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09 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

george monbiot (reporterre)

George Monbiot : «<small class="fine d-inline"> </small>Derrière chaque mouvement fasciste, il y a un milliardaire<small class="fine d-inline"> </small>»George Monbiot à Paris, en octobre 2023. Son dernier livre Nourrir le monde vient d’être traduit en français. – © Mathieu Génon / Reporterre

George Monbiot : « Derrière chaque mouvement fasciste, il y a un milliardaire »

Reporterre — Êtes-vous optimiste ?

George Monbiot — Oui. L’une des raisons pour lesquelles les gens sont pessimistes est qu’ils pensent qu’il faut convaincre tout le monde pour que le changement se produise. De nombreux exemples historiques montrent que ce n’est pas vrai. Nous disposons de données [1] qui montrent combien de personnes doivent être persuadées pour qu’un changement sociétal se produise : environ 25 % de la population.

Si vous regardez les attitudes à l’égard de l’avortement, du mariage homosexuel, de la libération de la femme, du tabagisme, de la ceinture de sécurité, il suffit d’atteindre cette proportion pour que la bascule se fasse. Une fois qu’un nombre suffisant de personnes est engagé, le reste de la population se met soudain à suivre.

Alors pourquoi tant de gens en Grande-Bretagne, en France, en Pologne, en Allemagne… sont-ils opposés au mouvement écologique et votent-ils pour des partis très conservateurs ?

Malheureusement, l’extrême droite essaie d’atteindre son propre point de bascule et partout, elle s’est montrée extrêmement efficace dans la recherche de changements systémiques.

Le problème ne vient pas seulement de l’extrême droite, mais du fait qu’il existe une alliance entre les super-riches et l’extrême droite…

C’est vrai. Derrière chaque mouvement fasciste se cache un milliardaire qui le soutient discrètement. L’extrême droite désigne des boucs émissaires parmi les minorités : la colère du public n’est pas dirigée là où elle devrait l’être, c’est-à-dire vers les très riches qui sont les personnes qui détruisent nos moyens de survie.

Dans sa dernière encyclique sur l’écologie, le pape François parle de la nécessité de changer le « mode de vie irresponsable du modèle occidental ». Pourquoi les responsables politiques n’osent-ils pas dire la même chose ?

Aucun politicien ne semble prêt à le dire en dehors des partis Verts, alors que c’est une réalité à laquelle nous devons confronter les gens. Elle est présentée comme effrayante parce que nous avons normalisé des formes extrêmes de consommation, même si nous savons qu’elles ne nous rendent pas plus heureux.

Il faut que cela change, sinon cela conduira au plus grand malheur jamais connu dans l’histoire de l’humanité. Mais c’est considéré comme impensable, non pas parce que la grande majorité de la population ne pourrait pas le penser, mais parce qu’au Royaume-Uni, la plupart de nos journaux sont détenus par des milliardaires psychopathes qui ne vivent pas en Grande-Bretagne. Pourtant, ils nous disent comment penser et comment vivre, et ils ont plus d’influence sur les partis politiques que les électeurs. Ce sont eux qui rendent impensable de dire aux gens qu’il faut consommer moins.

Comment démanteler l’alliance entre les ploutocrates [2]– comme vous les avez désignés récemment dans The Guardian – et l’extrême droite ?

Il faut commencer par cesser de s’inquiéter de leur poids. Si les révolutionnaires avaient pensé : « Les forces de l’oppression sont si énormes que nous ne pouvons pas envisager de les renverser », rien ne se serait jamais produit. Ce que nous savons, c’est que nous pouvons atteindre très rapidement une masse critique. Ce qui semble impossible à un moment donné devient inévitable au moment suivant. Nous devons cesser de nous inquiéter d’eux et nous concentrer sur nos tactiques et notre stratégie. Bien sûr, ce sera extrêmement difficile. Au Royaume-Uni, des lois incroyablement oppressives ont été adoptées, en vertu desquelles vous pouvez être jeté en prison pendant dix ans simplement pour avoir manifesté.

Ont-elles été appliquées contre des écologistes ?

Oui. La loi sur la police de 2022 et la loi sur l’ordre public de 2023 sont les lois les plus répressives des protestations de toutes les soi-disant démocraties. Par ailleurs, en plus des poursuites pénales, les autorités publiques et les entreprises privées obtiennent désormais des injonctions à l’encontre de toute personne qu’elles n’aiment pas et ces personnes se voient contraintes de les payer. Certains de nos militants les plus efficaces voient leur vie entière détruite [3].

Les pouvoirs nous opposent tout ce qu’ils peuvent, mais c’est un signe de leur peur. Car à mesure que la crise environnementale devient évidente, il est de moins en moins possible de le nier. Cela devient une crise existentielle pour l’industrie des combustibles fossiles, l’industrie automobile, l’industrie de la viande, l’industrie aéronautique, l’industrie minière et bien d’autres encore.

Comment faire face à une répression aussi dure ?

On a fait bien pire à nos ancêtres politiques, aux femmes qui ont essayé d’obtenir le droit de vote, aux militants des droits civiques, à ceux qui ont essayé d’obtenir l’égalité des droits, aux campagnes pour l’indépendance. Des milliers de personnes ont été tuées ou torturées. Cela se produit encore : des centaines de militants écologistes sont assassinés chaque année dans le monde. Ce que nous demandons aux gens de faire — résister à ce système monstrueux — est très difficile, mais pas aussi difficile que ce que d’autres personnes ont dû affronter dans le passé.

En fait, lorsque les gens voient que d’autres personnes paient le prix fort pour leurs actions, ils les prennent plus au sérieux. Le courage des militants me donne de l’espoir. Chaque fois que les puissances oppressives pensent nous avoir écrasés, le courage des gens revient en force.

Vous semblez apprécier la stratégie d’Extinction Rebellion (XR).

XR est très stratégique. Mais la pandémie de Covid a interrompu sa campagne très efficace. On était proche d’un point de bascule. Malheureusement, tout le monde a dû rentrer chez soi. Nous devons reconstruire à partir de cette position et c’est très difficile, notamment parce que la police et les politiciens sont plus préparés cette fois-ci et qu’ils ont introduit des lois très répressives.

Vous avez débattu avec le géographe Andreas Malm, auteur de Comment saboter un pipeline. Que pensez-vous du sabotage comme tactique de lutte ?

Avec Andreas Malm, la question porte sur la tactique. Je ne suis pas opposé à ce que des personnes sabotent des biens appartenant à des entreprises ou détruisent des infrastructures, tant que personne n’est blessé. Mon principal souci, c’est que cela expose les gens à des peines très lourdes. Les peines encourues sont si élevées que je ne peux pas encourager d’autres personnes à le faire, parce que je ne suis pas prêt à le faire moi-même.

Vous avez commencé votre chronique dans le Guardian en 1995. Qu’est-il arrivé à l’Angleterre depuis cette date ?

Une catastrophe. On avait un pays raisonnablement bien géré dans ses fonctions de base, et tout cela a été détruit. Nos rivières sont pleines de merde parce que le système d’égout ne fonctionne plus, parce que pendant des années, aucun investissement n’y a été fait, parce que les compagnies des eaux privées qui le gèrent n’ont fait qu’aspirer l’argent pour le mettre dans les poches de leurs actionnaires. Nos chemins de fer ne fonctionnent plus pour la même raison. Nos écoles s’effondrent littéralement parce que certaines ont été construites avec un béton qui ne dure que trente ans. Nos hôpitaux tombent en ruine. Le système s’effondre sous nos yeux et il n’y a pas de mystère sur la cause de ceci : l’idéologie néolibérale a transformé un système qui fonctionnait plus ou moins dans l’intérêt de la population en un système qui fonctionne dans l’intérêt des grandes sociétés.

Comment imaginez-vous le monde en 2030 ?

Quand les politiciens disent 2050, ils veulent dire jamais. 2050 est devenu un synonyme de jamais. Il vaut mieux effectivement parler de 2030. Nous pourrions d’ici là avoir franchi des points de bascule environnementaux, et être confrontés à un effondrement des systèmes terrestres. Le type de changement possible est inimaginable. Les changements politiques auxquels nous pourrions assister sont aussi inimaginables.

Une possibilité réelle est que l’extrême droite prenne le pouvoir au Royaume-Uni en 2029, sous le drapeau du parti conservateur. Mais si ces mauvaises choses sont imaginables, les bonnes choses le sont aussi : nous pourrions voir des mouvements de masse irrépressibles et dont la pression force le changement politique. Qu’elle force, par exemple, le parti travailliste à réagir et à devenir un parti qui fait ce qu’il dit.

Récemment, l’ex-président français Nicolas Sarkozy a dit que le vrai problème n’était pas le changement climatique, mais la démographie.

C’est ce que la droite dit toujours. C’est une façon de rejeter la responsabilité des consommateurs du monde riche sur les personnes les plus pauvres de la planète. En fait, nous nous dirigeons vers un plateau démographique au milieu du siècle, puis la population est susceptible de diminuer à partir de 2070 environ, et ensuite de façon très marquée. C’est le seul indicateur environnemental qui ne soit pas en train de crever le plafond à l’heure actuelle. Cependant, il y a une véritable crise démographique, c’est celle du cheptel, qui augmente de 2,4 % par an.

Quelles sont les conséquences de cette explosion de bétail ?

D’ici 2050, si les tendances actuelles se poursuivent, nous aurons 100 millions de tonnes d’êtres humains sur terre et 400 millions de tonnes de bétail supplémentaires. Il s’agit d’une catastrophe absolue, car pour subvenir aux besoins de ce bétail, il faut faire l’une des deux choses suivantes, toutes deux dévastatrices : la première est de les entasser dans d’immenses usines et à cultiver de la nourriture ailleurs, puis à déverser cette nourriture dans ces usines, qui produisent alors d’énormes émissions de nutriments, ce qui tue n’importe quelle rivière. L’alternative de l’élevage extensif nécessite de vastes étendues de terre. Aucune zone terrestre ne peut survivre à un élevage extensif massif, et vous avez donc le choix entre supprimer les rivières ou supprimer les terres. La seule option est d’arrêter de manger des produits d’origine animale.

george monbiot (reporterre) dans Altermondialisme monbiot
« Le courage des militants écologistes me donne de l’espoir », dit George Monbiot, célèbre éditorialiste du quotidien The Guardian. Il évoque la « crise existentielle » que vivent les industries polluantes.

George Monbiot est le chroniqueur écologiste le plus en vue dans le monde anglo-saxon. Sa colonne régulière dans The Guardian pourfend les destructeurs de la planète. De passage à Paris pour présenter la traduction de son dernier livre Nourrir le monde (Les liens qui libèrent), il a répondu à Reporterre sans mâcher ses mots.

https://reporterre.net/

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08 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

bretagne (envoyé spécial)

Migrants Ital

« Envoyé spécial » : comment la filière maraîchère bretonne a recours à des travailleurs africains souvent sans papiers, et sous-payés

Les migrants venus d’Afrique, souvent sans titre de séjour, sont devenus un rouage essentiel de la filière maraîchère bretonne. Dans les environs de Lannion, aucun des producteurs qui les emploient n’a accepté de répondre aux questions d’ »Envoyé spécial », mais une inspectrice du travail a souhaité dénoncer l’hypocrisie qui règne, selon elle, dans le secteur.

En Bretagne, de juillet à octobre, c’est la récolte des célèbres cocos de Paimpol. Comme les étudiants et les retraités français n’y suffisent plus, les maraîchers ont de plus en plus souvent recours à des travailleurs étrangers. Dans ce champ près de Lannion où s’est rendue une équipe d’ »Envoyé spécial », assis sur une chaise sept heures par jour à ramasser les haricots, des Maliens, Camerounais, Guinéens… tous les travailleurs sont africains.

« Les Africains, eux, ils ne connaissent pas de sot métier. Vous, les Français, vous avez honte peut-être de travailler dans les cocos, mais nous, on ne choisit pas. »

Un travailleur agricole africain employé dans un champ de haricots en Bretagne

Ils affirment être déclarés par le propriétaire du champ qui les emploie, mais aucun ne semble avoir de papiers français. Seraient-ils employés illégalement ?

Toute la filière maraîchère bretonne a recours à ces travailleurs africains, afghans ou syriens, devenus des « saisonniers permanents ». Aucun producteur local ne veut le reconnaître ouvertement, et tous ceux que les journalistes ont contactés ont refusé de répondre à leurs questions.

La coopérative locale a même prévenu certains maraîchers, par SMS, de la présence d’une équipe d’ »Envoyé spécial » cherchant à « récupérer des informations concernant la main-d’œuvre étrangère », avec ce conseil : « Soyez vigilants et renvoyez vers la coopérative ». Laquelle a elle aussi décliné les demandes d’interview…

Seule une inspectrice du travail a accepté de s’exprimer, sous couvert d’anonymat. Elle veut dénoncer l’hypocrisie qui règne, selon elle, dans le secteur : « Tout le monde ferme les yeux. Il n’y a pas que les services de l’Etat, c’est les agriculteurs, c’est tout le monde. »

« Il n’y a pas de main-d’œuvre française qui veut faire ce travail, parce que ce n’est pas rémunérateur. » Une inspectrice du travail qui témoigne anonymement dans « Envoyé spécial »

L’inspectrice ne nie pas que les agriculteurs déclarent leurs salariés, mais sans avoir les moyens de vérifier leur identité. Ce qui n’est pas facile, précise-t-elle, car ces travailleurs étrangers « ne sont pas forcément sans titre, mais ils ont des ‘alias’ … » (ils utilisent par exemple la carte d’identité d’un proche).

Des travailleurs maintenus dans la précarité

D’après elle, beaucoup de producteurs ont intérêt à maintenir dans la précarité ces travailleurs étrangers, souvent sous-payés, voire exploités. « Comment voulez-vous revendiquer dans ces conditions-là ? » demande-t-elle. Si on lui donne 500 euros au lieu des 1 200 euros dus (l’ouvrier de cueillette est censé percevoir l’équivalent du smic, voire davantage, selon le poids des denrées récoltées), « il est obligé d’accepter. A qui il va aller se plaindre ? On va lui dire ‘Mais c’est même pas vous, Monsieur, c’est votre alias !’ C’est un no man’s land. »

Extrait de « Sans papiers mais pas sans travail », un reportage à voir dans « Envoyé spécial » le 7 décembre 2023.

> Les replays des magazines d’info de France Télévisions sont disponibles sur le site de Franceinfo et son application mobile (iOS & Android), rubrique « Magazines« .

07/12/2023

https://www.francetvinfo.fr/

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08 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

petits fours (basta)

Couverture du livre Fin du monde et petits fours

Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique, Édouard Morena, (La Découverte, 2023).

« La jet-set climatique et ses ultrariches visent la normalisation du capitalisme vert »

Comment la « jet-set climatique » oriente-t-elle la COP28 ? Elle s’assure « que ses solutions, à base de marchés carbone paraissent comme les seuls outils ’’crédibles’’ », analyse Edouard Morena, auteur de Fin du monde et petits fours.

La « jet-set climatique » n’inclut pas seulement les ultrariches engagés sur les questions climatiques par le biais de leur fondation. Elle englobe aussi toute une nébuleuse de think tanks, cabinets de conseil, experts en communication, consultants, qui gravitent autour de ces ultrariches et participent à la normalisation du capitalisme vert.

Tout le débat qui se déroule à la COP28 sur la création d’un marché carbone mondial volontaire [1] s’inscrit pleinement dans la vision portée depuis une vingtaine d’années par les acteurs que j’étudie dans le livre. Le format même des COP – à travers les annonces et initiatives lancées en parallèle aux négociations qui mélangent à la fois gouvernements, entreprises, grosses fondations, etc. – constitue un bon indicateur de la « réussite » de ces acteurs.

La gouvernance climatique qu’ils promeuvent n’est plus seulement centrée sur les États et les accords entre États, mais sur les acteurs privés et publics par le biais de partenariats qui les unissent. Elle est fondée sur des engagements volontaires, et non pas des contraintes étatiques.

Les COP sont devenues un outil stratégique pour ces élites afin de normaliser des « ajustements réalistes » plutôt que des changements structurels ; changements qui intègrent des enjeux – pourtant essentiels – de justice sociale. Il ne s’agit pas de nier le besoin urgent de transition, mais plutôt de s’assurer que leurs solutions, à base de marchés carbone, d’engagements volontaires, d’innovation, de partenariats public-privé, d’aides massives aux entreprises, paraissent comme les seuls outils « crédibles » et disponibles pour faire face au dérèglement climatique. Ce « réalisme » là, on le retrouve aujourd’hui à la COP28.

Dépolitiser le débat

Lorsqu’on s’intéresse aux centaines de « communicants stratégiques » et autres experts en relations publiques qui gravitent autour de ce genre d’événement, on constate qu’ils travaillent souvent à la construction d’un récit de l’action climatique qui joue sur les registres de la peur et de l’espoir, sur l’urgence et l’optimisme.

Tout en mettant l’accent sur l’urgence de la situation, rapports du GIEC et exemples d’événements climatiques extrêmes à l’appui, ils insistent sur les opportunités économiques et sur le rôle positif des entreprises, des investisseurs, de Jeff Bezos, Michael Bloomberg, Bill Gates et autres entrepreneurs-milliardaires-philanthropes comme fers de lance de la transition bas carbone.

Il suffit de regarder les discours d’Al Gore – notamment à la COP28 – qui repose toujours sur le même format. Il commence par mettre l’accent sur la gravité de la situation, en montrant les images d’icebergs qui se détachent et qui renvoient à l’urgence de la situation et de la crise, avant de mettre en avant « ses » solutions en les présentant comme les seules réalistes et capables de faire face à la crise en cours.

Cette combinaison conduit à faussement dépolitiser le débat et à marginaliser des voix alternatives centrées sur la justice climatique. Elle « naturalise » les solutions centrées sur les acteurs privés, les investisseurs, les mécanismes de marché, en les présentant comme une traduction en actes de la science du climat.

Des élites favorables à la sortie des énergies fossiles

Tout en insistant sur le rôle des acteurs privés, les élites climatiques critiquent les États. Ceux-ci sont présentés, dans leurs discours, comme inefficaces et peu agiles. En parallèle, ces mêmes élites font pression sur ces mêmes États pour qu’ils soutiennent par le biais d’aides en tous genres – crédits d’impôt, subventions aux entreprises, prêts garantis… – les entreprises et investisseurs ; pour qu’ils prennent à leur charge les risques associés à la transition. Les profits éventuels, eux, sont pour les acteurs privés.

Les élites climatiques poussent à fond à la COP28 pour que l’élimination progressive des combustibles fossiles figure dans la déclaration finale. Ce qu’ils souhaitent, c’est avoir une sorte d’échéance pour la sortie des fossiles, car ce signal fort va valoriser leurs investissements dans le secteur des renouvelables et de la transition bas carbone.

De fait, j’ai le sentiment qu’à Dubaï, il y a une forme d’alignement entre élites climatiques et mouvement climat sur cette question précise de la sortie des fossiles. Mais là où il y a une différence, et de taille, c’est sur le type de transition que l’on veut.

La vision de la transition portée par les élites (et qui domine actuellement le débat climatique), met l’accent sur les marchés, les technologies, les engagements volontaires et les « milliardaires-philanthropes-sauveurs-de-la-planète ». Le mouvement climat, quant à lui, accorde une place plus centrale aux enjeux de justice : responsabilités historiques, pertes et dommages, transition juste…

Fort heureusement, cette voix alternative se fait de plus en plus entendre. En dépit des efforts des élites pour l’empêcher, on assiste à une (re)politisation de l’enjeu climatique. D’autres visions de la transition climatique que celles portées par la jet-set climatique se font entendre.

Édouard Morena
Maître de conférences en science politique à l’University of London Institute de Paris. Il est l’auteur de Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique (La Découverte, 2023).

Edouard Morena, maître de conférences en science politique à l’University of London Institute in Paris. Propos recueillis par Sophie Chapelle 8 décembre 2023

https://basta.media/

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07 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

Stéphane l’Homme (odn)

nucl-aire-pieds-nickel-s

« Le nucléaire n’a rien d’une énergie verte »

Les supporters de l’atome se sont félicités le 21 novembre de voir le Parlement européen inclure le nucléaire parmi les technologies dites « vertes », ou « propres », permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Passons vite sur le caractère ridicule de ce vote : il ne suffit pas qu’une énergie émette peu de CO2 pour être « verte » ou « écologique ».

Le nucléaire est en effet l’une des énergies les plus dangereuses et polluantes qui soient : mines d’uranium, production de déchets radioactifs, rejets continus radioactifs et chimiques des centrales dans l’air et l’eau, etc.

Rappelons aussi que la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité est passée de 17,1 % en 2001 à 9,2 % à ce jour, un véritable effondrement qui va continuer avec la fermeture inéluctable dans les années à venir d’au moins 160 vieux réacteurs sur les 400 encore en service sur Terre : si c’est vraiment le nucléaire qui doit combattre le réchauffement climatique, celui-ci a de beaux (et chauds !) jours devant lui.

Mais ce qu’il est important de préciser, c’est que les députés européens ne vont ni financer ni construire des centrales nucléaires. Il en est de même des divers chefs d’État ou de gouvernement qui rivalisent ces derniers temps, à celui qui annoncera plus de futurs réacteurs que son voisin. Tous ces beaux parleurs prétendent « sauver le climat » — quand ce n’est pas carrément « la planète » — avec :

• de puissantes machines comme l’EPR français — ou du moins son successeur l’EPR2, prétendument « moins cher, plus sûr, plus facile à construire » —, ou l’AP1000 américain ;

• une multitude de petits réacteurs modulaires, les fameux SMR, qui doivent pulluler sur Terre aussi sûrement qu’un virus du Covid.

Une électricité ruineuse

Or, il y a quelques semaines, le 9 novembre, on apprenait par l’agence Reuters que l’entreprise américaine NuScale Power avait renoncé à son projet de petit réacteur modulaire, « portant un coup aux ambitions américaines d’une vague d’énergie nucléaire pour lutter contre le changement climatique ».

Il faut dire que le projet devait être préfinancé par les futurs clients — des entreprises et des collectivités locales — qui ont fini par se retirer en dépit d’une garantie de 1,4 milliard de dollars sur dix ans et d’une subvention de 600 millions de la part du département américain de l’énergie. En effet, le projet promis en 2020 annonçait fièrement une puissance de 720 MW pour un coût de 3,6 milliards… avant de passer à 462 MW pour 9,3 milliards, c’est-à-dire quatre fois plus cher que prévu.

« Les renouvelables 2 à 3 fois moins chères »

Aux dernières nouvelles, l’électricité ainsi engendrée était projetée aux environs de 120 dollars par mégawattheure, probablement beaucoup plus en réalité, mais dans tous les cas, ce serait un tarif totalement rédhibitoire : les énergies renouvelables produisent aujourd’hui une électricité abondante à un tarif 2 à 3 fois moins cher, et l’écart ne fait que s’agrandir.

Il s’agit d’un coup fatal pour l’industrie nucléaire, car NuScale était le seul projet de SMR validé par les autorités américaines et, de façon générale, tous les autres projets (tel Nuward en France) vont se fracasser sur le même problème : comme annoncé le 14 octobre 2021 dans une tribune publiée par Le Monde, « s’ils voient le jour, les petits réacteurs nucléaires modulaires produiront une électricité ruineuse ».

Et il est de plus en plus probable qu’ils ne voient même pas le jour. Sauf à s’adresser aux Russes ou aux Chinois — ce qui est exclu pour la plupart des clients potentiels, pour la plupart situés en Europe —, il ne reste donc plus à l’industrie nucléaire et ses supporters que la piste des gros réacteurs comme l’EPR français ou l’AP1000 américain.

Surcoûts, retards

L’un comme l’autre sont d’ores et déjà des désastres industriels et financiers. Annoncé à des dizaines d’exemplaires aux États-Unis, l’AP1000 a été annulé presque partout, sauf en Caroline du Sud… où le chantier a finalement été stoppé et abandonné, et en Géorgie, où un seul réacteur a pu démarrer, avec sept ans de retard et un coût multiplié par deux.

Quant à l’EPR, le suspens demeure à Flamanville, où le réacteur est supposé démarrer en 2024 avec douze ans de retard et un coût multiplié par cinq (selon les estimations de la Cour des comptes). Les EPR de Finlande et de Chine, mis en service également avec de longues années de retard, sont régulièrement arrêtés pour d’inquiétants dysfonctionnements. Quant au chantier d’Hinkley Point, en Angleterre, il suit la voie de son frère français avec de lourds retards et surcoûts.

Bien sûr, EDF et les autorités françaises annoncent désormais des EPR2, « plus faciles et moins chers à construire », mais qui peut encore croire à ces belles paroles ? Rappelons que l’industrie nucléaire française est aussi en grave défaillance sur les chantiers des réacteurs Iter (fusion nucléaire) et RJH, un réacteur de recherche dont la mise en service est désormais annoncée pour 2034… au lieu de 2014.

Pas de chance, le RJH était prévu pour appuyer la recherche sur la prolongation de la durée de vie du parc existant, sur les EPR2, et sur les SMR. Il arrivera longtemps après la bataille et après avoir anéanti quelques milliards de plus, mais qui se soucie de cette gabegie ?

Des macroniens aux communistes en passant par le RN, l’essentiel pour les adeptes de l’atome est de clamer qu’ils vont « sauver le climat », alors qu’ils veulent juste gaspiller dans le nucléaire les milliards qui permettraient justement de prendre les mesures nécessaires (plans d’économies d’énergie et de développement des renouvelables).

Voilà qui nous ramène aux députés européens : après leur vote ubuesque, ils s’affairent déjà à d’autres questions, incapables d’expliquer comment les industriels européens vont bien pouvoir trouver les ressources humaines et financières pour construire les nombreux réacteurs annoncés : en France même, malgré la propagande du VRP de l’atome, Jean-Marc Jancovici, les jeunes ingénieurs et techniciens manquent à l’appel et, d’autre part, EDF et l’État français sont dans des situations financières catastrophiques. Il est impossible de savoir si quelqu’un ou quelque chose va « sauver le climat », mais une chose est sûre, ce ne sera pas le nucléaire…

Le Parlement européen vient d’inscrire l’atome parmi les « technologies vertes ». Il n’en est rien, selon Stéphane Lhomme, de l’Observatoire du nucléaire. Stéphane Lhomme est directeur de l’Observatoire du nucléaire.

https://reporterre.net/

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30 novembre 2023 ~ 0 Commentaire

cop (reporterre)

Quel rôle va jouer la COP de Dubaï<small class="fine d-inline"> </small>?
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Des manifestants lors de la COP27, organisée à Charm el-Cheikh (Égypte). – MOHAMED ABDEL HAMID ANADOLU AGENCYAnadolu via AFP

Quel rôle va jouer la COP de Dubaï ?

Les COP, souvent décriées, contribuent pourtant à décarboner la planète. Retour sur trois décennies de négociations onusiennes avant l’ouverture de la 28e conférence internationale sur le climat à Dubaï, le 30 novembre.

Vu de loin, les COP ressemblent à une vaste foire d’empoigne réunissant des myriades de lobbyistes, diplomates, observateurs, journalistes et organisations non gouvernementales. Grandissant d’année en année, ces sommets onusiens du climat ne semblent plus produire le moindre résultat. D’où la question légitime : « À quoi servent les COP » ? Y répondre suppose de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur avant l’ouverture du 28e sommet, jeudi 30 novembre à Dubaï (Émirats arabes unis).

Retour en juin 1992, au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro.

Durant cette conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, les dirigeants de 179 pays adoptent la Déclaration de Rio, la Déclaration sur la gestion des forêts, la Convention sur la diversité biologique et, pour le sujet qui nous intéresse, la Convention-cadre sur les changements climatiques (CCNUCC). Puis, quelques mois plus tard, la convention sur la lutte contre la désertification, intimement liée à la précédente.

L’objectif du consensus unanime

Longue de vingt-cinq pages et toujours en vigueur, la CCNUCC fixe à ses signataires un objectif : stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre (GES) « à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique ».

Il s’agit de réduire nos émissions de dioxyde de carbone, de méthane, de protoxyde d’azote et d’hexafluorure de soufre. Restait à définir cette « perturbation anthropique dangereuse ». En 1992, la concentration de CO2 dans l’atmosphère était de 356 parties par million (PPM), en progression de 0,4 % par an. Quelle teneur en carbone dans l’air ne devons-nous pas franchir ? Personne ne pouvait répondre à cette question, pas même les rédacteurs du premier rapport du Giec, paru en 1990.

Comme il est de coutume pour les conventions internationales, un secrétariat de la CCNUCC fut établi. Son premier rôle ? Organiser chaque année une conférence des parties (conference of the parties, COP). Durant la quinzaine de jours que dure une COP, les parties — c’est-à-dire les États signataires de la conférence — négocient dans le but de parvenir au consensus unanime. Les négociations portent sur les règles encadrant la mise en œuvre d’objectifs fixés par la Convention, les obligations des uns et des autres et la fixation de nouveaux objectifs.

La première COP à produire des effets visibles fut la troisième du nom, organisée en décembre 1997 à Kyoto (Japon). À l’issue d’âpres négociations, elle adopte le protocole de Kyoto, obligeant les quarante-et-un États les plus développés à réduire de 5 % en moyenne leurs émissions de GES entre 1990 et 2012.

Malgré le fait que les États-Unis, le Canada, puis le Japon, se soient retirés de l’accord, le pari a été tenu. En 2012, la quarantaine de pionniers a atteint le but fixé à Kyoto, en partie grâce à la chute du bloc soviétique — qui a arrêté nombre d’industries lourdes en Russie — et à la crise économique mondiale de 2008. Cette décarbonation forcée a suscité des vocations : en 2008, l’Union européenne publie le « paquet énergie-climat », visant à réduire de 20 % les émissions de ses vingt-huit États membres entre 1990 et 2020.

En 2012, la COP est organisée par un pays producteur de pétrole, le Qatar, où il est décidé de prolonger de sept ans le protocole de Kyoto. Au terme de la phase 2, en 2020, les États assujettis au dit protocole devraient avoir réduit de 18 % leurs émissions de GES par rapport à 1990. Là encore, mission accomplie, non sans l’aide du Covid-19. En confinant le tiers de l’humanité, la pandémie a fait chuté de 6 % les rejets carboniques anthropiques entre 2019 et 2020.

Deux camps qui s’opposent

Le monde du climat est divisé en deux catégories :

les pays qui sont soumis à des obligations (en gros, les membres de l’OCDE) et les pays émergents et en développement, qui n’ont aucune contrainte.

Entérinée dès 1992, cette division a rapidement posé problème.

Le 25 juillet 1997, le Sénat étasunien adoptait ainsi à l’unanimité une résolution indiquant qu’il ne ratifierait jamais un accord international obligeant les États-Unis à réduire leurs émissions si les grands pays émergents (Chine et Inde, notamment) en étaient exonérés.

Seconde puissance économique et premier émetteur mondial depuis 2004, la Chine a jusqu’à présent refusé d’être intégrée aux pays les plus développés. Soutenue par l’Inde (troisième émetteur planétaire), le Brésil et l’Indonésie, Pékin bataille depuis des années pour être exemptée de toute contrainte carbone.

Depuis qu’elle a entrepris de rattraper son retard économique sur les pays occidentaux, la Chine assoit son développement à grande vitesse sur une consommation effrénée d’énergies fossiles. Résultat : entre 1990 et 2020, l’empire du Milieu a pratiquement quadruplé ses émissions de GES. Dans le même temps, l’Inde a plus que doublé les siennes, comme le Brésil, l’Indonésie ou la Turquie.

Ces pays s’appuient sur le principe des « responsabilités communes mais différenciées » posé dans la CCNUCC. Tous les pays doivent participer à la lutte contre le changement climatique, mais ceux qui sont responsables du dérèglement actuel doivent y contribuer plus que les autres.

Paris 2015, avancée majeure

Par leur interprétation stricte de ce principe, Pékin et ses alliés ont bloqué bien des COP. À Bali, en 2007, les parties devaient imaginer de nouveaux objectifs d’abattement des émissions. La décision finale n’en mentionnait aucun. Mais une note de bas de page pointait vers un extrait du quatrième rapport du Giec esquissant un projet d’accord : les grands émetteurs devraient réduire leurs émissions et les objectifs d’abattement seraient définis en fonction du niveau de réchauffement visé.

Il a fallu attendre la COP de Paris, en 2015, pour que soit enfin conclu un « accord universel » sur le climat. S’il n’impose pas d’objectifs chiffrés de réduction d’émissions, il fixe un but : stabiliser le réchauffement entre +1,5 °C et +2 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Ce qui revient à faire chuter de moitié les émissions mondiales de GES d’ici à 2030. L’Accord de Paris commande aussi d’atteindre la neutralité carbone à la moitié du siècle. Pour ce faire, tous les pays devront publier une esquisse de politique climatique qui sera régulièrement remise à jour, les contributions nationales déterminées (NDC).

Ce texte a contribué à faire bouger des lignes que l’on pensait intangibles. En 2019, l’Union européenne annonce un ambitieux plan de décarbonation. Ce Pacte vert ambitionne de réduire de 55 % les émissions communautaires en 2030 par rapport à 1990. Abondé par plusieurs sources, comme des emprunts contractés par l’UE et les contributions des États, le budget consacré à la lutte contre le changement climatique est fixé à 1 000 milliards d’euros entre 2021 et 2030.

La Chine prévoit la neutralité carbone pour 2060

Aux États-Unis, la victoire de Joe Biden, en 2020, a aussi changé la donne. En quelques mois, le président démocrate a fait adopter par le Congrès deux lois, sur les infrastructures et sur la réduction de l’inflation, permettant au gouvernement fédéral d’investir plus de 1 500 milliards de dollars en dix ans dans la modernisation des infrastructures (le réseau ferré) et la décarbonation de l’économie (énergies renouvelables et stockage souterrain du CO2).

Washington espère que cet effort financier inédit permettra au pays de réduire de moitié ses émissions entre 2005 et 2030. Le mouvement est suivi par la Chine. En mars 2021, Pékin a publié son quatorzième plan quinquennal. Entre 2021 et 2025, l’économie chinoise devra faire baisser de 18 % son intensité carbone, une étape essentielle avant le plafonnement des émissions, prévu pour 2030, et la neutralité carbone fixée à 2060. Ce sont désormais 140 pays qui visent la neutralité carbone pour les décennies qui viennent. Une situation inimaginable il y a encore cinq ans.

57 % d’émissions supplémentaires en trente ans

En trois décennies, les COP ont donc accéléré le mouvement. À l’aube des années 1990, les pays du Nord émettaient 44 % des émissions anthropiques, contre 31 % pour les principaux pays émergents.

En 2022, le Nord est responsable du quart des rejets carbonés mondiaux : deux fois moins que ceux des plus émetteurs des pays du Sud, dont les émissions ont explosé — Chine, Inde, Russie, Afrique du Sud, Brésil, Indonésie, Mexique, Turquie, Arabie saoudite.

L’évolution n’est pourtant pas assez rapide. En 2022, l’humanité a expédié dans la biosphère 55 milliards de tonnes de GES (en équivalent CO2), soit 57 % de plus par rapport à la moyenne annuelle des années 1980.

Alors, inutiles, les COP ? Pas totalement.

Leur mission est quasi impossible : convaincre près de 200 pays de changer de modèle de développement en quelques décennies, inciter la finance privée à financer toujours plus de projets de transition énergétique et d’adaptation, inviter des pays à deux doigts de la guerre à travailler de concert, favoriser la coopération entre des nations qui ont tout et d’autres qui n’ont rien.

En 2022, la COP de Charm el-Cheikh (Égypte) s’est achevée sur la promesse de créer un fonds « pertes et dommages » grâce auquel le Nord financerait l’adaptation des pays les plus vulnérables. Ce sujet sera au cœur de la COP de Dubaï.

Bien sûr, la réussite n’est pas présente à chaque opus. Mais quelle autre instance pourrait jouer plus efficacement ce rôle de parlement démocratique du climat mondial ? Voilà pourquoi, malgré des années d’attentisme et de frustration, les COP sont jugées importantes par les lobbyistes, les journalistes, les ONG et les gouvernements.

Valéry Laramée de Tannenberg 30 novembre 2023

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30 novembre 2023 ~ 0 Commentaire

coca cola (la peste)

caca colé

 

La Relève et La Peste Photographie: Tomas Castelazo / Wikimedia Commons 30 novembre 2023

L’effroyable emprise de Coca-Cola au Mexique et le pillage de l’eau

La machine infernale de l’addiction est en marche à partir du moment où la marque use de tous les artifices pour séduire les habitants. Présente sur la totalité des étalages du village et vendue à un prix inférieur à celui des villes, il est aussi facile de se procurer du Coca-Cola que de l’eau.

Coca-Cola, au Mexique, s’immisce dans les communautés mayas et pompe les nappes phréatiques de la région du Chiapas. Désormais plus abordable que l’eau potable, la boisson sucrée a fini par s’imposer dans les rites ancestraux des Tzotzils et leurs habitudes de consommation, créant d’énormes problèmes de santé publique et d’accaparement de l’eau. Un reportage de Chloé Droulez.

Coca-Cola au Mexique rend les autochtones accros

Coca-Cola au Mexique sévit particulièrement dans l’État du Chiapas. A quelques kilomètres de la touristique ville de San Cristobal de Las Casas se trouve le foyer de la communauté des Tzotzil. San Juan de Chamula abrite une partie de ce peuple descendant des Mayas qui continue de perpétuer leurs propres règles et coutumes. Ce village, qui témoigne à la fois de la conservation d’un mode de vie autonome, illustre paradoxalement l’implantation de la multinationale, s’immisçant jusque dans leur lieu de culte.

C’est à l’intérieur de l’église de la commune que le paradoxe entre l’héritage maya et l’impérialisme américain prend tout son sens. Dans ce lieu de recueil, la fumée de centaines de bougies, le sol jonché d’aiguilles de pins fraîches et les sacrifices de poulets vivants s’entremêlent aux bouteilles de Coca, dressées devant les fidèles qui s’attèlent à prier religieusement.

Miguel, un guide local, explique pour La Relève et La Peste que « Le Pox, alcool local traditionnellement utilisé lors de ces cérémonies, est remplacé par la boisson pétillante ». S’abreuver de ces bulles leur permettraient « d’éructer plus facilement et ainsi de purifier leur âme ». Pire encore, nombreux d’entre eux pensent que cette boisson sucrée devenue sacrée « a le pouvoir de guérir les maladies ».

La machine infernale de l’addiction est en marche à partir du moment où la marque use de tous les artifices pour séduire les habitants. Présente sur la totalité des étalages du village et vendue à un prix inférieur à celui des villes, il est aussi facile de se procurer du Coca-Cola que de l’eau. S’ajoute à cela, le marketing des panneaux publicitaires qui joue sur l’émotion, en représentant des références religieuses et des modèles indigènes avec des slogans positifs dans la langue Tzotzil.

Plus globalement, « le Chiapas est la région du monde où l’on boit le plus de Coca-Cola et la consommation moyenne par personne est cinq fois supérieure à celle du reste du pays et 32 fois supérieure à la moyenne mondiale » selon le Conseil national des sciences et technologies du Mexique. En sachant que, selon une étude de 2019 du Conseil national pour l’évaluation de la politique de développement social, « le Chiapas est l’État du Mexique avec le taux de pauvreté le plus élevé ».

Mais le manque d’accès à l’eau potable qui affecte cette population vulnérable est considéré comme l’autre raison pour laquelle elle boit tant cette boisson gazeuse.

Coca-Cola au Mexique ou le pillage de l’eau

C’est la signature du traité de libre-échange ALENA avec les États-Unis et le Canada en 1994, lors du mandat de Vincente Fox, président et ex-directeur de la marque en Amérique Centrale, qui offre à la multinationale l’occasion de s’implanter durablement dans une zone propice à l’exploitation de l’or bleu.

En installant son usine d’embouteillage à San Felipe Ecatepec, « Coca-Cola a accès à la meilleure qualité de l’eau via des sources très pures » souligne Fermin Reygadas, directeur de l’ONG Mexique Cántaro Azul, experte en matière d’accès à l’eau, pour La Relève et La Peste.

La multinationale exploite librement les nappes phréatiques et réservoirs d’eau sous le volcan Huitepec, où les pluies déposent des quantités d’eau qui s’écoulent vers la vallée de San Cristobal de Las Casas, en échange d’une somme dérisoire versée à la commission nationale de l’eau (CONAGUA).

En somme, c’est 1,2 million de litres d’eau extrait chaque jour contre 2 600 pesos par an, pour des bénéfices dépassant les 32 000 000 pesos. Une disproportion qui révèle l’injuste décision du gouvernement à privilégier les intérêts privés et à laisser cette ressource essentielle aux mains d’un gérant de boissons sucrées, au détriment de la préservation de la santé et de l’environnement.

Bien qu’il s’agisse d’une des régions du pays dotées des plus grandes ressources naturelles, les volumes d’eau baissent depuis une dizaine d’années en raison de la déforestation, du réchauffement climatique et des forages effectués par Coca-Cola.

« À force de surexploiter les nappes phréatiques les plus profondes et rejeter les eaux usées traitées, le cycle de l’eau n’est plus régulé par les écosystèmes » explique Fermin pour La Relève et La Peste.

Très gourmande en eau, la production de cette boisson assèche les villages aux alentours de la ville de San Cristobal de Las Casas, où la population locale fait face à une pénurie d’eau potable et où aucun traitement des eaux n’est mis en place.

« Le service public qui fournit la ville utilise de l’eau de surface contaminée » affirme Fermin. « Les systèmes d’adduction d’eau sont donc gérés par des organismes indépendants, à travers le défilé quotidien de camions citernes pour approvisionner les foyers, moyennant un effort financier de la part des habitants ».

Pour le directeur de Cántaro Azul « l’eau coule vers l’endroit où se trouve le pouvoir » soulignant que « le Mexique continue d’investir dans les routes, aéroports et raffineries de pétrole mais ne se soucie pas que la population n’ait pas accès à l’eau potable ».

Les rares dispositifs de traitement des eaux mis en place par le gouvernement « ne fonctionnent pas, même pas pendant un mois ». Des solutions pouvant être pérennes et développées à plus grande échelle sont donc imaginées par des associations locales. Cántaro Azul installe des systèmes de collecte des eaux de pluie et des composants pour la désinfection, afin de garantir aux populations rurales, une eau propre à la consommation.

Le prix avantageux de la boisson gazeuse mêlé à la méfiance face à l’absence d’un système d’eau adéquat ont poussé la population à consommer de plus en plus de Coca-Colas, jusqu’à générer des maladies dégénératives. Même si le Chiapas est l’un des exemples les plus représentatifs du problème, il est sans rappeler que cette boisson poison affecte également la santé de tout le territoire mexicain.

Le Mexique est à ce jour le premier pays consommateur de Coca-Cola dans le monde et représente plus de 40% des ventes de la marque sur le continent Latino Américain. Les conséquences de sa surconsommation sont désastreuses sur la santé des habitants : diabète, hypertension et obésité. 70% de la population est en surpoids et peut boire jusqu’à 2 litres de coca par jour.

L’avenir se joue sur les nouvelles générations mais « les enfants grandissent avec l’image de Coca Cola en tête » nous dit Fermin. C’est pourquoi les députés mexicains ont adopté en 2021, une réforme interdisant la vente et la distribution de boissons sucrées dans les écoles.

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28 novembre 2023 ~ 0 Commentaire

paysans finistère ( la peste)

terres

« Les paysans vont disparaître car les industriels et la finance n’en veulent plus »

« Il est tellement plus rentable de vendre de l’amidon extrait des céréales pour en faire des balles de ping-pong, que de vendre de la farine pour en faire du pain. Le but des industriels, qui ont pour actionnaires des financiers voraces, n’est pas de nous nourrir, mais d’émarger le plus possible. Demain, l’agriculture deviendra d’abord productrice de minerai, de matière première, et d’énergie, pas forcément de nourriture. »

De suicides en faillites ou plus prosaïquement de départs à la retraite, le métier d’agriculteur est en voie de disparition en France. Pierrick Berthou, paysan à la ferme de Poulfang, à Quimperlé, dans le Finistère, analyse les raisons de cette catastrophe dans cette tribune. Nous relayons ici son cri du cœur pour prendre soin des irréductibles paysan.ne.s français.es.

L’inquiétante disparition des paysans

Arnaud Rousseau, alors fraîchement élu président de la FNSEA, déclarait en avril dernier sur BFM TV, que « dans 10 ans, les trois quarts des agriculteurs seront non issus du monde agricole ». Aucune réaction des journalistes présents ! Nonobstant, derrière cette affirmation certes bucolique d’un retour à la terre – sympathique ouverture du monde agricole – et le grand sourire de M. Rousseau, on devrait se poser des questions.

Pourquoi les paysans ne veulent-ils pas que leurs enfants reprennent la ferme ? Pourquoi les enfants de paysans ne veulent pas et ou ne peuvent pas reprendre la ferme familiale ? Et, pourquoi, là où les paysans et leurs enfants échouent, oui, pourquoi les néoruraux, eux, réussiraient-ils ? Quelle agriculture voulons-nous ? Et par déclinaison, quelle alimentation M. Rousseau nous prépare-t-il ?

C’est, en quelque sorte, cette question qui est la plus importante car elle déterminera tout ! Au-delà de ces questions, et de la démographie agricole, un constat s’impose : il n’y aura pas de transmission. Pas de transmission du savoir (il faut du temps pour former un paysan), et pas de transmission des fermes…

La mise en place de l’industrialisation de l’Agriculture – au sortir de la guerre – s’est faite sur un axiome faux : le pays a faim. Dans son excellent livre Silence dans les champs, Nicolas Legendre nous rappelle que le dernier ticket de rationnement en France date de 1949. C’est dire à quel point les paysans ont relevé le défi dès leur retour des champs de bataille.

Il faut quand même noter, et c’est essentiel, que si les paysans ont pu réaliser cet « exploit » en moins de quatre ans, c’est grâce aux femmes, donc aux paysannes, et aussi aux vieux paysans qui ont porté à bout de bras la nation pendant toute la durée de la guerre et au-delà. Car, sans elles, rien n’eût été possible…

Le tournant des années 1970

Et comment ces paysannes et paysans ont-ils été remerciés ? Au cours des années 70, le fer de lance de l’élevage industriel porcin en Bretagne Alexis Gourvennec, qui encensait l’industrialisation de l’agriculture, n’hésitait pas à dire publiquement qu’il fallait dégager d’un revers de main tous ces minables, tous ces boulets, tous ces canards boiteux, le tout en accompagnant le geste à la parole ! Quel mépris ! Il fallait oser !… Il a osé !

Dès lors, une véritable guerre contre les paysans fut menée, une guerre sans pitié, sans relâche ! 31 000 fermes laitières dans le Finistère en 1970, nous approchons de 1 500 aujourd’hui, et elles sont encore trop nombreuses nous dit-on.

Tout a été fait pour éradiquer les paysans : faibles prix, IVD (indemnités viagères de départ), contraintes environnementales et administratives, l’orientation de la PAC (Politique Agricole Commune). Même les retraites agricoles sont un levier important du découragement.

En effet, il faut bien admettre que lorsque vous avez trimé très dur toute une vie durant pour un revenu plus que modeste et que l’on vous met en perspective une retraite minable, indécente, proche du minimum vital, on n’encourage pas la reprise de la ferme familiale par les enfants. Donc, vous vendez au plus offrant, afin d’améliorer votre retraite et c’est ainsi que même les retraites agricoles participent à l’agrandissement des fermes, de fait à l’industrialisation de l’Agriculture.

En 1972, les paysans du Finistère et du Morbihan se mirent en « grève » pour un problème de prix payé aux producteurs par les industriels. Déjà ! Au bout d’un long conflit de plusieurs semaines, les industriels « lâchèrent » un peu sur les prix, les paysans rentrèrent sur leurs fermes et se remirent au travail sagement…

Personne, absolument personne, ni les politiques, ni les syndicalistes, ni les économistes, ni les journalistes, ni les intellectuels, PERSONNE, n’intervint pour aider les paysans à réfléchir. Car ce n’est pas une toute petite hausse des prix qu’il fallait négocier, c’était la relation entre les paysans et les industriels qu’il fallait mettre sur la table. Rien ne fut fait, le démembrement de la paysannerie pouvait reprendre son cours.

Nous ne jetterons pas la pierre aux paysans de l’époque car en 2009, lors de la « grève du lait », nous n’avons pas fait autre chose qu’accepter, au final, une petite hausse du prix du lait et nous sommes rentrés dans nos fermes bien sagement, reprenant le travail.

Cependant, les industriels, en 2009, eux, ont réfléchi à leurs relations avec les agriculteurs. De là est née la LMA 2010 (loi de modernisation agricole), qui enchaîna définitivement les paysans aux industriels. Feu Alexis Gourvennec ne pourrait rêver mieux, lui qui disait (dans les années 70) que l’Agriculture était l’alliée née des industriels. Il fallait comprendre que l’Agriculture sera aliénée à l’industrie, dont acte !

La fin de l’agriculture ?

Au tout début des années 90, Michel Blanc, membre éminent de la FNSEA déclarait à Quimper, à la chambre d’Agriculture, que demain celle-ci ne serait plus nourricière mais productrice de molécules.

En fait, il nous parlait, sans le nommer, du cracking alimentaire qui consiste à extraire des molécules des céréales, du lait etc. afin d’approvisionner les industries dans le but de créer de nouveaux produits (colles, médicaments et différents adjuvants qui font notre quotidien).

Il est tellement plus rentable de vendre de l’amidon extrait des céréales pour en faire des balles de ping-pong, que de vendre de la farine pour en faire du pain. Le but des industriels, qui ont pour actionnaires des financiers voraces, n’est pas de nous nourrir, mais d’émarger le plus possible. Demain, l’agriculture deviendra d’abord productrice de minerai, de matière première, et d’énergie, pas forcément de nourriture.

Mais l’autonomie alimentaire me direz-vous ? Ce n’est qu’une chimère que l’on nous serine inlassablement, c’est de la communication positive et rassurante, mais, surtout, c’est une belle hypocrisie. Déjà aujourd’hui, 50 % de notre alimentation provient de l’importation. Finalement, notre nourriture sera le sous-produit de l’industrie agroalimentaire. Pour le reste, le libre-échange compensera, il a été inventé pour cela…

Les nouvelles technologies prennent de plus en plus de place dans les fermes. Algorithmes, ordinateurs, capteurs, smartphones, logiciels, applications, robotiques, intelligences artificielles, drones, sont et seront omniprésents. Vous savez ces outils d’aide à la prise de décisions qui rapidement deviendront des outils preneurs de décisions.

Or, ces technologies ont un coût exorbitant, les agriculteurs ne pourront pas financer ces outils par le fruit de leurs productions. Alors, M. Olivier Chaillou, président de la coopérative TERRANA, a proposé un plan d’accompagnement. Ce plan propose une prise de participation dans le capital des fermes par la coopérative. Il n’échappera à personne que les dirigeants de la coopérative préfèrent entrer au capital des exploitations, car les moyens financiers sont réels, plutôt que de mieux rémunérer ses propres adhérents.

Il faut être bien conscient que l’exploitation appartiendra, au moins pour une partie, à la coopérative. C’est le monde à l’envers ! Accepter ce genre de plan, et M. Chaillou n’est pas le seul à promouvoir cette stratégie, c’est faire un grand pas vers l’absorption des fermes par les agro-industriels (de fait par la finance). Ajoutez à cela l’utilisation des OGM et le brevetage du vivant, et là, vous n’aurez plus de paysans, ni même d’agriculteurs, vous aurez des exécutants agricoles au service des agro-industriels.

Indéniablement, un pan entier de notre vie va disparaître : la paysannerie (histoire, façon de produire notre alimentation, savoir faire, culturel, paysages, relation à la vie etc.). C’est un cataclysme unique dans l’Histoire de l’Humanité qui se profile, qui nous est dicté.

Croire que l’on va stopper l’agriculture industrielle est un mirage. Et, ce n’est pas la multiplication des projets d’installations « alternatifs » et leurs multiplicités qui arrêteront ce mouvement. Certes, beaucoup de néoruraux s’installent ou veulent s’installer en agriculture, certains avec succès, mais le défi est immense et ils sont nombreux à renoncer assez rapidement.

On ne s’improvise pas paysan ! Les paysans vont disparaître car les industriels et la finance n’en veulent plus, d’ailleurs, ils ne prononcent jamais ce mot ! »

27 novembre 2023

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07 novembre 2023 ~ 0 Commentaire

titane, lihium (reporterre)

boum

Titane, lithium : l’Europe ouvre « un open bar pour l’industrie minière »

Lora Verheecke est enquêtrice à l’Observatoire des multinationales. Elle est l’une des autrices du rapport Du sang sur le Green Deal, publié mardi 7 novembre avec l’association Corporate Europe Observatory. Celui-ci porte sur la législation sur les matières premières critiques, l’un des piliers du « Green Deal », l’ensemble de mesures visant à engager l’UE sur la voie de la transition écologique.

Reporterre — En quoi consiste la législation européenne sur les matières premières critiques, actuellement discutée ?

Lora Verheecke — Cette loi est pensée par la Commission européenne pour permettre à l’Union européenne (UE) un approvisionnement plus conséquent et plus sûr en minerais indispensables pour la transition « verte ». Ces minerais serviront à fabriquer les capteurs, les moteurs ou encore les batteries des voitures électroniques, des rotors d’éoliennes, des panneaux photovoltaïques…

En pratique, le texte prévoit un soutien financier pour ouvrir des mines hors de l’UE, avec très peu de contraintes pour les entreprises en termes de respect de l’environnement et des populations locales. Il permet aussi d’ouvrir plus de mines en Europe à travers le principe d’« intérêt stratégique supérieur », c’est-à-dire en limitant les motifs d’objection juridique des populations, en reléguant les lois environnementales et démocratiques. Par conséquent, on consultera moins, plus vite et on pourra plus difficilement remettre en cause l’ouverture d’une mine.

Le processus législatif en cours est très rapide — « le plus rapide de l’histoire » selon certains journalistes — et le brouillon de loi publié en mars par la Commission est aujourd’hui au stade final de discussions et compromis entre le Parlement européen et le Conseil, c’est-à-dire les États membres. Les deux institutions ont déjà arrêté leurs positions.

Une fois leurs discussions achevées, la loi n’aura plus qu’à être votée par les États membres et le Parlement et elle deviendra loi partout dans l’Union européenne. Si le processus est si rapide, c’est qu’il y a encore peu d’attention publique et médiatique sur ce projet de loi et le soutien est large — mais pas entier — du côté des capitales européennes et des députés européens.

Dans le rapport Du sang sur le Green Deal publié avec Corporate Europe Observatory, vous montrez comment cette loi, présentée comme favorable au climat, profite largement à l’industrie minière, pourtant « intrinsèquement sale ».

On peut même affirmer que cette loi s’est transformée en un open bar pour l’industrie minière, sale, et celle de l’armement, mortifère. Elle est le fruit d’un lobbying soutenu et de longue date, notamment au sein d’un groupe de travail de la Commission, actif depuis les années 80 et qui compte comme membres de nombreuses entreprises telles que Volkswagen, Umicore — spécialisé dans la technologie des matériaux —, Nokia et Boliden, une entreprise minière suédoise.

Sous couvert de garantir la transition écologique, les conséquences de cette loi seront donc potentiellement désastreuses : une mine est et sera toujours sale. En ouvrir une requiert de grandes quantités de terres, peut entraîner le déplacement de communautés.

« C’est un réel danger pour la biodiversité »

L’extraction des minerais de la terre implique une grande pollution de l’eau, des sols et de l’air, car cette extraction utilise de nombreux produits chimiques. C’est un réel danger pour la biodiversité : en 2019, 79 % de l’extraction mondiale de minerais métalliques provenait de cinq des six biomes les plus riches en espèces, dont les écosystèmes tropicaux forestiers.

En France, l’ouverture de la plus grande mine de lithium est prévue pour 2028, dans l’Allier. Des organisations locales s’y opposent déjà pour éviter la pollution de leurs terres et leurs rivières et le secteur de la mine a été placé sous surveillance comme « site avec une contestation susceptible de se radicaliser à court terme » par les services du ministère de l’Intérieur.

Parmi les groupes de pression, on retrouve des secteurs de la défense et de l’aéronautique, comme Airbus ou Safran. Comment ont-ils influé sur le processus de décision ?

Airbus et Safran, mais aussi Dassault, ont rencontré de nombreux décideurs politiques européens. Ils sont également membres de nombreuses associations d’entreprises et paient des agences de lobbying comme Avisa Partners pour supplémenter leur lobbying.

De plus, les portes tournent [1] entre les entreprises de l’armement et l’Union européenne. En 2020, par exemple, l’ex-président de l’Agence européenne de défense est devenu lobbyiste en chef d’Airbus.

Ces rencontres, études et événements et ces aller-retours leur ont permis de se faire des alliés au sein même de la Commission, au Parlement européen et dans de nombreux États membres. La Commission a même cofinancé une alliance sur les matériaux rares — dont France Industrie est membre — et créé un groupe d’experts dans lesquels les industriels de l’armement ont voix au chapitre.

La voiture électrique repose sur une activité minière qui ne sera jamais propre.

Tout ceci a mené à deux victoires majeures : premièrement, on ouvrira des mines dans le futur à la fois pour les voitures électriques, mais aussi pour des missiles ; et deuxièmement l’extraction de certains minerais sera aidée financièrement et politiquement pour l’industrie de la défense, comme le titane.

Ce minerai est aujourd’hui classé stratégique, d’après l’UE, suite au lobbying de l’industrie de la défense et de l’aérospatial. Alors même qu’il n’est pas utile à la transition « verte ». Cette catégorisation était une des demandes du PDG de Safran auprès du vice-président de la Commission lors de leur rencontre en mai 2023.

Pour résumer, la défense et l’aéronautique ont tout fait, donc, pour s’assurer que les métaux qui les intéressaient bénéficieraient du même soutien public et des mêmes déréglementations environnementales que ceux qui sont réellement utiles aux transitions climatique et numérique.

Quel rôle a joué la France et le commissaire français Thierry Breton dans ce processus ?

Les deux ont été des alliés très importants des industriels. M. Breton n’a pas hésité à se faire la voix de l’industrie de l’armement, en clamant notamment en mars 2023, lorsque la Commission européenne dévoilait le projet de loi : « Pas de batteries sans lithium, pas d’éoliennes sans terres rares, pas de munitions sans tungstène… » Le lobby européen des entreprises de la défense dira de M. Breton, en novembre 2021 : « Nous sommes très fiers et heureux de vous considérer comme « notre commissaire » ».

C’est de ce même lobby que la France copiera d’ailleurs une partie de ses positions au Conseil — l’institution au sein de laquelle les États membres débattent. La France a d’ailleurs créé en novembre 2022 un Observatoire français des ressources minérales pour les filières industrielles (Ofremi), qui a d’ailleurs placé, dès son lancement, les difficultés d’approvisionnement du secteur de la défense au rang de ses priorités. L’Ofremi tient par exemple un discours similaire au PDG de Safran sur le titane.

Est-il encore possible de sauver ce texte ?

Ce texte est principalement débattu aujourd’hui dans la bulle européenne d’experts, avec des discussions qui se limitent à des considérations techniques. Il est temps d’avoir une discussion politique pour savoir sous quelles conditions ouvrir des mines et quelle doit être l’utilisation des minerais et terres rares. Nous devons nous poser la question des priorités d’usage. Ouvre-t-on des mines pour des 4×4 électriques lourds, pour des bus électriques ou pour des drones ?

« Sous couvert de transition “verte”, on met de côté les nouvelles pollutions »

Il est nécessaire d’avoir une discussion politique sur les conséquences environnementales de notre transition dite verte. Aujourd’hui, ces discussions sont trop absentes du débat public européen. La loi ne mentionne pas la question de notre boulimie de consommation, d’une limite à notre demande en matériaux rares. Sous couvert de Green Deal et de transition « verte », on met de côté les nouvelles pollutions, émissions et atteintes aux droits de l’homme à venir.

Notre chance, ce sont les élections européennes qui approchent : les députés seront de plus en plus réceptifs aux demandes des citoyens européens sur leur position sur ce texte. Certains États membres posent timidement la question de la réduction de notre consommation en minerais et terres rares, comme la Belgique, qui prend la présidence du Conseil en janvier. On peut pousser nos gouvernements à avoir cette position : plutôt qu’ouvrir des mines, ouvrons le débat sur la consommation de minerais.

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05 novembre 2023 ~ 0 Commentaire

dauphins (larlap)

dauphin

 Laurie Debove Photographie: Sea Shepherd France 2 novembre 2023

Dérogations pour permettre la pêche l’hiver : le gouvernement risquel’extinction des dauphins au mépris de la science

Fin octobre, un rapport de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) a mis en cause le rôle des filets de fond dans la mort des cétacés.

La bataille pour sauver les dauphins du Golfe de Gascogne continue. A l’encontre de l’avis des scientifiques, du Conseil d’État et de l’Union Européenne, le gouvernement français accorde de nombreuses dérogations pour maintenir la pêche l’hiver dans le Golfe de Gascogne, alors que les captures accidentelles de cétacés menacent leur survie.

La survie de l’espèce en jeu

Depuis 1990, on estime que la pêche a causé la mort de 90 000 dauphins en Atlantique nord-est. La survie de l’espèce est en jeu, à tel point que 1 500 scientifiques s’étaient réunis pour demander la fermeture temporaire des zones de pêche les plus meurtrières.

Un avis suivi par la Commission Européenne et le Conseil d’État qui a ordonné au gouvernement, en mars 2023, de fermer chaque hiver les zones de pêche les plus destructrices pour réduire drastiquement les captures de Dauphins et petits cétacés.

Sea Shepherd France, France Nature Environnement et l’association de Défense des Milieux Aquatiques, les trois associations à l’origine du recours devant le Conseil d’État, attendaient donc avec impatience de voir comment le gouvernement allait réguler la situation.

Alors que le CIEM (Centre International d’Exploration Marine) et le Conseil d’État recommandaient de fermer les pêcheries 3 mois l’hiver et un mois l’été, le gouvernement a retenu une fermeture limitée à 30 jours l’hiver. Encore plus préoccupant, il autorise par de nombreuses dérogations la poursuite de la pêche.

« Cette décision arrive sans surprise mais elle me révolte, car cette année on a battu les records de 2019 et 2020 de 50% ! Fin juin, il y avait 1400 dauphins officiellement échoués sur la plage. Dans ce contexte, que l’État persiste à dire que les dispositifs acoustiques (pingers) sont suffisants, alors qu’il n’y a jamais eu autant de pingers et autant d’échouages, c’est aberrant ! » réagit Philippe Garcia, Président de l’association de de Défense des Milieux Aquatiques, pour La Relève et La Peste

Dans la même lignée, l’État permet aux bateaux équipés seulement de caméras de pouvoir continuer à pêcher, bien que les vidéos n’empêchent en rien les captures accidentelles. Le gouvernement justifie cette décision par l’importance de collecter des données sur l’ensemble de l’année.

Or, les données existent déjà et dressent un tableau de plus en plus alarmant sur la situation. Un constat dressé par le CIEM qui a baissé le plafond de 4900 dauphins échoués menaçant la survie de l’espèce il y a quelques années, à 950 actuellement.

Une décision politique

Fin octobre, un rapport de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) a mis en cause le rôle des filets de fond dans la mort des cétacés.

« A l’époque, on pensait que les chaluts pélagiques provoquaient le plus de dégâts. Le rapport de l’Ifremer démontre la responsabilité des filets tramails et des filets pêche-tout. Avec l’amélioration des techniques sur les nylons, les fabricants ont créé des filets qui flottent de plus en plus haut dans la colonne d’eau, jusqu’à plusieurs mètres de hauteur, là où avant ils montaient de seulement 80cm. Cette innovation technologique a entraîné d’immenses dégâts chez les cétacés qui se font prendre au piège » explique Philippe Garcia, Président de l’association de de Défense des Milieux Aquatiques, pour La Relève et La Peste

Dans son rapport, l’Ifremer reconnaît notamment qu’on ne connaît ni la longueur ni la hauteur des filets, donc nous n’avons actuellement aucune idée de la surface totale des filets immergés dans le Golfe de Gascogne.

Les filets sont non seulement plus performants, mais ils sont aussi de plus en plus nombreux au fur et à mesure que les poissons disparaissent. Une problématique mondiale : en 2019, une étude de l’université de Tasmanie et du CSIRO pointait ainsi qu’il y a deux fois plus de bateaux pour 80 % de poisson en moins.

La pêche industrielle est devenue une véritable « économie de l’extinction » : pour résoudre le problème de raréfaction des poissons et de la biodiversité marine, on aggrave les causes du problème en pêchant toujours plus.

Alors que la FAO estime que les populations de poisson vont totalement s’effondrer d’ici 2048, sauver les cétacés d’une potentielle extinction est le premier jalon d’un combat vital pour protéger l’Océan de notre aveuglement.

« Les dauphins sont les ambassadeurs de l’océan. Ils ont un capital sympathie énorme et devraient nous alerter de façon bien plus efficace que le sort des soles ou les merlus sur lesquels c’est bien plus difficile de sensibiliser l’opinion. C’est aussi pour cela que c’est une sorte de ligne rouge : si on n’y arrive pas, là, sur la question des dauphins, c’est foutu pour tout le reste » nous expliquait Lamya Essemlali, la présidente de Sea Shepherd France, en mars 2021

Pour indemniser les pêcheurs à quai en hiver, l’argent existe pourtant déjà. Une enveloppe européenne alloue 6 milliards d’euros pour la pêche sur cinq ans, dont 570 millions d’euros uniquement pour la France. Cette somme n’a été utilisée qu’à moitié lors du dernier versement.

Les associations n’ont pas dit leur dernier mot pour enrayer l’hécatombe. Un recours sur le fond est toujours en cours d’instruction. Elles vont également attaquer en justice l’arrêté publié par le gouvernement et demander à ce que toutes les dérogations soient suspendues en urgence pour « empêcher une véritable boucherie ».

https://lareleveetlapeste.fr/

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04 novembre 2023 ~ 0 Commentaire

béton (expansive)

Journées d’actions contre Lafarge et le monde du béton

Du 9 au 12 décembre 2023 : Appel international à des journées d’actions contre Lafarge et le monde du béton

1001 raisons de détester Lafarge-Holcim 

Lafarge-Holcim nous asphyxie : à Bouc-Bel-Air proche de Marseille, il brûle des pneus pour faire tourner ses fourneaux, à Cimencam (Cameroun) les cheminées ne sont pas filtrées, à Barroso (Brésil) la ville est fréquemment recouverte d’une fine couche de poussière extrêmement polluante, etc, etc… Leurs usines, partout dans le monde, tuent directement en provoquant des cancers chez les riverain.es vivant à proximité mais aussi indirectement via la pollution de l’air et les conséquences du changement climatique qu’il engendre car le processus de fabrication du ciment est un des principaux postes d’émissions de CO2 au niveau mondial (8% des émissions en 2022).

Lafarge-Holcim empoisonne les rivières : en plein cœur de Paris, il déverse ses eaux usées dans la Seine, dans l’état de New-York, leur usine cause une immense pollution de la rivière Hudson, etc, etc… Particules de ciment, liquides de traitement et autres microfibres en plastique transforment les rivières du monde entier en décharges à ciel ouvert, causant la mort des poissons et de leurs habitats.

Lafarge-Holcim détruit les sols et les fonds marins : le béton est le plus grand consommateur de sable au monde. Le sable est la deuxième ressource la plus exploitée après l’eau, et dont Lafarge est un des principaux bénéficiaires. De Saint-Colomban (44) à l’Inde, des côtes bretonnes à celles du Maroc, cette exploitation est un désastre aux multiples préjudices : pollution des nappes phréatiques, disparition de plages et d’îles entières, érosion, destruction d’écosystèmes marins comme terrestres, artificialisation de terres…

Lafarge-Holcim coule littéralement le monde sous le béton. Il produit cette matière grise indispensable à tous les grands projets nocifs et absurdes (JO, Grand Paris, ex-aéroport de Notre-Dame-des-Landes, Bure, Stocamine…) et participe partout à la destruction des terres agricoles, zones humides et forêts ainsi qu’aux déplacements des populations qui les accompagnent. Par ses champs d’influence sur tous les grands projets publics et privés, il fait en sorte que le béton soit utilisé en tous lieux car c’est l’essence même de ses profits.

Lafarge-Holcim est une entreprise mafieuse, prédatrice et néocoloniale, profitant très souvent des services secrets des États pour étendre son empire. En France, elle est toujours mise en examen pour complicité de crimes contre l’humanité et financement du terrorisme, au vu et au su du gouvernement français. En cause, le maintien forcé de l’activité de l’usine de Jalabiya en pleine guerre civile, en payant grassement Daesh et en mettant en danger la vie de ses employé.es syrie.nes. Un épisode qui rappelle que l’entreprise avait, parmi bien d’autres, collaboré avec les nazis pour construire rien de moins que le mur de l’Atlantique.

Qui dit mieux ?
Luttons contre le béton !

Les luttes locales qui se battent ici contre l’extension d’une carrière, là contre la pollution de l’air d’une cimenterie, ou encore là-bas contre l’extraction de sable marin sont nombreuses. De Saint-Colomban dans les Pays de la Loire à la ZAD de la Colline en Suisse, ces luttes sont de plus en plus fortes et vivantes. On voit même des coalitions émerger, à l’image de « Fin de Carrières 44 ». À ces luttes se joignent des actions qui se multiplient depuis quelques années. Par Extinction Rebellion, Youth For Climate, les Soulèvements de la terre ou des groupes autonomes et sans nom, on ne compte plus les visites inopinées dans les centrales à béton, les bloquant parfois pour une journée, parfois plus.

Le cycle de ces actions et de ces luttes locales ouvre le débat pour imaginer un monde émancipé des bétonneurs.

Mais comme ce monde marche littéralement sur la tête, cette entreprise bénéficie de toutes les faveurs des institutions. Et ce sont des militant.es qui sont actuellement poursuivi.es par l’arsenal policier et judiciaire des États. En France, c’est notamment à la Sous-Direction Anti-Terroriste (SDAT) qu’a été confiée l’enquête contre l’intrusion dans une cimenterie à Bouc-Bel-Air. 31 personnes ont été mises en garde-à-vue jusqu’à 96 heures. Deux sont actuellement mises en examen. En Suisse, les occupant.es de la ZAD de la Colline ont subi également une répression faite de surveillance, de fichage et de procès. Une personne a été emprisonnée près de 3 mois.

La but de cette criminalisation est de freiner toute critique et toute velléité d’actions contre Lafarge-Holcim ou contre toute autre entreprise du béton. Le message vise à faire peur. Heureusement, ces accusations n’ont pas mis à l’arrêt le front anti-béton. À Lyon, à Foix ou encore à Saint-Colomban, de nouvelles mobilisations collectives ont vu le jour cette année.
Du 9 au 12 décembre, concentrons nos forces contre Lafarge-Holcim et le monde du béton

Ce 10 décembre 2023, cela fera un an que 200 personnes se seront introduites dans la cimenterie de Bouc-Bel-Air, un des cinquante sites industriels les plus polluants du pays, pour la mettre à l’arrêt. Joyeux Anniversaire. Ce 10 décembre, dont les magnifiques images ont réchauffé la fin d’année 2023, est devenu une date emblématique de la lutte contre le béton. Une idée est donc apparue. Pour marquer d’un vent de résistance cet anniversaire, par solidarité envers les arrêté.es, pour affirmer qu’il est toujours possible de critiquer, en acte, Lafarge et consorts, et pour montrer la diversité et la multiplicité de celles et ceux qui se battent contre le béton : du 9 au 12 décembre, lançons les journées d’action contre Lafarge et le monde du béton !

Ces 4 jours seront l’occasion d’unir les forces des luttes locales, des organisations climat, des coalitions de paysan.nes et de travailleur.euses, des comités locaux des Soulèvements, non pas en un point, mais partout sur le territoire. Avec plus de 150 centrales à béton rien qu’en France et uniquement pour Lafarge-Holcim, il y a forcément un bétonneur près de chez vous ! Manifestation publique devant les grilles d’une usine, banderoles à l’entrée d’une carrière de sable, messages peints, intrusion en blouse blanche ou en bleu de travail, occupation des malaxeurs pour faire sécher le béton, blocage des barges pour freiner l’approvisionnement… À 10, à 100, à 1000, de nombreuses formes sont possibles, imaginables, accessibles. Leur multiplication permettra d’agir concrètement, collectivement et joyeusement contre l’empire du béton.

D’une même voix, nous voulons porter un message clair : le règne de Lafarge-Holcim et des autres conglomérats du béton n’est plus une fatalité. Leurs exactions doivent cesser pour que cesse l’intoxication de ce monde. Les gouvernements actuels doivent enfin arrêter de les couvrir. D’autres manières de construire et d’habiter le monde sont possibles.
Du 9 au 12 décembre, agissons tous.tes ensemble contre Lafarge-Holcim et le monde du béton !

beton

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