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20 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Nukléaire (Reporterre)

Dans le monde, le nucléaire ne fait plus rêver

Dans le monde, le nucléaire ne fait plus rêver

Les capacités mondiales de l’électricité d’origine nucléaire continuent de décliner. Les chantiers sont retardés ou annulés, et les coûts stratosphériques. Les renouvelables, eux, continuent leur envolée.

C’est devenu le marronnier du monde nucléaire, le rendez-vous annuel qui propose un état des lieux chirurgical de l’industrie atomique à travers le monde. Réalisé par des experts indépendants et coordonné par Mycle Schneider, analyste indépendant en énergie et politique nucléaire, le rapport sur l’état de l’industrie nucléaire dans le monde (WNISR) est rendu public le 19 septembre à Vienne en Autriche.

Depuis plusieurs années, il révèle minutieusement l’écart entre la communication débridée d’une industrie en pleine relance et sa réalité factuelle : chantiers retardés ou annulés, projets suspendus, coûts stratosphériques. « Faire un rapport annuel nous permet de vérifier si les tendances identifiées les années précédentes se confirment ou s’il existe des ruptures entre 2023 et 2024 », dit Mycle Schneider, son coordinateur.

« Le fossé entre la perception du public sur le nucléaire et la réalité industrielle du secteur est remarquable. Ce rapport est beaucoup plus qu’un ramassis de statistiques, bourré d’informations. Il s’agit d’un travail analytique sur plus de 500 pages. C’est inégalé. » À côté, le World nuclear performance report (WNPR) de la world-nuclear.org — une organisation internationale qui fait la promotion de l’industrie nucléaire — ne pèse que trente-trois pages.

Qu’apprend-on dans le rapport du WNISR ? Les capacités mondiales de l’électricité d’origine nucléaire continuent de décliner. En 2023, cinq nouveaux réacteurs (d’une capacité combinée de 5 gigawatts (GW)) ont été mis en service en Biélorussie, en Chine, en Slovaquie, en Corée du Sud et aux États-Unis. Cinq autres — pour une capacité totale de 6 GW — ont été mis à l’arrêt.

Ainsi, les capacités nucléaires ont baissé d’1 GW. À mi-2024, 408 réacteurs (367 GW) sont en fonctionnement dans le monde, contre 407 en 2023. Lors du premier semestre 2024, quatre unités ont complété le mix énergétique en Chine, en Inde, aux Émirats arabes unis et aux États-Unis. Trois réacteurs ont été fermés en Allemagne, un en Belgique et le dernier à Taïwan. Si la production d’électricité d’origine nucléaire a augmenté de 2,2 % en 2023, la part de cette énergie dans la production d’électricité mondiale s’élève à 9,1 %, soit un peu plus de la moitié du pic constaté en 1996 qui plaçait l’électricité d’origine atomique à 17,5 % du mix électrique mondial.

La Chine est la locomotive du secteur

Au total, 59 projets de construction sont répartis dans treize pays, dont 23 ont pris du retard. Avec 27 réacteurs actuellement en construction à domicile, la Chine est la véritable locomotive du secteur. La Russie, elle, domine le marché à l’international : elle construit actuellement 26 réacteurs dont une vingtaine dans sept pays différents. À eux deux, Chine et Russie ont démarré la mise en œuvre de 35 réacteurs depuis décembre 2019.

La France aussi construit à l’étranger, plus précisément à Hinkley Point en Grande-Bretagne où deux unités accusent déjà un retard de livraison, la mise en service étant prévue pour 2029-2031. « On ne regarde pas la trajectoire énergétique mondiale comme on regarde une photo, il faut regarder le film », prévient Mycle Schneider. « Il y a une déconnexion entre les processus de prises de décision politique et la réalité industrielle. Par exemple, il ne suffit pas d’une loi d’accélération pour que tout accélère ! »

Le rapport se plaît à décortiquer, au cas par cas, les situations des pays nucléarisés. En Belgique, la production d’électricité d’origine nucléaire a chuté de 25 % en 2023. D’ici à 2025, 3 des 5 unités restantes doivent fermer, l’exploitation des 2 unités les plus récentes est, elle, prolongée jusqu’en 2037, à condition que la Commission européenne donne son accord.

Au Japon, plus de treize ans après l’accident de Fukushima, la remise en service de certains réacteurs se poursuit. Lors du deuxième semestre 2023, 2 unités ont recommencé à produire de l’électricité, ce qui monte à 12 le nombre d’unités en service (tandis que 21 unités sont hors service). Sur l’archipel, l’atome ne représente plus que 5,6 % de la production d’électricité.

En Turquie, les autorités ont reporté à 2025 le lancement de la première unité de la centrale d’Akkuyu. Pour rappel, un tremblement de terre avait suspendu la poursuite de ce chantier, intégralement mené par les Russes.

Après onze années de construction, le quatrième réacteur de Vogtle a enfin été raccordé au réseau aux États-Unis, pour un coût global de 36 milliards de dollars (32,2 milliards d’euros) les deux unités. Aucune construction n’est désormais en cours au pays de l’Oncle Sam.

Projets de miniréacteurs annulés ou reportés

Alors que le battage médiatique se poursuit concernant les petits réacteurs modulaires (small modular reactor), très prisés des industriels souhaitant décarboner leur mix énergétique au plus près de leur site, le fossé s’agrandit avec le réel. « Vous voulez dire les small miraculous reactor ? » — les « réacteurs petitement miraculeux » — ironise Schneider.

L’industrie et les gouvernements poursuivent leurs investissements mais sur le terrain, rien ne se traduit concrètement. Les projets sont soit abandonnés comme Nuscale aux États-Unis, soit remis à plus tard comme le projet porté par EDF, Nuward, dont le report a été annoncé durant l’été. À ce jour, aucun SMR n’est en construction en Occident, aucun design n’a été certifié par les autorités de sûreté et beaucoup d’inconnues demeurent en matière de combustibles ou d’acceptabilité sociale. Par ailleurs, la rentabilité — qui est le nœud gordien du principe d’un réacteur dont on pourrait industrialiser la production — n’est pas au rendez-vous.

Le projet argentin Carem-25 en construction depuis 2014 est désormais à l’arrêt pour cause de coupes budgétaires. L’autorité de sûreté locale a lancé un audit général de son design avant d’autoriser un éventuel redémarrage du chantier. Une éventuelle date de démarrage a été fixée en 2028. D’après le rapport, ce miniréacteur pourrait avoisiner les 800 millions de dollars (717 millions d’euros), soit l’équivalent de 32 000 dollars le kilowattheure, un niveau absolument stratosphérique. La Chine s’est dotée de deux miniréacteurs fin 2022, dont la construction a pris une dizaine d’années.

Les énergies renouvelables décollent

Pendant que le nucléaire patine, les énergies renouvelables poursuivent leur conquête sur l’ensemble du globe. Le rapport dévoile le découplement total entre l’envolée des renouvelables et la relance poussive et coûteuse du nucléaire. « L’accélération du déploiement des renouvelables — surtout du solaire — est frappante », observe Mycle Schneider.

En 2023, plus de 623 milliards de dollars (559 milliards d’euros) ont été investis à travers le monde dans les capacités renouvelables — hors hydroélectricité. Cela représente vingt-sept fois la mise globale destinée aux centrales nucléaires. Les capacités installées en solaire et éolien ont respectivement progressé de 73 % et 51 % accumulant un total de 460 GW installés. Les centrales photovoltaïques ou les fermes éoliennes ont généré 50 % d’électricité en plus que les usines atomiques.

À elle seule, la Chine a déployé plus de 200 GW de solaire contre 1 seul GW de nucléaire. Ainsi, les rayons du soleil ont permis de produire plus de 578 TWh d’électricité — 40 % de plus que le parc atomique. L’ensemble des renouvelables — éolien, solaire, biomasse — a produit quatre fois plus d’électricité que les centrales.

Même l’Union européenne a battu tous ses records en 2023 : pour la première fois, les énergies renouvelables ont permis de produire plus de 44 % de l’électricité européenne. Fermes éoliennes et centrales solaires ont produit ensemble 721 TWh d’électricité, soit près d’un quart de plus que le nucléaire et ses 588 TWh. Pour la première fois, les énergies renouvelables non hydroélectriques ont généré davantage d’énergie que tous les combustibles fossiles réunis, et l’éolien seul a surpassé le gaz fossile.

Laure Noualhat 19 septembre 2024

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16 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

inondations ( Reporterre )

cirer

Pourquoi la tempête Boris a provoqué l’une des « inondations du siècle » en Europe

Les pertes humaines et les dégâts causés par le passage de la tempête Boris en Europe de l’Est sont importants. Des pluies 20 % plus fortes en raison du changement climatique.

Au moins onze morts (pour la plupart noyés), plusieurs disparus, des villes submergées par les flots, des centaines de milliers de foyers privés d’électricité… La tempête Boris, qui s’abat depuis le 13 septembre sur l’Europe centrale et orientale, a semé le chaos sur son passage. En certains endroits, les stations météorologiques autrichiennes ont enregistré jusqu’à 350 millimètres de pluie, soit quatre fois plus que la moyenne des précipitations du mois de septembre, selon les services météorologiques nationaux.

La Roumanie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie ont elles aussi souffert de précipitations exceptionnelles. À Stronie Śląskie, dans le sud-ouest de la Pologne, une rivière en crue a fait céder un barrage, projetant une vague monstrueuse sur la ville de Kłodzko (25 000 habitants). Deux ponts ont également été emportés par les flots à Głuchołazy, à une soixantaine de kilomètres à l’est. Entre la Pologne et la République tchèque, le trafic ferroviaire a dû être suspendu.

La région de Galați, à l’est de la Roumanie, fait partie des plus sinistrées. 15 000 personnes auraient été directement affectées par la pluie diluvienne, selon les autorités. Le village de Slobozia Conachi a été quasi englouti. 700 maisons ont été inondées, d’après son maire, Emil Dragomir. Les terres agricoles ont elles aussi été dévastées par la violence des flots.

Aux sources de cette tempête, qui devrait durer jusqu’au mardi 17 septembre : une descente d’air d’origine polaire. À son arrivée aux latitudes méditerranéennes, cette masse d’air froide a rencontré de l’air chaud et humide en provenance des mers Noire et Méditerranée.

Toutes deux sont en ce moment anormalement chaudes, souligne le chercheur et expert en modélisations climatiques Tommaso Alberti dans un communiqué. En certains endroits, la température de surface de la grande bleue dépasse de 7 °C les moyennes saisonnières, pouvant alimenter les tempêtes en eau évaporée. La dépression est allée s’établir au-dessus de l’Europe centrale, où elle s’est retrouvée bloquée entre des anticyclones… la rendant encore plus dangereuse.

Des pluies 20 % plus fortes avec la crise climatique

La probabilité de rencontrer une coulée d’air aussi frais à cette période de l’année est exceptionnellement faible : de l’ordre de 1 chance sur 100, explique sur X le climatologue et directeur de recherche au CNRS Christophe Cassou. En raison du changement climatique, sa formation est cinq fois moins probable aujourd’hui qu’il y a trente ans. « Mais si elle se forme, le changement climatique en augmente l’impact, car la goutte froide contient davantage d’eau potentiellement précipitable », écrit le scientifique sur le réseau social.

Dans une étude d’attribution rapide publiée le 16 septembre, les scientifiques du consortium européen ClimaMeter — qui étudie les facteurs des évènements météorologiques extrêmes — estiment que le changement climatique a augmenté de 20 % les fortes pluies de la tempête Boris.

Afin de parvenir à ce résultat, les chercheurs se sont appuyés sur des données météorologiques relatives aux quarante dernières années, et ont comparé les systèmes dépressionnaires observés à la fin du XXe siècle (1979-2001) et ceux observés lors des dernières décennies (2001-2023), davantage marquées par le changement climatique. Ils ont également évalué la contribution de la variabilité naturelle du climat.

« Nous vivons actuellement la deuxième “inondation du siècle” en Europe de l’Est en l’espace d’un seul été [des pluies d’une rare intensité ayant déjà ravagé l’Allemagne en juin dernier], a réagi dans un communiqué le climatologue Davide Faranda, coauteur de cette étude. Mais il ne s’agit pas seulement de catastrophes naturelles isolées. Les recherches montrent que les précipitations extrêmes deviennent plus fréquentes et plus intenses en raison du changement climatique provoqué par l’Homme. »

Afin d’éviter la multiplication de ces catastrophes, nous devons de toute urgence « cesser de brûler du charbon dans nos hauts fourneaux, du gaz dans nos maisons et de l’essence dans nos véhicules », rappelle le directeur de recherche au CNRS.

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14 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Reporterre ( agents de sécurité)

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Mortiers d’artifice, menaces… Les zadistes terrorisés par les agents de sécurité de l’A69

Des militants opposés à l’A69 dénoncent la violence des agents de sécurité chargés de protéger le chantier. Tirs de mortiers d’artifice, coups de pied, insultes… Ces vigiles agresseraient les zadistes sans être ennuyés par la police.

« Nous avons affaire à de véritables mercenaires. » Activiste, Pierre [1] ne mâche pas ses mots à l’égard des agents de sécurité du chantier d’autoroute A69. Au cœur de l’été, l’arrivée de nouveaux vigiles aux « crocs acérés » ont transformé les échanges cordiaux en harcèlement physique et moral presque quotidien, d’après plusieurs militants interrogés par Reporterre. « Ces mecs se sentent invincibles et multiplient les entorses à la loi, sous la protection de Jupiter [surnom de M. Macron], dénonce Laurent Prost, du collectif La Voie est libre, opposé à la construction de cette autoroute écocidaire et antisociale. Tirs de mortier d’artifice, passage à tabac, pillage… Et ce, avec la complicité des forces de l’ordre. »

Six mois après la venue de Michel Forst, rapporteur spécial de l’ONU ayant dénoncé la violence des forces de l’ordre sur l’A69, celle des vigiles est désormais pointée du doigt. Le 8 septembre, sur la désormais disparue zad de la Cal’arbre, à Saïx, ont éclaté de violents affrontements. D’un côté, des militants déterminés à ravitailler l’ultime « écureuil » perché dans un chêne centenaire menacé d’être abattu. De l’autre, des agents de sécurité barricadés dans leur Algeco blanc et visiblement prêts à tout pour les en empêcher. Rétorquant aux jets de projectiles des activistes, ceux-ci leur ont tiré dessus à coups de mortiers d’artifice. « Ça pétaradait dans tous les sens, je n’en croyais pas mes yeux, détaille à Reporterre Châtaigne (un surnom), un militant-vidéaste. L’un des artifices a fini dans la cabane de l’écureuil, ç’aurait pu vraiment mal finir. »

Miliciens cagoulés

À en croire le Code de la sécurité intérieure, seul le port d’armes de catégorie D — telles que le tonfa, la matraque ou la lacrymo en aérosol — est autorisé pour les agents. « L’utilisation de mortiers d’artifices sort évidemment du cadre légal », assure à Reporterre Jean-Baptiste Pandzou, président honoraire du SNEPS, le syndicat national des employés de cette profession.

Adoptée sous Jean Castex en 2021, la loi dite de « Sécurité globale » a par ailleurs durci la législation concernant l’achat, la détention, l’utilisation et la vente de mortiers d’artifice à des non-professionnels. Celle-ci prévoit désormais des peines allant jusqu’à 7 500 euros d’amende et six mois d’emprisonnement. Des sanctions motivées par la dangerosité de ces engins pyrotechniques, propulsés à une centaine de kilomètres par heure et pouvant notamment provoquer des brûlures, arracher des doigts, fracturer des os ou abîmer les tympans.

Interrogée par Reporterre, une porte-parole d’Atosca déplore : « La vidéo ne montre pas l’attaque menée par une trentaine d’activistes ultraviolents, un instant plus tôt, à l’aide de cocktails Molotov. Les vigiles y ont riposté… Disons, un point partout. » À peine sa phrase finie, vraisemblablement mal à l’aise avec l’aveu tout juste formulé, elle corrige : « Les vigiles d’Atosca n’ont pas eu recours à ces artifices. Les activistes tentent de nous instrumentaliser, mais il n’y a pas la moindre preuve que nos agents soient à l’origine des tirs. »

Si la vidéo enregistrée (que Reporterre a visionnée) certifie que ceux-ci émanaient du local des vigiles, la qualité des images empêche bel et bien d’identifier formellement leurs auteurs. Il ne s’agit pas là uniquement d’une question de pixels. Les hommes barricadés dans l’Algeco portent des cagoules et des vêtements unis sans inscription, leur identification est donc de toute manière impossible. « Les agents de sécurité ont l’obligation d’arborer un signe distinctif mentionnant la société les employant », précise pourtant Jean-Baptiste Pandzou.

Aux abords de la zad dite de la Cal’arbre, l’équipe de sécurité excellait dans l’art de l’anonymisation. Avachis dans leur fauteuil de camping, les hommes montant la garde avaient l’allure de miliciens. « Aucun de nos vigiles n’est cagoulé », ose pourtant affirmer Atosca. Alors qui sont ces individus ? « Vous savez, des activistes ultraviolents sèment un climat de terreur dans le territoire depuis dix-huit mois, poursuit la porte-parole. Alors, que des habitants aient envie de se protéger et de se cagouler… C’est possible. » En dépit de la loi, le concessionnaire a par ailleurs refusé de nous dévoiler le prestataire de sécurité, pour des questions « stratégiques ».

Identifiables ou pas, une chose est sûre : le recours à la violence est une prérogative de l’État, et non du personnel de sécurité privée. « Si des agents font face à des actes violents en présence de [membres de] forces de l’ordre, alors leur mise en retrait est obligatoire », détaille le président honoraire du SNEPS.

Le 8 septembre, après les affrontements de la journée, à la nuit tombée, une dizaine de véhicules ont débarqué, phares allumés, à l’entrée du camp où restaient quelques militants. Secouant brutalement le grillage le séparant des activistes, un homme s’est mis à hurler : « Qui a frappé notre collègue ? Qui est le fils de pute ? On va vous niquer ce soir. » Quelques heures plus tôt, l’un des vigiles aurait été légèrement blessé par l’un des projectiles lancés par un activiste.

Authentifiée par Reporterre, une vidéo confirme les propos tenus. On y perçoit aussi la voix nouée d’une militante, murmurant : « J’ai peur. »

Quelques gendarmes ont fini par approcher le groupe. S’est ensuivie une discussion, inaudible, et les individus ont quitté les lieux à bord de leurs voitures. L’un des militaires a alors apostrophé l’ultime écureuil encore perché dans un chêne, pour l’inviter à descendre avant que cela ne dégénère : « Écoutez, moi je vous aurais prévenus. On ne pourra pas vous protéger en permanence », a-t-il déclaré dans une conversation enregistrée par d’autres activistes, et consultée par Reporterre. Interloquée par ces propos, une femme a questionné le fonctionnaire : pourquoi les forces de l’ordre n’ont-elles opéré aucun contrôle ni aucune interpellation, en dépit des menaces proférées sous leurs yeux ?

Déjà plus tôt dans la journée, la complaisance des militaires interrogeait. La vidéo montre que alertés par les détonations, quatre hommes du PSIG, un peloton d’intervention de la gendarmerie, avaient assisté aux tirs de mortiers d’artifice. Bien loin d’invectiver les agents de sécurité, les forces de l’ordre les ont au contraire appuyés en balançant quelques grenades lacrymogènes et de désencerclement en direction des militants. Sur les images, l’une d’elles atterrit et explose au pied d’un homme, manquant de vaciller.

À la première accalmie, l’un des gendarmes a rejoint le groupe de vigiles, une gazeuse à la main. Quelques minutes se sont écoulées puis les militaires ont lancé une offensive : « Les quatre mêmes hommes [du PSIG] ont commencé à prendre en chasse des militants non-violents, dans le jardin d’une propriété privée, témoigne Châtaigne. C’était hallucinant. » Le vidéaste amateur a enregistré la scène avec son téléphone. On y voit l’un des fonctionnaires, flashball dans l’alignement des yeux, le pointer avec son arme : « Ne vise pas la tête s’il te plaît, je ne fais que filmer », a lancé Châtaigne. Un autre fonctionnaire, à la dégaine de cowboy, s’est alors rué sur le militant en criant : « Viens ici, viens au contact ! Tu fais le malin, tu vas voir ! » En arrière-plan, les agents de sécurité patientaient paisiblement.

Quatre côtes fracturées

Des témoignages comme celui-ci, les militants anti-A69 en ont d’autres à conter. Le 25 août, aux abords de la Cal’arbre, Pierre marchait vers son arrêt de bus, se souvient-il. Selon son récit, en chemin, un agent de sécurité du chantier l’a invectivé et attrapé par le cou : « Il avait une force incroyable. Hulk ! » En une poignée de secondes, le chef de la sécurité débarque à son tour et le militant non-violent a essuyé des coups de poings dans le ventre : « J’ai été jeté au sol. Puis les deux m’ont roué de coups de pied. »

Les mains en l’air, se tordant de douleur, Pierre a obéi aux ordres de deux hommes et leur a tendu son permis de conduire. Au même instant, six véhicules de la gendarmerie ont débarqué en trombe. L’activiste décrit alors avoir été immédiatement traité en coupable. L’officier de police judiciaire se serait approché du vigile pour lui demander d’affirmer que Pierre était bel et bien la personne l’ayant « tabassé » le matin même. « L’agent de sécurité a marqué un temps d’arrêt tant il était interloqué par cette histoire montée de toutes pièces, poursuit Pierre. Seulement, face aux hochements de tête insistant de l’OPJ, il a fini par acquiescer. Puis un mec du PSIG s’est penché vers moi en se réjouissant de m’avoir bien niqué. »

« J’ai été jeté au sol. Puis les deux m’ont roué de coups »

Plaqué contre le véhicule puis placé en garde-à-vue, Pierre a alors été accusé de violence en réunion ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) inférieure à huit jours. Ce, avec la circonstance aggravante d’une arme par destination : « J’aurais frappé la victime avec un câble », se désole le militant, impuissant face à un tel scénario-fiction. Il dément avoir eu le moindre geste agressif envers le vigile. Les deux vigiles ont eux été convoqués pour enregistrer leur déposition, sans être inquiétés pour le passage à tabac.

Dix-huit jours plus tard, Pierre témoigne à Reporterre souffrir encore le martyr : « J’ai eu deux jours d’ITT et quatre côtes fracturées. Rien que respirer m’est douloureux. » Une enquête a été ouverte à son encontre, et placée sous la direction d’un juge d’instruction. L’ensemble de son matériel informatique — un drone, un ordinateur, quatre téléphones, cinq clefs-USB et des cartes SIM — a été mis sous scellé. « Sûrement pour tenter d’obtenir des preuves dans d’autres affaires », suppose-t-il aujourd’hui.

Réaction des militaires : des ricanements

Une autre militante, Jeanne* [2], aurait aussi subi les foudres du même « mercenaire ». Dans la nuit du 6 au 7 septembre, l’activiste se baladait sur un terrain privé, en veillant à ne pas pénétrer sur la parcelle appartenant à Atosca. « À aucun moment, je n’ai mis un pied sur le chantier… Et pourtant. » Un vigile aurait alors commencé à l’insulter et la menacer. Un autre, tout de noir vêtu, aurait dévalé la butte en sa direction.

À cet instant, Jeanne témoigne à Reporterre avoir pris la fuite avant d’être interceptée par l’agent : « En m’attrapant le col, il m’a coupé la respiration. Puis il a collé une barre en fer à mon visage et m’a hurlé qu’il allait me casser la tête. » L’un de ses supérieurs lui aurait intimé l’ordre de ne pas « abîmer » la zadiste, avant d’appeler la gendarmerie. « En attendant l’arrivée du PSIG, les vigiles m’ont parlé d’un autre militant, en m’assurant que s’ils finissaient par le trouver, ils le tueraient. »

Aux alentours de 2 heures, les militaires ont débarqué sur les lieux. Jeanne leur a détaillé le déroulement de la scène, la menace et la barre de fer. Elle a reçu en retour une flopée de ricanements : « Vous avez de la chance, si ç’avait été en Russie, vous auriez pris bien cher », lui a rétorqué le major. Le même gendarme a refusé quelques instants plus tard que la militante aille aux toilettes : « Tous ses collègues m’ont entourée pendant plusieurs minutes en imitant un bruit de robinet… et en me disant de pisser devant eux. » Une enquête a aussi été ouverte à l’encontre de Jeanne, nous assure-t-elle. Contactée, la préfecture du Tarn n’a pas répondu à nos sollicitations.

« Plus aucun arbre à couper »

Dans l’histoire des luttes, de telles scènes ont au moins un précédent. Les 16 et 17 juillet 2016, des agents de sécurité – armés de gourdins et de bâtons – avaient frappé plusieurs activistes pacifistes, à Bure (Meuse). Lors de cette marche d’opposition au projet Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires, forces de l’ordre et vigiles de l’Andra (l’agence publique qui pilote le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure) partageaient les mêmes rangs. Casque, jambières, bouclier… Les deux corps étaient à peine différentiables, et agissaient comme un seul homme – en dépit de leurs prérogatives dissemblables.

Déjà à l’époque, le porte-parole du syndicat national des entreprises de sécurité, Olivier Duran, avait déploré sur France 3 l’absence de signes d’identification des vigiles, un manquement à une obligation légale. Le directeur général adjoint de l’Andra avait lui félicité ces agents d’avoir « très bien fait leur travail ». Quelques jours plus tard, son départ anticipé avait été annoncé par la direction. Et les journalistes de la télévision locale lorraine d’ajouter : « La question est évidemment tentante de se demander si cette décision fait suite, ou pas, aux événements survenus les 16 et 17 juillet 2016. »

Le 9 septembre, félicitant « l’action décisive des policiers et des gendarmes », la préfecture du Tarn a déclaré dans un communiqué qu’il n’y avait désormais « plus aucun arbre à couper [...] pour la construction de l’autoroute A69. » Quelques minutes plus tôt, psychologiquement affecté par les menaces à répétition, l’ultime écureuil avait pris la décision de descendre du chêne centenaire qu’il occupait. « Désormais, seule la zad du Verger reste debout, précise Laurent Prost, du collectif La Voie est libre. Or, la propriétaire s’apprêtant à quitter les lieux, le lieu pourrait être expulsé dès lundi [16 septembre]. » Si ce rempart à l’avancée des travaux tombe, la lutte de l’A69 devra revêtir un nouveau visage.

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05 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Retraite (FR3)

biocides

« Près de la moitié des agriculteurs vont arriver à l’âge de la retraite », plus de 60% des terres bio seraient menacées

Les terres bio seraient-elles en danger du fait de nombreux départs à la retraite des agriculteurs dans la décennie à venir ? Agrobio 35 et des acteurs du territoire se mobilisent en tout cas pour le maintien en agiculture biologique des terres bio au moment de la transmission des fermes, en identifiant les terres à risque sur le département d’Ille-et-Vilaine.

2024 est la première année où les surfaces agricoles bio sont en recul en France. 62% des agriculteurs bio envisagent d’arrêter leur activité dans les 10 ans. La moitié des fermes bretonnes sont concernées par un arrêt d’activité dans les dix prochaines années. Et c’est plus vrai en Ille-et-Vilaine que dans le reste de l’Hexagone.

Face à ce constat, Agrobio35, en partenariat avec Terre de Liens, le CIVAM-IT35, et les territoires d’étude, a amorcé un travail, depuis mars 2023, autour de l’enjeu du maintien des terres bio en bio au moment de l’arrêt d’activité.

Ce jeudi, ils invitaient les agriculteur·rices bio du département, agent·es et élu·es des territoires à la restitution des résultats d’une étude menée sur 140 fermes afin de confronter vécus et idées, notamment autour de l’anticipation de la transmission et de la maîtrise du foncier.

Après avoir réalisé une première étude, en 2023 pour identifier les freins et les leviers au maintien des terres bio en bio, au moment de l’arrêt d’activité des agriculteurs et agricultrices, le travail s’est centré, au 1er semestre 2024 sur l’identification des terres à risque de non transmission en bio au moment de l’arrêt d’activité.

Cette étude s’est faite avec l’ambition de se donner les moyens d’anticiper et d’éviter toute dégradation de l’utilisation du foncier bio (retour à une agriculture chimique) en introduisant le principe de sanctuarisation des terres bio.

Anticiper la transmission des fermes

Rennes Métropole a défini dans le cadre de son PCAET (Plan Climat Air Energie Territorial), sa volonté de réduire de 15% les émissions de gaz à effet de serre de l’activité agricole et d’atteindre 50% d’agriculture biologique d’ici 2030. La pérennisation des terres bio, au moment de la cession des fermes biologiques, représente donc un axe majeur pour parvenir à cet objectif.

Depuis plus d’une vingtaine d’années, Rennes Métropole travaille donc ardemment sur la question agricole, considérant que l’espace agricole fait partie du territoire de la ville et voit comme essentiel le fait de garder une agriculture en circuits courts.

Pascal Verdier, chargé de mission agriculture durable à Rennes Métropole, le rappelle, « près de la moitié des agriculteurs vont arriver à l’âge de la retraite. » La collectivité travaille donc sur la question cruciale de la transmission. « Pour ça, explique-t-il, on a besoin qu’il y ait des repreneurs qui s’installent mais aussi des cédants qui anticipent suffisamment leur transmission, ce qui va leur permettre d’avoir le temps de trouver les bons repreneurs qui seront adaptés à leurs fermes et leurs projets ». 

Notre objectif, c’est d’essayer de garder des exploitations d’une taille familiale pour ne pas avoir de grosses exploitations avec des pratiques qui ne seront pas bonnes pour l’environnement. Pascal Verdier Chargé de mission agriculture durable à Rennes Métropole

« On peut agir par le foncier »

Concrètement, comment agir ? Selon lui, « on peut agir par le foncier, en ne consommant pas trop d’espace pour urbaniser, et puis aussi en sélectionnant les porteurs de projets qui vont s’installer sur des terres de Rennes Métropole. On peut travailler aussi avec les cantines de la métropole pour qu’elles achètent plus de produits bio et locaux. Enfin, il est également possible d’aider les agriculteurs pour accompagner les transmissions de leurs fermes ». 

L’intérêt de la rencontre d’aujourd’hui, pour lui, « c’est à la fois d’entendre ce que les agriculteurs disent, ce que les organisations agricoles portent comme message et puis c’est de mettre en place après des aides qui vont aider à fluidifier les choses et aller dans le bon sens ». 

« La transmission, on y a pensé dès l’installation »

La transmission, eux, ils y ont pensé dès le début de leur installation en 2019. Philippe Marchand et Emilien Mondher sont paysans fromagers à la Ferme du gros Chêne à Betton, près de Rennes. « On est associés et dès le départ on a été clairs avec notre propriétaire en lui disant qu’on ne serait pas forcément agriculteurs toute notre vie. On s’est toujours dit qu’on était de passage sur cette ferme-là et qu’il y en aurait d’autres après nous et on en sera fiers. On souhaite que la ferme puisse perdurer.

Pour ça, on accueille beaucoup de stagiaires, peut-être qu’un jour, ce seront eux qui reprendront la ferme. Si demain, on veut attirer de nouvelles générations, il faut aussi que le modèle agricole s’adapte, de manière plus souple, avec moins de capitalisation ce qui fait que les gens peuvent venir et partir plus facilement », conclut Emilien Mondher.

De son côté, Philippe « espère que la ferme continuera en bio ». Son associé renchérit : « Pour que la ferme reste en bio, il faut que la consommation suive. Les consommateurs doivent faire un choix militant lors de leurs achats car c’est comme cela qu’on aura demain des paysans et paysannes en bio », conclut Emilien Mondher. CQFD.

Laurence Postic  05/09/2024 Avec Inès Tayeb

https://france3-regions.francetvinfo.fr/

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05 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Barnier (Greenpeace)

ecologie-conflits-energie

Michel Barnier Premier ministre : le renouveau écologique et social n’aura pas lieu

Greenpeace France exprime son inquiétude face à la nomination de Michel Barnier comme nouveau Premier ministre.

Dans un contexte où le besoin de changement est plus pressant que jamais et où des millions de citoyennes et de citoyens se sont rendus dans les urnes pour placer le bloc de gauche, mené par le Nouveau Front populaire en tête des législatives, cette nomination s’inscrit dans la continuité d’une politique ultra-libérale maintes fois dénoncée par notre organisation pour son incompatibilité avec les enjeux de transformation radicale de notre système économique afin de répondre à la crise environnementale et sociale.

Cette nomination qui semble avoir été négociée pour satisfaire aux exigences des chefs de partis de droite et d’extrême droite n’augure rien de bon quant à la ligne politique générale qui sera donnée.

Malgré un intérêt sincère de Michel Barnier pour les problématiques environnementales et un bilan concret sur ces sujets (création de la commission nationale du débat public, loi Barnier inscrivant le principe du pollueur payeur dans la loi ainsi que la mise en place du fonds d’aides aux collectivités pour faire face aux catastrophes naturelles), Greenpeace France doute de sa capacité à répondre concrètement et rapidement aux impératifs dictés par la crise écologique actuelle.

« Cette nomination, qui a été l’objet de tractations d’appareils politiques pendant des mois, est une déception pour celles et ceux qui ont lutté avant l’été pour donner un cap politique différent à la France. Ce choix ne reflète pas le résultat des élections de juillet dernier, déclare Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France.

Avec Michel Barnier comme Premier ministre, les espoirs de mettre la justice sociale et environnementale en haut du calendrier politique sont bien minces. L’obstination du président E. Macron à ignorer les appels des Français et des Françaises à une transformation profonde de notre modèle de société est dangereuse et ne fera qu’aggraver la fracture sociale et écologique. Continuer dans ce modèle politique capitaliste et brutal, qui écrase les femmes et les hommes et s’assoit sur l’avenir des générations futures, c’est ouvrir un boulevard pour l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir en 2027. »

Le premier ministre démissionnaire, Gabriel Attal, a déjà prévu dans le projet de budget 2025 des coupes budgétaires alarmantes de plusieurs milliards pour la transition écologique, amputant notamment MaPrimeRénov, dédiée à la rénovation énergétique des logements ainsi que les aides pour les véhicules électriques.

Matignon prévoit également des baisses de crédits pour le Fonds vert, destiné à la transition écologique des collectivités locales. Greenpeace France demande au nouveau Premier ministre de revenir sur ces prévisions et de réallouer les budgets nécessaires à la transition, il s’agira du premier test pour ce gouvernement afin de jauger de son ambition concernant les enjeux environnementaux. L’urgence climatique ne peut pas attendre une nouvelle clarification politique en 2027.

Face à ce Président, qui persiste à ignorer les signaux d’alarme de la crise écologique et sociale, et au futur gouvernement, la société civile reste plus que jamais mobilisée. Les militantes et militants de Greenpeace France seront dans les rues le samedi 07 septembre prochain pour répondre à l’appel lancé par l’Union étudiante et l’Union syndicale lycéenne à une manifestation contre le coup de force autoritaire du président E. Macron.

5 septembre 2024

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12 août 2024 ~ 0 Commentaire

Fait chaud! (Reporterre)

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Explosion du nombre de nuits à plus de 25 °C en 10 ans

Au cours des dix dernières années, environ 2,4 milliards de personnes (un tiers de la population mondiale) ont connu au moins deux semaines supplémentaires de nuits avec des températures supérieures à 25 °C.

Le nombre de nuits dépassant 25 °C a considérablement augmenté en dix ans dans le monde, selon une étude parue jeudi 8 août. Un phénomène notable également en France, qui gagne des territoires situés toujours plus au nord, et affecte la santé des gens.

Le groupe de scientifiques indépendants Climate Central a comparé la moyenne annuelle des nuits chaudes entre 2014 et 2023. Au cours des dix dernières années, environ 2,4 milliards de personnes (un tiers de la population mondiale) ont connu au moins deux semaines supplémentaires de nuits avec des températures supérieures à 25 °C par rapport à un monde hypothétique sans changement climatique d’origine humaine.

Encore pire en zone urbaine

Par exemple, Trinité-et-Tobago, situé dans les Caraïbes, compte désormais 47 nuits supplémentaires par an au-dessus des 25 °C, ce qui est énorme.

La ville indienne de Bombay a subi à elle seule deux mois supplémentaires de nuits chaudes. En France, le phénomène des nuits dites « tropicales » (lorsque la température ne descend pas sous les 20 °C) progresse et gagne des territoires situés toujours plus au nord.

Ce phénomène se ressent encore plus en zone urbaine où le béton des immeubles et les artères bitumées stockent la chaleur en journée pour mieux la rejeter la nuit.

Ces températures nocturnes élevées nuisent au sommeil et réduisent la récupération physique de l’organisme déjà sujet à des températures élevées en journée.

L’Organisation mondiale de la santé recommande de maintenir la température ambiante à 24 °C ou en dessous pendant la nuit – une limite au-dessus de laquelle le sommeil devient inconfortable et peut affecter la santé des personnes vulnérables (bébés, personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques).

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18 juin 2024 ~ 0 Commentaire

Météo (Reporterre)

Météo du futur : les nuages au cœur du changement climatique

Météo du futur : les nuages au cœur du changement climatique

Les nuages vont jouer un rôle déterminant dans l’évolution du climat. Mais leur variété et leur complexité fait de leur intégration aux modèles climatiques un véritable défi pour les scientifiques.

Elle est décrite comme « la mission de recherche la plus complexe » de l’Agence spatiale européenne (ESA) à ce jour. Lancé en orbite le 29 mai dernier, le satellite EarthCARE de l’ESA, conçu en collaboration avec l’agence spatiale japonaise, embarque quatre instruments de pointe. Pendant au moins trois ans, ils seront braqués vers l’atmosphère terrestre afin d’y scruter l’un des plus importants et mystérieux acteurs du climat : les nuages.

« Plusieurs satellites ont déjà étudié les nuages par le passé, mais, pour la première fois, grâce à la combinaison de nos instruments, nous allons mesurer toutes leurs caractéristiques physiques en même temps. C’est ce qui intéresse les chercheurs, explique Dominique Gillieron, responsable des projets d’observation de la Terre à l’ESA, ils ont besoin d’améliorer leurs modélisations et de tester leurs modèles actuels. »

Car les nuages jouent un rôle crucial dans le système climatique de la Terre. Ils couvrent à peu près les deux tiers du globe, créant un « effet parasol » géant : en réfléchissant une partie du rayonnement solaire vers l’espace, ils nous protègent de son énergie et refroidissent le climat. Si tous les nuages disparaissaient, la Terre pourrait être plus chaude de 5 °C, selon le Programme mondial de recherche sur le climat.

Le chiffre est ancien et à prendre avec des pincettes tant la compréhension de la physique des nuages est difficile. Mais il donne un ordre de grandeur de leur influence décisive sur la température globale. Pour être plus précis, les chercheurs estiment l’énergie que l’on reçoit du soleil en calculant la puissance de rayonnement reçu, en watts, pour chaque mètre carré de surface terrestre (noté W/m2). Les nuages refroidissent ainsi la Terre d’environ 20 W/m2. À comparer aux 4,5 W/m2, qui sera le surplus (déjà énorme) emmagasiné à cause des gaz à effet de serre d’ici à 2100, dans le scénario de réchauffement médian à 3 °C.

Incertitudes climatiques

Le rôle refroidissant des nuages est donc capital. Problème : ils sont eux-mêmes perturbés par le changement climatique. Plus le climat se réchauffe, moins les nuages le refroidissent. Les chercheurs savent maintenant avec un haut degré de certitude, selon le dernier rapport du Giec, que cette boucle de rétroaction amplifie le réchauffement d’origine humaine.

Dans quelles proportions les nuages vont-ils aggraver la situation ? Cela reste l’une des principales sources d’incertitude concernant l’évolution du climat. Il est « probable » que l’effet global des nuages ajoute 0,12 W/m2 à 0,72 W/m2 pour chaque degré de réchauffement, selon le Giec, mais certains phénomènes bénéficient d’un faible degré de confiance. « La diversité des nuages, leur taille, leur épaisseur optique, leur altitude… tout cela contribue à générer de l’incertitude », explique Étienne Vignon, chargé de recherche CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique.

Pour comprendre les défis qu’affrontent les climatologues, il faut plonger un instant la tête dans les nuages. L’atmosphère contient en permanence de l’eau sous forme de gaz, en proportions variables. Mais sa capacité à en contenir est limitée : lorsqu’elle arrive à saturation, le surplus d’eau se condense, il se change en petites gouttelettes liquides, voire en cristaux de glaces, notamment selon les conditions de pression et de température. Ces gouttelettes et cristaux forment les nuages.

Effet parasol contre effet de serre

Simple ? Sauf que ces nuages ne se contentent pas de jouer un effet parasol. Ils contribuent également à l’effet de serre, c’est-à-dire à réchauffer la Terre en absorbant et émettant des rayonnements infrarouges (voir le graphique ci-dessous). Effet parasol refroidissant d’un côté, effet de serre réchauffant de l’autre, lequel des deux effets domine ? Cela dépend des nuages.

Ils peuvent notamment contenir une proportion variable de gouttelettes liquides et de cristaux de glace, ce qui a une influence importante aux latitudes tempérées car les gouttelettes ont un plus grand pouvoir réfléchissant. La taille des gouttelettes et la forme des cristaux joue également.

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© Stéphane Jungers / Reporterre

Dans les cumulus, nuages chauds et bas à maximum 2 ou 3 km d’altitude, souvent très épais, l’effet parasol refroidissant domine. A l’inverse, les cirrus, qui flottent bien plus haut dans la troposphère, jusqu’à 14 km, sont très fins, bloquent beaucoup moins les rayons du soleil et l’effet de serre y est dominant, leur influence climatique est donc réchauffante.

Boucles de rétroactions climatiques

Le changement climatique bouleverse ces équilibres dans tous les sens. La hausse des températures va faire monter les cirrus en altitude, ce qui va renforcer leurs caractéristiques réchauffantes. D’autres processus peuvent avoir des effets contraires. « Avec le réchauffement, on s’attend à avoir moins de glace et une proportion de plus en plus importante de gouttelettes dans les nuages dans les régions de moyennes latitudes, donc une hausse de l’effet parasol et un effet refroidissant », souligne Étienne Vignon.

À l’inverse, le chercheur travaille également sur la modélisation des nuages dans l’océan Arctique et, là-bas, la boucle de rétroaction pourrait aggraver le réchauffement. « À l’automne, la banquise se réduit de plus en plus, ce qui entraîne plus d’évaporation de l’océan et donc plus de formation de nuages à basse altitude. Ceux-ci provoquent beaucoup d’effet de serre », dit-il. Comme il y a peu de soleil dans cette région à l’automne, l’effet parasol ne joue pas beaucoup. L’effet de serre, au contraire, accélère la fonte de la banquise, accélérant encore le réchauffement dans une boucle de rétroaction délétère.

Ces deux effets contradictoires restent mal compris et difficiles à quantifier. Surtout, ils ne représentent qu’une petite partie des interactions climatiques impliquant les nuages. Il faudrait y ajouter l’évolution globale de la couverture nuageuse (à chaque degré de réchauffement, l’atmosphère peut contenir 7 % d’eau en plus), la répartition des nuages (l’effet parasol couvre plus de surface avec des nuages très éparpillés que s’ils sont très concentrés), la vitesse à laquelle ces nuages se changent en pluies et disparaissent, la difficulté à anticiper la présence de ces nuages de jour ou de nuit (en l’absence de soleil, l’effet parasol est absent et l’effet de serre domine la nuit), etc.

« En Antarctique, l’effet parasol ne joue pas puisque la surface glacée blanche réfléchit déjà très bien le soleil. Mais si la glace fond et révèle un sol plus sombre, l’effet parasol des nuages devient beaucoup plus important, explique Christoph Kittel, chercheur en climatologie à l’université Grenoble Alpes. Selon la part de glace et d’eau liquide dans le nuage, les conséquences changent aussi complètement. Selon le modèle de nuage que l’on utilise, l’avenir de la fonte globale en Antarctique varie de 50 % dans le pire scénario. Des points de bascule sont possibles mais encore très mal compris. »

Les défis de la modélisation

C’est l’autre difficulté que rencontrent les chercheurs : au-delà de la complexité des nuages, se trouve celle de les modéliser dans leurs ordinateurs. « Nos modèles fonctionnent très bien et on a de bonnes indications sur l’évolution moyenne du climat. Mais il reste de fortes disparités entre modèles, notamment sur les nombreuses incertitudes liées aux nuages et il reste beaucoup de travail scientifique à faire sur la paramétrisation », note Étienne Vignon.

D’où l’intérêt de poursuivre et affiner les observations, comme le fait le satellite EarthCARE. En plus de s’intéresser à la physique des nuages et à leur rayonnement thermique, les instruments de l’ESA vont se concentrer sur les « précurseurs des nuages ». Car si l’eau se condense lorsque l’atmosphère est saturée, la formation de nuage est favorisée par la présence de poussières, sels marins, combustibles fossiles, pollens ou autres particules autour desquelles gouttelettes et cristaux vont s’agglomérer.

Or, la présence de ces aérosols dans l’air est elle-même bouleversée par le changement climatique et ajoute une couche de complexité à la compréhension de l’évolution du climat. « L’évolution des tempêtes dans le Sahara peut par exemple soulever plus de sable, l’évolution de la végétation ou les floraisons précoces liées au réchauffement peuvent changer la distribution du pollen, les tempêtes marines plus fréquentes apporter des sels dans l’atmosphère, sans parler des polluants industriels et des combustibles fossiles », énumère Dominique Gilliéron.

« Ces changements d’aérosols vont-ils favoriser la formation de cirrus qui augmentent l’effet de serre ou de cumulus à l’effet rafraîchissant ? » questionne-t-il. Les modèles auront peut-être affiné leur réponse d’ici trois ou quatre ans, lorsque le satellite aura fini sa mission. D’ici là, il reste une certitude que les climatologues rabâchent inlassablement : plus nous émettons de gaz à effet de serre, plus nous nous enfonçons dans les brumes de dérèglements catastrophiques.

Vincent Lucchese 18 juin 2024

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17 juin 2024 ~ 0 Commentaire

Mini Méga Bassines (LPO)

 

Mini Méga Bassines (LPO) dans Altermondialisme iStock-1150731633
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Et maintenant les «mini méga-bassines» !

Le Gouvernement multiplie les mesures en faveur de la création de retenues de substitution destinées à l’irrigation, souvent au détriment de zones naturelles. La LPO dénonce une régression écologique irresponsable visant à maintenir sous perfusion un modèle agricole obsolète et délétère, et appelle les citoyens à se mobiliser.

Jusqu’au 19 juin 2024, le ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires soumet à la consultation publique obligatoire un projet de modification de l’arrêté du 9 juin 2021 encadrant l’aménagement et l’exploitation de plans d’eau au niveau national, conformément à la rubrique 3.2.3.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement.

La LPO demande le retrait de ce projet d’arrêté et encourage les Français à s’y opposer lors de la consultation publique en donnant un avis défavorable avant le 19 juin.

Je participe à la consultation publique

La modification envisagée consiste à soustraire de l’application de l’article 4 dudit arrêté les zones humides dont la superficie est inférieure à 1 hectare, qui représentent environ la moitié de la surface nationale estimée à 3 millions d’hectares. Selon cet article 4, l’implantation d’un plan d’eau en zone humide ne peut intervenir que s’il participe à l’opération de restauration de cette dernière, ou s’il respecte une série de conditions strictes :

  • Existence d’un intérêt général majeur ;
  • Absence d’autre solution alternative ;
  • Efficacité des mesures de réduction et de compensation de l’impact écologique.

Si l’arrêté est adopté, les plans d’eau inférieurs à 1 hectare seront désormais exonérés de toutes ces conditions, avec comme conséquence l’implantation facilitée de bassins d’irrigation artificiels de taille moyenne (des « mini méga-bassines ») en lieu et place d’habitats naturels pour la biodiversité.

Cette mesure fait suite à l’adoption en première lecture par les députés le 26 mai dernier de la Loi d’orientation agricole qui, entre autres reculs environnementaux, limite les procédures de recours suspensif contre les méga-bassines afin de faciliter leur installation.

Il est estimé qu’environ la moitié des zones humides françaises ont disparu entre 1960 et 1990, victimes du remembrement agricole et de l’urbanisation et que 41 % des milieux humides français ont continué de se dégrader entre 2010 et 2020 selon une étude des services de l’Etat.

Dans un contexte de réchauffement climatique et d’effondrement du vivant, il est irresponsable de faire disparaitre des écosystèmes qui sont essentiels pour préserver la biodiversité, réguler le cycle de l’eau et absorber du carbone. L’accaparement des ressources en eau au profit d’une poignée d’agroindustriels accentue en outre l’assèchement des bassins versants et les inégalités au sein du monde agricole.

10 juin 2024 LPO France

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21 mai 2024 ~ 0 Commentaire

Bassines (Reporterre)

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20 mai 2024 ~ 0 Commentaire

Méditerranée (Reporterre)

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La Méditerranée à l’épreuve d’un réchauffement extrêmement rapide

Le pourtour de la Méditerranée est l’une des régions qui se réchauffe le plus vite au monde, subissant une sécheresse critique. De la Sicile à la Tunisie, en passant par l’Andalousie, le manque d’eau devient une triste habitude. Sicile (Italie), Andalousie (Espagne), Sousse (Tunisie), reportage

C’est l’une des zones les plus touchées par le changement climatique sur notre planète. Le bassin méditerranéen subit des « conditions critiques » de sécheresse, ont alerté dès le mois de février les scientifiques du Centre commun de recherche de la Commission européenne. De la Sardaigne au Portugal, en passant par le sud de la France et l’Espagne, ces régions manquent cruellement d’eau. Le Maghreb est même considéré en « extrême gravité » par ce rapport.

Il ne s’agit pas d’un épisode exceptionnel, mais bien d’un phénomène durable, installé depuis plusieurs années et dû à une combinaison de températures élevées et de manque de précipitations. « L’augmentation observée des températures dans cette zone est plus importante que la moyenne mondiale, expliquait en mai 2023 à Reporterre l’hydroclimatologue Yves Tramblay, chercheur à l’Institut de recherche pour le développement et coauteur d’un chapitre du sixième rapport du Giec consacré à la région. La planète se réchauffe, et la Méditerranée un peu plus vite. »

Le printemps avance désormais et, malgré quelques pluies, la situation ne s’améliore pas sur le pourtour méditerranéen, laissant craindre le pire pour l’été à venir.

En Sicile, des réservoirs d’eau vides

En Sicile, la plus grande île de la mer Méditerranée, nombre de réservoirs d’eau qui alimentent villes et champs sont déjà presque vides. La situation a poussé le gouvernement italien à décréter l’état d’urgence dans la région le 7 mai, pour une durée d’un an, tandis que des restrictions d’eau ont été établies pour un million d’habitants, sur les 5 millions que compte l’île.

« On parlait justement du fait qu’il ne pleut pas depuis longtemps », confie Mirella, 65 ans, accompagnée de son ami Vincenzo, en marchant dans la réserve naturelle de Santo Pietro, dans l’est de l’île. Entre septembre 2023 et avril 2024, il n’y est tombé que 191,2 mm d’eau, soit l’une des pires séries enregistrées depuis le début des relevés en 1916. Ce bois a perdu des dizaines de chênes-lièges ravagés par divers incendies estivaux ces dernières années. Mirella dit se sentir « très triste et impuissante face à la raréfaction de l’eau ».

Ces dernières décennies, les conséquences de la sécheresse sont d’ailleurs aggravées par une mauvaise gestion et l’état préoccupant de nombreuses infrastructures hydrauliques : sur les vingt-six barrages de l’île, plusieurs sont depuis longtemps hors service, et de très nombreuses canalisations sont vétustes. « Je m’inquiète beaucoup pour l’avenir des plus jeunes », assure la sexagénaire avant de souffler : « Malheureusement il y a beaucoup d’ignorance. »

« Les Siciliens n’ont pour la majorité toujours pas compris qu’il ne s’agit pas d’une urgence, mais d’un fait établi », assène Pepe Amato, membre de l’association écologiste Legambiente depuis quarante ans. La province voisine de Caltanissetta risque de se retrouver sans eau à partir du 6 juillet, le lac de barrage ressemblant davantage à une flaque qu’à un lac.

Dans les terres intérieures de cette île très agricole, les nuances de vert des blés ont disparu. À la place, des champs aux trop courts épis couleur or, brûlés par le soleil, s’étendent à perte de vue. La situation des agriculteurs est alarmante.

« À ce rythme, je devrai moissonner d’ici dix jours, car les tiges sont déjà sèches. Elles ne vont plus pousser », s’inquiète Alessio, jeune agriculteur de 25 ans, les pieds sur une terre déjà craquelée. Outre des pommes de terre et melons irrigués, il cultive au sein de l’exploitation familiale de plus en plus de céréales, car elles ne nécessitent pas d’irrigation. Il est conscient que l’on « ne pourra plus cultiver partout en Sicile à l’avenir ».

« Le jour où on n’aura plus du tout d’eau, on verra ce qu’on fait »

Face au dérèglement climatique, qui amène aussi son lot de pluies diluviennes — à l’image du printemps 2023 quand, en quelques minutes, la plupart de ses cultures ont été dévastées —, Alessio a diversifié ses cultures et teste des variétés plus résistantes à la sécheresse.

Un peu plus loin, en plein épandage d’insecticide au milieu de ses pêchers aux fruits réduits, Massimo, un agriculteur de 48 ans, ne sait pas ce que les nappes phréatiques où il pompe l’eau ont encore à offrir. « Le jour où on n’aura plus du tout d’eau, on verra ce qu’on fait et comment on s’adapte », dit-il. Alessio, lui, a peur « qu’au mois d’août, il ne reste ici qu’un désert ».

En Tunisie, cinq ans de sécheresse

À des centaines de kilomètres de là, sur la côte sud de la Méditerranée, l’inquiétude est la même. « Tout ce qu’on demande, c’est que Dieu fasse revenir la pluie », s’exclame Béchir, le doigt pointé vers le ciel. Le quinquagénaire fait passer un long tuyau noir entre des oliviers, jusqu’à ses plants de pommes de terre, dans l’est de la Tunisie.

Dans son village de Kondar, comme dans le reste du Sahel tunisien, on dépendait de l’eau provenant des barrages de la région voisine de Kairouan. Avec la sécheresse que connaît le pays depuis cinq ans, les taux de remplissage ne sont plus suffisants pour répondre aux besoins. « La seule solution, ce sont les puits », s’alarme Béchir.

Les agriculteurs de Kondar reconnaissent qu’ils ne sont pas les plus touchés. « Dans mon village, c’est pire : il n’y a plus d’eau pour faire pousser les plantes », dit un ami de Béchir, originaire de Kairouan et venu à Kondar pour fuir la sécheresse. Cependant, ils subissent déjà les conséquences de la raréfaction de l’eau : « L’année dernière, le prix du mètre cube est passé de 200 à 400 millimes [de 6 à 12 centimes d’euros] ! », lance Béchir.

L’agriculteur exploite un forage autorisé par le gouvernement, mais dans la région, certains ruraux n’hésitent plus à utiliser des forages ou des raccordements illégaux pour faire des économies.

Sur la côte, Sousse, troisième ville de Tunisie, subit aussi la baisse de la pluviométrie. Najoua et Tarek, un couple de septuagénaires, vivent avec des coupures d’eau à répétition. « Elles ont commencé en 2023 », se souvient Najoua. Régulièrement, l’approvisionnement en eau est interrompu dans l’ensemble du quartier. « D’habitude, c’est surtout la nuit. Mais en février, l’eau est restée coupée trois jours », dit Tarek.

Sur le perron, sa fille scrute l’arrivée d’un petit camion-citerne. Son conducteur explique qu’il vend de « l’eau de source » à un tarif préférentiel. Deux fois par semaine, il fait le tour des quartiers populaires. « On ne sait pas d’où ça vient, on n’achète pas », confie Najoua. Mais d’autres habitants, à court de ressources, n’ont plus le luxe de la prudence.

En Andalousie, des prières pour le retour de l’eau

En Espagne, en décembre 2023, des écoliers sont allés jusqu’à écrire aux rois mages pour réclamer de l’eau. « Cette année, je ne veux ni un portable, ni une trottinette électrique », a tracé une jeune adolescente devant sa feuille. « Ce que je veux, c’est ouvrir le robinet et qu’il en sorte une eau propre », a complété une autre. « Prendre ma douche sans que ma peau ne démange », « Que mes grands-parents puissent cuisiner sans devoir porter de lourds jerricanes »

Quelques jours avant Noël, dans les montagnes du nord de la province de Cordoue, en Andalousie, douze écoles du secteur ont publié une vidéo où les élèves demandaient de l’eau. Depuis neuf mois, un liquide malodorant, parfois saumâtre, coulait aux robinets des quelques 80 000 habitants des comarques de Los Pedroches et de Guadiato, en raison de la sécheresse.

« Le pantano [grand lac de barrage comme il en existe beaucoup en Espagne] de Sierra Boyera, qui nous alimente normalement, est le premier du pays à s’être asséché complètement, en avril 2023 », raconte Miguel Aparicio, fondateur de la plateforme Unidos por el agua (Unis pour l’eau), lancée durant cet épisode. Les pantanos sont la base du système d’approvisionnement dans ce pays sec. Quand leur niveau est trop bas, l’eau devient impropre à la consommation, en raison de la matière organique qui se concentre au fond.

« Il n’y a pas de vraies mesures d’adaptation à la nouvelle réalité climatique »

« Quand on ouvrait le robinet, s’échappait un filet d’eau marron ou jaune qui sentait le poisson pourri », poursuit Miguel Aparicio. En urgence, le gouvernement espagnol a connecté en mars le lac artificiel de Sierra Boyera à celui, voisin, de La Colada. « Mais ça fait vingt ans qu’il reçoit les eaux usées de plusieurs villages et que la pollution de l’élevage intensif y ruisselle. Notre station d’épuration ne peut assainir cela ».

« Les parents martelaient aux enfants de fermer les yeux et la bouche pour éviter le contact avec les muqueuses sous la douche, certains ont fait des réactions allergiques sur tout le corps, poursuit-il. Ma femme et moi louons une maison de tourisme rural. Dans ces conditions, personne n’est venu pendant plus d’un an. » Pour la consommation humaine, des camions-citernes se relayaient dans le centre des communes. Les habitants venaient faire la queue pour remplir bidons et bouteilles.

La solution est enfin tombée du ciel, fin mars, durant la Semaine sainte, très suivie en Andalousie. De très fortes pluies ont rechargé à 70 % le pantano de Sierra Boyera. L’eau a été déclarée potable le 22 avril. « Mais tout le monde pense que ça se reproduira, car il n’y a pas de vraies mesures d’adaptation à la nouvelle réalité climatique », avertit Miguel Aparicio, regrettant que l’Espagne continue de ne compter que sur le ciel.

À l’avenir, selon le chapitre 4 du sixième rapport du Giec, consacré au bassin méditerranéen, les sécheresses devraient devenir « plus sévères, plus fréquentes et plus longues » en cas d’émissions de gaz à effet de serre modérées. Elles s’intensifieront « fortement » si notre recours aux énergies fossiles se poursuit de manière débridée.

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