Il y a 60 ans, par les bombardements nucléaires des villes japonaises d’Hiroshima, le 6 août 1945, et de Nagasaki, le 9, les États-Unis ont voulu faire connaître aux peuples du monde entier la terrible capacité de destruction de leur nouvelle arme.
Le jour même de la destruction de Nagasaki, le 9 août 1945, le président des États-Unis, Truman, qui venait de succéder à Roosevelt, déclarait à la radio : « Nous sortons de cette guerre la nation la plus puissante du monde, la nation la plus puissante peut-être de toute l’histoire. » Au- jourd’hui, aux États-Unis, le débat sur les raisons de l’utilisation de la bombe atomique est encore censuré. Seule y prévaut la vérité officielle : il se serait agi d’amener le Japon à capituler le plus rapidement possible, pour épargner la vie de centaines de milliers de soldats étatsuniens.
Que la destruction quasi instantanée de deux villes d’importance, chacune sous l’effet d’une seule bombe, ait accéléré la capitulation du Japon ne peut être mis en doute. Que soit ainsi mis fin à la guerre qui continuait dans le Pacifique, trois mois après la capitulation allemande, non plus. Mais il est aussi certain que le Japon s’apprêtait à capituler et qu’il l’aurait fait avant si les alliés, réunis à la conférence de Potsdam au milieu du mois de juillet, n’avaient pas exigé de lui une « reddition sans condition ». Il n’avait plus, de toute façon, les moyens de continuer la guerre, après la destruction de ses forces aéronavales et les bombardements intensifs qui avaient détruit ses villes les plus importantes.
En réalité, les États-Unis étaient déterminés à utiliser les deux bombes atomiques qui venaient tout juste d’être mises au point pour en imposer l’utilisation au monde et être les seuls vainqueurs dans le Pacifique. Le 9 août, en effet, trois mois après la capitulation de l’Allemagne, comme l’avait prévu la conférence de Yalta en février de la même année, l’Urss devait déclarer la guerre au Ja- pon. Les États-Unis ne voulaient pas d’un partage de cette partie de l’Asie, comme ils avaient dû y consentir en Europe de l’Est.
Le 17 juillet 1945, en pleine conférence de Potsdam, Truman reçut un télégramme, « Babies Satisfactorily Born » (« Les bé- bés sont bien nés »), qui l’informait du succès de la première explosion atomique expérimentale aux États-Unis. Le projet Manhattan qui, depuis septembre 1942, mobilisait des milliers de scientifiques et avait donné lieu à la construction de deux énormes complexes industriels destinés à produire, l’un de l’uranium enrichi, l’autre du plutonium, venait d’aboutir. Aussitôt, un ultimatum fut adressé au Japon, le sommant de se rendre sous peine d’une «prompte et totale destruction ».
Terroriser la population Trois semaines plus tard, une bombe de chaque type était lancée sur Hiroshima (bombe à l’uranium 235) et sur Nagasaki (bombe au plutonium). Pour qu’on pût voir les effets de la nouvelle arme, ces deux cités industrielles avaient été épargnées par les bombardements que menaient de façon intensive les Superfortress (B-29) que la puissante industrie américaine fabriquait à plein régime. Le 9 mars, Tokyo avait été détruite à 60 % par un raid de ces B-29 équipés de bombes incendiaires et explosives, 84 000 habitants y avaient trouvé la mort. Une centaine de villes furent ainsi bombardées et un quart des villes japonaises détruites à 50 %. Au Japon, comme en Allemagne un an auparavant, ces bombardements visant sciemment les civils des cités industrielles avaient pour objectif de terroriser la population afin d’empêcher toute tentative de soulèvement, une fois le régime en place défait. La guerre dite « de libération » n’était en fait qu’une guerre entre impérialismes pour le repartage du monde et leur mainmise sur les peuples. Mais là où des centaines de bombes « classiques » avaient été nécessaires, une seule bombe atomique suffit.
Le 6 août, à 8 heures 15, la bombe est lâchée au-dessus d’Hiroshima. Elle explose 45 secondes plus tard. Le principe en repose sur la transformation de la matière en énergie, qui se libère sous trois formes différentes : énergie thermique, onde de choc et effet de souffle, ra- diations nucléaires. La première, qui se manifeste sous la forme d’une boule de feu d’environ un kilomètre de rayon et de plusieurs millions de degrés, puis d’une onde thermique se propageant à la vitesse de la lumière, brûle tout sur son passage : les corps humains sont pulvérisés, entièrement carbonisés et la ville entière s’embrase dans la demi-heure. L’onde de choc entraîne l’effondrement des bâtiments ; l’effet de souffle fait éclater les poumons et provoque lésions et fractures. Les radiations nucléaires entraînent la mort immédiate jusqu’à un kilomètre de distance, et une mort plus lente, plus loin, sous l’effet de ce qui apparut à l’époque comme un mystérieux « mal des rayons ». Selon les esti- mations, la bombe d’Hiroshima a tué, à la fin de l’année 1945, 140 000 personnes, celle de Nagasaki, 70 000, et des dizaines de milliers de blessés ont succombé les années suivantes.
Socialisme ou barbarie Les États-Unis venaient de faire savoir au monde quelle terrible puissance de destruction ils étaient désormais capables de lancer contre les peuples, et ils firent cyniquement de cette menace terroriste, au lendemain du cataclysme d’Hiroshima et de Nagasaki, un argument pour la paix, alors que s’engageaient des guerres meurtrières destinées à empêcher les peuples de se libérer du joug colonial et impérialiste. La course à l’arme atomique s’est dès lors poursuivie, plusieurs États entrant en sa possession. En 1954, la première bombe H, de capacité mille fois supérieure à la bombe d’Hiroshima, fut expérimentée.
L’effondrement de l’Urss a fait disparaître l’argument fallacieux de « l’équilibre de la terreur », qui était censé garantir la paix au monde. Ce qui a disparu en réalité, c’est le prétexte de la lutte contre le « totalitarisme communiste », sous couvert duquel l’impérialisme me- nait sa guerre contre les peuples, en même temps que son complice, la bureaucratie soviétique, dans le maintien de l’ordre mondial.
Aujourd’hui, c’est la «lutte contre le terrorisme» qui sert d’argument à un développement inégalé du militarisme. L’objectif, comme hier, est la mainmise des trusts impérialistes sur les ressources de la planète, l’accaparement des fruits du travail humain, dans le prolongement de la concurrence capitaliste. En 2002, dans le cadre de leur redéploiement militaire à la suite des attentats du 11 Septembre, les États-Unis ont révisé leur doctrine nucléaire, l’arme atomique cessant d’être considérée comme le dernier recours. À cet effet, les mini-nuke (« mini-bombes ») ont été mises au point. Leur puissance équivaut à celle de… 22 bombes d’Hiroshima. Socialisme ou barbarie ! L’alternative est plus que jamais d’actualité. Galia Trépère Rouge n° 2121, 22/07/2005
http://orta.dynalias.org/archivesrouge/article-rouge?id=1388
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