dire vers la droite.

Comme c’est le cas depuis plus d’un siècle, la classe ouvrière des États-Unis a besoin de son propre parti, mais en ce moment désastreux, les perspectives ont rarement semblé aussi lointaines. Nous n’avons pas de schéma directeur, mais une alternative politique ne peut émerger que des mouvements sur le terrain, y compris l’indignation contre le nettoyage ethnique en Palestine, les luttes continues pour les droits reproductifs, et la modeste augmentation de l’activisme ouvrier et des activités de grève – pas encore une « poussée » selon les normes historiques, mais un signe d’espoir de renouveau. Nous notons que les référendums sur les droits reproductifs ont été adoptés même dans certains États qui ont élu Trump, et que dans d’autres, les électeurs ont augmenté le salaire minimum de l’État.

Il n’y a pas de raccourcis, et il n’y en a jamais eu. Mais dans l’immédiat, la tâche urgente est de faire partie des mouvements qui résistent aux attaques des entreprises et de l’extrême droite, au génocide de Gaza, aux agressions brutales contre les communautés d’immigrés et à la menace du changement climatique qui pèse sur la survie de la civilisation.

Publié par le Comité nationale de Solidarity le 11 novembre 2024

14 novembre 2024  Solidarity

https://inprecor.fr/

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15 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

Eau (Yonne l’Autre)

 eau

L’eau, une affaire d’État

Enquête sur un renoncement écologique

Fin mars 2023, quelques mois après la sécheresse historique de 2022, le président de la République Emmanuel Macron annonce un « plan Eau », dont les mesures traduisent une timide prise de conscience des effets du changement climatique.

Au cours des trente dernières années, la gestion de l’eau avait pourtant reçu des moyens importants pour préserver ou restaurer les cours d’eau, les zones humides et la biodiversité des milieux aquatiques.

Ce processus d’écologisation fait désormais face à des régressions délibérées, actées au sommet de l’État : un véritable renoncement écologique. Cet abandon volontaire, qui dépasse largement le seul domaine de l’eau, nous place devant un profond paradoxe : ce renoncement écologique intervient alors même que les connaissances scientifiques et les expérience ssociales pratiques rappellent chaque jour à quel point le monde est de plus en plus confronté aux effets du changement climatique et de l’effondrement de la biodiversité.

A propos de l’auteur

Sylvain Barone est chercheur en sciences politiques à INRAE, au laboratoire G-Eau (Montpellier). Ses recherches portent sur l’action publique en matière d’environnement, notamment à travers la gestion de l’eau, l’adaptation aux risques littoraux, la politisation des questions climatiques et le traitement judiciaire des atteintes à la nature, en France et aux États-Unis.

https://www.raisonsdagir-editions.org/

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15 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

Gréve du 5 Déc (Le Monde)

greve g

Fonction publique : les syndicats appellent à la grève le 5 décembre, sur l’ensemble du territoire

Les confédérations syndicales demandent que le ministre de la fonction publique, Guillaume Kasbarian, « renonce aux trois jours de carence dans la fonction publique, à la diminution de l’indemnisation des jours d’arrêt maladie » et au « non-versement de la garantie individuelle du pouvoir d’achat.

Plusieurs syndicats de la fonction publique ont appelé, jeudi 14 novembre, à une journée nationale « d’action » et de « grève » le 5 décembre, pour dénoncer notamment des coupes budgétaires dans l’administration à hauteur de 1,2 milliard d’euros, selon un communiqué signé par sept des huit organisations.

« Les organisations syndicales CGT, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE-CGC et FA-FP appellent les agents et les agentes de la fonction publique à une journée d’action, de rassemblements, de manifestations et de grève sur l’ensemble du territoire le 5 décembre 2024 », ont-elles fait savoir dans leur communiqué.

« Une journée pour que le ministre [Guillaume Kasbarian] renonce aux trois jours de carence dans la fonction publique, à la diminution de l’indemnisation des jours d’arrêt maladie, au non-versement de la GIPA [la garantie individuelle du pouvoir d’achat] », détaille encore le document.

Seule Force ouvrière, deuxième organisation syndicale au niveau de l’ensemble de la fonction publique, ne s’est pas jointe à cette déclaration et a maintenu un appel à la grève de trois jours reconductible « au même moment que la grève des cheminots », « à partir du 10 ou du 11 décembre », a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) le secrétaire général de l’UIAFP-FO, Christian Grolier.

Le ministre de la fonction publique, Guillaume Kasbarian, a accédé le 7 novembre à l’une des revendications syndicales, l’abandon de la suppression des catégories A, B et C, mais refuse de plier sur les autres points soulevés par les syndicats. C’est le cas de l’allongement du délai de carence d’un à trois jours en cas d’arrêt maladie et de la réduction de l’indemnisation à 90 % du traitement normal au lieu des 100 % actuels.

Les fédérations syndicales s’opposent également à la suppression annoncée de la GIPA, une forme de compensation financière pour les fonctionnaires.

« Guillaume Kasbarian prend acte de la décision des syndicats »

« Force est de constater que Guillaume Kasbarian n’a pas répondu à la plupart des autres propositions et revendications portées par les organisations syndicales », peut-on lire dans le communiqué commun des syndicats.

Ces mesures sont « difficiles mais assumées », avait déclaré l’entourage de Guillaume Kasbarian, qui plaide pour un « alignement » entre secteurs public et privé.

« Guillaume Kasbarian prend acte de la décision des syndicats et réaffirme son ouverture au dialogue. Dans une période de contraintes budgétaires fortes, le ministre agit avec responsabilité et en appelle à ce même esprit de la part de tous les acteurs », a fait savoir l’entourage du ministre.

https://www.lemonde.fr/politique/

Fonction publique : une journée de grève prévue dans toute la France le 5 décembre

Sept organisations syndicales, dont la CGT, la CFDT et Solidaires, annoncent ce jeudi 14 novembre une journée d’action début décembre. Elles demandent au ministre Guillaume Kasbarian de renoncer à plusieurs mesures par LIBERATION 14 novembre 2024 à 16h39

Une mobilisation presque au complet. Ce jeudi 14 novembre, sept organisations syndicales – la CGT, la CFDT, l’Unsa, FSU, Solidaires, la CFE-CGC et FA-FP – annoncent une «première» journée d’action «sur tout le territoire» le 5 décembre prochain. Les agents de la fonction publique sont appelés à la grève et à des rassemblements et manifestations partout en France. Seul Force ouvrière ne s’est pas joint au communiqué commun : le syndicat souhaitait faire une grève durant trois jours d’affilée à partir du 10 ou 11 décembre pour s’aligner avec la mobilisation de la SNCF, prévue à partir du 11 décembre.

Les organisations justifient cette journée de grève par les non-réponses de Guillaume Kasbarian, le ministre de la Fonction publique, de la simplification et de la transformation de l’action publique, à plusieurs de leurs revendications. Dans leur communiqué, les syndicats demandent au ministre de renoncer aux «trois jours de carence dans la fonction publique», «à la diminution de l’indemnisation des jours d’arrêt maladie» et au «non-versement de la Gipa», la garantie individuelle de pouvoir d’achat, une indemnité destinée à compenser l’inflation.

Les annonces du gouvernement sur la réduction de 100% à 90% de l’indemnisation des congés maladie des fonctionnaires et l’instauration de trois jours de carence non payés, au lieu d’un actuellement, lors de ces absences – hors pathologies lourdes – avaient cristallisé la colère des organisations. Plusieurs d’entre-elles avaient quitté la table avant la fin de la réunion avec le ministre de la Fonction publique la semaine dernière. Ces mesures sont «difficiles mais assumées», avait indiqué l’entourage de Guillaume Kasbarian, qui plaide pour un «alignement» entre secteurs public et privé.

Dans leur communiqué, les syndicats demandent également une hausse des moyens «à la hauteur des missions des services et des politiques publiques», des «créations d’emplois partout où c’est nécessaire» ou encore des augmentations salariales. «Guillaume Kasbarian prend acte de la décision des syndicats et réaffirme son ouverture au dialogue. Dans une période de contraintes budgétaires fortes, le ministre agit avec responsabilité et en appelle à ce même esprit de la part de tous les acteurs», a indiqué l’entourage du ministre.

Mis à jour à 17h30

 

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12 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

Géoingénierie (Reporterre)

climat

La géoingénierie : une stratégie pour sauver le capitalisme, pas le climat

Contrôler le climat plutôt qu’arrêter nos activités destructrices : telle est l’ambition de la géoingénierie. Elle pénètre les discours politiques, jusqu’à apparaître comme la solution à la crise climatique.

La géoingénierie : le terme aux contours flous désigne l’ensemble des projets de modification volontaire du climat. Qu’il s’agisse de se prémunir du réchauffement global par la modification du rayonnement solaire ou en capturant massivement le carbone de l’atmosphère, ou que l’on tente de réparer localement ses effets catastrophiques en prétendant par exemple modeler les glaciers à notre guise, ces variantes ont en commun l’ambition démiurgique (tout puissante) de leurs promoteurs. Il s’agit de contrôler nous-mêmes le climat plutôt que d’arrêter de le dérégler.

Ces remèdes d’apprentis sorciers suscitent beaucoup de critiques tant ils pourraient s’avérer pires que le mal, en déclenchant des phénomènes imprévisibles et incontrôlables. Ils s’immiscent pourtant avec de plus en plus d’insistance dans les discours politiques, scientifiques et dans les conférences climatiques, au risque de bientôt paraître incontournables.

La dynamique est puissante, car guidée par les intérêts impératifs du capitalisme. La géoingénierie lui offre une porte de sortie pour perdurer malgré l’urgence climatique : on peut changer le climat plutôt que le système ! Cette stratégie dangereusement efficace est brillamment mise en lumière par Marine de Guglielmo Weber, chercheuse sur la géoingénierie à l’Institut de recherche stratégique de l’école militaire (Irsem), et Rémi Noyon, journaliste au Nouvel Obs, dans leur ouvrage Le Grand retournement (éd. Les Liens qui libèrent, 2024).

Des concepts écologiques « boulevards pour la géoingénierie »

Les auteurs retracent la longue histoire de l’idée et des ambitions de la géoingénierie, avant de faire la pédagogie des nombreuses limites et dangers de son déploiement. La partie la plus intéressante de leur ouvrage tient à l’identification des différents ressorts ayant contribué à imposer la géoingénierie dans le débat public. Ils sont, entre autres, d’ordre philosophique et économique.

D’un point de vue philosophique d’abord, la modernité occidentale et sa conception de la nature sont intimement liées, pour les auteurs, aux tentations prométhéennes de manipulation du climat. Le fantasme de contrôler la météo est une « constante historique » depuis l’antiquité, rappellent-ils, mais la géoingénierie est devenu un projet crédible au XXe siècle, avec la guerre froide qui a stimulé le déploiement d’armes atomiques et de technologies spatiales et informatiques. Tout cela « favorise la naissance d’un imaginaire démiurgique ».

Divers projets de contrôle des nuages, voire du climat, se sont épanouis dans ce contexte, se nourrissant de l’évolution ontologique majeure qu’a entraîné la naissance des sciences du système Terre. On a commencé à observer et comprendre la planète dans son intégralité, et à vouloir « résoudre des problèmes globaux avec une vision globale », selon les mots de Cesare Marchetti, physicien italien ayant, le premier, utilisé le terme de géoingénierie dans les années 1970.

Le chimiste Paul Crutzen, qui a popularisé le concept d’Anthropocène, a ensuite écrit sur la possible nécessité d’entrer dans une troisième phase de l’Anthropocène, après celles de la Révolution industrielle et la Grande accélération, pour aller vers une gestion contrôlée du système Terre.

Cette vision holistique a été inspirée par l’hypothèse Gaïa émise également dans les années 1970 par James Lovelock et Lynn Margulis, qui voient dans l’ensemble de la biosphère un seul superorganisme cohérent. Flirtant avec la tentation de la géoingénierie, Lovelock finit lui-même par y souscrire en disant croire en l’avènement d’un « bon Anthropocène » puis d’un « Novacène », où l’humain permettra à la biosphère de retrouver son harmonie grâce à la technologie.

Des concepts comme Gaïa ou l’Anthropocène, emblématiques de la prise de conscience écologique, ont ainsi paradoxalement servi à justifier l’hubris technologique. Si l’humanité devient une puissance géologique, cela ouvre « la possibilité d’un nouveau régime de légitimation, celui de la géoingénierie gaïenne », disent les auteurs, reprenant les termes du philosophe Sébastien Dutreuil.

Le même retournement est décrit à propos de la nouvelle philosophie du vivant, portée par des auteurs comme Bruno Latour ou Philippe Descola. Ceux-ci ont œuvré à la critique de la modernité occidentale et de son ontologie singulière qui sépare l’humain du reste du vivant. En prônant la réintégration de l’humanité au sein de la nature, ils sont accusés « d’ouvrir un boulevard à la géoingénierie » : si tout est naturel, y compris les artefacts humains, et si le monde est déjà hybride, et qu’imaginer une nature vierge d’influence humaine est illusoire, alors pousser le curseur vers plus d’artificialisation n’a plus rien de tabou.

La géoinénierie comme aboutissement du capitalisme

L’autre généalogie de la géoingénierie explorée par les auteurs est d’ordre économique. Dès le XIXe siècle, Karl Marx et Friedrich Engels ont dénoncé dans le Manifeste du Parti communiste l’incapacité de la société bourgeoise à « dominer les puissances infernales » qu’elle met en branle. Pour les écomarxistes contemporains, la géoingénierie est le dernier avatar, prévisible et inévitable, de cette fuite en avant propre au capitalisme : celui-ci doit pour survivre exploiter toujours plus les travailleurs et la nature, et doit sans cesse se réinventer par la technologie pour tenter de surmonter ses contradictions.

En découle une propagande technosolutionniste, une foi messianique en la destinée technologique de l’humanité, portée aujourd’hui en premier lieu par la Silicon Valley californienne. L’enjeu est de préserver à tout prix le modèle de croissance et de surconsommation vital pour le capitalisme en essentialisant nos désirs de consommation qu’il a lui-même induits. Il serait vain de vouloir changer la « nature humaine », insatiable et accumulatrice. Le système économique est intouchable : la seule solution est de changer le système Terre.

Ce discours s’est bien sûr affiné au fil des décennies pour rendre la géoingénierie acceptable. Son influence se fait notamment ressentir dans un tournant sémantique important : le remplacement de l’objectif de maintien du réchauffement à 1,5 °C par celui d’atteindre la « neutralité carbone ». Une formulation du problème qui permet opportunément de rendre la sortie des énergies fossiles moins impérative puisque leurs émissions restantes seraient compensées par des « émissions négatives » : soit en captant du carbone par la biomasse soit en le retirant de l’atmosphère par la technologie. Deux voies surinvesties dans les scénarios climatiques pour ménager l’effort de sortir des fossiles, mais largement illusoires.

« Les décideurs y trouvent une raison de procrastiner »

Autre biais de séduction pour la géoingénierie : se présenter comme une option modérée, délestée de ses prétentions originelles de contrôle total du climat. Il s’agirait maintenant seulement de l’utiliser comme coup de pouce temporaire, pour « écrêter le pic » de nos émissions. Plus le temps passe, plus les espoirs de contenir le réchauffement sous 1,5 °C deviennent illusoires : de nombreux scénarios modélisent donc un dépassement « temporaire » de la cible, éventuellement invisibilisée par quelques protections technologiques contre le rayonnement solaire, avant de revenir dans les clous grâce à nos émissions négatives.

C’est toute la rhétorique de lobbies actuels de la géoingénierie, à l’instar de l’influente Climate Overshoot Commission. Cette « Commission mondiale sur la réduction des risques climatiques liés au dépassement » plaide officiellement pour un moratoire, tout en contribuant à développer le débat sur la géoingénierie, présentée comme des « approches additionnelles ».

L’argument est forcément attrayant pour les décideurs, qui y trouvent une raison de procrastiner puisque la technologie promet, demain, de compenser les efforts non consentis aujourd’hui. Dans les coulisses des COP, ces grandes conférences internationales sur le climat, les événements et promoteurs de la géoingénierie pullulent de plus en plus, soulignent les auteurs.

Ces derniers observent également un grand retournement opérant sur le plan moral. Alors que ces projets d’apprentis sorciers étaient jusque-là dénoncés pour leur manière irresponsable de jouer avec le destin de la Terre entière, monte dorénavant l’idée qu’il serait irresponsable de ne pas agir face au chaos climatique annoncé. De même, dans les pays du Sud où ces ambitions technosolutionnistes venues de l’Occident étaient historiquement mal perçues, la multiplication des catastrophes climatiques commence à nourrir le discours inverse : il serait de la responsabilité du Nord de tout faire pour limiter le réchauffement, y compris par la géoingénierie.

Le piège pourrait rapidement se refermer : plus l’on s’engage vers des options de géoingénierie, plus on retarde la lutte contre les énergies fossiles en comptant sur les technologies de manipulation du climat, plus l’on crée une dépendance au sentier et l’on renforcer le « verrouillage sociotechnique ». « Les techniques mises en place deviennent extrêmement difficiles à déraciner, quand bien même l’on finirait par découvrir qu’elles sont inefficaces, voire nuisibles », préviennent les auteurs.

Nous n’en sommes pas encore là, mais subissons déjà une forme de « verrouillage cognitif », écrivent-ils. Cette lente acclimatation culturelle qui nous a rendus plus aptes à « imaginer la fin du monde que celle du capitalisme ». Il est encore temps, concluent-ils, de briser ce verrou, en luttant contre cette imprégnation, et en menant la bataille des imaginaires, sur les terrains ontologique et économique.

Lire aussi :

La géoingénierie solaire ou les apprentis sorciers du climat

Géoingénierie (Reporterre) dans Altermondialisme livre_galerie_772
Le Grand retournement — Comment la géo-ingénierie infiltre les politiques climatiques, de Marine de Guglielmo Weber et Rémi Noyon, aux éditions Les Liens qui libèrent, octobre 2024, 240 p., 20 euros.

Vincent Lucchese 12 novembre 2024

https://reporterre.net/

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08 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

COP 29 (Reporterre)

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COP29 : la mainmise des États pétroliers et autoritaires

Après l’Égypte et les Émirats arabes unis, l’Azerbaïdjan s’apprête à accueillir la COP. Un pays qui, comme ces autres États hôtes du sommet sur le climat, mise sur les hydrocarbures et réduit au silence les voix divergentes.

« Jamais deux sans trois. » Un brin amère, Myrto Tilianaki dessine en quelques mots les portraits de l’Égypte et des Émirats arabes unis : « Ces deux pays, ayant accueilli la COP27 et la COP28, ont en commun d’être des États pétroliers où les droits humains sont réprimés, déplore la chargée de plaidoyer à Human Rights Watch. Et mauvaise nouvelle : le pays hôte de la COP29 partage les mêmes caractéristiques. »

Du 11 au 22 novembre, l’Azerbaïdjan hébergera les négociations annuelles sur le climat. Depuis la fin des années 1990, ce territoire d’Asie occidentale exploite d’immenses gisements pétroliers et gaziers en mer Caspienne. Si son économie dopée aux fossiles pourrait freiner les ambitions lors du sommet, militants et diplomates redoutent aussi les répercussions de son régime autoritaire. À sa tête figure l’indéboulonnable président Ilham Aliyev. Il y a vingt-et-un ans, il a succédé à son père, ancien agent du KGB, les services de renseignement de l’URSS.

Les États pétroliers s’emparent des COP

« Un don de Dieu. » Tels sont les mots employés par Ilham Aliyev pour décrire les réserves d’hydrocarbures de son pays. Bien que l’État ait récemment investi dans les énergies renouvelables, 64 % de ses recettes publiques demeurent tributaires du pétrole et du gaz. Avec un tel pourcentage, le pays se hisse au 9e rang mondial des États les plus dépendants à l’extraction de fossiles, d’après le groupe de réflexion Carbon Tracker. À titre de comparaison, les Émirats arabes unis occupent la 13e place de ce classement. L’Égypte, la 32e.

À croire son chef d’État, l’abandon de ce trésor souterrain n’est pas pour demain. En avril, lors d’une réunion de préparation à la COP29, il a présenté ses plans d’expansion de la production de gaz. Une stratégie justifiée par la guerre en Ukraine et les sanctions financières de l’Europe sur la Russie. Objectif pour le pays du Caucase : s’imposer comme l’alternative au gaz de Vladimir Poutine, malgré les relations étroites qu’Ilham Aliyev continue d’entretenir avec son homologue russe.

Le 30 octobre, l’ONG Oil Change International a ainsi dévoilé que le pays hôte de la COP29 devrait augmenter sa production d’hydrocarbures de +14 % d’ici 2035. Et les prévisions ne sont guère meilleures pour les Émirats, avec +34 %, et le Brésil, futur hôte de la COP30, avec +36 %. En février, quelques mois après l’accord signé à Dubaï en faveur d’une sortie progressive des fossiles, ces trois nations avaient déclaré « se constituer en “troïka des présidences de COP” pour améliorer la coopération et la continuité des négociations climatiques », précise l’ONG.

Leurs trajectoires sont pourtant diamétralement opposées aux préconisations scientifiques : pour ne pas dépasser la limite de +1,5 °C et rester dans les clous de l’Accord de Paris, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la production mondiale de combustibles fossiles doit chuter de près de 55 % en dix ans. « La troïka risque ainsi de compromettre l’objectif dont elle est censée être la gardienne et donner un terrible exemple aux autres pays », déplore Shady Khalil, d’Oil Change International.

La sécurité des militants questionnée

Au-delà de cette dépendance commune, l’Égypte, les Émirats arabes unis et l’Azerbaïdjan ont aussi la fâcheuse tendance d’écarter les voix dissidentes. « Lors de la COP27 à Charm el-Cheikh [en Égypte], des défenseurs de l’environnement ont été bâillonnés, interdits de visa. Lors de la COP28 à Dubaï, prononcer le nom de militants émiratis emprisonnés était formellement défendu… sous peine d’on ne sait trop quoi, précise Michel Forst, le rapporteur spécial de l’Organisation des Nations unies (ONU). Et malheureusement, ce sera la même chanson à Bakou. »

Les autorités azerbaïdjanaises n’ont d’ailleurs pas attendu l’ouverture officielle de la quinzaine de négociations pour commencer le ménage. « Une terrifiante série d’arrestations et d’incarcérations a été orchestrée dans le pays, s’insurge l’Irlandaise Mary Lawlor, rapporteuse spéciale des Nations unies. Les journalistes indépendants et les militants écologistes en sont les premières victimes. » Elle dénonce notamment l’affaire Anar Mammadli, éminent défenseur de la justice climatique : « Faussement accusé d’avoir introduit illégalement de l’argent dans le pays, il a été jeté derrière les barreaux en avril et encourt jusqu’à huit ans de prison. »

« Comment pourraient-ils s’exprimer sereinement et librement ? »

Devant ces risques de répression, quelles garanties de sécurité apportent les Nations unies à la société civile ? Chaque année, un accord de siège est négocié entre l’ONU et le pays hôte. Censé être public, il fixe en quelque sorte les règles du jeu, ce qui est autorisé et défendu. « En 2023, nous l’avons réclamé en amont de la COP28 à Dubaï mais n’avons jamais rien reçu, déplore Myrto Tilianaki. Amnesty International a fini par mettre la main dessus des mois après la COP. Pourquoi un tel manque de transparence ? »

Bis repetita cette année. Human Rights Watch a obtenu seulement un mois avant l’ouverture de la COP une copie de l’accord signé en août entre Bakou et l’ONU. Analyses faites, Myrto Tilianaki déplore un texte rempli de lacunes et d’ambiguïtés. S’il stipule que les participants à la conférence « bénéficient de l’immunité de juridiction pour les paroles prononcées ou écrites et pour tout acte accompli », une clause distincte les soumet aux lois azerbaïdjanaises et leur ordonne de ne pas s’immiscer dans les « affaires intérieures » du pays.

« Que se passe-t-il dès lors qu’on quitte la zone des négociations et que l’on grimpe dans le métro pour rejoindre son hôtel ? Risque-t-on d’être arrêté ? Là-dessus, le doute plane depuis maintenant trois ans, regrette la chargée de plaidoyer. Sans parler des activistes des pays du Sud, dont la protection est bien moins assurée. Comment pourraient-ils s’exprimer sereinement et librement ? »

« Les risques sont bien trop grands »

En septembre, le ministère des Affaires étrangères a publié une notice déconseillant formellement à tous les ressortissants français de se rendre en Azerbaïdjan. Manquant de clarté quant aux protections mises en place, nombreux activistes ont ainsi décidé de boycotter le sommet international : « Non, Bloom n’ira pas, confirme à Reporterre Hadrien Goux, chargé de plaidoyer à l’ONG. Les risques sont bien trop grands. » Même son de cloche du côté de Greenpeace France et de Global Witness.

D’autres organisations ont choisi de s’y présenter sans jamais aborder autre sujet que les questions climatiques. « Quoiqu’il en soit, il faudra s’abstenir de tout éternuement en public, abonde Antoine Madelin, de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH). Dénoncer la corruption ou le mépris des droits humains, c’est s’exposer à un risque d’incarcération. Il faudra rester silencieux, observer et agir une fois quitté l’Azerbaïdjan. »

Si la société civile est vouée à se murer dans le silence, difficile d’imaginer que les négociations devant s’ouvrir le 11 novembre déboucheront sur un accord et une politique climatique ambitieuse et équitable. Pour Michel Forst, « c’est alarmant ».

Lire aussi :

L’Azerbaïdjan, cette dictature qui accueille la COP29 et réprime les écologistes

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07 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

Saumon ( Reporterre )

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Côtes-d’Armor : un projet de ferme usine de saumons annulé

L’entreprise norvégienne Smart Salmon renonce à implanter sa ferme-usine de saumons à Plouisy, près de Guingamp.

Cette annonce a été faite par la préfecture des Côtes-d’Armor jeudi 31 octobre, et relayée par l’association Welfarm, l’un des nombreux opposants à ce projet. « Smart Salmon France a informé les services de l’État que l’entreprise retirait son dossier de demande d’autorisation environnementale pour la construction et l’exploitation d’une unité de production et de transformation de saumons dans la commune de Plouisy ».

Deux fermes usines sont encore dans les cartons

Le groupe Smart Salmon souhaitait abattre et transformer 8 000 à 20 000 tonnes de poisson par an. Les opposants dénonçaient les conséquences environnementales désastreuses de cette exploitation, notamment ses rejets de phosphore et d’azote dans un territoire déjà saturé.

« Nous nous réjouissons de l’abandon de ce projet, mais restons pleinement mobilisés aux côtés d’autres associations afin d’obtenir un moratoire contre ces élevages intensifs », assure Lauriane Charles, chargée de campagnes et affaires juridiques chez Welfarm.

Deux fermes usines sont encore dans les cartons : au Verdon-sur-Mer, en Gironde et à Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais.

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06 novembre 2024 ~ 0 Commentaire

Pais Valencia ( NPA)

Pais Valencia ( NPA) dans A gauche du PS
© EFE / EP (Diario de Noticias)
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Il ne s’agit pas d’une catastrophe «naturelle».

Si j’écris ces réflexions, c’est parce que beaucoup de mes proches, qui vivent en dehors de Valence, m’ont appelé ces jours-ci pour me demander comment les choses se passaient ici et comment ils pouvaient m’aider. Je tiens à les remercier pour leur intérêt. Ils savent que si nous ne nous organisons pas pour nous soutenir mutuellement et si nous ne dénonçons pas la lenteur, voire la paresse et l’incurie de l’État, nous sommes dans le pétrin.

Valence aujourd’hui, plus d’une semaine après les inondations :

Des cadavres indéterminés pourrissent dans les fossés des ravins, dans la mer ou dans des garages, anéantis par l’eau et la boue. Des rapports scientifiques vieux de plusieurs décennies sur les effets prévisibles du changement climatique sur les zones inondables ignorés.

Des dizaines de milliers de personnes, surtout des jeunes, avec des balais, des pelles et de la nourriture, tentant d’atténuer les effets des inondations, plongées jusqu’au cou dans la boue et la désolation.

Des millions d’investissements publics pour le tourisme et zéro pour les infrastructures indispensables pour canaliser les ravins et les rivières qui débordent.

Des logements à prix d’or inaccessibles aux classes moyennes et inférieures qui se rabattent sur les communes périphériques. Des hommes d’affaires focalisés sur leur profit malsain qui ne cherchent qu’à sauver leur pacotille et à se faire prendre en photo.

Des militaires et des policiers déguisés en héros dans le théâtre médiatique, qui veillent et tentent de faire rétablir les routes et les chemins de fer pour que nous puissions revenir à la normale, c’est-à-dire pour que les habitants du quartier puissent se rendre à leur travail à l’heure. Des politiciens incompétents qui cherchent à fuir leurs responsabilités et abandonnent à leur sort les habitants des communes inondées.

Un Etat soucieux de ne pas être éclaboussé par la boue et la misère à laquelle il condamne les victimes de toutes sortes : celles qui ont perdu leur maison, leur santé et leur mode de vie, celles qui ont perdu leurs proches, dont certains sont toujours portés disparus, enterrés dans des garages, dans la boue accumulée ou flottant dans la mer.

Une ville traumatisée et en état de choc par une catastrophe dont on s’obstine à répéter qu’elle est naturelle, alors que la grande majorité de ses effets et de ses victimes auraient pu être évités. Même le mauvais gouvernement qui est censé nous gouverner n’a pas été en mesure d’alerter à temps et, lorsqu’il l’a fait, dans certains cas, c’était pour transformer les garages, les ravins, les rivières et les rues en pièges mortels.

Le pire, c’est que personne ne sera puni pour cela. Ils cherchent et chercheront des boucs émissaires parmi quelques centaines de personnes qui ont pillé principalement des magasins et des centres commerciaux. Les chefs d’entreprise qui n’ont pas fait sortir à temps leurs salariés des souricières dans lesquelles ils étaient enfermés, ou les hommes politiques responsables du chaos, au mieux, et seulement certains d’entre eux, démissionneront ou seront licenciés pour sauver la face et tenter de contenir la colère et l’indignation sociale.

La population choquée, comme dans tant de catastrophes, demandera de l’aide à ses bourreaux et ceux-ci feront des affaires avec l’après-catastrophe, dont nous paierons les factures avec nos impôts. L’histoire récente des électrochocs collectifs se répète : guerres, pandémies, inondations, tsunamis ont été, sont et seront le scénario idéal pour tirer profit de la reconstruction.

Demain, nous viendrons à nouveau prêter main forte à ceux qui en ont besoin et, surtout, tenter de faire sentir aux victimes qu’elles ne sont pas seules, au moins pour l’instant, face à ce drame et à cette impuissance qui auraient pu être largement évités et que les discours et les mesures palliatives qui sont appliqués sont bien loin de l’application de changements structurels pour que cela ne se reproduise plus.

Espérons que la manifestation du 9 (exigeant la démission du président de la Comunitat del País Valencià) sera un avant et un après dans la gestion des effets et des raisons du changement climatique, sinon, et surtout les classes vulnérables, nous l’avons très mal.

Publié par Viento Sur le 5 novembre 2024   6 novembre 2024 par Cesar Manzanos

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