Archive | Crise

09 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

enfer (reporterre)

«<small class="fine d-inline"> </small>Porte de l'enfer<small class="fine d-inline"> </small>» : le patron de l'ONU va-t-il trop fort sur le climat<small class="fine d-inline"> </small>?

Antonio Guterres en 2023, lors du sommet de l’ONU sur les objectifs de développement durable. – © Richard Koek en Ministerie van Buitenlandse Zaken / CC BY 2.0 Flickr via Wikimedia Commons

« Porte de l’enfer » : le patron de l’ONU va-t-il trop fort sur le climat ?

« Effondrement », « ébullition », « portes de l’enfer »… Le Secrétaire général des Nations unies emploie un vocabulaire dramatique pour parler du climat. Un choix contesté par certains, mais plusieurs médias changent aussi leur langage sur le sujet.

Addicte aux énergies fossiles, l’humanité a « ouvert les portes de l’enfer ». Tel est du moins le réquisitoire dressé, en septembre, par le Secrétaire général de l’ONU. Les envolées dramatiques d’Antonio Guterres ne surprennent plus personne. À chaque nouvelle apparition, le M. Climat de la diplomatie internationale use d’adjectifs toujours plus alarmants quant au sort de la planète. Pas plus tard que le 30 novembre, à peine foulé le paillasson de la COP28, le diplomate portugais a mis en garde qui voudrait bien l’écouter de « la catastrophe totale » pointant le bout de son nez.

Alors que penser de ces remontrances ? Au sein de la communauté scientifique, certaines voix s’élèvent pour nuancer les propos du patron de l’ONU. « Je dois avouer que parfois son vocabulaire m’interroge, souffle Jean Jouzel. L’urgence est là, c’est indéniable, mais il n’y a pas vraiment matière à parler d’ébullition. » Ce paléoclimatologue fait ici référence à une déclaration d’Antonio Guterres, prononcée à l’heure des chaleurs extrêmes du mois de juillet : « L’ère du réchauffement climatique est terminée. Place à l’ère de l’ébullition mondiale. »

L’expression anglophone « climate breakdown », traduite en français par « effondrement » ou « bascule climatique », chagrine aussi. Et pour cause : elle ne renverrait à aucune preuve établie. En septembre 2018, le patron des Nations unies proclamait par ailleurs que les humains avaient deux ans pour agir, face à une « menace existentielle directe ». « Mettre des deadlines, déclarer que dans X années il sera trop tard… Cela n’a vraiment aucun sens », dit Olivier Hamant, biologiste et directeur de recherche à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).

« Ces gesticulations ne servent à rien »

Aussi critiquable soit son vocable, personne ne retirera à Antonio Guterres sa sincérité, assure Romuald Sciora. Politologue à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), il raconte que le diplomate a saisi toute l’urgence de la crise climatique lorsqu’il dirigeait le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) : « Il n’y a aucune hypocrisie sortant de sa bouche. Ses convictions sont réelles. »

En revanche, le Secrétaire général est parfaitement conscient « du déclin, si ce n’est de la déliquescence » du système multilatéral, poursuit l’expert : « Aujourd’hui, l’ONU est une brindille sur la scène internationale. Elle n’a plus aucune influence décisionnelle, plus aucune influence politique tout court. Alors que reste-t-il à Guterres pour faire entendre sa voix ? » Le changement climatique. D’où la sémantique choc.

Cela a-t-il une quelconque répercussion ? Pas sur les grandes puissances, analyse Amy Dahan, historienne des politiques du changement climatique : « Il n’est pas aux manettes, c’est d’une certaine façon un simple lanceur d’alerte. » Preuve en est la dernière assemblée générale, à laquelle les dirigeants russe, indien, chinois, français et britannique manquaient à l’appel. Sur les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, seul Joe Biden a répondu présent. « Une première, insiste Romuald Sciora. Autant dire que les vociférations de Guterres ne semblent pas déranger. Ne nous leurrons pas, ces gesticulations ne servent à rien. »

Une révolution sémantique

Le porte-voix de l’ONU n’est pas le seul à s’être engagé dans une mutation linguistique plus ou moins prononcée. En mai 2019, le journal britannique The Guardian a acté l’abandon de la notion de « changement climatique » dans ses colonnes, lui préférant celle de « crise climatique ». Quelques mois plus tard, l’Oxford English Dictionary désignait « urgence climatique » mot de l’année. En dix ans, les médias français ont rangé au placard les formes interrogatives empreintes d’un certain climatoscepticisme — « faut-il s’inquiéter du changement climatique ? » — au profit d’une certitude alarmante sur l’état du climat.

Entamer ce virage sémantique était primordial, considère Olivier Hamant. « Se contenter de conserver notre lexique d’antan revenait à s’enferrer dans l’inaction. Les mots colonisent les esprits. » Le biologiste invite à bannir un vocabulaire toxique, relevant du déni, tel que la croissance verte ou le développement durable.

S’il faut retenir une chose des dizaines de travaux produits par la communauté scientifique, c’est que le XXIᵉ siècle sera turbulent, poursuit-il. « Nous quittons la stabilité pour un monde fluctuant, fait de crises sociales, écologiques et géopolitiques. Et cette fluctuation impose d’abandonner les concepts du monde stable dans lequel on vivait, et d’entamer une révolution sémantique. »

https://reporterre.net/

Lire la suite

09 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

corrosion ( sdn)

nuk

Corrosion sous contrainte et fatigue thermique : Quand les certitudes d’EDF se fissurent

L’hiver dernier, le phénomène de corrosion sous contrainte a stoppé simultanément et longtemps plusieurs réacteurs nucléaires. Outre la menace induite sur l’approvisionnement en électricité, ce phénomène qu’EDF jugeait impossible a plongé l’exploitant dans l’urgence et le désarroi. Et a mis en lumière les limites de ses études et de ses contrôles. Un problème de vérifications et d’anticipation loin d’être réglé et bien plus profond que de la corrosion.

En 2021, à Civaux (Nouvelle-Aquitaine) une fissure est découverte sur un circuit de refroidissement [1] au cœur d’un des réacteurs les plus récents. Profonde de plusieurs millimètres, elle fait toute la circonférence du tuyau. Et elle se situe sur un tronçon qui ne peut pas être isolé ; s’il rompt, c’est la fuite assurée.

Une fois le tuyau découpé et analysé en laboratoire, le diagnostic tombe : le métal inoxydable a été rongé par une corrosion particulière, dite sous contrainte [2] (CSC). Un phénomène pourtant impossible d’après les choix de conception, de matériaux et de fabrication d’EDF.

Le problème est grave et l’incompréhension totale. Puisque l’impossible est survenu au cœur de Civaux, il peut être partout. Cette crainte est vite confirmée lorsqu’une nouvelle fissure de CSC est repérée au cœur d’un autre modèle de réacteur, à Penly (Normandie). Le bon sens voudrait alors qu’EDF s’assure de l’état de l’ensemble de ses réacteurs.

Quand les vérifications posent problème

Mais vérifier le cœur des 56 réacteurs nucléaires français ne se fait pas comme ça. Il faut non seulement les arrêter, mais aussi contrôler des dizaines de mètres de tuyaux dans des zones radioactives et difficiles d’accès. Hic supplémentaire, puisque la CSC ne pouvait pas arriver, EDF n’a pas conçu de technique pour la détecter. Il existe bien les contrôles par ultrasons, utilisés pour déceler d’autres altérations, mais la méthode est inadaptée à la CSC. Elle n’est pas fiable sur le métal inoxydable et n’indique pas la profondeur des fissures, paramètre crucial pour déterminer si la rupture est possible.

Alors vite, EDF développe une technique pour détecter et caractériser les fissures de CSC. Et vite, EDF étudie ce phénomène qu’il n’avait pas anticipé. L’industriel réduit rapidement le périmètre de ses vérifications : seuls certains circuits de certains réacteurs seraient « sensibles » à cette corrosion [3]. Fort de ses nouvelles certitudes, il choisit alors de découper ces tuyaux et de les remplacer intégralement, à l’identique [4].

Pourquoi tout remplacer au lieu de réparer les parties fissurées ? Parce que la méthode de contrôle qu’EDF a développée n’est pas très fiable, elle donne de faux positifs. En plus, elle n’est pas réalisable partout : dans certaines zones l’analyse des résultats est difficile, voire impossible. Elle doit être complétée par d’autres types d’examens car elle ne donne d’informations ni sur la longueur des fissures ni sur leur évolution [5].

Et elle coûte cher en temps, en argent et en dose de rayonnement. Il faut quatre contrôleurs spécifiquement formés et toute une semaine pour examiner deux soudures. D’ailleurs, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) le dit : il ne sera pas possible de vérifier toutes les tuyauteries susceptibles d’être concernées par la CSC [6].

Quand les problèmes questionnent les vérifications

Et puis début 2023, une fissure de CSC très profonde (23 mm sur 27 mm d’épaisseur) est découverte à Penly, sur une portion de circuit qu’EDF avait classée « non sensible » [7]. Comme quoi, les études et les nouvelles certitudes d’EDF sont à revoir. Le périmètre des vérifications aussi.

EDF comprend alors que les réparations effectuées provoquent des contraintes qui favorisent la corrosion. L’industriel épluche ses dossiers : au moins 320 soudures sont à vérifier. Les contrôles prendront des années. Les capacités matérielles et humaines d’EDF et les contraintes de production (temps et durée des arrêts) dictent le calendrier.

Au même moment, les contrôles réalisés avec la technique « améliorée » révèlent des fissures d’un autre genre sur deux réacteurs : les chocs de température fatiguent le métal qui, à force de dilatation et de contraction, finit par se fissurer. Cette fatigue thermique est bien connue mais est apparue… dans des zones où elle n’était pas censée arriver. Les études de conception d’EDF n’avaient pas prévu la sollicitation répétée de ces tuyauteries. La découverte remet en question le périmètre des contrôles de surveillance de la fatigue thermique dans tous les réacteurs d’EDF. Mais pas seulement.

Mise bout à bout avec la CSC, la fatigue thermique soulève plus largement la question des vérifications et pointe le véritable problème : l’arrogance d’EDF, qui trop confiant, ne remet en question ses calculs et ses études que lorsqu’il est déjà trop tard.

On le voit bien, EDF ne maîtrise pas tout ce qui est à l’œuvre dans ses réacteurs. Or, ses vérifications sont conditionnées à ses connaissances. Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l’industriel doit encore mener un volume d’études colossal pour déterminer les causes profondes de la CSC [8]. Et doit réviser toute la stratégie de contrôle de son parc nucléaire [9].

Remplacer à l’identique sans avoir compris ce qui fissure les tuyauteries, limiter les contrôles, utiliser une méthode bancale et coûteuse, laisser en l’état des zones possiblement endommagées, tout ça par manque de moyens, de compétences et d’humilité…

Non, l’approvisionnement en électricité en France n’est pas si bien sécurisé. Oui, il peut y avoir encore de longs arrêts de réacteurs, pour corrosion, fatigue thermique ou autre phénomène soit-disant impossible. C’est le prix à payer quand un État décide de tout miser sur une technologie pas si bien maîtrisée.

Laure Barthélemy

https://www.sortirdunucleaire.org/

Lire la suite

08 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

gaza (npa)

Crédit Photo Photothèque Rouge

Le massacre reprend, reprenons la rue ! Soutien à Gaza ! Cessez-le-feu maintenant ! Arrêt des massacres !

La reprise des bombardements conjugués aux combats au sol après sept jours de trêve a rendu la bande de Gaza plus invivable encore, et le décompte macabre a explosé. Les bombardements israéliens terrorisent de nouveau Gaza et redoublent en intensité et en fréquence. Le dernier décompte estime à plus de 15 000 le nombre de PalestinienNEs assassinéEs depuis le 7 octobre, dont au moins 6 600 enfants.

Un bilan effroyable 

Le nombre de blesséEs dépasse désormais les 40 000, et la majorité d’entre eux est confrontée à un défaut de soin compte tenu de l’épuisement des ressources sanitaires et du personnel de santé des hôpitaux gazaouis depuis déjà plusieurs semaines. Les infrastructures de santé sont sans cesse menacées, à l’image du bombardement le 2 décembre de l’hôpital al-Awda, quelques heures seulement après la fin de la trêve. Il s’agit d’un des rares hôpitaux toujours fonctionnels dans le nord de Gaza.

Massacre technologique

Toujours plus dans l’horreur, des journalistes israélienNEs ont montré que l’armée israélienne possède un système d’intelligence artificielle implacable semblant indiquer que les informations sur toutes les cibles sont connues et que le massacre de civils est assumé froidement. De la même manière, le ciblage de journalistes est un fait établi, et plus de cinquante journalistes l’ont payé de leur vie.

Réaction internationale 

Visiblement la communauté internationale n’est pas prête à peser pour arrêter ce massacre. Même si, en Israël, il y a des résistances à Nétanyahou, un sondage effectué mi-novembre indiquait que seulement 2 % de la population juive israélienne trouvait la séquence de bombardement excessive et près de 30 % ne la trouvait pas assez excessive. Ces chiffres indiquent que pour l’instant la pression des peuples doit venir de l’extérieur.

Construisons la mobilisation 

C’est la mobilisation des classes populaires dans le monde qui est la solution, la résistance palestinienne armée ne peut gagner seule. À nous de nous organiser, à la base, dans des collectifs de mobilisation pour la Palestine.

Il faut accentuer la pression sur les gouvernements occidentaux pour imposer un cessez-le-feu et l’arrêt des massacres. La quasi-totalité des opinions publiques mondiales constatent avec horreur l’entreprise de nettoyage ethnique qui a lieu sous nos yeux, à l’opposé des classes dirigeantes qui ont soutenu inconditionnellement le « droit d’Israël à se défendre ».

L’indécence de la formule a de quoi surprendre, alors qu’Israël bafoue en permanence le droit international. Nous devons soutenir des sanctions contre Israël pour interrompre le massacre en cours, pour limiter l’impunité de ce pays, pour desserrer l’étau qui entoure les PalestinienEs. Nous devons maintenir la pression sur les états occidentaux mais nous pouvons aussi presser les compagnies internationales qui soutiennent l’apartheid.

Mercredi 6 décembre 2023

https://nouveaupartianticapitaliste.org/

Lire la suite

08 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

petits fours (basta)

Couverture du livre Fin du monde et petits fours

Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique, Édouard Morena, (La Découverte, 2023).

« La jet-set climatique et ses ultrariches visent la normalisation du capitalisme vert »

Comment la « jet-set climatique » oriente-t-elle la COP28 ? Elle s’assure « que ses solutions, à base de marchés carbone paraissent comme les seuls outils ’’crédibles’’ », analyse Edouard Morena, auteur de Fin du monde et petits fours.

La « jet-set climatique » n’inclut pas seulement les ultrariches engagés sur les questions climatiques par le biais de leur fondation. Elle englobe aussi toute une nébuleuse de think tanks, cabinets de conseil, experts en communication, consultants, qui gravitent autour de ces ultrariches et participent à la normalisation du capitalisme vert.

Tout le débat qui se déroule à la COP28 sur la création d’un marché carbone mondial volontaire [1] s’inscrit pleinement dans la vision portée depuis une vingtaine d’années par les acteurs que j’étudie dans le livre. Le format même des COP – à travers les annonces et initiatives lancées en parallèle aux négociations qui mélangent à la fois gouvernements, entreprises, grosses fondations, etc. – constitue un bon indicateur de la « réussite » de ces acteurs.

La gouvernance climatique qu’ils promeuvent n’est plus seulement centrée sur les États et les accords entre États, mais sur les acteurs privés et publics par le biais de partenariats qui les unissent. Elle est fondée sur des engagements volontaires, et non pas des contraintes étatiques.

Les COP sont devenues un outil stratégique pour ces élites afin de normaliser des « ajustements réalistes » plutôt que des changements structurels ; changements qui intègrent des enjeux – pourtant essentiels – de justice sociale. Il ne s’agit pas de nier le besoin urgent de transition, mais plutôt de s’assurer que leurs solutions, à base de marchés carbone, d’engagements volontaires, d’innovation, de partenariats public-privé, d’aides massives aux entreprises, paraissent comme les seuls outils « crédibles » et disponibles pour faire face au dérèglement climatique. Ce « réalisme » là, on le retrouve aujourd’hui à la COP28.

Dépolitiser le débat

Lorsqu’on s’intéresse aux centaines de « communicants stratégiques » et autres experts en relations publiques qui gravitent autour de ce genre d’événement, on constate qu’ils travaillent souvent à la construction d’un récit de l’action climatique qui joue sur les registres de la peur et de l’espoir, sur l’urgence et l’optimisme.

Tout en mettant l’accent sur l’urgence de la situation, rapports du GIEC et exemples d’événements climatiques extrêmes à l’appui, ils insistent sur les opportunités économiques et sur le rôle positif des entreprises, des investisseurs, de Jeff Bezos, Michael Bloomberg, Bill Gates et autres entrepreneurs-milliardaires-philanthropes comme fers de lance de la transition bas carbone.

Il suffit de regarder les discours d’Al Gore – notamment à la COP28 – qui repose toujours sur le même format. Il commence par mettre l’accent sur la gravité de la situation, en montrant les images d’icebergs qui se détachent et qui renvoient à l’urgence de la situation et de la crise, avant de mettre en avant « ses » solutions en les présentant comme les seules réalistes et capables de faire face à la crise en cours.

Cette combinaison conduit à faussement dépolitiser le débat et à marginaliser des voix alternatives centrées sur la justice climatique. Elle « naturalise » les solutions centrées sur les acteurs privés, les investisseurs, les mécanismes de marché, en les présentant comme une traduction en actes de la science du climat.

Des élites favorables à la sortie des énergies fossiles

Tout en insistant sur le rôle des acteurs privés, les élites climatiques critiquent les États. Ceux-ci sont présentés, dans leurs discours, comme inefficaces et peu agiles. En parallèle, ces mêmes élites font pression sur ces mêmes États pour qu’ils soutiennent par le biais d’aides en tous genres – crédits d’impôt, subventions aux entreprises, prêts garantis… – les entreprises et investisseurs ; pour qu’ils prennent à leur charge les risques associés à la transition. Les profits éventuels, eux, sont pour les acteurs privés.

Les élites climatiques poussent à fond à la COP28 pour que l’élimination progressive des combustibles fossiles figure dans la déclaration finale. Ce qu’ils souhaitent, c’est avoir une sorte d’échéance pour la sortie des fossiles, car ce signal fort va valoriser leurs investissements dans le secteur des renouvelables et de la transition bas carbone.

De fait, j’ai le sentiment qu’à Dubaï, il y a une forme d’alignement entre élites climatiques et mouvement climat sur cette question précise de la sortie des fossiles. Mais là où il y a une différence, et de taille, c’est sur le type de transition que l’on veut.

La vision de la transition portée par les élites (et qui domine actuellement le débat climatique), met l’accent sur les marchés, les technologies, les engagements volontaires et les « milliardaires-philanthropes-sauveurs-de-la-planète ». Le mouvement climat, quant à lui, accorde une place plus centrale aux enjeux de justice : responsabilités historiques, pertes et dommages, transition juste…

Fort heureusement, cette voix alternative se fait de plus en plus entendre. En dépit des efforts des élites pour l’empêcher, on assiste à une (re)politisation de l’enjeu climatique. D’autres visions de la transition climatique que celles portées par la jet-set climatique se font entendre.

Édouard Morena
Maître de conférences en science politique à l’University of London Institute de Paris. Il est l’auteur de Fin du monde et petits fours. Les ultra-riches face à la crise climatique (La Découverte, 2023).

Edouard Morena, maître de conférences en science politique à l’University of London Institute in Paris. Propos recueillis par Sophie Chapelle 8 décembre 2023

https://basta.media/

Lire la suite

07 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

bretagne (reporterre)

Pesticides : le combat des familles d'agriculteurs souffrant de tumeurs

Un collectif breton réclame la reconnaissance des tumeurs cérébrales comme maladie professionnelle liée à l’exposition aux pesticides.

Pesticides : le combat des familles d’agriculteurs souffrant de tumeurs

« C’était une battante, raconte son compagnon Jean-Louis. Elle avait des paralysies dans les mains, les jambes mais elle gardait toute sa conscience. » Elle est morte en 2020 à 67 ans — neuf mois ont séparé l’apparition des premiers symptômes de son décès. Comme Odette Gruau, bien d’autres agriculteurs sont touchés par des tumeurs cérébrales.

En Bretagne, le collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, qui a adressé lundi 4 décembre un courrier à la Première ministre Élisabeth Borne, réclame que ces pathologies soient inscrites dans le tableau des maladies professionnelles agricoles. Cela permettrait aux agriculteurs d’être automatiquement reconnus comme souffrant d’une maladie professionnelle s’ils ont utilisé tel ou tel pesticide en lien avec leur pathologie.

Depuis 2020, cinq agriculteurs et une agricultrice du Grand Ouest, du Morbihan au Maine-et-Loire, ont bien obtenu, après leur décès, le classement de leur tumeur comme maladie professionnelle. Mais cela reste exceptionnel. Quatre autres dossiers sont en cours d’instruction.

« À la fin, il ne pouvait plus parler »

Clément Sauvaget est mort à 69 ans d’une tumeur nommée oligodendrogliome. La reconnaissance en maladie professionnelle est arrivée en 2020, onze après son décès. Pour son épouse Michèle, c’est « la reconnaissance de son combat ». Éleveur laitier en Vendée, tout a commencé par des malaises. « Il était persuadé que c’était à cause des produits. Il en manipulait depuis ses 13-14 ans. Il est né en 1940, une époque où les paysans ont voulu moins travailler grâce à la modernisation et sortir d’une vie difficile. » Un an a séparé les premiers malaises et le décès de l’éleveur. « À la fin, il ne pouvait plus parler. Il comprenait ce qu’on lui disait mais il ne pouvait plus s’exprimer, c’était très difficile. »

Les tumeurs cérébrales, comme l’oligodendrogliome de Clément Sauvaget ou le glioblastome de Gérard Leroux, touchent de nombreuses fonctions comme l’équilibre, la capacité à écrire ou à s’exprimer. « Un matin, Gérard m’a dit qu’il n’arrivait plus à écrire, j’ai pensé à un AVC », raconte son épouse Jasmine. Le diagnostic est tombé quelques jours plus tard. Il a rapidement perdu certaines facultés, s’embrouillait dans les chiffres, n’arrivait plus à parler. D’abord éleveur de vaches laitières, il s’était tourné par la suite vers un poulailler industriel de dinde puis la culture de céréales. Gérard est mort fin 2019 à 62 ans, et la reconnaissance en maladie professionnelle a été actée en septembre dernier.

Accompagnement des familles

Christophe Olivier, lui, est décédé à 44 ans. « Quand il traitait, surtout le colza, il avait des vertiges, envie de vomir et de dormir », raconte sa compagne Karine. Il s’agissait des premiers symptômes. Dix-huit mois plus tard, il mourait.

« Il est temps de faciliter la vie des familles » explique l’avocate du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, Hermine Baron. Aujourd’hui, ce sont aux proches de démontrer l’exposition aux pesticides, souligne-t-elle. Trois maladies sont reconnues comme liées aux pesticides : la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et ceux du sang. « La littérature scientifique démontre un lien de causalité entre ces tumeurs et l’exposition aux pesticides », souligne Hermine Baron. Une étude de l’Inserm, publiée en 2021, explique que « les personnes ayant travaillé dans au moins une culture ou un élevage présentaient une élévation du risque de tumeur. Les risques étaient plus élevés pour certaines cultures : pois fourrager, betteraves, pommes de terre. »

Dans sa thèse en santé publique soutenue en 2018, Clément Piel souligne par ailleurs la dangerosité des pesticides issus de la famille des carbamates dans le développement de ces tumeurs.

L’inscription des tumeurs cérébrales aux tableaux des maladies professionnelles offrirait une « protection renforcée des travailleurs, assurant un accès plus rapide aux indemnisations et aux soins nécessaires » souligne le courrier adressé à la Première ministre. Car les tumeurs vont vite. Hermine Baron résume : « Nous avons très peu de temps pour connaître les personnes malades, elles partent trop vite à cause de la rapide progression de la maladie. »

Julie Lallouët-Geffroy 7 décembre 2023

https://reporterre.net/

Lire la suite

07 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

Stéphane l’Homme (odn)

nucl-aire-pieds-nickel-s

« Le nucléaire n’a rien d’une énergie verte »

Les supporters de l’atome se sont félicités le 21 novembre de voir le Parlement européen inclure le nucléaire parmi les technologies dites « vertes », ou « propres », permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Passons vite sur le caractère ridicule de ce vote : il ne suffit pas qu’une énergie émette peu de CO2 pour être « verte » ou « écologique ».

Le nucléaire est en effet l’une des énergies les plus dangereuses et polluantes qui soient : mines d’uranium, production de déchets radioactifs, rejets continus radioactifs et chimiques des centrales dans l’air et l’eau, etc.

Rappelons aussi que la part du nucléaire dans la production mondiale d’électricité est passée de 17,1 % en 2001 à 9,2 % à ce jour, un véritable effondrement qui va continuer avec la fermeture inéluctable dans les années à venir d’au moins 160 vieux réacteurs sur les 400 encore en service sur Terre : si c’est vraiment le nucléaire qui doit combattre le réchauffement climatique, celui-ci a de beaux (et chauds !) jours devant lui.

Mais ce qu’il est important de préciser, c’est que les députés européens ne vont ni financer ni construire des centrales nucléaires. Il en est de même des divers chefs d’État ou de gouvernement qui rivalisent ces derniers temps, à celui qui annoncera plus de futurs réacteurs que son voisin. Tous ces beaux parleurs prétendent « sauver le climat » — quand ce n’est pas carrément « la planète » — avec :

• de puissantes machines comme l’EPR français — ou du moins son successeur l’EPR2, prétendument « moins cher, plus sûr, plus facile à construire » —, ou l’AP1000 américain ;

• une multitude de petits réacteurs modulaires, les fameux SMR, qui doivent pulluler sur Terre aussi sûrement qu’un virus du Covid.

Une électricité ruineuse

Or, il y a quelques semaines, le 9 novembre, on apprenait par l’agence Reuters que l’entreprise américaine NuScale Power avait renoncé à son projet de petit réacteur modulaire, « portant un coup aux ambitions américaines d’une vague d’énergie nucléaire pour lutter contre le changement climatique ».

Il faut dire que le projet devait être préfinancé par les futurs clients — des entreprises et des collectivités locales — qui ont fini par se retirer en dépit d’une garantie de 1,4 milliard de dollars sur dix ans et d’une subvention de 600 millions de la part du département américain de l’énergie. En effet, le projet promis en 2020 annonçait fièrement une puissance de 720 MW pour un coût de 3,6 milliards… avant de passer à 462 MW pour 9,3 milliards, c’est-à-dire quatre fois plus cher que prévu.

« Les renouvelables 2 à 3 fois moins chères »

Aux dernières nouvelles, l’électricité ainsi engendrée était projetée aux environs de 120 dollars par mégawattheure, probablement beaucoup plus en réalité, mais dans tous les cas, ce serait un tarif totalement rédhibitoire : les énergies renouvelables produisent aujourd’hui une électricité abondante à un tarif 2 à 3 fois moins cher, et l’écart ne fait que s’agrandir.

Il s’agit d’un coup fatal pour l’industrie nucléaire, car NuScale était le seul projet de SMR validé par les autorités américaines et, de façon générale, tous les autres projets (tel Nuward en France) vont se fracasser sur le même problème : comme annoncé le 14 octobre 2021 dans une tribune publiée par Le Monde, « s’ils voient le jour, les petits réacteurs nucléaires modulaires produiront une électricité ruineuse ».

Et il est de plus en plus probable qu’ils ne voient même pas le jour. Sauf à s’adresser aux Russes ou aux Chinois — ce qui est exclu pour la plupart des clients potentiels, pour la plupart situés en Europe —, il ne reste donc plus à l’industrie nucléaire et ses supporters que la piste des gros réacteurs comme l’EPR français ou l’AP1000 américain.

Surcoûts, retards

L’un comme l’autre sont d’ores et déjà des désastres industriels et financiers. Annoncé à des dizaines d’exemplaires aux États-Unis, l’AP1000 a été annulé presque partout, sauf en Caroline du Sud… où le chantier a finalement été stoppé et abandonné, et en Géorgie, où un seul réacteur a pu démarrer, avec sept ans de retard et un coût multiplié par deux.

Quant à l’EPR, le suspens demeure à Flamanville, où le réacteur est supposé démarrer en 2024 avec douze ans de retard et un coût multiplié par cinq (selon les estimations de la Cour des comptes). Les EPR de Finlande et de Chine, mis en service également avec de longues années de retard, sont régulièrement arrêtés pour d’inquiétants dysfonctionnements. Quant au chantier d’Hinkley Point, en Angleterre, il suit la voie de son frère français avec de lourds retards et surcoûts.

Bien sûr, EDF et les autorités françaises annoncent désormais des EPR2, « plus faciles et moins chers à construire », mais qui peut encore croire à ces belles paroles ? Rappelons que l’industrie nucléaire française est aussi en grave défaillance sur les chantiers des réacteurs Iter (fusion nucléaire) et RJH, un réacteur de recherche dont la mise en service est désormais annoncée pour 2034… au lieu de 2014.

Pas de chance, le RJH était prévu pour appuyer la recherche sur la prolongation de la durée de vie du parc existant, sur les EPR2, et sur les SMR. Il arrivera longtemps après la bataille et après avoir anéanti quelques milliards de plus, mais qui se soucie de cette gabegie ?

Des macroniens aux communistes en passant par le RN, l’essentiel pour les adeptes de l’atome est de clamer qu’ils vont « sauver le climat », alors qu’ils veulent juste gaspiller dans le nucléaire les milliards qui permettraient justement de prendre les mesures nécessaires (plans d’économies d’énergie et de développement des renouvelables).

Voilà qui nous ramène aux députés européens : après leur vote ubuesque, ils s’affairent déjà à d’autres questions, incapables d’expliquer comment les industriels européens vont bien pouvoir trouver les ressources humaines et financières pour construire les nombreux réacteurs annoncés : en France même, malgré la propagande du VRP de l’atome, Jean-Marc Jancovici, les jeunes ingénieurs et techniciens manquent à l’appel et, d’autre part, EDF et l’État français sont dans des situations financières catastrophiques. Il est impossible de savoir si quelqu’un ou quelque chose va « sauver le climat », mais une chose est sûre, ce ne sera pas le nucléaire…

Le Parlement européen vient d’inscrire l’atome parmi les « technologies vertes ». Il n’en est rien, selon Stéphane Lhomme, de l’Observatoire du nucléaire. Stéphane Lhomme est directeur de l’Observatoire du nucléaire.

https://reporterre.net/

Lire la suite

06 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

pologne etc (the conversation)

pologne etc (the conversation) dans Antifascisme
Proportion de sièges détenus au Parlement national par le principal parti de droite radicale, au 23 novembre 2023. Statista, CC BY
.

En Pologne, aux Pays-Bas et ailleurs en Europe : les multiples visages des populismes de droite radicale

Les récentes élections législatives en Pologne (15 octobre 2023) et aux Pays-Bas (22 novembre 2023) ont témoigné de la vitalité électorale des droites radicales populistes dans les deux pays.

En Pologne, le scrutin d’octobre a démontré la résilience du PiS (Droit et justice), au pouvoir depuis 2015. Malgré une mobilisation sans précédent de l’opposition emmenée par la Coalition civique de Donald Tusk (et qui devrait finir par réussir à former le gouvernement avec ses alliés, malgré la résistance acharnée du pouvoir sortant), le parti du premier ministre Mateusz Morawiecki est arrivé en première position avec 35,28 % des voix, flanqué de Konfederacja, coalition hétérogène d’anciens membres de l’extrême droite qui a, elle, réuni 7,16 % des suffrages.

De leur côté, les Pays-Bas ont vu le PPV (Parti pour la liberté) de Geert Wilders l’emporter avec 23,6 % des suffrages, devenant contre toute attente le premier parti au Parlement avec 37 sièges, soit presque la moitié des sièges nécessaires pour obtenir une majorité (76 sur 150).

Ces succès s’inscrivent dans une tendance plus globale au regain des forces de droite radicale populiste dans nombre de pays européens, à l’instar de l’Italie, de la Suède ou de la Finlande, sans oublier naturellement la France.

Ces partis ont actuellement le vent en poupe dans de nombreux États membres de l’UE : Autriche, Belgique, Roumanie, Croatie, Estonie ou Bulgarie, en particulier. Outre-Rhin, l’AfD réunit actuellement 21 % des intentions de vote, loin devant les sociaux-démocrates du SPD, une percée confirmée dans les urnes début octobre aux élections régionales en Bavière (14,6 %, +4 points) et en Hesse (18,4 %, +5 points). En Slovaquie, les ultranationalistes du Parti national (SNS) se sont imposés comme partenaires de Robert Fico à l’issue des élections de septembre dernier.

Les expériences polonaise et néerlandaise confirment la dynamique actuelle des droites radicales populistes. Elles illustrent également la diversité et la complexité de la scène populiste contemporaine.

Des trajectoires parallèles

Le PiS polonais incarne un modèle de parti conservateur qui s’est radicalisé au fil du temps en s’appropriant certains thèmes de l’extrême droite.

Le parti de Jaroslaw Kaczynski, créé en 2001, a adopté au départ un populisme de droite teinté de conservatisme social et de nationalisme. Son agenda national-conservateur s’est affirmé avec le temps, à travers des rapprochements successifs avec des mouvements situés plus à droite sur l’échiquier. Le PiS a remporté deux élections consécutives (2015 et 2019) en s’appuyant sur des réformes conservatrices, la mise au pas du système judiciaire.

Cet agenda national-conservateur lui a permis d’assurer un temps sa position de parti dominant et de convserver le pouvoir entre 2015 et 2023, ce qui explique sa trajectoire centrifuge marquée par une dérive illibérale sur l’État de droit. Cette tendance l’a d’ailleurs amené à entrer en conflit avec les institutions européennes à ce sujet.

Sur le plan économique, le PiS est volontiers interventionniste, mettant l’accent sur le soutien aux familles, la protection sociale et la promotion des entreprises polonaises (y compris par des mesures protectionnistes). En outre, le PiS a mis en place des programmes de soutien à l’agriculture, offrant des subventions aux agriculteurs et mettant l’accent sur la préservation de l’agriculture familiale traditionnelle.

Le PVV néerlandais a été fondé en 2006 par Geert Wilders après son départ du Parti populaire pour la démocratie et la liberté (VVD) deux ans plus tôt. Son programme comprend des éléments nationalistes, conservateurs et libéraux, et prône la fermeté en matière d’immigration et de justice.

Une partie de son pouvoir de séduction repose sur un discours profondément anti-islam – jusqu’à l’outrance – et une critique acerbe de la classe politique dirigeante. Wilders désigne l’immigration comme la principale menace pour l’État-providence néerlandais, dénonce le « tsunami de l’asile et de l’immigration de masse » et propose d’interdire les écoles islamiques, le Coran (qu’il a comparé à Mein Kampf) et les mosquées pour mettre un terme à ce qu’il considère comme « l’islamisation » du pays.

Le populisme demeure une caractéristique forte du PVV. En 2023, Wilders a largement fait appel au « ras-le-bol » des électeurs néerlandais après 13 ans de gouvernement VVD de Mark Rutte. Sur le plan économique, le PVV a progressivement évolué d’un programme néolibéral vers des positions plus sociales, proches de celles de Marine Le Pen en France.

Contrairement au PiS, le PVV n’a jamais été en mesure d’accéder au pouvoir jusqu’à présent. Les élections de 2023 marquent à cet égard un tournant historique vers sa normalisation. D’abord grâce aux efforts de Wilders pour tempérer ses positions les plus radicales et se donner un profil plus fréquentable, mais surtout grâce à la porte entrouverte avant le scrutin par la nouvelle dirigeante du VVD, Dilan Yesilgöz-Zegerius, à une possible alliance avec le PVV.

Divergences et convergences

Si le PVV néerlandais, comme le RN en France, s’efforce d’épouser les grandes évolutions de société sur les questions de mœurs – souvent d’ailleurs pour mieux diaboliser un islam jugé « retrograde » ou « totalitaire » –, d’autres incarnent à l’inverse une réaction conservatrice face aux enjeux d’égalité femmes-hommes ou de promotion des droits LGBT. Viktor Orban en Hongrie et le PiS polonais s’imposent ainsi comme des hérauts de cette contre-révolution culturelle.

En Italie, Giorgia Meloni a été élue sur le slogan « Dieu, famille, patrie » ; en Espagne, Vox fait de la lutte contre l’avortement ou le mariage homosexuel un de ses principaux chevaux de bataille.

En dépit de leurs différences, le PVV et le PiS, et au-delà l’ensemble des partis de droite radicale populiste, se rejoignent sur certains traits idéologiques communs : rejet de l’immigration, hostilité envers l’islam, et affirmation de l’identité et de la souveraineté nationales, notamment face à l’Union européenne. Tous ces mouvements partagent également un agenda autoritaire et sécuritaire fondé sur la loi et l’ordre, et la plupart adhèrent à l’idée d’une « préférence nationale » pour assurer l’accès prioritaire aux nationaux à l’emploi et à l’aide sociale.

Un peu partout en Europe, les partis de droite radicale populiste semblent en mesure d’exploiter les insécurités économiques, le pessimisme et les colères sociales, notamment face à l’impact de la guerre en Ukraine. Le gouvernement polonais du PiS a certes joué, dès février 2022, un rôle essentiel pour soutenir l’effort de guerre du pays voisin, tout en accueillant près d’un million et demi de réfugiés ukrainiens. Mais dans les mois précédant les élections du 15 octobre dernier, le PiS s’est progressivement rapproché des positions de Konfederacja, coalition dénonçant les effets du conflit ukrainien sur les populations rurales défavorisées, qui constituent le cœur de l’électorat du PiS. Ainsi, plusieurs prises de position négatives à l’égard de l’Ukraine, contre l’afflux de céréales et pour l’arrêt des livraisons d’armes ont marqué la fin de la campagne des conservateurs

Par contraste, le PVV défend depuis longtemps des relations plus étroites avec Vladimir Poutine, considéré comme un allié dans la lutte contre le terrorisme et l’immigration de masse. Geert Wilders s’était mobilisé lors du référendum de 2016 aux Pays-Bas pour s’opposer à la ratification de l’Accord d’association entre l’UE et l’Ukraine. Wilders est à la fois très pro-OTAN à domicile mais également contre l’expansion de l’organisation à l’Est et contre la « russophobie hystérique » – il s’est notamment rendu à Moscou en 2018. Lors de sa campagne électorale, il a appelé de ses vœux l’avènement de « l’heure de la realpolitik », la fin de la livraison d’armes et du soutien financier à Kiev et l’ouverture de négociations avec la Russie.

Les enjeux des élections européennes

Cette montée en puissance des mouvements de droite radicale populiste pourrait représenter un enjeu majeur des élections européennes de juin 2024.

Ces partis, qui avaient longtemps été les principaux acteurs de l’opposition à l’Union européenne, ont, pour la plupart, opéré depuis quelques années un recentrage stratégique sur la question – souvent du fait de leur accession au pouvoir. En Italie, par exemple, Giorgia Meloni s’est éloignée de ses positions les plus radicales sur l’immigration ou l’UE et recherche désormais le compromis avec Ursula von der Leyen et les autorités européennes sur ces sujets. En France, la question européenne a été très largement absente de la campagne présidentielle de Marine Le Pen en 2022, quand bien même cette dernière n’a jamais véritablement abandonné la vieille idée d’une « Europe des nations libres et indépendantes », si chère à son père.

En Pologne, le PiS s’oppose à Bruxelles depuis plusieurs années à propos de ses réformes judiciaires et de sa décision, en octobre 2021, de décréter certains articles des traités européens incompatibles avec la Constitution nationale, remettant en question le principe même de primauté du droit européen, s’alignant sur ce point avec la Hongrie de Viktor Orban. Aux Pays-Bas, Wilders a longtemps incarné un euroscepticisme « dur » prônant tout simplement une sortie unilatérale de l’Union. Comme beaucoup de ses homologues européens, le leader d’extrême droite a récemment adouci ses positions pour élargir sa base électorale, et propose désormais un référendum sur un éventuel « Nexit ».

Jusqu’à présent, au Parlement européen, ces partis sont demeurés fortement divisés, répartis entre les groupes Identité et Démocratie, celui des Conservateurs et Réformistes européens et les non-inscrits. Les désaccords entre ID et les CRE tiennent pour beaucoup à leurs positions respectives sur la question de l’attitude à adopter à l’égard de la Russie de Vladimir Poutine et, en filigrane, face à l’OTAN et aux États-Unis.

Pro ou anti-Poutine ?

Parmi les admirateurs zélés du président russe, on retrouve beaucoup des mouvements opposés à l’OTAN – RN, FPÖ, FvD néerlandais (qui a obtenu 2,2 % aux dernières législatives), ATAKA et Vazrazhdane en Bulgarie, SPD tchèque ou AUR en Roumanie.

Pour les populistes de droite, Poutine a longtemps été vu comme l’incarnation d’un leadership fort, comme un défenseur des valeurs chrétiennes et un gardien de la civilisation européenne face à la « menace » de l’islam.

De façon plus prosaïque, l’attitude des extrêmes droites européennes a été indexée, aussi, sur la dépendance au gaz russe dans des pays tels que l’Autriche, la Bulgarie, la Tchéquie ou la Serbie, ou sur l’existence d’intérêts économiques liés aux investissements russes comme en Italie ou en Hongrie. Sans oublier les liens financiers établis avec le maître du Kremlin, à l’image du parti lepéniste en France, ou les liens d’amitié personnelle, comme cela fut le cas pour Silvio Berlusconi en Italie.

La topographie des groupes européens recoupe en partie cette ligne de clivage, opposant des partis plus « mainstream » et souvent plus atlantistes, autour de Giorgia Meloni, de Vox ou des Polonais du PiS chez les Conservateurs réformistes, à un groupe ID devenu au fil du temps le principal lieu de convergence des forces pro-russes autour de Marine Le Pen, Matteo Salvini ou de l’AfD allemande. Le cas de Geert Wilders, pro-OTAN et pro-russe, n’en ressort qu’avec plus d’originalité sur ce point.

Si la perspective d’une vaste alliance d’extrême droite au Parlement européen demeure assez peu probable, les succès à venir laissent toutefois entrevoir un nouveau glissement du centre de gravité de la politique européenne et un pouvoir de nuisance accru de la part de mouvements qui, s’ils poursuivent leur chemin vers la normalisation, n’en demeurent pas moins les principaux vecteurs d’opposition aux valeurs fondatrices de l’UE.

À l’image du PiS polonais, l’exercice du pouvoir par ces partis est marqué par une dérive illibérale, caractérisée par l’opposition à certaines des valeurs et des normes qui assurent l’équilibre politique et institutionnel des démocraties modernes. Une telle dérive participe d’un mouvement plus large et particulièrement préoccupant d’érosion démocratique, à laquelle la Coalition civique, en Pologne, devra répondre avec méthode. Parallèlement, le soutien européen à l’Ukraine risque de se trouver affaibli au Parlement européen aussi bien qu’au niveau des États membres. L’arrivée au pouvoir du PVV ne fait que renforcer une telle dérive.

Enfin, fort d’un éventuel futur statut de premier ministre, Wilders pourrait être tenté d’abandonner Marine Le Pen pour rejoindre Giorgia Meloni et les Conservateurs réformistes à Strasbourg en juin prochain. L’hypothèse d’une alliance de la droite du Parti populaire européen, qui regroupe les partis de droite « traditionnels », et d’un groupe CRE renforcé, emmené par Giorgia Meloni et le PiS, laisserait entrevoir un durcissement des politiques migratoires de l’UE et, plus fondamentalement encore, un affaiblissement du Green Deal européen par des partis d’extrême droite souvent climato-sceptiques et peu soucieux de transition énergétique.

Florent Parmentier Secrétaire général du CEVIPOF. Enseignant à Sciences Po. Chercheur-associé au Centre HEC Paris de Géopolitique, Sciences Po Gilles Ivaldi Chercheur en science politique, Sciences Po

https://theconversation

Lire la suite

06 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

climat (reporterre)

CREATOR: gd-jpeg v1.0 (using IJG JPEG v62), quality=85

Tant qu’il y aura des fossiles, les renouvelables ne sauveront pas le climat

On investit de plus en plus dans les énergies renouvelables. Mais ces chiffres masquent un soutien insuffisant et fort tardif. Les fossiles assurent toujours 81 % de l’énergie mondiale.

En matière de décarbonation, il est de bon ton de se satisfaire d’une statistique : celle des investissements en matière d’énergies renouvelables. Les chiffres sont flatteurs. Cette année,près de 1 750 milliards de dollars (1 589 milliards d’euros) devraient être consacrés aux nouvelles sources de production d’énergies « vertes » : parcs éoliens, fermes photovoltaïques, unités de valorisation de biomasse, centrales hydroélectriques, etc. Mieux, révèle l’Agence internationale de l’énergie (AIE), depuis 2016, les montants consacrés aux « renouvelables » sont systématiquement supérieurs à ceux dédiés aux « fossiles ». En route vers le bas carbone ? Pas forcément.

L’évolution du bouquet énergétique mondial est extrêmement lente. En 1971, les énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) assuraient 86 % de la production d’énergie primaire mondiale, contre 13,2 % pour les renouvelables. En 2019, et alors que la demande d’énergie avait triplé entre-temps, les fossiles satisfaisaient toujours 81 % de notre demande de mégawattheures (MWh). Les énergies vertes atteignaient péniblement les 14,5 %. Pendant ce temps, les émissions mondiales de dioxyde de carbone ont grimpé jusqu’à 41 milliards de tonnes en 2023 (dont 37 par les énergies fossiles).

Les productions d’énergies fossiles vont progresser

Malgré quelques tentatives de soutenir les énergies renouvelables après l’embargo pétrolier de 1973 — plus pour des questions de souveraineté énergétique que pour préserver le climat — les énergies vertes n’ont réellement été portées par les pays les plus industrialisés et quelques grands émergents qu’au début des années 2010.

En 2008, l’Union européenne (UE) a formalisé sa première stratégie climatique. Ce « paquet énergie climat » oblige les « 28 » d’alors à réduire de 20 % leurs émissions de gaz à effet de serre (Ges) entre 1990 et 2020, notamment en consommant 20 % d’énergies renouvelables. Conclu en décembre 2015, l’Accord de Paris a accéléré le rythme. Les États-Unis, la Chine et l’UE se sont fixés d’ambitieux objectifs en matière d’énergies propres. Et de baisse des émissions de Ges pour Washington (-26 à -28 % d’émissions entre 2005 et 2025) et Bruxelles (-40 % entre 1990 et 2030). Depuis, les records d’investissements en faveur des énergies renouvelables (éolien et solaire, surtout) ne cessent d’être battus.

Alors que les objectifs de réduction des émissions de carbone se multiplient, les gouvernements oublient plusieurs pans essentiels de la décarbonation. À l’exception du soutien public appuyé en faveur de l’électrification des voitures (en Chine, en Europe et aux États-Unis), aucune politique ne vise réellement à réduire la demande mondiale d’énergies fossiles. Entre 2000 et 2020, la production mondiale de pétrole, de gaz et de charbon a respectivement progressé de +15 %, +61 % et de +64 %. Depuis 2015, les banques ont prêté 9 518 milliards de dollars (8 693 milliards d’euros) aux producteurs d’hydrocarbures et de charbon pour développer leurs activités.

« Le capitalisme n’est pas compatible avec la lutte contre le réchauffement »

Les scenarii de stabilisation du réchauffement à 1,5 °C du Giec ou de neutralité carbone de l’AIE ne sont pris en compte ni par les dirigeants de ces compagnies ni par leurs banquiers. « Le capitalisme tel qu’on le vit actuellement n’est pas compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique », constatait, sur France Inter, le climatologue Jean Jouzel. La décroissance des émissions n’est pas à l’ordre du jour. Du propre aveu de l’AIE, la demande mondiale de pétrole devrait croître de 6 % entre 2022 et 2028. La production de gaz ne devrait augmenter « que » de 1,6 % par an entre 2022 et 2026. Seuls les tonnages de charbon devraient rester stables. Mais ils atteignent déjà des niveaux inégalés.

Substituer plutôt qu’additionner les sources d’énergie

C’est l’un des problèmes insolubles du moment : nous n’avons pas investi dans la transition énergétique. « Il faut regarder les choses en face, la progression des énergies renouvelables dans le monde ne concerne que la production d’électricité », souligne Jean-Louis Bal, ancien président du syndicat des énergies renouvelables. Pour créer des conditions propices au changement d’énergie, nous devons, d’une part, réduire notre demande d’énergies fossiles (pour le chauffage, l’industrie, la production d’électricité, le transport) et transformer nos systèmes énergétiques.

Cela implique des sommes prodigieuses pour économiser l’énergie, accroître la production d’énergies renouvelables (électriques et thermiques), développer les réseaux pour véhiculer ces énergies (lignes électriques, réseaux de chaleur, gazoduc à biogaz et à hydrogène vert), électrifier les transports et l’industrie. Et préférer la substitution à l’addition. « Réelle, la décarbonation des systèmes électriques des pays les plus industrialisés est imputable au fait que leurs électriciens ont remplacé des centrales carburant au charbon, au fioul ou au gaz par des éoliennes et des parcs photovoltaïques. Dans les grands pays émergents, les énergéticiens additionnent les centrales “fossiles“ et les renouvelables. Ce qui n’a aucun impact sur le climat », explique Jean-Louis Bal.

L’agence internationale des énergies renouvelables (Irena) a pris sa calculette. Le montant du devis de la décarbonation de l’énergie est estimé à 150 000 milliards de dollars (137 000 milliards d’euros) d’ici à 2050. Soit un peu plus de 5 500 milliards de dollars (5 023 milliards d’euros) par an : le triple de ce que le monde a consacré à l’énergie en 2019. Une inévitable régulation du secteur financier international s’impose. Il faudra aussi permettre aux États (notamment de l’UE) de faire exploser leurs limites d’endettement public.

Inflation des coûts

Ce n’est pas tout. Ces derniers mois, nombre de grands projets éoliens marins sont tombés à l’eau en Europe et en Amérique du nord. Tous ont été victimes des mêmes maux. Le premier est l’inflation. Cette année, estime le Fonds monétaire international (FMI), le renchérissement global des prix tournera autour de 7 %, contre une moyenne de 3 % par an entre 2015 et 2021. Les matières premières (béton, acier) coûtent donc plus cher qu’il y a quelques années. À cela s’ajoute le prix de l’argent. « Jusqu’en 2019, les énergéticiens pouvaient emprunter à des taux d’intérêt d’environ 1 % pour construire un parc éolien, explique un ancien dirigeant d’un fabricant de turbines. Aujourd’hui, les taux d’intérêt flirtent avec les 4 %. Cela coûte donc quatre fois plus cher qu’il y a quatre ans de financer des installations dont le coût total se chiffre en milliards d’euros. » En effet, en éolien marin, les coûts d’investissement représentent l’essentiel des coûts à financer, puisque le coût de production est quasi nul.

Dans la plupart des cas, les futurs exploitants de parcs offshore s’engagent à fournir un MWh à un coût fixe non indexé. L’équation à résoudre devient insoluble : les coûts de production et de financement ne cessent d’enfler, alors que le prix de l’électricité livrée doit, contractuellement, rester immobile.

De très grands acteurs de l’éolien, comme Vattenfall, Iberdrola ou Orsted commencent à abandonner de gros projets (quitte à dédommager les États ayant lancé les appels d’offres) [1] plutôt que d’achever des parcs à la rentabilité incertaine. Pour inverser la tendance, il faudrait que les banques centrales européennes et américaines baissent les taux d’intérêt et tuent l’inflation. Ce n’est pas à l’ordre du jour.

« Le solaire est désormais le mode de production d’électricité le moins coûteux »

Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles. En plein boom, le solaire a de très belles années devant lui. L’an passé, les centrales photovoltaïques ont injecté 1 300 TWh d’électricité sur les réseaux de la planète : 26 % de mieux qu’en 2021. À ce rythme, se félicite l’AIE, elles pourraient produire 8 000 TWh/an d’ici la fin de la décennie. Un volume compatible avec l’atteinte de la neutralité carbone mondiale au mitan du siècle. Les experts commencent d’ailleurs à y croire. « Le photovoltaïque et les batteries de stockage n’ont jamais été aussi peu chers. Le solaire est désormais le mode de production d’électricité le moins coûteux qui soit », se réjouit Stéphane His, ancien vice-président de la ligne de produits Biocarburants et Énergies renouvelables de Technip (un parapétrolier).

Si le paysage économique s’améliore, le solaire pourrait produire 40 % de l’électricité mondiale d’ici à 2050, prédit l’AIE dans son dernier rapport annuel. Dans une étude prospective publiée le 4 décembre, Rystad Energy estime que la consommation mondiale de charbon a atteint son pic en 2023.

Conséquence du développement massif des énergies renouvelables électriques, les centrales au charbon devraient réduire leur production dès l’année prochaine. Selon la société norvégienne spécialisée dans les données sur l’énergie, l’offre mondiale d’électricité d’origine renouvelable devrait bondir de 845 TWh : un chiffre très supérieur à la croissance annoncée de la demande. Le coût de production de l’électricité verte étant très inférieur à celui de l’électricité charbonnée, les compagnies d’électricité devraient rapidement modifier la composition de leur bouquet énergétique.

7 000 milliards de dollars par an de subvention aux fossiles

Dans l’accord final qu’elle peaufine, la présidence émiratie de la COP28 ambitionne de faire s’accorder près de 200 gouvernements sur quelques objectifs énergétiques : triplement des capacités de production d’électricité d’origine renouvelable et doublement du rythme d’amélioration de l’efficacité énergétique mondiale d’ici à 2030. Le patron du sommet climatique de Dubaï, Sultan Al-Jaber, demande aux entreprises très carbonées (comme les compagnies pétrolières !) de réduire de moitié leurs émissions directes (scope 1) et indirectes (scope 2).

Il propose enfin de « limiter les subventions aux énergies fossiles ». Selon le Fonds monétaire international, le montant annuel des aides publiques à la consommation et à la production de charbon, de carburants et de combustibles pétroliers est de 7 000 milliards de dollars par an (7 % du PIB mondial). Sans la moindre régulation, il atteindra 8 200 milliards d’ici la fin de la décennie. Réorientée vers les renouvelables, cette manne pourrait amplement financer la transition énergétique.

https://reporterre.net/

 

 

Lire la suite

03 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

scientifiques (reporterre)

COP26

« Dubaï est une farce » : les Scientifiques en rébellion organisent une alter COP à Bordeaux

Le collectif Scientifiques en rébellion organise une COP alternative à Bordeaux afin de dénoncer l’échec de la gouvernance climatique mondiale et d’inventer de nouveaux imaginaires.

« Le message est terrible. La COP28 est témoin d’une faillite : celle de la gouvernance climatique internationale. » Un micro à la main, le biochimiste Jérôme Santolini s’adresse à l’assemblée avec la pédagogie du professeur et la fièvre de l’activiste. Dans ce hall austère de la Base sous-marine de Bordeaux, tout de béton vêtue, la température est un brin plus fraîche qu’à Dubaï. Bienvenue à l’alter-COP des Scientifiques en rébellion. Ces femmes et ces hommes en blouse blanche ont quitté leur laboratoire pour investir ce bâtiment du 30 novembre au 3 décembre, et dénoncer « la farce qui se joue sous nos yeux ».

« La COP28 n’est pas une solution, elle est le problème, assure Jérôme Santolini. Elle sature l’espace politique et empêche l’émergence d’alternatives. »

Pour lui, les institutions restent enfermées dans un modèle datant des Trente glorieuses et sont incapables de s’adapter à l’ère de l’anthropocène. Preuve à l’appui, le procès survenu le 30 novembre à Paris : huit scientifiques et militants comparaissaient pour avoir occupé le Muséum national d’histoire naturelle en 2022. « Et pendant ce temps, les vrais criminels climatiques, connus depuis belle lurette, se promènent dans les couloirs d’une COP aux mains plongées dans le pétrole », s’insurge le chercheur.

« Les COP sont des machines à fabriquer une fiction collective »

Historienne des politiques du changement climatique, Amy Dahan tient à rassurer son auditoire : elle non plus ne croit pas en ces COP. « Néanmoins, ce cadre multilatéral a accompagné une certaine prise de conscience de l’urgence. » Avec une vingtaine de participations à son compteur, elle atteste qu’avant le début des années 2000, aucun officiel ou presque ne croyait au changement climatique : « Il y avait un fort climatoscepticisme et, sur ce point précis, ça a évolué. »

Si tout n’est pas à jeter, le constat reste noir à l’heure du vingt-huitième rendez-vous pour le climat : « Il y a eu le protocole de Kyoto, l’accord de Copenhague, celui de Paris… Et qu’en reste-t-il ? » s’interroge Romain Grard, du collectif Scientifiques en rébellion.

La Convention-cadre sur les changements climatiques, signée en 1992 à New York, témoignait du désir des parties prenantes de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre à un niveau viable. Trente-et-un plus tard, elles ont grimpé de 60 % : « Les COP sont des machines à fabriquer une fiction collective, dit la collapsologue Agnès Sinaï. Des milliers d’officiels construisent une rhétorique insaisissable pour le commun des mortels et tout cela ne sert qu’à occulter le tabou des énergies fossiles. »

« Aujourd’hui, on n’a plus le luxe d’être simplement contre, estime Romain Grard. On ne peut rester les bras croisés, alors il faut inventer autre chose. » Des alternatives, Agnès Sinaï en a plusieurs à suggérer. À commencer par la création d’une Cour internationale de justice climatique, sur le modèle de la Cour pénale internationale de La Haye : « L’accord de Paris est un traité politique totalement dénué de sanctions. Les États sont à la fois juges et parties, ça n’a aucun sens. » Elle propose en outre d’initier une Convention citoyenne internationale pour le climat, ou encore une COP de la décroissance. Aussi utopistes soient-elles, ces pistes ont le mérite d’inventer de nouveaux imaginaires.

Là est aussi le pari de cette alter-COP : s’approprier le narratif trop longtemps accaparé par les puissants. « On a toujours attendu des scientifiques qu’ils pondent de grands rapports à déposer sur le bureau de tel ou tel ministre », constate Stéphanie Mariette, généticienne des populations. Seulement, à quoi bon si c’est pour les entendre parler de croissance verte ensuite ? « Aujourd’hui, ce cadre institutionnel, créé par l’État, ne suffit plus. On doit s’en libérer et aller directement au contact des citoyens, au plus près des luttes locales. »

Un fossé entre le grand public et les scientifiques

Géographe et contributeur du Giec (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat), Wolfgang Cramer partage cette observation : « Je suis fasciné par la figure que l’on a construite du scientifique volontairement naïf. On se contentait de constater. On observait monter et descendre ces courbes, pour les décrire ensuite dans un langage froid et neutre. » Il met au défi quiconque de trouver un seul point d’exclamation dans les travaux du Giec. « Et de retour à la maison, on passait à autre chose, déplore-t-il. On considérait que plus nous étions désengagés, plus nous étions crédibles. C’était un contrat imaginaire avec la société. »

Cette posture a creusé un fossé entre le grand public et les scientifiques. « J’ai le sentiment que nous restons souvent entre nous, confirme l’océanographe François Sarano. Et cet entre-soi confortable rebute les citoyens que l’on devrait convaincre. Nous faisons peur, nos discours effraient. Pourtant, il faut séduire. » Comment ? En cherchant d’autres interlocuteurs que ceux des revues spécialisées où sont publiés les travaux et ceux des colloques internationaux où les chercheurs ne rencontrent que leurs pairs. « Il devient crucial de construire des ponts avec le grand public », abonde Julian Carrey, enseignant physicien à la blouse blanche et aux cheveux ébouriffés.

Plus facile à dire qu’à faire : une petite centaine de personnes à peine, scientifiques et journalistes compris, ont participé aux débats. Et au moins autant de chaises vides. Alors, à la tombée de la nuit, flottait dans l’air le sentiment amer d’un rendez-vous manqué.

Emmanuel Clévenot 2 décembre 2023

https://reporterre.net/

Lire la suite

02 décembre 2023 ~ 0 Commentaire

nucléaire (greepeace)

nukleaire

COP28 : l’action climatique freinée par des annonces sur le nucléaire

Nucléaire

À la COP28, une vingtaine de pays dont la France viennent de signer une déclaration commune pour tripler les capacités de l’énergie nucléaire dans le monde d’ici 2050, par rapport à 2020. Greenpeace France dénonce une manœuvre de diversion climatique.

“Le constat scientifique est clair : si l’on souhaite conserver une chance d’une trajectoire de 1.5°C, il faut massivement baisser les émissions de gaz à effet de serre au cours des prochaines années. Beaucoup trop lent à déployer, le nucléaire est totalement hors délai face à l’urgence climatique.

L’annonce d’un triplement des capacités est déconnectée de la réalité*. Entre retards, surcoûts et dépendance à la Russie, l’industrie nucléaire perd chaque jour du terrain dans le mix énergétique mondial et se marginalise un peu plus au profit des énergies renouvelables.

Bien moins chères, rapides à déployer et accessibles aux pays en développement, ces énergies font quant à elles consensus sur la scène internationale. À l’image de la scène nationale sur laquelle la France brille par sa médiocrité en termes de développement des énergies renouvelables, l’obsession pronucléaire d’Emmanuel Macron masque en réalité son manque de sérieux dans l’action climatique.”, déclare Pauline Boyer, chargée de campagne Transition énergétique à Greenpeace France.

*Pour tripler les capacités nucléaires mondiales, il faudrait mettre en service plus de 70 grands réacteurs par an, année après année, entre 2040 et 2050.

Or ces dernières années, ce sont 5 nouveaux réacteurs en 2020, 6 réacteurs en 2021, 6 réacteurs en 2022 et 4 réacteurs en 2023 (soit un total de 21 nouveaux réacteurs) qui ont été ajoutés au réseau.

Lors des deux dernières décennies il y a davantage de réacteurs qui ont été fermés que mis en service dans le monde.

2 décembre 2023

https://www.greenpeace.fr/

Lire la suite

Rocutozig |
Tysniq |
Connorwyatt120 |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Rafredipen
| Agirensemblespourpierrevert
| Buradownchin