Archive | Ecologie & climat

07 juin 2023 ~ 0 Commentaire

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Les femmes, premières victimes de l’exposition aux polluants

Endométriose, cancer du sein… ces maladies spécifiquement féminines pourraient être liées à une exposition aux polluants. La Fondation pour la recherche médicale tente de comprendre.

Les femmes souffrent le plus de l’exposition aux polluants, et cela est dû tant à leurs conditions de vie qu’à leur biologie. C’est en tout cas ce qu’explore la Fondation pour la recherche médicale (FRM). Celle-ci finance trois programmes de recherche consacrés au lien éventuel entre exposition à des polluants (plastique, bisphénols, pesticides…) et pathologies féminines ou présentant des formes spécifiques chez les femmes (cancer du sein, endométriose et obésité).

« 23 % des décès et 25 % des maladies chroniques seraient aujourd’hui dus à des facteurs environnementaux, selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé) », a indiqué Benjamin Pruvost, président du directoire de la FRM, lors d’une conférence de presse le 31 mai. Ces facteurs environnementaux, regroupés par les scientifiques sous le terme « exposome », affectent différemment les femmes et les hommes.

Pour des raisons sociales, d’abord. « Certaines professions sont plutôt féminines, a rappelé Robert Barouki, chef du service de biochimie métabolique à l’hôpital parisien Necker. Un exemple typique est la caissière de supermarché qui manipule des tickets de caisse, lesquels ne contiennent plus de bisphénol A mais d’autres substances qui peuvent aussi poser problème. C’est le cas aussi pour les coiffeuses » qui manipulent des shampoings et colorations potentiellement dangereuses.

Plus précaires et vulnérables

Les femmes peuvent aussi être surexposées chez elles, parce qu’elles manipulent davantage de produits ménagers ou utilisent des cosmétiques. Enfin, la précarité, dont il est prouvé qu’elle augmente l’exposition aux polluants — à cause des conditions de travail et de vie associées —, frappe d’abord les femmes. Ces dernières représentent 70 % des travailleurs pauvres, occupent 82 % des emplois à temps partiel et constituent 85 % des familles monoparentales, dont une sur trois vit sous le seuil de pauvreté, selon la neurobiologiste Catherine Vidal de la FRM.

Or, la biologie des femmes présente des spécificités qui peuvent les rendre plus vulnérables. « La masse grasse, où vont se stocker certains polluants, est en moyenne plus importante en proportion chez les femmes que chez les hommes », a expliqué Robert Barouki. Des substances classées parmi les perturbateurs endocriniens peuvent interférer avec leur système hormonal.

C’est ainsi que Véronique Maguer-Satta, directrice de recherche CNRS au centre de cancérologie de Lyon, s’est intéressée aux effets des bisphénols — qui servent à fabriquer du plastique — [1] et des nanoparticules de plastique sur le développement du cancer du sein. Un enjeu de taille, car « le cancer du sein est la première cause de mortalité par cancer chez les femmes et touche une femme sur douze », a-t-elle ajouté.

L’endométriose serait d’origine environnementale dans 50 % des cas

Plus précisément, la chercheuse pense que les bisphénols, transportés ou non par des nanoparticules de plastique, pourraient contribuer à rendre les cellules souches (chargées de renouveler nos organes) cancéreuses. « Les cellules souches sont énormément sollicitées par la glande mammaire tout au long de la vie : puberté, cycle menstruel, ménopause. En cas de cancer du sein, elles sont soupçonnées d’être à l’origine de rechutes et de résistance aux traitements », a exposé Véronique Maguer-Satta. Pour l’heure, la directrice de recherche et son équipe essaient de comprendre comment « les polluants [...] vont détraquer, ou non, ces cellules », a-t-elle poursuivi.

Autre maladie féminine liée à des facteurs environnementaux : l’endométriose, une maladie gynécologique chronique [2]. « Elle touche 10 % des femmes en âge de procréer, soit 1,5 million de femmes en France, a indiqué Marina Kvaskoff, chargée de recherche Inserm au centre de recherche en épidémiologie et santé des populations de Villejuif. Mais elle est difficile à étudier : il faut 7 à 10 ans pour être diagnostiquée, il existe des formes asymptomatiques… Les études menées sur les facteurs environnementaux de cette pathologie restent hétérogènes, avec des méthodologies peu robustes. » Pourtant, la maladie serait d’origine environnementale dans 50 % des cas.

Pour mieux comprendre les expositions favorisant l’endométriose, les chercheuses analysent les données issues de deux cohortes : Constances, 200 000 personnes représentatives de la population dont 100 000 femmes, et Nutrinet-Santé, qui vise 500 000 participants et se consacre aux habitudes alimentaires. Elles examinent plus particulièrement le lien éventuel entre la maladie et des expositions périnatales (tabagisme pendant la grossesse, prématurité, allaitement), la consommation d’aliments ultratransformés et d’additifs et l’exposition à la pollution de l’air. « L’intérêt de cette étude prospective est qu’elle regarde les expositions pendant l’enfance, avant que l’endométriose se développe », a expliqué Mme Kvaskoff. Objectif, « apporter des connaissances essentielles sur les facteurs de risque d’endométriose pour, à terme, mettre en place des moyens de la prévenir et améliorer le quotidien de millions de femmes ».

Car tel est l’intérêt de tous ces programmes : améliorer la prévention des maladies typiquement féminines, et des autres. S’il est toujours possible d’agir individuellement en privilégiant des produits bio et en essayant de limiter le plastique, la prévention passera essentiellement par des mesures gouvernementales, a insisté M. Barouki. « C’est un énorme enjeu sur les plans sanitaire, sociétal et économique, puisqu’on économiserait des centaines de milliards d’euros en faisant attention aux perturbateurs endocriniens, au tabagisme, a-t-il plaidé. La solution sera globale. Il faut que le gouvernement interdise certaines substances et prenne des décisions pour limiter la pollution de l’air. »

Émilie Massemin 7 juin 2023

https://reporterre.net/

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07 juin 2023 ~ 0 Commentaire

giec (blast)

Changement climatique : Le GIEC désabusé devant l’absence de réaction des dirigeants mondiaux

Plus d’un cinquième de l’humanité est concernée. Les politiques insuffisantes actuellement mises en place pour limiter le réchauffement climatique vont, d’ici à la fin du siècle, exposer deux milliards de personnes à des chaleurs extrêmes et, dans de nombreux cas, mortelles. L’Inde et l’Indonésie, mais aussi les pays d’Afrique centrale comme le Nigeria ont été repérés comme ceux dont les populations seraient le plus confrontées à une chaleur létale.

Pendant ce temps, les analystes du GIEC ont le sentiment de prêcher dans le désert et s’interrogent sur l’utilité de poursuivre la rédaction de rapports d’alerte qui ne semblent pas déboucher réellement sur des mesures drastiques.

En 2002, lors du 4e sommet de la Terre, Jacques Chirac battait pourtant le rappel en prononçant sa désormais fameuse phrase « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Depuis, vingt années se sont écoulées, et autant de rapports du GIEC, dont les auteurs réfléchissent de façon critique à l’utilité réelle de leurs contributions. Ils savent que la situation actuelle du réchauffement climatique est le résultat des erreurs commises dans les choix de politique industrielle il y a un quart de siècle. Le long cycle d’évaluation de huit à dix ans n’est plus adapté au mode de décision politique et surtout à l’urgence qui s’impose.

À quoi sert donc encore le GIEC ?

Car, en réalité, le processus de synthèse et de transmission d’alertes donne surtout aux responsables politiques l’illusion d’agir, en laissant croire à l’opinion publique que l’on cherche et que l’on trouve des solutions dans la mesure où une armée de scientifiques y travaillent sans relâche. D’autant plus que les membres du GIEC sont avant tout des pays, près de 200 pays « responsables ». La volonté du GIEC est de ne pas désigner les principaux émetteurs ou de demeurer dans la nuance. Les dirigeants politiques ont la même attitude !

C’est donc à la société civile de prendre le relais, et ce d’autant plus que la jeunesse est très largement désireuse de prendre à bras le corps la cause climatique, et de changer profondément, aussi bien individuellement que collectivement, nos habitudes, nos usages et nos façons de penser et de consommer.

Car si le rapport de synthèse du GIEC soulève les questions de la sobriété ou de l’équité, il faudrait aller plus loin dans le détail, illustrer la situation par des analyses spécifiques et proposer les stratégies d’action pragmatiques attendues par les États, au lieu de se limiter à des rapports de synthèses généraux et donc vagues.

En France, le gouvernement dit qu’il cherche une forme « d’équité » dans la répartition des efforts à fournir. De source officielle, le premier message était que les petits feraient un peu, les gros beaucoup et que « tout le monde ferait sa part », des particuliers aux gros pollueurs.

Dans la foulée, la Première ministre française, qui s’exprimait devant le Conseil national de la transition écologique (CNTE), un organe consultatif rassemblant les acteurs de la société civile, a annoncé un plan d’action visant à accélérer la réduction des émissions de GES d’ici à 2030, en précisant sa vision de la « répartition » !

« Au total, la moitié de l’effort sera accompli par les entreprises, notamment les grandes entreprises, un quart par l’État et les collectivités, et le dernier quart par les ménages ». Les ménages ! Voilà des mois que la pression est mise sur ceux qui pourtant sont le moins responsables des émissions de GES, que ce soit en France ou à l’échelle mondiale !

6 juin 20236 juin 2023 Bernard Chaussegros (Résumé voir lien)

https://up-magazine.info/

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06 juin 2023 ~ 0 Commentaire

ars (fr3)

porcs

Pollution des plages et eaux de baignade en Bretagne : les chiffres erronés de l’ARS pointés du doigt

 Pollution des plages et eaux de baignade en Bretagne : les chiffres erronés de l’ARS pointés du doigt.
La qualité des eaux de baignade, dont les plages sont très contrôlées, est remise en question. Selon la justice, interpellée par Eau & rivières de Bretagne, les chiffres fournis par l’Agence de Santé sont erronés et ne permettent pas de connaître la réalité et les causes de la pollution.

“Si vous cassez le thermomètre, vous ne risquez pas de connaître la santé du patient” assure le porte-parole d’Eau & rivières de Bretagne. À la sortie du tribunal de Rennes, ce 6 juin 2023, Arnaud Clugery est satisfait. “L’agence de santé (ARS) est dans l’obligation de reprendre ces calculs” vis-à-vis des eaux de baignade en Bretagne.

Notre objectif est d’obliger l’ARS à fournir les chiffres qui prouvent l’état réel de santé des plages pour rechercher les sources de la pollution.

Arnaud Clugery, directeur d’Eau & rivières de Bretagne

Le rapporteur public a demandé à l’agence de santé de reprendre ses calculs. “Nous attendons l’arrêt officiel du tribunal d’ici deux à trois semaines” affirme le directeur de l’association de protection de l’environnement.

“Les lacs, les points d’eau et surtout les plages sont bien plus pollués que ce que laisse entendre les données de l’ARS Bretagne” assure le porte-parole d’Eau & rivières de Bretagne. “Notre objectif est d’obliger l’ARS à fournir les chiffres qui prouvent l’état réel de santé des plages pour rechercher les sources de la pollution”.

Les résultats faussés de l’ARS

En prenant le temps de consulter les données publiques des eaux douces et de mer en Bretagne, sur le site du Ministère de la Santé, la très grande majorité des sites présente une qualité de l’eau “excellente” ou “très bonne”. Pour l’association ces résultats sont faussés par deux erreurs dans la méthode de prélèvements. “De nombreuses analyses sont non conformes et dans les faits cela améliore les résultats”.

Concrètement des analyses sont faites sur des plages fermées préventivement ou alors une semaine après des fermetures de site. Pour l’association Eau & rivière “cela fausse le tableau de bord réel de la santé des plages. Un nouveau calcul va permettre de prendre la mesure du problème et de travailler aux causes”.

Tourisme et élevage intensif

La bactérie au cœur de la problématique est la E.coli qui révèle une contamination fécale. “En Bretagne nous avons 3 millions d’habitants et 100 millions d’animaux d’élevage. Il faut rappeler que les déjections des porcs sont 30 fois plus polluantes que celle de l’homme”. Selon les données du ministère de l’agriculture en 2021, la Bretagne comptait plus de 7 millions de porcs. “Bien sûr, il nous faut améliorer les services d’assainissement défectueux comme les stations d’épuration sous-dimensionnées et qui débordent, mais il faut regarder dans les yeux le problème de l’élevage intensif” analyse Arnaud Clugery.

Trop souvent la pluie est accusée d’être la cause des fermetures de plage, alors que le problème est ailleurs. Arnaud Clugery, Eau & rivières de Bretagne

Pour ce défenseur de la qualité des eaux en Bretagne, “trop souvent la pluie est accusée d’être la cause des fermetures de plage, alors que le problème est ailleurs”. Pour Arnaud Clugery les responsabilités se mêlent entre le tourisme très important sur le littoral breton et l’élevage intensif dans la région.

En accusant la pluie et en invisibilisant la pollution, cela permet d’éviter de chercher les sources réelles de la pollution” regrette le porte-parole d’Eau & rivière de Bretagne.

L’agence régionale de la santé de Bretagne n’était pas représentée lors de l’audience au tribunal ce 6 juin. « L’ARS Bretagne applique strictement les dispositions de la directive européenne baignade et les différentes dispositions qui la transposent » assure Aurélien Robert, en charge de la communication de l’agence, dont la mission est la mise en place de la politique santé dans la région.

06/06/2023 Benoit Thibaut

https://france3-regions.francetvinfo.fr/

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02 juin 2023 ~ 0 Commentaire

maïs (jdd)

Land-Grab

Climat, sécheresse, pesticides… C’est quoi le problème avec le maïs ?

Épouvantail de « l’agrobusiness » pour les uns, bouc émissaire injustement accusé pour les autres, le maïs enflamme les débats. Adaptation au dérèglement climatique, consommation d’eau, impact de l’élevage… Il est au cœur des dilemmes qu’affronte l’agriculture française actuellement.

L’extrait vidéo a été visionné plus d’un million de fois sur Twitter. Invitée de Public Sénat le 14 avril, la députée La France insoumise Aurélie Trouvé déclare : « Je voudrais donner un chiffre qu’on oublie parfois : 25 % de l’eau consommée en France est consommée par le maïs. » Cette ingénieure agronome de formation, ancienne activiste altermondialiste, dénonce un « agrobusiness du maïs » : « En soixante ans, on a remplacé les prairies par le maïs et le soja pour nourrir les bêtes. […] On ne peut pas continuer avec ce modèle agricole. »

Rapidement, ses propos déclenchent une bataille de chiffres sur les réseaux sociaux. L’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), affiliée à la FNSEA, répond en remettant ce pourcentage en perspective, sans le contester. Les articles de fact-checking se multiplient. Ils concluent que le calcul de la députée est hâtif et que l’ordre de grandeur est surévalué. Il n’empêche : « Environ 18 % de l’eau consommée l’est pour le maïs », rectifie Alain Charcosset, directeur de recherche à l’Inrae, généticien et spécialiste du maïs.

Le maïs en France, c’est environ 11 % de la surface agricole utile, 40 % de la production destinée à l’export, un excédent commercial d’1 milliard d’euros et de hauts rendements. Mais c’est aussi – tous nos interlocuteurs le confirment – un sujet inflammable. Car les épis jaune vif figurent parmi les cultures les plus secouées par la crise environnementale.

La guerre de l’eau

Première controverse : l’eau. « Contrairement à ce que l’on croit, le maïs valorise très bien l’eau, martèle Franck Laborde, président de l’AGPM. Il en faut environ 450 litres pour produire un kilo de maïs, contre 590 litres pour un kilo de pommes de terre ou 900 litres pour un kilo de soja. »

Le problème est ailleurs. Comme le sorgho ou le tournesol, ses graines sont semées au printemps et les plantes atteignent leur phase reproductive et leur taille maximale en juillet. Résultat, « le maïs a besoin d’eau à une période où les précipitations peuvent être inexistantes », indique Alain Charcosset. Et où les conflits sur la ressource sont de plus en plus aigus.

Tant que le pays était bien arrosé, ce calendrier ne gênait pas. Mais la ressource en eau a diminué de 14 % ces dernières décennies, selon le ministère de la Transition écologique, et le réchauffement climatique rendra les précipitations moins régulières.

Avec la sécheresse de 2022, la récolte de maïs grain et semences a été la plus faible depuis 1990 et la production de maïs pour le fourrage a reculé, selon Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture. Entre risque hydrique et cours en baisse, les semis pour 2023 sont au plus bas depuis trente ans.

La France, premier producteur européen de maïs en 2022 (source : Maiz’Europ’).

  • Maïs fourrage (plante entière) et ensilage (en silos) : 1,4 million d’hectares. Destiné à l’alimentation animale (ovins et bovins).
  • Maïs grain : 1,27 million d’hectares. Destiné à l’alimentation animale, à l’alimentation humaine (semoulerie, amidonnerie) et à l’industrie (bioéthanol, bioplastiques).
  • Maïs semence : 84 500 hectares.
  • Maïs doux : 23 800 hectares. Destiné à l’alimentation humaine.
  • Pop-corn : 9 000 hectares.

Dans ce contexte, l’irrigation irrite. Alain Charcosset tempère : « En 2020, 23 % des cultures de maïs étaient irriguées et cette proportion est en baisse. Donc la majorité des parcelles ne sont pas irriguées… Mais parmi les surfaces agricoles irriguées, il y a beaucoup de maïs ! »

Ingénieur agronome au sein de l’association Solagro, Sylvain Doublet appelle à changer la focale. « Quand on regarde de plus près, on s’aperçoit que les surfaces de maïs irriguées sont souvent situées autour de l’Adour-Garonne, le bassin le plus exposé au changement climatique en France », pointe-t-il.

Le Sud-Ouest est la région phare de la céréale jaune, qui nourrit aussi toute la filière volaille. « L’irrigation pose un impact majeur sur le fonctionnement du cycle de l’eau dans cette région, affirme-t-il. Plus les années climatiquement compliquées s’enchaînent, plus ça devient tendu. Parce que ces agriculteurs ont investi et ne peuvent plus faire demi-tour. »

S’adapter… ou tout changer ?

Le maïs pourra-t-il résister ? Franck Laborde en est convaincu et mise sur des variétés plus résistantes, une irrigation plus performante et le stockage de l’eau en hiver, controversé.

L’une des pistes les plus prometteuses consiste à semer plus tôt avec « des variétés à floraison précoce qui font l’essentiel de leur cycle avant les périodes de stress hydrique », souligne Alain Charcosset. « Il restera en France des régions adaptées à la culture du maïs », assure le généticien.

Mais quid des régions les plus exposées au réchauffement comme le Sud-Ouest ? Et avec quels rendements ? « Dans certains territoires, le manque d’eau peut, à la marge, modifier des assolements », reconnaît Franck Laborde à demi-mot, même si ce maïsiculteur et éleveur des Pyrénées-Orientales insiste sur l’importance économique et culturelle des épis jaunes dans sa région et invite à « ne pas balayer tout d’un revers de main ». « Sous 40 °C, la génétique ne pourra pas tout faire, avertit Sylvain Doublet. Les défis environnementaux sont tels que, cette fois, cela ne suffira pas. »

La bataille des pesticides

Car la nouvelle donne environnementale amène d’autres nuages sur les parcelles, notamment la nécessité de réduire la consommation de produits phytosanitaires. L’Union européenne veut la diviser par deux d’ici à 2030. Un défi pour le maïs, même s’il ne figure pas parmi les cancres.

Selon les données de l’Agreste, en 2017, respectivement 1 et 25 % des surfaces de maïs grain ont été traitées avec des fongicides (contre les champignons) et des insecticides, contre 94 et 23 % pour le blé tendre par exemple. « C’est l’une des espèces les plus propices à l’agriculture biologique, complète Alain Charcosset, car elle développe peu de maladies. »

En revanche, 98 % des parcelles ont reçu un herbicide, comme pour le blé. La filière s’est élevée contre l’interdiction du S-métolachlore. Au sein de l’AGPM, Franck Laborde s’explique : « C’est l’une des seules molécules autorisées comme herbicide du maïs. Sans ce produit, nous n’avons pas de solution efficace et nous subirons une distorsion de concurrence au niveau européen. »

Le carburant de l’élevage

Les rejets de carbone, justement, c’est le troisième point noir. Parce que cette plante fait carburer l’élevage français, responsable d’environ 14 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.

En fourrage ou en silos, il complète l’herbe que broutent les bovins. Selon l’Agreste, 24 % du fourrage utilisé en France est du maïs. Quant au maïs grain, 62 % des stocks consommés en France sont destinés à l’alimentation des ruminants, des volailles et des porcs.

 Dire qu’il faudrait produire moins de maïs en France pour moins irriguer et employer moins d’herbicides, ce serait mentir au consommateur . Franck Laborde

Pour Sylvain Doublet, le maïs est « la clé de voûte des filières d’engraissement des animaux, un système hyper optimisé dont l’objectif est de produire le plus possible dans le moins de temps possible ».

« Elles sont très dépendantes de la combinaison maïs/soja qui permet des croissances rapides », précise-t-il. D’après l’Agreste, le maïs pèse pour 16,2 % des aliments composés donnés au bétail, derrière le blé (22,3 %), suivi des tourteaux de soja (11,3 %). De quoi occasionner d’autres émissions de CO2, puisque « ce soja est lié à la déforestation au Brésil », ajoute l’ingénieur agronome.

Entre pression sur la ressource en eau et empreinte carbone de l’élevage, est-il raisonnable de continuer à cultiver autant de maïs ? La question est mal posée pour Franck Laborde. « Dire qu’il faudrait produire moins de maïs en France pour moins irriguer et employer moins d’herbicides, ce serait mentir au consommateur, prévient-il. Cela reviendrait à importer plus depuis l’est de l’Europe ou le Brésil, en fermant les yeux sur les conditions de production locales. »

Pour Sylvain Doublet, au contraire, « la porte de sortie, c’est de produire moins mais mieux ». Moins de viande, mais en prairies, et convertir les parcelles de maïs en cultures destinées à l’alimentation humaine. Dans un récent rapport, la Cour des comptes suggérait également de réduire le cheptel bovin.

Dans l’étude prospective Afterres 2050, Solagro imagine quel paysage agricole concilierait environnement, souveraineté alimentaire et santé. Il aboutit à une forte diminution des surfaces de maïs ensilage (qui passeraient d’1,2 million d’hectares en 2020 à 0,4 million en 2050) et un recul léger du maïs grain (d’1,4 à 1,2 million). Une condition pour que ça fonctionne : un régime alimentaire moins carné, sous peine de booster les importations de viande et de détruire la filière nationale. Dans ce climat tendu, cette menace met tout le monde d’accord.

Aude Le Gentil 02/06/2023

https://www.lejdd.fr/

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01 juin 2023 ~ 0 Commentaire

PFAS (arte)

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01 juin 2023 ~ 0 Commentaire

« nature » (libération)

rechauffment

Des chercheurs expliquent dans «Nature» pourquoi la Terre menace de devenir inhabitable

Plus de 40 experts alertent, dans la revue «Nature», sur le franchissement de 7 des 8 lignes rouges planétaires. Ces seuils fatidiques concernent principalement le climat, la biodiversité, l’eau douce, ainsi que les cycles de l’azote et du phosphore.

La planète tutoie ses limites et l’humanité se rapproche des «points de bascule négatifs, existentiels et irréversibles». Dans un article phare publié ce mercredi dans la revue Nature, une équipe pluridisciplinaire de plus de quarante scientifiques internationaux, nommée «la Commission de la Terre» («Earth Commission») formée en 2019 et pilotée par le ponte suédois Johan Rockström (l’un des pères fondateurs du concept de «limites planétaires», ces lignes rouges à ne pas franchir), tire la sonnette d’alarme sur les risques encourus pour «les populations du monde entier».

«En réduisant encore plus l’espace vivable disponible pour l’homme sur la planète, en resserrant les limites du système terrestre, de nouvelles recherches quantifient scientifiquement des dommages significatifs […] pour les individus, tels que la perte de vies, de moyens de subsistance ou de revenus, les déplacements, la perte de nourriture, d’eau ou de sécurité nutritionnelle, les maladies chroniques, les blessures ou la malnutrition», alerte le groupe de chercheurs dans sa publication.

Concrètement, les experts se sont penchés sur huit «seuils de sécurité et de justice» indispensables pour préserver «la sûreté des personnes et la stabilité de la planète». Sept de ces seuils auraient déjà été dépassés.

Cette publication s’inscrit dans la longue lignée d’articles scientifiques dédiés aux «limites planétaires». Théorisée en 2009 par Johan Rockström et plusieurs de ses collègues, la notion englobe neuf paramètres écologiques indispensables à l’équilibre du «système Terre» et, par extension, se rapporte aux seuils limites de perturbation que ces derniers peuvent endurer sans mettre en danger, de manière irréversible, les fondamentaux naturels de la planète.

Ces neuf variables, détraquées par l’activité humaine, relèvent des domaines du climat, de la biodiversité, du cycle de l’eau douce, de la couche d’ozone, de l’acidification des océans, des processus biochimiques de l’azote et du phosphore, de l’utilisation des terres, de la charge en aérosols atmosphériques, et enfin de la pollution radioactive ou chimique (plastiques, pesticides, solvants, polluants organiques persistants), nommée «entités nouvelles» dans les publications scientifiques.

En 2015, quatre de ces limites planétaires avaient formellement dépassé les seuils de précaution d’après les scientifiques : le climat, l’utilisation des sols, les cycles de l’azote et du phosphore, la biodiversité (avec un rythme d’érosion vertigineux). Depuis, le cycle de l’eau douce et la pollution chimique ont aussi atteint des stades très préoccupants.

Neuf indicateurs pour mesurer l’habitabilité de la Terre

Dans cet article inédit, les scientifiques réutilisent une partie de ces neuf indicateurs conçus par l’équipe du professeur suédois, aujourd’hui directeur de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique.

Mais la «Commission de la Terre» n’en compte désormais plus que huit dans ces nouveaux travaux, légèrement redéfinis, pour permettre à la fois d’évaluer «l’état de santé de notre planète en termes de stabilité et de résilience du système terrestre» (comme ils l’ont fait ces dix dernières années), mais aussi pour mesurer l‘habitabilité du «système Terre» «en termes de bien-être humain et d’équité et justice».

Ce n’est donc pas par hasard que figure parmi les auteurs principaux Joyeeta Gupta, professeure en environnement à l’Institut pour la recherche en science sociale de l’Université d’Amsterdam et spécialiste du développement inclusif. «Pour la première fois, la science définit les conditions environnementales nécessaires non seulement pour que la planète reste stable, mais aussi pour permettre aux sociétés, aux économies et aux écosystèmes du monde entier de traverser la crise», se félicite la chercheuse.

Les conclusions de Joyeeta Gupta et de ses pairs sont sans appel : sur les huit paramètres retenus, seul le domaine des aérosols émis dans l’atmosphère n’a pas atteint de seuil critique. «Pour toutes les limites définies dans cet article, limites qui prennent désormais en considération la question de la justice entre les humains et les différentes espèces, on va vers le pire. Qu’il s’agisse du climat, de l’eau, des cycles biochimiques et géochimiques de l’azote et du phosphore, associés aux engrais, de la biodiversité…», analyse à la lecture de l’étude Natacha Gondran, professeure en évaluation environnementale à l’école des Mines de Saint-Etienne et coautrice, avec Aurélien Boutaud, de l’ouvrage Les Limites planétaires (éd. La Découverte).

Plus de 200 millions de personnes exposées à des températures sans précédent

L’exemple le plus limpide concerne l’indicateur «Climat et hausse des températures». Le consortium de chercheurs insiste sur les effets sur les êtres humains d’un réchauffement de +1,5°C  par rapport à la période préindustrielle (les auteurs ne s’aventurent pas à se projeter et développer les scénarios du pire, même si le rapport de synthèse du Giec, publié en mars dernier, explique bien que cet objectif des 1,5 °C pourrait devenir obsolète au début des années 2030).

«Plus de 200 millions de personnes, tout particulièrement déjà vulnérables, pauvres et marginalisées, pourraient être exposées à des températures annuelles moyennes sans précédent, et plus de 500 millions pourraient être exposées à une élévation à long terme du niveau de la mer», est-il écrit.

S’agissant de la ressource en eau douce, les scientifiques considèrent que les seuils alarmants ont d’ores et déjà été atteints. Selon eux, les conditions pour conserver un certain équilibre impliquaient, premièrement, que les flux mensuels d’eau de surface, qu’importent l’endroit et le continent, ne soient jamais altérés de plus de 20 %.

Et deuxièmement, que dans les eaux souterraines, les prélèvements annuels soient inférieurs à la recharge. Aujourd’hui pourtant, 34 % de la surface de la Terre connaît une altération de plus d’un cinquième de ses débits d’eau en raison de barrages hydroélectriques, de systèmes de drainage et de constructions. 47 % des nappes phréatiques, elles, sont soumises à des captations supérieures à leurs possibilités de recharge en eau.

Des chiffres bien trop élevés qui pointent «le défi» que représente «l’insécurité de l’eau dans les différentes régions du monde, développent les scientifiques dans leur article. Par exemple, les dommages associés à de mauvaises conditions d’assainissement de l’eau et d’hygiène ont un impact disproportionné sur la santé des jeunes enfants dans les pays à faible revenu, en particulier en Afrique subsaharienne», notent-ils.

Plus de la moitié des écosystèmes ont déjà été artificialisés

Les limites pour préserver la biodiversité sont également en train d’être définitivement outrepassées. Alors que les experts disent qu’au moins 50 % à 60 % d’écosystèmes naturels devraient rester intacts, ils dévoilent qu’en réalité, plus de la moitié de ces surfaces ont déjà été artificialisées.

Même dépassement au sujet de l’azote et du phosphore. Les quantités d’engrais utilisés pour fertiliser les terres agricoles s’avèrent bien trop élevées : un surplus de 119 millions de tonnes d’azote par an rejoint les milieux aquatiques (alors qu’il faudrait être à moins de 57 millions par an, selon le groupe de chercheurs), et 10 millions de tonnes de phosphore sont entraînées dans les eaux chaque année (cela ne devrait pas dépasser 4,5 millions).

«Lorsque les engrais sont épandus sur les sols, ces nutriments ne sont pas totalement absorbés par les cultures et ruissellent donc dans les eaux, ce qui provoque l’eutrophisation des écosystèmes, avec des algues qui prolifèrent, des écosystèmes qui dépérissent. Le risque est que ce phénomène se produise à l’échelle de l’océan, ce qui provoquerait un manque d’oxygène pour toutes les espèces marines…», explique Natacha Gondran.

Parmi les répercussions délétères pour les humains, la «Commission de la Terre» met en lumière «l’insécurité alimentaire», ainsi que «l’iniquité au niveau mondial» entre les pays pauvres qui ont besoin de plus d’engrais, et les pays riches qui doivent réduire les excédents.

«Nous sommes dans l’Anthropocène, mettant en danger la stabilité et la résilience de la planète entière», expose Johan Rockström, faisant référence à une nouvelle époque géologique marquée par l’empreinte de l’homme sur la planète. «Les huit indicateurs ont été soigneusement choisis pour leur capacité à être mis en œuvre par les parties prenantes dans les villes, les entreprises et les pays du monde entier. Ils constituent des repères importants pour guider l’avenir de l’humanité sur terre, a-t-il poursuivi. Nous devons donc devenir les gardiens de l’ensemble du système terrestre.»

Anaïs Moran 31 mai 2023

https://www.liberation.fr/

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01 juin 2023 ~ 0 Commentaire

cochons (splann! médiapart)

cochons
À Plouvorn, 80.000 cochons, de l’ammoniac et des nitrates

Avec sa concentration record de méga-porcheries, la commune finistérienne de Plouvorn est un symbole de l’intensification de l’élevage et de ses conséquences. Enquête sur un coin de Bretagne où rien n’échappe aux cochons. Ni l’eau, ni l’air, ni la mairie.

  • Plouvorn, dans le Finistère, est une capitale du porc industriel français. 80 % des élevages sont des Installations classées pour l’environnement (ICPE), c’est-à-dire qu’ils dépassent les 2.000 animaux. Malgré cela, un projet gigantesque se prépare.
  • La commune est la plus émettrice d’ammoniac en Bretagne, un gaz précurseur de particules fines dangereuses pour la santé. La qualité de l’eau n’est pas meilleure et le point de captage d’eau potable est fermé depuis 2007 pour cause de pollution.
  • Le poids de l’élevage porcin se fait sentir dans le quotidien des habitants : interdictions très régulières de la baignade dans le plan d’eau, élus sous pression, menaces sur des lanceurs d’alerte… Le porc s’immisce partout, du drapeau des supporters de l’équipe de foot jusqu’à la mairie.

Plouvorn est une petite commune qui n’a jamais fait parler d’elle. Pourtant « le village aux 100.000 cochons » est un champion national de l’élevage intensif. Sur les routes étroites qui mènent au bourg, le long de champs remembrés de choux et de pommes de terres, des semis-remorques transportent chaque jour des centaines de porcs vers l’abattoir.

A Plouvorn il y a 2.900 habitants et près de 80.000 porcs. Vingt-huit fois plus de cochons que d’habitants, quand la Bretagne, région reine de l’élevage porcin, compte 5 cochons pour 1 habitant en moyenne. En France, près de la moitié des cochons élevés de façon industrielle le sont dans le Finistère. Et Plouvorn est un rouage incontournable du système. « Ici, on fait du porc vite et pas cher et on le met sur le quai », résume Alain*, un éleveur du coin.

« Avant c’était un territoire pauvre, les paysans avaient peu de terre, donc ils ont fait du hors-sol pour produire beaucoup sur de petites surfaces. Ici, on leur a toujours dit produisez, produisez, produisez », retrace l’agriculteur. Ce virage productiviste, pris entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1970, a radicalement transformé le paysage local. De la multitude de petites fermes, dix-sept exploitations porcines ont survécu. Dans le Léon libéral-conservateur qui a accouché du leader agricole Alexis Gourvennec, elles ont atteint des proportions sans commune mesure à l’échelle nationale.

Parmi les vingt plus grandes porcheries de France, trois se situent à Plouvorn, selon des données du ministère de la Transition écologiques exploitées par Greenpeace dans un rapport publié en mai. L’ONG réclame un moratoire sur la construction d’élevages classés à risque pour l’environnement – soit les élevages de plus de 2.000 têtes dans le secteur porcin. À Plouvorn, 80 % des exploitations explosent les compteurs. Et la course au gigantisme continue.

13 piscines olympiques de déjections animales

Chaque année ou presque, de nouvelles demandes d’extension sont déposées auprès des services de l’État. 1.742 places en plus en 2016 pour l’un, 3.040 l’année suivante pour un autre. Le dernier projet en date a été déposé en 2020 par la société Calarnou. Le but : 14.000 places supplémentaires de porcs à engraisser.

Si ce projet se concrétisait, cette porcherie deviendrait la deuxième plus grosse de France avec une production annuelle de 45.600 porcs charcutiers. Talonnant la SA Kerjean, établie dans la commune voisine de Taulé.

Un avis publié par la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) en décembre 2020 décrit toute la démesure du projet. 33.000 m³ de lisier seraient produits chaque année, soit 13 piscines olympiques de déjections animales, que l’éleveur promet de transformer à 98 % en compost en vue d’une exportation « hors de Bretagne ». Ce qui laisserait encore chaque jour 1.800 litres de lisier à épandre sur des terres locales déjà saturées en azote.

À ce jour, aucune autorisation n’a été accordée, indique la préfecture du Finistère. Le dossier – celui qui a été analysé par l’Autorité environnementale – a été retoqué, mais un second est en cours de constitution, selon une source préfectorale. Un permis de construire calibré pour cet agrandissement a bien été déposé en mairie à l’automne 2021. Interrogé, le maire de Plouvorn, Gilbert Miossec, nie son existence, en dépit d’échanges de courriels prouvant le contraire, consultés par Mediapart et Splann !. Quant à l’éleveur, il n’a pas répondu à nos questions.

Le prix environnemental de l’élevage intensif

Plouvorn est un pilier du secteur porcin, mais le revers de cette médaille est un désastre écologique. La plupart des indicateurs environnementaux sont au rouge. A commencer par l’ammoniac. Ce gaz, issu des effluents d’élevage, contribue à la formation de particules fines dans l’air, deuxième cause de mortalité évitable dans le pays. (Lisez notre enquête « Bol d’air à l’ammoniac ».) Dans un palmarès dressé par le collectif Bretagne contre les fermes-usine, Plouvorn occupe la première place des communes les plus émettrices. Elles atteignent 178 tonnes par an, selon les données de Géorisques. Soit deux fois plus que la commune classée en deuxième position. Dans un rayon de 20 kilomètres, quatre autres communes figurent dans le top 10.

Des données qui ne semblent pas inquiéter le maire de la commune, Gilbert Miossec. « Il faut arrêter de stigmatiser les éleveurs, de gros efforts ont été faits sur le plan technique pour réduire les émissions. Ce n’est pas le problème le plus important ».

Et pour cause, il y en a d’autres. « Il y avait une belle rivière à Plouvorn, l’Horn, qui a été complètement flinguée. On avait du saumon, de la truite, des anguilles… Il ne reste presque plus rien », s’inquiète un pêcheur local, photographies à l’appui. Il a assisté à plusieurs épisodes de pollution de la rivière, notamment des déversements d’effluents agricoles. Un projet de recherche est en cours, mené par un laboratoire de l’Université de Bretagne occidentale, pour évaluer précisément l’état de ce cours d’eau. Les premières conclusions des scientifiques font état d’un « hydrosystème altéré » par diverses pollutions liées à l’agriculture intensive.

Selon les données de l’Observatoire de l’environnement en Bretagne, la rivière présente – outre d’importants taux de pesticides et de phosphore – des taux trop élevés de nitrates. Une conséquence directe de l’agriculture intensive. Les nitrates sont issus de l’épandage des lisiers ou de déversements accidentels. Ils sont à l’origine des proliférations d’algues vertes en Bretagne. Dans la commune de Plouvorn, la conséquence la plus directe est la fermeture du point de captage d’eau potable en 2007.

Depuis, l’eau est prélevée dans un ruisseau, le Coatoulzac’h, qui peine, avec son faible débit, à assurer cette fonction. Au cœur d’un Finistère pluvieux, les gestionnaires de l’eau en sont venus à craindre des pénuries d’eau. « L’Horn va être de plus en plus nécessaire. Dans un contexte de sécheresses récurrentes, il s’agit d’une ressource indispensable », peut-on lire dans le compte rendu de la dernière assemblée générale du syndicat mixte de l’Horn, le gestionnaire local de l’eau potable. Mais la reconquête de ce point de captage est un chemin de croix.

Des millions investis mais toujours pas d’eau potable

Les premières actions pour faire baisser les nitrates dans l’Horn datent de 1989. Durant les quinze dernières années, plus de sept millions d’euros d’argent public ont été investis pour améliorer la qualité de l’eau, en particulier en faisant évoluer les pratiques agricoles. Dernier dispositif en date : le paiement pour service environnemental, qui consiste à rémunérer les agriculteurs pour leurs bonnes pratiques. 39 des 70 exploitants agricoles situés sur ce bassin sensible ont signé, soit 40 % des terres concernées.

Il y a des résultats : les taux de nitrates dans l’Horn ont été quasiment divisés par deux par rapport à la fin des années 1990, lorsqu’ils dépassaient les 100 mg/l – un chiffre record dans les bassins algues vertes. Ils restent toutefois très insuffisants. Aujourd’hui l’Horn n’est toujours pas descendue sous la barre réglementaire des 50 mg/l qui permettrait la réouverture du point de captage. L’eau reste impropre à la consommation. « Ce qui pose un sacré problème d’argent fichu par les fenêtres », dénonce la conseillère régionale EELV, Christine Pringent.

Guy Pennec, président de la commission locale de l’eau, bon connaisseur du dossier, préfère souligner « un vrai dynamisme et un engagement fort » dans certains secteurs agricoles comme le maraîchage ou la filière bovine. En revanche, pour les élevages hors-sol, en majorité des porcheries, « c’est plus compliqué. Nous sommes démunis vis-à-vis de l’agro-business ».

Une analyse partagée, avec moins de pincettes, dans un rapport de la cour régionale des comptes : « Les pratiques actuelles en élevage intensif sont un obstacle à la réduction des fuites de nitrates, les enjeux économiques interdisent des évolutions de systèmes, voire des aménagements même marginaux, comme en témoignent les obstacles à la reconstitution de ceintures bocagères, haies et talus ».

Pour les observateurs de l’environnement, les projets d’extensions de porcheries vont à contre-courant de ces ambitions de reconquête de l’Horn. « Il faut sanctuariser ce bassin versant », réclame Jean-Yves Kermarrec, président de l’APPMA locale (Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatique). « Les très grosses exploitations sont de plus en plus contrôlées. Mais, à Plouvorn, avec une telle concentration, l’environnement est déjà trop sous pression. De ce point de vue, il faudrait ralentir », estime aussi un inspecteur de l’environnement du département.

Baignade interdite

Il n’est plus possible de boire l’eau de Plouvorn. S’y baigner est aussi devenu dangereux. La commune dispose pourtant d’un appréciable plan d’eau. « La qualité de cet espace intergénérationnel est reconnue par les habitants qui le qualifie de « convivial » et « magnifique ». C’est le seul espace naturel public à Plouvorn », explique la chercheuse Mallorie Boderiou dans un mémoire réalisé sur ce sujet en 2017. Il est alimenté par l’Argens, un affluent de l’Horn, qui jouxte les terres d’épandages de plusieurs élevages, dont celui de Calarnou.

La baignade y a été interdite 46 jours l’été dernier en raison d’une prolifération des cyanobactéries. Ces micro-algues donnent une couleur verte à l’eau et peuvent – en trop grande quantité – provoquer des troubles digestifs, neurologiques ou cutanés chez les baigneurs. Des interdictions avaient aussi été décidées les années précédentes sur ce site qui figure parmi les plus pollués aux cyanobactéries en Bretagne, selon les données de l’Agence régionale de santé.

Ce phénomène est lié à trois facteurs : une eau stagnante, la chaleur et la présence de nutriments – tels que les nitrates et phosphates. « Des cyanobactéries, il y en a dans tous les plans d’eau, ce n’est pas obligatoirement lié aux productions agricoles », insiste le maire de Plouvorn. Mais, dans cette eau, on trouve aussi d’autres traces de l’activité des élevages voisins, notamment des streptocoques fécaux ou des escherichia coli – signes de contamination fécale – en quantité alarmante à certaines périodes de l’année.

« C’est un bassin qui a été construit dans les années 1970. Aujourd’hui, on ne ferait pas un lieu de baignade ici, alimenté par une rivière qui traverse une zone d’agriculture intensive. À mon sens, il faudrait le fermer et l’option est sur la table », indique une source proche de ce dossier très sensible dans la commune. Une réunion a récemment eu lieu en mairie avec les représentants de l’État et la municipalité. Une étude doit être lancée pour trouver des solutions moins radicales. Par exemple, la mise en place d’une zone tampon entre l’Horn et le plan d’eau afin de limiter la diffusion des pollutions dans la zone de baignade.

Quand la filière porcine tient les rênes de la politique locale

Plus de poissons à pêcher, risque de pénurie d’eau potable, interdiction de la baignade, les conséquences de l’élevage sont de plus en plus directes pour les habitants. À Plouvorn, toutefois, personne ne questionne trop fort l’intensification de l’élevage. « C’est même l’omerta », estime Claude*, une mère de famille arrivée sur la commune il y a une vingtaine d’années. « Lorsqu’on parle, on a toujours peur des répercussions. Critiquer un arasement de talus par un agriculteur se fait la peur au ventre. »

Les éleveurs porcins sont impliqués dans toutes les strates de la vie locale. Et d’abord à la mairie. Elu en 2020, le maire, Gilbert Miossec est un ancien technicien de Prestor, devenu Evel Up – une importante coopérative porcine, très influente à Plouvorn. Plusieurs élevages en sont membres, notamment la société Calarnou qui projette la giga-extension.

Avant lui, François Palut, propriétaire de Calarnou jusqu’à sa retraite, avait les rênes de la mairie. Ancien président de la coopérative Léon-Tréguier – aujourd’hui Evel Up -, il s’est aussi exprimé dans les médias contre L214 ou les portiques écotaxes en tant que président de l’Association pour le maintien de l’élevage en Bretagne (AMEB), un lobby pro-agriculture intensive. Interrogé par Splann ! et Mediapart, l’éleveur retraité insiste sur la nécessité des grands élevages « car il faut bien nourrir le monde ».

Si l’on remonte encore peu : la mairie a été tenue pendant 42 ans, de 1966 à 2008, par Jacques de Menou, figure politique de la droite finistérienne (RPR) et compagnon de route de l’éleveur porcin Alexis Gourvennec, leader syndical et homme d’affaires charismatique, connu pour ses actions violentes et sa vision ultra-libérale de l’agriculture. « La question se pose de qui gère ce territoire ? Et pour moi c’est l’agro-industrie », dénonce un habitant qui souhaite garder l’anonymat.

Malgré une part d’emplois liés au secteur agricole passée de 27 % à 17 % entre 2008 et 2019, l’industrie porcine demeure aussi un marqueur identitaire. En témoigne ce cochon à l’air conquérant et cigare à la bouche choisi comme mascotte par les jeunes supporteurs de L’Avant Garde de Plouvorn, lors du récent périple du club en Coupe de France de football. Réunis au sein d’une association, l’Apporc, les éleveurs savent se rendre incontournables dans les moments festifs. « Ils donnent des coups de mains aux associations locales, offrent des maillots de foot ou des cochons grillés, font visiter leurs élevages aux enfants de l’école. C’est sympa mais c’est aussi une manière d’assurer l’acceptabilité de la filière », résume ce Plouvornéen. L’Apporc a reçu le prix de la communication du Comité régional porcin, en 2012.

Une opposition muselée

Plouvorn a néanmoins connu un sursaut démocratique en 2020. Pour la première fois depuis des décennies, une opposition politique s’est présentée aux élections municipales, menée par Philippe Bras, président de l’association des pêcheurs du pays de Morlaix, mobilisé contre les pollutions de rivière « d’origine agricole et urbaines ». Elle a recueilli 44 % des voix après une campagne à couteaux tirés dont le climat délétère ne s’est jamais apaisé. Plusieurs élus de l’opposition témoignent de coups de pression réguliers sur eux ou leurs proches – de courriers anonymes jusqu’à des menaces de mort. Sept plaintes ont été déposées depuis moins de trois ans. Certaines ont été classées et d’autres sont encore en cours d’instruction. « Quand je sors, je suis toujours sur mes gardes », explique l’un des plaignants. En janvier 2021, lors d’un conseil municipal, les élus de l’opposition ont révélé publiquement l’existence de courriers diffamatoires reçus au domicile de deux d’entre eux. Leur motion de soutien a été adoptée par l’ensemble du conseil municipal… Mais cette motion de soutien a finalement été annulée quelques mois plus tard au motif que « la protection fonctionelle n’est pas automatique ».

Mais le pourrissement de la vie démocratique ne s’est pas arrêté là. De nouvelles menaces ont visé le leader de l’opposition et une lanceuse d’alerte en 2022 et 2023. Dans un courrier envoyé au procureur en novembre, cette dernière décrit un climat « de crainte, si ce n’est une peur quotidienne ». Parmi les plaintes que Splann ! et Médiapart ont pu consulter, certaines soulignent des altercations avec un membre influent de la FDSEA du Finistère ainsi que des menaces de mort proférées en public par un éleveur à la retraite.

Questionner ce modèle agricole demeure complexe. Pour les élus comme pour les journalistes. Le 24 mai, la puissante Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), alertée par l’enquête menée par Splann ! et Médiapart , adresse une lettre de mise garde à ses adhérents.

« Après échange avec Michel Bloc’h et Jacques Crolais [président et directeur de l’organisation, NDLR], nous tenions à vous informer que des journalistes militants cherchent actuellement à contacter un certain nombre d’acteurs de la filière en prévision d’articles à charge contre la profession ». La responsable de la communication de l’organisation « invite » les éleveurs de Plouvorn à « éviter le piège » et à la « vigilance quant à ces sollicitations qui visent tout simplement à dénigrer notre agriculture ». En d’autres termes, silence dans les champs.

* Le prénom a été modifié

Kristen Falc’hon, Floriane Louison (Mediapart) | 01 06 2023

https://splann.org/plouvorn

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01 juin 2023 ~ 0 Commentaire

algues vertes

algues

   15 ans séparent ces deux événements ! Et les deux  à Plestin-les-Grèves. 

 Pour la première fois en Europe au moins, ce 26 septembre 2008, le danger mortel des marées vertes était rendu public. Et par une association. Pas par les pouvoirs publics qui connaissaient ce danger et se gardaient bien de le faire savoir.

Pour la première fois un réalisateur courageux porte aujourd’hui à l’écran ce scandale d’une dissimulation d’un risque sanitaire, prolongeant ainsi l’excellente bande dessinée d’Inès Léraud et Pierre van Hove.

Que de chemin parcouru depuis 2008 !

Soyons fier(e)s, nous toutes et nous tous présent(e)s à cette conférence et celles et ceux qui ont soutenu l’action de Sauvegarde du Trégor d’avoir ainsi  oeuvré pour la vérité, contre vents et marées, sans jamais perdre le cap.

En plus de Claude Lesné, nous avions entendu les témoignages d’une victime Maurice Briffaut et du médecin urgentiste Pierre Philippe. Désormais nous savions ce qu’administrations, élus et une grande partie de la population ne voulaient pas savoir.  Nous avons eu collectivement ce courage. Souvenez vous, ce torrents d’injures que nous avons subi quand six mois plus tard nous avons soutenu Thalassa qui dans une de ses émissions osa lever un coin du voile !

    Nous étions prêts en 2009 à crier à la face du monde qu’un cheval n’était pas mort le 29 juillet d’un étouffement ou d’une noyade. Avec son maître qui en a réchappé de justesse, ils avaient tous les deux été intoxiqués à l’hydrogène sulfuré des algues vertes échouées et en putréfaction dans le sable. Et le monde entier l’a su grâce à la perspicacité d’un journaliste d’Aujourd’hui en France qui avait assisté, bien seul avec Fr 3, à cette conférence.
Alors comment ne pas remercier Pierre Jolivet et toute son équipe de tournage d’avoir mis en scène le travail fouillé d’investigation d’Inès Léraud, journaliste obstinée et courageuse. Elle a révélé la face sombre de la Bretagne et de tous les échelons des décideurs tant politiques qu’économiques englués dans des conflits d’intérêts sans fin.
                                                         Je vous invite à les remercier par votre présence samedi à la salle du Douron à 21 h à Plestin-les-Grèves. Vous ne verrez pas qu’un bon spectacle. Vous assisterez d’abord à un spectacle d’autant plus engagé qu’il sera suivi d’un débat animé par le réalisateur lui-même. Nous étions une centaine en 2008. Faisons au moins salle comble avec ces 180 places samedi !
     Cordialement.
 Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor Goëlo Penthièvre

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31 mai 2023 ~ 0 Commentaire

japon (rfi)

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Japon: le Parlement vote une loi prolongeant les réacteurs nucléaires au-delà de 60 ans

Au Japon, le Parlement a approuvé définitivement, mercredi 31 mai, un projet de loi controversé étendant à plus de 60 ans la durée d’exploitation des centrales nucléaires – contre 40 années aujourd’hui. Ce projet, qui divisait le pays, alloue aussi des budgets importants à la recherche, en vue de la mise au point de réacteurs de la nouvelle génération.

Il s’agissait de l’une des mesures annoncées par le Premier ministre Fumio Kishida l’été dernier pour relancer le nucléaire dans le pays, quelques mois après le choc énergétique provoqué par le déclenchement de la guerre en Ukraine. L’Autorité japonaise de sûreté nucléaire (NRA) avait donné son accord en février. La loi a finalement été votée ce mercredi 31 mai, afin d’améliorer la sécurité de l’approvisionnement électrique du pays et de l’aider à atteindre ses objectifs climatiques.

Cette mesure va permettre d’exclure de la durée totale de service les périodes d’arrêt des réacteurs dues à leur mise en conformité avec les nouvelles règles de sécurité nucléaire, introduites au Japon après la catastrophe de Fukushima en 2011, ou liées à des injonctions provisoires de tribunaux. La nouvelle législation implique par ailleurs un contrôle des réacteurs par la NRA tous les dix ans au moins au bout de 30 ans de service.

Après la catastrophe nucléaire, qui avait été causée par un gigantesque tsunami sur la côte nord-est du pays lié à un très violent séisme sous-marin, tout le parc nucléaire nippon avait été arrêté. Sur 33 réacteurs théoriquement opérables dans le pays, seuls 10 ont redémarré depuis, après s’être mis en conformité avec des normes de sécurité considérablement relevées.

Privilégier les énergies renouvelables

Au Japon, la relance du nucléaire ne va pas de soi, douze ans après cet accident qui dévasta la centrale de Fukushima. Une courte majorité de sondés – 51% à 53% – approuve la relance du nucléaire. Mais beaucoup plus de Japonais – 60% à 70% – trouvent qu’il faudrait plutôt privilégier les énergies renouvelables comme l’éolien ou le photovoltaïque, par exemple. Autant de secteurs où le Japon est très en retard par rapport aux autres grands pays industrialisés, rapporte notre correspondant sur place, Bruno Duval.

« Multiplier les centrales dans un pays qui subit tellement de tremblements de terre et après ce qu’on a vécu à Fukushima, je ne suis pas certaine que ce soit très rassurant », confie cette Japonaise au micro de RFI. « Sur un tel sujet, une loi votée en catimini, cela ne va pas. Il faudrait un référendum », souhaite quant à elle cette autre passante, non loin d’une manifestation contre le projet de loi. « Le nucléaire est une énergie propre. Contrairement à nos centrales thermiques au charbon, qui sont désastreuses pour la planète. Redémarrer des réacteurs nous permettra donc de mieux lutter contre le réchauffement climatique », nuance ce Tokyoïte.

Actuellement, neuf réacteurs sont en fonctionnement au Japon, tous situés dans l’ouest ou le sud-ouest de l’archipel.

31/05/2023

https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/

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31 mai 2023 ~ 0 Commentaire

allemagne (reporterre)

Répression des militants écolos : en Allemagne, les partis de gauche font l'autruche
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Répression des militants écolos : en Allemagne, les partis de gauche font l’autruche

Des manifestations sont prévues ce 31 mai en Allemagne, en soutien à Letzte Generation. L’opération policière subie par les militants climatiques était soutenue par la droite… mais aussi par le chancelier social-démocrate.

Après la répression, la réplique de l’organisation Letzte Generation (« dernière génération ») ne s’est pas faite attendre. Mercredi 31 mai, un bouquet de manifestations est prévu dans les grandes villes d’Allemagne en soutien à cette association engagée depuis 2021 dans une lutte musclée contre le réchauffement climatique.

Dans une lettre ouverte adressée au chancelier allemand le 27 mai — qui les a récemment qualifiés de « détraqués » — les militants ont prévenu Olaf Scholz des conséquences des descentes de police survenues le mercredi 24 mai dernier : « D’innombrables personnes se sont inscrites à des formations de sit-in pour la semaine prochaine. » Ils entendent en effet intensifier leurs actions de blocage de la circulation et poursuivre leurs protestations. Les militants sont connus pour leurs actions « chocs » : grèves de la faim, collage de mains sur le bitume, jet de purée sur les vitres protégeant des tableaux, interruption du trafic aérien…

L’opération policière lancée par le Parquet de Munich a conduit à quinze perquisitions, le 24 mai dernier, dans plusieurs länder. Sept activistes sont soupçonnés de « constitution d’organisation criminelle ». Des comptes bancaires et le site internet de l’association ont été bloqués. Parmi les éléments à charge, la police bavaroise évoque le financement et les collectes de dons de l’organisation, jugés opaques voire illégaux, ainsi que la participation présumée de deux membres de Letzte Generation au sabotage de l’oléoduc Trieste-Ingolstadt, qui passe par la Bavière. Par ailleurs, de nombreuses plaintes ont été déposées contre les militants à cause des blocages de routes qui exaspèrent certains citoyens.

Les partis de gauche approuvent majoritairement l’action policière

Les deux syndicats de la police allemande n’ont pas manqué de saluer les descentes. « La justice intervient, c’est le bon signal d’un État de droit qui se défend », a déclaré le chef du syndicat DPolG Rainer Wendt en évoquant « la population qui souffre mille fois par jour de la terreur de rue de ces sauveurs autoproclamés du climat ». Originaire du Land de Hesse, la ministre sociale-démocrate de l’Intérieur Nancy Faeser soutient, elle aussi, la police bavaroise en estimant que « la crise climatique ne peut se régler que de manière démocratique ».

Pendant que l’opposition conservatrice demande la surveillance du mouvement par les services de renseignement intérieur, les partis de la coalition gouvernementale (SPD, libéraux et écologistes) approuvent l’action policière ou alors la contestent timidement. Même les leaders de la gauche radicale, critiques sur la disproportion de l’action policière et les arrestations provisoires, ne claironnent pas leur soutien aux actions de blocage ou de sabotage. Rares sont les pointures politiques à être montées au créneau sur ce terrain électoralement sensible.

Fin avril dernier, le ministre allemand de l’Économie Robert Habeck (Verts) exprimait ainsi sa compréhension pour les activistes de la « dernière génération », tout en critiquant leurs formes de protestation. « C’est une grande réussite historique de Fridays for Future [considérée comme berceau politique des militants de Letzte Generation] que d’avoir réussi à obtenir une majorité sociale pour la protection du climat », assurait-il lors d’un débat public à Kiel fin avril. Avant d’ajouter que la « radicalisation actuelle ne crée pas la majorité ».

Letzte Generation n’a pas l’intention de baisser les bras. Sur l’un de ces forums, certains membres estiment qu’il faut au contraire « profiter de la dynamique actuelle » pour accélérer. Le mouvement a d’ailleurs annoncé, sans donner de chiffres précis, que leurs rangs grossissaient depuis les descentes de police. Enfin, en moins d’une semaine, près de 500 000 euros ont été versés sur la cagnotte qu’ils viennent de créer pour payer les amendes infligées aux militants, en attendant que leurs comptes soient débloqués. L’association a donc plus que jamais les moyens d’agir.

Berlin (Allemagne), correspondance

https://reporterre.net/

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