Archive | Antiimpérialisme

28 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

guyane (reporterre)

« Des ados se font gazer » : en Guyane, les Amérindiens combattent une centrale électrique

En Guyane française, les peuples autochtones tentent de freiner le chantier d’une centrale électrique. Gendarmes, quads, lacrymos… Les jeunes militants sont fortement réprimés.

Des amoncellements de troncs aux feuillages fanés et aux racines brisées. La sinistre nudité d’une terre ocre et poussiéreuse. Des quads et des véhicules de gendarmerie en nombre qui escortent d’énormes pelleteuses jaunes. Et, de loin en loin, les fumerolles toxiques des gaz lacrymogènes.

Ce sont des vidéos de dévastation que Jean-Philippe Chambrier, secrétaire général du Grand Conseil coutumier et militant pour la reconnaissance des peuples autochtones en Guyane, a envoyées à Reporterre le 26 septembre. Elles ont été filmées au village de Prospérité, 200 habitants, où vivent les Kali’na, l’un des six peuples amérindiens du territoire. Depuis décembre 2021, ces derniers combattent le chantier de Centrale électrique de l’ouest guyanais (Ceog), implanté dans la forêt où ils vivent.

Porté par la société bordelaise Hydrogène de France, le projet de la Ceog doit combiner sur un site de 140 hectares production d’électricité provenant d’un parc photovoltaïque et stockage de l’énergie grâce à l’hydrogène. Sa capacité de 120 mégawatts doit permettre d’alimenter jusqu’à 10 000 foyers de l’ouest guyanais dès sa mise en service en 2026.

« C’est un projet qui est attendu à la fois par les élus guyanais, mais aussi toute la Guyane pour le développement de la Guyane, a vanté Cédric Debons, sous-préfet de la Guyane, directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles, sur Outre-mer la 1re. On va pouvoir atteindre plus facilement l’autonomie énergétique de la Guyane. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’on a besoin uniquement du soleil et de l’eau pour fournir l’électricité. Ce sera donc une électricité qui sera renouvelable, stable et continue, et ça c’est une première mondiale. »

Un projet à 90 millions d’euros sur vingt-cinq ans présenté comme parfaitement écolo, donc… à la nuance près qu’il doit conduire à la déforestation de 78 hectares de forêt équatoriale dans l’enceinte du Parc naturel régional.

Chaque jour, des jeunes « essaient d’empêcher la déforestation »

16 hectares de forêt ont déjà été défrichés. Les travaux ont repris le 16 août, dans un contexte d’extrême tension. Dès le premier jour, une cinquantaine de gendarmes étaient postés à l’intérieur et aux abords du chantier. Face à eux, les habitants restent mobilisés pour freiner le chantier, en dressant des barricades enflammées aux accès, en harcelant les pelleteuses.

« Chaque jour, entre 10 et 20 jeunes de 15 à 25 ans essaient d’empêcher la déforestation. Ils balancent des pierres, des bâtons, parfois même des cocktails Molotov sur les machines, décrit à Reporterre M. Chambrier. Les gendarmes répliquent par des gaz lacrymogènes, des tirs de LBD et des grenades de désencerclement. Un jeune a même été visé par une arme de poing. »

Un mois et demi après le retour des ouvriers, la répression reste implacable. « La semaine dernière, des renforts sont arrivés, avec plus de 100 gendarmes déployés sur le site, raconte à Reporterre Benoît Hurtez, un habitant de Prospérité. Les renseignements généraux nous ont avertis que c’était fini la rigolade, c’est-à-dire que la répression serait de plus en plus ferme, avec des peines et des amendes de plus en plus conséquentes. »

Depuis le début de la mobilisation, une petite dizaine de personnes ont été arrêtées. Le 24 octobre 2022, le chef coutumier du village, le Yopoto Roland Sjabere, avait été placé en garde à vue ainsi que trois autres habitants. Cinq autres personnes avaient été interpellées en mars dernier. Le 22 septembre, c’est un jeune de 17 ans qui a été embarqué par les forces de sécurité. Atteint d’un trouble psychiatrique, il a été relâché après qu’un psychiatre de Saint-Laurent-du-Maroni l’a déclaré pénalement irresponsable.

« Cette interpellation a eu lieu en forêt et non sur une zone défrichée. Cela met en danger tous les jeunes qui ont envie d’aller en forêt pour chasser ou même se promener, précise à Reporterre Clarisse Da Silva, porte-parole de l’organisation Jeunesse autochtone de Guyane.

« Il risque d’y avoir un blessé, d’un côté ou de l’autre »

Ce combat de David contre Goliath éreinte les habitants. Avec la reprise de l’école et du travail, ils sont moins disponibles pour occuper le terrain. Le 25 septembre, ils ont essuyé un lourd revers. Malgré plusieurs jours d’opposition physique et de sabotage d’un petit pont, les machines ont réussi à traverser la rivière et ont commencé à défricher la zone nord, jusqu’à présent indemne.

« C’est la zone la plus riche en biodiversité, une forêt très préservée. C’est également le lieu de vie le plus important de la communauté Kali’na, fréquentée pour les promenades, la pêche, la chasse, la cueillette, la baignade, la spiritualité, la pharmacie », se lamente Benoît Hurtez. Jean-Philippe Chambrier craint une escalade de la violence : « Le chef du village et les habitants se sont fixé la règle de ne s’en prendre qu’aux machines, jamais aux gendarmes. Mais les jeunes veulent en découdre. Il risque d’y avoir un blessé, d’un côté ou de l’autre. »

La lutte se déploie aussi sur d’autres fronts, plus institutionnels. Le 7 septembre, Prospérité a reçu la visite du nouveau préfet de Guyane Antoine Poussier. « Il a été réceptif et nous a dit qu’il ferait passer nos revendications et nos propositions, mais il nous a aussi dit que le projet se fera. Aucune solution n’a été trouvée », rapporte Mme Da Silva.

Vingt-cinq familles ont porté plainte pour nuisance au voisinage, en témoignant des nuisances qu’elles subissent : bruit, survol de drones de surveillance. Un autre recours concerne la non-présentation d’une dérogation pour la destruction d’espèces protégées, puisque le site abrite des yapocks, un opossum aquatique très rare, ainsi que des batraciens et des reptiles protégés au niveau européen.

« On dirait que l’idée est de raser la forêt le plus vite possible »

« On a tenté avant tout des procédures pour non-respect du Code de l’environnement, puisque l’environnement est beaucoup plus protégé que les droits humains et notamment des peuples autochtones », justifie amèrement la porte-parole.

Mais là encore, les espoirs sont minces. « La présence de ne serait-ce qu’une espèce aurait dû suffire à suspendre le chantier. Mais le préfet a accordé les autorisations sans en tenir compte du tout et a laissé les entrepreneurs commencer les travaux. On dirait que l’idée est de raser la forêt le plus vite possible, pour qu’il n’y ait plus rien à protéger », observe M. Hurtez.

« Des enfants, des ados se font gazer »

Pourtant, les habitants ne sont pas hostiles au projet de centrale. Ils demandent simplement son déplacement en dehors de leur lieu de vie. Las, ils peinent à mobiliser pour leur cause. « En Guyane, le besoin énergétique est affolant et la Ceog est présentée comme un projet d’intérêt général. Et nous sommes minoritaires en tant qu’autochtones », analyse Mme Da Silva.

Désormais, le temps presse pour gonfler les rangs des opposants. « Il reste environ 40 hectares à défricher. Une machine peut déforester quasiment 1 hectare par jour, et elles sont 5 ou 6 à travailler sur le site. En une semaine, ça peut être fini », alerte M. Hurtez.

Une sombre perspective, alors que les Kali’na sont déjà meurtris. « Lutter n’est pas facile, et c’est plus difficile encore quand on fait face à des violences policières et à la disparition de son espace de vie. Les habitants ne dorment plus, ne mangent plus correctement. Ils sont tristes et en colère. Les enfants ont appris à faire la différence entre le bruit d’une machine et celui d’un drone. Ils ne dessinent que ça, ne pensent qu’à ça, ne rêvent que de ça. Tout cela va les marquer à vie », dénonce la porte-parole de Jeunesse autochtone.

M. Hurtez, venu de métropole, porte sur ce projet un regard accusateur : « Les Amérindiens ont vécu 500 ans d’oppression. Ils ont été anéantis. Aujourd’hui encore, ils subissent de plein fouet la globalisation et l’assimilation forcée. Et ce projet vient s’installer précisément là, alors qu’on est dans la troisième plus vaste commune de France, qu’il y a plein de place ailleurs sans même avoir besoin de déforester et que les habitants ont demandé dès 2019 à ce qu’il soit installé autre part. Des enfants, des ados se font gazer et tirer dessus au LBD simplement parce qu’ils défendent leur lieu de vie. C’est complètement démentiel. »

Émilie Massemin 28 septembre 2023

https://reporterre.net/

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26 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

udb (pontivy)

bzh

Parlement européen. « Je saurai trouver ma place ». Cette cuisinière de Pontivy devient députée européenne

L’élection de Yannick Jadot au Sénat, ce 24 septembre 2023, a propulsé Lydie Massard au Parlement européen. A 45 ans, cette cuisinière dans un lycée de Pontivy s’installe dans le fauteuil laissé vacant par celui qui ne peut pas cumuler deux mandats. Elle est arrivée à Bruxelles, au siège de l’Union européenne, ce 26 septembre.

D’ordinaire, c’est derrière les fourneaux de la cantine du lycée du Blavet à Pontivy qu’elle officie. Depuis ce 24 septembre 2023 et à la faveur de l’élection de Yannick Jadot au Sénat, Lydie Massard est devenue députée européenne.

14e sur la liste d’Europe-Écologie-les-Verts, la Bretonne remplace donc celui qui a quitté ses fonctions à l’échelon européen pour un fauteuil de sénateur, le cumul des deux mandats étant impossible.

« Les deux pieds dans la réalité »

Cette cuisinière de 45 ans, qui est aussi porte-parole de l’Union démocratique bretonne (UDB), a fait le chemin jusqu’à Bruxelles, ce 26 septembre. « Je suis déjà venue ici, dit-elle, mais je ne suis jamais entrée dans l’hémicycle car il était occupé ». Elle balaie le lieu du regard, sourit et confie qu’elle saura y trouver sa place. « C’est grand mais ce n’est pas si impressionnant » lâche-t-elle.

Ce qui occupe surtout son esprit, c’est sa « responsabilité » d’élue. « Quand je me suis engagée en politique, raconte Lydie Massard, c’était pour améliorer le quotidien des gens. Je viens ici dans cette optique-là. Je souhaite vraiment que les réglementations européennes soient de moins en moins éloignées des gens car elles ont un impact sur ce qu’ils vivent tous les jours ».

Mère de famille de trois enfants, ancienne ouvrière de l’agroalimentaire, la nouvelle députée européenne n’est pas issue du sérail. Elle a même autrefois connu les fins de mois difficiles. Lydie Massard porte fièrement son « profil atypique ». « C’est quoi la représentation nationale au Parlement européen si on a des profils qui se ressemblent tous ?, interroge-t-elle. Les gens qui ont fait de grandes études ont une vision des choses. Mais nous, nous avons une vision avec les deux pieds dans la réalité. Nous avons tout intérêt à avoir des profils variés ».

Langues régionales et alimentation

Lydie Massard dit avoir longuement réfléchi à ce qu’elle entend défendre au Parlement européen. « Les langues et cultures régionales et minoritaires d’une part, souligne-t-elle. Venant de l’UDB, un parti régionaliste et autonomiste, je me vois mal passer à côté de cela. D’autre part, je suis cuisinière, je viens de Pontivy, une des capitales de l’agroalimentaire en Centre-Bretagne, je ne peux pas non plus ignorer la question de l’alimentation ».

Déjà présente sur la liste menée par Christian Guyonvarc’h (UDB) aux Européennes de 2014, puis sur celle de Yannick Jadot (EELV) en 2019, Lydie Massard s’est également présentée aux législatives de 2022 dans la 3e circonscription du Morbihan, sous les couleurs de l’UDB.

 26/09/2023  Carole Collinet-Appéré
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Note:
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Nous sommes en désaccord avec l’UDB sur bien des sujets comme leur servilité envers le ps. Mais pour une fois qu’une ouvrière bretonne est sénatrice!

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25 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

lampedusa ( à l’encontre)

lampedusa ( à l'encontre) dans Anticolonialisme 584018746_socialmedia
Lampedusa, 21 septembre 2023

«L’effet Lampedusa», ou comment se fabriquent des politiques migratoires répressives

Depuis quelques jours, la petite île de Lampedusa en Sicile a vu débarquer sur son territoire plus de migrants que son nombre d’habitants. Et comme à chacun de ces épisodes d’urgence migratoire en Europe, des représentants politiques partent en croisade: pour accroître leur capital électoral, ils utilisent une rhétorique guerrière tandis que les annonces de fermeture des frontières se succèdent. Les élections européennes approchent, c’est pour eux l’occasion de doubler par la droite de potentiels concurrents.

Au-delà du cynisme des opportunismes politiques, que nous dit l’épisode Lampedusa? Une fois de plus, que les politiques migratoires mises en place par les Etats européens depuis une trentaine d’années, et de manière accélérée depuis 2015, ont contribué à créer les conditions d’une tragédie humanitaire.

Nous avons fermé les voies légales d’accès au territoire européen, contraignant des millions d’exilés à emprunter la périlleuse route maritime. Nous avons laissé les divers gouvernements italiens criminaliser les ONG qui portent secours aux bateaux en détresse, augmentant le degré de létalité de la traversée maritime. Nous avons collaboré avec des gouvernements irrespectueux des droits des migrants: en premier lieu la Libye, que nous avons armée et financée pour enfermer et violenter les populations migrantes afin de les empêcher de rejoindre l’Europe.

L’épisode Lampedusa n’est donc pas simplement un drame humain: c’est aussi le symptôme d’une politique migratoire de courte vue, qui ne comprend pas qu’elle contribue à créer les conditions de ce qu’elle souhaite éviter, en renforçant l’instabilité et la violence dans les régions de départ ou de transit, et en enrichissant les réseaux criminels de trafic d’êtres humains qu’elle prétend combattre.

Crise de l’accueil, et non crise migratoire

Revenons d’abord sur ce que l’on peut appeler l’effet hotspot. On a assisté ces derniers mois à une augmentation importante des traversées de la Méditerranée centrale vers l’Italie, si bien que l’année 2023 pourrait, si la tendance se confirme, se hisser au niveau des années 2016 et 2017 qui avaient battu des records en termes de traversées dans cette zone. C’est bien entendu cette augmentation des départs qui a provoqué la surcharge actuelle de Lampedusa, et la situation de crise que l’on observe.

Mais en réalité, les épisodes d’urgence se succèdent à Lampedusa depuis que l’île est devenue, au début des années 2000, le principal lieu de débarquement des migrants dans le canal de Sicile. Leur interception et leur confinement dans le hotspot de cette île exiguë de 20 km² renforce la visibilité du phénomène, et crée un effet d’urgence et d’invasion qui justifie une gestion inhumaine des arrivées. Ce fut déjà le cas en 2011 au moment des printemps arabes, lorsque plus de 60 000 personnes y avaient débarqué en quelques mois. Le gouvernement italien avait stoppé les transferts vers la Sicile, créant volontairement une situation d’engorgement et de crise humanitaire. Les images du centre surpeuplé, de migrants harassés dormant dans la rue et protestant contre cet accueil indigne avaient largement été diffusées par les médias. Elles avaient permis au gouvernement italien d’instaurer un énième état d’urgence et de légitimer de nouvelles politiques répressives.

Si l’on fait le tour des hotspots européens, force est de constater la répétition de ces situations, et donc l’échec de la concentration dans quelques points stratégiques, le plus souvent des îles du sud de l’Europe. L’effet Lampedusa est le même que l’effet Chios ou l’effet Moria (à Lesbos): ces îles-frontières concentrent à elles seules, parce qu’elles sont exiguës, toutes les caractéristiques d’une gestion inhumaine et inefficace des migrations. Pensée en 2015 au niveau communautaire mais appliquée depuis longtemps dans certains pays, cette politique n’est pas parvenue à une gestion plus rationnelle des flux d’arrivées. Elle a en revanche fait peser sur des espaces périphériques et minuscules une énorme responsabilité humaine et une lourde charge financière. Des personnes traumatisées, des survivants, des enfants de plus en plus jeunes, sont accueillis dans des conditions indignes. Crise de l’accueil et non crise migratoire comme l’ont déjà montré de nombreuses personnes.

Changer de paradigme

Autre myopie européenne: considérer qu’on peut, en collaborant avec les Etats de transit et de départ, endiguer les flux. Cette politique, au-delà de la vulnérabilité qu’elle crée vis-à-vis d’Etats qui peuvent user du chantage migratoire à tout moment – ce dont Kadhafi et Erdogan ne s’étaient pas privés – génère les conditions mêmes du départ des personnes en question. Car l’externalisation dégrade la situation des migrants dans ces pays, y compris ceux qui voudraient y rester. En renforçant la criminalisation de la migration, l’externalisation renforce leur désir de fuite. Depuis de nombreuses années, migrantes et migrants fuient les prisons et la torture libyennes; ou depuis quelques mois, la violence d’un pouvoir tunisien en plein tournant autoritaire qui les érige en boucs émissaires. L’accord entre l’UE et la Tunisie, un énième du genre qui conditionne l’aide financière à la lutte contre l’immigration, renforce cette dynamique, avec les épisodes tragiques de cet été, à la frontière tuniso-libyenne.

Lampedusa nous apprend qu’il est nécessaire de changer de paradigme, tant les solutions proposées par les Etats européens (externalisation, dissuasion, criminalisation des migrations et de leurs soutiens) ont révélé au mieux leur inefficacité, au pire leur caractère létal. Ils contribuent notamment à asseoir des régimes autoritaires et des pratiques violentes vis-à-vis des migrants. Et à transformer des êtres humains en sujets humanitaires. (Tribune publiée sur le site du quotidien Libération le 17 septembre 2023)

Marie Bassi, Université Côte d’Azur
Camille Schmoll, Institut convergences migrations, Unité mixte de recherche Géographie cités (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales-EHESS)

https://alencontre.org/

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25 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

auvergne (samedi)

clerm

montlu

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24 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

aplutsoc (paris)

aplusoc

Aplutsoc vous invite à une réunion-débat sur les questions urgentes suivantes :

La crise climatique a sans doute franchi un seuil en 2023 : le chaos s’aggrave, l’emballement est là. Au climatologue Jean Jouzel qui, invité à une « table ronde » à l’université du MEDEF, expliquait la nécessité de stopper au plus vite la production d’énergies fossiles, le PDG de Total Énergie Patrick Pouyanné a asséné : « Il y a la vie réelle. » Certes : la vie réelle pour Patrick Pouyanné, c’est le profit, c’est l’accumulation du capital, mais la vie réelle du genre humain ce sont les sécheresses, les inondations, les immenses territoires devenant inhabitables, l’exil, la catastrophe. Cette vie réelle de la majorité résulte de la vie réelle que nous impose le capital. Jean Jouzel, excédé, en a publiquement tiré une conclusion :

« Capitalisme et lutte contre le réchauffement climatique sont incompatibles. »

https://aplutsoc.org

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24 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

Ukraine (solidarités)

ukraine

Pour notre et votre liberté. Les anti-autoritaires sur le front ukrainien

Après l’invasion de l’Ukraine par Poutine, de nombreux·euses antiautoritaires s’y sont rendu·e·s pour lutter pour la libération de l’Europe de l’Est. Un commandant anarchiste qui combat dans la légion internationale des forces armées d’Ukraine revient sur la contre-offensive, sur l’organisation de l’armée et sur le nationalisme.

Peux-tu te présenter ?

Mon indicatif d’appel est Salam. Je suis un anarchiste bélarusse et commandant d’équipage de mortier dans la légion internationale. Il y a plusieurs autres anarchistes dans mon peloton.

Pourquoi la contre-offensive est-elle difficile ?

La contre-offensive se poursuit dans les zones où les forces d’occupation se sont retranchées il y a plus d’un an et où elles pourraient se préparer à l’offensive dans un calme relatif. Les troupes ukrainiennes ont de grandes difficultés à franchir cette ligne de défense. Des armes occidentales plus avancées pourraient y contribuer et sauver de nombreuses vies de soldat·e·s ukrainien·ne·s. Mais le nombre d’armes fournies n’est pas suffisant à l’heure actuelle et l’offensive avance donc lentement. En même temps dans la direction de Bakhmout, où je travaille, les succès et la rapidité de l’offensive sont plus élevés. Là, les forces ennemies ont eu moins de temps pour préparer une ligne défensive solide.

Comment s’organisent les relations hiérarchiques au sein de l’armée ?

Officiellement, l’armée est organisée selon le système vertical ordinaire dans lequel les décisions sont prises par les commandants de haut niveau et transmises de haut en bas. Mais la manière dont les relations sont construites directement au sein des équipes peut être très différente de ce système officiel. Dans de nombreux bataillons, compagnies et pelotons, il existe un système d’entraînement plus horizontal, et tous les combattant·e·s sont considéré·e·s comme égaux·alles, quels que soient leur âge, leur expérience dans l’armée et leur grade.

Souvent, à la demande de l’équipe, les gens postulent aux postes de commandants de niveau inférieur. D’après mon expérience personnelle, les unités dotées de cette « démocratie militaire » peuvent être plus efficaces que les unités dotées d’une structure verticale stricte.

Quelle est l’attitude envers le nationalisme dans l’armée ?

En général, l’attitude de la société ukrainienne à l’égard du nationalisme est maintenant positive. C’est encore plus vrai pour l’armée. Par exemple, certaines parties portent le nom des combattants de l’État national ukrainien au début du 20e siècle. Par exemple, la 93e brigade Kholodnyi Yar.

Pour la plupart des gens, ce nationalisme a un caractère protecteur. Depuis 2014, la société ukrainienne lutte contre l’impérialisme russe, et le nationalisme constitue une tentative de briser l’hégémonie culturelle russe.

Est-il possible d’exprimer librement sa position politique libertaire dans l’armée ?

Officiellement, dans l’armée, on ne peut pas du tout exprimer sa position politique. N’importe laquelle. Mais dans la pratique tout est différent. Jusqu’à présent, je n’ai entendu aucune histoire où un·e camarade aurait dû faire face à des problèmes en raison de ses convictions.

Là où mes camarades et moi servons, on peut librement porter des symboles anarchistes et antifascistes, discuter avec d’autres combattant·e·s et cela ne pose aucun problème.

Y a-t-il de la propagande envers les troupes russes ?

Naturellement. Il y a plusieurs campagnes pour que les soldats russes se rendent. Un soldat russe peut se tourner vers eux et ils l’aideront à se rendre à l’armée ukrainienne en sécurité relative. Il y a des blogueurs qui filment des interviews de prisonniers russes. Bien sûr, cela se fait volontairement et sans contrainte, afin de montrer aux soldats russes que rien ne menace leur vie et leur santé en captivité.

Récemment, une opération spéciale a été menée, au cours de laquelle un pilote russe a posé son hélicoptère en Ukraine et l’a remis aux troupes. Lui et sa famille ont obtenu l’asile pour cela.

J’ai entendu que de nombreux combattant·e·s libertaires en Ukraine ont déjà combattu en Syrie aux côtés des YPG.

C’est vrai. Au début de la guerre, alors qu’il n’existait encore qu’un seul détachement anti-autoritaire, ce sont des camarades étranger·ère·s ayant une expérience « kurde » qui étaient nos instructeur·ice·s. Mais notre guerre et la leur sont très différentes. Au Rojava, l’ennemi ne disposait pas de ressources et de capacités aussi énormes, il n’y avait pas une quantité d’artillerie aussi importante, etc.

Comment aimerais-tu voir l’avenir de l’Ukraine ?

Une question intéressante, je pense peu à l’avenir de l’Ukraine. Toutes mes pensées sont tournées vers le Bélarus et ce qu’il devrait être après sa libération du régime de Loukachenko.

En tant qu’anarchiste, j’aimerais voir l’Ukraine du futur faire partie d’une fédération planétaire libre. Mais nous sommes encore loin de la révolution mondiale et de la libération complète. Le minimum que je souhaiterais, c’est une Ukraine indépendante qui aurait quitté la zone d’influence de la Russie et n’aurait pas rejoint l’UE ni l’OTAN. L’Ukraine dispose de mouvements populaires puissants, capables d’influencer la prise de décision d’en haut. J’aimerais voir l’Ukraine progressiste et décentralisée.

Y a-t-il autre chose que tu aimerais mentionner ?

Nous attendons des camarades occidentaux non du westplaining et des discussions arrogantes sur la forme dans laquelle cette guerre devrait se terminer. Nous attendons de votre part solidarité et aide. Le peuple ukrainien a le droit de décider lui-même comment et sous quelle forme doit se terminer la guerre dans laquelle il affronte héroïquement un immense empire sans âme.

Nous aimerions tou·te·s ici que les camarades occidentaux cessent de croire aveuglément aux récits de la propagande russe que nos ennemis diffusent, y compris à travers les organisations de gauche et les médias. La prochaine fois que vous déciderez de répéter le mythe sur la junte d’extrême droite à Kiev, regardez le succès électoral des partis d’extrême droite en Ukraine et, par exemple, en Allemagne.

Comment peut-on aider?

Par la diffusion d’informations véridiques sur la situation en Ukraine et l’assistance directe sur le terrain. Le plus simple est de soutenir financièrement les Collectifs de Solidarité. C’est un réseau de bénévoles qui aide les anti-­autoritaires de gauche dans la guerre et les civils touchés par cette guerre.

Propos recueillis par Rébecca Mathieu

Des soldats ukrainiens sur le front

Pour soutenir les Collectifs de Solidarité

https://solidarites.ch/

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23 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

oslo (npa)

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Édouard Soulier Hebdo L’Anticapitaliste – 673 (07/09/2023)
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Palestine : trente ans après Oslo, des accords au bénéfice d’Israël

Les accords d’Oslo avaient été un événement historique. Près de trente ans après, plus personne ne s’en sert pour parler de la situation en Palestine. Il n’est plus question du « processus de paix » ou du « quartet » qui étaient pourtant la norme dans les années 1990 et 2000, tant la situation s’est éloignée des espoirs suscités par ces accords.

Les accords du 13 septembre 1993 signés par l’État israélien et le dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) devaient instaurer une solution durable au « conflit » et permettre la création d’un État palestinien, revendication historique du mouvement de libération nationale. Les accords prévoyaient à terme le transfert progressif des territoires de Cisjordanie sous contrôle d’une autorité palestinienne nouvellement créée.

Ce transfert devait se faire via une répartition en trois zones des territoires de la Cisjordanie : les zones A, B et C pour une période de transition de cinq ans. Ce découpage entérinait une demande israélienne de gestion différenciée de ces zones. En effet, les territoires en zone A (18 % de la superficie totale des territoires) sont essentiellement les grandes villes palestiniennes (sauf Hébron), où se concentre l’essentiel de la population, et sont sous contrôle civil et militaire palestinien. La zone B, environ un quart du territoire, comprend les villages palestiniens et est sous contrôle civil palestinien et militaire israélien. Le reste, 60 % du territoire (zone C), est la seule bande de terre non fragmentée et est entièrement sous contrôle israélien. Elle inclut les colonies israéliennes implantées en Cisjordanie, à Gaza (démantelées depuis 2005) et à Jérusalem-Est, qui se trouve sous contrôle ­militaire israélien.

Pas de véritable autonomie des PalestinienEs

Près de trente ans après, la situation de ces zones temporaires a peu évolué alors que le nombre de colonies (dans la zone C) a explosé : près de 14 000 colons s’installent en moyenne chaque année dans les territoires occupés. On compte 460 000 colons en 2021 contre 110 000 au moment des accords d’Oslo1. Ceux-ci n’ont jamais été un contrat entre deux partenaires égaux. C’est un accord imposé par un occupant à un occupé ayant peu de poids dans la négociation. En outre, les textes étaient flous, ambigus et favorables à Israël. Par exemple, ils ne prévoyaient aucun arrêt de la colonisation de terres qui devaient pourtant être rendues aux PalestinienEs. Israël a donc continué à développer les colonies après la signature des accords2.

Même s’ils avaient été accomplis comme prévu, les accords d’Oslo créaient de fait une Palestine avec 10 % de son territoire historique morcelé entre Gaza et la Cisjordanie avec un « État » sous tutelle permanente sans véritable autonomie des PalestinienEs. Le peuple palestinien aurait continué à être morcelé entre celleux de Cisjordanie, celleux de 1948 et bien entendu les réfugiéEs.

Réorganisation du dispositif d’occupation

Ainsi le processus d’Oslo n’aurait pas permis d’aboutir à une satisfaction des droits nationaux des PalestinienEs. La direction palestinienne s’est retrouvée de fait mise en avant par l’occupant et structurellement intégrée à l’architecture de l’occupation. Depuis le début, ces accords et ce « processus de paix » ont servi de support à une réorganisation du dispositif d’occupation des territoires palestiniens, anticipée de longue date par une partie de la classe dirigeante israélienne.

« L’architecture d’Oslo permet en réalité aux autorités israéliennes de résoudre le paradoxe auquel elles étaient confrontées depuis la guerre de juin 1967, au terme de laquelle l’État d’Israël occupe l’ensemble de la Palestine théoriquement partagée en 1947-1948. […] Le succès militaire crée donc une difficulté politique : Israël abrite désormais en son sein les PalestinienEs de Cisjordanie et de Gaza, qui s’ajoutent aux PalestinienEs de 1948. La prétention de l’État d’Israël à être simultanément un “État juif” et un “État démocratique” est donc sérieusement menacée. »3

C’est sous cet angle qu’il faut comprendre la stratégie israélienne et la dynamique derrière les « zones » : renoncer à la souveraineté sur les zones palestiniennes les plus densément peuplées tout en conservant le contrôle sur la vallée du Jourdain, les rives de la mer Morte et Jérusalem, dont les limites municipales seront étendues. La disposition des colonies, le tracé des routes réservées aux colons et la fragmentation de la Cisjordanie sont une mise en application concrète de cet angle. Ainsi, il ne s’agit pas d’un compromis historique du côté israélien. Les accords d’Oslo sont une adaptation du projet sioniste aux réalités du terrain : l’Intifada de 1987 a exposé au grand jour la situation faite aux PalestinienEs des territoires occupés, contribuant à délégitimer l’État d’Israël et menaçant de déstabiliser le Moyen-Orient.

Non-acceptation de l’État palestinien par Israël

Les accords qui suivent la déclaration d’Oslo se traduisent en avril 1994 par les accords de Paris définissant les rapports économiques entre les zones « sous contrôle » palestinien et l’État d’Israël. De fait, l’économie palestinienne est sous contrôle des Israéliens : limitation des importations, fixation du montant des taxes, etc. En 1995, les accords de Taba, nommés aussi Oslo II, fixent les conditions du transfert de zones occupées aux PalestinienEs (zones A et B) sous l’ultime condition que la nouvelle institution palestinienne assure la sécurité de l’occupant, c’est-à-dire réprime la résistance palestinienne à l’occupation. De la déclaration d’Oslo à aujourd’hui, les multiples « négociations » ou plans de « paix » qui ont suivi – Camp David en 2000, le Quartet 2002, Anapolis 2007 – se sont tous heurtés à la volonté israélienne de ne pas accepter l’existence d’un État palestinien indépendant sur une partie des terres de la Palestine historique sous ce prétexte sécuritaire.

En plus de correspondre aux vues de l’État israélien, Oslo a replacé la colonisation des Palestiniens par Israël dans le cadre d’un conflit symétrique entre États antagonistes. Le moindre acte de violence ayant son « symétrique » d’un côté sans mesurer la disparité criante des victimes, destructions, etc. Oslo a permis de développer une rhétorique d’existence temporaire permanente, car l’autre partie – les PalestinienEs – ne jouaient pas le jeu des accords qui leur étaient défavorables. Le moindre prétexte a servi à réprimer plus durement et à coloniser d’autant plus au nom du « processus de paix ». Les contraintes imposées par Oslo sur Israël étaient toujours dépendantes d’une situation qui devait être évaluée par Israël lui-même, notamment sur la sécurité.

Cette symétrie du conflit – inexistante du point de vue de l’influence politique et militaire – a été utilisée par Israël pour s’assurer d’une neutralité bienveillante à la fois politique et médiatique.

Israël, État d’apartheid

Depuis une dizaine d’années, aucun acteur sérieux ne reparle du processus de paix ni ne met en avant la feuille de route issue des accords d’Oslo. Il s’agit plutôt de ce point de vue d’une inversion complète : la communauté internationale continue d’alimenter la mascarade de la symétrie entre deux camps alors que l’État israélien se radicalise de plus de plus.

« En 2018, le Parlement israélien vote une nouvelle loi fondamentale, intitulée “Israël en tant qu’État-­nation du peuple juif”, dont l’article 1 précise : “L’exercice du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservé au peuple juif”, un droit refusé donc aux Palestiniens ; un autre article stipule que “l’État considère le développement de la colonisation juive comme un objectif national et agira en vue d’encourager et de promouvoir ses initiatives et son renforcement” – ce qui signifie le droit de confisquer des terres, appartenant à des Palestiniens. Ce texte vient surtout normaliser une pratique qui depuis des décennies fait d’Israël un État d’Apartheid. En 2021, l’organisation israélienne B’Tselem concluait à l’existence d’“un régime de suprématie juive entre le fleuve Jourdain et la Méditerranée”. Elle sera suivie par deux grandes organisations non gouvernementales (ONG) internationales, Human Rights Watch et Amnesty International. »4

Pourtant, malgré le soutien de fait des USA et de l’Europe, l’image d’Israël est toujours plus écornée : la résistance acharnée des PalestinienEs a permis que leur situation soit toujours discutée à l’international et que des actions régulières aient lieu au niveau des Nations unies et d’autres groupes de travail lié à l’organisation onusienne et ce malgré le véto américain systématique.

Via la campagne de solidarité BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) propulsée par la société civile palestinienne, l’image de normalité d’Israël est battue en brèche et, même si elles sont peu nombreuses, les victoires symboliques de boycott et de désinvestissement ont porté leurs fruits et amené le débat sur la lutte des PalestinienEs et l’injustice qu’ils et elles vivent au quotidien en Palestine occupée. La fascisation de la société israélienne et les résistances qu’elle suscite dans la société civile israélienne ne doivent pas masquer l’étendue de la colonisation et le sort des PalestinienEs sous occupation.

Trente ans après, les espoirs suscités par les accords d’Oslo ont été démentis. Ils montrent la voie de ce qu’il ne faut pas faire. Il ne peut pas y avoir de « processus de paix » sous occupation et sous ­colonisation.

https://lanticapitaliste.org/

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23 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

george abdallah (npa)

 

george abdallah (npa) dans A gauche du PS f1ksnwxx0ae3rb2
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Lannemezan – Manifestation pour la libération de George Abdallah

Manifestation annuelle pour la libération de Georges Abdallah devant les portes de la prison où il est détenu à Lannemezan à l’appel de nombreux comités de soutien, associations, syndicats et partis politiques.

Autour de sa porte-parole Pauline Salingue, le NPA y sera présent.

Rendez-vous samedi 21 octobre 2023 devant la gare de Lannemezan (65) à 14H.

Georges Abdallah est un militant communiste libanais et combattant de la cause palestinienne emprisonné en France depuis 1984 et libérable depuis 1999. Devenu le plus ancien prisonnier politique d’Europe, ll entamera une 40e année de détention le 24 octobre prochain. En juin dernier, son avocat a déposé une neuvième demande de libération conditionnelle expulsion afin qu’il puisse retourner vivre libre dans son pays, le Liban. Plus que jamais, développons la mobilisation pour sa libération !

https://nouveaupartianticapitaliste.org/

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19 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

inde (presse gauche)

indes

Inde a-t-elle vraiment gagné son indépendance par la non-violence ?

Il y a deux ans, la Birmanie (Myanmar) a connu un immense mouvement non violent de désobéissance civique en réponse à un putsch militaire. Il a cependant été ultimement contraint à s’engager dans à l’autodéfense armée face à une répression sans merci. En a-t-il été différemment en Inde ? L’indépendance, la libération du joug colonial britannique en 1947 a-t-elle été effectivement gagnée grâce au mouvement de désobéissance civile incarné par Gandhi ? Nous avons posé cette question à Sushovan Dhar.

La Birmanie a vécu, à partir de février 2021, ce qui fut peut-être le plus profond et le plus ample mouvement de désobéissance civique non violente de l’histoire moderne et contemporaine, en réponse à la volonté de l’armée de s’assurer le monopole du pouvoir politico-étatique qu’elle partageait avec la Ligue nationale pour la démocratie. Le lendemain même du putsch, la grande majorité de la population a refusé de collaborer avec la junte. Si elle avait reçu à ce moment-là le soutien international qu’elle méritait, le coup de force militaire aurait probablement avorté. Ce ne fut pas le cas.

Grâce à ce répit, la junte a pu progressivement reprendre l’initiative, engageant une répression féroce qui aurait, à ce jour, couté la vie à plus de 4.000 civils. Dans la plaine centrale, le mouvement populaire a été contraint de s’engager dans la résistance armée (ce qui était déjà le cas dans les Etats ethniques de la périphérie montagnarde), face à un pouvoir sans merci. Le mouvement de désobéissance civique n’a pas été vain. Le caractère illégitime du pouvoir militaire est apparu avec éclat, interdisant une normalisation rapide du régime dans l’arène diplomatique. Des liens se sont tissés entre toutes les régions de la plaine centrale et bien des Etats ethniques. La résistance a pu s’inscrire dans la durée. Cependant, l’action de masse non violente n’a pas suffi a forcer l’armée à renoncer à poursuivre une politique de terreur à l’encontre de la population [1].

En a-t-il été différemment en Inde ? Nous avons posé cette question à Sushovan Dhar, activiste politique et syndicaliste.

Pierre Rousset – L’indépendance, la libération du joug colonial britannique en 1947 a-t-elle été effectivement gagnée grâce au mouvement de désobéissance civile incarné par Gandhi ?

Sushovan Dhar - En ce qui concerne le mouvement de libération de l’Inde et la non-violence de Gandhi, c’est une version exagérée et aseptisée de l’histoire indienne qui a été présentée par le parti du Congrès et les historiens libéraux, en particulier après l’indépendance.

En fait, les groupes de lutte armée étaient très puissants et ont apporté une contribution majeure à la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Le mouvement était particulièrement fort au Bengale, au Bihar, en Uttar Pradesh (appelé à l’époque Province unie) et au Pendjab. En outre, il y a eu une série de mouvements de masse armés menés par la gauche : Telangana, Tebhaga et bien d’autres révoltes dans différentes régions de l’Inde. Bhagat Singh et ses camarades de l’Association républicaine socialiste de l’Hindoustan ont également joué un rôle majeur.

Même à la veille de l’indépendance, la célèbre mutinerie navale a secoué le pays en 1946. Il ne faut pas non plus oublier le rôle joué par l’armée nationale indienne dirigée par Subhash Chandra Bose.

Un certain nombre de mouvements ouvriers et paysans étaient également intégrés au Congrès. Il serait donc erroné de penser que le Congrès ne représentait que la tradition de la non-violence.

En fait, Gandhi n’est entré en scène qu’en 1920 avec son mouvement de non-coopération. Il s’agissait d’une tentative infructueuse pour inciter le gouvernement britannique de l’Inde à accorder l’autonomie, ou swaraj, à l’Inde. Cependant, l’échec de ce mouvement a conduit à la perte de contrôle de Gandhi sur le Congrès. En effet, les factions socialistes du parti, qui comprenaient des sections n’adhérant pas totalement à la non-violence de Gandhi, prirent le contrôle du parti. La même chose s’est répétée en 1934, lorsque Gandhi a renoncé à sa désobéissance civile. Si nous analysons l’histoire de la lutte pour la liberté en Inde, nous constatons que, jusqu’en 1942, le mouvement de non-violence de Gandhi n’était pas au premier plan de la lutte pour la liberté. La politique de Gandhi se limitait à des actes individuels (satyagraha).

On ne peut pas non plus qualifier le mouvement Quit India de 1942 de mouvement totalement non violent. Si tel avait été le cas, la pression aurait été très faible sur le gouvernement impérial. De nombreux groupes de pression se sont joints au mouvement. N’oublions pas que les principaux dirigeants du Congrès étaient tous en prison lorsque le mouvement Quit India a été lancé. Les dirigeants intermédiaires du parti qui ont joué un rôle de premier plan dans ce mouvement ont ensuite rejoint le parti socialiste et n’étaient pas attachés à l’idée de non-violence au sens gandhien du terme.

Le mouvement communiste indien était important. Il ne semble pourtant pas avoir joué un rôle prépondérant en 1946-1947 ?

L’importance du mouvement communiste indien apparaît au fil de procès intentés par la puissance coloniale. Dès les années 1920, les communistes ont été jugés dans une série d’affaires de conspiration :

• Les affaires de conspiration de Peshawar (1922-1927) : Ces procès ont été intentés en cinq phases par le gouvernement britannique contre 40 à 50 muhajirs, qui avaient formé le PCI en 1920 à Tachkent. Tachkent faisait partie de l’Union soviétique et ces dirigeants y ont reçu une formation politique et militaire, ainsi qu’à l’université communiste des travailleurs de l’Est à Moscou. Les muhajirs [convertis à l’islam] étaient principalement des khilafatis [Soldats du califat ] qui avaient l’intention de se rendre en Turquie pour combattre les Britanniques, mais ils ont rencontré MN Roy à Tachkent et ont jeté avec lui les bases du premier parti communiste indien. Ils ont été inculpés en vertu de la section 121-A (peine pour conspiration en vue de mener une guerre contre le gouvernement de l’Inde) et accusés de fomenter « une révolution prolétarienne contre les oppresseurs impérialistes britanniques afin de restaurer la liberté des masses ».

• L’affaire de la conspiration communiste (bolchevique) de Kanpur (1924-25) : Cette affaire a été lancée contre des dirigeants communistes – dont beaucoup étaient issus du groupe de Tachkent et d’autres étaient des militants paysans et ouvriers de différentes régions de l’Inde – tels que Shaukat Usamni, Muzaffar Ahmed, SA Dange, MN Roy, Muzaffar Ahmad, Singaravelu Chettiar, Ghulam Hussain et d’autres encore.

Selon le gouvernement britannique, ces dirigeants travaillaient « à priver le roi empereur de sa souveraineté sur l’Inde britannique, en séparant complètement l’Inde de la Grande-Bretagne impérialiste par une révolution violente » et ils ont été condamnés au titre de l’article 121-A.

• L’affaire de la conspiration de Meerut (1929-1933) : Il s’agit du procès le plus important qui a établi que le parti communiste indien était un parti de la paysannerie et de la classe ouvrière. Plusieurs dirigeants syndicaux de toute l’Inde ont été arrêtés avec trois Anglais associés à l’Internationale communiste et jugés pour avoir organisé une grève parmi les travailleurs des chemins de fer indiens et de l’industrie textile. Il s’agit de Shaukat Usmani, SA Dange, Muzzafar Ahmed, Sohan Singh Josh, PC Joshi et Philip Spratt, entre autres. Ils ont été condamnés au titre de l’article 121-A. Les procès de Meerut ont suivi une vague d’activités syndicales, d’organisations et de grèves dans les principaux centres industriels de l’Inde à la fin des années 1920, à la suite de la Grande Dépression.

Assez honteusement cependant, le Parti communiste indien n’a pas participé au mouvement Quit India de 1942 !

Cet effacement du PCI a eu des conséquences ?

Il a laissé les masses aux mains du parti du Congrès. Cela s’est traduit par un transfert de pouvoir et non par une révolution sociale… Elle a abouti à l’indépendance de la bourgeoisie nationale et non des masses laborieuses, qui ont joué un rôle majeur dans la lutte pour l’indépendance. Elle s’est faite au prix de luttes populaires menées dans différentes parties du pays pendant près d’un siècle.

Il y a eu des chances de créer des gouvernements autonomes locaux dans différentes parties du pays (par exemple, le gouvernement indépendant de Tamralipta au Bengale), mais l’absence d’une force de soutien forte – la direction – a laissé ces soulèvements populaires accepter le dicton de Gandhi et se rendre.

Néanmoins, n’oublions pas que les organisations populaires de gauche, à savoir les syndicats, ont joué un rôle majeur dans le mouvement Quit India. Les forces de gauche issues de traditions non PC (RSP, RCPI, BLPI et autres) ont participé au mouvement avec toute la vigueur voulue.

Par conséquent, 1942 n’était ni un mouvement non violent ni un mouvement dirigé par Gandhi. Cependant, la bourgeoisie nationale, qui a soutenu Gandhi pendant tout ce temps, est malheureusement apparue comme la seule victorieuse et a joué un rôle majeur dans l’Inde post-indépendante et a façonné le cours de l’histoire indienne, où les structures fondamentales d’exploitation et d’oppression (caste, sexe, etc.) sont restées intactes même après la fin de la domination coloniale. L’expérience indienne est devenue un modèle pour la bourgeoisie du tiers-monde qui s’est imposée comme la principale force dans la plupart des régions du monde décolonisé.

Il faut ajouter que le fait de poser les questions de la violence et de la non-violence comme des oppositions binaires contribue à élever les questions méthodologiques ou tactiques au-dessus du contenu politique de la lutte. Ce n’est pas seulement le cas de la politique gandhienne, mais aussi de son pendant, les mouvements armés marxistes, maoïstes ou autres mouvements de guérilla dans de nombreuses régions du monde. Nous avons été maintes fois témoins de l’échec de ces politiques.

mardi 19 septembre 2023 / par : Sushovan Dhar

https://www.pressegauche.org/

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17 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

ukraine ( à l’encontre)

ukraine ( à l'encontre) dans Anticolonialisme UkraineSolidarit

Par Laurent Vogel

«Rendre l’Ukraine plus proche»

Le 24 août a constitué un double anniversaire pour l’Ukraine: 32 ans de la proclamation de l’indépendance et 18 mois de l’invasion à grande échelle par l’armée russe. Ces dix-huit mois ont déjà laissé un bilan tragique pour le peuple ukrainien: des dizaines de milliers de morts tant parmi les forces combattantes que dans la population civile, des centaines de milliers d’invalides, près de huit millions de réfugiés à l’étranger et plus de trois millions et demi de personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine, 700 000 enfants ont été déplacés en Russie, une partie d’entre eux sont séparés de leur famille et placés dans des familles d’accueil ou des institutions afin de les «russifier». Les dégâts causés à l’environnement sont énormes. Les dizaines de milliers de kilomètres carrés qui ont été minés représenteront un danger pour une très longue période.

Ces dix-huit mois ont aussi montré la résistance massive de la population ukrainienne. L’échec de la guerre éclair planifiée par la Russie pour une durée de quelques semaines a été suivi, du printemps à l’automne 2022, par des contre-offensives victorieuses qui ont libéré une partie des territoires occupés dans les régions de Kyiv, de Karkhiv et Kherson. Depuis le début de cette année, les lignes du front ont peu bougé. Les mercenaires de Wagner se sont emparés de Bakhmut au prix de pertes immenses.

La contre-offensive ukrainienne lancée en juin 2023 a pu franchir la première ligne de défense russe dans un secteur du Sud. On enregistre une poussée russe dans le Nord-Est. Sans entrer dans les détails d’une analyse militaire sur les forces en présence, la guerre va se poursuivre en 2024 et peut-être au-delà.

Cette perspective d’un conflit de longue durée exige que nous nous interrogions sur la solidarité. En février-mars 2022, lorsque les premières initiatives de solidarité populaire avec l’Ukraine sont apparues, la question de la durée était peu présente. Il fallait agir dans l’urgence, nouer des contacts avec les mouvements progressistes en Ukraine, envoyer de l’aide sur le terrain, contrecarrer la désinformation massive sur les réseaux sociaux, mener un combat à l’intérieur de la gauche contre les courants qui nient ou minimisent le danger de l’impérialisme russe et tendent à renvoyer dos à dos l’agresseur et l’agressé.

Ce travail a été entamé avec de faibles moyens et une intensité variable suivant les pays. Des résultats ont été obtenus même s’ils restent modestes par rapport aux besoins de la résistance populaire ukrainienne. Pour une partie de la population, l’appui militaire des Etats européens et des Etats-Unis crée l’impression que la solidarité «du bas vers le bas» n’a qu’une portée limitée, que le facteur décisif dépend de «ceux d’en haut», de leur disposition à fournir des équipements militaires efficaces en quantité suffisante.

S’il est clair que la fourniture d’équipements militaires est un facteur important, sans lequel les pertes humaines en Ukraine seraient beaucoup plus lourdes, cela ne doit pas occulter qu’un des ressorts essentiels de la résistance ukrainienne se trouve dans la multitude d’initiatives indépendantes de l’Etat qui permettent à la population de tenir et de soutenir efficacement les forces combattantes au quotidien.

Ces initiatives émanent de collectifs qui se sont formés dès les premiers jours de la guerre massive. S’appuyant sur l’expérience des huit années antérieures de guerre de «basse intensité» au Donbass, cette résistance massive, spontanée de l’arrière supplée les carences, le mauvais fonctionnement et la corruption de l’Etat central. Elle est vitale pour que l’ensemble de la société puisse tenir dans les conditions d’une guerre où l’armée russe considère comme cible militaire tout ce qui permet la survie de la population.

L’hiver passé, alors que les conditions climatiques ralentissaient les opérations militaires, la plus grande bataille gagnée par la résistance populaire ukrainienne a été la survie et la poursuite des activités indispensables face aux bombardements massifs de l’armée russe contre les infrastructures essentielles (électricité, eau potable, chauffage collectif).

Si la production d’électricité, les chemins de fer, les hôpitaux, les écoles ont continué à fonctionner, c’est en grande partie grâce à l’auto-organisation de collectifs de travail qui réinventent l’organisation de leur activité malgré les bombardements, les pannes d’électricité, le sous-financement des services publics.

Cette résistance populaire se situe en permanence sur deux fronts

Le premier front est la lutte pour chasser l’occupant. L’expérience du Donbass et de la Crimée depuis 2014, celle des autres territoires occupés depuis 2022 démontre que l’occupation russe ne se limite pas à l’expansion territoriale. Elle s’attaque à tous les droits fondamentaux, détruit les organisations indépendantes de la société civile, supprime les droits sociaux et syndicaux, place l’ensemble de la population sous la terreur de potentats locaux mafieux, s’attaquent aux femmes placées sous la menace permanente des violences sexuelles des forces d’occupation et de leurs mercenaires, elle rend la vie impossible aux personnes LGBT qui, par leur seule existence, sont assimilées à des «agents de l’Occident global» contre la tradition et la famille.

Le deuxième front est celui de l’intérieur. En Ukraine, les classes dominantes tentent d’utiliser le contexte de la guerre et la loi martiale pour remettre en cause des droits sociaux et syndicaux, pour limiter la liberté de la presse, pour restreindre les activités des syndicats, pour remettre en cause la défense de l’environnement. Si l’occupation russe tend à détruire la société ukrainienne en tant que telle, la droite ultra-libérale ukrainienne veut la «normaliser» en fonction de ses intérêts, des pressions des bailleurs de fonds internationaux et de sa conception d’un Etat national. Au sein du gouvernement et de la Rada (parlement), les forces néolibérales radicales semblent l’emporter actuellement par rapport aux pragmatiques prêts à faire des concessions aux intérêts populaires dans la continuité de ce qui s’était passé entre Maïdan et l’invasion massive de février 2022.

La récente conférence organisée à Londres les 21 et 22 juin 2023 sous la coprésidence des gouvernements britannique et ukrainien reflète cette alliance entre les classes dominantes ukrainiennes et les gouvernements occidentaux qui veulent déjà imposer un agenda néolibéral pour l’après-guerre. Dans cette vision, les masses populaires ont à se mobiliser et supporter l’immense coût humain du conflit mais elles n’ont pas à déterminer ce que sera la société ukrainienne de demain. Face à la conférence officielle, Sotsialny Rukh (Mouvement social), différentes délégations de la société civile ukrainienne et des députés travaillistes solidaires de l’Ukraine depuis le début du conflit ont organisé une contre-conférence pour réaffirmer les priorités sociales, environnementales, féministes et démocratiques pour l’Ukraine de demain.

Dans la perspective d’une guerre plus longue que ce que l’on pouvait prévoir en février 2022, nous devons réfléchir aux moyens de mettre la solidarité internationaliste «du bas vers le bas» à l’ordre du jour des grandes organisations syndicales, féministes, environnementalistes et LGBT. A montrer que la guerre en Ukraine et ses multiples enjeux ne sont pas un simple objet lointain de solidarité. Ils sont nôtres, ils interrogent nos propres sociétés. Combattre l’impérialisme russe, c’est aussi combattre la dépendance à l’égard des énergies fossiles. Adopter des sanctions efficaces, c’est aussi se battre pour la levée du secret bancaire et pour la transparence des chaînes de production.

En 1967, un collectif de cinéastes réalisait un film, Loin du Vietnam. L’objectif était de montrer qu’une guerre qui se déroulait très loin de l’Europe du point de vue géographique soulevait néanmoins des questions politiques sur nos propres sociétés, qu’il n’y avait pas seulement une lutte lointaine à soutenir pour des principes moraux ou politiques mais aussi une lutte qui pouvait influencer nos propres situations, nos propres vies. L’Ukraine est beaucoup plus proche géographiquement que le Vietnam, il n’y a guère de difficulté à s’y rendre ou à nouer des contacts directs avec les mouvements populaires sur place, à jumeler des collectifs en Europe et en Ukraine.

Même avec les forces limitées qui sont les nôtres, nous pouvons rapprocher le double front ukrainien du quotidien des luttes en Europe. Construire une solidarité de peuple à peuple est la meilleure manière de contribuer à une victoire sur l’impérialisme russe et aux aspirations progressistes de la société ukrainienne.

(Texte d’introduction au numéro 23, 5 septembre 2023, de «Soutien à l’Ukraine résistante» – Brigades éditoriales de solidarité)

Laurent Vogel est chercheur en santé au travail, membre du comité belge du Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine.

17 septembre 2023

https://alencontre.org/

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