Nous avons déjà eu l’occasion de le dire, il ne s’agit pas ici de prétendre que les énergies
renouvelables seraient exemptes de tout défaut, surtout quand elles sont installées en dépit du
bon sens et sans concertation avec les populations locales.
Mais il est par contre justifié et nécessaire de faire des constats sur l’évolution des diverses
énergies sur Terre, surtout quand divers médias (en particulier en France) continuent à faire
croire à la population que le nucléaire serait une énergie « massive et incontournable ».
Alors que les promoteurs de l’atome ne cessent de parler de nombreux futurs réacteurs qui vont « bientôt » être construits, les renouvelables sont réellement mises en œuvre, immédiatement, massivement, et dans tous les pays du monde… ou presque : on notera que la France atomique et macronisée a osé produire un avant-projet de loi sans objectif pour les renouvelables !
Le problème pour le nucléaire n’est pas seulement d’être réduit au rang d’énergie marginale,
mais aussi d’être confronté à un coût toujours plus bas des énergies renouvelables,
phénomène d’une puissance et d’une rapidité jamais vue dans l’Histoire.
Déjà, des opérateurs (dont EDF) sont parfois obligés d’arrêter des réacteurs nucléaires pour
se fournir en électricité renouvelable à des tarifs imbattables. Alors imaginez la situation dans
plusieurs années si des EPR ont pu être terminés : personne ne voudra de cette électricité
ruineuse. Les pays ayant mis des milliards dans l’atome vont le regretter amèrement…
Les renouvelables bientôt première source d’électricité mondiale, devant le charbon
Libération, 24 janvier 2024 : https://urlz.fr/pFGm
.
Les renouvelables produiront plus de 40 % de l’électricité mondiale dès 2028
Agence internationale de l’énergie, janvier 2024 : www.iea.org/reports/renewables-2023
L’Allemagne a passé le cap de 50 % d’électricité verte
Les Echos, 23 décembre 2023 : https://urlz.fr/pFGv
France : avant-projet de loi énergie-climat sans les objectifs renouvelables européens !
Euractiv, 8 janvier 2024 : https://urlz.fr/pFGz
Malgré l’Accord de Paris, feu vert pour 20 nouveaux gisements pétrogaziers en 2023
Au moins vingt développements de champs pétroliers et gaziers ont fait l’objet d’une décision finale d’investissement en 2023. Ils devraient déboucher sur une production de 8 milliards de barils équivalent pétrole (bep), selon l’édition annuelle du Global Oil and Gas Extraction Tracker, publiée par l’ONG étasunienne Global Energy Monitor jeudi 28 mars.
En outre, dix-neuf nouveaux gisements contenant environ 7,7 milliards de barils ont été découverts en 2023. D’ici la fin de la décennie, les entreprises fossiles ont l’intention d’extraire 31,2 milliards de barils répartis sur soixante-quatre champs supplémentaires.
« Au-delà de ce que la planète peut supporter »
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) avait pourtant averti en 2021 qu’aucun nouveau gisement de pétrole et de gaz ne devrait être exploité afin de contenir le réchauffement global dans la limite de 1,5 °C, conformément à l’objectif de l’Accord de Paris. Mais, d’après le rapport publié ce jeudi, les producteurs d’hydrocarbures ont depuis cette date donné leur feu vert au développement de gisements renfermant au moins 16 milliards de barils et en ont découvert au moins 20,3 milliards.
« Les producteurs de pétrole et de gaz ont invoqué toutes sortes de raisons pour continuer à découvrir et à exploiter de nouveaux gisements, mais aucune d’entre elles ne tient la route. La science est claire : pas de nouveaux gisements de pétrole et de gaz, sinon la planète sera poussée au-delà de ce qu’elle peut supporter », commente Scott Zimmerman, chef de projet pour le Global Oil and Gas Extraction Tracker.
.Total Énergies fête ses 100 ans : retour sur ses méfaits en 5 dates clés
« TotalÉnergies, pionniers depuis cent ans. » Sur son site, la multinationale française du pétrole célèbre fièrement son anniversaire : en mars 1924 était créée la Compagnie française des pétroles, ancêtre de l’entreprise actuelle. Le 26 mars dernier, elle fêtait son bilan centennal en grande pompe en organisant une réception de luxe pour ses partenaires au château de Versailles, où des militants d’Alternatiba Paris, Greenpeace et des Amis de la Terre ont tenté de gâcher la fête.
Présente dans le club des cinq plus grandes compagnies pétrolières du monde, TotalÉnergies a réalisé des bénéfices records ces dernières années, à l’instar des plus de 19 milliards d’euros comptabilisés pour 2022. L’entreprise, à ce titre, est également l’un des acteurs majeurs du changement climatique, via la combustion d’hydrocarbures – pétrole et gaz – qu’elle vend autour du monde. Retour en cinq dates sur les pires méfaits de l’entreprise de Patrick Pouyanné.
1971 : la désinformation climatosceptique
« Total savait » : dans une étude publiée en 2021, les chercheurs français Christophe Bonneuil, Pierre-Louis Choquet et l’Étasunien Benjamin Franta racontent comment l’entreprise avait connaissance, a minima dès 1971, du lien entre ses activités, la hausse des émissions de gaz à effet de serre, et le réchauffement en cours de la planète, aux « conséquences catastrophiques ».
Ainsi que Reporterre vous le rapportait à l’époque, les chercheurs ont épluché les archives du géant pétrolier et mené des entretiens avec d’anciens dirigeants de Total et d’Elf (compagnie absorbée par Total en 1999). Il en ressort que, malgré cette prise de conscience précoce, les deux entreprises sont entrées dans un état de « cécité volontaire », évitant scrupuleusement de mentionner le sujet, renforçant au contraire les investissements dans les énergies fossiles. Pire : les pétroliers français participèrent par la suite à la « fabrique du doute », cette propagande climatosceptique des industriels fossiles.
La stratégie s’est affinée à partir des années 1990 : au lieu de nier frontalement la réalité du changement climatique, Total et Elf ont affiché leur volonté de façade de combattre le phénomène. Reconnaissant officiellement le message des scientifiques, Total communiquait plus subtilement en tentant de minimiser l’urgence, affichait ses investissements croissants dans les énergies renouvelables et peaufinait son greenwashing. « Cela [a permis] à Total de gagner du temps, de continuer à investir massivement dans les énergies fossiles », nous résumait en 2021 Christophe Bonneuil.
1992 : le torpillage de la taxe carbone
Malgré les puissants efforts de lobbying climatosceptique, un vent d’optimisme soufflait à la fin des années 1980 dans les négociations internationales pour le climat. Un projet de taxe carbone, portée par l’Europe et dont la France était l’élément moteur, devait être déployée à l’échelle mondiale après l’échéance du Sommet de la Terre de Rio de 1992. De quoi « assécher la demande mondiale en pétrole » et sortir le plus rapidement possible des énergies fossiles.
C’est ce que raconte une enquête de Mediapart qui révèle comment Total a réussi à saboter ce projet, faisant « perdre trente ans à l’action climatique ». On y apprend comment, en pleine effervescence diplomatique autour de cette future taxe carbone, les industriels des hydrocarbures, et notamment Total, ont mené ce qui sera qualifié par The Economist de « lobbying le plus féroce jamais vu à Bruxelles ».
Le projet a fini par être enterré juste avant le Sommet de Rio et durablement décrédibilisé. Les intérêts de Total avaient finalement reçu le soutien direct de l’État français, le nouveau ministre français de l’Industrie d’alors, Dominique Strauss-Kahn, s’opposant frontalement à un projet remanié de taxe carbone, lors d’un conseil européen, un mois avant Rio.
1998 : les profits sulfureux en Birmanie et ailleurs…
Dès le début des années 1990, Total a collaboré au projet d’exploitation gazière Yadana, en Birmanie, pays alors dirigé par une junte militaire. Le groupe français a commencé à exploiter le gisement en 1998, au grand dam des militants locaux prodémocratie, qui dénoncaient le soutien financier apporté à la junte par l’activité de l’entreprise. Total a été également attaqué en justice pour le « travail forcé » auquel la junte aurait eu recours sur le chantier de Yadana.
L’entreprise s’est défendue de ses multiples accusations, arguant notamment qu’elle était bien obligée de s’acquitter de ses obligations financières envers l’État birman. Un discours mis à mal par des documents consultés par Le Monde en 2021. Loin de s’acquitter passivement de ses obligations, Total aurait activement participé à un montage d’énorme optimisation fiscale, permettant de maximiser ses profits au détriment des finances birmanes en contrepartie d’une rétribution des généraux au pouvoir via des comptes offshore.
Une brève expérience démocratique birmane dans les années 2010 a été interrompue par un coup d’État militaire en 2021. La répression a alors fait des centaines de morts mais Total a maintenu ses activités dans le pays avant de se retirer, en 2022, sous la pression internationale face aux dégradations des droits humains.
Un an après le début de la guerre en Ukraine, TotalÉnergies continuait malgré les sanctions de fournir du gaz russe à l’Europe. Début 2024, la major n’avait toujours pas renoncé à sa présence indirecte dans le pays.
1999 : la catastrophe de l’« Erika »
Le 12 décembre 1999, le navire pétrolier Erika, affrété par Total, a fait naufrage au large de la Bretagne. Plus de 20 000 tonnes de fioul lourd se sont échappées et une marée noire historique a frappé la France. Le pétrole a souillé plus de 400 km de côtes, du Finistère à la Charente-Maritime. La catastrophe écologique est massive ; entre 100 000 et 300 000 oiseaux auraient été tués, selon les estimations réalisées quelques mois plus tard.
En 2008, le groupe Total a été condamné à l’amende maximale de 375 000 euros mais n’a pas assumé sa responsabilité et décidé de faire appel. La confirmation de la condamnation en cassation en 2012 a marqué la consécration de la notion de « préjudice écologique » dans le droit français.
Cette marée noire emblématique n’est, hélas, pas la seule catastrophe écologique majeure à laquelle le nom de Total est associé. En 2023, une enquête de L’Obs montre comment un bassin pétrolier exploité par Total au Yémen pendant vingt ans a provoqué une série de pollutions, affectant l’environnement et la santé de milliers de Yéménites.
2023 : les nouvelles bombes climatiques de Total
Le bilan est déjà bien fourni, mais TotalÉnergies ne compte pas s’arrêter là. Son bilan carbone en 2023 s’élevait à environ 400 millions de tonnes de CO2, soit l’équivalent, en ordre de grandeur, des émissions de la France. Et encore, ces émissions pourraient être largement sous-estimées selon une enquête de Greenpeace.
L’entreprise continue d’investir dans de nouveaux projets d’exploitation d’énergies fossiles : l’un des plus récents, le projet gazier Papua LNG, est en attente d’une décision imminente d’investissement. Le plus emblématique et contesté est aussi Eacop, son projet pétrolier en Ouganda et Tanzanie.
Alors qu’en 2021, l’Agence internationale de l’énergie soulignait dans son rapport Net Zero 2050 la nécessité de ne plus investir dans aucun nouveau projet pétrogazier, TotalÉnergies a, depuis cette date, développé au moins soixante-huit nouveaux projets que Reporterre recensait sous forme de carte.
Nouveau débordement d’une station d’épuration : « Le littoral morbihannais croule sous le caca », selon Eau et Rivières de Bretagne
L’association Eau et Rivières de Bretagne vient de porter plainte contre X après un nouveau débordement d’une station d’épuration. C’était à Landaul dans le Morbihan. Une association qui veut mettre en lumière le manque d’investissement dans ces équipements face à l’arrivée massive de nouveaux habitants dans la région d’ici 2050.
Après de fortes pluies en décembre dernier, la station d’épuration de Landaul au bord de la ria d’Etel débordait. Quatre mois après, les rejets sont toujours visibles : des boues pestilentielles, des eaux de couleur brun orangé qui s’infiltrent dans le sol. L’association environnementale Eau et Rivières de Bretagne a porté plainte. Pierre Loisel, délégué de l’association pour le Morbihan, met en garde : « Il ne faut pas traverser ici, c’est très dangereux. On a des vermisseaux qui sont caractéristiques d’un milieu qui est en train de mourir. Là, très clairement, il va être rapidement asphyxié », alerte-t-il.
La communauté de communes d’Auray Quiberon accusée
Pointée du doigt par les écologistes : la communauté de communes d’Auray Quiberon. Accusée de ne pas tout mettre en œuvre pour éviter les rejets de matières. AQTA qui, pour se défendre, met en avant son plan Marshall de 50 millions d’euros : « Aujourd’hui, on arrive déjà à plus de 40 millions d’euros d’investissement sur ce plan où l’on a mis en avant le renouvellement des réseaux, déjà effectif sur 42 km de réseaux et les stations d’épuration », explique Roland Gastine, vice-président d’AQTA (Auray Quiberon Terre Atlantique), en charge de l’assainissement.
Les stations du littoral prioritaires
Landaul, 2200 habitants désormais sous surveillance de la préfecture. Pour éviter une trop forte pression sur l’urbanisation. La commune, qui devait avoir sa nouvelle station d’épuration cette année, va devoir attendre 2028. « On s’est rendu compte que les stations d’épuration du littoral, style Carnac, la Trinité, étaient en beaucoup moins bon état et accueillaient beaucoup plus de monde, donc le préfet a demandé à la communauté de communes que ces communes-là passent en priorité », raconte Dominique Ollivier-Franke, maire de Landaul (Morbihan).
Une situation qui inquiète les professionnels de l’ostréiculture. Même si aucune fermeture de chantiers n’a été décidée, eux réclament des sanctions : « C’est un manque de volonté, une négligence totale de la part de certaines instances. Il faut vraiment sanctionner tout ce qui se passe sur le bassin ici et tous les autres secteurs », selon Jacques Carrer, président du syndicat ostréicole de la Ria d’Etel.
Des stations d’épurations vieillissantes ou encore sous-dimensionnées par rapport à la croissance de la population. Un scénario qui touche de nombreuses communes sur tout le littoral morbihannais.
Plus de 2 milliards de personnes n’ont pas accès à l’eau potable
Un constat alarmant sur le partage de la ressource en or bleu. L’Unesco estime que 2,2 milliards de personnes n’ont pas accès à une eau potable sûre, selon son rapport annuel publié vendredi 22 mars, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau.
Les premières victimes du manque d’eau dans le monde sont les femmes et les filles, selon l’Unesco. Ce sont elles qui, en zones pauvres et rurales, sont chargées de la collecte de l’eau, facteur d’abandon scolaire accentuant leur vulnérabilité. Dans son rapport, l’organisation indique qu’une meilleure coopération internationale en matière d’accès à l’eau douce jouerait un rôle non négligeable dans l’amélioration de leur quotidien.
Les inégalités risquent de s’accroître encore
L’agence onusienne le reconnaît : « L’objectif de garantir l’accès à l’eau potable à tous d’ici à 2030 est loin d’être atteint. Il est même à craindre que les inégalités continuent de s’accroître dans ce domaine. »
Par ailleurs, « les inégalités dans la répartition des ressources en eau, dans l’accès aux services d’approvisionnement et d’assainissement » sont sources de tensions, qui peuvent elles-mêmes « exacerber l’insécurité hydrique », alerte le rapport. Les auteurs considèrent ainsi que les stratégies de partage des ressources en eau sont bien souvent négligées par les États. Sur les 153 pays partageant des cours d’eau, lacs ou eaux souterraines, « seuls 31 ont conclu des accords de coopération pour au moins 90 % de la superficie de leurs bassins transfrontaliers », souligne le rapport.
Le niveau des océans a connu un « bond », alerte la Nasa
0,76 centimètres en seulement un an, entre 2022 et 2023. La hausse peut paraître faible mais c’est en réalité un « bond important » du niveau des océans, a alerté la Nasa, le 21 mars. Cela est dû au changement climatique et au phénomène El Niño, a expliqué l’agence spatiale étatsunienne.
Ce chiffre de 0,76 centimètres est exceptionnellement haut car il représente presque deux fois la moyenne actuelle, qui est de 0,42 centimètres par an. Et il est presque quatre fois supérieur à ce qui était constaté il y a trente ans : en 1993, la moyenne était de 0,18 centimètres.
L’élévation du niveau des océans est donc en train de s’accélérer. Elle pourrait atteindre 20 centimètres de plus d’ici 2050, a aussi calculé la Nasa. Cela risque notamment d’augmenter la fréquence et l’intensité des inondations dans le monde.
En France, un rapport a récemment calculé que la hausse du niveau des mers, en grignotant le littoral, pourrait d’entraîner la perte, par exemple, de 450 000 logements en 2100, pour une valeur estimée à 86 milliards d’euros.
132 litres d’eau pour une tasse de café : « Nos besoins sont excessifs »
L’empreinte eau d’un Français est en moyenne de 4 900 litres… par jour. Un chiffre astronomique, principalement dû à notre alimentation, explique l’hydrologue Charlène Descollonges.
2 500 litres d’eau pour fabriquer votre tee-shirt en coton, 109 litres pour produire votre verre de vin rouge, 1 720 litres pour une tablette de 100 grammes de ce délicieux chocolat. Notre mode de vie engloutit des quantités astronomiques d’or bleu. Cette soif insatiable est évaluée par l’empreinte eau, qui « mesure la quantité d’eau utilisée pour produire les biens et services que nous utilisons », selon le réseau non-gouvernemental Water Footprint Network. Il permet d’estimer « l’appropriation de l’eau douce par l’humanité en termes de volumes d’eau consommés et pollués ».
À l’occasion de la journée mondiale de l’eau, vendredi 22 mars, l’hydrologue Charlène Descollonges, autrice de L’Eau — Fake or not ?, nous en apprend plus sur cette empreinte qui « reflète l’insoutenabilité de nos modes de vie ».
Reporterre — L’empreinte eau d’un Français est en moyenne de 4 893 litres par jour. Qu’est-ce que cela signifie ?
Charlène Descollonges — L’empreinte eau montre notre dépendance à l’eau bleue, c’est-à-dire celle prélevée dans les nappes et les rivières, mais pas uniquement. Elle recouvre aussi l’eau verte — qui correspond à l’eau évapotranspirée par les végétaux, que l’on s’approprie quand on coupe des plantes pour notre agriculture — et l’eau grise, autrement dit, les eaux polluées que nous rejetons et qui contaminent peu à peu les milieux. Et c’est sans compter l’eau énergétique, utilisée pour faire fonctionner les centrales ou pour extraire les minerais nécessaires aux batteries électriques.
« 37 % de notre empreinte eau est liée au fait qu’on mange de la viande »
En France, 85 % de notre empreinte est due à l’alimentation. L’agriculture dépend énormément de l’eau verte et l’on puise beaucoup dans l’humidité des sols. Résultat, quand cette ressource est épuisée, on apporte de l’eau bleue, à travers l’irrigation. Dans cette eau agricole, il y a celle qui est pompée dans nos sols pour ce que nous mangeons, mais près de la moitié de cette empreinte concerne des produits alimentaires qui poussent ailleurs. Il faut par exemple 132 litres pour une tasse de café. Dernier point, et non des moindres, 37 % de toute notre empreinte eau est liée au fait que l’on mange de la viande.
Que dit l’empreinte eau de nos modes de vie ?
Elle reflète nos régimes alimentaires, car on mange de l’eau sans le savoir. Notre régime carné et ultra-transformé a un impact fort sur les cycles de l’eau. Par exemple, on retourne des prairies permanentes, qui sont des éponges, pour faire de l’alimentation pour le bétail.
Nos modes de vie sont-ils insoutenables par rapport au cycle de l’eau ?
Oui. Souvent, on entend qu’on n’aura pas de problèmes d’eau, puisque l’eau ne disparaît jamais, qu’elle est prise dans un grand cycle. Mais quand on regarde à l’échelle des territoires, certains bassins versants sont en déficit car les besoins en eau sont trop importants par rapport à la capacité du milieu à renouveler la ressource. Les crises de l’eau se multiplient à cause de nos besoins, qui sont excessifs. Il faut aussi penser aux milieux aquatiques, qui requièrent un minimum d’eau pour vivre.
Ces déséquilibres se voient aussi à travers les limites planétaires de l’eau verte et de l’eau bleue, qui sont aujourd’hui dépassées – même si le débat scientifique est toujours en cours sur ce sujet.
Comment diminuer notre empreinte eau ?
On change son assiette. On la reverdit, on mange des protéines végétales et on relocalise notre alimentation. Il faudrait aussi changer nos modes de culture, afin de mieux stocker l’eau dans les sols, à travers l’hydrologie régénérative ou l’agroforesterie. C’est par le biais de l’alimentation que l’on pourra régénérer les cycles de l’eau.
Il s’agit de réfléchir aussi à la mobilité. Car les véhicules électriques ont besoin de beaucoup d’eau, pour fabriquer les batteries en lithium, pour produire de l’électricité. Plus on va décarboner notre économie, plus on va avoir besoin d’eau. Or, on ne l’a pas anticipé. On est déconnectés de notre dépendance à l’eau.
Donc il y a des « écogestes », à faire à l’échelle individuelle, mais on peut aussi s’impliquer autour de chez soi, en commençant par s’intéresser à nos rivières — sont-elles en bon état ? — à l’eau qu’on boit — d’où vient-elle ? Un des leviers forts, c’est de se reconnecter à nos cours d’eau. Nous vivons tous sur un bassin versant et on peut s’impliquer dans la vie de ce bassin, prendre part aux décisions le concernant — dans les institutions « traditionnelles » [comme la commission locale de l’eau] ou au sein d’initiatives plus récentes, comme celle sur les droits des fleuves.
Gaza. La famine a commencé. Le «corridor maritime» fait diversion. La voie terrestre et les structures traditionnelles de distribution peuvent seules limiter l’extension de la catastrophe
Le corridor d’aide maritime a fait l’objet de beaucoup d’attention, mais les organisations de Gaza affirment que les approvisionnements par voie terrestre sont essentiels pour répondre aux besoins humanitaires urgents. Les Nations unies ont recensé 16 cas de tirs sur des convois d’aide, et les organisations pensent que les troupes israéliennes sont à l’origine de la plupart d’entre eux
Le premier navire d’aide à destination de Gaza a quitté le port chypriote de Larnaca mardi 12 mars et a navigué pendant plus de trois jours avant d’accoster vendredi à environ un kilomètre de la côte de Gaza. Sa cargaison a été ramenée à terre et chargée dans des camions. Jose Andres, fondateur de l’organisation caritative World Central Kitchen, qui a organisé la cargaison, a déclaré qu’il ne s’agissait que d’un essai et que l’organisation caritative pourrait acheminer des milliers de tonnes d’aide chaque semaine.
Les gros titres générés par la livraison de la semaine dernière ont éclipsé les rapports des Nations unies sur la propagation de la famine et de la malnutrition à Gaza, en particulier dans le nord et chez les enfants [et invisibilise le rôle nécessaire de l’UNRWA qui est visée par une campagne massive de dénigrement qui commence toutefois à prendre l’eau]. Vendredi, le jour même de l’arrivée du navire d’aide, le Fonds international d’urgence pour l’enfance des Nations unies a déclaré qu’environ un tiers des enfants de moins de deux ans dans le nord de la bande de Gaza souffraient de malnutrition grave en raison de la guerre, du siège israélien, de l’épuisement des réserves alimentaires et de la destruction généralisée des cultures et des usines.
Ce chiffre représente une forte augmentation par rapport au taux de janvier, qui était de 15,6%. Une enquête menée en février auprès d’un échantillon d’enfants dans des abris et des cliniques du nord de Gaza a révélé que 4,5% d’entre eux souffraient d’émaciation [réduction du poids] grave, alors que les traitements destinés à prévenir les complications n’étaient pas disponibles. A Khan Yunès, 28% des enfants de moins de deux ans souffraient de malnutrition, dont 10% d’émaciation sévère.
A Rafah, où la nourriture arrive en plus grande quantité que dans le nord de la bande de Gaza, la proportion d’enfants souffrant de malnutrition est passée de 5 à 10% à la fin du mois de février, tandis que celle des enfants souffrant d’émaciation sévère est passée de 1 à 4%. L’organisation a déclaré vendredi dernier qu’au moins 23 enfants étaient morts de malnutrition et de déshydratation au cours des dernières semaines.
Les organisations humanitaires qui ont l’habitude de travailler à Gaza affirment que même si la promesse de José Andres est tenue et que les Etats-Unis achèvent la construction d’un quai flottant au large de la côte de Gaza dans les deux mois, le corridor maritime ne peut pas remplacer une route terrestre et ne peut pas répondre aux besoins urgents de 2 millions de personnes en nourriture et en eau, en plus des articles essentiels comme les matelas, les vêtements, les produits d’hygiène, les produits de nettoyage et les pièces détachées pour les infrastructures d’eau détruites, en particulier dans le nord de la bande de Gaza. Le moyen le plus rapide d’acheminer l’aide reste les camions sur le terrain.
Les organisations d’aide internationale, en particulier les agences des Nations unies qui ont une grande expérience [l’UNRWA], insistent sur le fait que Gaza doit être inondée de fournitures sans délai. Ce n’est qu’alors qu’il sera possible, disent-elles, de lutter contre le pillage organisé des convois de ravitaillement par des bandes armées (dont certaines au moins sont liées à des familles criminelles bien connues) et la vente de produits sur le marché noir à des prix astronomiques – des phénomènes qui se développent partout où il y a une pénurie aiguë et persistante de denrées alimentaires.
Dans le sud de Gaza, le problème des gangs qui tendent des embuscades aux camions a été relativement maîtrisé. Les autorités locales et les organisations humanitaires ont conclu divers accords avec les familles vivant près de la frontière entre Gaza, Israël et l’Egypte, qui assurent désormais la sécurité sur la route entre le poste frontière le plus au sud, Kerem Shalom, et Rafah, à quelques kilomètres au nord. Les «comités populaires» locaux coopèrent avec les fonctionnaires du ministère de l’Economie de Gaza pour identifier les marchands qui pratiquent des prix abusifs et confisquer leur stock.
Dans le nord de la bande de Gaza, les représentants des clans familiaux puissants travaillent avec le personnel de sécurité (on ne sait pas s’ils portent des armes à feu) pour empêcher les gangs de voler l’aide. En effet, samedi et dimanche, avec l’aide de ces groupes, au moins 27 camions de l’ONU transportant des denrées alimentaires ont réussi à atteindre le nord de Gaza, dont 15 auraient atteint Jabalya pour la première fois en quatre mois.
Les organisations humanitaires affirment que pour «inonder» la zone d’aide, il faut rouvrir tous les points de passage de Gaza. Les responsables des organisations humanitaires internationales affirment qu’il a été demandé à Israël d’autoriser l’entrée de l’aide non seulement par les points de passage de Rafah et de Kerem Shalom, au sud, mais aussi par les entrées nord de Gaza (Erez, Nahal Oz et Karni).
Il a également été proposé d’accélérer les livraisons en achetant et en livrant les fournitures à partir de la Cisjordanie plutôt que de l’Egypte et de la Jordanie. Les acheminer depuis ces deux pays implique de les transporter sur des centaines de kilomètres, ce qui a également un coût financier pour les salaires des chauffeurs et le carburant. Les économies réalisées sur les coûts de transport permettraient aux pays donateurs d’augmenter le volume des fournitures.
Le fait d’effectuer les achats en Cisjordanie et d’embaucher des chauffeurs palestiniens pour transporter les fournitures permettrait également d’atténuer légèrement les difficultés économiques en Cisjordanie. Toutefois, Haaretz a appris qu’Israël s’opposait à ces propositions dans le cadre de sa politique d’isolement de Gaza et de séparation de la Cisjordanie, qui dure depuis un an.
Relations publiques
Le Coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT en hébreu, dépend du ministère de la Défense), l’agence gouvernementale israélienne qui supervise l’entrée de l’aide, publie des rapports quotidiens sur l’aide humanitaire qu’Israël autorise à entrer dans la bande de Gaza. Dans son rapport de lundi 18 mars, il indique que 150 camions d’aide sont entrés dans le nord de la bande de Gaza au cours des trois dernières semaines, la plupart d’entre eux étant financés par des hommes d’affaires privés palestiniens.
Les organisations humanitaires affirment que la bande de Gaza a besoin d’au moins 500 camions par jour pour éviter la famine, alors que la moyenne quotidienne réelle est inférieure à 200 camions. Selon le COGAT, «le volume de l’aide humanitaire est déterminé, entre autres facteurs, par la capacité des organisations humanitaires de la bande de Gaza à absorber l’aide». Les organisations humanitaires considèrent qu’il s’agit là d’une accusation injuste à leur égard.
«La vitesse à laquelle cette crise catastrophique de malnutrition infantile s’est développée à Gaza est choquante, en particulier lorsque l’aide désespérément nécessaire était prête à quelques kilomètres seulement», a déclaré Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF, la semaine dernière. «Nous avons tenté à plusieurs reprises d’acheminer de l’aide supplémentaire et nous avons demandé à plusieurs reprises que les problèmes d’accès auxquels nous sommes confrontés depuis des mois soient résolus. Au lieu de cela, la situation des enfants s’aggrave de jour en jour. Nos efforts pour fournir une aide vitale sont entravés par des restrictions inutiles, qui coûtent la vie à des enfants.»
Les sources des organisations humanitaires qui ont demandé à rester anonymes énumèrent quelques-uns des obstacles à l’acheminement de l’aide. Le principal d’entre eux est les tirs contre des convois d’aide. Les agences des Nations unies ont recensé au moins 16 incidents de ce type, le plus connu étant celui du 29 février, au cours duquel les autorités sanitaires de Gaza ont déclaré que des dizaines de personnes avaient été tuées par balle alors qu’elles attendaient un convoi d’aide, tandis qu’Israël a déclaré que les morts avaient été piétinés ou écrasés après que des soldats eurent tiré sur quelques personnes qui s’étaient approchées des troupes d’une manière menaçante.
Dans la plupart des autres cas, disent les organisations, ce sont des soldats israéliens qui ont ouvert le feu. Les chauffeurs, les policiers palestiniens dont les collègues ont été tués alors qu’ils protégeaient les convois et donc les organisations, ont refusé de se rendre dans le nord de la bande de Gaza.
Il y a aussi des obstacles plus routiniers. Les camions doivent attendre des jours avant de passer les contrôles de sécurité israéliens aux postes-frontières de Kerem Shalom ou de Nitzana. Si un article à «double usage», c’est-à-dire considéré comme pouvant avoir un usage militaire, est trouvé dans l’un des camions, toute la cargaison qu’il contient est bloquée à l’entrée de Gaza. Chaque convoi de camions nécessite une coordination constante avec les forces israéliennes, même dans le sud de Gaza. Lorsqu’il n’y a pas de possibilité de communication par téléphone portable, comme c’est souvent le cas, l’ensemble du convoi est retardé.
Les camions d’aide et autres véhicules appartenant à des organisations humanitaires sont retardés pendant plusieurs heures aux points de contrôle mis en place par l’armée au sud de la ville de Gaza. «Ce n’est pas comme s’il y avait d’autres voitures. Nous sommes les seuls à être là», déclare un haut fonctionnaire de l’une des organisations. Les travailleurs humanitaires et les chauffeurs perdent un temps précieux à cause de ces longues attentes, ajoute-t-il.
Haaretz a appris qu’une demande visant à autoriser les camions à franchir les points de passage à une heure plus matinale, afin de réduire le nombre de personnes qui s’amassent autour d’eux, a été rejetée. Une demande visant à autoriser l’entrée de pièces de rechange vitales pour la réparation des infrastructures d’eau dans le nord de Gaza n’a pas été approuvée par Israël jusqu’à présent. Un entrepôt appartenant à l’Autorité palestinienne de l’eau (subordonnée à l’Autorité palestinienne) et contenant des pièces de rechange a été bombardé au début de la guerre, ce qui a empêché l’Autorité de l’eau d’effectuer des réparations essentielles, notamment dans les usines de traitement de l’eau. «La déshydratation et la consommation d’eau contaminée sont des composantes de la malnutrition, dont Israël admet également qu’elle doit être évitée», explique le fonctionnaire.
Selon lui, «la coordination de l’entrée des équipements vitaux pour les organisations d’aide prend du temps et de nombreuses semaines». Ce matériel comprend des véhicules blindés [pour protection du personnel] pour remplacer ceux qui ont été bombardés, des pneus de rechange, qui sont essentiels, et des talkies-walkies. Les autorités approuvent parfois certains types d’équipements, comme les générateurs dont dépendent les hôpitaux pour fonctionner, mais les bloquent à d’autres moments.
Le projet de corridor d’aide maritime (qui fait suite à des largages aériens qui se sont révélés totalement inefficaces et, dans certains cas, mortels) et la grande importance que l’administration Biden lui a accordé ont fait l’objet d’une vaste couverture médiatique, à la limite d’une campagne de relations publiques. Cela pourrait donner l’impression erronée que le problème a été résolu et que la famine et la malnutrition croissante chez les enfants peuvent être résolues alors même que la guerre se poursuit. Mais vendredi dernier, Russell, de l’UNICEF, a dit le contraire: «Un cessez-le-feu humanitaire immédiat reste la seule chance de sauver la vie des enfants et de mettre fin à leurs souffrances.»
(Article publié par Haaretz le 20 mars 2024; traduction rédaction A l’Encontre)
Selon le niveau d’exposition au cadmium, le risque cancer s’accroît de 2 à 5 fois.
On nous a alerté sur le bisphénol A qui génère 2% de risque de surmortalité par cancer,
avec le cadmium, on parle de 82% ! C’est une explosion de la contamination à laquelle
nous assistons en France depuis quelques années.
L’Association Santé Environnement France lance l’alerte : les français sont les européens les plus contaminés au cadmium. En cause : les engrais chimiques utilisés par l’agriculture industrielle. Hautement cancérogène à certaines doses, sa présence dans les sols français et notre alimentation est en partie responsable du nombre alarmant de cancers en France, parmi les plus élevés au monde.
Empoisonnement français au cadmium, un cri d’alarme
Le cadmium est un métal qu’on trouve en association avec d’autres métaux, comme le zinc, le cuivre et le plomb, ainsi que dans les phosphates naturels utilisés surtout comme engrais.
Le cadmium est un cancérogène hautement probable selon le CIRC (Centre international de la recherche sur le cancer), l’ANSES, la Haute autorité de santé, et l’OMS insiste sur la dangerosité des polluants qui passent par l’air, le sol et l’eau …
L’Association Santé Environnement France rassemble des professionnels de santé depuis 2008 et est présidée par le Dr Pierre Souvet, cardiologue. Il nous a accordé cette interview pour alerter sur l’urgence et le scandale que représente la non-prise en compte de ce danger par les pouvoirs publics depuis plus de 10 ans.
PS : Parce qu’une étude met en évidence un fait très grave : les Français sont plus contaminés au cadmium que tous les autres Européens, et plus que les Américains !
Je vais vous donner quelques chiffres effarants : l’ANSES retient que 0,5 microgrammes de cadmium par gramme de créatinine est un maximum. Au-delà, la situation devient critique. Or, en moyenne, les Français ont un taux de 0,57. 47% d’entre eux sont au-delà de 0,50 et les 5% les plus élevés montent à 2,1.
Quant aux petits Français, ils sont 18% à être fortement contaminés. Les 6-17 ans ont une moyenne de 0,28 (et les 5% les plus contaminés sont au-delà de 0,85). En comparaison, les adultes allemands sont en moyenne à 0,18 et les enfants à 0,07. Les Belges ont respectivement 0,23 pour les adultes et 0,04 pour les enfants. Quant aux Américains, les adultes sont en moyenne à 0,19 et leurs petits à 0,06.
Donc, quand je vous dis que la situation française est une question de santé publique, ce n’est pas une blague !
LR&LP : Qu’est-ce que le cadmium (Cd) ?
PS : C’est un métal qui appartient à ce qu’on appelle les métaux lourds aux côtés du cuivre (Cu) et du plomb (Pb). Ils sont toxiques pour les êtres vivants, n’ont aucun rôle bénéfique connu pour l’organisme et s’accumulent dans les chaînes alimentaires et ce, sur des durées longues, 30 ans !
Le cadmium est classé cancérogène par le CIRC. Il se fixe dans le foie et est responsable de fractures osseuses et d’ostéoporose, d’altération des spermatozoïdes et donc d’infertilité, d’altération de l’ADN par stress oxydatif favorisant le développement de cellules cancéreuses, en particulier dans les poumons, les seins, la prostate, le pancréas, les reins.
LR&LP : Quelle est la position de la France sur ces pathologies ?
PS : Nous sommes champions du monde du cancer du sein. Nous avons la triste position de deuxième mondial en matière de cancer du pancréas. Et, nous serions presque fiers de notre seulement 8ème position pour le cancer du rein. Vous rendez-vous compte de ce que je vous dis-là ? Et ces chiffres ne cessent de grimper.
Selon le niveau d’exposition au cadmium, le risque s’accroît de 2 à 5 fois. On nous a alerté sur le bisphénol A qui génère 2% de risque de surmortalité par cancer, avec le cadmium, on parle de 82% ! C’est une explosion de la contamination à laquelle nous assistons en France depuis quelques années.
Les sources de contamination au cadmium
LR&LP : Quelles sont les sources de contamination ?
PS : Le tabac (une cigarette contient environ 2 µg de cadmium, ndlr). Et principalement l’alimentation. L’agriculture intensive utilise des engrais phosphatés et la France est l’un des plus gros consommateurs européens même si la guerre en Ukraine a entraîné une légère baisse de leur utilisation. Or, les engrais phosphatés contiennent des doses de cadmium variables selon les zones d’importation. Le cadmium entre dans le sol et remonte dans la plante. Et nous la mangeons.
LR&LP : Que ne devrions-nous pas manger ?
PS : Il faut manger bio autant que possible et ne pas trop consommer de crustacés à muscles qui le concentrent. Les grandes cultures céréalières sont les plus touchées, il faut manger bio tout ce qui contient des céréales et des pommes de terre. Le drame, ce sont les céréales du petit déjeuner. L’adolescente la plus fortement contaminée dans l’étude Esteban ne fumait pas, ne consommait pas de fruits de mer mais mangeait des céréales sous toutes les formes.
Par ailleurs, il faut impérativement varier son alimentation, car en dehors des épinards qui accumulent le cadmium, les fruits et légumes aident à contrer ses effets. Il faut beaucoup de fibres. Le zinc est un inhibiteur du cadmium et il est donc prudent de faire contrôler ses équilibres minéraux et en oligo-éléments.
LR&LP : Comment expliquez-vous que les Français soient à de tels niveaux de contamination ?
PS : La fertilisation des grandes cultures est réalisée par des engrais phosphatés que nous achetons pour la majeure partie au deuxième producteur mondial de phosphate naturel après la Chine, le Maroc. Les deux sites Khouribga et Boucraâ sont très riches en cadmium, autour de 200 mg/kg pour l’une et jusqu’à 73 mg/kg pour l’autre.
Depuis le 22 juillet 2022, l’Union européenne a interdit tous les engrais inorganiques dont la teneur en cadmium est supérieure à 60 mg/kg. Le problème, c’est que c’est un enjeu géopolitique autant que financier. Donc, tout le monde regarde ailleurs pendant que le nombre de malades et de morts est en train d’exploser.
LR&LP : Que faudrait-il faire ?
PS : Pour réduire la contamination de la population, la France ne devrait pas faire une exception à 90 mg/kg comme c’est le cas aujourd’hui. Pas plus qu’elle ne devrait se conformer à la règle européenne à 60mg/kg. La France devrait rejoindre les trois pays européens qui ont choisi de s’extraire de la règle commune pour passer à 20mg/kg. De cette façon, la population française serait en meilleure santé.
LR&LP : Les agriculteurs sont-ils responsables après tous les mouvements récents ?
PS : La FNSEA porte une lourde responsabilité, mais les agriculteurs que tous ces produits rendent très malades sont plus victimes d’un système que réellement acteurs. Ils ont besoin d’aide pour s’extraire de cette agriculture dangereuse pour la santé comme pour la planète. C’est aux pouvoirs publics de porter une autre vision et de prendre les décisions qui s’imposent.
Sources : Cadmium et ses composés – CIRC / Qu’est-ce que le cadmium et comment réduire son exposition ? Anses – 04/12/2023 / Dépistage, suivi et prise en charge des personnes résidant sur des sites pollués ou potentiellement pollués par le cadmium – Note de cadrage – Haute autorité de santé – 16/09/2022 / LES BRÈVES DE L’ASEF – SPÉCIAL CADMIUM – 14/12/2023 / Imprégnation de la population française par le cadmium. Programme national de biosurveillance, Esteban 2014-2016 – Santé publique France – 06/092021 / Directive 86/278/CEE relative à la protection de l’environnement et notamment des sols, lors de l’utilisation des boues d’épuration en agriculture – 01/01/2022
« J’assume d’être à la tête d’un gouvernement proénergie nucléaire. »
Dans son discours de politique générale, en janvier, le premier ministre Gabriel Attal réaffirmait le revirement majeur opéré en faveur de l’atome depuis la fermeture de la centrale de Fessenheim sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron.
L’urgence climatique est régulièrement avancée pour justifier ce virage stratégique opéré sans réel débat citoyen. Il convient de l’examiner avec rigueur en dépassant les stéréotypes dans lesquels nous enferment les débats polarisés entre « pros » et « antis ».
Posons en premier lieu les termes du débat : comme ses partenaires européens, la France s’est engagée à atteindre la neutralité climat en 2050, avec deux objectifs intermédiaires : réduire de 55 % d’ici 2030 les émissions nettes de gaz à effet de serre par rapport à 1990 et de 90 % d’ici 2040, si les propositions de la Commission européenne sont retenues.
Un tel défi implique d’opérer deux mutations majeures en matière énergétique :
rompre avec la croissance passée de la demande en visant une diminution de moitié de l’utilisation finale d’énergie d’ici à 2050,
accélérer l’électrification des usages pour favoriser la décarbonation.
En dépit de la baisse nécessaire de la demande totale d’énergie, l’utilisation d’électricité décarbonée va devoir augmenter. Pour la produire et chasser les sources fossiles du système, on peut utiliser des sources renouvelables et/ou recourir à l’énergie nucléaire résultant de la fission des atomes.
Singularité française
Dans la majorité des pays, l’atome joue un rôle secondaire ou nul dans la fourniture d’électricité. En 2022, il n’a fourni que 9,2 % de l’électricité mondiale.
Dans le scénario de décarbonation le plus ambitieux de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la production d’électricité d’origine nucléaire augmente en valeur absolue, mais elle ne fournit que 8 % de l’électricité mondiale en 2050, le déploiement des renouvelables primant.
Le cas de la France est tout à fait singulier. Avec la Slovaquie (et l’Ukraine avant la guerre), c’est le seul pays au monde où le nucléaire fournit plus de la moitié de l’électricité (65 % en 2023, 78 % en 2005). Avec 56 réacteurs en service, notre pays dispose de plus de la moitié de la puissance nucléaire installée au sein de l’Union européenne. L’électricité y est, avec celle des pays nordiques, la plus décarbonée du continent.
La grande majorité des réacteurs en activité (dits de seconde génération par opposition aux EPR de 3e génération) ont été construits en un temps record après le choc pétrolier de 1973. Depuis 1999, la capacité installée reste sur un plateau et les moyens de production vieillissent : déclasser toutes les centrales ayant effectué 40 années de service – hypothèse retenue lors de leur conception – provoquerait un affaissement brutal de la production d’électricité décarbonée d’ici à 2040 : c’est « l’effet falaise ».
Au bord de la falaise
En 2022, le pays a expérimenté les conséquences de la mise à l’arrêt d’une partie du parc. En l’absence de réserve de capacité d’offre de renouvelable, le recours à des centrales thermiques pour compenser la baisse du nucléaire a généré une hausse de 5 Mt des rejets de CO2 sur le territoire et de 3,1 Mt via l’importation d’électricité. Pour ne pas tomber de la falaise et respecter nos objectifs climatiques, on aura besoin d’ici à 2040 à la fois d’un accroissement rapide des sources renouvelables et de l’utilisation du parc nucléaire existant.
Cela nécessite des investissements de mise à niveau des centrales pour prolonger leur exploitation sur des périodes décennales après les visites de contrôles opérées par l’autorité de sûreté (ASN). Le coût de ces investissements, dit du « grand carénage », a été estimé en 2020 à 50 milliards d’euros par EDF. En ajoutant l’inflation apparue depuis, on peut tabler sur une somme de l’ordre de 55 milliards d’euros, soit 1 milliard d’euros par réacteur ou encore 150 à 200 euros par tonne de CO2 évitée.
C’est considérable. Le coût du mégawatt-heure (MWh) du nucléaire historique en sera renchéri, souvent au-delà de celui des nouvelles sources renouvelables. C’est le prix à payer pour les imprévoyances du passé et notre retard en matière d’énergie renouvelable. Cela ne préjuge en aucune façon des décisions à prendre sur le nouveau nucléaire.
Une technologie encore en développement
Le schéma gouvernemental de relance du nucléaire porte sur des réacteurs EPR2, d’une capacité voisine de celle de l’EPR de Flamanville, avec un design simplifié pour réduire les coûts de construction. Dans un premier temps, trois paires d’EPR2 sont programmées : l’idée est ensuite de passer à la vitesse supérieure en multipliant les EPR2 pour bénéficier d’économies d’échelle.
Par rapport à Flamanville, dont le chantier aura duré 17 ans pour un démarrage en 2024, on peut espérer un raccourcissement des délais de construction. Mais l’EPR2 est un nouveau réacteur dont il faut finaliser le design. Son chantier fera face aux imprévus propres aux « têtes de série ».
Le programme des EPR2 n’aura pas d’impact significatif sur l’offre électrique avant 2040. Sous l’angle climatique, il ne se justifie que s’il permet de fournir les électrons décarbonés après 2040 à des conditions plus avantageuses que les énergies de flux.
Cela se juge en projetant dans le futur les coûts du nucléaire et du renouvelable à partir de ce qu’on connaît de leurs dynamiques. En la matière, les informations sont bien plus nombreuses et vérifiables pour le renouvelable que pour le nucléaire, très opaque.
Les trajectoires divergentes des coûts directsLe solaire et l’éolien ont connu un effondrement de leurs coûts directs de production avec l’allongement des séries de production et l’augmentation des puissances installées. Cette dynamique se poursuivra, même si elle est infléchie par deux effets contraires : le renchérissement des métaux utilisés et celui du foncier.
Côté nucléaire, on observe plutôt un accroissement des coûts des chantiers dont la durée ne baisse pas, surtout dans les pays démocratiques où le coût de la sécurité est mieux pris en compte que dans les régimes autoritaires. Il revient aux promoteurs de l’EPR2 d’expliciter les méthodes permettant de contrecarrer la tendance à l’accroissement des coûts.
Les coûts indirects du renouvelable et du nucléaire
À ces coûts directs s’ajoutent des coûts indirects. Pour le renouvelable, les coûts indirects concernent, à titre principal, ceux liés à l’adaptation du réseau – peu compressibles – et ceux de l’intermittence – qui ont déjà fortement fléchi grâce aux progrès du stockage par batterie. Une tendance amenée à s’amplifier avec le recours au numérique et à l’intelligence artificielle pour une gestion optimisée de la demande, et avec la baisse du coût de l’hydrogène décarboné pour le stockage intersaisonnier.
Pour le nucléaire, les coûts indirects sont ceux du démantèlement des réacteurs en fin de vie et de la gestion du combustible.
Les premiers sont théoriquement intégrés dans l’estimation du coût du programme EPR2 par EDF : 67,4 milliards d’euros, soit 11 milliards par réacteur hors frais financiers. Il est cependant difficile de savoir comment ils sont anticipés. L’opérateur dispose d’une courbe d’expérience limitée puisqu’aucun des travaux de démantèlement engagés sur six des réacteurs mis à l’arrêt depuis 1985 n’a pas encore été achevé.
Le coût additionnel de traitement des combustibles n’est pas intégré dans les 67,5 milliards. Il devrait se chiffrer en dizaines de milliards. Il sera alourdi par l’option française en faveur du retraitement du combustible qui exigera des investissements lourds dans les usines de retraitement de La Hague et de Marcoule.
De plus, les EPR2 vont augmenter la production annuelle des déchets d’uranium, aujourd’hui en partie retraités en Russie par l’opérateur d’État Rosatom jusqu’à présent épargné des sanctions occidentales.
Les milliards du nucléaire n’iront pas au renouvelable
Un troisième paramètre doit être pris en compte. Le programme EPR2, parallèlement à celui du grand carénage, va exercer une pression massive sur les ressources. Et bien sûr, les milliards du nucléaire n’iront pas au renouvelable.
Derrière les milliards, il y a des équipements qui ne sont pas interchangeables, mais aussi beaucoup de travail qualifié dont le manque pèse déjà sur le déploiement du renouvelable. Non seulement le programme EPR2 ne semble pas la voie la plus économe pour atteindre les objectifs climatiques post 2040, mais sa mise en œuvre menace l’atteinte de ceux visés en 2030 et en 2040 grâce au renouvelable.
Le même regard d’économiste du climat qui portait un diagnostic favorable au programme de réinvestissement dans le nucléaire historique conduit donc à un jugement opposé pour le programme EPR2.
Les innovations technologiques sont-elles susceptibles de déplacer le balancier en faveur du nouveau nucléaire ?
Petits réacteurs modulaires, promesses et risques
Si le nucléaire a capté une part des dépenses de R&D bien plus élevée que le renouvelable au cours des 50 dernières années, les innovations changeant la donne économique ont jusqu’à présent été le fait des énergies renouvelables. Des sommes importantes continuent d’être investies sur la fusion nucléaire ou les réacteurs de 4e génération à neutrons rapides.
L’innovation des petits réacteurs modulaires (SMR) est d’une autre nature. Elle consiste à cesser la course à la taille, pour fabriquer des unités de puissance unitaire beaucoup plus petite, susceptibles d’être alignées de façon modulaire, pour adapter l’offre aux besoins énergétiques.
Le second objectif visé est une baisse drastique des coûts, grâce à l’usinage en série des équipements, le chantier ne consistant plus qu’à assembler les pièces préfabriquées.
Plus de 80 projets de SMR ont été recensés par l’AIEA. Les constructeurs historiques ajoutent à leur catalogue des versions modulables et rétrécies de leurs réacteurs et de nouveaux entrants s’engouffrent dans le créneau. Pour l’heure, aucun n’a montré comment la promesse de baisse des coûts pourrait être tenue.Imaginons que la promesse de baisse de coûts se concrétise. Le déploiement des SMR poserait de nouvelles questions de sécurité : multiplier les sites nucléaires civils accroîtrait les risques de détournement à des fins terroristes ou militaires. Un risque à ne pas sous-estimer dans le contexte de tensions géopolitiques croissantes.
En l’état actuel des informations, la prise en compte des projets SMR ne permet donc pas d’infléchir le balancier : sous l’angle économique, l’urgence climatique n’est pas un argument pertinent pour justifier la relance du nouveau nucléaire.
18 mars 2024 Christian de Perthuis Professeur d’économie, fondateur de la chaire « Économie du climat », Université Paris Dauphine – PSL