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11 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

obésité (the conversation-radio france)

porcs

Lutter contre l’obésité avec des fibres

Au niveau mondial, l’obésité a triplé depuis 1975. Selon les derniers chiffres de l’organisation mondiale de la santé, presque 2 milliards d’adultes étaient en surpoids ou obèses, et parmi eux, 650 millions obèses – soit 13 % de la population mondiale. Un surpoids est défini par un indice de masse corporel (IMC) compris entre 25 et 30, une obésité lorsque ce dernier dépasse 30.

En 2020, la prévalence de surpoids et de l’obésité est de 47,3 % dans la population française (17 % de personnes obèses), avec une tendance à la hausse. Du fait que l’occurrence de nombreuses pathologies chroniques est plus élevée chez des populations obèses ou en surpoids (diabète de type 2, pathologies cardiovasculaires…), de nombreuses politiques publiques se sont mises en place pour enrayer cette augmentation constante de l’obésité et du surpoids,notamment le PNNS (Programme national nutrition santé en France).

Parmi les repères nutritionnels et les objectifs du PNNS, il est recommandé d’augmenter la part des fibres dans notre alimentation pour prévenir l’occurence de l’obésité et des pathologies associées mais aussi pour lutter contre l’obésité installée. Cela passe notamment par une augmentation de l’ingestion des fruits et légumes, des céréales complètes ou des légumineuses par exemple.

En effet, il existe un écart important entre la consommation de fibres alimentaires dans la population française et les recommandations du PNNS (30 g). Or, une consommation accrue de fibres alimentaires est connue pour être inversement corrélée avec la prévalence des pathologies chroniques associées à l’obésité.

Du pain enrichi en fibres fermentescibles

L’augmentation de l’ingestion de fibres, en particulier fermentescibles (celles dégradées par le microbiote intestinal) ont montré, dans des études cliniques contrôlées, un effet bénéfique sur l’insulino-sensibilité et donc la diminution de l’apparition du diabète et des pathologies cardiovasculaires. Les fibres fermentescibles sont présentes dans les légumineuses, les céréales complètes, les fruits et les graines en particulier.

Pour corriger cette déficience, nous avons mis au point un pain enrichi en fibres fermentescibles potentiellement capable d’augmenter la sensibilité à l’insuline et donc limiter le développement du diabète. Un mélange de fibres fermentescibles a été développé sur une base de 20 % d’inuline, 20 % de pectine et 60 % d’amidon résistant.

Ainsi, la consommation de 250g (soit environ une baguette) de ce pain apporte 25g de fibres et permet d’atteindre, voire de dépasser, les recommandations du PNNS dans le cadre d’une alimentation saine.

Nous avons testé ce pain sur un modèle animal en cours de développement de l’obésité et nous sommes intéressés à la courbe de prise de poids des animaux en présence ou non du pain enrichi en fibre. Nous avons par ailleurs montré des effets métaboliques intéressants de ce pain enrichi en fibres sur le métabolisme de muscle et en particulier sur son métabolisme énergétique.

Nous avons utilisé comme modèle animal le mini porc, car ce dernier présente la particularité d’être relativement proche de l’humain du point de vue de la taille, la physiologie digestive, la composition de son microbiote intestinal et surtout de la réponse de nombreux paramètres physio-métaboliques à la surnutrition et à l’obésité.

Des résultats prometteurs chez l’animal

Ces mini porcs sont ainsi nourris afin qu’ils développent de l’obésité : ingestion de 800g d’un régime enrichi en graisse et sucre (apport énergétique largement supérieur à leurs besoins). Les mini porcs reçoivent de plus : soit 250 g de pain à base d’une farine raffinée pauvre en fibres, celle que l’on retrouve dans les baguettes blanches (T = Témoin) soit 250g d’un pain enrichi en fibres fermentescibles (F = Fibres).

Les fibres fermentescibles ont été choisies, car elles sont dégradées dans le colon par le microbiote intestinal, générant des molécules appelées acides gras à chaînes courtes (butyrate et propionate en particulier) connues pour avoir des effets bénéfiques sur la santé, en particulier sur la santé métabolique et la sensibilité à l’insuline. Nous avons choisi un mélange de fibres pour permettre la synthèse d’une grande variété d’acides gras à chaînes courtes.

Le pain enrichi en fibres a permis de limiter la prise de poids induite par le régime riche en graisse et sucre (-15 % de prise de poids chez les animaux F relativement à T). Ceci s’est également traduit par un moindre stockage des graisses dans leur foie. Par ailleurs, les fibres fermentescibles présentes dans le pain des animaux F ont aussi permis de stimuler, dans le muscle, l’expression de nombreux gènes impliqués dans la dégradation complète des acides gras (graisses) ainsi que dans l’activité mitochondriale (la centrale énergétique de nos cellules). En plus des enzymes impliquées directement dans la dégradation et l’utilisation des lipides dans les mitochondries, l’expression génique de nombreux facteurs de régulation des activités mitochondriales est également augmentée chez les animaux F, suggérant là encore une limitation du stockage des graisses et une augmentation de leur utilisation.

Parmi les éléments pouvant expliquer l’effet des fibres fermentescibles sur l’utilisation des graisses à des fins d’oxydation plutôt que de stockage dans le muscle, nous supposons l’action des acides gras à chaînes courtes (butyrate et propionate) connus pour limiter le diabète et augmenter l’insulino-sensibilité. En effet, sur ces mêmes animaux, nous avons vu, une augmentation du butyrate et du propionate dans les fécès ainsi que dans le sang émis par l’intestin en veine porte chez les animaux ayant eu le pain supplémenté en fibres fermentescibles. Par ailleurs, une augmentation de l’expression de récepteurs de ces mêmes acides gras dans le colon a également été montrée, suggérant une augmentation de la sensibilité des animaux supplémentés en fibres vis-à-vis acides gras à chaînes coutes.

L’ingestion de quantités raisonnables de pain enrichi en fibres fermentescibles est donc un moyen efficace de se rapprocher des apports recommandés en fibres par le PNNS, mais aussi de limiter la prise de poids en favorisant le catabolisme musculaire des lipides. Les effets de la supplémentation en fibres ne se limitent donc pas à la prise de poids mais ont des effets majeurs sur l’utilisation des lipides dans l’organisme, en particulier au niveau musculaire. Ce pain pourrait être recommandé pour les personnes en surpoids afin qu’elles puissent, sans régime amaigrissant, éviter de prendre du poids. La mise à disposition de ce type de pain pourrait également limiter l’arrivée de perturbations métaboliques associées à l’obésité comme le développement de l’insulino-résistance puis du diabète sur le long terme.

10 décembre 2023,  Université Clermont Auvergne apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR. The Conversation France

Isabelle Savary-Auzeloux Chercheuse en nutrition, Université Clermont Auvergne (UCA)

https://theconversation.com/

Santé : l’obésité et le surpoids touchent près d’un Français sur deux

Le billet sciences Anne Le Gall
Près d’un Français sur deux se trouve en surpoids et le taux d’obésité a doublé en l’espace de 30 ans en France. C’est ce que rappelle une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et du CHU de Montpellier.

Le surpoids touche 47% des Français, et l’obésité concerne 17% des adultes. Ces chiffres de 2020 (qui sont les derniers disponibles) montrent également des différences régionales : l’obésité concerne davantage les Hauts-de-France et le Grand-Est que l’Île-de-France, les Pays de Loire ou le Sud-Est.

Mais globalement, ces chiffres dessinent une trajectoire française inquiétante, explique Annick Fontbonne, chercheuse à l’Inserm, qui a co-dirigé cette étude* présentée lundi 20 février : « Les Français ont pendant longtemps gardé un poids à peu près normal par rapport à tous leurs voisins européens, mais là, on a une pente qui apparemment est plus forte que celle décrite par l’OMS pour la région Europe. » Cette hausse de l’obésité est particulièrement marquée chez les jeunes Français, les 18-34 ans. Depuis 1997, l’obésité chez les 18-24 ans a été multipliée par plus de quatre, et par près de trois chez les 25-34 ans. Avec, à la clé, une augmentation du risque à long terme de maladies cardiovasculaires, de diabète et de nombreuses formes de cancers.

Cette augmentation de l’obésité en France s’explique avant tout par l’alimentation, plus que par le manque d’exercice, disent ces chercheurs. Le problème, c’est l’augmentation de la part d’aliments industriels dans les menus, car un gramme d’aliment ultra-transformé a une densité calorique plus forte que le même aliment préparé à la maison.

Évidemment, derrière ce recours aux plats préparés, il y a la question du pouvoir d’achat et du manque de temps. C’est pour cela que les chercheurs insistent sur le rôle des politiques publiques, qui doivent aider les Français à faire des choix alimentaires plus sains. Le nutri-score est une bonne chose, mais ça ne suffit pas.

Une nouvelle génération de traitements

À côté des solutions chirurgicales, réservées aux cas d’obésité sévère, il y a actuellement une nouvelle génération de traitements qui arrive. Ces médicaments (déjà connus dans le traitement du diabète) miment l’action de certaines hormones intestinales et contribuent à réduire l’appétit.

Les essais cliniques montrent des effets encourageants avec une perte pouvant dépasser 10% du poids total, mais les médecins manquent encore de recul sur les effets secondaires. D’autres données de sécurité sont attendues, avant la mise sur le marché de ces nouveaux médicaments pour traiter l’obésité.

Anne Le Gall Radio France 21/02/2023

https://www.francetvinfo.fr/

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09 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

george monbiot (reporterre)

George Monbiot : «<small class="fine d-inline"> </small>Derrière chaque mouvement fasciste, il y a un milliardaire<small class="fine d-inline"> </small>»George Monbiot à Paris, en octobre 2023. Son dernier livre Nourrir le monde vient d’être traduit en français. – © Mathieu Génon / Reporterre

George Monbiot : « Derrière chaque mouvement fasciste, il y a un milliardaire »

Reporterre — Êtes-vous optimiste ?

George Monbiot — Oui. L’une des raisons pour lesquelles les gens sont pessimistes est qu’ils pensent qu’il faut convaincre tout le monde pour que le changement se produise. De nombreux exemples historiques montrent que ce n’est pas vrai. Nous disposons de données [1] qui montrent combien de personnes doivent être persuadées pour qu’un changement sociétal se produise : environ 25 % de la population.

Si vous regardez les attitudes à l’égard de l’avortement, du mariage homosexuel, de la libération de la femme, du tabagisme, de la ceinture de sécurité, il suffit d’atteindre cette proportion pour que la bascule se fasse. Une fois qu’un nombre suffisant de personnes est engagé, le reste de la population se met soudain à suivre.

Alors pourquoi tant de gens en Grande-Bretagne, en France, en Pologne, en Allemagne… sont-ils opposés au mouvement écologique et votent-ils pour des partis très conservateurs ?

Malheureusement, l’extrême droite essaie d’atteindre son propre point de bascule et partout, elle s’est montrée extrêmement efficace dans la recherche de changements systémiques.

Le problème ne vient pas seulement de l’extrême droite, mais du fait qu’il existe une alliance entre les super-riches et l’extrême droite…

C’est vrai. Derrière chaque mouvement fasciste se cache un milliardaire qui le soutient discrètement. L’extrême droite désigne des boucs émissaires parmi les minorités : la colère du public n’est pas dirigée là où elle devrait l’être, c’est-à-dire vers les très riches qui sont les personnes qui détruisent nos moyens de survie.

Dans sa dernière encyclique sur l’écologie, le pape François parle de la nécessité de changer le « mode de vie irresponsable du modèle occidental ». Pourquoi les responsables politiques n’osent-ils pas dire la même chose ?

Aucun politicien ne semble prêt à le dire en dehors des partis Verts, alors que c’est une réalité à laquelle nous devons confronter les gens. Elle est présentée comme effrayante parce que nous avons normalisé des formes extrêmes de consommation, même si nous savons qu’elles ne nous rendent pas plus heureux.

Il faut que cela change, sinon cela conduira au plus grand malheur jamais connu dans l’histoire de l’humanité. Mais c’est considéré comme impensable, non pas parce que la grande majorité de la population ne pourrait pas le penser, mais parce qu’au Royaume-Uni, la plupart de nos journaux sont détenus par des milliardaires psychopathes qui ne vivent pas en Grande-Bretagne. Pourtant, ils nous disent comment penser et comment vivre, et ils ont plus d’influence sur les partis politiques que les électeurs. Ce sont eux qui rendent impensable de dire aux gens qu’il faut consommer moins.

Comment démanteler l’alliance entre les ploutocrates [2]– comme vous les avez désignés récemment dans The Guardian – et l’extrême droite ?

Il faut commencer par cesser de s’inquiéter de leur poids. Si les révolutionnaires avaient pensé : « Les forces de l’oppression sont si énormes que nous ne pouvons pas envisager de les renverser », rien ne se serait jamais produit. Ce que nous savons, c’est que nous pouvons atteindre très rapidement une masse critique. Ce qui semble impossible à un moment donné devient inévitable au moment suivant. Nous devons cesser de nous inquiéter d’eux et nous concentrer sur nos tactiques et notre stratégie. Bien sûr, ce sera extrêmement difficile. Au Royaume-Uni, des lois incroyablement oppressives ont été adoptées, en vertu desquelles vous pouvez être jeté en prison pendant dix ans simplement pour avoir manifesté.

Ont-elles été appliquées contre des écologistes ?

Oui. La loi sur la police de 2022 et la loi sur l’ordre public de 2023 sont les lois les plus répressives des protestations de toutes les soi-disant démocraties. Par ailleurs, en plus des poursuites pénales, les autorités publiques et les entreprises privées obtiennent désormais des injonctions à l’encontre de toute personne qu’elles n’aiment pas et ces personnes se voient contraintes de les payer. Certains de nos militants les plus efficaces voient leur vie entière détruite [3].

Les pouvoirs nous opposent tout ce qu’ils peuvent, mais c’est un signe de leur peur. Car à mesure que la crise environnementale devient évidente, il est de moins en moins possible de le nier. Cela devient une crise existentielle pour l’industrie des combustibles fossiles, l’industrie automobile, l’industrie de la viande, l’industrie aéronautique, l’industrie minière et bien d’autres encore.

Comment faire face à une répression aussi dure ?

On a fait bien pire à nos ancêtres politiques, aux femmes qui ont essayé d’obtenir le droit de vote, aux militants des droits civiques, à ceux qui ont essayé d’obtenir l’égalité des droits, aux campagnes pour l’indépendance. Des milliers de personnes ont été tuées ou torturées. Cela se produit encore : des centaines de militants écologistes sont assassinés chaque année dans le monde. Ce que nous demandons aux gens de faire — résister à ce système monstrueux — est très difficile, mais pas aussi difficile que ce que d’autres personnes ont dû affronter dans le passé.

En fait, lorsque les gens voient que d’autres personnes paient le prix fort pour leurs actions, ils les prennent plus au sérieux. Le courage des militants me donne de l’espoir. Chaque fois que les puissances oppressives pensent nous avoir écrasés, le courage des gens revient en force.

Vous semblez apprécier la stratégie d’Extinction Rebellion (XR).

XR est très stratégique. Mais la pandémie de Covid a interrompu sa campagne très efficace. On était proche d’un point de bascule. Malheureusement, tout le monde a dû rentrer chez soi. Nous devons reconstruire à partir de cette position et c’est très difficile, notamment parce que la police et les politiciens sont plus préparés cette fois-ci et qu’ils ont introduit des lois très répressives.

Vous avez débattu avec le géographe Andreas Malm, auteur de Comment saboter un pipeline. Que pensez-vous du sabotage comme tactique de lutte ?

Avec Andreas Malm, la question porte sur la tactique. Je ne suis pas opposé à ce que des personnes sabotent des biens appartenant à des entreprises ou détruisent des infrastructures, tant que personne n’est blessé. Mon principal souci, c’est que cela expose les gens à des peines très lourdes. Les peines encourues sont si élevées que je ne peux pas encourager d’autres personnes à le faire, parce que je ne suis pas prêt à le faire moi-même.

Vous avez commencé votre chronique dans le Guardian en 1995. Qu’est-il arrivé à l’Angleterre depuis cette date ?

Une catastrophe. On avait un pays raisonnablement bien géré dans ses fonctions de base, et tout cela a été détruit. Nos rivières sont pleines de merde parce que le système d’égout ne fonctionne plus, parce que pendant des années, aucun investissement n’y a été fait, parce que les compagnies des eaux privées qui le gèrent n’ont fait qu’aspirer l’argent pour le mettre dans les poches de leurs actionnaires. Nos chemins de fer ne fonctionnent plus pour la même raison. Nos écoles s’effondrent littéralement parce que certaines ont été construites avec un béton qui ne dure que trente ans. Nos hôpitaux tombent en ruine. Le système s’effondre sous nos yeux et il n’y a pas de mystère sur la cause de ceci : l’idéologie néolibérale a transformé un système qui fonctionnait plus ou moins dans l’intérêt de la population en un système qui fonctionne dans l’intérêt des grandes sociétés.

Comment imaginez-vous le monde en 2030 ?

Quand les politiciens disent 2050, ils veulent dire jamais. 2050 est devenu un synonyme de jamais. Il vaut mieux effectivement parler de 2030. Nous pourrions d’ici là avoir franchi des points de bascule environnementaux, et être confrontés à un effondrement des systèmes terrestres. Le type de changement possible est inimaginable. Les changements politiques auxquels nous pourrions assister sont aussi inimaginables.

Une possibilité réelle est que l’extrême droite prenne le pouvoir au Royaume-Uni en 2029, sous le drapeau du parti conservateur. Mais si ces mauvaises choses sont imaginables, les bonnes choses le sont aussi : nous pourrions voir des mouvements de masse irrépressibles et dont la pression force le changement politique. Qu’elle force, par exemple, le parti travailliste à réagir et à devenir un parti qui fait ce qu’il dit.

Récemment, l’ex-président français Nicolas Sarkozy a dit que le vrai problème n’était pas le changement climatique, mais la démographie.

C’est ce que la droite dit toujours. C’est une façon de rejeter la responsabilité des consommateurs du monde riche sur les personnes les plus pauvres de la planète. En fait, nous nous dirigeons vers un plateau démographique au milieu du siècle, puis la population est susceptible de diminuer à partir de 2070 environ, et ensuite de façon très marquée. C’est le seul indicateur environnemental qui ne soit pas en train de crever le plafond à l’heure actuelle. Cependant, il y a une véritable crise démographique, c’est celle du cheptel, qui augmente de 2,4 % par an.

Quelles sont les conséquences de cette explosion de bétail ?

D’ici 2050, si les tendances actuelles se poursuivent, nous aurons 100 millions de tonnes d’êtres humains sur terre et 400 millions de tonnes de bétail supplémentaires. Il s’agit d’une catastrophe absolue, car pour subvenir aux besoins de ce bétail, il faut faire l’une des deux choses suivantes, toutes deux dévastatrices : la première est de les entasser dans d’immenses usines et à cultiver de la nourriture ailleurs, puis à déverser cette nourriture dans ces usines, qui produisent alors d’énormes émissions de nutriments, ce qui tue n’importe quelle rivière. L’alternative de l’élevage extensif nécessite de vastes étendues de terre. Aucune zone terrestre ne peut survivre à un élevage extensif massif, et vous avez donc le choix entre supprimer les rivières ou supprimer les terres. La seule option est d’arrêter de manger des produits d’origine animale.

george monbiot (reporterre) dans Altermondialisme monbiot
« Le courage des militants écologistes me donne de l’espoir », dit George Monbiot, célèbre éditorialiste du quotidien The Guardian. Il évoque la « crise existentielle » que vivent les industries polluantes.

George Monbiot est le chroniqueur écologiste le plus en vue dans le monde anglo-saxon. Sa colonne régulière dans The Guardian pourfend les destructeurs de la planète. De passage à Paris pour présenter la traduction de son dernier livre Nourrir le monde (Les liens qui libèrent), il a répondu à Reporterre sans mâcher ses mots.

https://reporterre.net/

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09 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

enfer (reporterre)

«<small class="fine d-inline"> </small>Porte de l'enfer<small class="fine d-inline"> </small>» : le patron de l'ONU va-t-il trop fort sur le climat<small class="fine d-inline"> </small>?

Antonio Guterres en 2023, lors du sommet de l’ONU sur les objectifs de développement durable. – © Richard Koek en Ministerie van Buitenlandse Zaken / CC BY 2.0 Flickr via Wikimedia Commons

« Porte de l’enfer » : le patron de l’ONU va-t-il trop fort sur le climat ?

« Effondrement », « ébullition », « portes de l’enfer »… Le Secrétaire général des Nations unies emploie un vocabulaire dramatique pour parler du climat. Un choix contesté par certains, mais plusieurs médias changent aussi leur langage sur le sujet.

Addicte aux énergies fossiles, l’humanité a « ouvert les portes de l’enfer ». Tel est du moins le réquisitoire dressé, en septembre, par le Secrétaire général de l’ONU. Les envolées dramatiques d’Antonio Guterres ne surprennent plus personne. À chaque nouvelle apparition, le M. Climat de la diplomatie internationale use d’adjectifs toujours plus alarmants quant au sort de la planète. Pas plus tard que le 30 novembre, à peine foulé le paillasson de la COP28, le diplomate portugais a mis en garde qui voudrait bien l’écouter de « la catastrophe totale » pointant le bout de son nez.

Alors que penser de ces remontrances ? Au sein de la communauté scientifique, certaines voix s’élèvent pour nuancer les propos du patron de l’ONU. « Je dois avouer que parfois son vocabulaire m’interroge, souffle Jean Jouzel. L’urgence est là, c’est indéniable, mais il n’y a pas vraiment matière à parler d’ébullition. » Ce paléoclimatologue fait ici référence à une déclaration d’Antonio Guterres, prononcée à l’heure des chaleurs extrêmes du mois de juillet : « L’ère du réchauffement climatique est terminée. Place à l’ère de l’ébullition mondiale. »

L’expression anglophone « climate breakdown », traduite en français par « effondrement » ou « bascule climatique », chagrine aussi. Et pour cause : elle ne renverrait à aucune preuve établie. En septembre 2018, le patron des Nations unies proclamait par ailleurs que les humains avaient deux ans pour agir, face à une « menace existentielle directe ». « Mettre des deadlines, déclarer que dans X années il sera trop tard… Cela n’a vraiment aucun sens », dit Olivier Hamant, biologiste et directeur de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).

« Ces gesticulations ne servent à rien »

Aussi critiquable soit son vocable, personne ne retirera à Antonio Guterres sa sincérité, assure Romuald Sciora. Politologue à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), il raconte que le diplomate a saisi toute l’urgence de la crise climatique lorsqu’il dirigeait le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) : « Il n’y a aucune hypocrisie sortant de sa bouche. Ses convictions sont réelles. »

En revanche, le Secrétaire général est parfaitement conscient « du déclin, si ce n’est de la déliquescence » du système multilatéral, poursuit l’expert : « Aujourd’hui, l’ONU est une brindille sur la scène internationale. Elle n’a plus aucune influence décisionnelle, plus aucune influence politique tout court. Alors que reste-t-il à Guterres pour faire entendre sa voix ? » Le changement climatique. D’où la sémantique choc.

Cela a-t-il une quelconque répercussion ? Pas sur les grandes puissances, analyse Amy Dahan, historienne des politiques du changement climatique : « Il n’est pas aux manettes, c’est d’une certaine façon un simple lanceur d’alerte. » Preuve en est la dernière assemblée générale, à laquelle les dirigeants russe, indien, chinois, français et britannique manquaient à l’appel. Sur les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, seul Joe Biden a répondu présent. « Une première, insiste Romuald Sciora. Autant dire que les vociférations de Guterres ne semblent pas déranger. Ne nous leurrons pas, ces gesticulations ne servent à rien. »

Une révolution sémantique

Le porte-voix de l’ONU n’est pas le seul à s’être engagé dans une mutation linguistique plus ou moins prononcée. En mai 2019, le journal britannique The Guardian a acté l’abandon de la notion de « changement climatique » dans ses colonnes, lui préférant celle de « crise climatique ». Quelques mois plus tard, l’Oxford English Dictionary désignait « urgence climatique » mot de l’année. En dix ans, les médias français ont rangé au placard les formes interrogatives empreintes d’un certain climatoscepticisme — « faut-il s’inquiéter du changement climatique ? » — au profit d’une certitude alarmante sur l’état du climat.

Entamer ce virage sémantique était primordial, considère Olivier Hamant. « Se contenter de conserver notre lexique d’antan revenait à s’enferrer dans l’inaction. Les mots colonisent les esprits. » Le biologiste invite à bannir un vocabulaire toxique, relevant du déni, tel que la croissance verte ou le développement durable.

S’il faut retenir une chose des dizaines de travaux produits par la communauté scientifique, c’est que le XXIᵉ siècle sera turbulent, poursuit-il. « Nous quittons la stabilité pour un monde fluctuant, fait de crises sociales, écologiques et géopolitiques. Et cette fluctuation impose d’abandonner les concepts du monde stable dans lequel on vivait, et d’entamer une révolution sémantique. »

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09 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

corrosion ( sdn)

nuk

Corrosion sous contrainte et fatigue thermique : Quand les certitudes d’EDF se fissurent

L’hiver dernier, le phénomène de corrosion sous contrainte a stoppé simultanément et longtemps plusieurs réacteurs nucléaires. Outre la menace induite sur l’approvisionnement en électricité, ce phénomène qu’EDF jugeait impossible a plongé l’exploitant dans l’urgence et le désarroi. Et a mis en lumière les limites de ses études et de ses contrôles. Un problème de vérifications et d’anticipation loin d’être réglé et bien plus profond que de la corrosion.

En 2021, à Civaux (Nouvelle-Aquitaine) une fissure est découverte sur un circuit de refroidissement [1] au cœur d’un des réacteurs les plus récents. Profonde de plusieurs millimètres, elle fait toute la circonférence du tuyau. Et elle se situe sur un tronçon qui ne peut pas être isolé ; s’il rompt, c’est la fuite assurée.

Une fois le tuyau découpé et analysé en laboratoire, le diagnostic tombe : le métal inoxydable a été rongé par une corrosion particulière, dite sous contrainte [2] (CSC). Un phénomène pourtant impossible d’après les choix de conception, de matériaux et de fabrication d’EDF.

Le problème est grave et l’incompréhension totale. Puisque l’impossible est survenu au cœur de Civaux, il peut être partout. Cette crainte est vite confirmée lorsqu’une nouvelle fissure de CSC est repérée au cœur d’un autre modèle de réacteur, à Penly (Normandie). Le bon sens voudrait alors qu’EDF s’assure de l’état de l’ensemble de ses réacteurs.

Quand les vérifications posent problème

Mais vérifier le cœur des 56 réacteurs nucléaires français ne se fait pas comme ça. Il faut non seulement les arrêter, mais aussi contrôler des dizaines de mètres de tuyaux dans des zones radioactives et difficiles d’accès. Hic supplémentaire, puisque la CSC ne pouvait pas arriver, EDF n’a pas conçu de technique pour la détecter. Il existe bien les contrôles par ultrasons, utilisés pour déceler d’autres altérations, mais la méthode est inadaptée à la CSC. Elle n’est pas fiable sur le métal inoxydable et n’indique pas la profondeur des fissures, paramètre crucial pour déterminer si la rupture est possible.

Alors vite, EDF développe une technique pour détecter et caractériser les fissures de CSC. Et vite, EDF étudie ce phénomène qu’il n’avait pas anticipé. L’industriel réduit rapidement le périmètre de ses vérifications : seuls certains circuits de certains réacteurs seraient « sensibles » à cette corrosion [3]. Fort de ses nouvelles certitudes, il choisit alors de découper ces tuyaux et de les remplacer intégralement, à l’identique [4].

Pourquoi tout remplacer au lieu de réparer les parties fissurées ? Parce que la méthode de contrôle qu’EDF a développée n’est pas très fiable, elle donne de faux positifs. En plus, elle n’est pas réalisable partout : dans certaines zones l’analyse des résultats est difficile, voire impossible. Elle doit être complétée par d’autres types d’examens car elle ne donne d’informations ni sur la longueur des fissures ni sur leur évolution [5].

Et elle coûte cher en temps, en argent et en dose de rayonnement. Il faut quatre contrôleurs spécifiquement formés et toute une semaine pour examiner deux soudures. D’ailleurs, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) le dit : il ne sera pas possible de vérifier toutes les tuyauteries susceptibles d’être concernées par la CSC [6].

Quand les problèmes questionnent les vérifications

Et puis début 2023, une fissure de CSC très profonde (23 mm sur 27 mm d’épaisseur) est découverte à Penly, sur une portion de circuit qu’EDF avait classée « non sensible » [7]. Comme quoi, les études et les nouvelles certitudes d’EDF sont à revoir. Le périmètre des vérifications aussi.

EDF comprend alors que les réparations effectuées provoquent des contraintes qui favorisent la corrosion. L’industriel épluche ses dossiers : au moins 320 soudures sont à vérifier. Les contrôles prendront des années. Les capacités matérielles et humaines d’EDF et les contraintes de production (temps et durée des arrêts) dictent le calendrier.

Au même moment, les contrôles réalisés avec la technique « améliorée » révèlent des fissures d’un autre genre sur deux réacteurs : les chocs de température fatiguent le métal qui, à force de dilatation et de contraction, finit par se fissurer. Cette fatigue thermique est bien connue mais est apparue… dans des zones où elle n’était pas censée arriver. Les études de conception d’EDF n’avaient pas prévu la sollicitation répétée de ces tuyauteries. La découverte remet en question le périmètre des contrôles de surveillance de la fatigue thermique dans tous les réacteurs d’EDF. Mais pas seulement.

Mise bout à bout avec la CSC, la fatigue thermique soulève plus largement la question des vérifications et pointe le véritable problème : l’arrogance d’EDF, qui trop confiant, ne remet en question ses calculs et ses études que lorsqu’il est déjà trop tard.

On le voit bien, EDF ne maîtrise pas tout ce qui est à l’œuvre dans ses réacteurs. Or, ses vérifications sont conditionnées à ses connaissances. Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l’industriel doit encore mener un volume d’études colossal pour déterminer les causes profondes de la CSC [8]. Et doit réviser toute la stratégie de contrôle de son parc nucléaire [9].

Remplacer à l’identique sans avoir compris ce qui fissure les tuyauteries, limiter les contrôles, utiliser une méthode bancale et coûteuse, laisser en l’état des zones possiblement endommagées, tout ça par manque de moyens, de compétences et d’humilité…

Non, l’approvisionnement en électricité en France n’est pas si bien sécurisé. Oui, il peut y avoir encore de longs arrêts de réacteurs, pour corrosion, fatigue thermique ou autre phénomène soit-disant impossible. C’est le prix à payer quand un État décide de tout miser sur une technologie pas si bien maîtrisée.

Laure Barthélemy

https://www.sortirdunucleaire.org/

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08 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

nantes (reporterre)

macron ecolo

À Nantes, la bataille pour sauver un « poumon vert » du béton

La métropole de Nantes envisage de construire 2 700 logements dans le quartier de Doulon. Militants et riverains s’opposent à la bétonisation de l’une des dernières zones fertiles de la ville. Nantes, reportage

En cette fin novembre, ni la pluie incessante ni les ronces n’entament le moral de la petite troupe qui s’affaire autour de carottes de terre. Objectif : vérifier la présence d’une zone humide, ce qui pourrait permettre de sauver cette friche. Car ce champ situé à Doulon, un quartier du nord-est de Nantes, sera bientôt voué aux tractopelles et aux grues si rien n’est fait.

Nantes Métropole a obtenu un permis pour construire 2 700 logements d’ici 2035 sur une superficie de 180 hectares. La première phase des travaux devrait débuter en 2024 sur cette parcelle de 4 hectares que longe le ruisseau des Gohards. Au total, 50 hectares vont être urbanisés. Plusieurs fermes urbaines ont déjà été installées, une école construite et 190 arbres abattus fin février 2023.

Les indices repérés pourraient confirmer la présence d’une zone humide et permettre aux opposants de faire valoir de nouveaux arguments juridiques contre le projet. 

Penchée sur un prélèvement de terre, Lætitia explique d’une voix douce : « Quand vous voyez des traces couleur rouille comme ici, cela veut dire qu’il y a un phénomène d’oxydoréduction ; quand il y a des traces plutôt gris-bleuté, ça signifie que cette partie de la terre est en contact permanent avec l’eau. » Cette écologue, membre de Scientifiques en rébellion, est venue partager ses connaissances naturalistes avec le collectif Sauvons les Gohards.

Les indices repérés pourraient confirmer la présence d’une zone humide et permettre aux opposants de faire valoir de nouveaux arguments juridiques contre le projet. « Le tribunal administratif de Nantes [qui a rejeté le recours des opposants contre le permis de construire en juillet] reconnaît lui-même qu’il y a un doute sérieux sur la présence d’une zone humide sur le terrain », explique Margot Medkour, l’une des fondatrices de Nantes en commun. Son mouvement soutient le collectif d’opposants, tout comme Extinction Rebellion Nantes ou encore la section CGT Mairie de Nantes.

Un futur quartier sans voiture

Depuis plus d’un an, militants et riverains se démènent pour sauvegarder cette zone fertile travaillée par des générations de maraîchères et maraîchers. Assise à la table de sa salle à manger, Lucette, octogénaire dont le jardin jouxte le terrain, se souvient : « J’habite dans cette maison depuis quarante-cinq ans. Je n’ai connu qu’un seul maraîcher. Il est parti en 1982 et, depuis, le terrain a été laissé à l’abandon. » Chênes rouges, robiniers, arbustes en tout genre ont prospéré ; une faune variée s’est installée. Avec la période de Covid, de nombreux riverains ont découvert l’existence de ce coin de nature qui reste, depuis, très fréquenté par les promeneurs et les joggeurs. « C’est vraiment mon poumon vert », insiste Lucette, qui s’est aussi engagée dans la lutte.

« Partout, la nature sera présente, avec la création d’un grand verger et de jardins partagés propices au loisir et à la rencontre », promet pourtant la Ville sur son site. Que reprochent donc les opposants à ce futur quartier « sans voiture, pensé en relation étroite avec la nature » ? Les riverains pointent d’abord la hausse inévitable du trafic routier avec l’arrivée de plusieurs centaines de nouveaux habitants, qui n’est pas prise en compte. « La route en direction de Sainte-Luce est déjà fortement embouteillée aux heures de pointe. Le chronobus est plein à craquer tous les matins avec le lycée. Or, le projet ne prévoit pas de transports en commun supplémentaires », s’étonne Esther Le Cordier, de Nantes en commun.

Lutte contre la politique d’artificialisation de la Ville

Autre élément inquiétant, selon eux : les promoteurs vont bétonner une zone où s’écoule une partie des eaux qui descendent du quartier de Bottière-Chesnaie, sans tenir compte d’une possible hausse des précipitations liée au dérèglement climatique. Une partie des logements seraient par ailleurs construits sur des zones humides ou inondables. Plus globalement, les militants s’opposent à « la politique d’artificialisation et de bétonisation » de la métropole de Nantes.

Esther Le Cordier cite les projets similaires développés ces dernières années dans d’autres quartiers, notamment sur l’Île de Nantes. « Sur le papier, tout semblait beau, mais ce qu’on voit aujourd’hui, c’est l’absence d’une vie de quartier, des îlots de chaleur l’été, une gentrification… »

Pour elle, le projet Doulon-Gohards n’est pas destiné aux gens du quartier. Certes, il prévoit bien les 25 % de logements sociaux obligatoires ainsi que 30 % de logements dits « à prix abordable », mais sans qu’on connaisse pour l’heure ce prix. « Quant au reste, ce sera du logement privé à prix libre, trop cher pour une bonne partie des Nantais », estime la militante. Pourquoi ne pas construire ces logements sur des espaces déjà bétonnés et non utilisés ? s’interroge-t-elle encore. Un contre-projet est en cours d’élaboration.

Le champ des possibles

L’espace naturel réensauvagé des Gohards mérite mieux pour ses défenseurs. Ils proposent de lui redonner sa fonction première de terre nourricière. « La Ville nous demande de faire du maraîchage au coup par coup, explique Raynald Guibert, jardinier à la Ville de Nantes et élu CGT. Or, nous sommes paysagistes, pas maraîchers. Nous n’avons ni les compétences ni la formation. Ce que nous voulons c’est qu’on professionnalise ce travail. » Pour lui, ce terrain à Doulon est l’endroit idéal pour développer une véritable production maraîchère, situé entre le site de stockage du matériel de la Ville et la cuisine centrale des écoles, crèches et Ephad.

Tous veulent croire que ce champ puisse devenir celui des possibles : accueillir une graineterie afin de produire sa propre semence, réserver des carrés au maraîchage pédagogique, commémorer l’histoire matrimoniale du lieu… « Nantes célèbre beaucoup l’industrie, généralement aux mains des hommes. Pourquoi ne pas en faire autant avec le maraîchage, qui était souvent exercé par les femmes ? » s’interroge Raynald, tout en concluant : « Ce n’est pas une utopie ! » Pour imaginer cet autre avenir, ils ont prévu de se retrouver le 9 décembre aux Gohards, lors de la journée d’action « Doulon résiste au béton ».

Fabienne Loiseau et NnoMan Cadoret (photographies) 8 décembre 2023

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08 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

petits fours (basta)

Couverture du livre Fin du monde et petits fours

Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique, Édouard Morena, (La Découverte, 2023).

« La jet-set climatique et ses ultrariches visent la normalisation du capitalisme vert »

Comment la « jet-set climatique » oriente-t-elle la COP28 ? Elle s’assure « que ses solutions, à base de marchés carbone paraissent comme les seuls outils ’’crédibles’’ », analyse Edouard Morena, auteur de Fin du monde et petits fours.

La « jet-set climatique » n’inclut pas seulement les ultrariches engagés sur les questions climatiques par le biais de leur fondation. Elle englobe aussi toute une nébuleuse de think tanks, cabinets de conseil, experts en communication, consultants, qui gravitent autour de ces ultrariches et participent à la normalisation du capitalisme vert.

Tout le débat qui se déroule à la COP28 sur la création d’un marché carbone mondial volontaire [1] s’inscrit pleinement dans la vision portée depuis une vingtaine d’années par les acteurs que j’étudie dans le livre. Le format même des COP – à travers les annonces et initiatives lancées en parallèle aux négociations qui mélangent à la fois gouvernements, entreprises, grosses fondations, etc. – constitue un bon indicateur de la « réussite » de ces acteurs.

La gouvernance climatique qu’ils promeuvent n’est plus seulement centrée sur les États et les accords entre États, mais sur les acteurs privés et publics par le biais de partenariats qui les unissent. Elle est fondée sur des engagements volontaires, et non pas des contraintes étatiques.

Les COP sont devenues un outil stratégique pour ces élites afin de normaliser des « ajustements réalistes » plutôt que des changements structurels ; changements qui intègrent des enjeux – pourtant essentiels – de justice sociale. Il ne s’agit pas de nier le besoin urgent de transition, mais plutôt de s’assurer que leurs solutions, à base de marchés carbone, d’engagements volontaires, d’innovation, de partenariats public-privé, d’aides massives aux entreprises, paraissent comme les seuls outils « crédibles » et disponibles pour faire face au dérèglement climatique. Ce « réalisme » là, on le retrouve aujourd’hui à la COP28.

Dépolitiser le débat

Lorsqu’on s’intéresse aux centaines de « communicants stratégiques » et autres experts en relations publiques qui gravitent autour de ce genre d’événement, on constate qu’ils travaillent souvent à la construction d’un récit de l’action climatique qui joue sur les registres de la peur et de l’espoir, sur l’urgence et l’optimisme.

Tout en mettant l’accent sur l’urgence de la situation, rapports du GIEC et exemples d’événements climatiques extrêmes à l’appui, ils insistent sur les opportunités économiques et sur le rôle positif des entreprises, des investisseurs, de Jeff Bezos, Michael Bloomberg, Bill Gates et autres entrepreneurs-milliardaires-philanthropes comme fers de lance de la transition bas carbone.

Il suffit de regarder les discours d’Al Gore – notamment à la COP28 – qui repose toujours sur le même format. Il commence par mettre l’accent sur la gravité de la situation, en montrant les images d’icebergs qui se détachent et qui renvoient à l’urgence de la situation et de la crise, avant de mettre en avant « ses » solutions en les présentant comme les seules réalistes et capables de faire face à la crise en cours.

Cette combinaison conduit à faussement dépolitiser le débat et à marginaliser des voix alternatives centrées sur la justice climatique. Elle « naturalise » les solutions centrées sur les acteurs privés, les investisseurs, les mécanismes de marché, en les présentant comme une traduction en actes de la science du climat.

Des élites favorables à la sortie des énergies fossiles

Tout en insistant sur le rôle des acteurs privés, les élites climatiques critiquent les États. Ceux-ci sont présentés, dans leurs discours, comme inefficaces et peu agiles. En parallèle, ces mêmes élites font pression sur ces mêmes États pour qu’ils soutiennent par le biais d’aides en tous genres – crédits d’impôt, subventions aux entreprises, prêts garantis… – les entreprises et investisseurs ; pour qu’ils prennent à leur charge les risques associés à la transition. Les profits éventuels, eux, sont pour les acteurs privés.

Les élites climatiques poussent à fond à la COP28 pour que l’élimination progressive des combustibles fossiles figure dans la déclaration finale. Ce qu’ils souhaitent, c’est avoir une sorte d’échéance pour la sortie des fossiles, car ce signal fort va valoriser leurs investissements dans le secteur des renouvelables et de la transition bas carbone.

De fait, j’ai le sentiment qu’à Dubaï, il y a une forme d’alignement entre élites climatiques et mouvement climat sur cette question précise de la sortie des fossiles. Mais là où il y a une différence, et de taille, c’est sur le type de transition que l’on veut.

La vision de la transition portée par les élites (et qui domine actuellement le débat climatique), met l’accent sur les marchés, les technologies, les engagements volontaires et les « milliardaires-philanthropes-sauveurs-de-la-planète ». Le mouvement climat, quant à lui, accorde une place plus centrale aux enjeux de justice : responsabilités historiques, pertes et dommages, transition juste…

Fort heureusement, cette voix alternative se fait de plus en plus entendre. En dépit des efforts des élites pour l’empêcher, on assiste à une (re)politisation de l’enjeu climatique. D’autres visions de la transition climatique que celles portées par la jet-set climatique se font entendre.

Édouard Morena
Maître de conférences en science politique à l’University of London Institute de Paris. Il est l’auteur de Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique (La Découverte, 2023).

Edouard Morena, maître de conférences en science politique à l’University of London Institute in Paris. Propos recueillis par Sophie Chapelle 8 décembre 2023

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07 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

bretagne (reporterre)

Pesticides : le combat des familles d'agriculteurs souffrant de tumeurs

Un collectif breton réclame la reconnaissance des tumeurs cérébrales comme maladie professionnelle liée à l’exposition aux pesticides.

Pesticides : le combat des familles d’agriculteurs souffrant de tumeurs

« C’était une battante, raconte son compagnon Jean-Louis. Elle avait des paralysies dans les mains, les jambes mais elle gardait toute sa conscience. » Elle est morte en 2020 à 67 ans — neuf mois ont séparé l’apparition des premiers symptômes de son décès. Comme Odette Gruau, bien d’autres agriculteurs sont touchés par des tumeurs cérébrales.

En Bretagne, le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, qui a adressé lundi 4 décembre un courrier à la Première ministre Élisabeth Borne, réclame que ces pathologies soient inscrites dans le tableau des maladies professionnelles agricoles. Cela permettrait aux agriculteurs d’être automatiquement reconnus comme souffrant d’une maladie professionnelle s’ils ont utilisé tel ou tel pesticide en lien avec leur pathologie.

Depuis 2020, cinq agriculteurs et une agricultrice du Grand Ouest, du Morbihan au Maine-et-Loire, ont bien obtenu, après leur décès, le classement de leur tumeur comme maladie professionnelle. Mais cela reste exceptionnel. Quatre autres dossiers sont en cours d’instruction.

« À la fin, il ne pouvait plus parler »

Clément Sauvaget est mort à 69 ans d’une tumeur nommée oligodendrogliome. La reconnaissance en maladie professionnelle est arrivée en 2020, onze après son décès. Pour son épouse Michèle, c’est « la reconnaissance de son combat ». Éleveur laitier en Vendée, tout a commencé par des malaises. « Il était persuadé que c’était à cause des produits. Il en manipulait depuis ses 13-14 ans. Il est né en 1940, une époque où les paysans ont voulu moins travailler grâce à la modernisation et sortir d’une vie difficile. » Un an a séparé les premiers malaises et le décès de l’éleveur. « À la fin, il ne pouvait plus parler. Il comprenait ce qu’on lui disait mais il ne pouvait plus s’exprimer, c’était très difficile. »

Les tumeurs cérébrales, comme l’oligodendrogliome de Clément Sauvaget ou le glioblastome de Gérard Leroux, touchent de nombreuses fonctions comme l’équilibre, la capacité à écrire ou à s’exprimer. « Un matin, Gérard m’a dit qu’il n’arrivait plus à écrire, j’ai pensé à un AVC », raconte son épouse Jasmine. Le diagnostic est tombé quelques jours plus tard. Il a rapidement perdu certaines facultés, s’embrouillait dans les chiffres, n’arrivait plus à parler. D’abord éleveur de vaches laitières, il s’était tourné par la suite vers un poulailler industriel de dinde puis la culture de céréales. Gérard est mort fin 2019 à 62 ans, et la reconnaissance en maladie professionnelle a été actée en septembre dernier.

Accompagnement des familles

Christophe Olivier, lui, est décédé à 44 ans. « Quand il traitait, surtout le colza, il avait des vertiges, envie de vomir et de dormir », raconte sa compagne Karine. Il s’agissait des premiers symptômes. Dix-huit mois plus tard, il mourait.

« Il est temps de faciliter la vie des familles » explique l’avocate du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, Hermine Baron. Aujourd’hui, ce sont aux proches de démontrer l’exposition aux pesticides, souligne-t-elle. Trois maladies sont reconnues comme liées aux pesticides : la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et ceux du sang. « La littérature scientifique démontre un lien de causalité entre ces tumeurs et l’exposition aux pesticides », souligne Hermine Baron. Une étude de l’Inserm, publiée en 2021, explique que « les personnes ayant travaillé dans au moins une culture ou un élevage présentaient une élévation du risque de tumeur. Les risques étaient plus élevés pour certaines cultures : pois fourrager, betteraves, pommes de terre. »

Dans sa thèse en santé publique soutenue en 2018, Clément Piel souligne par ailleurs la dangerosité des pesticides issus de la famille des carbamates dans le développement de ces tumeurs.

L’inscription des tumeurs cérébrales aux tableaux des maladies professionnelles offrirait une « protection renforcée des travailleurs, assurant un accès plus rapide aux indemnisations et aux soins nécessaires » souligne le courrier adressé à la Première ministre. Car les tumeurs vont vite. Hermine Baron résume : « Nous avons très peu de temps pour connaître les personnes malades, elles partent trop vite à cause de la rapide progression de la maladie. »

Julie Lallouët-Geffroy 7 décembre 2023

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07 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

Stéphane l’Homme (odn)

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« Le nucléaire n’a rien d’une énergie verte »

Les supporters de l’atome se sont félicités le 21 novembre de voir le Parlement européen inclure le nucléaire parmi les technologies dites « vertes », ou « propres », permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Passons vite sur le caractère ridicule de ce vote : il ne suffit pas qu’une énergie émette peu de CO2 pour être « verte » ou « écologique ».

Le nucléaire est en effet l’une des énergies les plus dangereuses et polluantes qui soient : mines d’uranium, production de déchets radioactifs, rejets continus radioactifs et chimiques des centrales dans l’air et l’eau, etc.

Rappelons aussi que la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité est passée de 17,1 % en 2001 à 9,2 % à ce jour, un véritable effondrement qui va continuer avec la fermeture inéluctable dans les années à venir d’au moins 160 vieux réacteurs sur les 400 encore en service sur Terre : si c’est vraiment le nucléaire qui doit combattre le réchauffement climatique, celui-ci a de beaux (et chauds !) jours devant lui.

Mais ce qu’il est important de préciser, c’est que les députés européens ne vont ni financer ni construire des centrales nucléaires. Il en est de même des divers chefs d’État ou de gouvernement qui rivalisent ces derniers temps, à celui qui annoncera plus de futurs réacteurs que son voisin. Tous ces beaux parleurs prétendent « sauver le climat » — quand ce n’est pas carrément « la planète » — avec :

• de puissantes machines comme l’EPR français — ou du moins son successeur l’EPR2, prétendument « moins cher, plus sûr, plus facile à construire » —, ou l’AP1000 américain ;

• une multitude de petits réacteurs modulaires, les fameux SMR, qui doivent pulluler sur Terre aussi sûrement qu’un virus du Covid.

Une électricité ruineuse

Or, il y a quelques semaines, le 9 novembre, on apprenait par l’agence Reuters que l’entreprise américaine NuScale Power avait renoncé à son projet de petit réacteur modulaire, « portant un coup aux ambitions américaines d’une vague d’énergie nucléaire pour lutter contre le changement climatique ».

Il faut dire que le projet devait être préfinancé par les futurs clients — des entreprises et des collectivités locales — qui ont fini par se retirer en dépit d’une garantie de 1,4 milliard de dollars sur dix ans et d’une subvention de 600 millions de la part du département américain de l’énergie. En effet, le projet promis en 2020 annonçait fièrement une puissance de 720 MW pour un coût de 3,6 milliards… avant de passer à 462 MW pour 9,3 milliards, c’est-à-dire quatre fois plus cher que prévu.

« Les renouvelables 2 à 3 fois moins chères »

Aux dernières nouvelles, l’électricité ainsi engendrée était projetée aux environs de 120 dollars par mégawattheure, probablement beaucoup plus en réalité, mais dans tous les cas, ce serait un tarif totalement rédhibitoire : les énergies renouvelables produisent aujourd’hui une électricité abondante à un tarif 2 à 3 fois moins cher, et l’écart ne fait que s’agrandir.

Il s’agit d’un coup fatal pour l’industrie nucléaire, car NuScale était le seul projet de SMR validé par les autorités américaines et, de façon générale, tous les autres projets (tel Nuward en France) vont se fracasser sur le même problème : comme annoncé le 14 octobre 2021 dans une tribune publiée par Le Monde, « s’ils voient le jour, les petits réacteurs nucléaires modulaires produiront une électricité ruineuse ».

Et il est de plus en plus probable qu’ils ne voient même pas le jour. Sauf à s’adresser aux Russes ou aux Chinois — ce qui est exclu pour la plupart des clients potentiels, pour la plupart situés en Europe —, il ne reste donc plus à l’industrie nucléaire et ses supporters que la piste des gros réacteurs comme l’EPR français ou l’AP1000 américain.

Surcoûts, retards

L’un comme l’autre sont d’ores et déjà des désastres industriels et financiers. Annoncé à des dizaines d’exemplaires aux États-Unis, l’AP1000 a été annulé presque partout, sauf en Caroline du Sud… où le chantier a finalement été stoppé et abandonné, et en Géorgie, où un seul réacteur a pu démarrer, avec sept ans de retard et un coût multiplié par deux.

Quant à l’EPR, le suspens demeure à Flamanville, où le réacteur est supposé démarrer en 2024 avec douze ans de retard et un coût multiplié par cinq (selon les estimations de la Cour des comptes). Les EPR de Finlande et de Chine, mis en service également avec de longues années de retard, sont régulièrement arrêtés pour d’inquiétants dysfonctionnements. Quant au chantier d’Hinkley Point, en Angleterre, il suit la voie de son frère français avec de lourds retards et surcoûts.

Bien sûr, EDF et les autorités françaises annoncent désormais des EPR2, « plus faciles et moins chers à construire », mais qui peut encore croire à ces belles paroles ? Rappelons que l’industrie nucléaire française est aussi en grave défaillance sur les chantiers des réacteurs Iter (fusion nucléaire) et RJH, un réacteur de recherche dont la mise en service est désormais annoncée pour 2034… au lieu de 2014.

Pas de chance, le RJH était prévu pour appuyer la recherche sur la prolongation de la durée de vie du parc existant, sur les EPR2, et sur les SMR. Il arrivera longtemps après la bataille et après avoir anéanti quelques milliards de plus, mais qui se soucie de cette gabegie ?

Des macroniens aux communistes en passant par le RN, l’essentiel pour les adeptes de l’atome est de clamer qu’ils vont « sauver le climat », alors qu’ils veulent juste gaspiller dans le nucléaire les milliards qui permettraient justement de prendre les mesures nécessaires (plans d’économies d’énergie et de développement des renouvelables).

Voilà qui nous ramène aux députés européens : après leur vote ubuesque, ils s’affairent déjà à d’autres questions, incapables d’expliquer comment les industriels européens vont bien pouvoir trouver les ressources humaines et financières pour construire les nombreux réacteurs annoncés : en France même, malgré la propagande du VRP de l’atome, Jean-Marc Jancovici, les jeunes ingénieurs et techniciens manquent à l’appel et, d’autre part, EDF et l’État français sont dans des situations financières catastrophiques. Il est impossible de savoir si quelqu’un ou quelque chose va « sauver le climat », mais une chose est sûre, ce ne sera pas le nucléaire…

Le Parlement européen vient d’inscrire l’atome parmi les « technologies vertes ». Il n’en est rien, selon Stéphane Lhomme, de l’Observatoire du nucléaire. Stéphane Lhomme est directeur de l’Observatoire du nucléaire.

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07 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

macron cop28 (reporterre)

COP28 : la France obsédée par le nucléaire plutôt que par le climat
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COP28 : la France obsédée par le nucléaire plutôt que par le climat

Alors que la France promeut l’atome à la COP28 de Dubaï, la Commission européenne préfère parier sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

À la COP28 se livre une bataille sans pitié entre sources d’énergies décarbonées. Dans la synthèse de son sixième rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) rappelle que si nous voulons avoir de bonnes chances de stabiliser le réchauffement à +1,5 °C, nous devons diminuer de 43 % nos émissions de à gaz à effet de serre entre 2019 et 2030. L’un des principaux leviers de cette décarbonation sera le remplacement du pétrole, du charbon et du gaz [1] par des sources d’énergie « décarbonées » : renouvelables mais aussi nucléaire.

Dans le centre des expositions de Dubaï, les lobbyistes des deux camps font feu de tout bois. Le premier round s’est produit le 2 décembre. À l’initiative de la France était organisé un happening, on ne peut plus officiel, consacré à l’atome. Les pontes tricolores de l’énergie avaient fait le déplacement. Luc Rémont, patron d’EDF, et Jean-Pierre Clamadieu, boss d’Engie, étaient au premier rang.

Tripler le parc nucléaire mondial

Sur scène, Emmanuel Macron, président de la République, a fixé son ambition : tripler la capacité de production mondiale d’énergie nucléaire entre 2020 et 2050. Ce qui porterait à environ 1 200 GW la puissance totale du parc au mitan du siècle. Le tout a été décliné dans une déclaration dont la forme singe une décision de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Pratiquement au même moment, la présidente de la Commission européenne participait, elle aussi, à un événement parallèle. Cette fois, il n’était pas question d’énergie nucléaire. Ursula von der Leyen a proposé que le monde triple la capacité de production d’électricité d’origine renouvelable d’ici à 2030, éolien et solaire en tête. Avec pour objectif de porter ladite capacité installée à 11 000 GW.

L’ancienne ministre de la Défense de l’Allemagne a aussi proposé de doubler le rythme mondial de l’amélioration de l’efficacité énergétique, lequel passerait de 2 à 4 % par an. Cette déclaration a reçu le soutien de 118 gouvernements.

Programme illusoire

La démarche française interroge. La déclaration affirme s’appuyer sur l’analyse du Giec pour fixer sa trajectoire. L’argument est biaisé. Son rapport sur la stabilisation du réchauffement à 1,5 °C mentionne de nombreux scénarios énergétiques possibles, dont un seul table sur un triplement de la capacité nucléaire d’ici à 2050. Comme à leur habitude, les auteurs du réseau mondial de scientifiques ne font aucune proposition ni recommandation.

Autre remarque : tripler la capacité de production nucléaire en vingt-six ans semble totalement illusoire. Actuellement, seuls deux pays construisent en (petite) série des réacteurs : la Russie et la Chine. Ces deux pays ont la main-d’œuvre, le savoir-faire et, surtout, une abondance illimitée de capitaux. Ce n’est pas le cas de la France.

Chapeautant l’industrie nationale nucléaire, EDF est lourdement endettée (à hauteur de 64,5 milliards d’euros, à comparer aux 46 milliards d’euros de capitaux propres) et son parc de réacteurs tournera au ralenti pendant longtemps. Ces deux facteurs limitent très fortement son accès au marché des capitaux (banques, fonds d’investissement). Il n’est pas non plus certain que la Commission européenne autorise l’État à financer une partie du futur programme nucléaire français — encore moins à l’export — en raison des règles encadrant les aides d’État. Bruxelles et Paris s’opposent aussi depuis plus d’une décennie sur l’organisation de l’hydroélectricité dans l’Hexagone. EDF n’est pas en odeur de sainteté au sein de l’exécutif communautaire.

La France, comme bien d’autres pays, souffre d’un manque criant de professionnels : ingénieurs nucléaires, techniciens et ouvriers spécialisés. Ce qui explique, en partie, l’accident industriel de la construction de l’EPR de Flamanville. Reconstituer ces compétences prendra, encore une fois, du temps.

Pas étonnant, dans ces conditions, que la déclaration française n’ait été signée que par vingt-deux pays [2], dont aucun n’est capable d’engager un programme nucléaire d’ampleur, ni chez lui, ni à l’étranger.

Rédigés par l’Agence internationale de l’énergie, soutenus par la présidence émiratie de la COP28, les objectifs portés par la Commission européenne figureront à coup sûr dans la déclaration finale. Ce qui n’est pas du tout certain pour le programme français. Le 2 décembre, au cours d’une conférence de presse, Emmanuel Macron a souhaité qu’il soit « annexé » au futur accord de Dubaï. L’ambition faiblit déjà.

Dubaï (Émirats arabes unis), envoyé spécial Valéry Laramée de Tannenberg

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06 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

climat (reporterre)

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Tant qu’il y aura des fossiles, les renouvelables ne sauveront pas le climat

On investit de plus en plus dans les énergies renouvelables. Mais ces chiffres masquent un soutien insuffisant et fort tardif. Les fossiles assurent toujours 81 % de l’énergie mondiale.

En matière de décarbonation, il est de bon ton de se satisfaire d’une statistique : celle des investissements en matière d’énergies renouvelables. Les chiffres sont flatteurs. Cette année,près de 1 750 milliards de dollars (1 589 milliards d’euros) devraient être consacrés aux nouvelles sources de production d’énergies « vertes » : parcs éoliens, fermes photovoltaïques, unités de valorisation de biomasse, centrales hydroélectriques, etc. Mieux, révèle l’Agence internationale de l’énergie (AIE), depuis 2016, les montants consacrés aux « renouvelables » sont systématiquement supérieurs à ceux dédiés aux « fossiles ». En route vers le bas carbone ? Pas forcément.

L’évolution du bouquet énergétique mondial est extrêmement lente. En 1971, les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) assuraient 86 % de la production d’énergie primaire mondiale, contre 13,2 % pour les renouvelables. En 2019, et alors que la demande d’énergie avait triplé entre-temps, les fossiles satisfaisaient toujours 81 % de notre demande de mégawattheures (MWh). Les énergies vertes atteignaient péniblement les 14,5 %. Pendant ce temps, les émissions mondiales de dioxyde de carbone ont grimpé jusqu’à 41 milliards de tonnes en 2023 (dont 37 par les énergies fossiles).

Les productions d’énergies fossiles vont progresser

Malgré quelques tentatives de soutenir les énergies renouvelables après l’embargo pétrolier de 1973 — plus pour des questions de souveraineté énergétique que pour préserver le climat — les énergies vertes n’ont réellement été portées par les pays les plus industrialisés et quelques grands émergents qu’au début des années 2010.

En 2008, l’Union européenne (UE) a formalisé sa première stratégie climatique. Ce « paquet énergie climat » oblige les « 28 » d’alors à réduire de 20 % leurs émissions de gaz à effet de serre (Ges) entre 1990 et 2020, notamment en consommant 20 % d’énergies renouvelables. Conclu en décembre 2015, l’Accord de Paris a accéléré le rythme. Les États-Unis, la Chine et l’UE se sont fixés d’ambitieux objectifs en matière d’énergies propres. Et de baisse des émissions de Ges pour Washington (-26 à -28 % d’émissions entre 2005 et 2025) et Bruxelles (-40 % entre 1990 et 2030). Depuis, les records d’investissements en faveur des énergies renouvelables (éolien et solaire, surtout) ne cessent d’être battus.

Alors que les objectifs de réduction des émissions de carbone se multiplient, les gouvernements oublient plusieurs pans essentiels de la décarbonation. À l’exception du soutien public appuyé en faveur de l’électrification des voitures (en Chine, en Europe et aux États-Unis), aucune politique ne vise réellement à réduire la demande mondiale d’énergies fossiles. Entre 2000 et 2020, la production mondiale de pétrole, de gaz et de charbon a respectivement progressé de +15 %, +61 % et de +64 %. Depuis 2015, les banques ont prêté 9 518 milliards de dollars (8 693 milliards d’euros) aux producteurs d’hydrocarbures et de charbon pour développer leurs activités.

« Le capitalisme n’est pas compatible avec la lutte contre le réchauffement »

Les scenarii de stabilisation du réchauffement à 1,5 °C du Giec ou de neutralité carbone de l’AIE ne sont pris en compte ni par les dirigeants de ces compagnies ni par leurs banquiers. « Le capitalisme tel qu’on le vit actuellement n’est pas compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique », constatait, sur France Inter, le climatologue Jean Jouzel. La décroissance des émissions n’est pas à l’ordre du jour. Du propre aveu de l’AIE, la demande mondiale de pétrole devrait croître de 6 % entre 2022 et 2028. La production de gaz ne devrait augmenter « que » de 1,6 % par an entre 2022 et 2026. Seuls les tonnages de charbon devraient rester stables. Mais ils atteignent déjà des niveaux inégalés.

Substituer plutôt qu’additionner les sources d’énergie

C’est l’un des problèmes insolubles du moment : nous n’avons pas investi dans la transition énergétique. « Il faut regarder les choses en face, la progression des énergies renouvelables dans le monde ne concerne que la production d’électricité », souligne Jean-Louis Bal, ancien président du syndicat des énergies renouvelables. Pour créer des conditions propices au changement d’énergie, nous devons, d’une part, réduire notre demande d’énergies fossiles (pour le chauffage, l’industrie, la production d’électricité, le transport) et transformer nos systèmes énergétiques.

Cela implique des sommes prodigieuses pour économiser l’énergie, accroître la production d’énergies renouvelables (électriques et thermiques), développer les réseaux pour véhiculer ces énergies (lignes électriques, réseaux de chaleur, gazoduc à biogaz et à hydrogène vert), électrifier les transports et l’industrie. Et préférer la substitution à l’addition. « Réelle, la décarbonation des systèmes électriques des pays les plus industrialisés est imputable au fait que leurs électriciens ont remplacé des centrales carburant au charbon, au fioul ou au gaz par des éoliennes et des parcs photovoltaïques. Dans les grands pays émergents, les énergéticiens additionnent les centrales “fossiles“ et les renouvelables. Ce qui n’a aucun impact sur le climat », explique Jean-Louis Bal.

L’agence internationale des énergies renouvelables (Irena) a pris sa calculette. Le montant du devis de la décarbonation de l’énergie est estimé à 150 000 milliards de dollars (137 000 milliards d’euros) d’ici à 2050. Soit un peu plus de 5 500 milliards de dollars (5 023 milliards d’euros) par an : le triple de ce que le monde a consacré à l’énergie en 2019. Une inévitable régulation du secteur financier international s’impose. Il faudra aussi permettre aux États (notamment de l’UE) de faire exploser leurs limites d’endettement public.

Inflation des coûts

Ce n’est pas tout. Ces derniers mois, nombre de grands projets éoliens marins sont tombés à l’eau en Europe et en Amérique du nord. Tous ont été victimes des mêmes maux. Le premier est l’inflation. Cette année, estime le Fonds monétaire international (FMI), le renchérissement global des prix tournera autour de 7 %, contre une moyenne de 3 % par an entre 2015 et 2021. Les matières premières (béton, acier) coûtent donc plus cher qu’il y a quelques années. À cela s’ajoute le prix de l’argent. « Jusqu’en 2019, les énergéticiens pouvaient emprunter à des taux d’intérêt d’environ 1 % pour construire un parc éolien, explique un ancien dirigeant d’un fabricant de turbines. Aujourd’hui, les taux d’intérêt flirtent avec les 4 %. Cela coûte donc quatre fois plus cher qu’il y a quatre ans de financer des installations dont le coût total se chiffre en milliards d’euros. » En effet, en éolien marin, les coûts d’investissement représentent l’essentiel des coûts à financer, puisque le coût de production est quasi nul.

Dans la plupart des cas, les futurs exploitants de parcs offshore s’engagent à fournir un MWh à un coût fixe non indexé. L’équation à résoudre devient insoluble : les coûts de production et de financement ne cessent d’enfler, alors que le prix de l’électricité livrée doit, contractuellement, rester immobile.

De très grands acteurs de l’éolien, comme Vattenfall, Iberdrola ou Orsted commencent à abandonner de gros projets (quitte à dédommager les États ayant lancé les appels d’offres) [1] plutôt que d’achever des parcs à la rentabilité incertaine. Pour inverser la tendance, il faudrait que les banques centrales européennes et américaines baissent les taux d’intérêt et tuent l’inflation. Ce n’est pas à l’ordre du jour.

« Le solaire est désormais le mode de production d’électricité le moins coûteux »

Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles. En plein boom, le solaire a de très belles années devant lui. L’an passé, les centrales photovoltaïques ont injecté 1 300 TWh d’électricité sur les réseaux de la planète : 26 % de mieux qu’en 2021. À ce rythme, se félicite l’AIE, elles pourraient produire 8 000 TWh/an d’ici la fin de la décennie. Un volume compatible avec l’atteinte de la neutralité carbone mondiale au mitan du siècle. Les experts commencent d’ailleurs à y croire. « Le photovoltaïque et les batteries de stockage n’ont jamais été aussi peu chers. Le solaire est désormais le mode de production d’électricité le moins coûteux qui soit », se réjouit Stéphane His, ancien vice-président de la ligne de produits Biocarburants et Énergies renouvelables de Technip (un parapétrolier).

Si le paysage économique s’améliore, le solaire pourrait produire 40 % de l’électricité mondiale d’ici à 2050, prédit l’AIE dans son dernier rapport annuel. Dans une étude prospective publiée le 4 décembre, Rystad Energy estime que la consommation mondiale de charbon a atteint son pic en 2023.

Conséquence du développement massif des énergies renouvelables électriques, les centrales au charbon devraient réduire leur production dès l’année prochaine. Selon la société norvégienne spécialisée dans les données sur l’énergie, l’offre mondiale d’électricité d’origine renouvelable devrait bondir de 845 TWh : un chiffre très supérieur à la croissance annoncée de la demande. Le coût de production de l’électricité verte étant très inférieur à celui de l’électricité charbonnée, les compagnies d’électricité devraient rapidement modifier la composition de leur bouquet énergétique.

7 000 milliards de dollars par an de subvention aux fossiles

Dans l’accord final qu’elle peaufine, la présidence émiratie de la COP28 ambitionne de faire s’accorder près de 200 gouvernements sur quelques objectifs énergétiques : triplement des capacités de production d’électricité d’origine renouvelable et doublement du rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique mondiale d’ici à 2030. Le patron du sommet climatique de Dubaï, Sultan Al-Jaber, demande aux entreprises très carbonées (comme les compagnies pétrolières !) de réduire de moitié leurs émissions directes (scope 1) et indirectes (scope 2).

Il propose enfin de « limiter les subventions aux énergies fossiles ». Selon le Fonds monétaire international, le montant annuel des aides publiques à la consommation et à la production de charbon, de carburants et de combustibles pétroliers est de 7 000 milliards de dollars par an (7 % du PIB mondial). Sans la moindre régulation, il atteindra 8 200 milliards d’ici la fin de la décennie. Réorientée vers les renouvelables, cette manne pourrait amplement financer la transition énergétique.

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