Douarnenez, une mobilisation qui se veut historique contre le mal-logement, le 10 juin
Une quinzaine de collectifs de l’Ouest de la France appellent à se réunir à Douarnenez, samedi 10 juin, pour le droit au logement.
Face à la spéculation foncière et à la concentration des résidences secondaires sur le littoral, une quinzaine de collectifs du Grand Ouest appellent à manifester à Douarnenez, samedi 10 juin, contre le mal-logement. Une mobilisation qui pourrait bien faire date.
« Ni volets fermés ni ghetto doré » : samedi 10 juin, à Douarnenez (29), une quinzaine de collectifs de l’Ouest de la France appellent à se mobiliser pour le droit au logement. La manifestation, initiée par l’association Tut Lorient et les collectifs Droit à la ville Douarnenez et DouarnVendez, démarrera à 12 h par un pique-nique sur le port du Rosmeur suivi, à 15 h, d’un défilé dans les rues de la cité Penn Sardin.
Quand se loger devient mission impossible
« En trois ans, la Bretagne a vu le nombre de ses résidences secondaires augmenter de 12 %. En parallèle, le nombre de personnes en attente d’un logement social a crû de 28 %, résume Maxime Sorin, du collectif Droit à la ville Douarnenez. Concrètement, accéder à un logement devient de plus en plus difficile pour les personnes bénéficiant de revenus modestes. Sans parler du fait que quand elles y accèdent, c’est encore trop souvent dans des habitats indignes qu’elles doivent parfois quitter le temps de la saison estivale. »
Il faut des mesures fortes, voire coercitives, afin qu’il devienne plus avantageux de louer à l’année que sur de courtes périodes.
Un projet de loi dans les tuyaux
Si d’ici quelques mois, une proposition de loi doit être étudiée pour remédier aux déséquilibres du marché locatif dans les zones touristiques, les militants des collectifs bretons pour le logement estiment qu’il faut aller plus loin : « Ce projet de loi contient plusieurs propositions majeures comme la suppression des niches fiscales pour les locations saisonnières ou la création d’une police du logement pour veiller à l’application de la loi, note Aodren Trehin, de Tut Lorient. Malgré tout, elle ne fait que supprimer des choses qui n’auraient jamais dû exister. Il faut des mesures plus fortes, voire coercitives, afin qu’il devienne plus avantageux de louer à l’année que sur de courtes périodes. »
Vers l’instauration de quotas ?
Outre la mise en œuvre de politiques publiques fortes pour limiter la marge de manœuvre des promoteurs spécialisés dans l’immobilier de luxe, les collectifs réfléchissent, notamment, à la création de quotas, comme instaurés à Saint-Malo : « Aujourd’hui, c’est ce qu’il y a de plus efficace pour limiter à la fois les résidences secondaires et les Airbnb qui sont l’un des plus gros facteurs du mal-logement. À l’inverse, la taxation des résidences secondaires fait presque office de mesure symbolique : à Saint-Nazaire, elle ne rapporte que 800 000 € par an, soit 300 € en plus sur le budget d’un ménage… C’est très insuffisant ! », dénonce Aodren Trehin.
Aujourd’hui, vu l’urgence de la situation, on ne peut plus se permettre d’attendre. La crise du logement, longtemps restreinte aux territoires touristiques, gagne du terrain.
Cette manifestation sera-t-elle un tournant dans la lutte pour le droit au logement ? Tous l’espèrent : « Aujourd’hui, vu l’urgence de la situation, on ne peut plus se permettre d’attendre, affirme Maxime Sorin. La crise du logement, longtemps restreinte aux territoires touristiques, gagne du terrain. Rééquilibrer le marché immobilier ne se fera pas du jour au lendemain : alors n’attendons pas et modifions la loi ! »
15 ans séparent ces deux événements ! Et les deux à Plestin-les-Grèves.
Pour la première fois en Europe au moins, ce 26 septembre 2008, le danger mortel des marées vertes était rendu public. Et par une association. Pas par les pouvoirs publics qui connaissaient ce danger et se gardaient bien de le faire savoir.
Pour la première fois un réalisateur courageux porte aujourd’hui à l’écran ce scandale d’une dissimulation d’un risque sanitaire, prolongeant ainsi l’excellente bande dessinée d’Inès Léraud et Pierre van Hove.
Que de chemin parcouru depuis 2008 !
Soyons fier(e)s, nous toutes et nous tous présent(e)s à cette conférence et celles et ceux qui ont soutenu l’action de Sauvegarde du Trégor d’avoir ainsi oeuvré pour la vérité, contre vents et marées, sans jamais perdre le cap.
En plus de Claude Lesné, nous avions entendu les témoignages d’une victime Maurice Briffaut et du médecin urgentiste Pierre Philippe. Désormais nous savions ce qu’administrations, élus et une grande partie de la population ne voulaient pas savoir. Nous avons eu collectivement ce courage. Souvenez vous, ce torrents d’injures que nous avons subi quand six mois plus tard nous avons soutenu Thalassa qui dans une de ses émissions osa lever un coin du voile !
Nous étions prêts en 2009 à crier à la face du monde qu’un cheval n’était pas mort le 29 juillet d’un étouffement ou d’une noyade. Avec son maître qui en a réchappé de justesse, ils avaient tous les deux été intoxiqués à l’hydrogène sulfuré des algues vertes échouées et en putréfaction dans le sable. Et le monde entier l’a su grâce à la perspicacité d’un journaliste d’Aujourd’hui en France qui avait assisté, bien seul avec Fr 3, à cette conférence.
Alors comment ne pas remercier Pierre Jolivet et toute son équipe de tournage d’avoir mis en scène le travail fouillé d’investigation d’Inès Léraud, journaliste obstinée et courageuse. Elle a révélé la face sombre de la Bretagne et de tous les échelons des décideurs tant politiques qu’économiques englués dans des conflits d’intérêts sans fin.
Je vous invite à les remercier par votre présence samedi à la salle du Douron à 21 h à Plestin-les-Grèves. Vous ne verrez pas qu’un bon spectacle. Vous assisterez d’abord à un spectacle d’autant plus engagé qu’il sera suivi d’un débat animé par le réalisateur lui-même. Nous étions une centaine en 2008. Faisons au moins salle comble avec ces 180 places samedi !
Cordialement.
Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre
La disparition du parti soulève des questions sur la stratégie socialiste et les faiblesses du réformisme.
Lorsque Syriza a remporté les élections législatives grecques en 2015, la plupart des socialistes ont explosé de joie dans toute l’Europe.
Un parti qui s’était engagé à mettre fin à l’austérité avait enfin triomphé, alors que partout les patrons et les gouvernements imposaient des coupes sombres dans le sillage de la crise financière de 2008. Il semblait qu’il y avait là une stratégie alternative qui pourrait servir de phare aux peuples en lutte dans le monde entier.
L’ascension de Syriza a été l’une des expressions d’une vague massive de lutte en Grèce contre l’austérité, avec 32 grèves générales entre 2009 et 2014. Les travailleurs de la santé, les enseignants, les employés municipaux, les travailleurs immigrés, les nettoyeurs, les étudiants et bien d’autres encore ont mené des batailles épiques pendant plusieurs années.
Lors des élections de 2015, le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND), qui avait fait payer aux travailleurs les plans de sauvetage des banquiers, n’a obtenu que 76 sièges sur les 300 que compte le Parlement.
Le Pasok, parti travailliste, qui était le parti de gauche traditionnel mais qui avait imposé des coupes budgétaires en coalition avec la ND, n’a obtenu que 13 sièges. Un nouveau terme, « Pasokification », est apparu pour décrire l’extinction d’un parti qui semblait devoir toujours faire partie de la scène politique.
En Grande-Bretagne, 27 députés, principalement de la gauche travailliste, ont signé une motion disant : « Cette Chambre salue le soutien apporté au parti Syriza en Grèce, qui s’est engagé à mettre fin à des années d’austérité et de souffrance ».
Le parti socialiste allemand Die Linke a quant à lui affiché une pancarte : « Nous partons de la Grèce, nous changeons l’Europe ».
Pourtant, en l’espace de quelques mois, Syriza a mis en œuvre des mesures d’austérité pires que celles de ses prédécesseurs de droite. Et lors des dernières élections de cette année, il a été réduit à 20 % des voix, tandis que la ND s’est consolidée au pouvoir.
Les échecs de Syriza ont redonné vie au Pasok, qui espère même dépasser Syriza lors des prochaines élections.
Dès son entrée au gouvernement, Syriza a été confronté à un défi et à un choix. Les patrons, les banquiers et les institutions européennes n’allaient pas accepter facilement un relâchement de l’austérité. Ils craignaient que les travailleurs d’autres pays ne soient incités à élire leurs propres gouvernements de gauche.
Ils ont donc traité le verdict des électeurs grecs avec mépris. Ils ont décidé d’écraser Syriza pour l’ »effet de démonstration » que cela aurait sur les autres.
Yanis Varoufakis, le directeur financier de Syriza, a déclaré que lorsqu’il a rencontré d’autres ministres de l’UE « pour engager des discussions économiques », il n’a reçu que des « regards vides ». « Vous auriez pu tout aussi bien chanter l’hymne national suédois, vous auriez obtenu la même réponse », a-t-il déclaré.
La troïka – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international – a insisté sur de nouvelles réductions pour rembourser les dettes découlant du sauvetage des financiers. Afin de se donner une excuse pour battre en retraite, le gouvernement Syriza a organisé un référendum sur les demandes de réduction de la troïka.
Mais après une campagne populaire massive, les Grecs ont rejeté la prescription de la Troïka par un vote « OXI » de 61 %. Cela aurait dû être un signal pour rompre avec la Troïka et défier les patrons, les institutions financières et les riches.
Une telle lutte aurait nécessité un appel aux travailleurs du monde entier pour qu’ils fassent preuve de solidarité avec la Grèce et qu’ils luttent contre leurs propres classes dirigeantes.
Pourtant, quelques jours plus tard, Syriza s’est effondré et a commencé à s’attaquer à la classe ouvrière : relèvement de l’âge de la retraite, augmentation des frais de santé, coupes budgétaires dans les écoles, etc. Syriza a fait intervenir la police anti-émeute contre ceux qui protestaient.
Les reculs et les trahisons de Syriza n’étaient pas principalement liés aux opinions personnelles d’Alexis Tsipras, le leader de Syriza, ou de toute autre personnalité. Elles étaient enracinées dans une stratégie qui ne pouvait pas voir plus loin que la collaboration avec les patrons, les institutions financières et le système existant. (…)
Le syndicat GMB estime que les travaillistes sont trop radicaux en ce qui concerne le pétrole et le gaz
Le parti travailliste a déclaré qu’il bloquerait tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers nationaux s’il remportait les prochaines élections générales.
Pas de nouveaux développements pétroliers et gaziers en mer du Nord sous l’égide du parti travailliste
Le syndicat GMB fait monter la pression sur le dirigeant travailliste Keir Starmer et exige qu’il soutienne les projets pétroliers et gaziers en mer du Nord. Cette évolution montre à quel point les positions du syndicat GMB et du Parti Travailliste sont erronées.
Le parti travailliste a confirmé qu’il bloquerait tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers nationaux s’il remportait les prochaines élections générales. De plus amples détails sur les propositions du parti devraient être révélés prochainement. Toutefois, les entreprises qui ont déjà reçu l’autorisation d’extraire sur les sites pourront continuer à le faire.
Le GMB, qui représente certains travailleurs de l’industrie pétrolière et gazière, s’oppose vivement à ces projets. Gary Smith, secrétaire général du GMB, a déclaré qu’il existait un « impératif de sécurité nationale » pour continuer à extraire et à brûler des combustibles fossiles. « Il serait contraire à notre intérêt de ne pas maximiser l’extraction de notre propre pétrole et de notre propre gaz, et ce débat sera difficile, mais nous devrons y faire face », a-t-il déclaré.
M. Smith a affirmé qu’il fallait redoubler d’efforts pour construire un approvisionnement énergétique national en accordant des licences aux entreprises de combustibles fossiles. « Il s’agit d’une question d’éthique : allons-nous continuer à financer ces régimes au Moyen-Orient et des pays comme la Russie, ou allons-nous prendre la responsabilité de notre propre carbone et créer des emplois et des investissements ici ?
Malgré la réaction de M. Smith, les projets du parti travailliste ne sont pas si radicaux. Le parti prévoit de limiter les projets de financement aux énergies vertes et de bloquer les projets déjà approuvés, Cambo et Rosebank. À y regarder de plus près, le parti souhaite utiliser les combustibles fossiles pendant encore longtemps.
Une source du parti a déclaré que « les travaillistes continueraient à utiliser les puits de pétrole et de gaz existants au cours des prochaines décennies et à les gérer de manière durable ». Pourtant, le moment de cesser d’utiliser les puits de pétrole et de gaz est passé depuis longtemps. Les utiliser « au cours des prochaines décennies » est un moyen infaillible pour Starmer de jouer son rôle dans le blocage d’une catastrophe climatique imminente.
Les syndicats ont tort d’insister sur le fait que les seuls emplois auxquels leurs membres ont droit sont ceux qui sont liés aux industries qui détruisent notre planète. Et c’est une fausse dichotomie que d’opposer les initiatives vertes et le niveau de vie des travailleurs.
Il est possible pour les travailleurs de se recycler dans des emplois hautement qualifiés et bien rémunérés dans le secteur de l’énergie verte. Mais ces opportunités ne viendront pas des entreprises privées, qui ne se soucient que de leurs profits. Il faudrait plutôt une intervention de l’État – une nationalisation sous contrôle démocratique – qui considère la catastrophe climatique et les emplois des travailleurs comme des priorités.
Les plans du parti travailliste ne sont pas faibles parce qu’ils vont trop loin dans la lutte contre les entreprises fossiles, comme le suggère Smith. Ils sont faibles parce qu’ils tentent de séduire à la fois ceux qui sont préoccupés par la crise climatique et les gros bonnets de l’énergie qui s’inquiètent de leurs profits. Mais c’est ce que l’on peut attendre d’un dirigeant travailliste qui fait les yeux doux aux patrons.
« Le plastique est le nouveau trésor des pétroliers »
Un traité international de lutte contre la pollution plastique sera négocié du 29 mai au 2 juin. Delphine Lévi Alvarès dénonce la responsabilité méconnue de l’industrie pétrochimique.
Reporterre — Face à la transition écologique, l’industrie des combustibles fossiles pourrait être menacée… mais vous montrez au contraire qu’elle se « recycle » dans le plastique.
Delphine Lévi Alvarès — Ce n’est pas le déclin de l’industrie des combustibles fossiles qui est programmé. C’est celui de l’utilisation de carburants sous forme d’énergie. Petit à petit, les écologistes sont en train de gagner sur les questions de transport notamment. Résultat : les ressources en hydrocarbures sont disponibles. Seulement, au lieu d’arrêter de les puiser et de changer de business model, les industriels se rabattent sur un nouveau trésor : le plastique.
Même chose pour le charbon, sujet sur lequel on pourrait aisément croire que la victoire est proche : c’est faux ! Certes, on arrête de cramer du charbon pour faire de l’énergie, mais à la place, on le transforme en plastique.
La production annuelle de plastique pourrait atteindre 1,2 milliard de tonnes d’ici 2060. Or, celui-ci est issu à 99 % d’énergies fossiles…
Exactement. Aujourd’hui, le plastique est bien plus qu’une bouée de sauvetage pour cette industrie, c’est un yacht de luxe. Croyez-moi, ces grandes entreprises [Chevron, ExxonMobil, BP, TotalÉnergies...] se portent très bien. Depuis les années 2000, elles ont opéré ce revirement d’investissement dans la pétrochimie. À partir de ressources fossiles, comme le charbon, le gaz ou le pétrole, elles produisent du plastique, des produits chimiques, des pesticides, des engrais, et de manière plus marginale des molécules pharmaceutiques que l’on retrouve notamment dans le paracétamol.
Delphine Lévi Alvarès : « L’industrie fossile a créé une dépendance de toute pièce. »
Ces sociétés ont compris que leur secteur d’avenir se trouvait là. Alors, elles investissent massivement à la fois dans la construction de nouvelles installations de production pétrochimique, mais aussi dans la transformation de raffineries, qui étaient à la base conçues pour produire du fioul, du diesel, etc. Et c’est bien plus rentable : pendant un moment, la pétrochimie constituait 10 % des activités de la compagnie américaine ExxonMobil. Pourtant, elle en tirait 25 % de son chiffre d’affaires. La valeur ajoutée est supérieure, car elle échappe aux grandes fluctuations du prix du baril.
Sur la question de la crise climatique, on pense avant tout au pétrole, mais le lien avec le plastique semble échapper au débat public.
On est en train de perdre sur tous les fronts, parce que l’on n’a pas compris que c’était une lutte commune. Les militants écologistes sont très concentrés sur l’énergie et les transports. La pétrochimie est un véritable angle mort. Et ce, alors même qu’il s’agit du secteur le plus consommateur d’énergie, devant l’aviation, le transport routier ou la production de voitures. Pourtant, on n’en parle pas. Tout autour de nous contient de la pétrochimie. C’est d’une complexité extrêmement dure à apprivoiser. Cela implique d’avoir une conversation sur la transformation de toute notre économie. Une économie qui, pour l’heure, est totalement basée sur les ressources fossiles.
Heureusement, les mentalités changent. Il y a quelques années encore, on abordait cette crise par le seul prisme des déchets marins et des tortues avec une paille dans le nez. Aujourd’hui, les négociations promettent de s’attaquer à tout le cycle de vie du plastique, à commencer par la production.
Seulement, la demande en plastique est de plus en plus forte. N’est-ce pas ?
Si l’on croule sous le plastique aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’il y a une demande, mais bien parce qu’il y a une offre exponentielle. Longtemps, les regards étaient tournés essentiellement sur les emballages de produits à usage unique. Désormais, de multiples secteurs sont concernés, comme l’automobile, l’aviation ou encore le secteur de la santé.
« Les États pétroliers ont à cœur de faire dérailler ces négociations. » Unsplash/CC/Naja Bertolt Jensen
Les industriels de la pétrochimie sont très créatifs : ils créent des marchés, inventent sans arrêt des tas de matériaux et démarchent de nouveaux utilisateurs. Ainsi, de nombreux objets de notre quotidien sont désormais fabriqués en plastique : les canettes, qui étaient avant en aluminium, sont aujourd’hui composées en grande partie de plastique ; les fenêtres sont passées du bois au PVC ; les bouteilles de jus, du verre au plastique. Les entreprises ont créé une dépendance de toute pièce.
En Europe, la prise de conscience écologique, la modification de certaines habitudes de consommation et la réglementation de plus en plus contraignante permettent progressivement de boucher certains marchés. Seulement, en parallèle, ces entreprises ont utilisé des stratégies commerciales et marketing hyper agressives pour coloniser jusqu’aux esprits des jeunes générations des pays émergents, notamment en Asie du Sud-Est. Résultat : celles-ci veulent maintenant consommer comme nous, et il sera difficile d’enclencher la marche arrière.
Les négociations à Paris pour un traité international contre la pollution plastique apparaissent comme une lueur d’espoir. Seulement, des acteurs peu scrupuleux se sont invités à la table des discussions…
Oui. La présence des États pétroliers — au-delà des États-Unis et de la Chine — constitue un obstacle de taille. Depuis qu’est née l’idée d’un traité international juridiquement contraignant pour lutter contre la pollution plastique, ils sont omniprésents et ont à cœur de faire dérailler ces négociations.
L’une de leurs astuces consiste à démarcher les politiques sur les questions de recyclage chimique. Ils tentent de rassurer tout le monde en promettant qu’ils pourront recycler le plastique, via différents processus : les Américains parlent de le transformer en fuel, tandis que les Européens veulent plutôt en faire à nouveau du polymère, à l’aide de solvants. Ainsi, la boucle est bouclée et ils peuvent justifier leur business.
Les lobbyistes jouent aussi la carte de la blancheur. Ils proposent de substituer le plastique tiré du pétrole par du plastique biosourcé. Autrement dit, à partir de cultures vivrières — pommes de terre, maïs, betteraves, cannes à sucre, etc. — qu’il faudra produire à une échelle faramineuse pour obtenir suffisamment de rendement. Comment fait-on ? Eh bien à l’aide d’engrais et de pesticides fabriqués par la pétrochimie. Sans oublier qu’ensuite, le processus pour produire les polymères reste identique. Ce n’est pas parce que la matière première vient de la nature que c’est clean pour autant.
À côté de ça, certaines victimes de cette pollution plastique n’auront pas la possibilité de s’exprimer…
La France héberge une conférence internationale et reconnaît que la participation des travailleurs du secteur informel est essentielle dans ces négociations. Mais les procédures pour décrocher un Visa et se faire accréditer sont vraiment contraignantes. L’administration réclame un contrat de travail, des fiches de paie et des relevés bancaires… Un ami, président de l’association des ramasseurs de déchets au Kenya, n’est par exemple pas sûr de pouvoir entrer dans la salle des négociations. Pourtant, son association a été reconnue comme un acteur fondamental du débat.
À l’inverse, du côté des entreprises pétrochimiques, on a observé un boom d’accréditations spontanées. La société civile pourrait se retrouver sous-représentée. Ce serait un scandale.
Delphine Lévi Alvarès est l’une des coordinatrices de la campagne mondiale #BreakFreeFromPlastic, lancée en 2016. Rattachée au Centre pour le droit international pour l’environnement (Ciel), elle combat l’expansion de l’industrie pétrochimique, aux conséquences sociales, climatiques et sanitaires désastreuses.
La Fondation Abbé Pierre rend public ce mardi 23 mai son nouveau rapport sur l’état du mal-logement. Il pointe une crise du logement sans-précédent en Bretagne.
Mal-logement : la situation est inédite et « alarmante » selon la Fondation Abbé Pierre
La Fondation Abbé Pierre rend public ce mardi 23 mai 2023 son nouveau rapport sur l’état du mal-logement en Bretagne et alerte sur une « crise du logement sans-précédent » dans la région. Pour la première fois, son baromètre met en exergue des données plus défavorables en Bretagne que sur l’ensemble de l’Hexagone. La qualité et la quantité de logements sont concernées. Décryptage.
Nombre de logements vacants en augmentation, baisse des projets de rénovation, renchérissement des prix… Selon l’agence régionale de la fondation Abbé Pierre : « Tous les indicateurs sont au rouge en Bretagne ».
Dans son 28e rapport sur l’état du mal-logement, la fondation constate que partout, la crise sanitaire liée au Covid-19 a fragilisé de nombreuses personnes sur le fil, mais l’année 2022 a été marquée par une hausse des prix inédite depuis 30 ans, notamment en Bretagne.
Au regard des estimations statistiques, 70.000 personnes seraient mal logées en Bretagne. Une première dans notre région, jusqu’alors plutôt épargnée par le mal-logement.
Des prix « inabordables »
« La Bretagne trustait le podium de tête des objectifs atteints de production de logements sociaux, elle est aujourd’hui dans le peloton de queue, à la 10e place »constate Stéphane Martin, directeur de l’agence régionale de la fondation Abbé Pierre.
Conséquence notamment de la crise actuelle, les logements deviennent inabordables. Tous les portefeuilles sont touchés, mais tout particulièrement les plus modestes et les classes moyennes. Cela se mesure surtout au nombre de recours DALO (droit au logement opposable) qui a augmenté de 86% depuis 2019, alors que ces recours n’ont augmenté que de 3,2% au niveau national.
Comme le parc de logements privés baisse à grande vitesse (la demande est grande et l’offre limitée), les prix grimpent et la pénurie s’accentue : il manquerait, selon la Fondation, 23.000 logements abordables en Bretagne.
Logements sociaux saturés
Conséquence inédite à l’échelle de notre région : les demandes de logement social explosent : 95.000 demandeurs de logement social en Bretagne au 1er mai, soit 40% de plus en 5 ans (ils étaient 66.000 en 2018).
Des demandeurs dont le profil a évolué : « Ils sont de plus en plus jeunes », constate Pauline Urien, la directrice de l’association régionale des organismes HLM de Bretagne. « Ce sontdes personnes qui n’accèdent plus au locatif privé, leurs revenus sont plus élevés qu’avant mais comme les prix ont augmenté dans le privé, ils se tournent vers les logements sociaux. »
Résultat, les files d’attente s’allongent (18,5 mois d’attente en Bretagne contre 15,2 mois l’an dernier) et rares sont les « élus » : la fondation a compté 5,2 demandes pour une attribution seulement. La situation est critique dans tous les départements, mais le Morbihan est le territoire breton le plus en tension.
« Avant, le logement social était un tremplin : on y entrait et quand on avait stabilisé sa situation, on en sortait. Maintenant, malheureusement, dans ce contexte économique, les locataires préfèrent rester. Avec aujourd’hui 7% de turn-over seulement, la situation est très critique. On ne peut plus faire entrer de nouvelles personnes ! » Pauline Urien, directrice l’association régionale des organismes HLM Bretagne
Des organismes HLM qui manquent de moyens. « Depuis 2018 et la mise en place de la réduction du loyer de solidarité en 2018, les organismes HLM bretons ont perdu 134 millions d’euros, soit 10% de leur chiffre d’affaires annuel », ajoute Pauline Urien.
Ce à quoi s’ajoutent une flambée des coûts de construction. « En 2000, la construction d’un T3 de 64 m² coûtait 76.500€. En 2022, c’est plus du double : il faut compter 169 000€ pour construire ce même logement ! » explique la directrice de l’ARO HLM. « De fait, les organismes HLM, au lieu d’en construire deux, ils n’en construisent plus qu’un. »
Demandes d’hébergement d’urgence en hausse
L’accès à un logement étant de plus en plus compliqué, de plus en plus de personnes demandent des hébergements d’urgence : +6,5% en 2022, soit 3.200 demandes supplémentaires.
Beaucoup ont recours au 115, mais les réponses positives sont limitées : 32% des demandes seulement aboutissent… De plus en plus de personnes dorment donc à la rue, dans des parcs, dans des campings, ou dans leurs voitures.
La fondation note que a situation du « sans-abrisme » est particulièrement compliquée dans les Côtes-d’Armor où les services constatent « que les personnes isolées n’appellent plus le 115, car elles savent qu’elles ne vont pas être prises en charge. Des inquiétudes sont présentes avec le retour de la période touristique et la disponibilité des hôtels. »
Passoires énergétiques et conditions « indignes »
Le nombre de logements est insuffisant pour répondre à toutes les demandes, mais leur qualité est aussi pointée du doigt par la Fondation qui a comptabilisé63.000 logements potentiellement indignes en Bretagne.
Cela vaut dans le public comme dans le privé, dont la précarité énergétique est pointée du doigt. Le rapport de la Fondation note « un abandon public des propriétaires les plus pauvres, dans les logements indignes et dans les passoires thermiques ». 224.468 ménages bretons, soit 14,6% de la population, sont en précarité énergétique quand la moyenne en France métropolitaine est de 13,9%.
Hôtels insalubres subventionnés
Des conditions « indignes » dont souffrent notamment les plus précaires. Mathilda (prénom d’emprunt) a accepté de témoigner.
Cette maman de trois enfants âgés de 8 à 13 ans a vécu depuis son arrivée en France dans des logements quelquefois insalubres : pas de toilettes, pas de douche, pas de cuisine…
Durant quatre mois, le 115, faute de place d’hébergement, lui a proposé deux chambres dans un hôtel d’Ille-et-Vilaine : « une horreur » selon cette femme : « Il n’y avait nulle part où cuisiner, pas de table pour manger ou travailler. Les enfants avaient interdiction de jouer… »
« L’État subventionne des hôtels insalubres. Il paie ces structures, mais avec 21 euros par chambre par nuit, il n’y a pas de prestation de nettoyage, de gardiennage et surtout pas d’accompagnement des ménages… Est-ce que c’est suffisant pour apporter de la qualité dans les prises en charge ? Stéphane Martin, directeur de la Fondation Abbé Pierre Bretagne
« À ce prix, ajoute le directeur régional, beaucoup d’hôteliers ne veulent plus aujourd’hui avoir de contrats avec le SIAO (service intégré de l’accueil et de l’orientation)… «
Malgré tous les inconvénients qu’il présente, le recours aux hôtels est pourtant de plus en plus courant : « 35% des réponses en hébergements d’urgence le sont par le biais des hôtels. Ne faudrait-il pas plutôt envisager des structures avec accompagnement spécialisé, c’est toute la question qu’on se pose ! » poursuit Stéphane Martin.
Réaction attendue du gouvernement
Face à ce constat alarmant, la Fondation Abbé Pierre tire la sonnette d’alarme. « Il est urgent d’agir ! » alerte Stéphane Martin qui attend beaucoup des conclusions du CNR, le centre national de la refondation sur le logement, qui doivent être rendues le 5 juin prochain.
« Il faut que le gouvernement refinance largement la question du logement à hauteur de 2% du PIB. Il est aujourd’hui à 1,5 contre 2,2% en 2010. On demande aussi en urgence de financer les logements abordables dans le parc HLM et privé avec une loi de programmation sur les 5 ans à venir. »
Des choix politiques qui pourraient passer, du moins ils l’espèrent, par la régulation des prix des logements et du foncier, l’encadrement des loyers en urgence, des aides à la construction via notamment une TVA à 5,5% pour les matérieux de conscruction, l’accès élargi aux APL… et « un vrai travail sur la rénovation énergétique et l’habitat indigne avec l’éradication des 60.000 logements indignes par an. C’est un enjeu fort, mais on peut le réaliser et surtout ne plus expulser des personnes sans situation de relogements ! Beaucoup de ménages sont aujourd’hui sans solution et risquent de se retrouver durablement à la rue. »
Une solution réside peut-être dans ce dernier chiffre : le nombre de logements vacants… La fondation en a compté 145.773 en Bretagne en 2019, soit 37% de plus qu’en 2008.
Turquie. Après le 14 mai, Erdogan apparaît en pole position pour le second tour
Le président turc Recep Tayyip Erdogan semble bien parti pour prolonger son règne pour une troisième décennie, alors qu’il se présente au second tour de la présidentielle après avoir confortablement battu son principal adversaire lors du premier tour.
Après une campagne très disputée qui avait fait naître l’espoir d’une percée de l’opposition, Erdogan a obtenu 49,5% des voix dans la course à la présidence, loin devant son principal rival, Kemal Kiliçdaroglu, avec 44,9%, selon l’autorité électorale turque.
Aucun candidat n’ayant obtenu plus de 50%, le Conseil électoral suprême a annoncé lundi qu’Erdogan et Kiliçdaroglu se retrouveraient au second tour le 28 mai, un second tour où le président sortant est le grand favori.
Outre l’avance de plus de 2 millions de voix sur Kiliçdaroglu dans la course à la présidence, la coalition de droite d’Erdogan semble en passe de remporter une majorité absolue lors des élections législatives turques, ce qui renforcerait sa position lors du second tour. [La coalition sous l’égide de l’AKP obtient la majorité des 600 sièges, l’AKP en obtient 267, le CHP 169, Yesil Sol Parti 61. Voir les résultats des élections législatives sur le site: https://secim.aa.com.tr/]
La performance d’Erdogan lors du vote de dimanche 14 mai a démenti les sondages d’opinion qui donnaient à Kiliçdaroglu une avance substantielle au cours des derniers jours de la campagne âprement disputée. «Ne tombez pas dans le désespoir», a tweeté Kiliçdaroglu lundi, ajoutant: «Nous nous relèverons et remporterons cette élection ensemble.»
Le chef de l’opposition, âgé de 74 ans, avait construit une large alliance de centristes, de nationalistes et de partis conservateurs et bénéficiait du soutien extérieur de la principale alliance kurde [soit le HDP-Parti démocratique des peuples] de Turquie dans sa tentative de mettre fin à ce qu’elle appelle le «règne d’un seul homme», c’est-à-dire le règne d’Erdogan.
La probabilité croissante que les politiques économiques peu orthodoxes d’Erdogan se poursuivent a ébranlé les marchés financiers du pays, qui s’étaient redressés à la fin de la semaine dernière après que les sondages eurent donné l’avantage à Kiliçdaroglu.
Le coût de l’assurance contre un défaut de paiement (CDS-Credit Default Swap – prime d’assurance pour se protéger du risque de défaut) de la dette turque a bondi lundi, l’écart sur les swaps de défaut de crédit à cinq ans augmentant de plus de 100 points de base pour atteindre 608 points de base, le niveau le plus élevé depuis novembre, selon les données de Bloomberg.
Le marché des actions turques, dominé par les investisseurs locaux, a également chuté, l’indice de référence Bist 100 [indice Borsa Istanbul composé des 100 sociétés cotées à la Bourse d’Istanbul] perdant 3,1% et le sous-indice bancaire environ 8,3%. La lire est restée proche de son niveau le plus bas.
«Les marchés seront nerveux entre le premier et le second tour, car les politiques économiques d’Erdogan ne tiennent pas la route», a déclaré Timothy Ash, stratège des marchés émergents chez BlueBay Asset Management.
Les investisseurs s’inquiètent des politiques économiques peu orthodoxes d’Erdogan, qui a notamment réduit les taux d’intérêt malgré une inflation galopante.
Ils s’inquiètent également de la baisse des réserves de change du pays et de l’essor des comptes d’épargne spéciaux [qui assurent des taux d’intérêt élevés pour des dépôts en lires afin de freiner les transferts vers le dollar ou l’euro], qui obligeraient le gouvernement à payer en cas de chute soudaine de la lire.
Les pressions liées au coût de la vie, un tremblement de terre dévastateur qui a tué plus de 50 000 personnes en février et le mécontentement suscité par le style autoritaire du régime d’Erdogan ont revigoré une opposition qui pense avoir sa meilleure chance d’arracher le pouvoir au dirigeant turc en activité depuis vingt ans.
Mais Erdogan a de nouveau mobilisé sa base de soutien en mettant l’accent sur des questions qui fâchent, notamment la coopération tacite de l’opposition avec un parti pro-kurde (HDP) qu’il accuse de liens avec le terrorisme, ainsi que les généreuses augmentations de salaire [dans la fonction publique] et autres cadeaux.
Jan Petersen, qui a dirigé une mission d’observation électorale de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, a déclaré lors d’une conférence de presse lundi 15 mai que si les Turcs ont pu voter librement dans l’ensemble, Erdogan et ses alliés ont bénéficié de plusieurs avantages injustes.
«Les chaînes publiques ont clairement favorisé les partis et les candidats au pouvoir», a déclaré Jan Petersen, ajoutant que «la majorité des chaînes de télévision nationales privées […] ont également été clairement partiales en faveur des partis au pouvoir dans leur couverture médiatique».
Il a également critiqué le gouvernement turc pour avoir exercé des «pressions sur [certains] politiciens et partis d’opposition» et a déclaré que le travail des autorités électorales était «marqué par un manque de transparence, des communications inadéquates et un d’indépendance».
Erdogan n’a pas proclamé sa victoire dans la nuit lors du discours prononcé depuis le balcon du siège [à Ankara] de son parti, le Parti de la justice et du développement (AKP), lieu traditionnel qu’il a utilisé pour célébrer la plupart de la douzaine de victoires précédentes de son parti.
Le président est apparu confiant, chantant un air pop devant des milliers de partisans brandissant des drapeaux et déclarant: «Nous sommes déjà en avance sur notre plus proche rival [et] nous nous attendons à ce que ce chiffre augmente avec les résultats officiels.»
Des élections législatives simultanées ont donné à l’alliance de droite d’Erdogan une majorité confortable, qui l’aidera à conserver son emprise sur l’économie et d’autres aspects de la vie turque s’il remporte le second tour.
Un candidat tiers, l’ultranationaliste Sinan Ogan, a obtenu 5,2% et a été écarté de la course. Ogan a déclaré qu’il était ouvert à des négociations avec Erdogan et Kiliçdaroglu afin d’obtenir l’appui de ses électeurs au second tour. Mais il a déclaré que tout accord nécessiterait la mise à l’écart du principal mouvement pro-kurde, qui a obtenu des sièges au parlement en tant que parti de la Gauche verte [Ysil Sol Parti] – un électorat dont Kiliçdaroglu a besoin dans le second tour de défi à Erdogan.
Les alliés de Kiliçdaroglu se sont plaints à plusieurs reprises dimanche soir du décompte des voix, affirmant que les médias d’Etat [l’agence Anadulu était accusée de transmettre des résultats biaisés, d’autant plus que l’AKP faisait obstacle, en demandant des recomptages, à l’annonce de résultats dans des bureaux de vote où l’opposition était majoritaire] tentaient de «tromper» le public en flattant la position d’Erdogan. Mais l’opposition, qui a d’abord affirmé qu’elle avait une avance significative sur Erdogan, a atténué ses objections au fur et à mesure que le décompte des voix avançait.
(Article publié le 15 mai 2023, sur le site du Financial Times; traduction rédaction A l’Encontre)
15 mai 2023 Alencontre Ayla Jean Yackley (Istanbul) et Adam Samson (Ankara)
Le parti d’extrême droite arrive en tête des nouvelles élections législatives au Chili
Le président de gauche Gabriel Boric s’est engagé sur la voie désastreuse de la conciliation avec les grandes entreprises et la droite.
Le parti républicain d’extrême droite est arrivé en tête des élections à l’organe chargé de rédiger la nouvelle constitution du Chili. Il a obtenu 22 des 51 sièges, les partis de droite 11 autres et la gauche seulement 17.
Le président Gabriel Boric avait promis de remanier la constitution adoptée par le général Augusto Pinochet, qui a pris le pouvoir en 1973 à la suite d’un coup d’État soutenu par les États-Unis.
L’homme de gauche a accédé au pouvoir en 2021 à la suite d’un mouvement de masse qui a secoué ce pays d’Amérique du Sud. Il a battu Jose Antonio Kast, chef des républicains qui se sont déclarés opposés à toute modification de la constitution.
Les travailleurs avaient placé de grands espoirs dans M. Boric lorsqu’il est arrivé au pouvoir, espoirs qu’il a ensuite déçus.
Dans le cadre d’une campagne de lutte contre la criminalité, tous les partis de la coalition gouvernementale ont contribué à l’adoption de 15 textes législatifs il y a un mois. Ces textes confèrent des pouvoirs considérables aux forces de police qui avaient si brutalement tenté d’écraser la révolte de 2019.
Les policiers se sont vu accorder une couverture légale pour tuer, ainsi qu’un budget supplémentaire de 1,25 milliard d’euros. « Les ressources supplémentaires », s’est vanté Boric, « seront financées par des fonds d’urgence ». Ils proviennent « du trésor public, pas de réaffectations, pas de fonds déjà affectés à autre chose, et d’autres fonds qui n’ont pas été engagés dans le budget pour l’année 2023″.
L’assemblée constitutionnelle commencera à travailler sur un nouveau projet en juin, qui sera soumis à un vote national. L’année dernière, les citoyens ont rejeté un projet de constitution soutenu par M. Boric et la gauche.
Il comprenait des réformes progressistes que les grandes entreprises et la droite ont combattues bec et ongles. Mais il avait déjà cherché à faire des compromis avec ces forces, plutôt que de s’attaquer aux crises sociales auxquelles sont confrontés les citoyens ordinaires. Par exemple, il s’agissait de donner aux citoyens le choix entre les soins de santé publics et privés, et non de se débarrasser des vautours privés.
Pendant ce temps, la vie des gens ordinaires est devenue plus difficile. Au Chili, l’inflation est à deux chiffres depuis plus d’un an et n’est revenue que récemment à 9,9 % en avril. Le prix des denrées alimentaires, en particulier, a grimpé en flèche au cours de l’année écoulée.
La colère s’est également manifestée à la suite des incendies de forêt qui ont ravagé le sud du Chili en février, faisant plus de 20 morts. Les personnes interrogées ont estimé que le gouvernement n’avait pas réagi assez rapidement.
Boric n’était pas prêt à affronter les intérêts et le pouvoir des grandes entreprises au Chili. Il s’est appuyé sur des voies parlementaires et constitutionnelles « sûres », et non sur des mobilisations de masse dans les rues et sur les lieux de travail, qui ont le pouvoir de s’attaquer au capital.
En faisant des concessions aux patrons et à la droite, il a démobilisé ses propres partisans et ouvert la porte à l’extrême droite.
Dans les années 1970, le social-démocrate Salvador Allende pensait que pour apporter des changements, il pouvait promouvoir « l’unité ». Il espérait apaiser la droite en cédant à ses exigences. En 1973, Pinochet l’a renversé et Allende a été tué.
Boric a suivi la même voie de conciliation avec la droite, qui s’est à nouveau avérée désastreuse.
Le 5 février, une majorité des membres de la commission des thons de l’océan Indien (CTOI) se prononçait pour l’interdiction annuelle, trois mois durant, de la pêche industrielle au thon dans leur région. Il s’agit évidemment de tenter de protéger une ressource, et même une espèce, menacée par la surpêche.
Chaque année, 4,5 millions de tonnes de thon sont capturées. Dans un marché mondial partagé entre quelques groupes, les armateurs européens, principalement français et espagnols, ont un quasi-monopole sur les th ons de l’océan Indien. Pour y faire passer leurs captures annuelles de quelques dizaines de tonnes dans les années 1990 à 400 000 aujourd’hui, ces capitalistes des mers ont usé de tous les moyens, techniques comme politiques.
Les thons sont attirés par des dispositifs de concentration du poisson (DCP), des radeaux dérivants équipés de balises, voire de dispositifs signalant l’arrivée du poisson. Lorsqu’une masse suffisante est réunie, attirée par la présence du plancton concentré par le radeau, le navire fait route vers le DCP, l’entoure d’un filet géant, une senne, et remonte des dizaines de tonnes d’un seul coup. Dans l’opération, d’autres espèces de poissons, des cétacés et des thons juvéniles, c’est-à-dire qui ne se sont pas encore reproduits, sont sacrifiés allègrement. On comprend que, dans ces conditions, l’océan Indien se dépeuple rapidement. De plus, chaque navire larguant plusieurs centaines de DCP à chaque campagne, l’océan est envahi de milliers de ces déchets flottants, éventuellement dangereux pour la navigation des petits bateaux.
Les thons sont débarqués dans les conserveries des Seychelles, de l’île Maurice et de Madagascar, qui emploient 20 000 travailleurs, payés naturellement au tarif local – le salaire moyen varie de l’équivalent de 60 euros à Madagascar à 470 euros aux Seychelles, îles dont le niveau de vie, le plus élevé de la région, ne repose que sur le tourisme et le thon. Les exportations de ces usines vers l’Union européenne sont détaxées, car le poisson est pêché par des armements européens. L’Union européenne a en fait organisé elle-même ce marché, ses règlements et la CTOI où, jusqu’ici, elle imposait sa loi et l’exclusivité de la ressource pour ses armateurs.
Elle a subventionné les armements, envoyé un représentant permanent dans les îles de la région, balisé le terrain dans les moindres détails. Pour plus de sûreté, le syndicat des armateurs européens au thon, Europêche, avait recruté comme porte-parole l’ancienne fonctionnaire responsable des pêches à la Commission européenne et fait savoir que les crédits de l’UE aux États riverains dépendaient de leurs votes. Ces États riverains constituent en effet, avec l’Union européenne et les territoires français, l’essentiel des membres de la CTOI. Mais, visiblement, ils n’ont pas réussi à tous les acheter cette fois-ci, et leur type de pêche est, sinon proscrit, du moins mis publiquement en accusation.
Les ONG de défense de l’environnement, au premier rang desquelles Bloom et Greenpeace, dénoncent depuis des années le massacre des thons de l’océan Indien, la ruine de la petite pêche locale et, avec un peu moins de fougue toutefois, les conditions de travail des travailleurs de ce secteur. C’est grâce à leur travail que de grands médias, comme la télévision publique française ou le journal Le Monde, ont fait connaître cette situation.
Ces ONG, présentes sur place mais surtout dans les grandes métropoles, auprès des États, de l’ONU et de la Commission européenne, crient victoire. C’est prématuré et surtout très hypocrite. En effet, pour les 100 000 petits pêcheurs de l’océan Indien, rien n’est réglé, car l’interdiction temporaire ne concerne que les eaux internationales, bien au-delà des zones de pêche de leurs embarcations. Leur voix risque d’avoir moins de portée que les protestations d’Europêche. Les représentants des armateurs européens, qui ont même le culot de prétendre défendre les emplois des travailleurs des conserveries, hurlent à la faillite. Pourtant, non seulement rien n’est encore fait, mais les armateurs et l’UE ont la possibilité de faire appel, ce qui suspendrait automatiquement l’interdiction de pêcher. La question est donc bien loin d’être réglée mais, quand bien même le serait-elle, il y a anguille, ou plutôt thon et même banc de thons, sous roche.
En effet Bloom, Greenpeace et les autres ONG qui bataillent contre les DCP et les filets géants militent pour la pêche dite durable, c’est-à-dire à la ligne. C’est en fait un autre type de travail industriel. Des bateaux sont spécialement conçus pour que des dizaines de travailleurs lancent simultanément des lignes à l’arrière, remontent les thons à une cadence infernale sur le pont derrière eux, pendant que d’autres les décrochent, les tuent et les stockent, en attendant qu’un bateau transbordeur vienne récupérer les prises. Comme dans l’océan Indien, les bancs sont repérés par les moyens les plus modernes, du satellite au sonar.
Ce type de pêche, qui a certes l’avantage de ne presque pas capturer d’autres espèces, se pratique surtout dans le Pacifique, pour des volumes encore plus importants que ceux de l’océan Indien. Cette pêche a la préférence intéressée des importateurs américains, dont la chaîne géante de supermarchés Walmart, et des importateurs britanniques et de leurs relais politiques, associatifs et médiatiques.
Sa promotion est assurée par une ONG, International Pole and Line Foundation (Fondation internationale de la canne à pêche), regroupant des armateurs, des chaînes commerciales, « durables » et classiques, des conserveries, etc. Ce sont des capitalistes de la même eau, et même de plus gros calibre que les armateurs de l’UE auxquels ils interdisent de fait de pénétrer leurs zones de pêche et leurs marchés. Les prétextes sont écologiques, cela va de soi, et étayés par une série de labels, tous plus verts et durables les uns que les autres.
Mais, alors que des prolétaires modernes opèrent sur les bateaux usines de l’océan Indien, les pêcheurs « à la ligne » du Pacifique sont bien souvent des travailleurs forcés, comme le montre une enquête de 2020, réalisée par le Business and Human Rights Ressource Center, intitulée « L’esclavage moderne dans la chaîne de production du thon du Pacifique ». Les coûts de main-d’œuvre de ce type de pêche représentant 30 à 50 % du total, les armateurs sont amenés à les réduire de plus en plus, d’autant que la rentabilité de la pêche au thon diminue avec la ressource.
Les cas de travail forcé, de quasi-esclavage, de mauvais traitements, de disparitions se multiplient dans ces pêcheries. Cela concerne des travailleurs du Sud-Est asiatique et des entreprises qui sont souvent thaïlandaises ou de droit thaïlandais, mais dont les capitaux sont américains ou britanniques et dont la pêche est labellisée durable. De plus, comme dans l’océan Indien, les pêcheurs des îles du Pacifique accusent les grands armements de les réduire à la famine en vidant leur mer. Entre le filet et la ligne, où est alors la pêche durable ?
Les considérations écologistes, quelle que soit par ailleurs leur légitimité, ne sont plus là que le travestissement publicitaire du combat pour dominer un marché. Le progrès technique, ligne ou filet, ne sert qu’à saccager plus définitivement la nature et à exploiter plus férocement le travail, faisant cohabiter le repérage par satellite et le quasi-esclavage. On ne sait ce qui est le plus révoltant, de cette criminelle course au profit ou des mensonges qui l’accompagnent.
Bretagne vendredi 16 juin
Réunion publique Lutte Ouvrière
Rennes Maison de Quartier de Villejean (2 rue de Bourgogne) à 20h00
Pillage de l'Afrique : l'impérialisme français contesté dans son pré carré