Archive | Antiracisme

16 février 2025 ~ 0 Commentaire

MRAP (Sharpeville)

 

MRAP (Sharpeville) dans Antifascisme

MRAP : Le 21 mars « Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale ».

 Le 21 mars « Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale ».

Cette Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale est célébrée chaque année à cette date, pour commémorer ce jour de 1960 où, à Sharpeville (Afrique du Sud), la police a ouvert le feu et tué 69 personnes lors d’une manifestation pacifique contre les lois relatives aux laissez-passer imposées par l’apartheid.

En proclamant la journée internationale en 1966, l’Assemblée générale de l’ONU a engagé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour éliminer toutes les formes de discrimination raciale.

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https://mrap.fr/le-21-mars-journee-internationale-

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13 février 2025 ~ 0 Commentaire

Trump

ankou

Premiers jours de Trump au pouvoir : les États-Unis se dirigent-ils vers le fascisme ?

La courte victoire de Trump au vote populaire lors de l’élection présidentielle américaine de novembre 2024 a alimenté les spéculations sur une éventuelle dérive des États-Unis vers l’autoritarisme, voire le fascisme.

Bien qu’une discussion approfondie et une définition du fascisme dépassent le cadre de cet article, et que la présidence de Trump ne remonte qu’à une semaine à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’avalanche de décrets présidentiels déjà émis donne une indication de ce qui nous attend.

Comme prévu, la plupart de ces décrets – et ceux à venir – visent les immigré·es, les personnes LGBTQI+, les femmes, les lois existantes en matière de protection de l’environnement, les communautés de couleur et les organisations syndicales et progressistes, tout en envoyant le message aux 1 % qu’ils pourront profiter de baisses d’impôts et d’une réduction des réglementations en matière de sécurité des travailleur·ses et de protection de l’environnement.

Certains semblent avoir été conçus en partie pour tester la loyauté de ses alliés et les institutions de l’État, comme la grâce et les réductions de peine accordées à tous les insurgés du 6 Janvier, y compris ceux qui ont été condamnés pour des attaques violentes comme les policiers qui défendaient le Capitole.

Il est clair que Trump est un dirigeant de droite, un dictateur en puissance et qu’il a l’intention d’étendre le pouvoir présidentiel autant que possible. Mais l’orientation clairement autoritaire et d’extrême droite de Trump et de ses collaborateurs ne doit pas occulter les ruptures et les continuités opérées avec l’idéologie et les pratiques capitalistes contemporaines.

En effet, la frontière entre les politiques capitalistes conservatrices et le fascisme n’est pas toujours claire. L’hostilité de Trump à l’égard des protections et des directives relatives à l’environnement, aux droits du travail et des consommateurs, tout cela le place complètement dans le giron néolibéral du marché libre.

En effet, dans les premières 24 heures de sa présidence, Trump a annulé des dizaines de réglementations, et les inspecteurs généraux, qui sont responsables de l’application des réglementations gouvernementales, ont été remplacés par des partisans de Trump. Tous les agents fédéraux chargés de la diversité, de l’équité et de l’inclusion (DEI) ont été mis en congé, prélude à la suppression de leurs postes et de leurs emplois.

Protectionniste ou libéral ?

Trump a retiré les États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé et des accords de Paris sur le changement climatique et a donné le feu vert à l’intensification de la prospection pétrolière. Les attaques de Trump contre les immigré·es et ses promesses de les expulser sont une caractéristique de son programme depuis sa première présidence, lorsqu’il a promis de construire un mur tout le long de la frontière américano-mexicaine pour dissuader l’immigration. Rappelons cependant que des traitements inhumains ont été infligés aux réfugié·es par des gouvernements de droite et les sociaux-démocrates en Europe et ailleurs, et que le gouvernement d’Obama a expulsé plus d’immigrant·es que celui de son prédécesseur, le républicain conservateur George W. Bush.

Dans le même temps, le protectionnisme proclamé haut et fort par Trump, et ses menaces d’imposer des droits de douane allant jusqu’à 25 % sur les produits importés du Mexique et de Chine, le placent en porte-à-faux avec le libre-échange néolibéral. Cette contradiction révèle un un capitalisme agressif et sans concession à l’égard de ses alliés, longtemps considérés par les présidents américains et les deux partis de l’alternance comme des partenaires, mais devenus aujourd’hui des concurrents.

Le protectionnisme, le nationalisme économique et le chauvinisme ont toujours été liés, mais la vision de Trump va beaucoup plus loin et vise à remodeler l’ordre capitaliste mondial pour favoriser encore plus les États-Unis. Cela explique également l’apparente contradiction entre le penchant isolationniste de Trump et ses menaces de recours à la force militaire, une nouvelle version de la Realpolitik (1).

Les présidents américains choisissent depuis longtemps des figures du capital financier et industriel comme conseillers et représentants, mais Trump s’est entouré d’une large cour de capitalistes ultra riches comme Elon Musk, Mark Zuckerberg, et Jeff Bezos, trois des personnes les plus riches du monde. Musk, l’homme le plus riche du monde, qui s’est récemment adressé au parti fasciste allemand AfD, déclarant qu’il était le « meilleur espoir » de l’Allemagne, dispose d’un rôle officiel. En tant que propriétaires de X et de Facebook, Musk et Zuckerberg contrôlent des pans entiers des médias sociaux et de l’information. Leur proximité avec l’homme le plus puissant du monde, aux tendances dictatoriales, a d’énormes conséquences antidémocratiques.

Un fasciste ?

Une grande partie du programme et des premiers pas de Trump dans cette présidence ressemble donc aux gouvernements classiques, qu’ils soient conservateurs ou même libéraux, avec des caractéristiques extrêmes. Peuvent-ils donc être considérés comme fascistes ? Tout d’abord, les régimes autoritaires fascistes et d’extrême droite étendent considérablement la portée du pouvoir exécutif et suppriment les possibilités de contrôle de ce pouvoir, transformant les parlements en chambres d’enregistrement.

De même, ils cherchent à éliminer l’opposition juridique et politique. L’une des premières mesures prises par Trump a été de purger la fonction publique afin de s’assurer que le personnel gouvernemental est engagé en faveur de son programme. Bien qu’il n’y ait aucun signe d’une volonté de Trump d’interdire le Parti démocrate d’opposition, les menaces de poursuivre et d’emprisonner les membres de la commission du 6 Janvier du Congrès, tous démocrates, pourraient constituer un premier pas dans cette direction.

L’un des derniers actes officiels de Biden en tant que président a été d’accorder des grâces préventives à des personnes susceptibles d’être persécutées, pour les protéger de la colère de Trump. Cette mesure est sans précédent dans l’histoire politique des États-Unis.

Deuxièmement, les régimes fascistes suspendent ou réduisent fortement les droits civils et politiques, notamment la liberté d’expression, la liberté de la presse et la liberté de réunion. Si les menaces de Trump à l’encontre de la presse et des journalistes critiques allaient au-delà des menaces verbales actuelles, cela placerait également Trump dans le camp autoritaire/fasciste. La querelle entre Trump et l’ancien président de l’état-major interarmées, le général Mark Miley, est née du refus de ce dernier d’utiliser l’armée contre les manifestants pacifiques de Black Lives Matter. Si Trump devait recourir à la violence et à la répression de masse contre les manifestants, il ferait clairement un pas vers l’autoritarisme et le fascisme.

Un colosse aux pieds d’argile

Trump, capitaliste de second plan et star de la télé-réalité devenu 45e président, deux fois poursuivi dans une procédure d’impeachment, inculpé et condamné, et finalement réélu, devenant le caudillo incontesté du parti républicain, peut sembler invincible.

Mais comme tous les dictateurs en puissance, Trump se révélera être un colosse aux pieds d’argile. Sa majorité au Congrès est très courte et, bien que la direction du Parti républicain lui ait pour l’essentiel fait allégeance, il reste des résistants indomptés, qui ralentiront son programme.

On l’a vu lors du vote de confirmation du choix ultra-réactionnaire de Trump pour le poste de secrétaire à la défense, Pete Hegseth. Trois républicains ont voté contre lui, ce qui a abouti à une égalité qui n’a été brisée que par la décision de Vance, le président de la Chambre. Si Trump a doté le système judiciaire fédéral, y compris la Cour suprême, de soutiens ultra-conservateurs, la Cour est loin d’être un organe d’approbation généralisée. Un juge fédéral conservateur nommé par Reagan a rejeté le pronunciamiento de Trump mettant fin au droit du sol, le qualifiant de manifestement inconstitutionnel.

Bon nombre des partisans les plus fervents de Trump sont fermement opposés à l’avortement mais Trump, conscient du nombre de républicain·es favorables à l’avortement, essaie de jouer sur les deux tableaux en s’attribuant le mérite d’avoir annulé l’amendement Roe v. Wade (qui permettait l’avortement dans tout le pays, NDLR), mais refuse de s’engager à interdire l’avortement au niveau fédéral, demandant plutôt que le droit à la reproduction soit décidé au niveau de l’État. Mais Trump ne pourra pas éluder la question longtemps et se heurtera inévitablement à l’opposition de l’un ou l’autre camp, si ce n’est des deux.

Le prix élevé des produits de première nécessité sous Biden a été l’une des principales raisons de la victoire de Trump. Lorsque le coût de la vie ne s’améliorera pas et sera aggravé par les tarifs douaniers de Trump, une grande partie de son soutien parmi les travailleur·ses et les électeur·trices des couches moyennes s’affaiblira. Un nombre alarmant de Latino-Américain·es et de Noir·es ont voté pour Trump en 2024. Les attaques contre l’IED et la discrimination positive, le renforcement de l’appareil carcéral et répressif de l’État finiront par faire apparaître ces contradictions.

Si Trump ne parvient pas à tenir ses promesses de prospérité générale, les élections législatives de mi-mandat prévues en novembre 2026 pourraient bien lui faire perdre sa majorité républicaine au Sénat et à la Chambre des représentants, ce qui porterait un coup à ses ambitions, mais l’inciterait, lui et ses conseillers, à agir rapidement.

En fin de compte, le trumpisme, le fascisme et le système capitaliste qui les rend possibles ne seront vaincus que par la mobilisation de masse et l’unité des travailleur·ses et des opprimé·es, indépendamment des partis démocrate et républicain. Alors que les élections semblent refléter le désespoir et la division parmi ces derniers, l’histoire récente de la lutte antiraciste de masse observée lors des manifestations du Black Lives Matter en 2020 et des luttes ouvrières impressionnantes menées par les travailleur·ses de l’automobile, les enseignant·es et d’autres, montrent la voie à suivre et soulignent le potentiel d’une riposte unie.

 13 février 2025 par Kay Mann

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12 février 2025 ~ 0 Commentaire

Gaza Génocide

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La négation du génocide à Gaza dans les études sur l’Holocauste

L’universitaire Raz Segal relate l’étrange expérience d’avoir été accusé d’antisémitisme, alors qu’il est lui-même juif et spécialiste de l’Holocauste ainsi que d’autres génocides, pour avoir commis le crime impardonnable de s’opposer à la guerre génocidaire menée par l’État colonial d’Israël contre les Palestinien-nes de Gaza.

***

Qu’est-ce qui se trouve au cœur du soutien inconditionnel que l’Allemagne accorde à Israël, y compris durant les seize derniers mois de son assaut génocidaire contre Gaza ? Cette question demeure pertinente même si la trêve actuelle devait mettre un terme au génocide : l’aborder met en lumière le processus de colonisation israélienne qui s’est étendu sur plusieurs décennies et a mené à ce génocide, une Nakba qui continue de se dérouler indépendamment du cessez-le-feu. En réalité, les attaques d’Israël contre les Palestiniens n’ont pas cessé et, en Cisjordanie occupée, elles se sont même intensifiées depuis le début du cessez-le-feu à Gaza, avec des attaques meurtrières perpétrées par des colons israéliens et l’armée israélienne.

Une collaboration étroite entre des spécialistes de l’Holocauste en Israël et en Allemagne apporte des éléments de réponse inquiétants à cette question. Lors d’un événement en ligne organisé par le Programme d’Études sur l’Holocauste au Western Galilee College (WGC) israélien le 19 décembre 2024, trois intervenants – Alvin Rosenfeld, professeur d’anglais et d’études juives à l’Université d’Indiana, Verena Buser, historienne allemande qui enseigne en ligne au WGC, et Lars Rensmann, professeur de sciences politiques à l’Université de Passau en Allemagne – ont attaqué des chercheurs en études sur l’Holocauste et le génocide, dont moi-même, pour avoir osé qualifier les crimes commis par Israël à Gaza de génocide.

Bien que l’événement ait été organisé en l’honneur de Yehuda Bauer, figure fondatrice des études sur l’Holocauste, décédé le 18 octobre 2024 à l’âge de quatre-vingt-dix-huit ans, les intervenants ont à peine mentionné son nom ou son travail. De même, Ils n’ont pas pris en compte les preuves accablantes du génocide en cours à Gaza depuis le 7 octobre 2023.  À la place, ils ont tout simplement choisi de nier l’existence du génocide.

Verena Buser, par exemple, a affirmé que les universitaires qui qualifient les actions d’Israël à Gaza de génocide ignorent les « nombreuses critiques internationales » concernant la validité des chiffres des victimes palestiniennes qui, a-t-elle ajouté, « ne font pas la distinction entre les combattants et les civils ». La vérité est qu’il existe un large consensus international selon lequel Israël a tué plus de 46 000 Palestiniens.

Les chiffres réels sont d’ailleurs probablement bien plus élevés : un article récent du Lancet affirme qu’Israël avait tué plus de 64 000 Palestiniens à la fin du mois de juin 2024, dont une majorité de civils, y compris des milliers d’enfants. Selon Save the Children, « le territoire palestinien occupé est désormais le lieu le plus meurtrier au monde pour les enfants : environ 30% des 11 300 enfants identifiés comme tués à Gaza entre octobre 2023 et août 2024 avaient moins de cinq ans. » De plus, près de 3 000 enfants palestiniens à Gaza n’avaient toujours pas été identifiés à la fin du mois d’août 2024.

La négation du génocide par Verena Buser ne s’est pas limitée à la minimisation classique du nombre de victimes – une stratégie bien connue du négationnisme de l’Holocauste. Elle est allée plus loin en invoquant de prétendus « rapports » affirmant qu’il n’y aurait pas de famine à Gaza, ou que si famine il y a, elle serait due aux « défis logistiques » posés par la guerre. Pourtant, elle n’a cité aucun de ces rapports ni précisé quels seraient ces défis logistiques. Rien d’étonnant à cela : un large consensus international existe sur les politiques de famine délibérée, abondamment documentées d’Israël, dont les dirigeants militaires israéliens ont discuté ouvertement.

La plupart des universitaires dans la ligne de mire des intervenants de l’événement du WGC sont des Juifs, moi y compris. Nous sommes attaqués pour la manière dont nous comprenons et exprimons notre critique des atrocités israéliennes à travers le prisme de notre identité juive. Apparemment, nous ne sommes pas le bon type de Juifs. En nous accusant d’antisémitisme en raison de la manière dont nous nous identifions en tant que Juifs, ces détracteurs reproduisent une vision antisémite qui refuse la pluralité des identités juives et enferme tous les Juifs dans une seule et même entité homogène : « les Juifs ». Ainsi, les attaques contre les chercheurs juifs s’inscrivent dans un cadre idéologique plus large, profondément raciste, dont le but principal est de dénigrer les Palestiniens.

Plus scandaleux encore, l’historien israélien Dan Michman, qui dirige l’Institut International de Recherche sur l’Holocauste à Yad Vashem, a fait appel à nul autre qu’Adolf Hitler pour donner du poids aux attaques des orateurs :

Personne ne trouve à redire au terme « palestinien » . . .. Mais si vous remontez un siècle en arrière, dans Mein Kampf, par exemple… Hitler dit à un moment donné que les sionistes veulent établir un État palestinien afin d’avoir une base pour leurs activités criminelles. Or, il y a un siècle, un État palestinien était un État juif. Et le fait est que pendant la période du mandat [britannique] en Palestine, les habitants juifs étaient appelés Juifs palestiniens, les Arabes étaient des Arabes palestiniens. . .. En 1948, Israël a été créé, et les Juifs palestiniens sont devenus des Israéliens, de sorte que le terme [palestinien] est resté ouvert, et ce n’est que depuis les années 1950 que nous commençons à entendre parler des Palestiniens.

Il semble que Michman ait voulu faire écho à Lars Rensmann, qui a affirmé dans son intervention au début de l’événement que « les nazis étaient ouvertement, agressivement, depuis leurs origines, depuis Hitler en 1920 … ouvertement antisionistes et ont attaqué l’État sioniste potentiel ». L’argument est limpide : puisque Hitler était antisioniste, alors l’antisionisme ne peut être qu’une forme d’antisémitisme. Une affirmation répétée inlassablement au cours de l’événement, comme une incantation cherchant à rendre inaudibles les critiques du sionisme.

Ce faisant, ils ignorent la riche histoire des Juifs antisionistes et des organisations et partis politiques juifs antisionistes, ainsi que les nombreux Juifs antisionistes et organisations juives dans le monde aujourd’hui. Plus absurde encore, on aboutit ainsi à une situation bizarre où un professeur allemand se pose en juge de la légitimité des identités juives, tandis qu’un historien israélien spécialiste de l’Holocauste invoque Hitler pour discréditer les Juifs antisionistes – un raisonnement qui, en fin de compte, ne fait que reproduire la logique raciste du nazisme.

Michman et Rensmann ne dirigent pas leurs attaques contre les néonazis et autres groupes d’extrême droite qui connaissent une recrudescence en Allemagne et ailleurs. Non, leur cible privilégiée, ce sont les Juifs antisionistes. Ce paradoxe apparent s’explique aisément : ils ne peuvent tolérer l’existence même de Juifs qui rejettent le sionisme, notamment lorsqu’il s’agit de chercheurs spécialisés dans l’histoire de l’Holocauste et des génocides, qui osent affirmer que l’attaque israélienne sur Gaza depuis octobre 2023 correspond à la définition juridique du génocide.

Ces chercheurs juifs ne sont pourtant pas isolés. William Schabas, l’un des plus importants experts en droit international sur le génocide et  issu d’une famille de survivants de l’Holocauste, déclarait lors d’une interview à la fin du mois de novembre 2024 :

À Gaza, l’infrastructure a été massivement détruite, les gens ont été incapables de s’échapper – et puis il y a eu les déclarations terribles faites par [l’ancien ministre israélien de la défense] Yoav Gallant. . .. Les déclarations ont été faites par des ministres, des porte-parole du gouvernement et des chefs militaires, qui ont tous une influence sur les troupes. Elles sont plus fréquentes et plus graves que dans tout autre cas porté devant la Cour internationale de justice dont j’ai connaissance… .. Avec la famine, le manque d’accès à l’eau et à l’hygiène, la destruction systématique des maisons, écoles et hôpitaux, se dessine une image qui pourrait être interprétée comme résultant d’une intention génocidaire.”.

Mais pour Rensmann, il ne peut y avoir de débat : “l’accusation de génocide contre Israël fait partie intégrante de l’histoire de l’antisémitisme du XXe et du XXIe siècle.”

Buser s’est appuyé sur Rensmann pour rejeter les universitaires spécialisés dans les études sur l’Holocauste et les génocides, pour la plupart juifs, dont les travaux s’appuient sur le vaste corpus de sources sur le génocide israélien à Gaza, qui ne cesse de s’enrichir. Il s’agit notamment des documents relatifs à l’accusation de génocide portée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice, des nombreuses cartes, témoignages de Palestiniens, photos aériennes et autres sources figurant dans les rapports d’Amnesty International, de Human Rights Watch, de Forensic Architecture et de la rapporteuse spéciale des Nations unies Francesca Albanese sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, ainsi que des milliers de vidéos fièrement téléchargées sur les réseaux sociaux par des soldats et des officiers israéliens dans lesquelles ils documentent leur propre violence et leurs propres crimes.

En niant cette réalité abondamment documentée, Buser affirme que les universitaires spécialisés dans l’étude de l’Holocauste et des génocides qu’elle cherche à discréditer utilisent la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme (JDA), qui « acquitte l’antisionisme et les comparaisons avec les nazis d’accusations d’antisémitisme ». La JDA, poursuit-elle, permet donc à ces universitaires de faire des déclarations antisionistes ou de suggérer des comparaisons historiques qu’elle considère comme antisémites, y compris, selon ses termes, que « l’État d’Israël est un État blanc, colonisateur et d’apartheid qui commet un génocide à Gaza ».

Or, la Déclaration de Jérusalem affirme explicitement que “critiquer ou s’opposer au sionisme en tant que forme de nationalisme n’est pas antisémite” et que “les normes du débat qui s’appliquent aux autres États et aux autres conflits liés à l’autodétermination nationale doivent aussi s’appliquer au cas d’Israël et de la Palestine.” Autrement dit, si critiquer n’importe quelle idéologie politique ou politique d’un État est un droit fondamental, alors il en va de même pour le sionisme et Israël.

Cette déclaration conclut également qu’“aussi controversé que cela puisse être, comparer Israël à d’autres précédents historiques, y compris au colonialisme de peuplement ou à l’apartheid, n’est pas en soi antisémite.” Mais pour Buser et ses collègues du WGC, toute critique du sionisme relève de l’antisémitisme. Dans sa présentation, elle dresse ainsi la liste des onze chercheurs qu’elle considère comme les plus « coupables », dont huit sont juifs – moi y compris.

L’idée de l’unicité de l’Holocauste

Comment comprendre ce partenariat entre des universitaires israéliens et allemands spécialistes de l’Holocauste, qui attaquent des chercheurs juifs tout en niant le génocide israélien en cours, tout en reproduisant le racisme exterminateur dirigé contre les Palestiniens ? Pour commencer à démêler cette question, il faut se rappeler que l’événement du Western Galilee College (WGC) visait à honorer Yehuda Bauer, figure fondatrice des études sur l’Holocauste. Il est le penseur le plus associé à l’idée que l’Holocauste est unique dans l’histoire de l’humanité. Cette idée, qui a également guidé les travaux de Rosenfeld et Michman, a joué un rôle fondamental dans les sphères politiques et les sociétés d’Israël et d’Allemagne.

L’affirmation de l’unicité absolue de l’Holocauste dans l’histoire de l’humanité a été facilitée par la formulation du concept de génocide dans la Convention des Nations unies pour la prévention et la répression du crime de génocide en 1948. De ce fait, ce que nous appelons aujourd’hui l’Holocauste (un terme alors inexistant) a été considéré comme un crime d’une gravité supérieure au génocide. Cette hiérarchie a ensuite façonné le champ académique des Études sur l’Holocauste et les Génocides, séparant la violence de masse nazie de l’histoire longue des génocides coloniaux occidentaux et des génocides soviétiques qui l’avaient précédée.

Mais cette classification a aussi permis d’occulter d’autres crimes massifs, notamment ceux commis par les Alliés et l’Union soviétique pendant la Seconde Guerre mondiale, tels que les bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki par les États-Unis, actes que l’expert en génocide Leo Kuper (1908-1994) a décrit en 1981 comme des actes relevant du génocide dans son ouvrage Genocide: Its Political Use in the Twentieth Century.

Les intérêts communs soviéto-occidentaux sur le nouveau crime de génocide s’arrêtaient là. En Occident, cette hiérarchie a fait des Juifs les victimes les plus pures, ce qui a été rendu possible par la place fondamentale des Juifs dans le monde judéo-chrétien. Comme l’a soutenu le regretté historien de l’Holocauste Alon Confino (1959-2024) dans A World Without Jews, un brillant ouvrage paru en 2014, les nazis considéraient la destruction des Juifs précisément de cette manière, comme essentielle à l’anéantissement de la civilisation judéo-chrétienne afin de créer une civilisation nazie à la place. L’unicité de l’Holocauste s’est donc appuyée sur l’idée que les Juifs sont un peuple unique et l’a renforcée.

Cette posture victimaire a ensuite été récupérée pour alimenter un discours de supériorité morale, étroitement lié au projet sioniste : l’amalgame entre un peuple, les Juifs, et un État, Israël. C’est ainsi qu’est née l’opinion commune à Israël et à l’Occident selon laquelle l’armée israélienne est l’armée la plus morale du monde. En conséquence, il est devenu inimaginable qu’Israël puisse commettre un quelconque crime au regard du droit international, sans parler d’un génocide.

Cette impunité d’Israël dans le système juridique international a brouillé la reproduction du nationalisme d’exclusion et du colonialisme de peuplement dans l’État israélien depuis ses origines dans la Nakba de 1948, en passant par la Nakba actuelle dans les décennies de violence de masse israélienne contre les Palestiniens, culminant aujourd’hui dans le génocide israélien à Gaza.

L’idée d’un Holocauste unique a également joué un rôle structurant dans l’engagement allemand vis-à-vis d’Israël. L’ancienne chancelière allemande Angela Merkel a décrit de manière célèbre cet engagement dans un discours à la Knesset israélienne en 2008 comme une « raison d’État » de l’Allemagne.

Cette formule, initialement introduite en 2005 par le diplomate social-démocrate Rudolf Dressler (1940-2025) qui fut ambassadeur d’Allemagne en Israël de 2000 à 2005, a été reprise par le chancelier Olaf Scholz en octobre 2023, en pleine attaque israélienne contre Gaza. Cinq jours plus tard, à Tel-Aviv, Scholz ajoutait que « l’histoire de l’Allemagne et sa responsabilité dans l’Holocauste nous obligent à préserver la sécurité et l’existence d’Israël ».

Mais cette insistance sur l’unicité de l’Holocauste remplit une fonction plus profonde en Allemagne. Elle permet de dissocier le nazisme du reste de l’histoire allemande, en en faisant un événement hors du temps, coupé de toute continuité avec le passé colonial et post-nazi du pays, avant et après l’Holocauste.

Ce tour de passe-passe masque les liens entre le nazisme et le génocide colonial commis par l’Empire allemand en Namibie contre les Héréros et les Namas dans le sud-ouest de l’Afrique au début du vingtième siècle.  Il efface aussi les résurgences du nationalisme allemand d’exclusion, du racisme à l’encontre des migrants et des réfugiés. Au pire, cette mystification légitime un racisme anti-palestinien au moment même où Israël commet un génocide contre eux. L’idée de l’unicité de l’Holocauste ne remet donc pas en question, mais au contraire perpétue le nationalisme exclusiviste et le colonialisme de peuplement qui ont conduit à l’Holocauste et qui continuent aujourd’hui à structurer à la fois l’État des persécuteurs et celui des survivants.

L’événement organisé par le WGC reflétait ainsi ce que Bauer avait exprimé un an avant sa mort, en novembre 2023, dans un article paru dans Haaretz. Utilisant une terminologie coloniale, Bauer décrivait l’attaque d’Israël contre Gaza comme la défense d’une « société plus ou moins civilisée » contre la « barbarie du Hamas », appelant à une « lutte implacable » entre « deux visions du monde, qui s’adressent à des types humains différents ». Le partenariat israélo-allemand en études sur l’Holocauste au WGC utilise précisément cette vision du monde profondément raciste, une vision qui a mis les Juifs en danger par le passé et qui les cible à nouveau aujourd’hui – cette fois pour justifier les atrocités israéliennes à Gaza tout en niant qu’elles relèvent d’un génocide.

*

Raz Segal est professeur agrégé d’Études sur l’Holocauste et les Génocides à l’Université de Stockton (New Jersey), où il est également titulaire d’une chaire sur l’étude des génocides modernes. Il a perdu un poste à l’Université du Minnesota en raison d’une intense pression politique après avoir qualifié l’attaque israélienne contre Gaza de génocide.

Publié dans Jacobin. Traduit de l’anglais pour Contretemps par Christian Dubucq.

Raz Segal 12 février 2025 La négation du génocide à Gaza dans les études sur l’Holocauste

https://www.contretemps.eu/

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10 février 2025 ~ 0 Commentaire

Transfert (The Conversation)

 

Transfert (The Conversation) dans Altermondialisme

L’idée de Donald Trump n’est pas vraiment originale. Voilà des décennies que l’éventualité d’une expulsion massive des Palestiniens de Gaza, mais aussi de Cisjordanie, est caressée par certaines franges de la classe politique israélienne.

« Il s’agit littéralement d’un chantier de démolition. Presque tout est détruit et les gens meurent là-bas. Je préfère m’impliquer avec certaines nations arabes et construire des logements dans un endroit différent où ils pourront vivre un jour en paix. »

Le président américain ajoutait s’être entretenu avec le roi Abdallah II de Jordanie pour le presser d’accepter sur son territoire des millions de Palestiniens, et comptait prendre attache avec le président égyptien Abd al-Fattah al-Sissi en vue de formuler la même demande.

Quelques jours plus tard, lors d’une visite du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou à Washington pour discuter de la deuxième phase du cessez-le-feu à Gaza, Trump réitérait ses propos en précisant que les États-Unis déploieraient des troupes pour faire de la petite enclave méditerranéenne leur « propriété » et « la Côte d’Azur du Moyen-Orient ».

Après ces déclarations choc, il importe de recontextualiser cette idée de « transfert » des Palestiniens, illégale du point de vue du droit international mais, en réalité, déjà ancienne dans la longue chronologie de ce conflit.

Entre sidération, indignation et acclamations

Les réponses à la proposition faite par la nouvelle administration américaine d’une évacuation des populations palestiniennes furent immédiates et, bien entendu, prévisibles.

Des analyses de qualité et sans publicité, chaque jour dans vos mails.

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas s’est dit scandalisé et a rejeté avec virulence tout projet d’occupation, d’annexion et de déplacement, tandis qu’un communiqué du Hamas soutenait que « les habitants de Gaza ont enduré la mort et ne quitteront leur patrie sous aucun prétexte ». Quant au Djihad islamique, qui, rappelons-le, avait pris part aux tueries du 7 octobre 2023, il fustigeait dans les termes les plus forts « la déportation des Palestiniens hors de leur terre », ajoutant que ce projet relevait d’une négation pure et simple de l’identité palestinienne.

L’Égypte et la Jordanie, mais également ces « nations arabes » dont Trump avait suggéré qu’elles pourraient accueillir des millions de réfugiés palestiniens, s’opposaient tout autant à cette option, notamment l’Arabie saoudite, pour qui la seule issue possible et acceptable reste la solution à deux États.

Désemparée, la communauté internationale se retrouvait quant à elle dans un état de sidération face à ce virage pris par Washington, à savoir celui d’une neutralisation de la « question palestinienne » dans ce Moyen-Orient en pleine reconfiguration.

Et sans surprise, les représentants de l’extrême droite israélienne, favorables depuis le début de la guerre à une recolonisation de Gaza, se réjouissaient de cette annonce, le ministre des Finances Bezalel Smotrich, chef du parti sioniste religieux Mafdal, la qualifiant d’« excellente idée ».

Transfert : les racines anciennes d’un concept

Quoique cet aspect soit peu mentionné, voire tabou devant le déchaînement de passions qui a entouré la relance et l’escalade meurtrière des hostilités entre Israéliens et Palestiniens, il faut aller chercher les origines de cette notion de « transfert » dans les premières années du nazisme et la réponse alors développée par certaines organisations sionistes.

Le 25 août 1933, sur fond de persécutions grandissantes, est en effet signé entre, d’une part, l’Allemagne nazie et, d’autre part, les autorités juives et sionistes déjà établies en Palestine, essentiellement commandées par l’Agence juive, l’accord dit « Haavara » (« transfert » en hébreu), qui prévoit la migration de 50 000 à 60 000 Juifs allemands vers la Palestine, alors sous mandat britannique. Cet accord est loin de faire l’unanimité et provoque de nombreuses résistances, au sein même du courant sioniste comme parmi la communauté juive élargie. Il n’en reste pas moins perçu par ses promoteurs comme l’unique recours face à un environnement de plus en plus hostile, en Allemagne comme ailleurs sur le continent européen.

L’idée d’un transfert des Juifs d’Europe vers la Palestine a très tôt mué en un concept inscrit au cœur même du « Nouveau Yichouv » (« peuplement » en hébreu), ce mouvement d’implantation d’un certain nombre de Juifs en Palestine entre la seconde moitié du XIXe siècle et 1948, qu’il convient de distinguer du « Vieux Yichouv », qui désignait la présence juive dans la Palestine alors encore sous domination ottomane, soit les anciennes communautés juives historiques. Au moment de la partition de 1947, on recense près de deux millions d’habitants, dont 630 000 Juifs et 1 340 000 Arabes, dont plus de la moitié vivant dans les frontières du futur État juif qui se proclamera bientôt indépendant.

Tout au long de la première moitié du XXe siècle, les nouveaux arrivants juifs entretiennent avec ces populations arabes établies en Palestine des relations fluctuantes – entre indifférence, coexistence précaire et sentiment de supériorité.

La « question arabe » ne cessera de constituer un obstacle aux yeux de ceux qui aspirent à la création d’une nation juive majoritaire – comme il a été souligné, jusqu’en 1947 les Palestiniens représentaient encore l’écrasante majorité des habitants et possédaient aussi la plupart des terres. L’idée d’un transfert de ces autochtones vers les États arabes alentour, que Theodor Herzl adoubait lui-même explicitement dans ses écrits, progresse ainsi dans les esprits, surtout celui du père fondateur de l’État d’Israël, David Ben Gourion.

Après le 7 Octobre, la réactualisation d’une idée

Les modalités pratiques d’un tel plan n’ont cependant jamais fait l’objet d’un consensus parmi les élites israéliennes et la rhétorique actuelle fait plutôt écho aux positions les plus dures qui avaient été adoptées avant 1948 par le Fonds national juif notamment, une organisation fondée à Bâle en 1901 dont la raison d’être était l’achat de terres en Palestine et la préparation des premiers « pionniers » juifs. Cet organisme considérait en effet que la réalisation du rêve d’un État juif devrait nécessairement passer par le contrôle le plus extensif possible du territoire.

À défaut d’un transfert complet et définitif des Palestiniens au cours de la Nakba (« catastrophe » en arabe, terme employé pour désigner l’exode de centaines de milliers de Palestiniens à la suite de la défaite des armées arabes face à Israël lors de la première guerre israélo-arabe de 1948), ce sont des transferts locaux et des déplacements internes qui ont eu lieu, conduisant une partie des Palestiniens à opter pour le ralliement à l’État hébreu dont ils sont depuis des citoyens (aujourd’hui, près de 20 % des citoyens d’Israël sont arabes).

 dans Anticolonialisme
Résidents arabes quittant Haïfa, accompagnés par des hommes de la Haganah, avril 1948. Fred Chesnik/IDF and Defense Establishment Archive

Or, l’idée d’un transfert plus massif des populations arabes de Palestine, telle qu’envisagée dès les années 1930 par la frange extrême du mouvement sioniste, n’a jamais fondamentalement disparu, resurgissant à chaque nouvelle guerre qui opposa Israël à ses adversaires locaux et régionaux, puis en réaction aux actions terroristes palestiniennes.

C’est cette violence qui a fini par convaincre de larges pans de la société israélienne qu’aucune paix durable ne serait jamais possible avec les Arabes et que la fondation d’un État palestinien indépendant et souverain aux portes d’Israël serait bien plus une menace existentielle qu’un gage de sécurité. Tragiquement, les événements du 7 Octobre sont venus renforcer cette conviction et éclairent sans doute aussi pourquoi une grande partie des Israéliens considèrent avec bienveillance le plan proposé par Donald Trump pour Gaza.

Trump réalisera-t-il son projet pour Gaza ?

Toute la question consiste dès lors à savoir si le président américain fraîchement investi a réellement l’intention, et plus encore les moyens, de cette stratégie de la table rase dans un Proche-Orient où, in fine, l’insoluble question palestinienne n’en serait plus une.

Depuis les annonces faites par le nouvel occupant de la Maison Blanche, ses conseillers s’emploient comme ils le peuvent à éteindre l’incendie en modérant ses propos et en indiquant qu’il ne s’agirait que d’un transfert « temporaire » des Gazaouis, le temps de la reconstruction des villes dévastées au cours des quinze derniers mois de guerre. Depuis le Guatemala, le secrétaire d’État Marco Rubio est allé jusqu’à évoquer « une offre généreuse » destinée à reconstruire Gaza et à la débarrasser de ses gravats, mines et autres munitions non explosées pour en faire un espace de nouveau vivable.

Du côté des principaux intéressés, les Palestiniens, après une guerre inédite par sa violence et qui a totalement anéanti leur habitat suivant une logique d’authentique urbicide, il va sans dire que la perception est radicalement différente et que ces affirmations intempestives font davantage craindre le scénario d’une seconde Nakba dont ils risqueraient de ne jamais se remettre. Le pire leur semble d’autant plus crédible que la colonisation de la Cisjordanie s’est accélérée et intensifiée ces derniers mois, hypothéquant toute perspective à court ou moyen terme d’un État palestinien.

https://theconversation.com/

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09 février 2025 ~ 0 Commentaire

Breizh Antifa

Breizh Antifa dans Antifascisme

L’appel :

Lorient, parvis du lycée Dupuy de Lôme.

L’extrême-droite Lorientaise agit en toute impunité ! Plusieurs évènements violents ont eu lieu depuis 2022 :

  • Agression de syndicalistes avec arme à feu en marge d’une manifestation.
  • Menace de mort avec arme à feu sur un syndicat étudiant.
  • Tentative d’attaque aux abords d’un bar où se tenait une réunion d’écologistes.
  • Divulgation d’identités, de photos et harcelèment de militant·es sur les réseaux sociaux.
  • Tags haineux, discriminatoires et suprémacistes à l’UBS et sur les murs de Lorient.
  • Tags haineux avant la Pride de Lorient.
  • Intimidations dans la rue de militant·es.
  • Pressions sur des lycées et des associations pour censurer des évènements scolaires.
  • Montée de groupuscules fascistes qui s’organisent pour de l’action violente.

Manifestation régionale antifasciste – Lorient 02/03

Publié mercredi à 23 h · Mise à jour le 9 février

À l’appel du Front Antifasciste Lorient, composé de collectifs, d’organisation syndicales, politiques d’associations, une grande manifestation régionale antifasciste est organisée pour une Bretagne ouverte et solidaire, contre l’extrême-droite et pour la justice sociale.

À l’appel du Front Antifasciste Lorient, composé de collectifs, d’organisation syndicales, politiques d’associations, une grande manifestation régionale antifasciste est organisée pour une Bretagne ouverte et solidaire, contre l’extrême-droite et pour la justice sociale.

Pour signer l’appel : signatures-2mars@riseup.net

Le site du Front Antifasciste Lorient : https://frontantifalorient.wordpress.com/

Face à la montée grandissante de l’extrême-droite dans le pays de Lorient, nous avons décidé de nous organiser sous différentes formes : création de deux collectifs antifascistes depuis 2021, création d’un front commun antifasciste au début de l’été 2024, rassemblement des dizaines d’organisations politiques, syndicales, de collectifs et d’association lorientaise.

La montée de la violence d’extrême-droite à Lorient s’inscrit dans un contexte national mais aussi international où la percée et la banalisation du fascime opèrent depuis plusieurs décennies. Entre 2000 et 2023 de nombreux partis d’extrême-droite ont émérgé et gagné en popularité. Récemment au niveau international, Donald Trump a été réelu pour un second mandat, soutenu par les géants de la tech. L’Europe n’échappe pas à la règle : en Italie avec Giorgia Meloni et en Hongrie avec Viktor Orban l’extrême-droite perce dans les urnes et arrive au pouvoir.

En France aussi, les politiques gouvernementales dictées par le capital ont besoin d’accroitre l’austérité et d’amplifier les pratiques autoritaires contre les exploité·es et les opprimé·es. Soutenue par un Président sans limite, la répression des mobilisations a multiplié les mutilé·es et les éborgné·es. Destruction des services publics et de l’environnement, transphobie, validisme, racisme d’Etat, obsession de l’immigration, islamophobie, néocolonialisme, politique impérialiste sont à l’agenda du gouvernement. Battus dans les urnes, censuré une première fois, le macronisme cherche son salut du côté de l’extrême droite qui accroit ainsi sa pression idéologique et politique. Des lois réactionnaires, liberticides et racistes sont votées avec l’appui du RN. Le paysage médiatique quand à lui est submergé par les discours haineux et fascisants, avec l’appui de quelques milliardaires. Des plateaux TV aux réseaux sociaux, des paroles nauséabondes légitimant les pires horreurs sont martelées toute la journée. Les lignes sont brouillées, les théories d’extrême-droite sont maintenant reprises au plus haut du gouvernement.

Nous sommes convaincu·e·s que la réponse à la montée de l’extrême-droite réside dans un combat pour plus de justice et d’égalité sociale, pour toutes et tous. Car si il y a bien une chose que nous a démontré en juin dernier la mobilisation populaire et ce malgré la non prise en compte de nos aspirations, c’est qu’ensemble nous étions capables de nous organiser.

C’est pourquoi nous vous donnons rendez-vous le dimanche 2 mars 2025 à 14h30 sur le parvis du lycée Dupuy de Lôme à Lorient, pour une grande manifestation unitaire antifasciste régionale, pour défendre une Bretagne ouverte et solidaire, à l’appel de nombreux collectifs, associations, organisations politiques et syndicales.

Pour signer l’appel : signatures-2mars@riseup.net

Premiers signataires :

La CALE ( collectif antifasciste Lorient & environs ), UCL Lorient, Les Soulèvements De la Terre du Mervent, Solidaire 56, Nous Toutes Lorient, LFI Morbihan, LFI Lorient, Lanester En Commun, Union Pirate Lorient, SUD Santé Sociaux 29, PCF 56, Dispach’, Confédération Paysanne du Morbihan, Ingalañ, Comité Kreiz-Breizh Antifasciste (KB antifa), MJCF Morbihan, UDB Morbihan R2R ( Réseau de ravitaillement des luttes du pays Rennais ), Parti de Gauche – Coordination régionale Bretagne, Les Écologistes Pays de Lorient, Groupe libertaire Francisco Ferrer, Gwened Antifa Crew, Bascule Argoat

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04 février 2025 ~ 0 Commentaire

Interpellation (Courrier)

Interpellation d’une collégienne sans papiers : la France doit cesser les “trumperies”

Interpellée en plein cours le 22 janvier en Moselle, Nado, sans-papiers burkinabè de 14 ans, a été expulsée vers la Belgique, où sa famille avait déposé une demande d’asile. Une intervention proscrite par les textes, qui a suscité de nombreuses réactions indignées, dont celle de “Wakat Séra” à Ouagadougou.

Alors qu’elle pensait pouvoir suivre, en toute tranquillité, ses cours, dans un pays, la France, pour ne pas la citer, où les droits de l’homme sont sacrés, cette jeune élève de 14 ans, d’origine burkinabè, s’est retrouvée dans un engrenage digne d’un film d’espionnage.

Après un coup de fil à l’administration de son collège [Paul-Verlaine, à Maizières-lès-Metz, en Moselle], elle fut exfiltrée de son établissement par deux gendarmes. Et c’est à bord d’une voiture banalisée qu’elle fut reconduite à la frontière belge, en compagnie de sa mère et de son petit frère.

Ironie du sort, c’est en plein cours de français, cette langue qui a la magie de rassembler tous ceux qui la pratiquent autour de fortes valeurs séculaires, en témoigne la francophonie portée surtout par l’Afrique, que l’adolescente a connu cette mésaventure, qui pourrait bien la traumatiser à vie. [Selon le récit de plusieurs médias français, les gendarmes ont constaté la présence de la jeune fille en cours de français, et l’ont interpellée plus tard dans la matinée dans l’espace de vie scolaire.]

Une “innocente victime collatérale”

Le seul tort de la jeune fille est d’être l’enfant d’une mère, qui, peut-être en détresse, et voulant à tout prix et le plus tôt possible mettre ses enfants à l’abri de toute surprise désagréable, aurait demandé, simultanément, l’exil dans deux pays, la France et la Belgique ! [Le règlement européen Dublin II prévoit qu’une demande d’asile est étudiée dans le premier pays où elle a été déposée, et le transfert du demandeur vers cet État membre.] Pour si peu, est-on en droit de se demander, surtout que cette faute pouvait certainement être corrigée administrativement, sans ce préjudice subi par une innocente victime collatérale.

Certes, la recherche et le renforcement de la sécurité poursuivis par tout État le contraignent à la mise en place d’une batterie de lois parfois excessives. Mais, à côté de la loi, il y a également l’esprit de la loi qui conduit à une certaine souplesse dans son exécution. Surtout que cet acte qui a, logiquement, suscité l’ire de personnes qui se sont rassemblées [le 30 janvier devant la préfecture de Moselle] pour dénoncer cette “interpellation en école” est regrettable à plus d’un titre pour les enfants.

Méconnaissance, erreur ou zèle ?

Du reste, la ministre française de l’Éducation [Élisabeth Borne], n’a pas manqué de procéder à un rappel à l’ordre [le 28 janvier] qui mentionne que “les interventions des forces de police et de gendarmerie liées aux procédures d’éloignement sont strictement interdites dans le cadre scolaire”. C’est dire que, soucieuses des conséquences désastreuses de la chose, les autorités politiques françaises avaient bien dressé des balises pour canaliser ces reconduites à la frontière, afin qu’elles n’aient pas un caractère sauvage.

Sauf qu’une autre mesure est venue abroger, pas plus tard que ce 23 janvier, les anciennes circulaires qui empêchaient ces cas malheureux [en restreignant les conditions d’admission exceptionnelle au séjour (AES) des étrangers en situation irrégulière].

Lire aussi : Vu de l’étranger. Bruno Retailleau, le “ministre préféré des Français” ?

Méconnaissance, erreur ou zèle des agents de la gendarmerie qui ont conduit cette opération dont a été victime la jeune collégienne ? Des investigations seront certainement menées pour déterminer l’origine de cette bavure, car c’en est une ! [Le directeur général de la gendarmerie nationale, Hubert Bonneau, a estimé, jeudi 30 janvier, que l’interpellation était une “erreur collective”.]

En attendant que le mal soit réparé, si tant est qu’il puisse encore l’être, on ne peut que plaider pour une modération dans l’exécution de ces arrestations et “obligation de quitter le territoire français” [OQTF], avant qu’elles ne prennent des allures de “trumperies”, ces rapatriements massifs sans ménagement, en cours actuellement au pays de l’Oncle Sam.

https://www.courrierinternational.com/

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03 février 2025 ~ 0 Commentaire

Une HONTE !

Une HONTE !  dans Antiracisme 308857871_470713298429789_5916524356319592870_n

Interpellation d’une élève dans un établissement scolaire de Moselle !

Mercredi 22 janvier 2025 à 11h00, des gendarmes en service ont pénétré l’enceinte du collège Paul Verlaine de Maizières-lès-Metz pour interpeller une élève de troisième, scolarisée au sein de l’établissement.

L’élève assistait à 9h00 à son cours de français lorsque la gendarmerie a appelé le collège et demandé à ce qu’elle soit isolée des autres élèves à la récréation. Elle a été conduite dans le bâtiment de l’administration où les gendarmes ont procédé à son exfiltration.

L’élève a été conduite, en compagnie de sa maman et de son petit frère asthmatique, scolarisé à l’école d’Ennery, jusqu’à la frontière belge sans pouvoir emporter le moindre effet personnel.

La famille avait fui, suite au dernier coup-d ’état, le Burkina Faso, pays dans lequel le père est emprisonné. Les autorités reprochaient à la mère de l’élève d’avoir déposé une demande de visa à la fois en Belgique et en France.

Les mots nous manquent pour exprimer notre colère face à cette situation dans laquelle l’ubuesque se mêle au scandaleux !

C’est avec la plus grande vigueur que nos organisations condamnent cette interpellation, effectuée au sein d’un établissement public d’enseignement, en contradiction avec l’instruction du Ministère de l’Intérieur du 19 octobre 2013, relative à l’interdiction d’intervention des forces de police et de gendarmerie dans le cadre scolaire lors du déroulement de procédures d’éloignement.

L’école de la République est et doit rester un lieu de transmission des savoirs, d’émancipation individuelle et collective et d’élaboration d’une culture commune ouverte à toutes et à tous. Cela ne peut se faire lorsque des enfants qu’elle accueille dans le cadre de ses missions sont menacés d’être interpellés à tous moments par les forces de l’ordre alors qu’ils n’ont commis ni crime ni délit.

Nos organisations exigent que les valeurs de fraternité et d’humanité priment sur l’application aveugle d’une politique qui ne vise, dans le contexte actuel, qu’à séduire l’extrême-droite haineuse et réactionnaire.

Nos organisations demandent que les familles sans papiers, dont les enfants sont scolarisés, bénéficient d’un titre de séjour permettant à ces derniers la poursuite d’une scolarité sans crainte d’être expulsés à tout moment, y compris sur leur lieu d’étude. »

METZ, le 24 janvier 2024

Signataires : FSU, SE-UNSA, Sud éducation, CGT Educ’Action, SNFOLC, SNUDI-FO, LDH, MRAP, RESF, EELV, LFI, PCF, génération.s, NPA-A, FCPE

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21 décembre 2024 ~ 0 Commentaire

Joseh Daher (Syrie, Palestine)

Joseh Daher (Syrie, Palestine) dans A gauche du PS

De la Syrie à la Palestine, la libération viendra d’en bas

Avant le renversement du régime de Bachar Al-Assad en Syrie au cours du week-end des 7 et 8 décembre, des divisions ont commencé à apparaître au sein du mouvement international de solidarité avec la Palestine lorsque l’on a appris que Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l’« Armée nationale syrienne » (ANS) pro-turque s’étaient emparés d’Alep et d’autres territoires.

Certains ont affirmé que cette offensive militaire menée par « Al-Qaïda et d’autres terroristes » était un complot impérialiste occidental contre le régime syrien, afin d’affaiblir le soi-disant « axe de la résistance » dirigé par l’Iran et le Hezbollah.

Selon eux, ces États sont les alliés des Palestiniens et les affaiblir reviendrait à affaiblir la lutte pour la libération de la Palestine. Que l’offensive militaire de HTS et l’ANS ait lieu un jour seulement après la conclusion d’un cessez-le-feu entre le Liban et Israël a en outre été jugé suspect.

Cependant, toute cette approche présente de nombreuses lacunes et témoigne surtout d’un manque de compréhension des dynamiques syriennes et régionales.

Le contexte réel

L’offensive militaire menée par HTS et l’ANS s’est déroulée à un moment où les principaux alliés du régime syrien étaient affaiblis. Les forces militaires russes se concentrent sur leur guerre impérialiste contre l’Ukraine, tandis que l’Iran et le Hezbollah ont subi un coup dur à la suite de la guerre d’Israël au Liban. Tout cela reflétait la faiblesse structurelle générale du régime syrien sur les plans militaire, économique et politique, ce qui explique qu’il se soit effondré comme un château de cartes.

Le gouvernement turc a très probablement soutenu l’offensive militaire contre le régime d’une manière ou d’une autre. L’objectif initial d’Ankara était certainement d’améliorer sa position dans les futures négociations avec le régime syrien, et avec l’Iran et la Russie en particulier. Cependant, avec la chute du régime, la Turquie est appelée à jouer un rôle encore plus important. À travers les territoires conquis par l’ANS, elle cherche également à affaiblir les Forces démocratiques syriennes (FDS) dominées par la branche armée du parti kurde PYD (organisation sœur du PKK).

La prise par l’ANS des zones de Tall Rifaat et de Shahba dans le nord d’Alep et de la ville de Manbij – auparavant sous la gouvernance des FDS – a entraîné le déplacement de plus de 150 000 civils et de nombreuses violations des droits humains à l’encontre des Kurdes, y compris des assassinats.

Dans la période qui a précédé le renversement d’Assad, HTS jouissait d’une relative autonomie vis-à-vis de la Turquie. La prise réussie d’Alep a montré que HTS avait évolué en une organisation plus disciplinée et structurée, rassemblant un certain nombre de groupes militaires sous son aile au fil des ans. Alors qu’elle est considérée comme une organisation terroriste par l’ONU, les États-Unis, la Turquie et d’autres pays, elle cherche depuis sa rupture avec Al-Qaïda en 2016 à projeter une image plus modérée d’acteur rationnel et responsable.

Cependant, HTS reste une organisation autoritaire avec une orientation idéologique intégriste islamique et compte des combattants étrangers dans ses rangs. De nombreuses manifestations ont eu lieu à Idlib pour dénoncer la gouvernance de HTS et ses violations des libertés politiques et des droits humains. L’ANS et HTS représentent tous deux une menace pour une Syrie démocratique.

Ni les États-Unis ni Israël n’ont joué de rôle dans ces événements ; en fait, ils se sont inquiétés des événements qui se sont produits jusqu’à présent. Les responsables israéliens, par exemple, ont déclaré que « l’effondrement du régime d’Assad créerait probablement un chaos dans lequel se développeraient des menaces militaires contre Israël ». D’ailleurs, depuis 2011, Israël n’a jamais vraiment été favorable au renversement du régime syrien.

En juillet 2018, Nétanyahou n’avait aucune objection à ce qu’Assad reprenne le contrôle du pays et stabilise son pouvoir. Il a déclaré qu’Israël n’agirait que contre ce qui serait perçu comme des menaces, comme les forces et l’influence de l’Iran et du Hezbollah, expliquant : « Nous n’avons pas de problème avec le régime d’Assad, pendant 40 ans pas une seule balle n’a été tirée sur le plateau du Golan. »

Cet acteur stable ayant disparu, Israël a pris les choses en main. En effet, dans les jours qui ont suivi la chute du régime syrien, l’armée d’occupation israélienne a envahi la partie syrienne du Mont Hermon, sur le plateau du Golan. Elle a cherché à empêcher les rebelles de s’emparer de la zone et a effectué plus de 350 frappes sur des batteries antiaériennes, des aérodromes militaires, des sites de production d’armes, des avions de combat et des missiles. Des navires lance-missiles ont frappé les installations navales syriennes du port d’Al-Bayda et du port de Lattaquié, où 15 navires de guerre syriens étaient amarrés.

Ces raids visent à détruire les capacités militaires de la Syrie pour éviter qu’elles ne soient utilisées contre Israël. Ils font également passer le message que l’armée d’occupation israélienne peut à tout moment déstabiliser politiquement un futur gouvernement qui adopterait une position hostile et ne servant pas les intérêts d’Israël.

L’« axe de la résistance » contre la lutte par le bas

En plus de nier toute puissance d’agir aux acteurs locaux syriens, le principal problème de l’argument avancé par les partisans du soi-disant « axe de la résistance » est qu’il suppose que la libération de la Palestine viendra d’en haut. Ces États, malgré leur nature réactionnaire et autoritaire et leur orientation économique néolibérale, apporteront la liberté d’une manière ou d’une autre.

C’est ignorer que leurs politiques étrangères sont déterminées par la nécessité de protéger leurs propres intérêts politiques et que les États autoritaires de la région ont à maintes reprises trahi et réprimé les Palestiniens.

Tout en soutenant rhétoriquement la cause palestinienne et en finançant le Hamas, l’Iran cherche depuis le 7 octobre 2023 à améliorer sa position dans la région afin d’être dans la meilleure posture possible pour de futures négociations avec les États-Unis. Il souhaite donc éviter toute guerre directe avec Israël. Son principal objectif géopolitique à vis-à-vis des Palestiniens est de les utiliser comme levier dans les négociations.

De même, la passivité de l’Iran face aux attaques israéliennes sur le Liban – particulièrement visible après l’assassinat de cadres clés du Hezbollah – a démontré que sa priorité est de protéger ses propres intérêts géopolitiques. Sans oublier que l’Iran n’a pas hésité à réduire son financement au Hamas dans le passé lorsque leurs intérêts ne concordaient pas, comme lorsque les soulèvements ont éclaté en Syrie en 2011 et que le mouvement palestinien a refusé de soutenir la répression meurtrière du régime Assad à l’encontre des manifestants.

De même, le régime syrien n’a pas réagi à la guerre d’Israël contre Gaza, bien qu’il ait également subi des attaques. En fait, il a évité toute confrontation directe avec Israël depuis 1974.

Historiquement, le régime a en fait réprimé les Palestiniens en Syrie et en a tué beaucoup depuis 2011. Il a également détruit le camp de Yarmouk à Damas, qui abritait une importante population de réfugiés palestiniens. Ces derniers jours, 630 prisonniers politiques palestiniens ont été libérés de la seule prison de Sednaya.

En outre, en 1976, le régime de Hafez Al-Assad est intervenu contre le mouvement national palestinien et les organisations de gauche libanaises pour soutenir les partis politiques d’extrême droite au Liban. Il a également mené des opérations militaires contre les camps de réfugiés palestiniens à Beyrouth en 1985 et 1986. En 1990, environ 2 500 prisonniers politiques palestiniens étaient détenus dans les prisons syriennes.

Les partisans de l’« axe de la résistance » ignorent également ou refusent d’accepter la déclaration du Hamas qui félicite le peuple syrien d’avoir réalisé ses « aspirations à la liberté et à la justice » après avoir renversé Bachar Al-Assad.

Libération pour toutes et tous

La liste des crimes historiques commis par le régime Assad contre les Palestiniens ne remet évidemment pas en cause le fait que l’impérialisme étatsunien reste incroyablement destructeur et meurtrier. Cependant, soutenir des régimes autoritaires et despotiques nuit à l’objectif de libération de la Palestine. C’est accepter que l’oppression se poursuive dans d’autres parties de la région au nom de la libération d’un peuple, ce qui n’est pas ce que la lutte palestinienne demande, pas plus que ça ne permettrait d’obtenir la libération de la Palestine.

Ce qui se passe dans la région est en fin de compte directement lié à l’avenir de la Palestine.

Une majorité considérable des classes populaires de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord s’identifie à la lutte palestinienne et la considère comme liée à leurs propres combats locaux pour la démocratie et l’égalité. Il est important que ceux qui organisent la solidarité avec la Palestine comprennent que les classes populaires palestiniennes et régionales sont des forces sociales centrales capables de créer les conditions requises pour parvenir à la libération, et qu’elles méritent d’être soutenues en ce sens.

Lorsque les Palestiniens luttent, cela dynamise les mouvements de libération dans la région, et les mouvements dans la région alimentent à leur tour le mouvement en Palestine occupée.

Le ministre d’extrême droite Avigdor Lieberman a reconnu le danger que les soulèvements populaires dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord représentaient pour Israël en 2011 lorsqu’il a déclaré que la révolution égyptienne qui avait renversé Hosni Moubarak constituait pour Israël une plus grande menace que l’Iran.

Il ne s’agit pas de nier le droit à la résistance des Palestiniens et des Libanais contre Israël, mais d’expliquer que la révolte unie des classes populaires a le pouvoir de transformer toute la région, de renverser les régimes autoritaires et d’expulser de la région les États-Unis et les autres puissances impérialistes.

La tâche principale du mouvement international de solidarité avec la Palestine, en particulier en Occident, est de dénoncer le rôle complice de nos classes dominantes dans le soutien à l’État raciste, de colonialisme de peuplement et d’apartheid d’Israël. Nous devons faire pression sur ces classes dominantes pour qu’elles rompent toute relation politique, économique et militaire avec Tel Aviv. C’est le seul moyen d’affaiblir Israël et d’ouvrir la voie à la libération de la Palestine et, plus largement, de la région.

Comme l’a écrit un révolutionnaire syrien depuis le plateau du Golan syrien occupé par Israël au cours de l’été 2014 : « la liberté : un destin commun pour Gaza, Yarmouk et le Golan ». Ce slogan porte l’espoir d’une transformation révolutionnaire régionale, seule stratégie réaliste de libération.

Publié par The New Arab. Traduction NL pour la Gauche anticapitaliste.

https://inprecor.fr

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15 décembre 2024 ~ 0 Commentaire

Rennes (FR3)

« Ces gens font partie de notre commune ». L’élan d’un village pour éviter l’expulsion d’une famille géorgienne

Nouveau rassemblement d'habitants du Sel-de-Bretagne, devant la mairie de la commune, dimanche 15 décembre 2024, pour prévenir l'éventuelle expulsion d'un jeune couple et de leur fille, originaires de Géorgie.

Nouveau rassemblement d’habitants du Sel-de-Bretagne, devant la mairie de la commune, dimanche 15 décembre 2024, pour prévenir l’éventuelle expulsion d’un jeune couple et de leur fille, originaires de Géorgie. • © V Chopin – FTV

Manifestation, pétition, rendez-vous administratifs… dans une petite commune au Sud de Rennes, les habitants ne ménagent pas leurs efforts pour empêcher l’éventuelle expulsion d’une famille sans papiers. Un élan collectif semble souffler sur le village.

« On poursuit la pétition et le recueil de témoignages, jusqu’au rendez-vous de la maire à la préfecture« , suggère Sylvain Martinho, du Comité de soutien à la famille géorgienne. Une cinquantaine d’habitants, parmi les 1 100 que compte le Sel-de-Bretagne, s’est retrouvée, ce dimanche 15 décembre, pour faire le point sur leur mobilisation. Pour ce briefing imprévu, il a suffi de quelques coups de téléphone et d’un message lançant l’invitation à se réunir.

Depuis trois semaines, le village, à 30 km de Rennes, multiplie les initiatives pour empêcher l’expulsion d’une famille originaire de Géorgie. Un jeune couple et leur fille de cinq ans, installés au Sel-de-Bretagne, se sont vus assujettis à une Obligation de quitter le territoire (OQTF), transmise le 25 novembre 2024 à l’issue d’un contrôle routier.

« L’intégration est évidente »

« Je crois en la justice, et je suis respectueuse des lois de la République, mais sur ce dossier, la notion d’intégration est évidente », précise la maire du Sel-de-Bretagne, pour expliquer son engagement aux côtés de la famille géorgienne installée sur sa commune. « Depuis quatre ans qu’elle est avec nous, cette famille participe à beaucoup d’actions bénévoles au sein de la commune, » poursuite Christine Roger. Karine Richeux, habitante du Sel-de-Bretagne, estime que « ces gens font partie de notre commune et on veut les soutenir parce que si c’était nous, ils feraient la même chose pour nous. »

Titre de séjour

Selma et Andréa (des prénoms d’emprunt) ont quitté la Géorgie pour des raisons familiales. Dans l’ancienne République soviétique, ils disent craindre pour leur vie, car leur famille et leur communauté ont refusé leur mariage. Selma est Chrétienne orthodoxe, Andréa est Yézidi, une minorité ethnico-religieuse présente en Irak, en Syrie, en Turquie, en Arménie et en Géorgie. Arrivée en France il y a six ans, le couple a déposé un dossier pour obtenir un titre de séjour.

Pour s’opposer à une éventuelle expulsion, le comité de soutien à Selma et Andréa a manifesté devant l’ancienne préfecture de Rennes, vendredi 13 décembre 2024, tandis que s’y déroulait une cérémonie de naturalisation.

Une pétition sur papier, qui a rassemblé 700 signatures en douze jours, circule au Sel-de-Bretagne et dans les communes voisines. Sont également collectés des témoignages, 48 à ce jour, rédigés par des voisins et des employeurs, attestant de l’intégration de la famille dans la commune.

Sans papier les autorisant à travailler, les deux trentenaires géorgiens multiplient les stages, la jeune femme dans des cantines scolaires, le jeune homme dans des entreprises du bâtiment. La maire du Sel-de-Bretagne, Christine Roger, doit rencontrer un représentant de la préfecture d’Ille-et-Vilaine, vendredi 20 décembre 2024.

(Avec Valérie Chopin et Lara Dolan)

  Myriam Thiébaut 15/12/2024

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10 décembre 2024 ~ 0 Commentaire

Syrie ( Joseph Daher- Inprecor)

naqba

Comprendre la rébellion en Syrie

La rébellion en Syrie a pris le monde par surprise et a conduit à la chute de la dictature de la famille Assad, qui dirigeait la Syrie depuis que le père de Bachar el-Assad, Hafez, avait pris le pouvoir par un coup d’État il y a 54 ans. Ni les forces militaires du régime, ni son parrain impérial, la Russie, ni son soutien régional, l’Iran, n’ont été en mesure de le défendre. Les villes contrôlées par le régime ont été libérées, des milliers de prisonniers politiques ont été délivrés de ses tristement célèbres donjons et, pour la première fois depuis des décennies, un espace s’est ouvert pour mener un nouveau combat en faveur d’une Syrie libre, inclusive et démocratique.

Dans le même temps, la plupart des Syriens savent qu’une telle lutte se heurte à d’énormes difficultés, à commencer par celles que représentent les deux principales forces rebelles, Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l’Armée nationale syrienne (ANS) soutenue par la Turquie. Bien qu’elles aient été le fer de lance de la victoire militaire, ces forces sont autoritaires et leur histoire est marquée par le sectarisme religieux et ethnique. Certains à gauche affirment sans fondement que leur rébellion a été orchestrée par les États-Unis et Israël. D’autres idéalisent ces forces rebelles sans aucun esprit critique, estimant qu’elles ravivent la révolution populaire originale qui avait manqué de renverser le régime d’Assad en 2011.Aucune de ces deux approches ne rend compte des dynamiques complexes à l’œuvre aujourd’hui en Syrie.

Dans cet entretien, réalisé alors que la situation évolue rapidement en Syrie, Tempest interroge Joseph Daher, militant suisse-syrien pour le socialisme, sur les évènements qui ont conduit à la chute du régime d’Assad, sur les perspectives des forces progressistes et sur les défis auxquels elles sont confrontées dans leur lutte pour un pays véritablement libéré qui serve les intérêts de tous ses peuples et de toutes ses classes populaires.

Tempest : Comment les Syriens se sentent-ils après la chute du régime ?

Joseph Daher : La joie est incroyable. C’est un jour historique. 54 années de tyrannie de la famille Assad ont pris fin. On a vu des vidéos de manifestations populaires dans tout le pays, à Damas, Tartous, Homs, Hama, Alep, Qamichli, Soueïda, etc., auxquelles ont participé toutes les confessions et ethnies, détruisant les statues et les symboles de la famille Assad.

Et bien sûr, il y a une grande joie qui accompagne la libération des prisonniers politiques des geôles du régime, en particulier de la prison de Sednaya connue sous le nom d’« abattoir humain » où pourraient se trouver 10 000 à 20 000 prisonniers. Certains d’entre eux étaient détenus depuis les années 1980. De même, des personnes qui avaient été déplacées d’Alep et d’autres villes en 2016 ou plus tôt ont pu retourner dans leurs maisons et leurs quartiers, et revoir leur famille pour la première fois depuis des années.

Parallèlement, dans les premiers jours qui ont suivi l’offensive militaire, les réactions populaires ont d’abord été mitigées et confuses, reflétant la diversité des opinions politiques de la société syrienne, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Certains étaient très heureux de la conquête de ces territoires et de l’affaiblissement du régime, puis de sa chute potentielle.

Mais d’autres secteurs de la population craignaient et craignent encore HTS et l’ANS. Ils s’inquiètent de la nature autoritaire et réactionnaire de ces forces et de leur projet politique.

Et certains s’inquiètent de ce qu’il va se passer dans la nouvelle situation. En particulier, de larges sections de Kurdes et d’autres, tout en se réjouissant de la chute de la dictature d’Assad, condamnent les déplacements forcés et les assassinats perpétrés par l’ANS.

Tempest : Peux-tu retracer la séquence des événements, en particulier l’avancée des rebelles, qui ont vaincu les forces militaires d’Assad et conduit à sa chute ? Que s’est-il passé ?

JD : Hayat Tahrir Al-Sham (HTS) et l’Armée nationale syrienne (ANS) soutenue par la Turquie ont lancé une campagne militaire le 27 novembre 2024 contre les forces du régime syrien, remportant des victoires éclatantes. En moins d’une semaine, HTS et l’ANS ont pris le contrôle de la majeure partie des gouvernorats d’Alep et d’Idlib. Puis la ville de Hama située à 210 kilomètres au nord de Damas est tombée aux mains de HTS et de l’ANS à la suite d’intenses affrontements militaires entre eux et les forces du régime soutenues par l’aviation russe. Après Hama, HTS a pris le contrôle de Homs.

Dans un premier temps, le régime syrien a envoyé des renforts à Hama et à Homs, puis a bombardé les villes d’Idlib et d’Alep et leurs environs avec le soutien de l’aviation russe. Les 1er et 2 décembre, plus de 50 frappes aériennes ont visé Idlib, touchant au moins quatre centres de santé, quatre écoles, deux camps de déplacés et une réserve d’eau. Les frappes ont déplacé plus de 48 000 personnes et ont gravement perturbé les services et l’acheminement de l’aide. Le dictateur Bachar Al-Assad a promis la défaite à ses ennemis et déclaré que « le terrorisme ne comprend que le discours de la force ». Mais son régime s’effondrait déjà de toute part.

Alors que le régime perdait ville après ville, les gouvernorats méridionaux de Soueïda et de Deraa se sont libérés ; des forces d’opposition armées populaires et locales, distinctes de HTS et de l’ANS, y ont pris le contrôle. Les forces du régime se sont ensuite retirées de localités situées à une dizaine de kilomètres de Damas et ont abandonné leurs positions dans la province de Quneitra, qui borde le plateau du Golan, occupé par Israël.

Alors que différentes forces armées de l’opposition n’appartenant ni à HTS ni à l’ANS se sont rapprochées de la capitale Damas, les forces du régime se sont effondrées et retirées, tandis que les manifestations et les destructions par le feu de tous les symboles de Bachar Al-Assad se sont multipliées dans les différentes banlieues de Damas. Dans la nuit du 7 au 8 décembre, on a annoncé la libération de Damas. Dans un premier temps, le sort et la localisation exacte de Bachar Al-Assad sont demeurés inconnus, mais on a ensuite appris qu’il se trouverait en Russie sous la protection de Moscou.

La chute du régime a démontré la faiblesse structurelle de celui-ci, tant sur le plan militaire qu’économique et politique. Il s’est effondré comme un château de cartes. Cela n’est guère surprenant : il semblait évident que les soldats n’allaient pas se battre pour le régime d’Assad compte tenu de leurs salaires et conditions médiocres. Ils ont préféré fuir ou ne pas combattre plutôt que de défendre un régime pour lequel ils n’avaient que très peu de sympathie, d’autant plus que beaucoup d’entre eux étaient des conscrits, appelés contre leur volonté.

Parallèlement à ces dynamiques dans le sud, d’autres développements se sont produits dans différentes parties du pays après le lancement de l’offensive des rebelles. D’une part, l’ANS a mené des attaques contre les territoires contrôlés au nord d’Alep par les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes, puis a annoncé le début d’une nouvelle offensive contre la ville de Manbij, dans le nord de la Syrie, qui est sous la domination des FDS. Le dimanche 8 décembre, avec le soutien de l’armée turque, de son aviation et de son artillerie, l’ANS est entrée dans la ville.

D’autre part, les FDS se sont emparées de la majeure partie du gouvernorat de Deir-ez-Zor, auparavant contrôlé par les forces du régime syrien et les milices pro-iraniennes, qui s’étaient retirées pour se redéployer dans d’autres régions afin de lutter contre HTS et l’ANS. Les FDS ont ensuite étendu leur contrôle à de vastes zones du nord-est qui étaient auparavant sous la domination du régime.

Tempest : Qui sont les forces rebelles et en particulier les principales formations rebelles, HTS et l’ANS ? Quels sont leurs orientations politiques, leur programme et leur projet ? Que pensent les classes populaires de ces forces ?

JD : La prise réussie d’Alep, de Hama, de Homs et d’autres territoires dans le cadre d’une campagne militaire menée par HTS reflète à bien des égards l’évolution de ce mouvement depuis plusieurs années en une organisation plus disciplinée et plus structurée, tant sur le plan politique que militaire. Il est désormais capable de produire des drones et dispose d’une académie militaire. HTS a pu imposer son hégémonie sur un certain nombre de groupes militaires, à la fois par la répression et par l’inclusion au cours des dernières années. C’est sur la base de ces développements qu’il a pu se préparer à lancer cette attaque.

HTS est devenu un acteur quasi-étatique dans les zones qu’il contrôle. Il a mis en place un gouvernement, le Gouvernement de salut syrien (GSS), qui fait office d’administration civile de HTS et assure la fourniture de services. Ces dernières années, HTS et le GSS ont très clairement cherché à se présenter comme des forces rationnelles devant les puissances régionales et internationales afin de normaliser leur régime. Cela a notamment permis à certaines ONG de disposer de plus d’espace pour opérer dans des secteurs clés tels que l’éducation et les soins de santé, dans lesquels le GSS manque de ressources financières et d’expertise.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de corruption dans les zones sous son autorité. Le GSS a imposé son autorité par des mesures autoritaires et répressives. HTS a notamment réprimé ou limité les activités qu’il considère comme contraires à son idéologie. Par exemple, il a mis fin à plusieurs projets de soutien aux femmes, en particulier aux résidentes de camps de déplacés, sous prétexte que ces projets promouvaient une égalité de genre hostile à son régime. HTS a également pris pour cible et détenu des opposants politiques, des journalistes, des militants et des personnes perçues comme des critiques ou des opposants.

HTS, qui est toujours considéré comme une organisation terroriste par de nombreuses puissances, y compris par les États-Unis, a également essayé de projeter une image plus modérée de lui-même, essayant d’être reconnu comme un acteur désormais rationnel et responsable. Cette évolution remonte à la rupture de ses liens avec Al-Qaïda en 2016 et à la reformulation de ses objectifs politiques désormais limités au cadre national syrien. HTS a également réprimé les individus et les groupes liés à Al-Qaïda et au soi-disant État islamique.

En février 2021, lors de sa première interview avec un journaliste américain, son chef Abu Mohammed Al-Jolani (Ahmed Al-Sharaa de son vrai nom) a déclaré que la région qu’il contrôlait « ne représent[ait] pas une menace pour la sécurité de l’Europe et de l’Amérique », affirmant que les zones sous son autorité ne deviendraient pas une base pour des opérations à l’étranger.

Dans cette tentative de se définir comme un interlocuteur légitime sur la scène internationale, il a mis l’accent sur le rôle du groupe dans la lutte contre le terrorisme. Dans le cadre de cette transformation, il a permis le retour des chrétiens et des Druzes dans certaines zones et a établi des contacts avec des dirigeants de ces communautés.

Après la prise d’Alep, HTS a continué à se présenter comme un acteur responsable. Les combattants de HTS ont par exemple immédiatement posté des vidéos devant les banques, donnant des gages de protection de la propriété privée et des biens. Ils ont également promis de protéger les civils et les communautés religieuses minoritaires, en particulier les chrétiens, car ils savent que le sort de cette communauté est étroitement surveillé à l’étranger.

De même, HTS a fait de nombreuses déclarations promettant une protection similaire aux Kurdes et aux minorités musulmanes telles que les ismaéliens et les Druzes. Il a également publié une déclaration concernant les alaouites, les appelant à rompre avec le régime, sans toutefois suggérer que HTS les protégerait et sans annoncer clairement leurs intentions quant à cette communauté. Dans cette déclaration, HTS décrit la communauté alaouite comme un instrument du régime contre le peuple syrien.

Enfin, le chef de HTS, Abu Mohammed Al-Jolani, a déclaré que la ville d’Alep serait gérée par une autorité locale et que toutes les forces militaires, y compris celles de HTS, se retireraient complètement de la ville dans les semaines à venir. Il est clair qu’Al-Jolani souhaite engager un dialogue actif avec les puissances locales, régionales et internationales.

Toutefois, la question de savoir si HTS donnera suite à ces déclarations reste ouverte. L’organisation s’est montrée autoritaire et réactionnaire, avec une idéologie intégriste islamique, et compte toujours des combattants étrangers dans ses rangs. Ces dernières années, de nombreuses manifestations populaires ont eu lieu à Idlib pour dénoncer son régime et ses violations des libertés politiques et des droits humains, notamment les assassinats et la torture d’opposants.

Tolérer les minorités religieuses ou ethniques et leur permettre de prier ne suffit pas. Ce qui est clé, c’est de reconnaître leurs droits en tant que citoyens égaux participant à la prise de décision sur l’avenir du pays. Plus généralement, les déclarations du chef de HTS, Al-Jolani, telles que « les personnes qui craignent la gouvernance islamique en ont vu des applications incorrectes ou ne la comprennent pas correctement », ne sont absolument pas rassurantes, bien au contraire.

En ce qui concerne l’ANS soutenue par la Turquie, il s’agit d’une coalition de groupes armés dont la plupart ont une ligne politique islamo-conservatrice. Elle a très mauvaise réputation et est coupable de nombreuses violations des droits humains, en particulier à l’encontre des populations kurdes dans les zones qu’elle contrôle. L’ANS a notamment participé à la campagne militaire menée par la Turquie pour occuper Afrin en 2018, entraînant le déplacement forcé d’environ 150 000 civils, en grande majorité des Kurdes.

Dans la campagne militaire actuelle, une fois de plus, l’ANS sert principalement les objectifs de la Turquie en ciblant les zones contrôlées par les FDS dirigées par les Kurdes et comptant d’importantes populations kurdes. L’ANS a par exemple capturé la ville de Tall Rifaat et la zone de Shahba dans le nord d’Alep, auparavant sous la gouvernance des FDS, entraînant le déplacement forcé de plus de 150 000 civils et de nombreuses violations des droits humains contre les Kurdes, incluant des assassinats et des enlèvements. L’ANS a ensuite annoncé une offensive militaire soutenue par l’armée turque contre la ville de Manbij, où vivent 100 000 civils et qui est contrôlée par les FDS.

Il existe donc des différences entre HTS et l’ANS. HTS jouit d’une autonomie relative par rapport à la Turquie, contrairement à l’ANS qui est contrôlée par la Turquie et sert ses intérêts. Les deux forces sont différentes, poursuivent des objectifs distincts et ont des conflits entre elles, bien que ceux-ci soient pour l’instant mis sous le tapis. Par exemple, HTS ne cherche pas la confrontation avec les FDS pour le moment. En outre, l’ANS a publié une déclaration critiquant le « comportement agressif » de HTS à l’égard de membres de l’ANS, tandis que HTS aurait accusé les combattants de l’ANS d’avoir commis des pillages.

Tempest : Pour beaucoup de celles et ceux qui n’ont pas suivi l’évolution de la Syrie, ces développements semblent sortis de nulle part. En quoi cette situation trouve ses racines dans la révolution, la contre-révolution et la guerre civile en Syrie ? Que s’est-il passé à l’intérieur du pays au cours de la période récente qui a déclenché l’offensive militaire ?Quelles sont les dynamiques régionales et internationales qui ont ouvert la voie aux avancées des rebelles ?

JD : Initialement, HTS a lancé sa campagne militaire en réaction à l’escalade des attaques et des bombardements du régime d’Assad et de la Russie sur son territoire du nord-ouest. L’offensive visait également à reprendre des zones conquises par le régime en violation des dispositions établissant des zones de désescalade convenues dans l’accord de mars 2020, négocié par Moscou et Téhéran. Toutefois, forts de leur succès surprise, les attaquants ont élargi leurs ambitions et appelé ouvertement au renversement du régime, ce qu’ils ont désormais accompli avec d’autres qui les ont rejoints.

Le succès de HTS et de l’ANS s’explique par l’affaiblissement des principaux alliés du régime. La Russie, principal parrain international d’Assad, a réorienté ses forces et ses ressources vers sa guerre impérialiste contre l’Ukraine. En conséquence, son implication en Syrie a été nettement plus limitée que lors des opérations militaires similaires des années précédentes.

Les deux autres alliés clés du régime, le Hezbollah libanais et l’Iran, ont été considérablement affaiblis par Israël depuis le 7 octobre 2023. Tel-Aviv a assassiné plusieurs dirigeants du Hezbollah, dont Hassan Nasrallah, a décimé ses cadres par les attaques de bipeurs et a bombardé ses forces au Liban. Le Hezbollah est sans aucun doute confronté à son plus grand défi depuis sa création. Israël a également lancé des frappes contre l’Iran, exposant ses vulnérabilités, et a intensifié les bombardements des positions iraniennes et du Hezbollah en Syrie au cours des derniers mois.

Avec ses principaux soutiens préoccupés et affaiblis, la dictature d’Assad se trouvait dans une position vulnérable. En raison de toutes ses faiblesses structurelles, du manque de soutien de la population qu’elle dirige, du manque de fiabilité de ses propres troupes et de l’absence de soutien international et régional, elle s’est avérée incapable de résister à l’avancée des forces rebelles, ville après ville, et son pouvoir s’est effondré comme un château de cartes.

Tempest : Comment les alliés du régime ont-ils réagi initialement ? Quels sont leurs intérêts en Syrie ?

JD : La Russie et l’Iran se sont d’abord engagés à soutenir le régime et l’ont poussé à combattre HTS et l’ANS. Dans les premiers jours de l’offensive, la Russie a appelé le régime syrien à se ressaisir et à « rétablir l’ordre à Alep », ce qui semble indiquer que Moscou espérait une contre-attaque de Damas.

L’Iran a appelé à une « coordination » avec Moscou face à cette offensive. Il a affirmé que les États-Unis et Israël étaient derrière l’offensive des rebelles contre le régime syrien afin de le déstabiliser et de détourner l’attention de la guerre d’Israël en Palestine et au Liban. Les responsables iraniens ont déclaré leur soutien total au régime syrien et ont confirmé leur intention de maintenir et même d’accroître la présence de leurs « conseillers militaires » en Syrie en soutien à l’armée syrienne. Téhéran a également promis de fournir des missiles et des drones au régime syrien et même de déployer ses propres troupes.

Mais cela n’a manifestement pas fonctionné. Malgré les bombardements russes sur les zones échappant au contrôle du régime, l’avancée des rebelles n’a pas faibli.

Les deux puissances ont beaucoup à perdre en Syrie. Pour l’Iran, la Syrie est essentielle au transfert d’armes au Hezbollah et à la coordination logistique avec le parti libanais. Avant la chute du régime, le bruit courait que le Hezbollah avait envoyé un petit nombre de « forces de supervision » à Homs afin d’aider les forces militaires du régime et 2 000 soldats dans la ville de Qousseir, l’un de ses bastions en Syrie près de la frontière avec le Liban, pour la défendre en cas d’attaque des rebelles. Avec la chute du régime, le Hezbollah a retiré ses forces.

Du côté de la Russie, la base aérienne de Hmeimim, dans la province syrienne de Lattaquié, et la base navale de Tartous, sur la côte, ont été importantes pour l’affirmation du rôle géopolitique de Moscou au Moyen-Orient, en Méditerranée et en Afrique. La perte de ces bases compromettrait le statut de la Russie, son intervention en Syrie ayant servi d’exemple de la façon dont elle pouvait utiliser la force militaire pour peser sur les événements à l’extérieur de ses frontières et rivaliser avec les États occidentaux.

Tempest : Quel rôle les autres puissances régionales et impériales, en particulier la Turquie, Israël et les États-Unis, ont-elles joué dans ce scénario ? Quelles sont leurs ambitions dans cette situation ?

JD : Malgré la volonté de la Turquie de normaliser ses relations avec la Syrie, Ankara a été de plus en plus frustrée par Damas. Elle a donc encouragé l’offensive militaire, ou du moins lui a donné son feu vert, et l’a aidée d’une manière ou d’une autre. L’objectif d’Ankara était initialement d’améliorer sa position dans les futures négociations avec le régime syrien, mais aussi avec l’Iran et la Russie.

Aujourd’hui, avec la chute du régime, l’influence de la Turquie est encore plus importante en Syrie et en fait probablement l’acteur régional clé dans le pays. Ankara cherche également à utiliser l’ANS pour affaiblir les FDS, qui sont dominées par la branche armée du parti kurde PYD, une organisation sœur du PKK, parti kurde de Turquie désigné comme terroriste par Ankara, les États-Unis et l’Union européenne.

La Turquie a deux autres objectifs principaux. Premièrement, elle souhaite procéder au retour forcé en Syrie des réfugiés syriens se trouvant en Turquie. Deuxièmement, elle veut bloquer les aspirations kurdes à l’autonomie et plus particulièrement saper l’administration dirigée par les Kurdes dans le nord-est de la Syrie, l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES, également appelée Rojava), qui constituerait un précédent pour l’autodétermination kurde en Turquie, une menace pour le régime tel qu’il est actuellement constitué.

Ni les États-Unis ni Israël n’ont joué de rôle dans ces événements. En fait, c’est le contraire qui s’est produit. Les États-Unis craignaient que le renversement du régime ne crée davantage d’instabilité dans la région. Les responsables étatsuniens ont d’abord déclaré que « le refus persistant du régime Assad de s’engager dans le processus politique ébauché dans la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies et sa dépendance à l’égard de la Russie et de l’Iran sont responsables des conditions actuelles, y compris de l’effondrement des lignes du régime Assad dans le nord-ouest de la Syrie ».

Les États-Unis ont également déclaré qu’ils n’avaient « rien à voir avec cette offensive, qui est dirigée par Hayat Tahrir Al-Sham (HTS), une organisation désignée comme terroriste ». Après une visite en Turquie, le secrétaire d’État Antony Blinken a appelé à la désescalade en Syrie. Après la chute du régime, les responsables étatsuniens ont déclaré qu’ils maintiendraient leur présence dans l’est de la Syrie, soit environ 900 soldats, et qu’ils prendraient les mesures nécessaires pour empêcher une résurgence de l’État islamique. (EI) Washigton a d’ailleurs bombardé des cibles de l’EI dans la nuite du dimanche au lundi différentes zones de la Syrie.

De leur côté, les responsables israéliens ont déclaré que « l’effondrement du régime d’Assad créerait probablement un chaos dans lequel se développeraient des menaces militaires contre Israël. » De plus, Israël n’a jamais vraiment soutenu le renversement du régime syrien depuis la tentative de révolution de 2011. En juillet 2018, Nétanyahou ne s’est pas opposé à ce qu’Assad reprenne le contrôle du pays et stabilise son pouvoir.

Nétanyahou a déclaré qu’Israël n’agirait que contre ce qui serait perçu comme des menaces, comme les forces et l’influence de l’Iran et du Hezbollah, expliquant : « Nous n’avons pas de problème avec le régime d’Assad, pendant 40 ans pas une seule balle n’a été tirée sur le plateau du Golan. » Quelques heures après l’annonce de la chute du régime ce dimanche, l’armée d’occupation israélienne a pris le contrôle de la partie syrienne du mont Hermon, sur le plateau du Golan, afin d’empêcher les rebelles de s’emparer de la zone. Auparavant, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu avait ordonné à l’armée d’occupation israélienne de « prendre le contrôle » de la zone tampon du Golan et des « positions stratégiques adjacentes ». De plus, Tel Aviv a bombardé des dépôts d’armes dans le sud de la Syrie et dans la capitale Damas.

Tempest : De nombreux campistes ont de nouveau pris la défense d’Assad, affirmant cette fois qu’une défaite d’Assad serait un revers pour la lutte de libération palestinienne. Que penses-tu de cet argument ? Qu’est-ce que les évènements impliquent pour la Palestine ?

JD : Oui, les campistes ont affirmé que cette offensive militaire était menée par « Al-Qaïda et d’autres terroristes » et qu’il s’agissait d’un complot impérialiste occidental contre le régime syrien visant à affaiblir le soi-disant « axe de la résistance » dirigé par l’Iran et le Hezbollah. Étant donné que cet axe prétend soutenir les Palestiniens, les campistes affirment qu’en affaiblissant cet axe, la chute d’Assad sape la lutte pour la libération de la Palestine.

En plus de nier toute puissance d’agir aux acteurs locaux syriens, le principal problème de l’argument avancé par les partisans du soi-disant « axe de la résistance » est qu’ils supposent que la libération de la Palestine viendra d’en haut, de ces États ou d’autres forces qui leur sont affiliées, indépendamment de leur nature réactionnaire et autoritaire et de leurs politiques économiques néolibérales. Cette stratégie a échoué par le passé et continuera à échouer aujourd’hui. En fait, au lieu de faire progresser la lutte pour la libération de la Palestine, les États autoritaires et despotiques du Moyen-Orient, qu’ils soient alignés sur l’Occident ou opposés à lui, ont à maintes reprises trahi les Palestiniens et les ont même réprimés.

De plus, les campistes ignorent que les principaux objectifs de l’Iran et de la Syrie ne sont pas la libération de la Palestine, mais la préservation de leurs États et de leurs intérêts économiques et géopolitiques. Ils les feront toujours passer avant la Palestine. La Syrie, en particulier, comme Nétanyahou l’a clairement indiqué dans ses paroles que je viens de citer, n’a pas levé le petit doigt contre Israël depuis des décennies.

Pour sa part, l’Iran soutient la cause palestinienne de manière rhétorique et finance le Hamas. Mais depuis le 7 octobre 2023, son principal objectif est d’améliorer sa position dans la région afin d’être dans la meilleure posture possible pour de futures négociations politiques et économiques avec les États-Unis. L’Iran souhaite garantir ses intérêts politiques et sécuritaires et tient donc à éviter toute guerre directe avec Israël.

Son principal objectif géopolitique vis-à-vis des Palestiniens n’est pas de les libérer, mais de les utiliser comme levier, notamment dans ses relations avec les États-Unis. De même, la réponse passive de l’Iran à l’assassinat de Nasrallah par Israël, à la décimation des cadres du Hezbollah et à sa guerre brutale contre le Liban démontre que sa première priorité est de se protéger et de protéger ses intérêts. Il n’était pas disposé à les sacrifier et à prendre la défense de son principal allié non étatique.

De même, l’Iran s’est révélé être, au mieux, un allié inconstant du Hamas. Il a réduit son financement au Hamas lorsque leurs intérêts ne coïncidaient pas ; ça a été le cas après la révolution syrienne de 2011, lorsque le mouvement palestinien a refusé de soutenir la répression meurtrière du régime de Damas à l’encontre des manifestants syriens.

Dans le cas du régime syrien, son absence de soutien à la Palestine est indéniable. Il n’a pas pris la défense de la Palestine depuis un an de guerre génocidaire menée par Israël. Malgré les bombardements israéliens sur la Syrie, avant et après le 7 octobre, le régime n’a pas réagi. Cette attitude est conforme à la politique menée par Damas depuis 1974, qui consiste à éviter toute confrontation significative et directe avec Israël.

En outre, le régime a réprimé à plusieurs reprises les Palestiniens en Syrie, notamment en tuant plusieurs milliers d’entre eux depuis 2011 et en détruisant le camp de réfugiés de Yarmouk à Damas. Il s’est également attaqué au mouvement national palestinien lui-même. Par exemple, en 1976, Hafez Al-Assad, père du dictateur-héritier tout juste déchu Bachar Al-Assad, est intervenu au Liban et a soutenu les partis libanais d’extrême droite contre les organisations palestiniennes et libanaises de gauche.

Il a également mené des opérations militaires contre des camps palestiniens à Beyrouth en 1985 et 1986. En 1990, environ 2 500 prisonniers politiques palestiniens étaient détenus dans des prisons syriennes.

Compte tenu de cette histoire, le mouvement de solidarité avec la Palestine commettrait une erreur en défendant et en s’alignant sur des États impérialistes ou sous-impérialistes qui font passer leurs intérêts avant la solidarité avec la Palestine, qui rivalisent pour des gains géopolitiques et qui exploitent la force de travail et les ressources de leurs pays. Bien sûr, l’impérialisme étatsunien reste le principal ennemi de la région avec son histoire exceptionnelle de guerre, de pillage et de domination politique.

Mais il est absurde de considérer les puissances régionales réactionnaires et d’autres États impérialistes comme la Russie ou la Chine comme des alliés de la Palestine ou du mouvement de solidarité avec la Palestine. Absolument rien ne permet d’étayer cette position. Choisir un impérialisme plutôt qu’un autre, c’est garantir la stabilité du système capitaliste et l’exploitation des classes populaires. De même, soutenir des régimes autoritaires et despotiques dans le but de libérer la Palestine est non seulement moralement erroné, mais c’est également une stratégie qui s’est avérée vouée à l’échec.

Au contraire, le mouvement de solidarité palestinien doit considérer que la libération de la Palestine est liée non pas aux États de la région, mais à la libération de ses classes populaires. Celles-ci s’identifient à la Palestine et considèrent que leurs propres combats pour la démocratie et l’égalité sont intimement liés à la lutte de libération des Palestiniens. La lutte des Palestiniens tend à dynamiser le mouvement régional de libération, et les mouvements de libération dans la région se répercutent en retour sur celui de la Palestine occupée.

Ces luttes sont dialectiquement liées ; ce sont des luttes mutuelles pour la libération collective. Le ministre israélien d’extrême droite Avigdor Lieberman a reconnu le danger que les soulèvements populaires régionaux représentaient pour Israël en 2011 lorsqu’il a déclaré que la révolution égyptienne qui avait renversé Hosni Moubarak et ouvert la voie à une période d’ouverture démocratique dans le pays constituait pour Israël une plus grande menace que l’Iran.

Il ne s’agit pas de nier le droit à la résistance des Palestiniens et des Libanais aux guerres brutales d’Israël, mais de comprendre que la révolte unie des classes populaires palestiniennes et régionales est seule à même de transformer l’ensemble du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en renversant les régimes autoritaires, en expulsant de la région les États-Unis et les autres puissances impérialistes. La solidarité internationale anti-impérialiste avec la Palestine et les classes populaires de la région est essentielle, car elles sont confrontées non seulement à Israël et aux régimes réactionnaires de la région, mais aussi à leurs soutiens impérialistes.

La tâche principale du mouvement de solidarité avec la Palestine, en particulier en Occident, est de dénoncer le rôle complice de nos classes dominantes qui soutiennent non seulement l’État raciste, de colonialisme de peuplement et d’apartheid d’Israël et sa guerre génocidaire contre les Palestiniens, mais aussi les attaques d’Israël contre d’autres pays de la région comme le Liban. Le mouvement doit faire pression sur ces classes dominantes pour qu’elles rompent toute relation politique, économique et militaire avec Tel-Aviv.

De cette manière, le mouvement de solidarité peut remettre en question et affaiblir le soutien international et régional à Israël, ouvrant l’espace pour que les Palestiniens se libèrent avec les classasse populaires en dehors de l’État) et des structures politiques alternatives démocratiques et progressistes seront-elles en mesure de s’établir, de s’organiser et de constituer une alternative politique et sociale à HTS et à l’ANS ? L’étirement des forces de HTS et de l’ANS laissera-t-il un espace suffisant pour s’organiser au niveau local ?

Telles sont les questions clés qui, à mon avis, n’ont pas de réponses claires. Si l’on examine les politiques passées de HTS et de l’ANS, on constate qu’elles n’ont pas encouragé le développement d’un espace démocratique, bien au contraire. Elles ont été autoritaires. Aucune confiance ne devrait être accordée à de telles forces. Seule l’auto-organisation des classes populaires luttant pour des revendications démocratiques et progressistes créera cet espace et ouvrira la voie à une véritable libération. Pour cela, il faudra surmonter de nombreux obstacles, de la fatigue de la guerre à la répression, en passant par la pauvreté et la dislocation sociale.

Le principal obstacle a été, est et sera les acteurs autoritaires : auparavant le régime, mais maintenant une grande partie des forces d’opposition, en particulier HTS et l’ANS. Leur domination et les affrontements militaires entre eux ont étouffé l’espace dans lequel les forces démocratiques et progressistes pouvaient chercher à déterminer démocratiquement leur avenir. Même dans les espaces libérés du contrôle du régime, nous n’avons pas encore assisté à des campagnes populaires de résistance démocratique et progressiste. Et là où l’ANS a conquis des zones kurdes, les droits des Kurdes ont été violés, l’ANS les a réprimés par la violence et a déplacé de force un grand nombre d’entre eux.

Il faut se rendre à l’évidence : l’absence d’un bloc démocratique et progressiste indépendant capable de s’organiser et de s’opposer clairement au régime syrien et aux forces intégristes islamiques est criante. La construction de ce bloc prendra du temps. Il devra combiner les luttes contre l’autocratie, contre l’exploitation et contre toutes les formes d’oppression. Il devra porter les revendications de démocratie, d’égalité, d’autodétermination kurde et de libération des femmes afin de créer une solidarité entre les exploités et les opprimés du pays.

Pour faire avancer ces revendications, ce bloc progressiste devra construire et reconstruire des organisations populaires, des syndicats aux organisations féministes en passant par les organisations communautaires, et des structures nationales pour les rassembler. Cela nécessitera une collaboration entre les acteurs démocratiques et progressistes de l’ensemble de la société.

Cela dit, il y a de l’espoir : alors que la dynamique clé était initialement militaire et menée par HTS et l’ANS, ces derniers jours ont donné à voir des manifestations populaires de plus en plus fortes et des gens qui sortent dans les rues à travers tout le pays. Ils ne suivent pas les ordres de HTS, de l’ANS ou d’autres groupes d’opposition armés. Il y a maintenant un espace, avec ses contradictions et ses défis comme mentionné précédemment, pour que les Syriens essaient de reconstruire une résistance populaire civile à partir de la base et des structures alternatives de pouvoir.

En outre, l’une des tâches essentielles consistera à s’attaquer à la principale division ethnique du pays, celle entre les Arabes et les Kurdes. Les forces progressistes doivent mener une lutte claire contre le chauvinisme arabe afin de surmonter cette division et de forger une solidarité entre ces populations. Il s’agit d’un défi qui se pose depuis le début de la révolution syrienne en 2011 et qui devra être affronté et résolu de manière progressiste pour que le peuple syrien soit réellement libéré.

Il faut absolument revenir aux aspirations initiales de la révolution syrienne, à savoir la démocratie, la justice sociale et l’égalité, tout en respectant l’autodétermination des Kurdes. Si le PYD kurde peut être critiqué pour ses erreurs et son mode de gouvernement, il n’est pas le principal obstacle à une telle solidarité entre Kurdes et Arabes. Le principal obstacle vient des positions et des politiques belliqueuses et chauvines des forces d’opposition arabes en Syrie. Ça a été le cas du Conseil national syrien, dominé par des acteurs Arabes hostile aux droits nationaux kurdes, suivi par la Coalition nationale des forces révolutionnaires et d’opposition syriennes, les principaux organes d’opposition en exil soutenus par l’Occident et les pays de la région, qui ont tenté de diriger la révolution syrienne dans ses premières années, et c’est le cas aujourd’hui des deux principales forces militaires existantes, HTS et l’ANS.

Dans ce contexte, les forces progressistes doivent chercher à développer la collaboration entre Arabes syriens et Kurdes, y compris l’AANES. Le projet de l’AANES et ses institutions politiques représentent de larges pans de la population kurde et l’ont protégée contre diverses menaces locales et extérieures.

Cela dit, ce projet a aussi ses défauts et ne doit pas être soutenu sans critique. Le PYD et l’AANES ont eu recours à la force et à la répression contre les militants politiques et les groupes qui contestaient leur pouvoir. Ils ont également perpétré des violations de droits humains contre des civils. Néanmoins, le projet a permis d’importants succès, notamment une participation accrue des femmes à tous les niveaux de la société, une codification de lois laïques et une plus grande inclusion des minorités religieuses et ethniques. Toutefois, sur les questions socio-économiques, il n’a pas rompu avec le capitalisme et n’a pas répondu de manière adéquate aux doléances des classes populaires.

Quelles que soient les critiques que les progressistes peuvent adresser au PYD et à l’AANES, nous devons rejeter et nous opposer aux descriptions chauvines arabes qui les qualifient de « diable » et de projet ethno-nationaliste « séparatiste ». Mais en rejetant ce sectarisme, nous ne devons pas romancer l’AANES de façon acritique, comme l’ont fait certains anarchistes et militants de gauche occidentaux, en la présentant à tort comme une nouvelle forme de pouvoir démocratique par le bas.

Une certaine collaboration existe déjà entre les démocrates et progressistes arabes syriens et l’AANES et les institutions qui y sont liées ; il faut la développer et l’étendre. Mais, comme dans tout type de collaboration, celle-ci ne doit pas se faire sans esprit critique.

S’il est important de rappeler à tous que le régime de Bachar Al-Assad et ses alliés sont les premiers responsables du massacre de centaines de milliers de civils, des destructions massives, de l’appauvrissement croissant et de la situation actuelle en Syrie, l’objectif de la révolution syrienne va au-delà de ce que le chef de HTS, Al-Jolani, a déclaré dans son interview à CNN. Il ne s’agit pas seulement de renverser ce régime, mais de construire une société démocratique, égalitaire et garantissant les pleins droits des groupes opprimés. Sans quoi nous ne ferons que remplacer un mal par un autre.

Tempest : Quel sera l’impact de la chute du régime sur la région et les puissances impériales ? Quelle position la gauche internationale devrait-elle adopter dans cette situation ?

JD : Après la chute du régime, le chef de HTS, Al-Jolani, a déclaré que les institutions de l’État syrien seraient supervisées par le Premier ministre de l’ancien régime, Mohammed Jalali, jusqu’à ce qu’elles soient remises à un nouveau gouvernement doté des pleins pouvoirs exécutifs à la suite d’élections, ce qui témoigne des efforts déployés pour assurer une transition ordonnée. Le ministre syrien des télécommunications Eyad Al-Khatib a accepté de collaborer avec les représentants de HTS pour garantir la continuité des télécommunications et d’internet.

Ces éléments indiquent clairement que HTS souhaite procéder à une transition contrôlée du pouvoir afin d’apaiser les craintes des pays étrangers, d’établir des contacts avec les puissances régionales et internationales et d’être reconnu comme une force légitime avec laquelle il est possible de négocier. Un obstacle à cette normalisation est le fait que HTS reste considéré comme une organisation terroriste, tandis que la Syrie fait l’objet de sanctions.

Il faut donc s’attendre à une période d’instabilité dans le pays. À Damas, le lendemain de la chute du régime, on a pu observer un certain chaos dans les rues, la banque centrale ayant par exemple été pillée.

Il est encore difficile de prédire l’impact qu’aura la chute du régime sur les puissances régionales et impériales. Pour les États-Unis et les pays occidentaux, l’objectif principal est désormais de limiter les dégâts afin d’éviter que le chaos ne s’étende à la région. Les États de la région ne sont manifestement pas satisfaits de la situation actuelle, alors qu’ils avaient entamé un processus de normalisation avec le régime au cours des dernières années. Quant à la Turquie, son principal objectif sera de consolider son pouvoir et son influence en Syrie et de se débarrasser de l’AANES dirigée par les Kurdes dans le nord-est. Le chef de la diplomatie turque a d’ailleurs déclaré dimanche que l’État turc était en contact avec les rebelles en Syrie pour s’assurer que l’État islamique et surtout le « PKK » ne profitent pas de la chute du régime de Damas pour étendre leur influence. Un impact supplémentaire à prendre en considération est l’affaiblissement de l’influence régionale de l’Iran et donc du Hezbollah au Liban avec la chute du régime.

Les différentes puissances ont cependant un objectif commun : imposer une forme de stabilité autoritaire en Syrie et dans la région. Cela ne signifie évidemment pas une unité entre les puissances régionales et impériales. Elles ont chacune leurs propres intérêts, souvent antagonistes, mais elles ne veulent pas de la déstabilisation du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord – surtout pas d’une déstabilisation qui perturberait l’acheminement du pétrole vers le capitalisme mondial.

La gauche internationale ne doit pas se ranger du côté des vestiges du régime ou des forces locales, régionales et internationales de la contre-révolution. Au contraire, la boussole politique des révolutionnaires devrait être le principe de solidarité avec les luttes populaires et progressistes par le bas. Cela signifie qu’il faut soutenir les groupes et les individus qui s’organisent et luttent pour une Syrie progressiste et inclusive, et participer au développement d’une solidarité entre eux et les classes populaires de la région.

Dans un contexte instable en Syrie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, nous devons éviter le double piège du romantisme et du défaitisme. Au contraire, nous devons poursuivre une stratégie de solidarité critique, progressiste et internationale entre les forces populaires de la région et du monde entier. Il s’agit là d’une tâche et d’une responsabilité essentielles de la gauche, en particulier en ces temps très complexes.

Le 9 décembre 2024

9 décembre 2024 par Joseph Daher
«À bas Bachar el-Assad» © Jan Sefti

Publié par Tempest, co-publié en français par Inprecor, Contretemps.eu et la Gauche anticapitaliste, traduit par NL et relu par l’auteur.

https://inprecor.fr/

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