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09 août 2023 ~ 0 Commentaire

4 records inquiétants (france info)

rechauffment

Barils de pétrole, avions dans le ciel, arbres décimés… Quatre records inquiétants pour la lutte contre le réchauffement climatique

Alors que l’année 2023 voit les conséquences du réchauffement climatique se multiplier, plusieurs indicateurs vont dans le sens contraire de ce que la lutte contre cette crise mondiale imposerait.

L’Atlantique au plus chaud, les pays du pourtour méditerranéen en pleine canicule, l’Antarctique qui fond toujours plus vite…

Les indicateurs climatiques s’emballent en 2023. Dernier exemple en date, l’agence européenne Copernicus a déclaré, mardi 8 août, que le mois de juillet avait été le plus chaud jamais enregistré sur Terre. Pourtant, l’origine de ces conséquences du réchauffement climatique est établie de longue date, notamment par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) dès les années 1990 (PDF).

Ce sont les activités humaines, qui dépendent actuellement largement du pétrole, du charbon et du gaz, qui sont responsables. Plus de trente ans après, en 2023, plusieurs records démontrent que la transition vers une sortie de ces énergies fossiles est encore loin d’être enclenchée.

Une demande en charbon jamais aussi élevée

Principale source d’émissions de CO2 dans l’atmosphère, le charbon n’a jamais été autant consommé. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a rapporté le 27 juillet un « plus haut historique » en 2022, avec plus de 8 300 millions de tonnes brûlées, et s’attend à un « niveau record » en 2023.

Même si les énergies renouvelables, aux faibles émissions de CO2, sont exploitées partout dans le monde, la transition énergétique « n’a pas lieu », conclut un rapport du réseau REN21, regroupant gouvernements, organisations internationales, industriels ou encore scientifiques, cité par Le Monde .

« Depuis une dizaine d’années, il y a des annonces très positives. Il y a une accélération du déploiement des renouvelables. Mais en parallèle, la demande continue de croître et on reste à 80% de l’énergie consommée dans le monde d’origine fossile », déplore auprès de franceinfo Rana Adib, directrice exécutive de REN21.

« Les renouvelables ne remplacent pas les fossiles. Pour le moment, clairement, c’est un ajout. »,Rana Adib, directrice exécutive de REN21,à franceinfo

La responsable cite deux exemples de signaux contraires à ce que la crise climatique imposerait : les centaines de nouvelles licences d’exploitation de gaz et de pétrole accordées par le Royaume-Uni fin juillet et le record mondial, en 2022, de subventions publiques dirigées vers les énergies fossiles, établies à « plus de mille milliards de dollars » par l’AIE.

Le pétrole attendu au plus haut en 2023

Autre énergie fossile utilisée principalement pour les transports et l’industrie de la pétrochimie, le pétrole bat lui aussi tous les records. En 2023, l’AIE prévoit une demande jamais égalée de 102,1 millions de barils en moyenne par jour, a-t-elle fait savoir le 7 juillet. Et l’agence s’attend à de nouveaux records chaque année, selon ses prévisions jusqu’en 2028.

L’année 2022 restera également dans les annales, puisque les cinq majors pétrolières que sont Shell, Chevron, ExxonMobil, TotalEnergies et BP ont réalisé des bénéfices record, engrangeant 151 milliards de dollars de bénéfice net.

Un nombre record d’avions dans le ciel

Le secteur de l’aviation est en plein essor, malgré un impact sur le climat « 200 fois supérieur » au train, rappelle l’Ademe. Le site spécialisé Flightradar24, qui suit les vols commerciaux, privés et militaires depuis 2007, l’explique : « Le trafic aérien a constamment augmenté dans le monde avant la pandémie de Covid et la demande que nous constatons actuellement reflète un retour à cette croissance. » Jusqu’à atteindre des records en 2023. « Notre jour le plus fréquenté depuis toujours a été le 20 juillet 2023, pendant lequel nous avons enregistré 262 103 vols », décrit à franceinfo Ian Petchenik, de Flightradar24.

Alors que l’aviation représente 2 à 6% des émissions mondiales de CO2, selon le périmètre retenu, cette part pourrait donc évoluer. « Compte tenu de la croissance forte attendue par le secteur [environ 3% par an au moins] , sa part dans les émissions mondiales peut facilement croître, et ainsi peser encore plus lourd dans le réchauffement climatique », confirme le cabinet de conseil spécialisé Carbone 4.

La déforestation en hausse dans le bassin du Congo

C’est la deuxième plus grande forêt tropicale au monde, derrière l’Amazonie. Alors que dans cette dernière, la déforestation fluctue plutôt à la baisse selon les données de l’Institut national de recherches spatiales du Brésil, le bassin forestier du Congo voit, lui, davantage d’hectares disparaître chaque année.

Réparti entre six pays – la République démocratique du Congo, le Cameroun, le Gabon, la République centrafricaine, la République du Congo et la Guinée équatoriale – il a perdu près de 650 000 hectares en 2022, selon les données du Global Forest Watch.

Une surface sans précédent, d’après cette plateforme d’observation des forêts mondiales, qui invite toutefois à rester prudent « en comparant les anciennes et les nouvelles données avant et après 2015″, leur méthode de calcul ayant évolué. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) démontre toutefois bien que la superficie forestière diminue de manière croissante depuis les années 1990.

Près de 80% (512 672 hectares) de cette perte se fait entre les frontières de la République démocratique du Congo, où l’expansion de l’agriculture grignote la forêt primaire, explique Global Forest Watch. « L’humanité n’est pas sur la bonne voie pour respecter ses principaux engagements liés aux forêts », alerte l’observateur.

Or, le bassin du Congo constitue un véritable enjeu de lutte contre le réchauffement climatique. « Les forêts tropicales primaires sont celles qui captent le plus de carbone et en rejettent le plus dans l’atmosphère quand elles sont déforestées, par rapport aux forêts boréales par exemple », explique Marine Gauthier, chercheuse-doctorante au sein de l’Institut des hautes études internationales et de développement. Si elle reconnaît des efforts mondiaux pour réduire la destruction des forêts, comme le programme REDD+, cette experte en gouvernance forestière souligne que « la lutte contre la déforestation se heurte à des barrières économiques et aux profits que peuvent représenter les ressources naturelles de la forêt et de son sous-sol ».

Camille Adaoust 09/08/2023

https://www.francetvinfo.fr/

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20 juillet 2023 ~ 0 Commentaire

édito (npa)

Crédit Photo Photothèque Rouge / JMB
 La planète brûle et le gouvernement félicite les pollueurs

Le 14 juillet, Patrick Pouyanné, PDG de TotalÉnergies, était promu au rang d’officier de la Légion d’honneur, sur proposition du ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Le même jour, la ville de Phoenix, capitale de l’Arizona, enregistrait son quinzième jour consécutif au-dessus de 43°C. La conjonction de ces deux informations en dit malheureusement long sur l’absence totale de préoccupation écologique du gouvernement et, pire encore, sur son soutien appuyé aux multinationales climaticides.

Records de chaleur

Depuis le début de l’été, les informations se succèdent qui confirment que nous sommes en train de traverser une vague de chaleur historique. Début juillet, le record mondial de chaleur moyenne sur Terre était battu quatre jours de suite, soit la semaine la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Le mois de juin avait déjà été mesuré par l’observatoire européen Copernicus comme le plus chaud au regard des données accessibles.

Pas un jour ne passe sans que de nouveaux records soient battus, avec actuellement des vagues de chaleur particulièrement intenses dans l’hémisphère Nord : 41°C en Grèce, 46°C en Algérie, 48°C en Italie et plus de 50°C aux États-Unis ou en Chine…

Et pendant ce temps, au Canada, des mégas feux ravagent le pays depuis des mois : 900 feux y sont actuellement actifs, dont 570 déclarés « hors de contrôle » par les autorités. Ce sont pas moins de 10 millions d’hectares de forêt qui ont disparu, soit près d’un cinquième de la surface de la France.

« C’est normal, c’est l’été » ?

Face à ces phénomènes majeurs, certains irresponsables nous expliquent que « C’est normal, c’est l’été, il fait chaud ». Toutes les études et tous les chiffres convergent pourtant, confirmant les alertes incessantes de ces dernières décennies, entre autres les rapports du GIEC, qui rappelait dans une synthèse de son sixième rapport en mars 2023 que « les activités humaines, principalement par le biais des émissions de gaz à effet de serre, ont sans équivoque provoqué le réchauffement de la planète ».  

Avec des conséquences particulièrement désastreuses, en particulier pour les populations les plus précaires et les plus fragiles : incendies, sécheresses, famines, inondations. Mais aussi pour la biodiversité, avec des effets dont on a aujourd’hui du mal à mesurer l’ampleur mais qui se vérifient là aussi chaque jour, avec la menace d’une 6e crise d’extinction majeure (un million d’espèces menacées selon différents rapports scientifiques).

Il y a urgence ! 

Et pendant ce temps-là, on décore donc de la Légion d’honneur le PDG de TotalÉnergies, qui déclarait, quelques jours avant de recevoir sa petite médaille : « TotalÉnergies, je l’assume, continuera de produire des énergies fossiles parce que ce sont celles du système énergétique qui nous fait vivre aujourd’hui. » Et pendant ce temps-là, on nous annonce un doublement de la flotte d’avions par Airbus d’ici à vingt ans, la poursuite de l’usage de pesticides connus pour leur conséquences délétères sur la biodiversité, et on nous donne des conseils « rafraîchissement » pour s’adapter à la canicule.

Merci, mais non merci ! 

L’urgence est là, on le constate chaque jour, alors que l’on constate non seulement l’inaction de ceux qui nous gouvernent mais, pire encore, leurs encouragements à continuer sur la même voie, le pied sur l’accélérateur. L’urgence est là, et il n’y a rien à attendre des capitalistes.

L’espoir est bien dans les luttes ! Il est notamment urgent de développer des campagnes larges, populaires et unitaires contre l’extraction et l’usage des énergies fossiles, et contre tous les projets inutiles et climaticides. Il n’est pas trop tard pour agir, pour rompre avec la course folle de ce système capitaliste et productiviste.

Le 18 juillet 2023

https://nouveaupartianticapitaliste.org/

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14 juillet 2023 ~ 0 Commentaire

algues (basta!)

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Les algues vertes grignotent la Bretagne et le vivant

L’alerte a été lancée il y a plus de 50 ans sur la pollution d’origine agricole des algues vertes et la mort de plusieurs personnes et animaux. Mais les autorités n’ont toujours pas pris les mesures adaptées à ce phénomène abondamment documenté.

La température a baissé de quelques degrés en cette journée de juin. Les joggeurs courent sur les hauteurs de la plage de la Grandville à Hillion et quelques marcheurs promènent leur chien. Des touristes s’arrêtent pour jeter un œil sur la baie de Saint-Brieuc. La plupart font rapidement demi-tour : une forte odeur d’œuf pourri envahit instantanément les narines. Elle provient des algues vertes qui s’échouent au gré des marées, sèchent, se décomposent au fil des jours et dégagent de l’hydro­gène sulfuré (H2S), un gaz potentiellement mortel. Sur le sable, certains tentent de lézarder au soleil.

Des empreintes de sabots de chevaux croisent les traces de roues des quelques camions-bennes chargés de ramasser ces fameuses algues vertes. À l’entrée de la plage, des panneaux mettent en garde sur le « danger temporaire » lié au « dépôt d’algues en putréfaction ».

Un écriteau donne quelques consignes de sécurité, sur un autre sont colorées en jaune et en rouge des zones de la plage auréolées d’un symbole sens interdit. « Ce n’est pas qu’une question de danger, mais bien de destruction totale de tout ce qui vit dans ces zones ! Depuis cinquante ans, rien n’a changé malgré les alertes », déplore Yves-Marie Le Lay, en accrochant son détecteur de gaz au rebord de sa botte en caoutchouc.

Gaz toxique

Quand il organise des expéditions sur ces zones, le président de l’association Sauvegarde du Trégor-Goëlo-Penthièvre ne plaisante pas avec le protocole : bottes obligatoires, deux détecteurs de gaz portable, une pelle et un masque à gaz qui protège aussi les yeux. « Je vérifie le taux de H2S, et ensuite vous pourrez venir. Suivez-moi bien, car si vous faites un pas de côté, vous pouvez crever une poche de gaz toxique ! Si ça sonne à 20 ppm [partie par million], normalement il faut dégager tout de suite. » Une haute dose de prudence nécessaire.

Les algues vertes fraîches, régulièrement emportées par les marées, ne sont pas dangereuses. Elles le deviennent lorsqu’elles stagnent sur la plage et forment une croûte blanche qui accélère la décomposition de la matière végétale. Leur omniprésence dans certaines baies bretonnes s’explique par plusieurs raisons : la mer peu profonde et claire permet la photosynthèse, les faibles courants ou coefficients de marée faibles les empêchent de repartir au large, et l’apport excessif en nitrates venant des cours d’eau les nourrit. Un cocktail explosif et pestilentiel, provenant de l’agriculture intensive puisque les nitrates sont présents dans les engrais et les déjections d’animaux d’élevage.

Armé de vigilance et de ses années d’expérience, Yves-Marie Le Lay s’aventure sur les plaques d’algues qui craquent sous ses pas. En dessous, la mixture se révèle couleur noir goudron. Il approche le détecteur qui sonne à 132 ppm. Au deuxième trou, à 150 ppm, et au troisième trou, à 474 ppm !

Précision : le détecteur est plafonné à 500 ppm. Selon le Haut Conseil de la santé publique, entre 50 et 100 ppm, on peut observer des troubles du système nerveux, des céphalées, et des effets sur le système digestif, les bronches, la peau et les yeux. À 100 ppm, le gaz anesthésie le nerf olfactif. À 500 ppm, les symptômes sont neurologiques (pertes de conscience, coma) avec troubles respiratoires, perturbations du rythme cardiaque et, « sans intervention, le décès survient rapidement ». Des humains et des autres espèces vivantes.

Le silence domine étrangement sur la plage, dont la surface est bien lisse : aucun petit trou dans le sable, refuge habituel des puces de mer à la recherche d’humidité. Quelques crabes morts et morceaux de moules ou de coques cassées sont éparpillés. Quand on creuse, aucune trace de gravette, ce petit ver friand des fonds sablo-vaseux. « La gravette est une espèce ultrarésistante, donc un précieux témoin de la pollution des sols », glisse Yves-Marie Le Lay.

Prise de conscience

Les associations Sauvegarde du Trégor et Halte aux marées vertes œuvrent depuis des années pour mettre en lumière les intoxications au H2S d’hommes et d’animaux, dont certains n’ont pas survécu : des chiens ont été retrouvés sans vie sur une plage d’Hillion en 2008 ; en juillet 2009, Thierry Morfoisse, chauffeur transporteur d’algues vertes à la déchetterie, décède au volant de son camion à Binic ; quelques jours plus tard, un cheval tombé dans un trou plein d’algues en putréfaction meurt à Saint-Michel-en-Grève.

« La prise de conscience du préjudice écologique met du temps, car c’est l’humain d’abord, comme si l’homme était en dehors de la chaîne du vivant, alors qu’il n’est que le dernier maillon ! Et même des écolos peuvent être victimes du déni », dénonce Yves-Marie Le Lay.

De sa maison vigie, André Ollivro a une vue imprenable sur la plage de la Grandville. Il est catégorique : la mer a changé de visage au fil des années. Les tas d’algues vertes abandonnés ont freiné l’évolution naturelle des sédiments, façonné imperceptiblement le sable, les herbes ont poussé, des rochers ont été ensablés et la mer a reculé.

« J’ai une photo où toute ma famille pose sur un rocher, juste en dessous de ma maison. Le rocher n’existe plus, témoigne celui qui est l’un des lanceurs d’alerte sur les marées vertes. Au début, les algues, c’était de la “salade verte”, avec plein de petits poissons. Puis elles se sont accumulées, mais on ne pouvait pas s’apercevoir que ça perturbait l’estran, la biodiversité. »

« Avant, on y trouvait des crevettes grises, mais aussi des coques, des carrelets, des plies, et même des soles, des bars, qu’on pêchait avec quarante hameçons accrochés à des lignes de fond », confirment Michel et Raymond, deux promeneurs croisés au hasard, qui connaissent cette plage depuis leur enfance.

Défendre le vivant

Ces impacts sur la biodiversité restent assez méconnus du grand public et ne passent pas en priorité dans les considérations des politiques publiques. Pourtant, des études scientifiques les pointent depuis plus de vingt ans. Il a ainsi été démontré que les algues vertes ont tendance à garder plus longtemps les bactéries fécales qui contaminent le milieu marin et à étouffer toute la vie (coquillages, bestioles, puces de mer, etc.).

Une autre documente la manière dont les algues vertes s’approprient le phytoplancton, réduisant la quantité d’aliments pour les coquillages sauvages ou les moules. Jean-Yves Piriou, ancien chercheur à l’Ifremer, déplore la frilosité de certains scientifiques. « En 1985, nous avons d’abord voulu comprendre comment et pourquoi ce phénomène se produisait. Par la suite, personne n’a voulu prendre le relais pour analyser son impact écologique global. Peut-être parce que certains résultats peuvent gêner le macrocosme politique et les lobbys agroalimentaires », lâche celui qui est aujourd’hui vice-président de France nature environnement Bretagne.

Pour défendre le vivant, l’association Sauvegarde du Trégor a décidé de déposer un recours contre le préjudice écologique causé par les marées vertes, c’est-à-dire les atteintes aux services écosystémiques apportés par l’environnement. Si la justice tranche en leur faveur, la réparation de ce préjudice devra en premier lieu intervenir en nature. Bien mieux que des dommages et intérêts, qui n’incitent pas à l’action sur le long terme. Leur but : obtenir une injonction ferme envers le préfet des Côtes-d’Armor.

Responsabilité du préfet

Celui-ci « a une double responsabilité, résume Maître Andréa Rigal-Casta. Il est à la fois l’autorité ayant pouvoir de police pour inspecter les exploitations agricoles à l’origine du trop-plein d’azote, mais aussi l’autorité de protection de la réserve naturelle de la baie de Saint-Brieuc, donc il a accès à toutes les informations concernant la dégradation de la biodiversité. Il ne peut en aucun cas se dédouaner ! » En outre, le décret de 1998 créant la réserve naturelle lui donne tous pouvoirs « en vue d’assurer la limitation d’animaux ou de végétaux surabondants dans la réserve ». 

Lors de l’audience au tribunal administratif de Rennes le 22 juin, tout le monde a été agréablement surpris d’entendre le rapporteur public admonester l’administration pour ses échecs chroniques pour endiguer les marées vertes, et lui enjoindre de prendre enfin des mesures concrètes. Mais il a été plus hésitant sur le préjudice écologique. « C’est l’éternelle question du lien de causalité ! Car le magistrat attend une étude scientifique ferme et sans appel qui l’établisse, mais c’est impossible, car les scientifiques ne formulent que des hypothèses. Et demander aux associations ou aux particuliers de faire des inventaires faune et flore dans d’immenses zones revient à renverser la charge de la preuve, alors que ce n’est pas à leur portée », s’insurge l’avocat.

« Quand la biodiversité meurt, l’homme est menacé. Et les menaces ont été mises à exécution, notamment avec la mort de Jean-René Auffray, juste ici ! » clame Yves-Marie Le Lay en pointant du doigt une vasière envahie d’algues vertes au cœur de l’estuaire du Gouessant, qui se jette dans la baie de Saint-Brieuc. En 2016, ce joggeur de 50 ans est venu allonger la liste des victimes, même si faire reconnaître le lien de causalité entre son décès et la présence d’algues vertes reste une ardente bataille. À quelques mètres de là, des sangliers et des marcassins avaient été retrouvés morts en 2011, ainsi qu’un blaireau et deux ragondins.

Inaction politique

Au niveau du chemin de randonnée qui contourne l’estuaire, la mairie d’Hillion a installé un panneau signalant l’interdiction d’accéder à la zone entourant le ruisseau du Crémur, à cause de la dangerosité des vasières et des courants. Quelqu’un a ajouté en majuscules : « Oubli : Les algues vertes ».

En ce mois de juin, seuls quelques canards se baignent sans mettre le bec dans l’eau, mais aucun échassier ni aucune oie bernache. Ce morne estuaire se situe dans un vallon, réceptacle des écoulements provenant des champs juchés sur les plateaux.

L’un est passé en agriculture bio, l’autre non. « Le seul levier efficace est la diminution drastique des apports en nitrates. Donc il faut accompagner réellement et financièrement les agriculteurs pour qu’ils fassent leur transition. Mais, en ce moment, “l’Amiral” préfère ramasser les algues à la petite cuillère avec le bateau expérimental de la préfecture ! » peste Gilles Monsillon, coprésident de l’association Halte aux marées vertes, ciblant Mickaël Cosson, député Modem et ancien maire d’Hillion.

L’association prône une diminution du cheptel de 50 % d’ici à 2050 et un moratoire sur les fermes usines, seule solution pour des bénéfices durables sur les sols, les rivières, la biodiversité et le climat. « Il faudrait un tremblement de terre pour changer le modèle agricole breton ! » tonne André Ollivro avant de rejoindre son combat du moment : préserver une zone humide des débordements d’une fosse à lisier. Car, oui, tous les combats sont liés, tous les êtres vivants sont interconnectés.

Vanina Delmas (Politis) 13 juillet 2023

https://basta.media/

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06 juin 2023 ~ 0 Commentaire

espagne (lutte ouvrière)

Affiche_CNT-FAI_guerre_civile_d'Espagne

Espagne : la droite progresse sur le discrédit de la gauche

Dimanche 28 mai, après une déroute sévère aux élections municipales et régionales dans quatorze communautés autonomes sur dix-sept, le gouvernement de gauche espagnol a décidé d’avancer au 23 juillet les législatives initialement prévues pour l’automne.

Le principal parti du gouvernement, le Parti socialiste (PSOE), a perdu plus de 400 000 voix à l’échelle nationale. Son allié Podemos, le parti de Pablo Iglesias, disparaît des conseils municipaux de Madrid et Valence, respectivement capitale et troisième ville du pays, et de cinq gouvernements régionaux qu’il partageait avec les socialistes.

La droite remonte, avec plus de sept cent mille voix d’avance pour le Parti populaire (PP), qui ne retrouve toutefois pas ses niveaux historiques de 2011. C’est donc bien la dégringolade des résultats de la gauche qui met la droite en position de force et va lui permettre de gouverner dans presque toutes les régions, à condition de trouver des alliances avec le parti d’extrême droite Vox, qui continue à progresser.

Face à la débâcle, le chef du gouvernement, le socialiste Pedro Sanchez, a annoncé mardi 30 mai des élections législatives anticipées. Bien que les multiples alliances et recompositions de la « gauche de la gauche » compliquent les comparaisons, il est évident que Podemos paie tout autant que le PSOE ses quatre ans passés au gouvernement.

Au cours de ces quatre années, les classes populaires, frappées par la crise économique aggravée par la pandémie, ont attendu en vain que la gauche apporte les solutions miracle promises. Le « gouvernement le plus progressiste de l’histoire » n’a pas résolu la crise du logement, qui a encore empiré après l’éclatement de la bulle immobilière en 2008, malgré la promesse de quelques dizaines de milliers de logements sociaux en plus.

Il n’a pas empêché la baisse des salaires réels mangés par l’inflation, malgré une revalorisation du salaire minimum annoncée en fanfare. Quant à la précarisation du travail, l’invention d’un nouveau CDI au rabais a fait monter le nombre d’embauchés en fixe, mais sans pour autant les protéger de la précarité.

Comble de l’hypocrisie, le « dialogue social » a récemment permis de trouver un accord entre syndicats et gouvernement sur les retraites… sans remettre en cause le report de l’âge légal à 67 ans, et même en accélérant son application.

Enfin, beaucoup d’anciens électeurs de Podemos, s’ils n’avaient pas beaucoup d’illusions sur l’amélioration de leur sort, espéraient tout de même une abrogation des mesures répressives adoptées par la droite contre le mouvement des Indignés de 2011, la fameuse Ley Mordaza (la « loi bâillon »). Ils en ont été pour leurs frais.

La déception aura fait s’abstenir beaucoup d’électeurs de gauche. Pourtant, le gouvernement de Pedro Sanchez n’a fait que son travail en alignant des milliards pour le patronat pendant la pandémie, en augmentant considérablement le budget militaire pour participer au réarmement général, et en envoyant les blindés de la police contre les métallos en grève à Cadix, en 2021.

Son travail est bien de démobiliser les classes populaires et les travailleurs en se présentant comme l’aboutissement de leurs luttes, puis de leur faire avaler des pilules de plus en plus amères, au moment où la droite était discréditée par des affaires de corruption.

La gauche de gouvernement, social-démocrate ou « radicale », le paie d’une claque électorale. Pour les travailleurs, aux conséquences de cette politique va désormais s’ajouter l’arrogance retrouvée d’une droite renforcée appuyée sur une extrême droite nostalgique du franquisme.

Face à un patronat à l’offensive, ils ne devront compter que sur leur combativité et leur conscience de classe, et certainement pas sur les politiciens paniqués qui proposent, avec une nouvelle union de la gauche, de remettre une pièce dans la machine à illusions.

Laura Samos 31 Mai 2023

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02 juin 2023 ~ 0 Commentaire

maïs (jdd)

Land-Grab

Climat, sécheresse, pesticides… C’est quoi le problème avec le maïs ?

Épouvantail de « l’agrobusiness » pour les uns, bouc émissaire injustement accusé pour les autres, le maïs enflamme les débats. Adaptation au dérèglement climatique, consommation d’eau, impact de l’élevage… Il est au cœur des dilemmes qu’affronte l’agriculture française actuellement.

L’extrait vidéo a été visionné plus d’un million de fois sur Twitter. Invitée de Public Sénat le 14 avril, la députée La France insoumise Aurélie Trouvé déclare : « Je voudrais donner un chiffre qu’on oublie parfois : 25 % de l’eau consommée en France est consommée par le maïs. » Cette ingénieure agronome de formation, ancienne activiste altermondialiste, dénonce un « agrobusiness du maïs » : « En soixante ans, on a remplacé les prairies par le maïs et le soja pour nourrir les bêtes. […] On ne peut pas continuer avec ce modèle agricole. »

Rapidement, ses propos déclenchent une bataille de chiffres sur les réseaux sociaux. L’Association générale des producteurs de maïs (AGPM), affiliée à la FNSEA, répond en remettant ce pourcentage en perspective, sans le contester. Les articles de fact-checking se multiplient. Ils concluent que le calcul de la députée est hâtif et que l’ordre de grandeur est surévalué. Il n’empêche : « Environ 18 % de l’eau consommée l’est pour le maïs », rectifie Alain Charcosset, directeur de recherche à l’Inrae, généticien et spécialiste du maïs.

Le maïs en France, c’est environ 11 % de la surface agricole utile, 40 % de la production destinée à l’export, un excédent commercial d’1 milliard d’euros et de hauts rendements. Mais c’est aussi – tous nos interlocuteurs le confirment – un sujet inflammable. Car les épis jaune vif figurent parmi les cultures les plus secouées par la crise environnementale.

La guerre de l’eau

Première controverse : l’eau. « Contrairement à ce que l’on croit, le maïs valorise très bien l’eau, martèle Franck Laborde, président de l’AGPM. Il en faut environ 450 litres pour produire un kilo de maïs, contre 590 litres pour un kilo de pommes de terre ou 900 litres pour un kilo de soja. »

Le problème est ailleurs. Comme le sorgho ou le tournesol, ses graines sont semées au printemps et les plantes atteignent leur phase reproductive et leur taille maximale en juillet. Résultat, « le maïs a besoin d’eau à une période où les précipitations peuvent être inexistantes », indique Alain Charcosset. Et où les conflits sur la ressource sont de plus en plus aigus.

Tant que le pays était bien arrosé, ce calendrier ne gênait pas. Mais la ressource en eau a diminué de 14 % ces dernières décennies, selon le ministère de la Transition écologique, et le réchauffement climatique rendra les précipitations moins régulières.

Avec la sécheresse de 2022, la récolte de maïs grain et semences a été la plus faible depuis 1990 et la production de maïs pour le fourrage a reculé, selon Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture. Entre risque hydrique et cours en baisse, les semis pour 2023 sont au plus bas depuis trente ans.

La France, premier producteur européen de maïs en 2022 (source : Maiz’Europ’).

  • Maïs fourrage (plante entière) et ensilage (en silos) : 1,4 million d’hectares. Destiné à l’alimentation animale (ovins et bovins).
  • Maïs grain : 1,27 million d’hectares. Destiné à l’alimentation animale, à l’alimentation humaine (semoulerie, amidonnerie) et à l’industrie (bioéthanol, bioplastiques).
  • Maïs semence : 84 500 hectares.
  • Maïs doux : 23 800 hectares. Destiné à l’alimentation humaine.
  • Pop-corn : 9 000 hectares.

Dans ce contexte, l’irrigation irrite. Alain Charcosset tempère : « En 2020, 23 % des cultures de maïs étaient irriguées et cette proportion est en baisse. Donc la majorité des parcelles ne sont pas irriguées… Mais parmi les surfaces agricoles irriguées, il y a beaucoup de maïs ! »

Ingénieur agronome au sein de l’association Solagro, Sylvain Doublet appelle à changer la focale. « Quand on regarde de plus près, on s’aperçoit que les surfaces de maïs irriguées sont souvent situées autour de l’Adour-Garonne, le bassin le plus exposé au changement climatique en France », pointe-t-il.

Le Sud-Ouest est la région phare de la céréale jaune, qui nourrit aussi toute la filière volaille. « L’irrigation pose un impact majeur sur le fonctionnement du cycle de l’eau dans cette région, affirme-t-il. Plus les années climatiquement compliquées s’enchaînent, plus ça devient tendu. Parce que ces agriculteurs ont investi et ne peuvent plus faire demi-tour. »

S’adapter… ou tout changer ?

Le maïs pourra-t-il résister ? Franck Laborde en est convaincu et mise sur des variétés plus résistantes, une irrigation plus performante et le stockage de l’eau en hiver, controversé.

L’une des pistes les plus prometteuses consiste à semer plus tôt avec « des variétés à floraison précoce qui font l’essentiel de leur cycle avant les périodes de stress hydrique », souligne Alain Charcosset. « Il restera en France des régions adaptées à la culture du maïs », assure le généticien.

Mais quid des régions les plus exposées au réchauffement comme le Sud-Ouest ? Et avec quels rendements ? « Dans certains territoires, le manque d’eau peut, à la marge, modifier des assolements », reconnaît Franck Laborde à demi-mot, même si ce maïsiculteur et éleveur des Pyrénées-Orientales insiste sur l’importance économique et culturelle des épis jaunes dans sa région et invite à « ne pas balayer tout d’un revers de main ». « Sous 40 °C, la génétique ne pourra pas tout faire, avertit Sylvain Doublet. Les défis environnementaux sont tels que, cette fois, cela ne suffira pas. »

La bataille des pesticides

Car la nouvelle donne environnementale amène d’autres nuages sur les parcelles, notamment la nécessité de réduire la consommation de produits phytosanitaires. L’Union européenne veut la diviser par deux d’ici à 2030. Un défi pour le maïs, même s’il ne figure pas parmi les cancres.

Selon les données de l’Agreste, en 2017, respectivement 1 et 25 % des surfaces de maïs grain ont été traitées avec des fongicides (contre les champignons) et des insecticides, contre 94 et 23 % pour le blé tendre par exemple. « C’est l’une des espèces les plus propices à l’agriculture biologique, complète Alain Charcosset, car elle développe peu de maladies. »

En revanche, 98 % des parcelles ont reçu un herbicide, comme pour le blé. La filière s’est élevée contre l’interdiction du S-métolachlore. Au sein de l’AGPM, Franck Laborde s’explique : « C’est l’une des seules molécules autorisées comme herbicide du maïs. Sans ce produit, nous n’avons pas de solution efficace et nous subirons une distorsion de concurrence au niveau européen. »

Le carburant de l’élevage

Les rejets de carbone, justement, c’est le troisième point noir. Parce que cette plante fait carburer l’élevage français, responsable d’environ 14 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.

En fourrage ou en silos, il complète l’herbe que broutent les bovins. Selon l’Agreste, 24 % du fourrage utilisé en France est du maïs. Quant au maïs grain, 62 % des stocks consommés en France sont destinés à l’alimentation des ruminants, des volailles et des porcs.

 Dire qu’il faudrait produire moins de maïs en France pour moins irriguer et employer moins d’herbicides, ce serait mentir au consommateur . Franck Laborde

Pour Sylvain Doublet, le maïs est « la clé de voûte des filières d’engraissement des animaux, un système hyper optimisé dont l’objectif est de produire le plus possible dans le moins de temps possible ».

« Elles sont très dépendantes de la combinaison maïs/soja qui permet des croissances rapides », précise-t-il. D’après l’Agreste, le maïs pèse pour 16,2 % des aliments composés donnés au bétail, derrière le blé (22,3 %), suivi des tourteaux de soja (11,3 %). De quoi occasionner d’autres émissions de CO2, puisque « ce soja est lié à la déforestation au Brésil », ajoute l’ingénieur agronome.

Entre pression sur la ressource en eau et empreinte carbone de l’élevage, est-il raisonnable de continuer à cultiver autant de maïs ? La question est mal posée pour Franck Laborde. « Dire qu’il faudrait produire moins de maïs en France pour moins irriguer et employer moins d’herbicides, ce serait mentir au consommateur, prévient-il. Cela reviendrait à importer plus depuis l’est de l’Europe ou le Brésil, en fermant les yeux sur les conditions de production locales. »

Pour Sylvain Doublet, au contraire, « la porte de sortie, c’est de produire moins mais mieux ». Moins de viande, mais en prairies, et convertir les parcelles de maïs en cultures destinées à l’alimentation humaine. Dans un récent rapport, la Cour des comptes suggérait également de réduire le cheptel bovin.

Dans l’étude prospective Afterres 2050, Solagro imagine quel paysage agricole concilierait environnement, souveraineté alimentaire et santé. Il aboutit à une forte diminution des surfaces de maïs ensilage (qui passeraient d’1,2 million d’hectares en 2020 à 0,4 million en 2050) et un recul léger du maïs grain (d’1,4 à 1,2 million). Une condition pour que ça fonctionne : un régime alimentaire moins carné, sous peine de booster les importations de viande et de détruire la filière nationale. Dans ce climat tendu, cette menace met tout le monde d’accord.

Aude Le Gentil 02/06/2023

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02 juin 2023 ~ 0 Commentaire

douarnenez (le tel)

"See! All we have to do is wait!"

Douarnenez, une mobilisation qui se veut historique contre le mal-logement, le 10 juin

Une quinzaine de collectifs de l’Ouest de la France appellent à se réunir à Douarnenez, samedi 10 juin, pour le droit au logement.

Face à la spéculation foncière et à la concentration des résidences secondaires sur le littoral, une quinzaine de collectifs du Grand Ouest appellent à manifester à Douarnenez, samedi 10 juin, contre le mal-logement. Une mobilisation qui pourrait bien faire date.

« Ni volets fermés ni ghetto doré » : samedi 10 juin, à Douarnenez (29), une quinzaine de collectifs de l’Ouest de la France appellent à se mobiliser pour le droit au logement. La manifestation, initiée par l’association Tut Lorient et les collectifs Droit à la ville Douarnenez et DouarnVendez, démarrera à 12 h par un pique-nique sur le port du Rosmeur suivi, à 15 h, d’un défilé dans les rues de la cité Penn Sardin.

Quand se loger devient mission impossible

« En trois ans, la Bretagne a vu le nombre de ses résidences secondaires augmenter de 12 %. En parallèle, le nombre de personnes en attente d’un logement social a crû de 28 %, résume Maxime Sorin, du collectif Droit à la ville Douarnenez. Concrètement, accéder à un logement devient de plus en plus difficile pour les personnes bénéficiant de revenus modestes. Sans parler du fait que quand elles y accèdent, c’est encore trop souvent dans des habitats indignes qu’elles doivent parfois quitter le temps de la saison estivale. »

Il faut des mesures fortes, voire coercitives, afin qu’il devienne plus avantageux de louer à l’année que sur de courtes périodes.

Un projet de loi dans les tuyaux

Si d’ici quelques mois, une proposition de loi doit être étudiée pour remédier aux déséquilibres du marché locatif dans les zones touristiques, les militants des collectifs bretons pour le logement estiment qu’il faut aller plus loin : « Ce projet de loi contient plusieurs propositions majeures comme la suppression des niches fiscales pour les locations saisonnières ou la création d’une police du logement pour veiller à l’application de la loi, note Aodren Trehin, de Tut Lorient. Malgré tout, elle ne fait que supprimer des choses qui n’auraient jamais dû exister. Il faut des mesures plus fortes, voire coercitives, afin qu’il devienne plus avantageux de louer à l’année que sur de courtes périodes. »

Vers l’instauration de quotas ?

Outre la mise en œuvre de politiques publiques fortes pour limiter la marge de manœuvre des promoteurs spécialisés dans l’immobilier de luxe, les collectifs réfléchissent, notamment, à la création de quotas, comme instaurés à Saint-Malo : « Aujourd’hui, c’est ce qu’il y a de plus efficace pour limiter à la fois les résidences secondaires et les Airbnb qui sont l’un des plus gros facteurs du mal-logement. À l’inverse, la taxation des résidences secondaires fait presque office de mesure symbolique : à Saint-Nazaire, elle ne rapporte que 800 000 € par an, soit 300 € en plus sur le budget d’un ménage… C’est très insuffisant ! », dénonce Aodren Trehin.

Aujourd’hui, vu l’urgence de la situation, on ne peut plus se permettre d’attendre. La crise du logement, longtemps restreinte aux territoires touristiques, gagne du terrain.

Cette manifestation sera-t-elle un tournant dans la lutte pour le droit au logement ? Tous l’espèrent : « Aujourd’hui, vu l’urgence de la situation, on ne peut plus se permettre d’attendre, affirme Maxime Sorin. La crise du logement, longtemps restreinte aux territoires touristiques, gagne du terrain. Rééquilibrer le marché immobilier ne se fera pas du jour au lendemain : alors n’attendons pas et modifions la loi ! »

Laura Ayad  01 juin 2023

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douarn

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01 juin 2023 ~ 0 Commentaire

« nature » (libération)

rechauffment

Des chercheurs expliquent dans «Nature» pourquoi la Terre menace de devenir inhabitable

Plus de 40 experts alertent, dans la revue «Nature», sur le franchissement de 7 des 8 lignes rouges planétaires. Ces seuils fatidiques concernent principalement le climat, la biodiversité, l’eau douce, ainsi que les cycles de l’azote et du phosphore.

La planète tutoie ses limites et l’humanité se rapproche des «points de bascule négatifs, existentiels et irréversibles». Dans un article phare publié ce mercredi dans la revue Nature, une équipe pluridisciplinaire de plus de quarante scientifiques internationaux, nommée «la Commission de la Terre» («Earth Commission») formée en 2019 et pilotée par le ponte suédois Johan Rockström (l’un des pères fondateurs du concept de «limites planétaires», ces lignes rouges à ne pas franchir), tire la sonnette d’alarme sur les risques encourus pour «les populations du monde entier».

«En réduisant encore plus l’espace vivable disponible pour l’homme sur la planète, en resserrant les limites du système terrestre, de nouvelles recherches quantifient scientifiquement des dommages significatifs […] pour les individus, tels que la perte de vies, de moyens de subsistance ou de revenus, les déplacements, la perte de nourriture, d’eau ou de sécurité nutritionnelle, les maladies chroniques, les blessures ou la malnutrition», alerte le groupe de chercheurs dans sa publication.

Concrètement, les experts se sont penchés sur huit «seuils de sécurité et de justice» indispensables pour préserver «la sûreté des personnes et la stabilité de la planète». Sept de ces seuils auraient déjà été dépassés.

Cette publication s’inscrit dans la longue lignée d’articles scientifiques dédiés aux «limites planétaires». Théorisée en 2009 par Johan Rockström et plusieurs de ses collègues, la notion englobe neuf paramètres écologiques indispensables à l’équilibre du «système Terre» et, par extension, se rapporte aux seuils limites de perturbation que ces derniers peuvent endurer sans mettre en danger, de manière irréversible, les fondamentaux naturels de la planète.

Ces neuf variables, détraquées par l’activité humaine, relèvent des domaines du climat, de la biodiversité, du cycle de l’eau douce, de la couche d’ozone, de l’acidification des océans, des processus biochimiques de l’azote et du phosphore, de l’utilisation des terres, de la charge en aérosols atmosphériques, et enfin de la pollution radioactive ou chimique (plastiques, pesticides, solvants, polluants organiques persistants), nommée «entités nouvelles» dans les publications scientifiques.

En 2015, quatre de ces limites planétaires avaient formellement dépassé les seuils de précaution d’après les scientifiques : le climat, l’utilisation des sols, les cycles de l’azote et du phosphore, la biodiversité (avec un rythme d’érosion vertigineux). Depuis, le cycle de l’eau douce et la pollution chimique ont aussi atteint des stades très préoccupants.

Neuf indicateurs pour mesurer l’habitabilité de la Terre

Dans cet article inédit, les scientifiques réutilisent une partie de ces neuf indicateurs conçus par l’équipe du professeur suédois, aujourd’hui directeur de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique.

Mais la «Commission de la Terre» n’en compte désormais plus que huit dans ces nouveaux travaux, légèrement redéfinis, pour permettre à la fois d’évaluer «l’état de santé de notre planète en termes de stabilité et de résilience du système terrestre» (comme ils l’ont fait ces dix dernières années), mais aussi pour mesurer l‘habitabilité du «système Terre» «en termes de bien-être humain et d’équité et justice».

Ce n’est donc pas par hasard que figure parmi les auteurs principaux Joyeeta Gupta, professeure en environnement à l’Institut pour la recherche en science sociale de l’Université d’Amsterdam et spécialiste du développement inclusif. «Pour la première fois, la science définit les conditions environnementales nécessaires non seulement pour que la planète reste stable, mais aussi pour permettre aux sociétés, aux économies et aux écosystèmes du monde entier de traverser la crise», se félicite la chercheuse.

Les conclusions de Joyeeta Gupta et de ses pairs sont sans appel : sur les huit paramètres retenus, seul le domaine des aérosols émis dans l’atmosphère n’a pas atteint de seuil critique. «Pour toutes les limites définies dans cet article, limites qui prennent désormais en considération la question de la justice entre les humains et les différentes espèces, on va vers le pire. Qu’il s’agisse du climat, de l’eau, des cycles biochimiques et géochimiques de l’azote et du phosphore, associés aux engrais, de la biodiversité…», analyse à la lecture de l’étude Natacha Gondran, professeure en évaluation environnementale à l’école des Mines de Saint-Etienne et coautrice, avec Aurélien Boutaud, de l’ouvrage Les Limites planétaires (éd. La Découverte).

Plus de 200 millions de personnes exposées à des températures sans précédent

L’exemple le plus limpide concerne l’indicateur «Climat et hausse des températures». Le consortium de chercheurs insiste sur les effets sur les êtres humains d’un réchauffement de +1,5°C  par rapport à la période préindustrielle (les auteurs ne s’aventurent pas à se projeter et développer les scénarios du pire, même si le rapport de synthèse du Giec, publié en mars dernier, explique bien que cet objectif des 1,5 °C pourrait devenir obsolète au début des années 2030).

«Plus de 200 millions de personnes, tout particulièrement déjà vulnérables, pauvres et marginalisées, pourraient être exposées à des températures annuelles moyennes sans précédent, et plus de 500 millions pourraient être exposées à une élévation à long terme du niveau de la mer», est-il écrit.

S’agissant de la ressource en eau douce, les scientifiques considèrent que les seuils alarmants ont d’ores et déjà été atteints. Selon eux, les conditions pour conserver un certain équilibre impliquaient, premièrement, que les flux mensuels d’eau de surface, qu’importent l’endroit et le continent, ne soient jamais altérés de plus de 20 %.

Et deuxièmement, que dans les eaux souterraines, les prélèvements annuels soient inférieurs à la recharge. Aujourd’hui pourtant, 34 % de la surface de la Terre connaît une altération de plus d’un cinquième de ses débits d’eau en raison de barrages hydroélectriques, de systèmes de drainage et de constructions. 47 % des nappes phréatiques, elles, sont soumises à des captations supérieures à leurs possibilités de recharge en eau.

Des chiffres bien trop élevés qui pointent «le défi» que représente «l’insécurité de l’eau dans les différentes régions du monde, développent les scientifiques dans leur article. Par exemple, les dommages associés à de mauvaises conditions d’assainissement de l’eau et d’hygiène ont un impact disproportionné sur la santé des jeunes enfants dans les pays à faible revenu, en particulier en Afrique subsaharienne», notent-ils.

Plus de la moitié des écosystèmes ont déjà été artificialisés

Les limites pour préserver la biodiversité sont également en train d’être définitivement outrepassées. Alors que les experts disent qu’au moins 50 % à 60 % d’écosystèmes naturels devraient rester intacts, ils dévoilent qu’en réalité, plus de la moitié de ces surfaces ont déjà été artificialisées.

Même dépassement au sujet de l’azote et du phosphore. Les quantités d’engrais utilisés pour fertiliser les terres agricoles s’avèrent bien trop élevées : un surplus de 119 millions de tonnes d’azote par an rejoint les milieux aquatiques (alors qu’il faudrait être à moins de 57 millions par an, selon le groupe de chercheurs), et 10 millions de tonnes de phosphore sont entraînées dans les eaux chaque année (cela ne devrait pas dépasser 4,5 millions).

«Lorsque les engrais sont épandus sur les sols, ces nutriments ne sont pas totalement absorbés par les cultures et ruissellent donc dans les eaux, ce qui provoque l’eutrophisation des écosystèmes, avec des algues qui prolifèrent, des écosystèmes qui dépérissent. Le risque est que ce phénomène se produise à l’échelle de l’océan, ce qui provoquerait un manque d’oxygène pour toutes les espèces marines…», explique Natacha Gondran.

Parmi les répercussions délétères pour les humains, la «Commission de la Terre» met en lumière «l’insécurité alimentaire», ainsi que «l’iniquité au niveau mondial» entre les pays pauvres qui ont besoin de plus d’engrais, et les pays riches qui doivent réduire les excédents.

«Nous sommes dans l’Anthropocène, mettant en danger la stabilité et la résilience de la planète entière», expose Johan Rockström, faisant référence à une nouvelle époque géologique marquée par l’empreinte de l’homme sur la planète. «Les huit indicateurs ont été soigneusement choisis pour leur capacité à être mis en œuvre par les parties prenantes dans les villes, les entreprises et les pays du monde entier. Ils constituent des repères importants pour guider l’avenir de l’humanité sur terre, a-t-il poursuivi. Nous devons donc devenir les gardiens de l’ensemble du système terrestre.»

Anaïs Moran 31 mai 2023

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01 juin 2023 ~ 0 Commentaire

cochons (splann! médiapart)

cochons
À Plouvorn, 80.000 cochons, de l’ammoniac et des nitrates

Avec sa concentration record de méga-porcheries, la commune finistérienne de Plouvorn est un symbole de l’intensification de l’élevage et de ses conséquences. Enquête sur un coin de Bretagne où rien n’échappe aux cochons. Ni l’eau, ni l’air, ni la mairie.

  • Plouvorn, dans le Finistère, est une capitale du porc industriel français. 80 % des élevages sont des Installations classées pour l’environnement (ICPE), c’est-à-dire qu’ils dépassent les 2.000 animaux. Malgré cela, un projet gigantesque se prépare.
  • La commune est la plus émettrice d’ammoniac en Bretagne, un gaz précurseur de particules fines dangereuses pour la santé. La qualité de l’eau n’est pas meilleure et le point de captage d’eau potable est fermé depuis 2007 pour cause de pollution.
  • Le poids de l’élevage porcin se fait sentir dans le quotidien des habitants : interdictions très régulières de la baignade dans le plan d’eau, élus sous pression, menaces sur des lanceurs d’alerte… Le porc s’immisce partout, du drapeau des supporters de l’équipe de foot jusqu’à la mairie.

Plouvorn est une petite commune qui n’a jamais fait parler d’elle. Pourtant « le village aux 100.000 cochons » est un champion national de l’élevage intensif. Sur les routes étroites qui mènent au bourg, le long de champs remembrés de choux et de pommes de terres, des semis-remorques transportent chaque jour des centaines de porcs vers l’abattoir.

A Plouvorn il y a 2.900 habitants et près de 80.000 porcs. Vingt-huit fois plus de cochons que d’habitants, quand la Bretagne, région reine de l’élevage porcin, compte 5 cochons pour 1 habitant en moyenne. En France, près de la moitié des cochons élevés de façon industrielle le sont dans le Finistère. Et Plouvorn est un rouage incontournable du système. « Ici, on fait du porc vite et pas cher et on le met sur le quai », résume Alain*, un éleveur du coin.

« Avant c’était un territoire pauvre, les paysans avaient peu de terre, donc ils ont fait du hors-sol pour produire beaucoup sur de petites surfaces. Ici, on leur a toujours dit produisez, produisez, produisez », retrace l’agriculteur. Ce virage productiviste, pris entre la fin des années 1960 et le milieu des années 1970, a radicalement transformé le paysage local. De la multitude de petites fermes, dix-sept exploitations porcines ont survécu. Dans le Léon libéral-conservateur qui a accouché du leader agricole Alexis Gourvennec, elles ont atteint des proportions sans commune mesure à l’échelle nationale.

Parmi les vingt plus grandes porcheries de France, trois se situent à Plouvorn, selon des données du ministère de la Transition écologiques exploitées par Greenpeace dans un rapport publié en mai. L’ONG réclame un moratoire sur la construction d’élevages classés à risque pour l’environnement – soit les élevages de plus de 2.000 têtes dans le secteur porcin. À Plouvorn, 80 % des exploitations explosent les compteurs. Et la course au gigantisme continue.

13 piscines olympiques de déjections animales

Chaque année ou presque, de nouvelles demandes d’extension sont déposées auprès des services de l’État. 1.742 places en plus en 2016 pour l’un, 3.040 l’année suivante pour un autre. Le dernier projet en date a été déposé en 2020 par la société Calarnou. Le but : 14.000 places supplémentaires de porcs à engraisser.

Si ce projet se concrétisait, cette porcherie deviendrait la deuxième plus grosse de France avec une production annuelle de 45.600 porcs charcutiers. Talonnant la SA Kerjean, établie dans la commune voisine de Taulé.

Un avis publié par la Mission régionale d’autorité environnementale (MRAE) en décembre 2020 décrit toute la démesure du projet. 33.000 m³ de lisier seraient produits chaque année, soit 13 piscines olympiques de déjections animales, que l’éleveur promet de transformer à 98 % en compost en vue d’une exportation « hors de Bretagne ». Ce qui laisserait encore chaque jour 1.800 litres de lisier à épandre sur des terres locales déjà saturées en azote.

À ce jour, aucune autorisation n’a été accordée, indique la préfecture du Finistère. Le dossier – celui qui a été analysé par l’Autorité environnementale – a été retoqué, mais un second est en cours de constitution, selon une source préfectorale. Un permis de construire calibré pour cet agrandissement a bien été déposé en mairie à l’automne 2021. Interrogé, le maire de Plouvorn, Gilbert Miossec, nie son existence, en dépit d’échanges de courriels prouvant le contraire, consultés par Mediapart et Splann !. Quant à l’éleveur, il n’a pas répondu à nos questions.

Le prix environnemental de l’élevage intensif

Plouvorn est un pilier du secteur porcin, mais le revers de cette médaille est un désastre écologique. La plupart des indicateurs environnementaux sont au rouge. A commencer par l’ammoniac. Ce gaz, issu des effluents d’élevage, contribue à la formation de particules fines dans l’air, deuxième cause de mortalité évitable dans le pays. (Lisez notre enquête « Bol d’air à l’ammoniac ».) Dans un palmarès dressé par le collectif Bretagne contre les fermes-usine, Plouvorn occupe la première place des communes les plus émettrices. Elles atteignent 178 tonnes par an, selon les données de Géorisques. Soit deux fois plus que la commune classée en deuxième position. Dans un rayon de 20 kilomètres, quatre autres communes figurent dans le top 10.

Des données qui ne semblent pas inquiéter le maire de la commune, Gilbert Miossec. « Il faut arrêter de stigmatiser les éleveurs, de gros efforts ont été faits sur le plan technique pour réduire les émissions. Ce n’est pas le problème le plus important ».

Et pour cause, il y en a d’autres. « Il y avait une belle rivière à Plouvorn, l’Horn, qui a été complètement flinguée. On avait du saumon, de la truite, des anguilles… Il ne reste presque plus rien », s’inquiète un pêcheur local, photographies à l’appui. Il a assisté à plusieurs épisodes de pollution de la rivière, notamment des déversements d’effluents agricoles. Un projet de recherche est en cours, mené par un laboratoire de l’Université de Bretagne occidentale, pour évaluer précisément l’état de ce cours d’eau. Les premières conclusions des scientifiques font état d’un « hydrosystème altéré » par diverses pollutions liées à l’agriculture intensive.

Selon les données de l’Observatoire de l’environnement en Bretagne, la rivière présente – outre d’importants taux de pesticides et de phosphore – des taux trop élevés de nitrates. Une conséquence directe de l’agriculture intensive. Les nitrates sont issus de l’épandage des lisiers ou de déversements accidentels. Ils sont à l’origine des proliférations d’algues vertes en Bretagne. Dans la commune de Plouvorn, la conséquence la plus directe est la fermeture du point de captage d’eau potable en 2007.

Depuis, l’eau est prélevée dans un ruisseau, le Coatoulzac’h, qui peine, avec son faible débit, à assurer cette fonction. Au cœur d’un Finistère pluvieux, les gestionnaires de l’eau en sont venus à craindre des pénuries d’eau. « L’Horn va être de plus en plus nécessaire. Dans un contexte de sécheresses récurrentes, il s’agit d’une ressource indispensable », peut-on lire dans le compte rendu de la dernière assemblée générale du syndicat mixte de l’Horn, le gestionnaire local de l’eau potable. Mais la reconquête de ce point de captage est un chemin de croix.

Des millions investis mais toujours pas d’eau potable

Les premières actions pour faire baisser les nitrates dans l’Horn datent de 1989. Durant les quinze dernières années, plus de sept millions d’euros d’argent public ont été investis pour améliorer la qualité de l’eau, en particulier en faisant évoluer les pratiques agricoles. Dernier dispositif en date : le paiement pour service environnemental, qui consiste à rémunérer les agriculteurs pour leurs bonnes pratiques. 39 des 70 exploitants agricoles situés sur ce bassin sensible ont signé, soit 40 % des terres concernées.

Il y a des résultats : les taux de nitrates dans l’Horn ont été quasiment divisés par deux par rapport à la fin des années 1990, lorsqu’ils dépassaient les 100 mg/l – un chiffre record dans les bassins algues vertes. Ils restent toutefois très insuffisants. Aujourd’hui l’Horn n’est toujours pas descendue sous la barre réglementaire des 50 mg/l qui permettrait la réouverture du point de captage. L’eau reste impropre à la consommation. « Ce qui pose un sacré problème d’argent fichu par les fenêtres », dénonce la conseillère régionale EELV, Christine Pringent.

Guy Pennec, président de la commission locale de l’eau, bon connaisseur du dossier, préfère souligner « un vrai dynamisme et un engagement fort » dans certains secteurs agricoles comme le maraîchage ou la filière bovine. En revanche, pour les élevages hors-sol, en majorité des porcheries, « c’est plus compliqué. Nous sommes démunis vis-à-vis de l’agro-business ».

Une analyse partagée, avec moins de pincettes, dans un rapport de la cour régionale des comptes : « Les pratiques actuelles en élevage intensif sont un obstacle à la réduction des fuites de nitrates, les enjeux économiques interdisent des évolutions de systèmes, voire des aménagements même marginaux, comme en témoignent les obstacles à la reconstitution de ceintures bocagères, haies et talus ».

Pour les observateurs de l’environnement, les projets d’extensions de porcheries vont à contre-courant de ces ambitions de reconquête de l’Horn. « Il faut sanctuariser ce bassin versant », réclame Jean-Yves Kermarrec, président de l’APPMA locale (Association agréée de pêche et de protection des milieux aquatique). « Les très grosses exploitations sont de plus en plus contrôlées. Mais, à Plouvorn, avec une telle concentration, l’environnement est déjà trop sous pression. De ce point de vue, il faudrait ralentir », estime aussi un inspecteur de l’environnement du département.

Baignade interdite

Il n’est plus possible de boire l’eau de Plouvorn. S’y baigner est aussi devenu dangereux. La commune dispose pourtant d’un appréciable plan d’eau. « La qualité de cet espace intergénérationnel est reconnue par les habitants qui le qualifie de « convivial » et « magnifique ». C’est le seul espace naturel public à Plouvorn », explique la chercheuse Mallorie Boderiou dans un mémoire réalisé sur ce sujet en 2017. Il est alimenté par l’Argens, un affluent de l’Horn, qui jouxte les terres d’épandages de plusieurs élevages, dont celui de Calarnou.

La baignade y a été interdite 46 jours l’été dernier en raison d’une prolifération des cyanobactéries. Ces micro-algues donnent une couleur verte à l’eau et peuvent – en trop grande quantité – provoquer des troubles digestifs, neurologiques ou cutanés chez les baigneurs. Des interdictions avaient aussi été décidées les années précédentes sur ce site qui figure parmi les plus pollués aux cyanobactéries en Bretagne, selon les données de l’Agence régionale de santé.

Ce phénomène est lié à trois facteurs : une eau stagnante, la chaleur et la présence de nutriments – tels que les nitrates et phosphates. « Des cyanobactéries, il y en a dans tous les plans d’eau, ce n’est pas obligatoirement lié aux productions agricoles », insiste le maire de Plouvorn. Mais, dans cette eau, on trouve aussi d’autres traces de l’activité des élevages voisins, notamment des streptocoques fécaux ou des escherichia coli – signes de contamination fécale – en quantité alarmante à certaines périodes de l’année.

« C’est un bassin qui a été construit dans les années 1970. Aujourd’hui, on ne ferait pas un lieu de baignade ici, alimenté par une rivière qui traverse une zone d’agriculture intensive. À mon sens, il faudrait le fermer et l’option est sur la table », indique une source proche de ce dossier très sensible dans la commune. Une réunion a récemment eu lieu en mairie avec les représentants de l’État et la municipalité. Une étude doit être lancée pour trouver des solutions moins radicales. Par exemple, la mise en place d’une zone tampon entre l’Horn et le plan d’eau afin de limiter la diffusion des pollutions dans la zone de baignade.

Quand la filière porcine tient les rênes de la politique locale

Plus de poissons à pêcher, risque de pénurie d’eau potable, interdiction de la baignade, les conséquences de l’élevage sont de plus en plus directes pour les habitants. À Plouvorn, toutefois, personne ne questionne trop fort l’intensification de l’élevage. « C’est même l’omerta », estime Claude*, une mère de famille arrivée sur la commune il y a une vingtaine d’années. « Lorsqu’on parle, on a toujours peur des répercussions. Critiquer un arasement de talus par un agriculteur se fait la peur au ventre. »

Les éleveurs porcins sont impliqués dans toutes les strates de la vie locale. Et d’abord à la mairie. Elu en 2020, le maire, Gilbert Miossec est un ancien technicien de Prestor, devenu Evel Up – une importante coopérative porcine, très influente à Plouvorn. Plusieurs élevages en sont membres, notamment la société Calarnou qui projette la giga-extension.

Avant lui, François Palut, propriétaire de Calarnou jusqu’à sa retraite, avait les rênes de la mairie. Ancien président de la coopérative Léon-Tréguier – aujourd’hui Evel Up -, il s’est aussi exprimé dans les médias contre L214 ou les portiques écotaxes en tant que président de l’Association pour le maintien de l’élevage en Bretagne (AMEB), un lobby pro-agriculture intensive. Interrogé par Splann ! et Mediapart, l’éleveur retraité insiste sur la nécessité des grands élevages « car il faut bien nourrir le monde ».

Si l’on remonte encore peu : la mairie a été tenue pendant 42 ans, de 1966 à 2008, par Jacques de Menou, figure politique de la droite finistérienne (RPR) et compagnon de route de l’éleveur porcin Alexis Gourvennec, leader syndical et homme d’affaires charismatique, connu pour ses actions violentes et sa vision ultra-libérale de l’agriculture. « La question se pose de qui gère ce territoire ? Et pour moi c’est l’agro-industrie », dénonce un habitant qui souhaite garder l’anonymat.

Malgré une part d’emplois liés au secteur agricole passée de 27 % à 17 % entre 2008 et 2019, l’industrie porcine demeure aussi un marqueur identitaire. En témoigne ce cochon à l’air conquérant et cigare à la bouche choisi comme mascotte par les jeunes supporteurs de L’Avant Garde de Plouvorn, lors du récent périple du club en Coupe de France de football. Réunis au sein d’une association, l’Apporc, les éleveurs savent se rendre incontournables dans les moments festifs. « Ils donnent des coups de mains aux associations locales, offrent des maillots de foot ou des cochons grillés, font visiter leurs élevages aux enfants de l’école. C’est sympa mais c’est aussi une manière d’assurer l’acceptabilité de la filière », résume ce Plouvornéen. L’Apporc a reçu le prix de la communication du Comité régional porcin, en 2012.

Une opposition muselée

Plouvorn a néanmoins connu un sursaut démocratique en 2020. Pour la première fois depuis des décennies, une opposition politique s’est présentée aux élections municipales, menée par Philippe Bras, président de l’association des pêcheurs du pays de Morlaix, mobilisé contre les pollutions de rivière « d’origine agricole et urbaines ». Elle a recueilli 44 % des voix après une campagne à couteaux tirés dont le climat délétère ne s’est jamais apaisé. Plusieurs élus de l’opposition témoignent de coups de pression réguliers sur eux ou leurs proches – de courriers anonymes jusqu’à des menaces de mort. Sept plaintes ont été déposées depuis moins de trois ans. Certaines ont été classées et d’autres sont encore en cours d’instruction. « Quand je sors, je suis toujours sur mes gardes », explique l’un des plaignants. En janvier 2021, lors d’un conseil municipal, les élus de l’opposition ont révélé publiquement l’existence de courriers diffamatoires reçus au domicile de deux d’entre eux. Leur motion de soutien a été adoptée par l’ensemble du conseil municipal… Mais cette motion de soutien a finalement été annulée quelques mois plus tard au motif que « la protection fonctionelle n’est pas automatique ».

Mais le pourrissement de la vie démocratique ne s’est pas arrêté là. De nouvelles menaces ont visé le leader de l’opposition et une lanceuse d’alerte en 2022 et 2023. Dans un courrier envoyé au procureur en novembre, cette dernière décrit un climat « de crainte, si ce n’est une peur quotidienne ». Parmi les plaintes que Splann ! et Médiapart ont pu consulter, certaines soulignent des altercations avec un membre influent de la FDSEA du Finistère ainsi que des menaces de mort proférées en public par un éleveur à la retraite.

Questionner ce modèle agricole demeure complexe. Pour les élus comme pour les journalistes. Le 24 mai, la puissante Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne (UGPVB), alertée par l’enquête menée par Splann ! et Médiapart , adresse une lettre de mise garde à ses adhérents.

« Après échange avec Michel Bloc’h et Jacques Crolais [président et directeur de l’organisation, NDLR], nous tenions à vous informer que des journalistes militants cherchent actuellement à contacter un certain nombre d’acteurs de la filière en prévision d’articles à charge contre la profession ». La responsable de la communication de l’organisation « invite » les éleveurs de Plouvorn à « éviter le piège » et à la « vigilance quant à ces sollicitations qui visent tout simplement à dénigrer notre agriculture ». En d’autres termes, silence dans les champs.

* Le prénom a été modifié

Kristen Falc’hon, Floriane Louison (Mediapart) | 01 06 2023

https://splann.org/plouvorn

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30 mai 2023 ~ 0 Commentaire

lyon (ukraine)

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30 mai 2023 ~ 0 Commentaire

syriza (socialist worker)

grec

Pourquoi Syriza a-t-il échoué en Grèce ?

La disparition du parti soulève des questions sur la stratégie socialiste et les faiblesses du réformisme.

Lorsque Syriza a remporté les élections législatives grecques en 2015, la plupart des socialistes ont explosé de joie dans toute l’Europe.

Un parti qui s’était engagé à mettre fin à l’austérité avait enfin triomphé, alors que partout les patrons et les gouvernements imposaient des coupes sombres dans le sillage de la crise financière de 2008. Il semblait qu’il y avait là une stratégie alternative qui pourrait servir de phare aux peuples en lutte dans le monde entier.

L’ascension de Syriza a été l’une des expressions d’une vague massive de lutte en Grèce contre l’austérité, avec 32 grèves générales entre 2009 et 2014. Les travailleurs de la santé, les enseignants, les employés municipaux, les travailleurs immigrés, les nettoyeurs, les étudiants et bien d’autres encore ont mené des batailles épiques pendant plusieurs années.

Lors des élections de 2015, le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND), qui avait fait payer aux travailleurs les plans de sauvetage des banquiers, n’a obtenu que 76 sièges sur les 300 que compte le Parlement.

Le Pasok, parti travailliste, qui était le parti de gauche traditionnel mais qui avait imposé des coupes budgétaires en coalition avec la ND, n’a obtenu que 13 sièges. Un nouveau terme, « Pasokification », est apparu pour décrire l’extinction d’un parti qui semblait devoir toujours faire partie de la scène politique.

En Grande-Bretagne, 27 députés, principalement de la gauche travailliste, ont signé une motion disant : « Cette Chambre salue le soutien apporté au parti Syriza en Grèce, qui s’est engagé à mettre fin à des années d’austérité et de souffrance ».

Le parti socialiste allemand Die Linke a quant à lui affiché une pancarte : « Nous partons de la Grèce, nous changeons l’Europe ».

Pourtant, en l’espace de quelques mois, Syriza a mis en œuvre des mesures d’austérité pires que celles de ses prédécesseurs de droite. Et lors des dernières élections de cette année, il a été réduit à 20 % des voix, tandis que la ND s’est consolidée au pouvoir.

Les échecs de Syriza ont redonné vie au Pasok, qui espère même dépasser Syriza lors des prochaines élections.

Dès son entrée au gouvernement, Syriza a été confronté à un défi et à un choix. Les patrons, les banquiers et les institutions européennes n’allaient pas accepter facilement un relâchement de l’austérité. Ils craignaient que les travailleurs d’autres pays ne soient incités à élire leurs propres gouvernements de gauche.

Ils ont donc traité le verdict des électeurs grecs avec mépris. Ils ont décidé d’écraser Syriza pour l’ »effet de démonstration » que cela aurait sur les autres.

Yanis Varoufakis, le directeur financier de Syriza, a déclaré que lorsqu’il a rencontré d’autres ministres de l’UE « pour engager des discussions économiques », il n’a reçu que des « regards vides ». « Vous auriez pu tout aussi bien chanter l’hymne national suédois, vous auriez obtenu la même réponse », a-t-il déclaré.

La troïka – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international – a insisté sur de nouvelles réductions pour rembourser les dettes découlant du sauvetage des financiers. Afin de se donner une excuse pour battre en retraite, le gouvernement Syriza a organisé un référendum sur les demandes de réduction de la troïka.

Mais après une campagne populaire massive, les Grecs ont rejeté la prescription de la Troïka par un vote « OXI » de 61 %. Cela aurait dû être un signal pour rompre avec la Troïka et défier les patrons, les institutions financières et les riches.

Une telle lutte aurait nécessité un appel aux travailleurs du monde entier pour qu’ils fassent preuve de solidarité avec la Grèce et qu’ils luttent contre leurs propres classes dirigeantes.

Pourtant, quelques jours plus tard, Syriza s’est effondré et a commencé à s’attaquer à la classe ouvrière : relèvement de l’âge de la retraite, augmentation des frais de santé, coupes budgétaires dans les écoles, etc. Syriza a fait intervenir la police anti-émeute contre ceux qui protestaient.

Les reculs et les trahisons de Syriza n’étaient pas principalement liés aux opinions personnelles d’Alexis Tsipras, le leader de Syriza, ou de toute autre personnalité. Elles étaient enracinées dans une stratégie qui ne pouvait pas voir plus loin que la collaboration avec les patrons, les institutions financières et le système existant. (…)

https://socialistworker.co.uk/

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