Archive | Antiracisme

31 octobre 2025 ~ 0 Commentaire

Algérie (LIbé, Le Tél)

marxisme

Que contient le texte du RN adopté à l’Assemblée ?

La résolution votée ce jeudi 30 octobre, qui n’est pas une loi, demande aux «autorités en ayant la compétence» de dénoncer l’accord de 1968 qui prévoit un régime spécial pour les Algériens en matière d’immigration et de séjour en France.

Un texte sans valeur normative, mais hautement symbolique. L’Assemblée nationale a adopté ce jeudi 30 octobre une résolution visant l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui prévoit un régime spécial pour les Algériens en matière d’immigration et de séjour en France. Le texte déposé par le Rassemblement national, et examiné à l’occasion de sa niche parlementaire, demande aux «autorités en ayant la compétence» de «dénoncer les accords franco‑algériens du 27 décembre 1968», c’est-à-dire d’y mettre un terme unilatéralement.

Le texte s’adresse donc à Emmanuel Macron, car «seul le Président peut dénoncer un accord», décrypte Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes. Pour autant, cette résolution «n’a pas d’incidence juridique», précise-t-il. Elle ne fait que demander au Président de prendre une décision, en se fondant sur des arguments motivant cette demande.

D’après le RN, l’accord en question crée «un régime dérogatoire qui facilite l’immigration des ressortissants algériens vers la France», or le parti d’extrême droite estime qu’«aucun motif ne justifie désormais que les ressortissants algériens bénéficient d’un tel statut juridique».

Boualem Sansal cité

L’accord mis en cause, signé en 1968, prévoit en effet un régime spécial pour les Algériens. Pour séjourner plus de trois mois sur le territoire, il leur faut un «certificat de résidence pour Algériens» (CRA) valable un an, et non un visa. Ils peuvent également s’établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante, et accéder plus rapidement que les ressortissants d’autres pays à la délivrance d’un titre de séjour de dix ans, énumère le site du ministère de l’Intérieur. Dans le cadre d’un regroupement familial, les membres de la famille reçoivent également un certificat de résidence de dix ans dès leur arrivée si la personne qu’ils rejoignent possède ce titre.

Dans sa résolution, le RN énumère les raisons pour lesquelles il juge pertinente la dénonciation des accords : l’Algérie violerait «le droit international en ne permettant pas l’entrée sur son territoire de ses citoyens frappés d’une obligation de quitter le territoire français», «les autorités algériennes n’ont pas démontré leur volonté de coopérer» afin de permettre «le retour vers l’Algérie des ressortissants algériens en situation illégale en France». Sont également cités «l’emprisonnement arbitraire de l’écrivain franco‑algérien M. Boualem Sansal» et «l’emprisonnement arbitraire du journaliste français M. Christophe Gleizes».

Serge Slama considère pour sa part que «la majorité de ces arguments repose sur des inexactitudes ou des fake news». Alors que le RN aborde notamment les «facilités d’entrée dans notre pays pour les détenteurs d’un passeport diplomatique ou de service de nationalité algérienne», le professeur de droit public rappelle que l’accord de 2013 les concernant, cité dans le texte, a déjà été suspendu.

Le sort de l’accord de 1968 est désormais entre les mains du président de la République, qui n’est pas juridiquement tenu de prendre en compte la résolution. Le dénoncer pourrait même constituer «une violation du droit international», selon Serge Slama, puisque cet accord entre la France et l’Algérie ne prévoit pas la possibilité d’une rupture unilatérale.

Eliott Lerat 30/10/2025

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Algérie : à Brest, Pierre-Yves Cadalen dénonce un « vote honteux » de Didier Le Gac offrant une victoire au RN

Pour Pierre-Yves Cadalen, en s’abstenant sur le texte présenté par le RN ce jeudi et visant à dénoncer l’accord franco-algérien de 1968, Didier Le Gac, député Renaissance de Brest Rural, s’est couvert de honte. Ce dernier lui répond.

Ce jeudi 30 octobre 2025, le Rassemblement national (RN) est parvenu, pour la première fois, à faire passer un de ses textes à l’Assemblée nationale dans le cadre de sa niche parlementaire. En fin de matinée, les députés ont adopté, par 185 voix contre 184, une proposition de résolution du groupe présidé par Marine Le Pen visant à « dénoncer » l’accord franco-algérien de 1968.

30 octobre 2025

https://www.letelegramme.fr/

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27 octobre 2025 ~ 0 Commentaire

Police ( Streetpress)

macron flics

Depuis la mort de Zyed et Bouna, au moins 566 personnes sont décédées à la suite d’interventions des forces de l’ordre

Le combat judiciaire des familles a permis de révéler des violences policières

 Jérémie Rochas

Le 27 octobre 2005, Zyed Benna et Bouna Traoré ont perdu la vie suite à un contrôle de police à Clichy-sous-Bois. Vingt ans et 566 décès plus tard, le ministère de l’Intérieur refuse toujours de revoir sa copie.

Le 27 octobre 2005 à Clichy-sous-Bois (93), Zyed Benna, Bouna Traoré et Muhittin Altun rentrent chez eux après un match de football lorsqu’ils sont pris en chasse par une patrouille de la BAC. Les policiers sont à la recherche des auteurs d’un cambriolage qui leur a été signalé dans le quartier. Par peur du contrôle, les trois adolescents de 15 et 17 ans s’enfuient et se réfugient à l’intérieur d’un transformateur EDF. Aucun des quatorze agents lancés à leur poursuite ne prévient les secours. « S’ils entrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau », se contente d’annoncer sur la bande radio l’un des gradés de l’équipe. Touchés par un arc électrique, Zyed et Bouna meurent électrocutés. Muhittin en ressort grièvement blessé.

Dès le soir du drame, des révoltes éclatent dans plusieurs quartiers populaires de Clichy-sur-Seine et de Montfermeil (93) avant de s’étendre dans 274 communes de France. Le lendemain de la mort de Zyed et Bouna, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, exonère publiquement les agents impliqués et déclare que « la police ne les poursuivait pas physiquement ». Une version contredite par le récit de Muhittin Altun. En 2016, les deux policiers mis en examen pour « non-assistance à personnes en danger » seront définitivement relaxés. Zyed et Bouna restent des symboles.

Vingt ans après ce drame, la liste des personnes décédées à la suite d’une intervention des forces de l’ordre continue de s’allonger. À partir des données récoltées par le média Basta et nos recherches, StreetPress a comptabilisé depuis 2005 au moins 566 nouvelles victimes, et déjà 26 en 2025.

Un « permis de tuer ? »

Les images de la mort de Nahel, abattu à bout portant dans une voiture à Nanterre (92) le 27 juin 2023 d’un tir de policier, ont ravivé la colère des habitants des quartiers populaires face aux violences policières et aux discriminations racistes. Elle a aussi relancé le débat sur la loi du 28 février 2017 « relative à la sécurité publique » qui a élargi, sous certaines conditions, la possibilité aux policiers de faire feu notamment sur les conducteurs en fuite. Depuis son adoption, le nombre de personnes tuées par tir sur un véhicule a été multiplié par cinq selon un décompte en 2022 de plusieurs chercheurs publié dans la revue « Esprit », puis repris en 2023 par Le Monde. Le réseau Entraide Vérité et Justice et La France insoumise demandent son abrogation et dénoncent un « permis de tuer ».

Selon l’Inspection générale de la police nationale, en 2022, 13 personnes sont mortes par balles après un tir de policier suite à un refus d’obtempérer. C’est le cas de Rayana, 21 ans, tuée en juin 2022 par une balle reçue en pleine tête alors qu’elle se trouvait sur le siège passager du véhicule de Mohamed, le conducteur. Il avait refusé de se soumettre à un contrôle routier avant d’être lui aussi touché par balles au thorax et gravement blessé. En octobre 2024, il était condamné à six ans de prison pour « refus d’obtempérer aggravé et violences aggravées contre des policiers ». L’auteur des tirs a, quant à lui, bénéficié d’un non-lieu. Cette décision a eu l’effet d’une « gifle » pour les proches de Rayana qui ont estimé auprès du « Parisien » que le policier était « l’unique responsable de sa mort ».

Morts suspectes dans les commissariats

Depuis vingt ans, au moins 70 personnes sont décédées après leur interpellation dans le véhicule qui les emmenait au commissariat, en cellule ou à l’hôpital. Dans de nombreux cas, les premières investigations concluent à des morts étrangères à l’intervention des forces de l’ordre liées aux antécédents médicaux des personnes interpellées ou à leur consommation d’alcool et de stupéfiants. Le cas le plus médiatisé est celui d’Adama Traoré, retrouvé en arrêt respiratoire dans le commissariat de Beaumont-sur-Oise (95) après avoir subi un plaquage ventral pendant plusieurs minutes par des gendarmes. Malgré la reconnaissance par le ministère public du lien de causalité entre l’interpellation et la mort d’Adama Traoré, les gendarmes ont été définitivement relaxés en mai 2024.

Mais dans plusieurs affaires, le combat judiciaire des familles a permis de révéler des négligences ou des violences des policiers, d’abord dissimulées par les fonctionnaires. Ce fut le cas pour Mohamed Boukrourou déclaré mort « d’une crise cardiaque » dans un fourgon de police le 12 novembre 2009, après son interpellation dans une pharmacie à Valentigney (25), dans le Doubs. Après enquête, la famille découvrait que les agents l’avaient molesté et maîtrisé en se plaçant sur ses épaules, ses mollets et ses fesses après l’avoir attaché à une partie fixe à l’intérieur du véhicule. Les agents impliqués ont bénéficié d’un non-lieu en 2013.

La France a été condamnée pour traitements inhumains et dégradants. En 2018, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait la France pour « négligence » après la mort d’Ali Ziri, âgé de 69 ans et victime d’un arrêt cardiaque au commissariat d’Argenteuil (95) en 2009. Il avait été laissé sans assistance durant plus d’une heure. Sur le trajet vers le commissariat, les agents l’avaient immobilisé avec la technique dite du pliage — les genoux et les cuisses compressés contre le thorax. Cette technique a depuis été interdite.

La souffrance psychique ignorée

En dix ans, StreetPress a recensé au moins 50 personnes en souffrance psychologique, armées ou non, tuées par les forces de l’ordre, dont 11 en 2024. Parmi eux, Kyllian Samathi, 30 ans, en grande fragilité psychologique, mort à la suite de son interpellation par 18 policiers dans une épicerie à Montfermeil (93) où il travaillait. Il aurait reçu douze coups de taser — soit quatre fois plus que les recommandations du fabricant Axom — avant de s’écrouler. En août, quatre policiers impliqués ont été mis en examen pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ».

Dans plusieurs de ces affaires, le manque de formation des fonctionnaires autour des enjeux de santé mentale est pointé du doigt par la justice et les autorités indépendantes. Le 24 novembre 2023, l’État français a été condamné au civil pour « faute lourde » et à verser 138.000 euros aux proches de Liu Shaoyao, tué par balle à Paris le 26 mars 2017 par des agents de la BAC devant sa famille. La justice civile a considéré que les agents auraient dû avoir des armes non létales pour maîtriser le quinquagénaire en souffrance psychologique, « uniquement armé d’un couteau ».

En mai 2018, le Défenseur des droits rendait ses conclusions sur l’affaire Amadou Koumé, un père de 33 ans atteint de troubles psychiques, qui a succombé à une « asphyxie mécanique lente » après avoir subi deux clés d’étranglement et un maintien au sol lors de son arrestation à Paris en 2015. Sept ans après les faits, trois policiers ont été condamnés pour « homicide involontaire ». L’autorité administrative indépendante estimait l’usage de la force disproportionné et recommandait de « privilégier systématiquement le dialogue en présence d’une personne en état d’agitation » et de renforcer la formation des agents sur ce point. Mais le cursus consacré aux troubles mentaux a été réduit de moitié depuis 2018.

Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas souhaité nous répondre.

https://www.streetpress.com/

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01 septembre 2025 ~ 0 Commentaire

Lutte contre l’antisémitisme : faisons le point

 

La montée de l’extrême-droite et le péril fasciste dans le monde font de l’antiracisme un enjeu central au cœur de l’ensemble de nos luttes.

L’agression le 25 avril d’un homme visiblement Juif adossée à des représentations antisémites souligne la réalité très concrète de l’antisémitisme en France. Si nous plaidons depuis longtemps pour la convergence des luttes et l’unité du mouvement ouvrier, l’articulation de l’antiracisme à nos luttes se pose désormais comme une urgence politique, en raison d’une part de la pression sur notre droite et dans le camp adverse, et d’autre part par la nécessité d’actualiser un marxisme dont la matrice reste nettement eurocentré. Il faut donc faire le bilan de la séquence qui vient de se terminer.

La question spécifique de l’antisémitisme se pose dans cette perspective de manière singulière. En effet, si l’antisémitisme est un racisme dont l’actualité ne se dément pas, il est au cœur de dispositifs d’État qui visent à l’endiguer mais qui en produisent également en le dépolitisant et en le réduisant à une forme de haine. Ce qui distingue l’antisémitisme d’autres formes de racisme, c’est l’absence d’antisémitisme d’État. Au contraire les politiques mémorielles autour de l’antisémitisme sont prégnantes dans l’éducation nationale, ou dans les programmations documentaires des services publics — si bien que le génocide des Juifs d’Europe, malgré la participation de la France, ne fait pas l’objet d’un discours ambigu ou d’une minimisation de la culpabilité européenne — sans pour autant nourrir un discours antiraciste, mais plutôt une affirmation morale universaliste face à la violence qui devient elle-même un terrain fertile pour diverses formes de racisme.

L’antisémitisme, un racisme à part ?

Au-delà de cette reconnaissance, acquise au cours du siècle dernier, la lutte contre l’antisémitisme défendue par l’État français se traduit principalement de deux manières : d’une part, le soutien aux personnalités juives, en dépit de leurs positionnements (comme lorsque le président Macron avait témoigné de sa « solidarité » à Éric Zemmour suite à une agression verbale)et d’autre part la défense systématique de l’État d’Israël. Plus largement, la « tolérance » et l’intégration des Juives et Juifs est l’objet d’un discours politique spécifique, qui en fait une minorité modèle, « intégrée » et « attachée aux valeurs de la République », qui précisément ne revendiquerait pas une visibilité propre mais plutôt une forme d’assimilation et serait donc la preuve de la valeur de l’universalisme français. Elle est en cela notamment opposée à l’autre minorité racialisée sur une base religieuse la minorité musulmane, quand elle ne joue pas activement un rôle de médiation avec celle-ci comme suite à l’affaire Houellebecq.

Pour autant, cette lutte institutionnelle contre l’antisémitisme ne constitue pas une réponse adéquate au racisme qui vise les Juives et Juifs : d’une part, elle reste articulée à des principes libéraux individualisants — autour du « préjugé » ou de l’agitation d’une « monstruosité » rampante après le génocide des Juifs d’Europe, et d’autre part, elle valide une identification essentialiste des Juifs à l’État sioniste et entend interdire toute critique d’un État colonial et aujourd’hui génocidaire — ce qui ne peut, qu’en retour, nourrir l’antisémitisme qu’il prétend combattre.

Un 8 mars pas comme les autres

Le discours public qui prétend défendre les Juifs sur la base d’un argumentaire en soutien de l’État d’Israël percute directement l’actualité du sionisme expansionniste en Palestine occupée et les positionnements traditionnels de l’extrême-gauche. Dans cette perspective, nous sommes aisément taxé·e·s d’ « antisémites » quand il s’agit d’affirmer notre soutien aux Palestinien·nes opprimé·es : si cette accusation est fréquente pour l’extrême-gauche, elle l’est beaucoup moins pour l’ensemble de notre camp social. Les positions appelant à la reconnaissance de deux États ou à limiter l’expansion de l’État d’Israël, souvent sans même considérer le droit au retour des réfugié·es,qui pouvaient constituer la routine d’organisations à tendance sionistes de gauche sont mises à mal par la violence du génocide et appellent à une prise de position plus courageuse, à laquelle il est difficile de décider notre camp.

Cette problématique s’est notamment posée avec vigueur dans les cadres féministes : le collectif « Nous vivrons », qui prétend défendre les femmes victimes de crimes sexuels lors des attaques du 7 Octobre n’a ainsi, en dépit de ses positions sionistes, pas été dans un premier temps exclu du mouvement féministe lors de la date du 25 Novembre. La nature du mouvement, qui intègre pourtant des figures issues de l’UEJF, et son caractère raciste a ainsi du attendre une manifestation de violence directe contre le cortège d’Urgence Palestine pour que le mouvement féministe puisse clarifier sa position — alors alors même que « Nous vivrons » accusait les féministes qui s’étaient engagées en soutien des Palestinien·nes d’antisémitisme. Face à la sidération qu’impliquerait cette fois une rupture de solidarité avec les femmes israéliennes, assimilées par les discours institutionnels à des femmes blanches, l’argumentaire sioniste de Nous Vivrons, de facto articulé à la domination des Palestinien·nes et la rupture de la « solidarité » entre les femmes qu’il implique n’ont pas pu être clairement identifiés par un mouvement féministe encore inégalement pénétré de l’antiracisme politique. La présence d’un autre collectif, Nemesis, dont la position nettement fémo-nationaliste, en marge de la manifestation du 23 Novembre, qui entendait y défendre un discours raciste sur les violences faites aux femmes a participé à interroger l’ensemble du mouvement féministe qui s’est organisé progressivement pour faire de l’antiracisme et du barrage antifasciste une priorité du 8 Mars.

Ces difficultés de notre camp se manifestent et se réitèreront tant que la clarté politique nous manquera : elles se posent à chaque nouvelle sollicitation politique. La récente polémique autour de l’affiche de LFI sur la manifestation de 22 Mars, qui reprenait les codes graphiques de l’antisémitisme, produit un double effet de dénégation : d’une part, l’antisémitisme comme enjeu apparaît nié devant l’ « instrumentalisation » de l’extrême-droite, et d’autre part, elle participe à tempérer ou à fragiliser la démarcation politique de l’antisionisme et antisémitisme.

Le soutien aux organisations antiracistes comme boussole

La clarification politique est dès lors rigoureusement essentielle, et doit s’articuler en deux temps : dans un premier temps, il est essentiel de reconnaître la permanence de l’antisémitisme, voire son augmentation dans la période. La violence du sionisme et l’hégémonie d’un discours médiatique en faveur du sionisme ne peuvent que constituer des ressorts de l’antisémitisme. De fait, l’impunité de l’État d’Israël, l’exceptionnalité des mesures prises par l’État sioniste — en violation du droit international, de la souveraineté des États arabes — constituent des arguments pour qui recherche une justification aux théories du complot de la domination des Juifs sur l’ordre mondial, ou même de manière plus large à la haine des Juifs : l’actualité implique donc indéniablement la croissance de l’antisémitisme. Nier l’évidence revient à produire une simplification du réel qui nierait notre propre analyse du sionisme, selon laquelle c’est un objectif politique qui ne correspond pas aux intérêts des Juives et Juifs. Le sionisme est un facteur d’antisémitisme, l’État d’Israël et sa politique impérialiste ne constituent pas une défense pour les Juives et Juifs mais leur mise en danger par un État guerrier.

Dans cette perspective, la lutte antiraciste est une boussole : c’est elle qui doit permettre de défaire l’assimilation des Juifs à la politique israélienne et de construire la solidarité des Juives et Juifs avec les autres catégories sociales racialisées. A rebours des spéculations racistes sur l’organisation communautaire des Juifsves, il s’agit de soutenir un discours anti-impérialiste et anticolonial cohérent. C’est en luttant politiquement contre le rôle de l’État d’Israël dans la géopolitique occidentale que l’argumentaire antisémite contre Israël peut être combattu. C’est dans cette perspective antiraciste que le NPA-A s’est exprimé dès le 7 Octobre en faveur de la résistance palestinienne, et a continué à s’engager résolument en soutien des organisations antiracistes et pro-palestiniennes qui avaient adressé, par exemple en soutenant l’appel d’Urgence Palestine, de Samidoun et du mouvement antifasciste à s’organiser pour que l’objectif du 8 Mars soit de repousser les fascistes et les sionistes.

Dans un deuxième temps, la clarification politique implique également d’identifier l’antisémitisme à un cadre bien plus large et à un temps plus long que celui de l’existence de l’État d’Israël. La seule racine de l’antisémitisme n’est pas la politique israélienne, et, faut-il le rappeler dans un pays qui a collaboré au génocide des Juifs d’Europe alors qu’il maintenait des colonies en Afrique, ne repose pas sur la seule solidarité avec les Arabes. L’antisémitisme a une histoire européenne longue, qui s’appuie d’une part sur l’altérisation religieuse des Juifs, c’est sa racine antijuive, et d’autre part sur l’altérisation communautaire des Juifs, c’est sa racine plus proprement « antisémite ». Cette altérisation communautaire est à la fois le lieu d’une intolérance à des différences culturelles réelles qu’il ne s’agit pas d’invisibilser, et le résultat d’une discrimination subie par les Juives et Juifs en Europe.

Dans cette perspective, la lutte antiraciste constitue également une nouvelle boussole de la lutte contre l’antisémitisme : en effet, l’antiracisme contemporain s’est doté d’outils d’analyse capables de défaire et de porter une critique sur les discours dits d’ « émancipation » du siècle des Lumières et qui ont en réalité constitué une entreprise de blanchiment des Juifs et de l’affirmation de l’hégémonie blanche. Ces outils d’analyse doivent être mobilisés pour construire des revendications antiracistes pour une minorité juive qui n’ignore pas ces effets de dominations et la fragilité de l’assimilation des Juives et Juifs à la majorité nationale blanche. La conscience claire de cette fragilité constitue indéniablement un ressort politique de la légitimation du sionisme parmi les Juives et Juifs : ne pas reconstruire de dénégation universaliste, mais opposer un discours antiraciste à l’alternative sioniste est une tâche urgente. Plus encore, ces outils participent à la formation d’une conscience politique commune des racisé·es — comme la continuité des logiques antijuives et islamophobes participent à le montrer.

Lutter contre l’antisémitisme culturel : une bataille politique contre l’extrême-droite

Les polémiques autour de l’affiche de LFI, dans le camp de l’antiracisme politique, renvoient à une double accusation : d’une part, il s’agirait de « faire le jeu de l’extrême-droite » en confirmant que cette affiche était effectivement antisémite, et d’autre part, il s’agirait de nuire à des alliés objectifs de l’antisionisme politique en accusant LFI .

Il faut se pencher sur ce qui prête le flanc aux accusations d’antisémitisme dans séquence. L’image d’un Cyril Hanouna sous des traits caricaturaux est-elle réellement le problème ? S’il est indéniable qu’il y a un problème dès lors que des personnes juives, et d’autres au-delà, ont perçu cette affiche comme antisémite et que simultanément LFI se borne à le nier en bloc sans développer, il convient de se demander pourquoi une affiche faisant partie d’une campagne contre l’extrême droite (qui est pourtant un danger mortel pour les Juifs) a été perçue comme telle. Ce que paye LFI ici ce n’est pas d’avoir laissé passer une affiche rappelant l’imagerie nazie. Dire qu’il s’agit d’une affiche parmi d’autres n’est pas satisfaisant étant donné que Cyril Hanouna était le seul juif représenté. C’est pourtant un des arguments qui a été utilisé par LFI pour se défendre. Et c’est là que le bât blesse.Si sa ligne sur l’antisémitisme et sa compréhension plus large du racisme était claire, le mouvement aurait pu présenter une défense cohérente et ne permettant pas une attaque honnête en antisémitisme.

Cela étant dit c’est justement parce que LFI est une organisation ancrée dans notre camp social qu’il est important de ne pas retenir nos critiques. Une partie du camp antiraciste prend appui sur les revendications de l’antiracisme politique pour produire un impératif en direction des Juives et Juifs à « tolérer » une forme d’antisémitisme. La lutte contre le sionisme devrait ainsi aboutir à une solidarité de type campiste : tous les sionistes d’un côté, tous les antisionistes de l’autre. Un tel campisme a indéniablement constitué une errance grotesque du mouvement ouvrier au siècle dernier. Il nous faut donc affirmer avec plus de finesse que de même que la défense du sionisme protège une partie des Juifs, mais seulement temporairement, et ne constitue pas une lutte réelle contre l’antisémitisme, l’antisionisme ne constitue pas une lutte suffisante contre l’antisémitisme et ne protège qu’une partie des Juives et Juifs. Plus encore, l’antiracisme politique se saisit de l’épouvantail de l’antiracisme moral : l’affiche reprendrait des « tropes », et l’antisémitisme, puisqu’il ne serait pas systémique ni associé à une surexploitation structurelle des Juives et Juifs de France, ne constituerait pas un véritable enjeu matériel.

Ici, il faut s’interroger : la représentation de Cyril Hanouna proposée par la France Insoumise n’a pas seulement repris ou mobilisé des tropes, elle a constitué la « citation » d’une scène antisémite. Les images, tout autant que les discours, existent et structurent les imaginaires. Il est de fait surprenant qu’une figure comme Houria Bouteldja, qui insiste sur l’importance des imaginaires politiques et souligne l’insuffisance d’un travail sur celui-ci à l’extrême-gauche se montre ensuite aveugle à la réactivation d’un imaginaire antisémite. La défense de la « nation », qui par ailleurs ne s’est pas faite en Europe sans exercer une violence assimilatrice sur les Juives et Juifs, devait-elle la rendre si aveugle à ce sur le mépris desquels elle s’est construite ?

Les effets matériels de l’affiche de LFI sont donc bien là : l’imagerie antisémite à nouveau circule, et a pu interpeller l’ensemble du camp politique et des Juives et Juifs. Dès lors, le geste n’est pas sans effet politique, ni sans effet matériel.

Mais plus largement, et au-delà des représentations, LFI n’a jamais su comment réagir face à des accusations d’antisémitisme fondées. Par exemple lorsque Jean-Luc Mélenchon a dit en 2021 qu’Eric Zemmour n’était pas antisémite car son conservatisme reproduirait beaucoup de « scénarios culturels » issus du judaïsme, il était indéniable que ces propos étaient antisémites. Quelle fut la réaction de LFI ? Tout d’abord des accusations d’instrumentalisation des propos de Mélenchon par la droite, puis un mea culpa tiède du tribun qui reconnaît seulement s’être mal exprimé. S’il est vrai que cette sortie antisémite a été instrumentalisée par la droite pour discréditer LFI en l’accusant à tort d’être un parti avec un projet antisémite, il est aberrant de refuser d’admettre que ces propos étaient antisémites et de refuser de présenter des excuses.

S’agissant de la situation actuelle quelles sont selon nous les erreurs commises par les insoumis ? En premier lieu le silence pendant trois jours après le retrait de l’affiche montre un manque de préparation et l’inexistence d’une ligne claire sur le sujet de l’antisémitisme. Par la suite Manuel Bompard reconnaît une erreur mais sans développer suffisamment sur la nature de cette dernière. Enfin Jean-Luc Mélenchon réagit en parlant uniquement d’instrumentalisation de l’affaire par l’extrême-droite, négligeant totalement de parler de la réalité de l’antisémitisme.

C’est ce genre d’erreurs qui a installé une situation dans laquelle la droite s’engouffre dans le tunnel que LFI a contribué à creuser en laissant planer le doute sur leur potentielle vision antisémite. Cette droite en profite pour installer de longues séquences pendant lesquelles il est difficile de parler de fascisme et de pointer du doigt leur offensive raciste qui permet la montée en puissance de l’idéologie suprémaciste blanche dans de larges pans de la société. LFI se conçoit comme une citadelle assiégée, et cette conception la mène à rejeter tout reproche et à parler d’instrumentalisation dès qu’une attaque est formulée contre le mouvement. Cela est délétère mais tout peut encore changer. Si LFI fonctionne encore largement sur un logiciel d’antiracisme moral, il faut remarquer leurs pas en direction d’organisations qui défendent un antiracisme politique. Ce n’est qu’en acceptant de continuer dans cette direction, en admettant la nature encore largement coloniale de l’État français, en développant un discours sur la racialisation des personnes juives et en ayant une ligne claire sur la nature ethnonationaliste et profondément coloniale de l’idéologie sioniste politique, en renonçant explicitement à l’universalisme Français et au modèle des Lumières que le mouvement insoumis pourra s’affranchir de ces longues séquences qui font perdre tant de temps à notre camp social.

Il faut avoir confiance en le fait que LFI n’est pas un parti avec un projet antisémite, il reste à le montrer clairement : faites mieux.

L’antisémitisme n’est ni culturel ni résiduel : le cas d’une agression antisémite

Mercredi 30 Avril dans le Gard, une agression antisémite d’une extrême violence a eu lieu au beau milieu d’une scène d’une extrême banalité : alors qu’il nourrissait les chats errants, un homme de 70 ans a été interpelé par un autre, ivre, pour lui demander de l’argent. Visiblement juif puisqu’il portait une kippa et des tsitsit, son refus a débouché sur de violentes injures antisémites, et une agression d’une rare violence : un premier coup dans le dos l’a fait chuter, puis, selon un témoin, plusieurs dizaines de coups de pied lui ont été envoyés alors qu’il était au sol. Le parquet d’Alès a immédiatement reconnu le caractère antisémite de l’agression. Et ce, malgré les circonstances qui associent le suspect à un profil « marginal », connu pour des faits de petite délinquance et manifestement sous l’emprise de l’alcool.

Une telle agression n’est pas anodine et n’est pas un simple fait divers anecdotique : il accroît la pression qu’ilEs ressentent quant au fait d’être une minorité racisée visible. Elle ne correspond pas non plus à un invariant historique de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme européens : c’est bien maintenant que l’antisémitisme sévit et son actualité doit aussi être la nôtre. La réactivation suprémaciste blanche de thèmes sur la « submersion » et la « subversion » raciale en Europe, notamment impulsée par les mouvements d’extrême-droite proches de Renaud Camus ne peuvent que renforcer l’antisémitisme historique dont il emprunte les tropes. Pour le dire en un mot, le pays ne peut pas être aussi islamophobe sans être en même temps violemment antisémite. L’extrême-droite a déjà plusieurs fois souligné que, dans sa lutte contre la visibilité musulmane, elle demanderait des « concessions » aux Juives et Juifs — concessions que beaucoup ont déjà faites au nom de l’assimilation comme modèle républicain et dont il s’agit d’enrayer le modèle d’invisibilisation blanche.

Les racines communes de l’islamophobie et de l’antisémitisme ne doivent pas produire de mise en concurrence de la reconnaissance des racismes : il ne s’agit ni de faire de la reconnaissance de l’antisémitisme le modèle qui permette la lutte contre l’islamophobie, ni de faire l’islamophobie le « nouvel antisémitisme ». Si l’évidence de la qualification raciste contraste avec celle de l’assassinat d’Aboubakar à la Grand-Combe, géré par les mêmes instances, la reconnaissance institutionnelle de l’antisémitisme ne suffit pas à protéger les Juives et Juifs.

Après s’être relevée, la victime s’est sentie tellement en danger en raison de sa judéité visible qu’elle a voulu se découvrir pour se protéger. Non seulement le geste de cet homme est complètement compréhensible, mais surtout il reflète l’oppression que subissent les Juives et Juifs en France et leurs réflexes d’autodéfense. Aussi nous devons, en tant qu’antiracistes, nous positionner en soutien à l’ensemble des personnes Juives et soutenir leur visibilité, y compris religieuse, et ce par une politique volontariste de dénonciation de l’antisémitisme — sous toutes ses formes, afin de faire de notre camp un allié crédible des juives et juifs.

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05 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Lorient (NPA)

 

À Lorient, avec la Bretagne antifasciste

Après la manifestation contre l’extrême droite de Saint-Brieuc, qui en avril dernier avait rassemblé 1 500 personnes, ce fut dimanche 2 mars au tour de Lorient de regrouper les antifascistes de Bretagne.

Près de 2 000 personnes ont convergé de tous les départements bretons pour revendiquer une Bretagne ouverte et solidaire, mobilisées contre la progression des extrêmes droites, institutionnalisées ou violentes.

La tentative d’implantation d’un groupuscule violent dans le pays de Lorient, la multiplication d’agressions, de menaces de mort, de tags, qui l’accompagnent, ont convaincu de la nécessité d’une riposte.

L’appel, signé par 80 organisations de la région, collectifs, syndicats, partis, associations, librairies, rappelait que « la montée de l’extrême droite s’inscrit dans un contexte national mais aussi international ».

Pointant la responsabilité « des politiques gouvernementales dictées par le capital » et leur « besoin d’accroître l’austérité et d’amplifier les pratiques autoritaires contre les exploitéEs et les oppriméEs », il insistait sur l’idée que « la réponse à la montée de l’extrême droite réside dans un combat pour plus de justice et d’égalité sociale, pour toutes et tous ». Et sur la nécessité de s’organiser collectivement.

Répression et détermination

Alors qu’à Saint-Brieuc les forces de l’ordre s’étaient faites discrètes et qu’il n’y avait eu en conséquence aucun problème sur le parcours, à Lorient le déploiement policier est venu rappeler le tournant autoritaire du gouvernement. Fouilles et arrestations en amont, présence pressante tout le long du parcours sont apparues comme des provocations.

Présence qui n’a pas évité qu’une petite minorité s’en prenne à quelques vitrines. Empêchant au final que le cortège n’atteigne le lieu prévu pour la dispersion. Malgré cela, c’est un cortège coloré, animé, festif qui a serpenté dans les rues de la ville, porté par une fanfare et surtout par les nombreux slogans contre l’extrême droite. Sans oublier de condamner les politiques gouvernementales qui lui pavent la voie.

Un succès qui demande de tracer des perspectives

Grâce au nombre et à la détermination des manifestantEs, cette initiative aura été un succès. Mais il faudra plus qu’une manifestation pour faire reculer l’extrême droite durablement « dans nos villes et dans nos campagnes ».

Car s’il est indispensable d’empêcher les groupuscules violents d’occuper le terrain, la lutte contre le fascisme qui menace doit aussi viser à faire reculer le RN et ses politiques antisociales, racistes, sexistes, homophobes et transphobes.

Et cela implique de lutter contre un gouvernement qui prétend s’opposer à l’extrême droite en reprenant ses obsessions. Dans le contexte de basculement politique mondial, l’unité de notre camp social et de ses organisations est la première des conditions : construire des fronts communs à même de contester à la fois les extrêmes droites et les politiques gouvernementales. Et à partir de là, relancer des mobilisations contre l’exploitation et les oppressions, porteuses d’un nouveau projet émancipateur.

Correspondant

http://lanticapitaliste.org/

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04 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Allemagne (NPA)

 

Allemagne : Après les élections fédérales, résister au lieu de s’adapter !

Les résultats des élections fédérales du 23 février 2025 confirment le glissement vers la droite, qui peut être stoppé dans le pays. Au Parlement, les conservateurs de la CDU/CSU, avec 208 sièges, et les fascistes de l’AfD, avec 152 sièges, ont obtenu les positions les plus fortes. Ensemble, ils représentent une large majorité des 630 députéEs.

LAfD se considère comme le véritable vainqueur, car elle a plus que doublé ses voix, passant de 10,3 % des voix à 20,8 % aujourd’hui.

Fascisme, poussée à droite et bellicisme

Poussée par l’AfD, la question de l’immigration « irrégulière » a été au centre de la campagne électorale. Le racisme inhumain propagé de manière agressive par l’AfD a conduit à un déplacement politique massif vers la droite du « centre démocratique ». En revanche, les intérêts élémentaires de la classe ouvrière n’ont joué qu’un rôle secondaire pour ces partis — si tant est qu’ils en aient joué un.

Le « changement d’époque » proclamé par le chancelier Scholz (SPD) après l’invasion russe de l’Ukraine il y a trois ans, est également susceptible de réunir une majorité en Allemagne. Le réarmement et le bellicisme sont largement acceptés sans être contredits. Seuls les votes en faveur du BSW (Alliance Sahra Wagenknecht) et de Die Linke ont pu être considérés comme un refus fondamental de la militarisation de la société.

L’effondrement du SPD

Les partis de la coalition brisée, Ampel (rouge, orange, vert comme les feux de signalisation) sont les grands perdants de ces élections. Avec 16,4 % des voix, le SPD a enregistré de loin son plus mauvais résultat depuis 1949. Le FDP (les libéraux), qui avait provoqué les élections anticipées au Bundestag, a clairement échoué à franchir la barre des 5 % et n’est plus représenté au Parlement. Les Verts ont été les moins sanctionnés. Avec 11,6 %, ils ont tout de même obtenu le deuxième meilleur résultat de leur histoire.

Le BSW, la scission de droite de Die Linke, a raté de très peu son entrée au Bundestag. En revanche, Die Linke qui, il y a encore quelques semaines, risquait également de ne pas passer la barrière des 5 %, a obtenu son troisième meilleur résultat à ce jour avec 8,8 %. C’est plus qu’une lueur d’espoir, d’autant plus qu’il a pu gagner des dizaines de milliers de nouveaux membres, jeunes pour la plupart. Ces deux phénomènes sont dus à la polarisation politique accrue par le coup de Merz au Bundestag et à l’essor consécutif des protestations antifascistes d’environ 1,5 million de personnes (voir l’Anticapitaliste n° 741 du 13 février 2025).

Mobiliser la société et vaincre le fascisme

Merz, le « candidat à la chancellerie » de la CDU/CSU, a exclu une coalition avec l’AfD le soir des élections. Son objectif officiellement annoncé est de former rapidement une coalition avec le SPD. Celui-ci joue toutefois pour l’instant la montre afin d’affaiblir les critiques au sein du parti concernant une alliance avec la droite conservatrice dirigée par Merz.

Malheureusement, les mobilisations de masse contre le fascisme qui ont eu lieu jusqu’à présent n’ont pas encore suffi à stopper le glissement vers la droite. Le slogan « Ensemble contre le fascisme » ne portera durablement que s’il est rempli d’une perspective sociale d’espoir.

Le moment est d’autant plus venu d’« annoncer la couleur », de s’engager, de participer de manière active et organisée. Transformer cet élan en un travail politique continu dans tous les domaines de la société — dans les quartiers, sur les lieux de travail, dans les écoles et les universités, mais aussi dans les syndicats et les autres mouvements sociaux —, tel sera le grand défi.

La résistance extraparlementaire est maintenant de mise, et non l’espoir d’un « mur de feu » ou d’un « rempart » parlementaire contre l’AfD. Ce mouvement extraparlementaire devrait s’opposer au racisme, au nationalisme, au fascisme, au bellicisme et défendre les intérêts sociaux et écologiques de la grande majorité de la population.

H. Neuhaus, J. H. Wassermann

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01 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Bible (The Conversation)

Pins-Palestine-Bretagne

Les inspirations bibliques du plan de Trump pour Gaza

Le plan de Trump reflète le soutien de longue date des sionistes chrétiens des États-Unis à l’État d’Israël – un soutien ancré dans une lecture spécifique de la Bible et non dénué d’ambiguïtés.

Le plan de Donald Trump pour l’avenir de Gaza a surpris de nombreux observateurs et semble incompréhensible sur le plan géopolitique et stratégique. Cependant, il prend sens si l’on considère l’influence du sionisme chrétien au sein de son administration et d’une grande partie du monde évangélique américain. L’idée de déplacer la population palestinienne vers les pays arabes voisins et de confier le contrôle d’une partie du territoire palestinien à une puissance comme les États-Unis fait partie du discours sioniste chrétien depuis ses origines au milieu du XIXe siècle. Cette idée n’est donc pas nouvelle ; mais c’est la première fois qu’elle est exprimée au plus haut niveau politique américain.


Le 25 janvier dernier, Donald Trump a déclaré vouloir « nettoyer » Gaza en organisant un plan de déplacement massif de ses deux millions d’habitants (estimation avant le début de la guerre, en octobre 2023) vers la Jordanie ou l’Égypte. Cette annonce a réjoui l’extrême droite israélienne et les sionistes religieux juifs, comme Bezalel Smotrich, ministre des finances, et Itamar Ben Gvir, ministre de la sécurité nationale (2022-janvier 2025), qui défendent une politique d’encouragement à l’« émigration volontaire » des Gazaouis. Ce discours, en rupture avec le déni de l’expulsion des Arabes palestiniens très présent dans l’histoire officielle du sionisme depuis la Nakba, marque un tournant politique en Israël.

Cependant, les desiderata de l’administration Trump ne peuvent pas être considérés uniquement comme un simple alignement sur l’extrême droite israélienne ou un gage donné au gouvernement actuel en échange de son accord pour un cessez-le-feu avec le Hamas (en vigueur depuis le 19 janvier 2025). Le plan de Trump reflète également ce que certains sionistes chrétiens défendent politiquement depuis des décennies, sur la base d’interprétations spécifiques de la Bible.

Déplacer la population arabe pour séparer Arabes et Juifs, seul horizon de paix en Israël ?

L’idée de séparer deux peuples irréconciliables est présente dans les discours des sionistes chrétiens. En 1988, en pleine Intifada, William Lovell Hull (1897-1992), un pasteur pentecôtiste canadien et fervent partisan d’Israël, a soumis un plan de paix à Yitzhak Shamir, premier ministre israélien et ardent défenseur du « Grand Israël », et à Joe Clark, secrétaire d’État aux affaires extérieures du Canada.

Pour Hull, la paix ne pouvait être acquise qu’en séparant physiquement les Juifs et les Arabes. Il tirait cette conclusion de son interprétation du récit biblique de Jacob et Ésaü, des frères jumeaux dont l’inimitié rendait leur coexistence sur la terre de Canaan quasiment impossible. Comme il est courant chez les chrétiens fondamentalistes, Hull établissait un parallèle entre les temps bibliques et l’actualité contemporaine, associant la terre de Canaan à l’Israël contemporain, Jacob aux Juifs et Ésaü aux Arabes.

Hull considérait la décision d’Ésaü de quitter Canaan et d’y laisser vivre son frère pour se rendre sur le mont Seïr, dans l’actuelle Jordanie, comme « le seul moyen de sortir d’une situation impossible ». C’est précisément sur cette séparation volontaire et consentie par Ésaü – associé aux Arabes – que le pasteur Hull faisait reposer tout son espoir pour parvenir à la paix en Israël.

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Lors de la première Intifada, l’État israélien faisait face, comme aujourd’hui, à un choix cornélien entre deux options. La première, intégrer Gaza et la Cisjordanie à Israël, aurait transformé, selon Hull, le pays en une nation majoritairement arabe, le taux de natalité étant plus élevé au sein des populations arabes. Une telle situation pourrait conduire à l’adoption d’une loi d’apartheid, solution qu’il jugeait moralement inacceptable tant pour les Arabes que pour les Juifs. La deuxième option, la création d’un État arabe en Cisjordanie, n’était pas non plus viable pour Hull, car elle permettrait aux Palestiniens, membres de l’OLP à son époque ou du Hamas aujourd’hui, de stocker des armes près des villes israéliennes, menaçant ainsi directement les Juifs israéliens.

Face à cette alternative, Hull proposait une troisième option : que les Arabes palestiniens se déplacent en Jordanie en échange de compensations afin de préserver l’État d’Israël.

« Le seul espoir de paix, écrivait-il, serait que tous ceux d’Ésaü (les Arabes) rejoignent leurs frères dans la partie de la Palestine qui s’appelle aujourd’hui la Jordanie. Tout autre choix pourrait éventuellement conduire au même résultat, mais au prix d’une guerre ouverte et de la perte de nombreuses vies humaines. »

Cette solution apporterait, outre la paix en Israël, espérait-il:

« une nette amélioration des conditions de vie des Arabes vivant actuellement en Israël, et favoriserait une relation amicale entre les Juifs et les Arabes ».

Le défi, d’après le révérend, était que peu de gens étaient conscients de cette solution, qu’il s’agisse des responsables politiques ou de l’opinion publique.

Le coût économique et politique du plan Trump

Ce pasteur se serait peut-être réjoui d’entendre Donald Trump vouloir déplacer les Gazaouis dans les pays arabes voisins et d’ajouter, depuis la Maison Blanche aux côtés du premier ministre israélien, vouloir acquérir le contrôle de la bande de Gaza sur le long terme, pour en assurer la démilitarisation et la reconstruction. Tout cela pour la transformer en « Riviera du Moyen-Orient ». Ce nouvel Eldorado serait offert à d’autres qu’aux Gazaouis. Ces derniers, durement frappés, se verraient promettre un avenir meilleur en Jordanie et en Égypte et ne pourraient, selon Trump, que s’en trouver satisfaits, au point de ne plus vouloir revenir chez eux.

Que ce plan soit contraire au droit international humanitaire et méprise le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est indiscutable. Mais une fois passé l’effet de surprise de cette annonce qui, il faut le souligner, a été lue et donc préparée par l’administration Trump, une autre question s’est rapidement imposée dans les débats : qui va en assumer le coût financier et politique ? Les États-Unis ? Il n’en semble pas question. Dans le plan du pasteur Hull, la responsabilité du coût financier d’un tel transfert de population devait revenir à quelques Juifs aisés, mais surtout à l’État israélien, qui aurait pu alors mettre à profit son expérience d’aide au développement dans les pays africains, basée sur sa propre expérience de désert devenu « pays où coulent le lait et le miel ». L’argent et le flux de population, pensait-il, enrichiraient la Jordanie qui « gagnerait ainsi en importance et en respect dans le concert des nations ». Est-ce également le plan de Trump ? La question reste ouverte.

Jusqu’à présent, les principales décisions de Donald Trump susceptibles de satisfaire un électorat évangélique conservateur et sioniste chrétien (bien plus que l’électorat juif américain), comme la reconnaissance de la souveraineté d’Israël sur le Golan occupé (2019) et le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem (effectif en 2020), n’ont quasiment rien coûté.

Cette fois-ci, le plan de Trump pour Gaza, s’il se concrétise, pèsera certainement plus lourd sur le plan politique que sur le portefeuille. L’Égypte et la Jordanie ont déjà exprimé leur opposition. Il est peu probable que l’Arabie saoudite – que Trump aimerait bien ajouter à la liste des signataires des accords d’Abraham (normalisation des relations, en 2020, entre, d’une part, Israël, et de l’autre, avec les Émirats arabes unis, avec Bahreïn, avec le Maroc, pus avec le Soudan) qui ont cristallisé l’invisibilisation de la question palestinienne – prenne le risque de se mettre à dos une opinion publique arabe qui reste attachée à la création d’un État palestinien.

Mais rien n’est sûr : à ce stade, les Émirats arabes unis semblent ne pas voir d’autres solutions que celle prônée par Washington, tout en restant ouverts à de nouvelles idées.

Israël et les États-Unis, une relation très spéciale et une foi transactionnelle

Avec ce plan, Trump renonce-t-il à sa stratégie transactionnelle ? Oui, en apparence, non si on prend en compte l’influence du sionisme chrétien sur les relations spéciales entre les États-Unis et Israël.

L’un des principaux mantras des évangéliques sionistes est éminemment transactionnel : « Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront. » (Genèse 12 : 3) Dans cette logique, le soutien à la politique du gouvernement israélien (de préférence d’extrême droite), considéré comme le représentant de tous les Juifs, est non seulement un devoir sacré pour son propre salut, mais aussi un devoir patriotique pour le bien de la nation.

Pour certains chrétiens sionistes américains, la puissance économique et militaire du pays est le signe de cette bénédiction divine liée à la relation spéciale avec Israël. En outre, à leurs yeux, l’histoire témoigne du sort réservé à ceux qui, comme le IIIe Reich allemand ou l’Union soviétique, ont persécuté leurs populations juives. Ceux qui osent critiquer Israël apparaissent alors comme autant de menaces pour les États-Unis ; cela vaut tout spécialement pour les Juifs américains hostiles à l’extrême droite israélienne, que Trump n’a pas hésité à qualifier de « mauvais Juifs », jugeant pendant la campagne électorale de 2024 que les Juifs se disant prêts à voter pour Joe Biden, puis pour Kamala Harris, étaient ingrats et déloyaux envers les États-Unis, car ils entendaient voter « pour l’ennemi » d’Israël et que, s’il venait à perdre l’élection présidentielle, ils en seraient les responsables directs. D’après Trump, sa victoire était la bonne solution pour les États-Unis, et donc pour Israël… et inversement.

Ce comportement antisémite décomplexé reflète l’ambiguïté permanente qui se cache derrière l’alliance indéfectible entre Israël et les États-Unis. D’un côté, les chrétiens sionistes ont besoin des Juifs, qu’ils considèrent à la fois comme les témoins vivants d’une alliance historique et unique entre Dieu et les êtres humains, mais aussi comme un moyen d’accomplir les prophéties et le retour de Jésus ainsi que son règne de paix : le millénium. Un accomplissement qui, selon leur interprétation, réserve un sort funeste aux Juifs qui ne reconnaîtraient pas Jésus comme leur sauveur.

D’un autre côté, l’État d’Israël, qui se considère officiellement comme l’État-nation des Juifs (loi de 2018) – une finalité en soi pour les sionistes d’extrême droite et sionistes religieux juifs – ne peut perdurer dans ce statut sans le soutien américain, et a fortiori des chrétiens évangéliques sionistes. En définitive, même si les intérêts des uns et des autres convergent, les objectifs finaux divergent sensiblement.

Le rêve américain de Gaza ou l’impérialisme biblique des États-Unis

En se présentant comme celui qui fera de Gaza un lieu idyllique, Trump s’inscrit dans une perspective politique semblable à celle du sionisme chrétien depuis le milieu du XIXe siècle : faire refleurir le désert, en permettant au peuple d’Israël de fouler de nouveau la terre qui lui a été promise.

En attendant, il a déjà publié sur Instagram une vidéo générée par IA qui a surpris même les observateurs les plus blasés de ses communiqués.

Mais plus encore, en exprimant sa volonté de prendre le « contrôle à long terme » de Gaza, Trump ne peut que satisfaire les espérances à tendance impérialiste des sionistes chrétiens.

De fait, un siècle après le début du mandat britannique, une partie de la Palestine se retrouverait de nouveau entre les mains d’une nation chrétienne (ou présentée comme telle) qui s’est fait un devoir d’aider le peuple juif à restaurer sa souveraineté sur la terre que Dieu lui a promise.

Faire respecter cette promesse divine, c’est justement ce à quoi se sont engagés des chrétiens sionistes au plus haut niveau politique depuis le milieu du XIXe siècle, sans discontinuer.

Aujourd’hui comme lors de son premier mandat, le soutien de Donald Trump et des États-Unis à l’État d’Israël ne peut être compris sans être resitué dans cette longue histoire. Benyamin Nétanyahou, peut-être plus que tout autre premier ministre israélien, et l’extrême droite religieuse l’ont bien compris, davantage pour leur profit que pour celui d’Israël, et encore moins pour celui des Palestiniens.

 27 février 2025, Laurent Tessier

Docteur en histoire, spécialiste du sionisme chrétien, École pratique des hautes études (EPHE)

https://theconversation.com/

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01 mars 2025 ~ 0 Commentaire

Cintré (France Bleu)

fafs

Agressé pour avoir dénoncé des saluts nazis à Cintré, l’élu Anton Burel dépose plainte

Militant de la gauche indépendantiste bretonne et élu à la ville de Cintré (Ille-et-Vilaine), Anton Burel, a déposé plainte mardi 25 février à la suite d’une agression physique par un groupe d’hommes faisant des saluts nazis et scandant des propos nationalistes.

Un conseiller municipal de la ville de Cintré en Ille-et-Vilaine, Anton Burel, 31 ans, a été agressé samedi 22 février vers 22h30. La gendarmerie de Mordelles a ouvert une enquête.

Des saluts nazis et des propos nationalistes

Ce soir-là, un groupe de six hommes, d’une vingtaine d’années, auraient scandé des propos racistes et effectué des saluts nazis, à la sortie du commerce « Le synchro bar », alors que le propriétaire était en train de fermer le lieu.  » À la sortie du bar, à 1m50 de moi, je vois un homme qui fait un salut nazi. Ensuite, ses amis et lui se sont mis à rigoler et à entonner des slogans racistes », raconte Anton Burel, militant de la gauche indépendantiste bretonne. « Je leur ai donc demandé de quitter la commune et de rentrer chez eux. Il est inacceptable à Cintré de voir ce type de comportements. »

Une agression physique

Il reçoit alors deux coups, l’un à l’œil, l’autre à la mâchoire puis tombe sur le trottoir. Un ami à lui aurait été passé à tabac. Tous les deux ont été pris en charge et emmenés aux urgences. Anton Burel se dit surpris et choqué de voir de tels comportements dans une ville comme Cintré où il y a des personnes de toutes origines et toutes confessions. D’après lui, les agresseurs n’habitent pas Cintré et ne sont pas des habitués du bar.

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27 février 2025 ~ 0 Commentaire

OQTF (Basta!)

OQTF (Basta!) dans A gauche du PS
© Aude Abou Nasr

« Je vais à l’école, je fais tout ce que la France me demande, et j’ai une OQTF ! »

Être sous OQTF, qu’est-ce que ça veut vraiment dire ? Comment le battage politique et médiatique après l’attentat de Mulhouse est vécu par les personnes concernées ? Récits de vies sous OQTF.

« Une fois de plus, ce sont les désordres migratoires qui sont aussi à l’origine de cet acte terroriste », a martelé le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau sur TF1, le soir de l’attentat de Mulhouse, perpétré le samedi 22 février.

Un Algérien sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), au « profil schizophrène » et fiché pour prévention du terrorisme, a tué une personne, Lino Sousa Loureiro, et blessé plusieurs autres. « Il faut changer le droit », a soutenu le ministre de l’Intérieur. « Pour ces individus très dangereux [...] je pense qu’il faudrait une rétention. Des peines de sûreté. Pour les maintenir, tant qu’on ne peut pas les renvoyer, en centre de rétention », a poursuivi Bruno Retailleau.

L’enfermement dans un centre de rétention administrative de personnes que le pays d’origine refuse d’admettre sur son sol est inconstitutionnel – puisque sans laissez-passer consulaire, l’expulsion est impossible. « Il faut changer la loi », a rétorqué Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, sur RTL le 24 février. Avant de s’en prendre au Conseil constitutionnel qui, « plusieurs fois, malgré nos propositions, dit qu’il faut laisser ces personnes en liberté ».

Ainsi s’installe un narratif : le gouvernement serait bloqué par l’état du droit actuel, et par les instances qui le garantissent. Ainsi s’installe surtout, dans le débat public, l’amalgame entre OQTF et délinquance, largement nourri par Bruno Retailleau à chaque crime impliquant une personne sous OQTF, et repris par la droite et l’extrême droite parlementaire.

« On nous colle une étiquette »

« Quand je vois les médias, c’est comme si on incitait les gens à diaboliser les personnes sous OQTF. On leur renvoie l’idée que ce sont forcément des délinquants, des criminels. Alors que pas du tout ! On ne peut pas cataloguer des gens comme ça ! » s’indigne Lyndie, jeune femme de 34 ans, placée sous OQTF en 2022 après un refus de sa demande de titre de séjour « vie privée et familiale ». « Évidemment qu’il y a des cas, comme partout. Mais une OQTF, ça ne définit pas une personne. Moi, par exemple, j’ai un casier judiciaire vierge. Tout ce qu’on voit et qu’on entend autour des OQTF, c’est frustrant. »

Lyndie est venue en région parisienne pour ses études, après son bac obtenu au Gabon. Comme ses sœurs et leur petit frère avant elle. Ses parents sont propriétaires en France. « J’ai fait mon master, obtenu mes diplômes, travaillé dans des jobs étudiants ici. Mon papa a fait ses soins sur le territoire français. Il est décédé à l’hôpital de Pontoise, en France », déroule Lyndie. L’une de ses sœurs s’est mariée et a obtenu la nationalité française. Les deux autres sont mères d’enfants français, car nés sur le territoire français.

Malgré cela, la préfecture a refusé le titre de séjour et délivré une OQTF à Lyndie. « Ils n’ont pas pris en compte mes études, le fait que je sois héritière donc propriétaire de la maison comme mes frères et sœurs, que je suis en règle depuis 2012… Que je n’ai plus d’attaches au Gabon et que toute ma vie est ici ! » s’attriste Lyndie. « On ne me donne pas ma place là où je me sens chez moi. »

« Ils n’ont aucun projet, à part s’acharner contre les immigrés »

Alors que l’idée d’un nouveau projet de loi immigration ne fait pas consensus pour Bruno Retailleau et le Premier ministre François Bayrou, le gouvernement continue d’agiter le débat public sur les OQTF. Une réunion du comité interministériel de contrôle de l’immigration a eu lieu mercredi 26 février sous l’égide du Premier ministre. Celui-ci a entre autres annoncé que serait présentée au gouvernement algérien « une liste « d’urgence » de personnes qui doivent pouvoir retourner dans leur pays et que nous considérons comme particulièrement sensibles », et lancé un audit interministériel sur la délivrance des visas.

Les OQTF sont désormais devenues l’alpha et l’oméga de la politique migratoire. Du moins, celle affichée au grand public. « On nous colle une étiquette », regrette Mamadou Dioulde Sow, jeune homme de 25 ans, co-auteur de l’ouvrage Né pour partir (Milan, 2023). « Il y a des drames causés par des personnes sous OQTF. Mais l’immense majorité sont des personnes de bonne volonté, intégrées, qui ont envie de rester en France. » Dans son parcours, lui aussi a connu deux OQTF, en 2018 et 2024. Chaque fois annulées par un tribunal, car jugées irrégulières.

Pour rappel, le nombre d’OQTF (près de 140 000 l’an dernier) a doublé en dix ans, tandis que le taux d’exécution a diminué de moitié. « On priorise ceux qui présentent des menaces de troubles à l’ordre public », avait soutenu Bruno Retailleau dans l’émission « Complément d’enquête » du 24 janvier. L’émission rappelait pourtant que seul 1,4 % des personnes sous OQTF avaient déjà été condamnées.

Côté judiciaire, les tribunaux administratifs déclarent illégales 20 % des OQTF qui leur sont présentées. C’est pourtant la politique du chiffre qui continue d’être encouragée au travers des circulaires successives de l’Intérieur, y compris la dernière, celle du 23 janvier 2025, adressée par Bruno Retailleau aux préfets.

« La délinquance, c’est eux qui la provoquent »

« Les politiciens font ça pour ternir l’image des immigrés, pour gâcher la vie de ces personnes, sans les connaître. Ils n’ont aucun projet pour la France, à part s’acharner contre les immigrés. Pourtant, il y aurait beaucoup d’autres choses à faire », épingle Mamadou Dioulde Sow. « Ils utilisent ce mot, OQTF, pour récupérer des voix dans la population française. Les voix de ceux qui ne savent pas ce qu’est une OQTF et dans quelles circonstances c’est délivré. »

« J’ai posé la question à un policier : qu’est-ce qui motive la délivrance d’OQTF ? » se souvient Abdoul, membre du collectif auto-organisé de mineurs isolés de Tours (Indre-et-Loire), qui a organisé la semaine dernière une manifestation contre la circulaire Retailleau. « Le policier m’a dit : les OQTF, on les donne aux délinquants, aux étrangers qui font des bêtises, qui vendent de la drogue… Je lui ai répondu : et nous ? Moi je vais à l’école, je fais tout ce qu’il faut, tout ce que la France me demande, et j’ai une OQTF ! »

Et de citer l’exemple d’autres jeunes de son collectif, dont l’un d’eux était inscrit dans un centre de formation d’apprentis (CFA). Avec un patron qui l’a appuyé dans sa demande de titre de séjour. « Il s’est pris une OQTF. Il ne peut plus aller au CFA. Le patron l’a viré. Il reste là, comme ça. »

« Tout allait bien », jusqu’à l’OQTF

Depuis la loi du 26 janvier 2024, les OQTF ont une durée d’exécution de trois ans, contre un an auparavant. « Tu perds des années. Il faut être fort mentalement. Tu ne fais rien, tu ne peux pas avoir de boulot, de logement. En fait, la délinquance, c’est eux qui la provoquent », martèle Abdoul.

Mamadou Dioulde Sow témoigne aussi de cet état de détresse qui peut faire plonger. Sa première OQTF lui a été délivrée alors qu’il était encore à l’école et en alternance. Pourtant « tout allait bien ». Tant qu’il était mineur, Mamadou était pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Puis, l’OQTF, tombée à sa majorité, « a tout bloqué. Je me suis retrouvé à la rue », relate-t-il. Finis l’école, l’alternance, l’hébergement. « C’était un stress énorme. J’étais isolé, désespéré. Je ne voulais plus parler à personne. »

Lui dit que « c’est Dieu qui [l’a] sauvé » : « Il a fait que j’ai rencontré les bonnes personnes sur mon chemin. Grâce à elles, j’ai pu surmonter cette période. » Des bénévoles du Réseau éducation sans frontières (RESF) de Lyon l’accompagnent. Mais ces soutiens, tout le monde ne les a pas. Dès lors, « les OQTF poussent certaines personnes à tomber dans de mauvaises situations, à faire ce qu’elles n’auraient jamais souhaité faire », estime-t-il. « Il y en a qui sont déjà traumatisées par leur parcours, qui ont traversé la Méditerranée, se sont cachées dans des toilettes de trains, ont survécu à la rue, sont des rescapées… L’OQTF leur tombe dessus et tout repart de zéro. Cela coupe tout espoir. J’en connais plein qui ont commencé à fumer, à boire, et ça a dégénéré. »

OQTF : une plongée dans la précarité

Puisque l’OQTF bloque tous les droits sociaux, la précarité s’installe sur tous les plans. Alors qu’elle sortait d’études commerciales et de management, Lyndie s’est retrouvée à « faire du repassage chez des gens, de la garde d’enfants. C’est vraiment l’OQTF qui a fait que j’ai travaillé au noir. Je ne savais même pas que c’était possible. » Lyndie a pu compter sur l’aide de ses frères et sœurs et d’un petit ami. Heureusement, car, dit-elle, « j’étais mal payée, je pouvais à peine me nourrir, c’était vraiment pour m’acheter des choses essentielles comme des serviettes hygiéniques. Je n’imagine pas comment font des gens qui n’ont pas ces soutiens ou ne connaissent pas les rouages pour travailler au noir. »

Pour les plus vulnérables, l’OQTF est aussi synonyme de rupture dans le parcours de soin. Hawa Gakou, résidant dans les Hauts-de-Seine, a été placée sous OQTF après quinze ans de régularité sur le territoire français, dont sept avec un titre de séjour pour soins renouvelé jusque-là sans encombre. Reconnue handicapée à 80 %, en fauteuil roulant, isolée, sa situation (dont elle avait d’abord témoigné auprès du site Infomigrants anonymement) n’a fait qu’empirer depuis la réception de l’OQTF. Elle a perdu son allocation aux adultes handicapés, mais aussi son aide à domicile financée par le département.

Depuis, ses dettes s’accumulent. « J’ai trop de difficultés à payer mon loyer. À la mairie, on n’a pas pu me donner droit à une assistante sociale car je n’ai pas de titre de séjour », explique-t-elle. Surtout, « l’OQTF m’empêche de faire mes soins. Par exemple, je devais faire un hôpital de jour pour de la rééducation, mais tout a été bloqué. Alors que j’en aurais tellement besoin… ça devient difficile de me mettre debout. »

« Je veux mes papiers parce que je me sens française »

Après trois ans de calvaire et des recours judiciaires infructueux, l’OQTF d’Hawa va expirer fin février. Elle espère que ce sera le début d’une nouvelle page. Pour l’heure, « c’est tellement difficile pour moi de garder le moral, parfois je pleure. J’ai tellement peur qu’un jour ils viennent me sortir de l’appartement », confie-t-elle.

Mamadou, lui, a pu faire annuler sa seconde OQTF en justice à l’automne 2024. Avec le soutien de RESF, depuis octobre, les choses se sont arrangées : « J’ai repris l’école, je suis en alternance en BTS, dans le secteur logistique, ça se passe très bien. » Lyndie a également pu faire annuler en justice son OQTF, au bout de deux ans. Elle dispose d’une autorisation provisoire de séjour, et espère obtenir bientôt son titre.

Elle ne cesse de postuler à des offres d’emploi, mais elle estime avoir « perdu des années d’expérience : les entreprises sont assez frileuses pour me recruter », confie-t-elle. « J’ai aussi perdu du temps sur le plan de mon épanouissement. Je veux pouvoir me faire plaisir, faire plaisir à ma famille. On est des femmes : je tiens à ne plus dépendre de quelqu’un, comme l’OQTF m’y a obligée. Je n’ai pas envie d’être celle qui se marie ou a des enfants pour rester ici… Moi je veux mes papiers parce que je vis sur le territoire. Que j’y ai fait mes études. Que je me sens française. »

27 février 2025  Maïa Courtois

Cet article est publié dans le cadre de notre partenariat avec Rapports de force.

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26 février 2025 ~ 0 Commentaire

Roulotte (Reporterre)

 

roulotte

« Gens du voyage, tiny houses… Il faut protéger tous ceux qui vivent en habitat léger »

Alors que les habitants des tiny houses bénéficient d’une image positive dans le milieu écologiste, les gens des voyages et leurs caravanes sont victimes de discrimination. Une situation que dénonce l’auteur de cette tribune.

Les tiny houses suscitent un engouement croissant en France. Présentées comme une alternative écologique, minimaliste et économique, elles bénéficient d’une image positive dans la presse et le milieu écologiste. Qualifiées de « petites maisons nomades et écologiques », elles promettent une « vie de bohème avec tout le confort ».

Mais pourquoi les gens du voyage, les Voyageurs, dont l’habitat mobile est bien antérieur à cette tendance, ne sont-ils jamais perçus comme des promoteurs d’un mode de vie respectueux de l’environnement ? Pourquoi la presse multiplie-t-elle les articles élogieux sur les tiny houses, tout en ignorant la réalité des caravanes et les obstacles rencontrés par ceux qui y vivent ?

D’un point de vue juridique, tiny houses et caravanes relèvent des mêmes restrictions urbanistiques. Elles sont toutes deux des résidences mobiles, une fois les roues enlevées elles deviennent éventuellement des résidences démontables. Dans les deux cas, leur installation sur un terrain privé est soumise aux règles du Plan local d’urbanisme (PLU) et à l’accord du maire. Une installation sans autorisation expose à des sanctions pénales, astreintes et lourdes amendes.

Le racisme, un facteur de poids

Si les tiny houses ne sont pas épargnées par les refus d’installation (il ne faudrait pas nier les difficultés rencontrées par ceux qui y vivent), elles bénéficient parfois d’une certaine tolérance ou d’adaptations du PLU sur demande. Globalement, leur image positive leur permet d’être mieux acceptées qu’une caravane, a fortiori lorsque celle-ci est habitée par des gens du voyage. Car il y a un facteur de poids entre les deux situations : le racisme.

Là où la tiny house est perçue comme un choix de vie alternatif, la résidence mobile n’en est pas un pour les Voyageurs. Il ne s’agit pas d’un choix, mais d’un type d’habitat hérité, qui va de pair avec une façon de vivre, qui croise des pratiques itinérantes, des pratiques culturelles anciennes et des traditions séculaires, et qui permet d’évoluer dans une sphère de sociabilisation que les Voyageurs appellent « être sur le voyage ».

Le rejet de la caravane est le corollaire du rejet des gens du voyage. Ce n’est pas seulement un problème d’urbanisme, mais une exclusion systémique, qui produit de la relégation avec tous les effets qu’on lui connaît, notamment sur la santé. Les conséquences de cette exclusion vont bien au-delà : accès limité à l’eau et à l’électricité, refus de scolarisation, impossibilité de se domicilier, difficultés à recevoir du courrier ou à bénéficier de services publics. Là où la tiny house est valorisée comme un choix innovant, la caravane reste un marqueur de discrimination systémique.

Un héritage antitzigane profondément enraciné

Ce traitement différencié trouve ses racines dans un passé de répression des Voyageurs. En 1912, la France instaure un statut ethnique de nomade, visant explicitement les Bohémiens, les Romanichels, les Tziganes et les Gitanos. Ce statut, qui imposait un fichage strict, servira de base aux persécutions raciales entre 1940 et 1946. Après la guerre, face à une sédentarisation croissante des Voyageurs, l’urbanisme devient progressivement un outil d’exclusion : la réglementation limite drastiquement la durée de stationnement des caravanes, rendant impossible toute installation pérenne.

En 2012, l’Association nationale des gens du voyage citoyens (ANGVC) révélait que 95 % des communes interdisent de manière absolue et générale le stationnement des résidences mobiles dans leur PLU, contraignant des milliers de Voyageurs (ceux qui ne voyagent plus et les plus modestes) à vivre dans des aires d’accueil inadaptées. Faute de perspectives légales en matière de logement, certains naissent et meurent sur des aires d’accueil sommaires, proches d’usines polluantes et à l’écart des villes.

Lorsqu’ils achètent un terrain, les Voyageurs restent sous la menace de l’arbitraire municipal. Se maintenir sur un terrain relève donc de la tolérance des élus locaux, d’un miracle administratif ou des rares PLU qui ne prévoient aucune interdiction. Les refus de raccordement à l’eau et à l’électricité, les batailles judiciaires pour obtenir une autorisation d’installation, ou encore l’action des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) pour bloquer spécifiquement leurs acquisitions foncières témoignent de cette difficulté.

L’écologie, un prétexte à l’exclusion ?

En parallèle, l’écologie est un levier régulièrement utilisé pour justifier l’exclusion des Voyageurs. Là où les tiny houses sont célébrées pour leur sobriété énergétique, les caravanes sont perçues comme des éléments indésirables, polluant par leur simple présence. Il suffit de taper « gens du voyage » dans un moteur de recherche pour trouver des dizaines d’exemples récents. Ces articles sont, par exemple, assez représentatifs : « Les gens du voyage s’installent à côté d’un hôpital : “nous craignons la pollution des eaux qui alimentent les 285 résidents” » ; « Des toilettes à ciel ouvert : un grand rassemblement des gens du voyage inquiète un maire de Gironde » ; « La future aire de grand passage suscite l’inquiétude chez les habitants. [...] Selon eux, le bois de Frontenex n’est pas adapté à l’accueil des caravanes : risques de pollution, d’incivilités mais aussi de crues qui mettraient les occupants en péril en cas d’orage violent » ; etc.

L’argument environnemental est parfois utilisé comme un levier de relégation, soit que les gens du voyage polluent, soit que l’environnement serait trop pollué pour les accueillir, soit que leur accueil pourrait porter atteinte à l’environnement. Dans tous les cas le résultat est le même : les gens du voyage d’accord, mais pas ici. C’est dans cette logique que s’inscrit de nombreuses interventions de parlementaires à l’Assemblée nationale, ainsi que la récente proposition de loi du député macroniste Ludovic Mendes, missionné par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.

Déposée en février 2025, elle vise à instaurer un « préjudice écologique avéré ou imminent » comme nouveau motif légal d’évacuation forcée des gens du voyage. Ce texte assimile implicitement les installations des Voyageurs à des atteintes à l’environnement, sans preuve tangible de dommages réels. Il ajoute un outil juridique de criminalisation, renforçant l’exclusion sous couvert de protection environnementale. Il est urgent de repenser politiquement la question de l’habitat léger. Trop souvent, la gauche hésite à défendre l’habitat léger, craignant d’affaiblir la revendication du droit au logement ou de légitimer un modèle qui serait le reflet d’une précarité qui prend de l’ampleur.

« Les luttes écologistes doivent s’emparer du sujet »

Il n’est évidemment pas question de nier la crise du logement qui frappe les plus précaires, ni qu’une part importante des personnes qui vivent en caravane, tiny house, mobil’home ou autre habitat léger, subissent cet habitat et y vivent pour des raisons de pauvreté. Mais il faut articuler ces différentes réalités : celles qui résultent du choix, celles qui résultent du subi, celles qui résultent de l’héritage culturel. Toutes les personnes qui vivent en habitat léger ont intérêt à se soucier des droits des Voyageurs, car les restrictions créées contre eux finissent toujours par porter atteintes aux libertés de tous.

Il est indispensable de penser cette question sous l’angle du racisme environnemental. Ne pas le faire, c’est ignorer que l’exclusion des Voyageurs ne repose pas uniquement sur des considérations urbanistiques ou économiques, mais bien sur des logiques de discrimination structurelle. En somme, éviter le sujet c’est maintenir les Voyageurs à l’écart. Par ailleurs, il faut offrir une protection plus grande à celles et ceux qui vivent en habitat léger. L’urgence est d’intégrer ces formes d’habitat dans les documents d’urbanisme, d’accorder aux résidences mobiles des garanties similaires à celles d’un logement traditionnel et d’adapter les dispositifs d’aide existants.

Si la tiny house est valorisée comme un modèle écologique et innovant, alors les luttes écologistes doivent s’emparer du sujet dans une logique de justice environnementale, sociale et antiraciste. Sauf à vouloir contribuer à l’oppression des Voyageurs, la gauche écologiste doit mener la bataille de l’habitat léger pour tous — tout en reconnaissant les discriminations spécifiques qui frappent les Voyageurs. L’habitat léger n’est pas un simple débat urbanistique : c’est une question politique, qui touche à la justice sociale, à l’égalité des droits et à la lutte contre le racisme environnemental.

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25 février 2025 ~ 0 Commentaire

Trump-Poutine (SOAS)

 

Trump-Poutine (SOAS) dans Altermondialisme

Paix entre néofascistes et guerre contre les peuples opprimés

Que Washington et Moscou aient choisi le royaume saoudien comme lieu de réunion entre leurs délégations pour discuter des perspectives de la guerre qui se déroule en Ukraine depuis que les forces russes ont envahi ce pays il y a trois ans, est une illustration claire des profonds changements qui se produisent sous nos yeux dans les affaires internationales.

La manière même dont la réunion a été organisée est tout à fait cohérente avec le lieu : l’administration néofasciste de Donald Trump n’a pas cherché à promouvoir la paix entre les parties belligérantes dans le cadre du droit international et des Nations unies, comme la Chine n’a cessé d’y appeler depuis le début du conflit, mais cherche plutôt à conclure un accord direct avec le régime également néofasciste de Vladimir Poutine aux dépens du peuple ukrainien.

Il est donc tout à fait naturel que les deux parties n’aient pas choisi une arène neutre et conforme au droit international, comme les Nations Unies, mais une arène conforme à leur nature, même si son régime despotique est de type traditionnel.

Ce qui rend la scène encore plus hideuse, c’est que les États-Unis sont un partenaire à part entière dans la guerre génocidaire menée contre le peuple palestinien à Gaza, qui se déplace actuellement en partie vers la Cisjordanie.

L’administration Trump s’est même empressée d’annuler les mesures limitées que l’administration précédente avait prises pour parer au blâme, en particulier le gel de l’exportation de bombes d’une tonne qui ont grandement contribué à la destruction de la bande de Gaza et à l’extermination de sa population, ainsi qu’à la guerre d’élimination qu’Israël a menée contre le Hezbollah au Liban.

Au contraire, comme prévu, excepté par ceux qui ont tenté d’échapper à l’amère réalité en projetant leurs désirs sur elle (voir « Deux mythes sur le cessez-le-feu à Gaza », 22 janvier 2025), la nouvelle administration a surpassé la précédente dans la surenchère sioniste avec l’appel de Trump à déporter sans retour les résidents de la bande de Gaza, c’est-à-dire à mettre en œuvre ce que le droit international appelle « nettoyage ethnique » – un crime contre l’humanité.

L’axe néofasciste sioniste-américain converge avec la Russie de Poutine dans la haine raciale des peuples opprimés. Moscou a excellé dans ce domaine, non seulement par son agression coloniale contre l’Ukraine, répudiant sa souveraineté nationale, mais aussi dans la région arabe, où elle a joué un rôle clé dans la destruction de la Syrie et l’extermination d’un grand nombre de ses habitants, tout en étant ouvertement complice de l’État sioniste en lui permettant de bombarder à volonté les sites iraniens en Syrie (dans le cadre de la rivalité entre les influences russes et iraniennes dans ce pays).

Le ministre russe des affaires étrangères a même comparé la guerre de Moscou contre l’Ukraine à la guerre d’Israël contre Gaza, assimilant la description poutiniste des dirigeants ukrainiens comme nazis à la description sioniste du Hamas comme nazis. Notons également que la réaction de Moscou au projet criminel d’expulsion énoncé par Trump a été modérée, même par rapport à la condamnation explicite émise par certains des alliés traditionnels de Washington, comme la France.

Voici maintenant les Américains impliqués dans le meurtre de centaines de milliers de Gazaouis qui rencontrent les Russes impliqués dans le meurtre de centaines de milliers de Syriens, les deux parties partageant avec l’État sioniste un mépris commun pour les droits territoriaux des peuples. Ils se rencontrent sur le territoire d’un État arabe qui, s’il se préoccupait vraiment du sort des peuples syrien et palestinien, aurait dû être si hostile aux deux parties qu’il ne leur serait même pas venu à l’idée de lui demander d’accueillir leur réunion.

Ce à quoi nous assistons en réalité n’est rien de moins qu’une refonte de la carte politique du monde, passant de la confrontation de la Guerre froide entre un bloc occidental qui prétendait défendre les valeurs de la démocratie libérale (et les a constamment trahies) et un bloc de l’Est dans lequel prévalaient des régimes dictatoriaux – de cette confrontation à la dissolution du système occidental, après le système oriental, par suite de la crise mortelle qui a frappé la démocratie libérale et de la montée mondiale du néofascisme (voir « L’ère du néofascisme et ses particularités », 5 février 2025).

L’ère de la Nouvelle Guerre froide, qui a suivi l’effondrement de l’Union soviétique et la dissolution de son bloc, a constitué la transition en combinant loi de la jungle et néolibéralisme effréné. Washington a joué le rôle principal dans la prédominance de ces deux caractéristiques sur le droit international et le développement fondé sur l’État social et la protection de l’environnement.

Nous assistons aujourd’hui à une convergence entre néofascistes aux dépens des peuples opprimés, car le nouveau fascisme, comme l’ancien, nie ouvertement le droit des peuples à l’autodétermination. Les gouvernements libéraux restants en Europe sont stupéfaits, après avoir compté pendant huit décennies sur la protection américaine du système occidental sans oser former un pôle mondial indépendant de Washington, non seulement militairement, mais principalement dans le domaine de la politique étrangère.

Le résultat est que les peuples opprimés du monde ne sont plus en mesure de profiter de la divergence entre grandes puissances qui existait dans le passé, mais doivent maintenant mener leurs luttes de résistance et de libération dans des conditions plus difficiles que jamais. Le cas de la Palestine en est la preuve la plus évidente.

Traduit de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est d’abord paru en ligne le 18 février. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

Gilbert Achcar Professeur, SOAS, Université de Londres

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https://blogs.mediapart.fr/

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