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19 février 2025 ~ 0 Commentaire

Guerre et Paix

 

Guerre et Paix dans Altermondialisme

Paix entre néofascistes et guerre contre les peuples opprimés

19 février 2025 par Gilbert Achcar

Que Washington et Moscou aient choisi le royaume saoudien comme lieu de réunion entre leurs délégations pour discuter des perspectives de la guerre qui se déroule en Ukraine depuis que les forces russes ont envahi ce pays il y a trois ans, est une illustration claire des profonds changements qui se produisent sous nos yeux dans les affaires internationales.

La manière même dont la réunion a été organisée est tout à fait cohérente avec le lieu : l’administration néofasciste de Donald Trump n’a pas cherché à promouvoir la paix entre les parties belligérantes dans le cadre du droit international et des Nations unies, comme la Chine n’a cessé d’y appeler depuis le début du conflit, mais cherche plutôt à conclure un accord direct avec le régime également néofasciste de Vladimir Poutine aux dépens du peuple ukrainien. Il est donc tout à fait naturel que les deux parties n’aient pas choisi une arène neutre et conforme au droit international, comme les Nations Unies, mais une arène conforme à leur nature, même si son régime despotique est de type traditionnel.

Ce qui rend la scène encore plus hideuse, c’est que les États-Unis sont un partenaire à part entière dans la guerre génocidaire menée contre le peuple palestinien à Gaza, qui se déplace actuellement en partie vers la Cisjordanie.

L’administration Trump s’est même empressée d’annuler les mesures limitées que l’administration précédente avait prises pour parer au blâme, en particulier le gel de l’exportation de bombes d’une tonne qui ont grandement contribué à la destruction de la bande de Gaza et à l’extermination de sa population, ainsi qu’à la guerre d’élimination qu’Israël a menée contre le Hezbollah au Liban.

Au contraire, comme prévu, excepté par ceux qui ont tenté d’échapper à l’amère réalité en projetant leurs désirs sur elle (voir « Deux mythes sur le cessez-le-feu à Gaza », 22 janvier 2025), la nouvelle administration a surpassé la précédente dans la surenchère sioniste avec l’appel de Trump à déporter sans retour les résidents de la bande de Gaza, c’est-à-dire à mettre en œuvre ce que le droit international appelle « nettoyage ethnique » – un crime contre l’humanité.

L’axe néofasciste sioniste-américain converge avec la Russie de Poutine dans la haine raciale des peuples opprimés. Moscou a excellé dans ce domaine, non seulement par son agression coloniale contre l’Ukraine, répudiant sa souveraineté nationale, mais aussi dans la région arabe, où elle a joué un rôle clé dans la destruction de la Syrie et l’extermination d’un grand nombre de ses habitants, tout en étant ouvertement complice de l’État sioniste en lui permettant de bombarder à volonté les sites iraniens en Syrie (dans le cadre de la rivalité entre les influences russes et iraniennes dans ce pays).

Le ministre russe des affaires étrangères a même comparé la guerre de Moscou contre l’Ukraine à la guerre d’Israël contre Gaza, assimilant la description poutiniste des dirigeants ukrainiens comme nazis à la description sioniste du Hamas comme nazis. Notons également que la réaction de Moscou au projet criminel d’expulsion énoncé par Trump a été modérée, même par rapport à la condamnation explicite émise par certains des alliés traditionnels de Washington, comme la France.

Voici maintenant les Américains impliqués dans le meurtre de centaines de milliers de Gazaouis qui rencontrent les Russes impliqués dans le meurtre de centaines de milliers de Syriens, les deux parties partageant avec l’État sioniste un mépris commun pour les droits territoriaux des peuples. Ils se rencontrent sur le territoire d’un État arabe qui, s’il se préoccupait vraiment du sort des peuples syrien et palestinien, aurait dû être si hostile aux deux parties qu’il ne leur serait même pas venu à l’idée de lui demander d’accueillir leur réunion.

Ce à quoi nous assistons en réalité n’est rien de moins qu’une refonte de la carte politique du monde, passant de la confrontation de la Guerre froide entre un bloc occidental qui prétendait défendre les valeurs de la démocratie libérale (et les a constamment trahies) et un bloc de l’Est dans lequel prévalaient des régimes dictatoriaux – de cette confrontation à la dissolution du système occidental, après le système oriental, par suite de la crise mortelle qui a frappé la démocratie libérale et de la montée mondiale du néofascisme (voir « L’ère du néofascisme et ses particularités », 5 février 2025).

L’ère de la Nouvelle Guerre froide, qui a suivi l’effondrement de l’Union soviétique et la dissolution de son bloc, a constitué la transition en combinant loi de la jungle et néolibéralisme effréné. Washington a joué le rôle principal dans la prédominance de ces deux caractéristiques sur le droit international et le développement fondé sur l’État social et la protection de l’environnement.

Nous assistons aujourd’hui à une convergence entre néofascistes aux dépens des peuples opprimés, car le nouveau fascisme, comme l’ancien, nie ouvertement le droit des peuples à l’autodétermination. Les gouvernements libéraux restants en Europe sont stupéfaits, après avoir compté pendant huit décennies sur la protection américaine du système occidental sans oser former un pôle mondial indépendant de Washington, non seulement militairement, mais principalement dans le domaine de la politique étrangère.

Le résultat est que les peuples opprimés du monde ne sont plus en mesure de profiter de la divergence entre grandes puissances qui existait dans le passé, mais doivent maintenant mener leurs luttes de résistance et de libération dans des conditions plus difficiles que jamais. Le cas de la Palestine en est la preuve la plus évidente.

Traduit de ma tribune hebdomadaire dans le quotidien de langue arabe, Al-Quds al-Arabi, basé à Londres. Cet article est d’abord paru en ligne le 18 février. Vous pouvez librement le reproduire en indiquant la source avec le lien correspondant.

https://inprecor.fr/

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19 février 2025 ~ 0 Commentaire

Ukraine

 

Ukraine dans Altermondialisme

La dette de l’Ukraine : un instrument de pression et de spoliation aux mains des créanciers

Dans cet article, Eric Toussaint se concentre sur la dette ukrainienne depuis les années 1990 et en particulier dans la période qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022. Plusieurs questions trouvent des réponses dans ce texte.

Qui sont les créanciers de l’Ukraine ? Quelle est leur importance ? Que réclament-ils en échange de leurs prêts ? Quel rôle joue l’Union européenne ? Pourquoi l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne va à l’encontre des intérêts du peuple ukrainien ? Que se passe-t-il avec les avoirs russes gelés ? Pourquoi annuler la dette de l’Ukraine ? Pourquoi V. Zelenski ne veut pas d’annulation ? Quelles sont les alternatives à l’endettement actuel ?

Différentes questions ne sont pas traitées par manque d’espace : l’étape dans laquelle ce conflit se trouve, les livraisons d’armes, les débats dans la gauche…

***

Comment a évolué la dette ukrainienne depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022 ?

La dette publique interne et externe ukrainienne a augmenté de 60 % entre début 2022 et fin novembre 2024. Elle s’élevait à un peu moins de 100 milliards de dollars avant l’invasion et a atteint près de 160 milliards fin 2024, dont 45 milliards de dette publique interne1. Les créanciers auprès desquels l’endettement ukrainien a le plus augmenté sont dans l’ordre : l’Union européenne, la Banque mondiale et le FMI.

La montagne de dettes accumulée en 2 ans auprès de l’Union européenne

La dette de l’Ukraine auprès de l’Union européenne a été multipliée par plus de 8. Elle est passée de 5 milliards début 2022 à 43 milliards de dollars US. Et si on y ajoute la dette de l’Ukraine à l’égard de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), cela fait 47 milliards.

C’est un premier point à souligner : l’aide financière de l’Union européenne se fait sous forme de prêts et pas sous formes de dons. En conséquence, l’UE accumule des créances qui ne cessent d’augmenter : cela lui donne un important pouvoir de pression sur les autorités de Kiev. La politique de crédit de l’UE est perverse : les remboursements ne commenceront pas avant plusieurs années. En échange des crédits, l’UE exige de l’Ukraine qu’elle adapte sa législation aux exigences des traités européens qui tous favorisent le secteur privé, l’ouverture des marchés publics à la concurrence privée… Les grandes entreprises privées européennes convoitent les bénéfices qu’elles pourront tirer d’une intégration de l’Ukraine dans le grand marché européen alors qu’elle sera dans une situation de grande faiblesse et qu’il y aura de très importants contrats pour la reconstruction.

Encadré 1 : La dette de l’Ukraine avant l’invasion russe

Lorsque l’Ukraine est devenue indépendante après la dissolution de l’Union soviétique, elle n’avait pas de dette. C’est surtout à partir de 1994 que l’Ukraine a commencé à s’endetter, notamment auprès du FMI et de la Banque mondiale. Au cours des 30 dernières années l’Ukraine a signé 14 accords de prêts avec le FMI. A chaque accord, le FMI a exigé l’approfondissement des politiques néolibérales qui ont eu des effets néfastes sur les conditions de vie de la population avec une dégradation des services publics, des privatisations, une réduction des salaires réels et des aides sociales… L’Ukraine, comme d’autres pays de l’Europe de l’Est, s’est vue appliquer une succession de thérapies de choc qui ont été mises à profit par les oligarques locaux et les entreprises étrangères pour s’enrichir. La corruption a pris des proportions très graves.

Dans le cas de l’Ukraine, on peut facilement identifier le rôle joué par les crédits du FMI et de la BM vu que l’Ukraine n’avait pas de dette extérieure avant leur entrée en jeu. De 1994 à 1999, afin de convaincre les autorités ukrainiennes de réaliser la politique voulue par le duo FMI – Banque mondiale, les deux institutions ont octroyé des crédits importants en reportant le début des remboursements qui n’ont véritablement représenté un poids pour le budget de l’État qu’à partir de 2000. Par contre, à partir de ce moment, l’Ukraine a dû consentir un très gros effort de remboursement. Entre 2000 et 2007, l’Ukraine a remboursé 4 milliards de dollars tandis qu’elle ne recevait que 700 millions en nouveaux crédits. Après l’éclatement de la grande crise financière de l’Atlantique Nord en 2007-2008 et ses conséquences dépressives sur l’économie mondiale, l’Ukraine a reçu une volée de nouveaux crédits jusque 2011. A nouveau les remboursements étaient reportés. Entre 2008 et 2010, elle a reçu 14,3 milliards de nouveaux crédits de la part du FMI et n’a remboursé que 800 millions. Mais à partir de 2011, le FMI et la BM ont exigé d’énormes remboursements (10 milliards de remboursement en 3 ans entre 2011 et 2013). Afin de pouvoir effectuer les paiements demandés, les autorités ont réduit un peu plus les dépenses sociales, elles ont emprunté également à la Russie et cela a provoqué un grand mécontentement social alimentant les différents facteurs qui ont provoqué les grandes protestations populaires sur la place Maidan à Kiev en février 2014. Les protestations ont abouti au renversement de Viktor Ianoukovytch, un président pro-russe. Le conflit s’envenime ensuite entre l’Ukraine et la Russie de Poutine qui en mars 2014 annexe la Crimée. Après cela, le FMI et la BM octroient de nouveau d’importants montants aux nouveaux gouvernants pro-occidentaux en place à la tête de l’Ukraine et une nouvelle dose de privatisations est effectuée. A partir de fin 2015, l’Ukraine arrête le remboursement de sa dette à l’égard de la Russie (voir ce que j’ai écrit là-dessus en 2022 https://www.cadtm.org/Pourquoi-annuler-la-dette-de-l-Ukraine ). Le FMI prête 11 milliards en 2 ans, la dette de l’Ukraine à son égard est multipliée par 2. Cela augmente à nouveau la capacité de pression de ce créancier sur les autorités de Kiev qui doivent faire de gros efforts de remboursement entre 2017 et 2021.

Pour en savoir plus sur l’action du FMI en Ukraine avant l’invasion russe : lire les articles de Jérôme Duval sur le site du CADTM :

Le FMI activement présent en Ukraine depuis 1994 ne veut pas entendre parler de hausse de salaire publié le 5 avril 2014– Après avoir bloqué son programme en novembre 2009 suite à la décision du gouvernement d’augmenter le salaire minimum, le FMI revient à la charge et impulse la réforme des retraites publié le 11 avril 2014

Le FMI ou l’asphyxie du choix unique publié le 23 avril 2014

La réforme sur la répartition des droits de vote du FMI est à nouveau bloquée par son actionnaire majoritaire publié le 20 mai 2014

Ukraine : le FMI passe en force au Parlement publié le 2 juin 2014

L’Ukraine sous ingérence du FMI sombre dans la récession publié le 23 novembre 2015

L’Ukraine aux mains d’oligarques et financiers publié le 24 novembre 2015

À part l’Union européenne, quelles sont les autres créanciers ?

La dette de l’Ukraine à l’égard de la Banque mondiale a plus que triplé en passant de 6,2 milliards à 20 milliards de dollars US.

La dette de l’Ukraine à l’égard du FMI entre début 2022 et fin novembre 2024 est passée de 14 à 17,6 milliards de dollars US. Il est important que souligner que tant le FMI que la Banque mondiale se font rembourser malgré la guerre. Le FMI prélève qui plus est des taux d’intérêt abusifs pouvant atteindre jusqu’à 8 %. L’Ukraine a remboursé 2,4 milliards de dollars au FMI en 2022, 3,4 milliards de dollars en 2023 et 3,1 milliards en 2024. Donc près de 9 milliards de remboursement perçus sur le dos des ukrainien·nes par le FMI en trois ans de guerre !

On pourrait y ajouter le Canada à l’égard duquel l’Ukraine n’avait aucune dette avant 2022, alors qu’elle s’élevait à la fin 2024 à 5,25 milliards de dollars US.

La dette à l’égard des États-Unis est nulle car Washington préfère faire des dons à l’Ukraine que de lui prêter de l’argent. Néanmoins, du fait que Washington domine la politique du FMI et de la Banque mondiale, les États-Unis sont en mesure d’exercer les pressions qu’ils souhaitent. De toute façon l’Ukraine est tellement dépendante des armes venant des États-Unis que Washington est en mesure d’infléchir la politique du gouvernement de Zelenski dans le sens qu’elle désire.

La dette à l’égard de la Russie est en suspension de paiement depuis 2015, elle n’a pas évolué et s’élève à 0,6 milliard de dollars US.

Les dettes publiques externes de l’Ukraine dues aux créanciers privés

La dette de l’Ukraine due aux marchés financiers sous forme de titres souverains acquis par des fonds d’investissement comme BlackRock ou des grandes banques a un peu diminué passant de 20 milliards à 18,2 milliards de dollars US. Le stock a donc été un peu réduit mais la position des créanciers a été consolidée grâce à la restructuration de la dette intervenue au deuxième semestre 2024.

Les créanciers privés ont accepté d’échanger les anciens titres qui étaient, depuis juillet 2022, en suspension de paiement contre des nouveaux qui sont d’une valeur inférieure mais qui produiront des taux d’intérêt juteux, car plus élevés que les anciens. Au final, les créanciers privés sortent gagnants de la négociation car avant celle-ci les titres ukrainiens avaient perdu 70 % de leur valeur. Ils se revendaient sur le marché secondaire de la dette à 30 % de leur valeur initiale.

La dette publique externe ukrainienne s’élève à près de 115 milliards de dollars

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine en février 2022 la dette publique externe a plus que doublé passant de 56 milliards de dollars à 115 milliards de dollars.

La dette publique externe ukrainienne qui s’élève à un peu plus de 115 milliards de dollars se répartit de la manière suivante : un peu moins de 50 milliards dus à l’UE, 20 milliards dus à la Banque mondiale, 18 milliards dus au FMI, 5,2 milliards dus au Canada, 1 milliard dû au Japon, 20 milliards dus à des créanciers privés sur les marchés financiers.

En pourcentage : en ce qui concerne la dette publique externe ukrainienne, l’UE pèse 44%, la Banque mondiale et le FMI représentent ensemble environ 33%, le Canada et le Japon respectivement 4 et 1%, les créanciers privés étrangers (qui détiennent principalement des titres souverains ukrainiens restructurés en septembre 2024) environ 18 %.

L’Union européenne, la Banque mondiale et le FMI sont les principaux créanciers, quelle en est la conséquence ?

Le gouvernement ukrainien a accepté en échange des crédits octroyés par l’Union européenne, le FMI et la Banque mondiale, 325 conditionnalités et recommandations. Comme l’indique le ministère des finances de l’Ukraine sur son site, les 325 conditionnalités et recommandations sont rassemblées dans une liste de réformes et de mesures que l’Ukraine s’est engagée à prendre afin de recevoir un soutien financier de la part des partenaires internationaux2.

Pour les créanciers,  il s’agit d’approfondir l’application des politiques néolibérales mises en œuvre depuis plus de 30 ans.

Pour suivre l’application de ces conditionnalités et recommandations, 531 indicateurs ont été adoptés. Si l’Ukraine ne respecte pas le calendrier et la liste des réformes, les partenaires, et au premier chef la Banque mondiale, le FMI et l’Union européenne, peuvent suspendre ou reporter l’octroi des prêts dont le pays a besoin. Ces trois institutions vérifient en permanence l’application et l’approfondissement des politiques néolibérales qu’ils exigent et que le gouvernement néolibéral de Zelenski appuie.

En 2024, l’UE, les États-Unis et les autres membres du G7 se sont mis d’accord sur nouveau plan d’aide à l’Ukraine. Dans ce cadre l’UE a adopté un plan d’un montant pouvant aller jusque 50 milliards d’euros pour la période 2024 à 2027. Le plan adopté prévoit un décaissement total de 38,27 milliards d’ici fin 2027. La plus grande partie (33 milliards, càd 85 %) est sous forme de dettes qu’il faudra rembourser.

La partie de dons ne représente que 5,27 milliards euros, soit 15 %. La partie dons correspond probablement au montant saisi par la Commission européenne sur les revenus tirés des avoirs russes gelés principalement à Bruxelles (voir plus loin la partie sur les avoirs russes gelés). Au cours de l’année 2024, 12,4 milliards ont été versés. Et comme la Commission européenne l’affirme dans un rapport publié en octobre 2024 :

« La majeure partie du financement (…) sera versée au budget de l’État sous réserve du respect des conditions énoncées dans le plan ukrainien, qui définit le programme de réforme et d’investissement pour le pays. »3

Le dit « plan ukrainien » qui porte sur la période 2024-2027 est consigné dans un document de 331 pages. Il a été concocté par la Commission européenne. L’application du plan qui contient une multitude de mesures que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre est contrôlé en permanence. Comme le dit la Commission européenne :

« L’aide est subordonnée au respect d’exigences liées à  des éléments essentiels tels que : – la stabilité ma cro-financière, la surveillance budgétaire et la gestion des finances publiques,les réformes sectorielles et structurelles et les investissements (nécessaires à l’adhésion à l’UE). »4

Le gouvernement a dû désigner un coordinateur qui est l’interlocuteur de la commission européenne et qui a d’importants pouvoirs pour faire respecter le calendrier prévu dans le plan.

« L’autorité responsable de la mise en œuvre effective du plan ukrainien est le coordinateur national (coordinateur). Le coordinateur fait office de point de contact unique pour la Commission européenne en ce qui concerne le suivi (…) »5

« Le coordinateur suivra la mise en œuvre du plan sur une base mensuelle afin d’évaluer les progrès accomplis. Le gouvernement approuvera une procédure de suivi de la mise en œuvre du plan (procédure), qui sera obligatoire pour toutes les autorités impliquées dans la mise en œuvre du plan. »6

On ne dira jamais assez qu’il ne faut pas répandre des illusions sur ce que représente le processus d’intégration de l’Ukraine à l’UE

Rappelons que dans les traités européens qui sont contraignants, ne figurent pas le respect et la promotion des droits sociaux. Ils ont été conquis de haute lutte dans le cadre national et ne se retrouvent pas dans les traités européens qui encouragent au contraire la mise en concurrence des classes travailleuses des différents pays membres de l’Union. A l’intérieur de l’UE, pour donner juste deux exemples : le salaire minimum légal est de 477 euros par mois (brut) en Bulgarie, tandis qu’il atteint 2 571 euros au Luxembourg, soit 5 fois plus.

Les contraintes imposées par les traités européens concernent l’ouverture marchés nationaux à la concurrence illimitée, l’accès des services publics à l’initiative privée, la libéralisation du marché de l’énergie, la limitation du déficit des finances publics, le ratio dette publique/PIB… Il n’y a aucune contrainte en matière de protection sociale, de salaire minimum légal, aucune contrainte ou convergence en matière fiscale (ce qui permet à des paradis fiscaux au sein de l’UE de tirer avantage des taux d’imposition très bas sur les bénéfices comme c’est le cas par exemple pour l’Irlande ou le GD de Luxembourg pour ne citer qu’eux), aucune contrainte environnementale forte, aucune protection du patrimoine public…

Une grande partie de la population ukrainienne a beaucoup d’espoirs en ce qui concerne la perspective d’intégration à l’UE qui est présentée comme une garantie d’amélioration de ses conditions de vie, de salaires, de droits sociaux, de lutte contre la corruption… C’est une grande illusion et mystification.

Au nom de la perspective de l’intégration européenne7, on va privatiser encore plus en Ukraine, notamment la société publique de production et de distribution d’énergie. On va aussi vendre encore plus de terres arables à l’agrobusiness étranger.

Par rapport à la mise en garde contenue plus haut, certain·es à gauche répondent que de toute manière, le gouvernement ukrainien est néolibéral et que même sans l’UE il tenterait de réaliser les politiques voulues par celles-ci.

Certes le gouvernement actuel est néolibéral mais les accords avec l’UE en vue de l’intégration ajoute des moyens de contrainte aux mains de ceux et celles qui veulent approfondir toujours plus les politiques néolibérales. L’Ukraine signe des mémorandums avec l’UE qui ont valeur de traités internationaux et l’UE est dans une position de force car elle est la créancière de l’Ukraine. Et elle le sera de plus en plus car les nouveaux déboursements de crédits augmenteront encore le stock des dettes dues par l’Ukraine à l’UE.

Admettons qu’un jour, lors d’élections futures, des forces de gauche accèdent au gouvernement, elles seront confrontées aux contraintes acceptées par le gouvernement précédent. La marge de manœuvre pour rompre avec les politiques néolibérales sera très limitée, il lui faudra rentrer en conflit direct avec l’UE et désobéir aux traités. Rappelons également que tous les crédits octroyés par le FMI et la Banque mondiale le sont à la condition que l’Ukraine poursuive les (contre-) réformes nécessaires à l’intégration de l’Ukraine à l’UE.

Donc nous appelons la gauche ukrainienne et internationale à ne pas répandre d’illusions sur de soi-disant bienfaits de l’intégration de l’Ukraine à l’UE. Le peuple ukrainien doit être informé sur les risques et désavantages que cela représente. Bien sûr, il doit avoir le droit de se prononcer en faveur de l’intégration dans l’UE, mais la gauche se doit d’informer sur les conséquences négatives de celle-ci.

Contrairement à une idée fausse répandue au sein de la gauche occidentale, il n’est pas vrai que l’économie ukrainienne est déjà tout à fait adaptée aux principes néolibéraux et que donc l’intégration à l’UE n’implique pas beaucoup plus de privatisations. Le secteur de l’économie qui n’est pas encore privatisé ou qui n’est pas encore soumis à la concurrence libre et illimitée est important comme le montre l’encadré ci-dessous.

Encadré 2 : Exemples de la volonté de la Commission européenne d’augmenter la dérèglementation au profit du secteur privé et des privatisations. Extraits du rapport de la Commission publié en octobre 2024  

A la page 15 du rapport de la commission, dans le chapitre “Entreprise et politique industrielle”, on trouve le passage suivant:

« Une nouvelle version du plan d’action sur la déréglementation a également été adoptée en septembre 2024, prévoyant des mesures de déréglementation dynamique et d’amélioration de l’environnement des entreprises, conformément au plan ukrainien.

Les recommandations de la Commission de l’année dernière ont été largement mises en œuvre. Au cours de l’année à venir, l’Ukraine devrait notamment

→ conformément au plan ukrainien, poursuivre la déréglementation et la numérisation des procédures d’autorisation afin d’améliorer encore l’environnement des entreprises et le climat d’investissement en Ukraine ;

→ mettre en œuvre des mesures visant à stimuler le secteur privé et le développement industriel, (…) et soutenir les incitations visant à attirer les investissements directs étrangers. »8

Dans le chapitre “Transport” on trouve la déréglementation et la privatisation des chemins de fer permettant dans le futur à des entreprises privées de l’UE d’opérer sur le territoire de l’Ukraine à la page 17 :

« Les recommandations de la Commission de l’année dernière n’ont été que partiellement mises en œuvre et restent valables. Au cours de l’année à venir, l’Ukraine devrait notamment  → adopter la loi sur le transport ferroviaire créant un cadre institutionnel et législatif pour un marché ferroviaire compétitif conforme aux normes de l’UE. »9

Dans le chapitre Energie, la Commission insiste sur la nécessité de libéraliser le secteur de l’énergie alors  que pour faire face à la situation de guerre, le gouvernement a dû renforcer le monopole du secteur public sur ce secteur au grand dam de l’UE.

Dans le chapitre environnement et changement climatique, la Commission européenne insiste sur la nécessité de développer un marché du carbone et des permis de polluer et ainsi :

« progresser vers un mécanisme efficace de tarification du carbone en reprenant la surveillance, la déclaration et la vérification obligatoires des émissions de gaz à effet de serre et en adoptant le plan d’action pour la mise en place d’un système national d’échange de quotas d’émission. » (p. 18)10

La Commission acte que du fait de l’économie de guerre le poids du secteur public reste élevé, il a même augmenté :

« L’empreinte de l’État dans l’économie reste élevée. En 2023, le secteur public représentait 22 % de la valeur ajoutée brute, contre 6 % en 2021, et la consommation totale des administrations publiques a augmenté pour atteindre près de 42 % du PIB, contre un peu moins de 40 % en 2022. » (p. 55)11

La Commission insiste sur la nécessité de voir réduire le rôle de l’État dans l’économie et recommande d’accélérer les privatisation alors que l’État détient encore des participations dans de nombreuses entreprises.

« Les entreprises d’État ont continué à jouer un rôle important dans l’économie ; le portefeuille de l’État ukrainien comprenait plus de 3 000 d’entre elles. Dans le cadre du Plan pour l’Ukraine, le gouvernement s’est engagé dans une série de réformes visant à réduire l’influence de l’État dans l’économie (…). En 2023, les recettes annuelles de la privatisation s’élevaient à 108 millions d’euros (0,05 % du PIB), un record absolu. Malgré cela, la privatisation s’est limitée à de petites propriétés et à des actifs de production ; il n’y a pas eu d’opérations de privatisation à grande échelle en 2023 et 2024. Toutefois, le gouvernement prévoit de les relancer lorsque les conditions le permettront. » (p. 55)12

La commission regrette également que l’État ait dû augmenter sa participation dans le secteur bancaire pour faire face à la mauvaise gestion des banquiers privés.

« La part de marché des banques publiques est passée à 53,6 % en 2023 à la suite de la nationalisation de la Sense Bank en juillet 2024. La sélection d’un nouveau conseil d’administration est actuellement en cours, et au moins six membres sont nécessaires pour que le conseil soit opérationnel. La loi sur la privatisation des banques d’État a été adoptée, ce qui devrait accélérer la réduction de la propriété de l’État dans le secteur. Le ministère des finances devrait nommer un conseiller financier internationalement reconnu pour préparer la vente de deux banques d’État d’importance systémique, à savoir la Sense Bank et l’Ukrgasbank, qui représentent respectivement 4 % et 6 % du total des actifs. » (p. 56)13

Un signe de cette mauvaise gestion bancaire et de la crise économique est le niveau élevé des crédits bancaires en suspension de paiement depuis plus de 3 mois, il s’élevait à 36,8 % en février 2024 (p. 56 du rapport cité).

Que représente actuellement le coût du remboursement de la dette ?

En août 2024, le coût du remboursement de la dette publique (50 milliards de Hryvna, la monnaie ukrainienne) a été presque équivalent aux dépenses sociales et de santé  (voir les infos sur ce site financé par USAID et donc très clairement néolibéral et pro occidental).

Que se passe-t-il avec les avoirs russes gelés par les puissances impérialistes traditionnelles ?

Dans le cadre des sanctions prises depuis l’invasion de février 2022, les puissances du G7 ont gelé des avoirs russes pour un montant avoisinant 300 milliards de dollars. L’équivalent de près de 260 milliards d’euros sous forme d’espèces et de titres, tels que des actions et des obligations, sont logés chez Euroclear, une institution financière privée basée à Bruxelles qui s’occupe du règlement des titres internationaux. Environ 5 milliards de dollars d’avoirs russes sont gelés aux Etats-Unis.

En 2024, le G7 a décidé de ne pas exproprier les avoirs russes mais de maintenir le gel. Sur la base des actifs russes gelés en Europe, principalement à Bruxelles, l’UE a créé un mécanisme pour émettre des titres de la dette « en faveur de » de l’Ukraine. Les actifs russes servent de garantie aux grands fonds d’investissement et aux grandes banques qui achèteraient des titres de cet emprunt. L’argent  emprunté par l’UE sera ensuite versé à l’Ukraine principalement sous forme de dettes que l’Ukraine devra rembourser à l’UE.

Quant à l’UE, elle fait une très bonne affaire car elle remboursera aux marchés financiers l’emprunt (qu’elle même effectue) avec les revenus que réalise Euroclear et d’autres grâce aux avoirs russes gelés mais placés sur les marchés. On estime que les revenus tirés des placements effectués avec les avoir russes gelés s’élèvent annuellement à environ 5 milliards d’euros.

En résumé, c’est un emprunt qui ne coûte rien à l’UE. Il lui permet d’apparaître comme généreuse tout en renforçant sa position de créancier à l’égard de l’Ukraine qui elle voit sa dette augmenter.

Les fonds de pensions et grandes banques qui achètent des titres pour venir en aide à l’Ukraine seront remboursés avec les revenus tirés des avoirs russes placés sur les marchés.

Des banques privées européennes poursuivent leurs activités en Russie malgré les sanctions

Il faut aussi savoir que plusieurs banques privées européennes, dont l’autrichienne Raiffaisen, les allemandes Deutsche Bank et Commerzbank, les italiennes Unicredit et Intesa Sanpaolo ont poursuivi des activités dans la Fédération de Russie. Et malgré les sanctions, elles ont multiplié par 4 leurs profits dans ce pays depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. En mars-avril 2024, elles ont payé 800 millions d’euros d’impôts sur bénéfices aux autorités russes sans qu’aucune mesure ne soit prise de la part des autorités européennes (voir les révélations du Financial Times datant du 28 avril 2024).

Je n’ai pas eu le temps de mener une enquête mais il est frappant de constater que la banque privée autrichienne  Raiffaisen qui continue ses activités en Russie (voir son site russe https://www.raiffeisen.ru/) malgré les sanctions comme indiqué plus haut, est en même temps active en Ukraine (voir son site en Ukraine : https://raiffeisen.ua/en/korporativnim-kliyentam/poslugi/operaciyi-z-cinnimi-paperami) et est un des 11 officiels primary dealersde la dette que l’État ukrainien vend sur les marchés financiers (Voir sur le site du gouvernement ukrainien la liste des 11 banques qui ont été désignées pour acquérir des titres ukrainiens https://mof.gov.ua/en/perelik-pervinnih-dileriv). Raiffaisen est créancière à la fois de la Russie et de l’Ukraine et réalise des activités en Russie malgré les sanctions qui visent la Russie et qu’elle est censée respecter.

Pourquoi faut-il soutenir la revendication d’annulation de la dette ukrainienne ?

Il est important de savoir que le gouvernement Zelensky ne souhaite pas d’annulation de la dette ukrainienne. En parfait néolibéral, il est persuadé qu’il faut absolument que l’Ukraine soit crédible à l’égard des créanciers privés.

Plutôt que de chercher à financer l’effort de guerre et de reconstruction en faisant payer les grands capitalistes ukrainiens, leurs entreprises, les entreprises étrangères,… il préfère comme le recommandent le FMI et la Banque mondiale faire payer un maximum d’impôts et de taxes par les classes populaires. Les hauts revenus sont épargnés, le patrimoine des plus riches n’est pas mis à contribution. Sans compter que les riches s’arrangent pour échapper aux combats et à l’armée et accumulent des richesses pendant que les classes populaires font des sacrifices énormes.

L’autre façon utilisée par le gouvernement Zelensky pour financer le budget est le recours à l’emprunt. Il emprunte sur le marché intérieur notamment aux banques des oligarques et aux riches qui achètent des titres de dette publique interne rémunéré en 2024 à un taux atteignant 16,5 %14. Le taux d’inflation en 2024 était de l’ordre de 10 à 11 %. Le taux directeur de la Banque centrale était de 13,5 % (voir le site https://ces.org.ua/en/tracker-economy-during-the-war/ déjà mentionné plus haut).

Les dettes accumulées par l’Ukraine avant l’invasion russe de février 2022 étaient illégitimes et odieuses car elles avaient été utilisées pour mener des politiques néolibérales dures clairement contraires aux intérêts de la population. Elles avaient, en plus, favorisé un enrichissement formidable d’une minorité privilégiée qui avait accaparé des biens autrefois publics. Les créanciers càd principalement le FMI, la Banque mondiale, les oligarques et les fonds d’investissements savaient très bien que l’argent qu’ils prêtaient ne servaient pas l’intérêt général.

Depuis le début de la guerre, comme on l’a vu, l’Union européenne est devenue le principal créancier en multipliant par 8 ses créances sur l’Ukraine, la Banque mondiale a multiplié ses prêts par 3, le FMI a également augmenté ses crédits. Ces créanciers se servent de leurs crédits pour imposer à la population des politiques néolibérales renforcées. Les nouvelles dettes ainsi accumulées par l’Ukraine sont dès lors également illégitimes et odieuses.

Il est important d’obtenir leur annulation/répudiation afin que les créanciers soient privés des instruments de pression dont ils disposent et afin qu’ils arrêtent de s’enrichir sur le dos du peuple ukrainien. Si l’Ukraine et son peuple veulent reconquérir leur souveraineté, ils doivent se libérer du joug des créanciers qui agissent dans leur propre intérêt et à l’encontre de ceux de la population ukrainienne.

La résistance à l’invasion et les efforts de reconstruction pourraient être financés autrement que par la dette en appliquant une politique de dons d’une part et d’autre part en s’attaquant à ceux qui profitent de la guerre pour s’enrichir.

A côté de la nécessaire annulation de la dette ukrainienne, d’autres mesures nécessaires et possibles pour financer la résistance à l’invasion et la reconstruction

Concernant le financement de la résistance et de la reconstruction de l’Ukraine dans un article de mai 2024, je mentionnais les propositions suivantes à côté de l’annulation de la dette : Il faudrait également qu’on saisisse les avoirs des oligarques qui profitent de l’agression de l’Ukraine, tant des oligarques russes que des oligarques ukrainiens qui profitent de la situation. Ainsi, des montants substantiels pourraient être récoltés pour financer la résistance du peuple ukrainien et la reconstruction du pays.

A noter que si on prélevait un impôt équivalent aux bénéfices supplémentaires faits par les entreprises d’armement dans le cadre de cette guerre et d’autres guerres en général, cela limiterait la propension de ces entreprises à se réjouir de la poursuite de la guerre et à y contribuer car elles n’en tireraient pas directement un bénéfice.

Les mesures de saisie des biens des oligarques, sous forme de confiscation et d’expropriation, vont directement à l’encontre du caractère sacré de la propriété privée. On n’en a donc quasiment pas vues depuis 2022 car les gouvernements occidentaux ne sont pas du tout enclins à y procéder même s’ils sont opposés à la Fédération de Russie.

Il faudrait recenser exactement ce qui a été fait, mais c’était extrêmement limité et cela n’a pas donné lieu à un transfert dans un fonds sous contrôle des populations ukrainiennes. En fait, il n’y a eu aucun impôt spécial par rapport aux entreprises qui profitent de la guerre. J’ai évoqué les entreprises productrices d’armes, mais on peut aussi mentionner les superprofits faits par les sociétés gazières et pétrolières qui ont bénéficié de l’augmentation énorme du prix du gaz liquide et du pétrole suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

On peut aussi parler de l’augmentation des bénéfices des entreprises qui commercialisent les céréales au niveau mondial, comme les quatre grandes entreprises multinationales qui contrôlent 80 % du marché mondial des céréales. Ce sont trois entreprises américaines et une entreprise européenne. Un impôt spécial sur les bénéfices de ces entreprises aurait dû être prélevé, devrait être prélevé, y compris de manière rétroactive à la fois pour financer les besoins de toutes les populations et pour venir en aide au peuple ukrainien. Il faut également continuer à revendiquer l’annulation de la dette ukrainienne.

On pourrait également ajouter la socialisation du secteur bancaire. Comme indiqué plus haut, un peu plus de la moitié du secteur bancaire est encore dans le secteur public mais il reste à le mettre authentiquement au service de la population, ce qui implique qu’il y ait transparence des comptes, contrôle des citoyen-nes, contrôle des élus locaux, décentralisation… Il faudrait exproprier le reste du secteur bancaire et le socialiser afin d’avoir un service public bancaire exerçant un monopole (à l’exception d’un secteur coopératif de petite taille s’il est véritablement sous le contrôle des membres de la coopérative).

Pour le moment, l’État exerce un monopole sur le secteur de l’énergie. Contrairement à ce que veulent l’Union Européenne, la Banque mondiale et le FMI, il faut préserver ce monopole en le démocratisant. Il faut que les citoyen-nes et les travailleurs-ses du secteur puissent contrôler les comptes, les tarifs, la gestion, etc.

Bref, il faut également socialiser le secteur de l’énergie. Développer la construction de petites unités de production électrique gérée par les collectivités locales, beaucoup plus faciles à protéger, à sécuriser et à gérer. Cela implique aussi beaucoup moins de pertes au niveau du transport de l’énergie électrique vers les consommateurs. Les petites unités de production nouvelles doivent éviter d’utiliser des énergies fossiles. Il faudrait également préparer la sortie accélérée du nucléaire et l’abandon des énergies fossiles.

Pour avancer vers une paix et une reconstruction au service des populations, il est fondamental de développer toutes les formes d’auto-organisation de la population.

*

L’auteur remercie Antoine Larrache, Maxime Perriot et Patrick Saurin pour leur relecture.

Publié par Contretemps le 13 février 2025.

19 février 2025 par Éric Toussaint

https://inprecor.fr/

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19 février 2025 ~ 0 Commentaire

Eaux et Rivières

saumon

Eau et rivières de Bretagne : « L’attachement des Bretons à l’eau dépasse sans doute de très loin le rationnel »

Arnaud Clugery est le directeur opérationnel et le porte-parole d’Eau et rivières de Bretagne. Cet ancien élève du lycée agricole du Nivot (Finistère), actif dans l’association depuis 1995, revient sur son histoire et sa place, essentielle, sur les sujets environnementaux liés à l’eau dans la région bretonne.

Comment est née Eau et rivières de Bretagne ?

À la fin des années 60, une association bretonne, la Société pour l’étude et la protection de la nature (Bretagne vivante aujourd’hui), a publié un numéro de son magazine Penn Ar Bed sur le saumon. Elle a réuni dans ce cadre les meilleurs connaisseurs de ce poisson : les pêcheurs. Ceux-ci, venus des quatre coins de la Bretagne, se sont aperçus qu’ils rencontraient des difficultés similaires. Ils se sont ainsi constitués en association dans l’objectif de protéger ce poisson symbolique pour eux, en 1969. Ils l’ont appelée l’Association pour la production et la protection des salmonidés en Bretagne (APPSB). Avec, à sa tête, l’emblématique Jean-Claude Pierre.

Comment se sont-ils fait connaître ?

Pendant les années 70, ils se sont appuyés sur des opérations qui ont rendu l’association populaire. La première a consisté à financer des études scientifiques pour comprendre la dynamique de l’espèce. Ils se sont aussi rendu compte que la rivière était la laissée-pour-compte du miracle agricole breton. Vu que les cultivateurs ont arrêté d’entretenir les cours d’eau, les membres de l’APPSB ont organisé des actions d’entretien. C’étaient des événements festifs, qui réunissaient plusieurs centaines de personnes, avec festoù-noz et grands banquets le soir dans des fermes. Il ne faut pas oublier qu’on se trouve alors en plein renouveau de la culture bretonne. La défense du patrimoine est un tout, qu’il soit culturel ou naturel.

À côté de ces moments festifs, il y a aussi des combats…

Oui, l’un des plus emblématiques des débuts est celui des Papeteries de Mauduit à Quimperlé, qui fabriquent du papier à cigarette. Elles déversent à l’époque de la liqueur chlorée dans la Laïta et tuent les poissons. Dans le même temps, les membres de l’APPSB manifestaient déjà, contre des extensions de pisciculture par exemple. La reconnaissance médiatique est vite arrivée et l’association est dès le départ allée à la rencontre des décideurs pour légitimer sa place dans les politiques publiques naissantes sur l’eau.

Quel était l’état des rivières bretonnes à cette époque ?

Prenons un exemple : l’Elorn (Finistère) était rouge de sang ; car il y avait la tuerie des abattoirs Gad tous les matins. Plus bas, on voyait le rejet de la station d’épuration de Landerneau puis, encore plus loin, la soude se jetait directement de l’usine de transformation des algues, la Sobalg. Dans les années 80, l’APPSB a connu un tournant avec l’embauche de deux salariés, qui ont éveillé les consciences sur cet état des cours d’eau. Il est devenu de plus en plus évident que l’évolution du monde agricole, entamé avec le remembrement, a conduit à faire de l’agriculture intensive industrielle l’origine d’un grand nombre de maux. L’association alertait déjà sur les marées vertes en 1981 !

C’est à cette même période que l’APPSB change de nom pour devenir Eau et rivières de Bretagne. Pourquoi ?

En changeant de nom, l’association a quitté le cercle des pêcheurs pour devenir citoyenne. C’est aussi dans la décennie 80 que s’est renforcée sa légitimité à s’exprimer dans des instances de concertation officielle. Alors que naissait le code de l’environnement, l’association a eu l’idée que, dans un certain nombre de cas, on pouvait se saisir de la justice pour faire entendre et appliquer l’état de droit. À cette même période ont eu lieu les premières interventions en milieu scolaire pour accompagner les jeunes générations dans la connaissance des milieux aquatiques. Aujourd’hui, quinze salariés sur les trente qui composent Eau et rivières sont dédiés à l’action éducation et environnement. C’est un levier très important.

Cette intervention sur le plan juridique va faire partie de l’ADN de l’association. Dans quelle mesure ?

Un des cas majeurs concerne les infractions sur les dépassements des autorisations à produire. Beaucoup d’élevages ne respectaient pas les dimensions imposées au regard de l’environnement. Eau et rivières de Bretagne a commencé à faire du contentieux sur ce sujet. Cela a donné le programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole, pour que les agriculteurs régularisent leur situation. Les lois existaient jusque-là, mais elles n’étaient pas respectées. Résultat, nous avons mis douze millions de cochons en Bretagne, 100 millions d’animaux… Et depuis, on écope.

Quels sont vos relations avec le monde agro-industriel ?

Tout le système, le lobby agro-industriel, aimerait bien que les problèmes n’existent pas. Mais c’est impossible à cacher. Alors, ils les habillent de déni. C’est ce qu’il s’est passé dans les années 2000, quand Eau et rivières de Bretagne a notifié au Conseil d’État que les normes européennes de concentration de nitrates n’étaient pas respectées dans la région sur dix-sept rivières. En 2006, l’Europe a sanctionné l’État français à hauteur de plusieurs millions d’euros d’astreinte par jour si elle continuait à produire de l’eau potable dans ces rivières qui dépassaient les taux. Un plafond de fertilisation a été imposé. Il n’y avait plus d’échappatoire possible. Les agriculteurs ont considéré que c’était un scandale et que c’était de la faute d’Eau et rivières. En 2007, mon bureau a ainsi été saccagé… Ils avaient eu quinze ans pour se préparer, mais le déni était si fort qu’à l’arrivée, ils n’étaient pas prêts.

Pendant toutes ces années, le problème des algues vertes a peu évolué. Que s’est-il passé ?

La décennie 2010 a été marquée par une nouvelle politique publique sur le sujet, le plan de lutte contre les algues vertes (PLAV). L’association a parié dessus au départ, en pensant que cela fonctionnerait. Pourtant, en 2015, les courbes de nitrates dans les cours d’eau sont reparties à la hausse. Donc nous sommes de nouveau allés sur le plan juridique. Le préfet, en 2023, a été intimé de reprendre sa copie sur les politiques réglementaires, jugées insuffisantes. Pour la première fois, en France, en 2024, un groupe de travail tripartite s’est réuni avec les agriculteurs, notre association et les services de l’État. On nous caricature comme des « antitout », avec qui on ne pourrait pas discuter, mais on est à l’antithèse de cela.

Est-ce finalement cette surreprésentation du milieu agricole qui explique l’implantation et la force d’Eau et rivières de Bretagne ?

Sans doute. Même si la question, ce n’est pas l’agriculture. La question, c’est le poids d’une économie industrielle sur un milieu naturel. Ce poids est disproportionné en Bretagne.

Y aurait-il une explication culturelle à l’implantation d’Eau et rivières, qui n’a pas d’équivalent dans les autres régions ?

Je pense, oui. Les fondements mêmes de l’association se sont faits autour d’un poisson qui a une mythologie très forte dans la région et qui, en plus, disparaît à nouveau. L’attachement des Bretons à l’eau dépasse sans doute de très loin le rationnel. Et quelque part, si on ne met pas des gens avec une approche sensible autour de la table, on ne peut que prendre de mauvaises décisions pour l’avenir des cours d’eau et de l’environnement.

Quel bilan tirez-vous de votre action ?

On a gagné quelques batailles, mais on est en train de perdre la guerre. Alors soit on arrête et on plie boutique, soit on essaye de trouver ce qu’on pourrait faire mieux. Je suis convaincu qu’il faut davantage identifier ce qui n’est pas nommable, c’est-à-dire le sensible et l’attachement à ce bien commun qu’est l’eau, pour mieux la défendre.

Manon Boquen 18 Fév 2025

https://leschampsdici.fr/

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18 février 2025 ~ 0 Commentaire

Syrie

Syrie dans Altermondialisme GolanHeights-tank

Les nouveaux dirigeants syriens abandonneront-ils la résistance contre Israël ?

À un moment presque inattendu, le régime de Bachar Al-Assad s’est effondré le 8 décembre 2024 face à l’offensive éclair dirigée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham, soutenu par la Turquie. 

Cette date met ainsi fin à cinq décennies de la dynastie tyrannique Al-Assad. Issu du parti Baath, Hafez Al-Assad prend le pouvoir par un coup d’État en novembre 1970. Tout en poursuivant des politiques de redistribution des ressources suivant un modèle social-étatique qui domine depuis le début des années 1960 mais également suivant des logiques clientélistes, il écarte de manière extrêmement violente toute opposition à son pouvoir, jetant ce faisant les bases d’un autoritarisme d’État qui se poursuivra jusqu’à la chute du régime. À partir des années 1980, se développent, dans le giron du régime, des réseaux entre le secteur public et le secteur privé ainsi qu’une nouvelle bourgeoisie.

Sur le plan régional, une inflexion violemment hostile est opérée à l’égard de l’Organisation de libération de la Palestine par Hafez Al-Assad qui entend contrôler la scène politique palestinienne ainsi que le Liban. En 1990, le régime syrien s’allie aux États-Unis dans la coalition contre l’Irak et il met sous sa tutelle le Liban dont, au sortir de la guerre civile, il contrôle la vie politique et sécuritaire tout en assurant le droit au Hezbollah de mener la résistance contre l’occupation israélienne. Au début des années 2000, alors que les États-Unis ouvrent une ère de lutte contre le « terrorisme », le régime syrien fait l’objet d’une offensive diplomatique étasunienne essentiellement en raison de son soutien au Hezbollah. 

Entretemps, le « contrat social » en Syrie consistant à légitimer la terreur d’État par le volet social se brise peu à peu au cours des années 2000. En effet, sous le mandat de Bachar Al-Assad, les logiques répressives sont toujours d’une brutalité terrifiante, les services publics deviennent de plus en plus délabrés, les politiques de libéralisation économique s’accélèrent aux dépens des classes populaires urbaines et paysannes, les privatisations renforçant la corruption et la monopolisation des ressources par le clan Al-Assad. 

Dans ce contexte, le soulèvement du peuple syrien pour ses droits sociaux et démocratiques de 2011 est violemment réprimé par le régime et, assez vite, l’ingérence des puissances régionales et internationales conduit à une guerre multidimensionnelle aux conséquences dévastatrices, dont la responsabilité incombe en premier lieu au régime de Bachar Al-Assad. 

À l’aune de ce contexte, on ne peut que se réjouir pour le peuple syrien à présent libéré de la dictature des Al-Assad. Dans le même temps, la situation présente de nombreuses inconnues quant aux politiques que vont mener les nouveaux dirigeants à Damas, quant aux moyens pour le peuple syrien dans sa pluralité de réellement prendre en main son destin, et quant à l’unité de la Syrie et à sa position vis-à-vis du colonialisme israélien dans la région. Toute incertaine qu’elle soit, la nouvelle conjoncture ouvre en tous cas de réelles possibilités de changement pour le peuple syrien. 

Dans cette optique attentive aux questions sociales, démocratiques et coloniales, et soucieuse d’éclairer les enjeux et les défis complexes face auxquels se trouve le peuple syrien, la rédaction de Contretemps propose une série d’articles sur le sujet dont les points de vue variés ne sont pas nécessairement convergents mais permettent chacun d’éclairer les divers aspects de la situation. Après un premier article de Bassam Haddad, et un deuxième de Joseph Daher, nous publions cet article de Hicham Saffiedine qui montre que l’attitude du nouveau pouvoir syrien à l’égard de l’État colonial d’Israël reste extrêmement incertaine et inquiétante.

***

En raison de sa géographie et de son histoire communes, la Syrie a toujours été au cœur de la lutte pour la libération de la Palestine. Son rôle a toutefois fluctué au fil du temps.

Après la guerre de 1973 et la normalisation unilatérale des relations entre l’Égypte et Israël, la Syrie a mis fin à son implication militaire directe, à l’exception de quelques affrontements sporadiques pendant la guerre civile libanaise.

Cependant, son rôle indirect dans la résistance armée a pris de l’importance après l’échec de la conférence de Madrid lancée en 1991. Peu après, Israël a rapidement signé les accords d’Oslo avec l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le traité de Wadi Araba avec la Jordanie. La Syrie est devenue le seul État arabe frontalier, après le Liban, à rester en dehors du mouvement de normalisation.

Malgré la répression de la résistance dans le Golan occupé, la Syrie sous le régime d’Assad est restée un soutien essentiel de la résistance menée par le Hezbollah contre l’occupation israélienne voisine. Elle a fourni un soutien logistique important et une profondeur géostratégique. La libération du Sud-Liban en 2000 et la guerre de 2006 ont renforcé ces liens et justifié leur raison d’être.

En revanche, à quelques exceptions près, les relations de Damas avec la résistance palestinienne ont toujours été houleuses. Mais un rapprochement diplomatique avec le Hamas en 2022 les a rapprochés sous l’égide plus large de l’alliance connue sous le nom d’« axe de la résistance ».

Des signes inquiétants

La guerre génocidaire d’Israël contre Gaza et son offensive à grande échelle au Liban ont mis à l’épreuve la force de cet axe. Depuis le début de cette dernière fin septembre, la volonté de l’Iran, et plus encore de la Syrie, de s’engager à soutenir le Hezbollah et le Hamas est devenue suspecte.

La chute d’Assad a complètement renversé la situation. Outre de profondes répercussions nationales, son éviction a jeté un doute sérieux sur l’avenir du rôle de la Syrie dans son ensemble dans la résistance à Israël et à l’impérialisme américain dans la région.

Les premiers signes sont inquiétants. Avant d’entrer à Damas, les déclarations publiques antérieures du chef de Hay’at Tahrir al Sham (HTS), Ahmed al-Sharaa, également connu sous le nom d’Abu Mohammad al-Jolani, se concentraient sur la lutte contre le « projet iranien », tout en exprimant une tolérance envers les bases américaines dans le pays et en ignorant Israël.

La chute d’Assad n’a guère changé la donne. Les attaques aériennes israéliennes ont détruit des moyens militaires considérables de l’État syrien. L’invasion terrestre rapide de Tel Aviv, une violation flagrante de la souveraineté syrienne, a englouti de nouveaux pans du territoire syrien. Ses chars ont atteint 20 km de Damas par un couloir longeant la frontière libanaise.

La réponse d’Al-Jolani est restée tiède. Alors qu’Israël a annulé l’accord de « séparation des forces » de 1974, il s’y est accroché en soulignant que ses forces ne cherchaient pas à combattre Israël. Il a appelé, à la manière typique des régimes arabes, la communauté internationale à faire pression sur Tel-Aviv.

Tout aussi inquiétante est la fermeture annoncée des camps d’entraînement militaire des factions palestiniennes associées au régime déchu et la confirmation par le nouveau secrétaire général du Hezbollah, Naim Qassim, que la ligne d’approvisionnement en provenance de Syrie a été coupée. Qasim a tenté de minimiser l’impact d’une telle coupure. Mais elle est de mauvais augure pour la reprise et la capacité de manœuvre à long terme.

Les partisans de la rupture des liens avec le Hezbollah soutiendront que celle-ci est justifiée au vu de l’intervention du Hezbollah dans la guerre civile syrienne pour soutenir le régime répressif d’Assad. Il y a maintenant de l’animosité entre les deux. Mais ce n’est que la moitié de la vérité.

Les partisans de l’intervention soulignent qu’elle était motivée par la nécessité de défendre les lignes d’approvisionnement de la résistance. Poussés par des convenances idéologiques, les deux camps ont ignoré le point de vue de l’autre.

La vérité historique, même si elle est dérangeante, est que les deux versions sont valables. Quels que soient les griefs qui subsistent, cela ne doit pas occulter le fait qu’il est dans l’intérêt des peuples de la région de maintenir un front uni contre l’agression et l’occupation israéliennes.

La neutralité : une stratégie perdante

Il y a de la place pour que la bonne volonté l’emporte si la nouvelle puissance en Syrie est sérieuse dans sa volonté de résister à Israël et de libérer les terres syriennes occupées, sans parler de la Palestine.

La principale pomme de discorde, le régime d’Assad, a maintenant disparu. L’influence de l’Iran a diminué et la position de principe du Hezbollah sur Gaza a ravivé son estime, sinon sa popularité, dans la région arabe au sens large.

Plus important encore, Israël mène une guerre expansionniste sur plusieurs fronts sans tenir compte des intérêts palestiniens, libanais ou syriens, ni faire de distinction entre eux. Les avantages stratégiques du maintien d’une alliance avec les forces de résistance au Liban et en Palestine sont évidents.

La voie vers la consolidation d’une telle alliance avec le Hezbollah peut être ardue. Elle peut nécessiter une série de mesures visant à instaurer la confiance, notamment l’introduction d’un processus de justice réparatrice réciproque pour tenir compte des transgressions passées. Définir une vision commune de la coopération pourrait permettre de conserver la force de l’alliance passée et d’éviter les écueils.

L’autre scénario consisterait à déclencher une vendetta contre le Hezbollah, allant des affrontements frontaliers à la coupure définitive de ses lignes d’approvisionnement, tout en soutenant du bout des lèvres la résistance palestinienne à l’instar des autres régimes arabes. Une telle politique est le rêve impérialiste des États-Unis et d’Israël. C’est la recette pour de nouveaux conflits sectaires et la neutralisation du dernier État frontalier arabe.

Une Syrie « neutre », alignée sur la Turquie ou les États arabes du Golfe, ne rendra pas non plus le plateau du Golan. Contrairement à l’Égypte, où le défunt président Anouar el-Sadate a justifié sa capitulation par la récupération du Sinaï, la Syrie est dans une position beaucoup plus faible pour exiger un tel résultat.

Unir les forces

L’annexion du Golan par Israël a été approuvée par le président américain Donald Trump. Les responsables israéliens continuent d’insister sur le fait qu’il restera à jamais leur territoire. Le découplage avec le Hezbollah affaiblira encore la position de négociation de la Syrie.

Pendant trop longtemps, le régime d’Assad a invoqué le conflit avec Israël pour justifier ses mesures répressives contre son peuple. Ses opposants l’ont longtemps mis au défi de lancer une résistance dans le Golan. Maintenant que l’opposition est au pouvoir, aucun plan de ce type n’est en vue.

Mais les nouveaux vainqueurs pourraient renverser cette équation et utiliser la construction de l’État et le développement économique comme prétexte pour éviter de s’opposer à l’occupation et à l’agression israéliennes.

La lutte contre le colonialisme et l’autoritarisme ne devrait pas être exclusive.

Quel que soit le programme intérieur de la nouvelle Syrie, l’union avec les forces de résistance dans la région et au-delà reste essentielle pour se libérer d’un projet colonialiste qui a causé tant d’injustice et de souffrances aux Palestinien-nes, aux Libanais-es et aux Syrien-nes.

*

Cet article a d’abord été publié en anglais par le site Middle East Eye.

Hicham Safieddine est titulaire de la Chaire de recherche du Canada en histoire du Moyen-Orient moderne et professeur agrégé d’histoire à l’Université de la Colombie-Britannique. Il est l’auteur de Banking on the State: The Financial Foundations of Lebanon (SUP, 2019), l’éditeur de Arab Marxism and National Liberation: Selected Writings of Mahdi Amel (Brill, 2020) et le coéditeur de The Clarion of Syria: A Patriot’s Call against the Civil War of 1860 (CUP, 2019).

Hicham Safieddine 16 février 2025

https://www.contretemps.eu/

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18 février 2025 ~ 0 Commentaire

Libérons Georges!

abdalla

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18 février 2025 ~ 0 Commentaire

Ukraine (Basta!)

apercu

« Les attaques de drones russes, c’est notre quotidien » : vivre en Ukraine après trois ans de guerre

Depuis février 2022 et l’invasion russe lancée contre l’Ukraine, la population civile ukrainienne subit chaque jour les conséquences du conflit, entre bombardements, alertes, et cérémonies militaires. Témoignages de Loutsk à Kyiv.

Il est 10 heures sur la place centrale de la ville de Loutsk, au nord-ouest de l’Ukraine, en Volhynie. Comme plusieurs fois par semaine, un corbillard amène devant une cinquantaine de personnes la dépouille d’un soldat, mort au front. Igor Litchak avait 58 ans. Il est décédé à l’hôpital de Dnipro le 31 décembre dernier, des suites de ses blessures, reçues au combat quelques semaines plus tôt.

Ce 8 janvier, son enterrement a lieu devant ses proches, des militaires et surtout des habitants de la ville qui viennent rendre hommage au combattant, sans parfois même le connaître. Quelques journalistes locaux filment discrètement la scène. La foule réunie pose un genou à terre en lançant « Gloire à l’Ukraine » (« Slava Ukraini »). Puis le cercueil est porté dans l’église par six hommes en uniforme, en passant devant plusieurs drapeaux, dont un européen.

« Je participe aux cérémonies lorsque c’est quelqu’un que je connais, nous dit Lidiia, historienne et urbaniste à Loutsk. Il serait difficile de participer à toutes, car je dois travailler. À la vue d’un cortège funéraire, tout le monde s’arrête et s’agenouille en signe de respect. Chaque jour à 9 heures, nous stoppons nos activités pour honorer par une minute de silence ceux qui sont morts dans cette guerre. »

Ce matin-là, la jeune femme est venue à la cérémonie sur le chemin de son travail, dont les bureaux se trouvent à proximité. Déclenchée le 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par le président russe Vladimir Poutine a permis à la Russie de conquérir à ce jour un peu moins de 20 % du territoire ukrainien, en comptant la Crimée conquise par la Russie en 2014.

Le bilan humain est très lourd, mais varie grandement selon la provenance des chiffres. En septembre 2024, le Wall Street Journal citait le nombre de 80 000 morts et 400 000 blessés côté ukrainien et de 200 000 morts et 400 000 blessés côté russe.

À Loutsk, Igor Litchak vient donc s’ajouter à la longue fresque des habitants de la ville décédés lors du conflit. Le mémorial local d’abord érigé à la hâte manque aujourd’hui de place, à tel point que la municipalité se demande comment l’agrandir. « Mon meilleur ami est mort dans cette guerre en octobre 2022. Cette perte m’a brisée », continue Lidiia, qui ne manque pas de saluer la photo de son ami sur la fresque du mémorial. « C’est tellement douloureux de réaliser ces pertes. Beaucoup de mes connaissances ont été tuées. Nous ne pardonnerons pas à la Russie, nous ne pouvons pas », dit-elle aussi.

Journées rythmées par les alertes aux bombardements

Bien que très éloignée du front, Loutsk vit toutefois dans la guerre, comme tout le reste de l’Ukraine. Dans les rues, des drapeaux et des publicités vantant les forces armées du pays. Les journées et les nuits sont rythmées par le couvre-feu quotidien et les alertes au bombardement. L’Ukraine étant un vaste pays, l’ouest de son territoire est bien moins en alerte que l’Est, mais aucune région n’est épargnée.

« La fréquence des alertes varie vraiment selon le lieu où l’on vit , confirme Jenya, depuis son appartement de Kyiv. Certaines zones du pays ont dû faire face à des problèmes d’électricité et d’eau potable pendant plusieurs mois… ici à Kyiv, ça s’est plutôt compté en jours. » La capitale ukrainienne n’a pas toujours été si relativement calme. Un épisode a particulièrement marqué les habitants de cette ville de trois millions d’habitants : le bombardement massif du 10 octobre 2022.

Ce jour-là, le pays reçoit une pluie de missiles de la part des Russes en représailles d’une attaque ukrainienne sur le pont de Crimée, quelques jours auparavant. Une vingtaine de missiles tombent ainsi sur Dnipro, Zaporijjia, Lviv et donc Kyiv, privant alors une partie de la ville d’électricité, pendant plusieurs jours. Au moins 20 personnes meurent et plus d’une centaine sont blessées.

« C’est le plus marquant pour moi, cet hiver et les premiers blackouts , car la Russie s’est attaquée à nos infrastructures, se souvient Pavlo, urbaniste de 30 ans, également habitant de la capitale. Tout mon quartier a été privé d’électricité et d’eau pendant trois jours. J’habitais au 14e étage, il n’y avait pas de pression dans les robinets. Je devais aller chercher de l’eau pour me laver ou pour aller aux toilettes… »

Le terme black-out est alors entré dans le langage commun des Ukrainiens, tant l’angoisse et l’incertitude ont rythmé ces jours à s’éclairer à la bougie, dans le froid. Avec son amie Anna, Jenya a publié une bande dessinée baptisée Blackout : chroniques de notre vie durant la guerre de la Russie contre l’Ukraine. « Notre livre a été conçu pendant ce moment et publié en mars 2023, explique la dessinatrice. Cette première vague de bombardements avait été très dure à vivre, car rien n’était préparé à l’époque. » L’ouvrage détaille les questionnements, les peurs et la vie quotidienne des deux femmes, accompagnées d’un chien terrorisé par les explosions voisines.

Le smartphone comme rempart aux bombardements

Après trois ans, l’Organisation des Nations unies a recensé plus de 10 000 morts civils dans les bombardements en Ukraine, tout en reconnaissant que le bilan réel est très probablement plus élevé. Depuis les premières vagues de bombardements, c’est tout le pays qui a appris à vivre avec en protégeant par exemple les monuments historiques et en aménageant des aires de jeux pour enfants dans les abris anti-aériens…

Pour les habitants, la consigne est de se réfugier près d’un mur porteur du bâtiment où l’on vit ou dans la cave, s’il y en a une. « Ici à Kyiv, les attaques de drones russes ont lieu chaque jour, c’est notre quotidien, détaille Jenya. Au début de la guerre, nous allions avec mon amie dans l’abri le plus proche, car il y avait beaucoup d’explosions autour de chez nous. Mais aujourd’hui, pour la plupart des alertes, nous nous contentons d’aller près du mur porteur de notre immeuble, dans le couloir. » Ainsi, il n’est pas rare de trouver à Kyiv des matelas et de la nourriture dans les couloirs d’immeubles, ainsi que des tapis de sol et de l’eau dans les ascenseurs, en cas de panne prolongée…

De même, les commerces de la ville possèdent généralement leur groupe électrogène afin de s’auto-alimenter en cas de coupure. Encore aujourd’hui, l’armée russe bombarde les villes. La plupart des drones ou missiles sont interceptés par les équipements occidentaux des forces armées ukrainiennes, mais des destructions et des morts sont tout de même à déplorer chaque semaine dans différentes villes du pays.

« Quand il y a une alerte au bombardement, nous faisons tout pour que les enfants n’aient pas peur, explique avec émotion Tatiana, qui est professeure dans une école à Dnipro, à l’est. Nous n’avons pas d’abri dans notre établissement ni de cave. Avec les autres professeurs, nous scrutons les fils Telegram sur nos téléphones pendant l’alerte pour savoir si les attaques sont proches et si c’est le cas, les enfants sont réunis dans les couloirs près d’un mur porteur et nous prions, car notre école est religieuse. »

Dès les premiers jours de la guerre, les smartphones ont pris une importance majeure dans le quotidien des civils pour se prémunir et s’informer des alertes, notamment via l’application Air Alert. Créée rapidement après le début de l’invasion russe par des ingénieurs ukrainiens, elle prévient les habitants d’une attaque aérienne et de l’abri le plus proche. Très utilisée, l’application se veut même ludique et peut par exemple être personnalisée pour que ce soit la voix de Luke Skywalker (l’acteur américain Mark Hamill dans Star Wars) qui donne les indications.

Malgré ce détail amusant, la cadence et la violence des attaques usent la population. Certaines villes sont en alerte chaque nuit. « J’ai effacé Air Alert de mon téléphone et à l’écoute de l’alerte dehors, je vérifie sur mon téléphone la trajectoire des projectiles qui arrivent sur les chaînes Telegram, explique Pavlo. Être réveillé par les alarmes, c’est trop fatiguant au quotidien, d’autant que cela arrive la nuit généralement. Pendant plusieurs mois, c’était chaque nuit du dimanche au lundi, à croire que les Russes voulaient que l’on soit fatigué toute la semaine. »

Le jeune homme dit avoir participé à monter des barricades et à préparer des cocktails Molotov de peur de voir l’armée russe en bas de son appartement. Il parle malgré tout avec émotion des alertes. « En ce moment, je suis très stressé et victime de doomscrolling [fait de passer son temps à faire défiler des informations sur son téléphone, ndlr], continue-t-il. Être gay dans ce contexte, c’est une pression supplémentaire. Quelques semaines après le début de l’invasion, les autorités ukrainiennes ont prouvé que les Russes avaient des listes de personnes problématiques à leurs yeux. On m’a proposé d’aller en Suède avec mon ami, mais nous ne voulions pas abandonner notre travail. » En Russie, le régime de Vladimir Poutine s’attaque de plus en plus et depuis des années aux personnes LGBTQ.

18 février 2025 Guy Pichard

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17 février 2025 ~ 0 Commentaire

Intelligence (Basta)

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Comment l’intelligence artificielle et ses data centers s’accaparent l’eau

La consommation d’eau de l’intelligence artificielle est souvent oubliée des discussions sur l’impact de cette technologie. Pourtant, les centres de données consomment chaque année des milliards de mètres cubes d’eau – et cela risque d’empirer.

Google a soif. En 2023, les centres de données et les bureaux de la multinationale du numérique ont à eux seuls englouti 24 milliards de litres d’eau – dont la grande majorité utilisée par les data centers. C’est l’équivalent de la consommation d’eau annuelle d’environ 453 000 Français. Cette utilisation de l’eau est l’un des grands enjeux environnementaux du numérique. Il est amplifié par le développement rapide et incontrôlé de l’intelligence artificielle.

Chaque année, les grandes entreprises de la tech augmentent de dizaines de pourcents leur consommation d’eau. Entre 2021 et 2022, Microsoft a accru de 34% la quantité d’eau utilisée pour ses activités, et Google de 20%. Cela représente des milliards de litres d’eau, en grande partie potable, prélevés en plus chaque année. La course au développement d’intelligences artificielles toujours plus performantes – et donc toujours plus polluantes – participe à cette augmentation. Rien que l’entraînement de GPT-3 (la version en usage jusqu’à mars 2023 du robot conversationnel d’OpenAI) aurait consommé 700 000 litres d’eau dans les centres de données de Microsoft basés aux États-Unis.

Des centres de données géants dans des régions en sécheresse

Les ressources en eau globales sont déjà mises en danger par le réchauffement climatique. De nombreuses régions dans le monde sont en stress hydrique : l’accès à l’eau y est limité, si ce n’est difficile. Selon des estimations de chercheurs, partagées par The Washington Post, un grand centre de données – comme ceux des Gafam – peut consommer entre 3,8 et 19 millions de litres d’eau par jour.

Ces millions de litres sont utilisés lors de la production de l’électricité qui les alimente mais aussi, pour environ un quart, directement lors du refroidissement des serveurs de ces centres de données. Si cela représente encore une faible partie de la consommation d’eau à l’échelle mondiale, les conséquences locales sont souvent déjà importantes. Le journal américain cite l’exemple de la commune de The Dalles, dans l’Oregon, où Google s’accapare plus d’un quart de l’eau de la petite ville.

Le refroidissement par l’eau est utilisé comme un argument écologique par les grandes entreprises. Google, par exemple, se vantait d’avoir réduit son empreinte carbone de 300 000 tonnes de CO2 en 2021 grâce à des centres de données refroidis par de l’eau plutôt qu’avec de l’air conditionné. Malgré ses promesses de plus grande durabilité, deux ans plus tard encore, plus de 30% de l’eau utilisée venait de zones où les risques de pénurie d’eau sont considérés comme moyens ou élevés.

En Espagne, à une centaine de kilomètres de Madrid, la ville de Talavera de la Reina s’apprête à accueillir un centre de données de 191 hectares, propriété de Meta (la maison-mère de Facebook et Instagram). Depuis 2022, une trentaine de projets similaires ont été lancés dans le pays, rapporte le média indépendant espagnol elDiario.es. Dans la région de l’Aragón, « la situation est grave : 146 000 hectares ne peuvent être cultivés et 175 000 autres sont gravement endommagés par le manque d’eau ». C’est pourtant là qu’Amazon a décidé d’investir 15,7 milliards d’euros pour installer ses centres de données « hyperscale », autrement dit de très grande taille.

« 4,2 à 6,6 milliards de mètres cubes d’eau en 2027 »

Amazon tente de montrer patte blanche, promettant un approvisionnement électrique provenant à 100% d’énergies renouvelables, mais des mouvements écologistes s’opposent vivement à ce projet. « Nous refusons le discours selon lequel cette méga-infrastructure serait bénigne pour les territoires, bien au contraire. Les dégâts écologiques et sociaux causés par le déploiement massif de centres de données peuvent déjà être observés dans d’autres territoires tels que la Virginie (États-Unis), le Mexique, l’Irlande et les Pays-Bas », écrit Tu Nube Seca Mi Río (« Ton nuage assèche ma rivière »).

« La consommation directe d’eau pour le refroidissement représentera la moitié de la consommation totale d’eau de la ville de Saragosse (plus de 300 000 personnes et ses commerces et entreprises) et permettrait d’irriguer 170 hectares de terres, si les données du projet sont respectées, ce qui semble fort peu probable. » Le collectif d’organisations espagnoles dénonce les conséquences multiples qu’auront ces data centers pour l’accès à l’eau dans la région, tant pour l’agriculture, pour les populations que dans la lutte contre les incendies, de plus en plus fréquents. Tu Nube Seca Mi Río alerte aussi sur le danger pour la faune locale.

Ce risque n’est pas présent qu’à l’étranger. En France, à Marseille, le collectif « Le nuage était sous nos pieds » – composé notamment de la Quadrature du Net – dénonce « la quasi-absence des enjeux environnementaux et territoriaux des infrastructures du numérique dans le débat public », entre autres face à la construction de nouveaux data centers. « Le méga-ordinateur surchauffe, renvoie l’air ou l’eau chaude dans une ville déjà trop souvent sujette à la canicule, pompe des quantités astronomiques d’eau et d’électricité sur le réseau public, et ne génère pratiquement aucun emploi direct », résument-ils, face à un nouveau projet de l’entreprise Digital Realty dans la ville.

Le développement et la massification de l’utilisation de l’intelligence artificielle entraîne les entreprises dans une course effrénée à la construction de centres de données, sans considérer les conséquences écologiques et sociales. Selon une étude menée par des chercheur·euses de l’Université de Cornell, aux États-Unis, en 2023, « la demande mondiale en IA devrait représenter 4,2 à 6,6 milliards de mètres cubes d’eau en 2027, soit plus que le prélèvement annuel total d’eau de quatre à six Danemark ou de la moitié du Royaume-Uni ».

17 février 2025 Emma Bougerol

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16 février 2025 ~ 0 Commentaire

Info tour

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Info-tour anti-nucléaire au printemps en Bretagne-Normandie

Texte d’intention en vue d’organiser un infotour antinucléaire en Bretagne, Normandie et au-delà, au cours du printemps prochain.

Salut tout le monde Nous sommes quelques-un.es à souhaiter créer des opportunités de rencontres et de discussions antinucléaires en Bretagne et en Normandie, au cours du printemps (avril, mai, juin). Cette envie d’info-tour rejoint également des perspectives de luttes comme les rencontres contre les déchets nucléaire à la Hague du 18 au 20 juillet 2025 (plus d’infos sur piscinenucleairestop.fr).

Bref :
* Face à la relance du nucléaire, à la prolongation de durée de vie des réacteurs existants, aux travaux de terrassement déjà entamé à Penly et à la connexion au réseau de l’EPR de Flamanville,
* Face au projet de poubelle nucléaire CIGÉO, dont la mise en oeuvre avance du côté de Bure (Meuse) avec de nouvelles procédures (expropriations, Déclaration d’utilité publique obtenue, Déclaration administrative de création en cours, projet de voie ferrée, etc) (plus d’infos sur bureburebure.info)
* Face à une répression spécifique (ex-Malfaiteureuses de Bure, Association malfaiteurs de POMA contre un sous-traitant du nucléaire, fichiers spécifiques aux militant.es antinuke…)
* Face aux crédits faramineux alloués à la recherche sur les mini-réacteurs (SMR).
* Face aux opérations de séduction auprès de la jeunesse pour se former dans les métiers du nucléaire
* Face aux projets de trois piscines supplémentaires de déchets nucléaires à la Hague portés par Orano.

Nous souhaitons organiser un info-tour qui peut prendre différentes formes suivant les lieux et les envies mais dont les intentions sont de :
- Relancer des foyers de lutte anti-nucléaire (ou remobiliser les existants).
- Mobiliser en vues des rencontres estivales à la Hague et renforcer la lutte contre ses piscines nucléaires
- Trouver de nouvelles pistes pour soutenir la lutte à Bure et s’attaquer aux entreprises profiteuses de ce projet.
- etc !!

On aimerait que notre info-tour permette aussi de déconstruire les idées-reçues selon lesquelles « le nucléaire sauverait le climat » ou que « le nucléaire serait nécessaire face à la menace russe », assénée dans les têtes depuis quelques années par les nucléocrates, pour nous faire oublier les dangers du nucléaire (comme la catastrophe de Fukushima) et mieux nous faire accepter le programme de relance.

Nous souhaiterions pouvoir apporter un espace d’échanges, de discussions et de réflexions sur le contexte de relance du nucléaire en cours.

Ces discussions ont l’envie d’être publiques et accessibles y compris en dehors des milieux militants, elle peuvent prendre la forme de projection, de discussion ouverte, etc.

Nous lançons cet appel afin de faciliter l’organisation de cet info-tour, car nous savons d’expérience qu’il est parfois difficile et fastidieux de contacter individuellement tous les groupes et lieux susceptibles de nous accueillir et d’organiser l’enchaînement des dates, la communication et la mobilisation ; et comme nous savons d’ores et déjà que nous ferons cet info-tour au printemps, nous préférons le préparer plus sereinement dès maintenant.
N’hésitez pas à répondre à notre appel, et nous contacter si vous êtes intéressé.es de nous aider à co-organiser une ou plusieurs dates, ou si vous avez des contacts en tête avec qui ce serait possible.

Salutations anti-nucléaires,

Notre contact : infotour-antinuk-2025(a)riseup(.)net

https://basse-chaine.info/

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16 février 2025 ~ 0 Commentaire

Remembrement

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« Si la Bretagne avait des talus, c’est bien qu’il y avait une raison !  » Replanter des haies aujourd’hui, pour réparer les territoires abîmés par le remembrement

 Le remembrement a marqué une rupture avec l’équilibre ancestral de notre région. Pour répondre à une urgence qui ronge le territoire, Léa Legentilhome, technicienne de bocage, replante des haies sur le territoire de la Roche aux fées. C’est son histoire que raconte Brigitte Chevet dans  » Le village qui voulait replanter des arbres ».

Dans les années 60, en Bretagne, la petite polyculture d’élevage a fait place au blé ou au maïs. Le fuel a remplacé le chauffage au bois, la mécanisation s’est développée pour produire davantage. Et avec le remembrement, l’arbre a perdu, peu à peu, toute sa valeur.

Au sud de Rennes, à Matigné-Ferchaud, au pays de la Roche aux fées, Léa Legentilhomme, elle, est technicienne de bocage, et replante des arbres. Brigitte Chevet l’a suivie et réalisé un film « Le village qui voulait replanter des arbres« .

Léa Legentilhomme étudie minutieusement chaque parcelle de la commune de Martigné-Ferchaud. Avec la municipalité et les agriculteurs, elle redessine des parcelles bordées de haies. L’emplacement, les surfaces, les pentes, tout est finement calculé.

L’enjeu pour elle est de trouver des agriculteurs volontaires pour accueillir ses haies, en restituant aux arbres et aux talus, leurs implications essentielles dans l’équilibre du territoire.

Protéger les haies existantes et replanter le plus possible

L’intérêt d’une haie, c’est la garantie d’une bonne qualité de sol. Elle protège aussi la biodiversité, régule le climat local, protège également des intempéries.

Certains agriculteurs ne l’ont pas oublié. « Si la Bretagne avait des talus, c’est qu’il y avait une raison ! « En Bretagne, on a un vent d’ouest. Les haies et talus protégeaient les cultures des intempéries ! Les cours d’eau se régulaient simplement, la terre se nourrissait ainsi « .

Sur la commune de Martigné-Ferchaud, depuis 40 ans, 100 000 grands arbres ont été abattus et au gré du regroupement des terres, et le nombre de fermes a été divisé par dix.

Je ne pense pas que ce soit un souhait, ni des agriculteurs, ni des collectivités, de recréer le bocage d’avant le remembrement, mais faire en sorte que ce soit un bocage fonctionnel, et préserver ce qu’on a actuellement. Léa Legentilhomme,Technicienne de bocage

Léa Legentilhomme, aussi femme d’agriculteur, connaît bien leurs problématiques et leurs contraintes. Selon les cartographies qu’elle étudie, à l’endroit où elle repère la nécessité de replanter, elle désigne des haies qui existaient avant le remembrement.  » C’est dommage de les avoir supprimées » dit-elle. « Ce qu’on essaie de faire petit à petit, c’est de refermer ces parcelles « .

Actions fortes pour inverser la tendance

Les arbres ne sont pas les seuls avoir souffert du remembrement. Aujourd’hui, sur le bassin de la Vilaine, on creuse aussi des rivières, pour ralentir la circulation de l’eau et reconnecter les mares aux talus.

90 % des cours d’eau du département ont été redressés pour obtenir des parcelles rectilignes. Les zones humides ont été drainées, les mares supprimées, provoquant ainsi, l’accélération du cycle de l’eau. Les cours d’eau débordent, la terre s’enfuit, la pollution par les nitrates et les pesticides s’amplifie.

Sur la commune de Martigné-Ferchaud, la municipalité a entrepris d’agir, « aujourd’hui« , pour lutter contre la toxicité des eaux de sa commune, dite zone de « baignade ».

« Martigné-Ferchaud est une zone de baignade. On a dépassé le seuil de toxicité, l’eau est de mauvaise qualité sur notre bassin. Il faut prendre le taureau par les cornes, pour améliorer la qualité de l’eau. Il faut faire quelque chose ! », expriment les élus de la commune.

Ce n’est pas de dire demain, on verra. C’est dès aujourd’hui. Il faut planter pour améliorer la qualité de l’eau. Patrick Henry Maire de Martigné-Ferchaud

Patrick Henry, Maire de la commune et agriculteur, a replanté sur ses parcelles à risques, « celles avec une certaine pente et une longueur de pente » explique-t-il.  « Certains collègues m’ont dit, que j’étais malade. Que je perdais deux mètres sur la longueur de parcelle. Mais ce n’est pas grave « . Il reconnaît qu’ »avec du blé ou du maïs, le fruit de la récolte est annuel. Mais l’immédiat, on ne l’a pas avec la haie, on en récoltera les bénéfices dans les années à venir !  » dit-il.

Destruction toujours active, malgré les réglementations

En 2023, un rapport gouvernemental, dévoile que les chiffres de destructions de haie continuent à un rythme très inquiétant. Cette même année, une proposition de loi arrive du Sénat, avec des objectifs chiffrés, rapportée par Daniel Salmon, sénateur d’Ille-et-Vilaine : « 100 000 km de haies d’ici à 2030, pour arriver à 1,5 million de km de haies en 2050 et restaurer 450 000 km de haies en gestion durable. Les incitations par la création aussi d’un crédit d’impôt pour équilibrer les charges, parce qu’on sait qu’aujourd’hui, il faut compter environ 450 euros du km par an, en gestion. Il faut qu’il y ait un équilibre des charges ».

De fait, la situation a changé pour les agriculteurs. « L’agriculteur avant disait qu’il faisait ce qu’il voulait sur ses terres. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il est chez lui, mais il ne peut plus faire ce qu’il veut. Il doit tenir compte des réglementations », explique un agriculteur, élu de la commune.  

Début 2024, le malaise des agriculteurs s’est amplifié. Initialement contre les salaires trop faibles, les revendications se sont portées contre les règles environnementales.

« On n’est pas formés pour être des bûcherons, mais pour faire du rendement, de la production, c’est ça notre métier« , se plaint un agriculteur lors d’une manifestation.

Ce témoignage appuie la prise de conscience du manque de « connaissances » des jeunes exploitants sortant de formations agricoles, aux normes environnementales et écologiques.

On a des jeunes agriculteurs, mais ils ne savent pas entretenir le paysage agricole. Ils font des formations agricoles pourtant. Il faut changer aussi à ce niveau-là.

Un agriculteur en formation de « recépage » 

Constat douloureux, volonté de réparer

Sur la table devant lui, Pierre Certenais, ancien président de la commission de remembrement, étale la cartographie des parcelles de l’époque du remembrement. Les traits en rouge correspondaient aux talus qui ont été abattus, car considérés comme inutiles ou nuisibles.

« Le remembrement faisait partie de l’évolution à l’époque. On ne parlait pas d’écologie. On nous disait déjà, pour améliorer votre revenu, produisez plus ! »

« Sur la commune de Martigné-Ferchaud, ce sont 360 km de talus qui ont été supprimés », témoigne-t-il, « Ça fait peur ! »

Le massacre qu’on a fait ! C’était honteux. On arrachait les arbres et on les laissait dans des trous et on les laissait pourrir…. Et maintenant, on replante, pourquoi ? parce qu’on a fait des conneries. Stéphane Gérard

Agriculteur sur la commune de Martigné-Ferchaud

Redonner de la valeur aux haies

« En Bretagne, il faut introduire petit à petit les espèces », explique Léa Legentilhomme. On a une liste d’environ 50 essences, qu’on choisit en fonction de la région et des terrains » indique-t-elle.

Haie de châtaigniers, de chênes pédonculés ou bien de chênes sessiles ? Le choix des espèces ne s’improvise pas. Tout comme pour la taille des arbres, il faut du savoir-faire, pour assurer la continuité du projet.

Et pour redonner de la valeur aux haies, le pays a mis en place une filière bois énergie.

L’association « le collectif bois bocage 35 » fondée par des agriculteurs, récolte la matière première, issue de haies durablement gérées. Elle propose aux agriculteurs qui hésitent à replanter en raison du coût d’entretien, des chantiers « clé en main » et forme aussi ses collègues à recéper.

Léa Legentilhomme, à elle seule, créé 15 km de bocage par an.

L’oxygène pour avoir de l’air respirable, les oiseaux, les insectes, la biodiversité en sous-sol, c’est fou ce que ça apporte, un arbre. C’est un couteau suisse. C’est important  Léa Legentilhomme Technicienne de bocage

« Le village qui voulait replanter des arbres » de Brigitte Chevet est à voir dès à présent sur france.tv et il sera diffusé jeudi 20 février sur France 3 Bretagne.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/

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16 février 2025 ~ 0 Commentaire

Lobbies agricoles (Reporterre Greenpeace)

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Comment les lobbies agricoles manipulent la gestion de l’eau

Déni scientifique, intimidations… Pour l’agro-industrie, tous les moyens sont bons pour accaparer la gestion de l’eau en France, dénonce Greenpeace dans un rapport publié le 13 février.

Le système de gestion de l’eau a été détourné pour servir les intérêts d’une minorité : les plus gros agriculteurs irrigants. C’est ce que révèle Greenpeace dans un rapport publié jeudi 13 février. Alors que les pressions sur l’eau ne vont que s’accroître avec le dérèglement climatique, l’ONG explique la bataille d’influence que livrent les tenants de l’agro-industrie pour avoir toujours plus recours à l’irrigation.

Ce procédé, qui alimente 7 % de la surface agricole utile, est responsable de près de la moitié de la consommation d’eau en France, loin devant l’eau potable. Or, ces volumes d’eau gigantesques ne servent pas à nourrir directement la population : l’irrigation est très utilisée pour la culture du maïs, essentiellement destinée aux animaux d’élevage.

Greenpeace analyse dans son enquête comment les lobbies agro-industriels manipulent la gouvernance locale de l’eau, et ce avec la complicité de l’État. Ici, l’ONG se concentre sur deux sous-bassins : la Boutonne (situé à cheval sur la Charente-Maritime et les Deux-Sèvres) et le Clain (situé à cheval sur la Vienne, les Deux-Sèvres et une petite partie de la Charente).

Avant de s’y intéresser dans le détail, il faut savoir qu’en France, les comités de bassin surnommés « parlements de l’eau » planifient la gestion de la ressource sur chacun des grands bassins versants. Sur le terrain, cette politique est déclinée par les commissions locales de l’eau (CLE), constituées de représentants de l’État, d’élus locaux et d’usagers (agriculteurs, industriels, particuliers, associations environnementales). C’est à ce niveau que sont déterminés les volumes prélevables sur chaque sous-bassin.

Des instances noyautées par l’agro-industrie

Ces commissions locales de l’eau sont le premier levier utilisé par les lobbys de l’agro-industrie pour servir leurs intérêts. Ces instances sont noyautées par les défenseurs de l’agriculture intensive selon le rapport de Greenpeace. « Que ce soit sur la Boutonne ou sur le Clain, la totalité des représentants agricoles membres de la CLE sont des irrigants, quasiment tous céréaliers », écrit Hélène Arambourou, l’autrice du rapport. Les agriculteurs bio, les éleveurs et maraîchers n’y participent quasiment pas.

Le manque de diversité est d’autant plus important lorsque l’on sait que des élus locaux également agriculteurs ou liés au monde agricole siègent dans ces commissions uniquement au titre de leur mandat. Ainsi, dans la CLE de la Boutonne, sur les 58 sièges, 5 sont théoriquement prévus pour les agriculteurs. Dans les faits, 21 sièges sont occupés par des personnes ayant des intérêts privés agricoles, dont 12 liées à l’irrigation.

Ce phénomène de « double casquette » multiplie les conflits d’intérêts. « Certains élus ont un intérêt privé dans le maintien d’un système d’irrigation intensif, voire dans la construction des mégabassines », déplore l’autrice du rapport. Les comités de bassin n’échappent pas à cette logique et sont, eux aussi, verrouillés par les défenseurs de l’agriculture intensive.

Malgré leur influence dans les instances de gouvernance de l’eau, il arrive que celles-ci parviennent à faire adopter des textes protégeant les milieux aquatiques et les différents usages de l’eau. « Dans ces cas-là, ils n’hésitent pas à saisir les tribunaux administratifs afin de faire annuler les textes qui les dérangent », note le rapport.

En 2022, la FNSEA a par exemple tenté de faire modifier auprès du tribunal administratif d’Orléans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Loire Bretagne — la feuille de route de ce grand bassin — car il conduisait à « une réduction des usages de l’eau [...] donc à une réduction de la production agricole ». La FNSEA n’a pas obtenu gain de cause.

Le déni scientifique

Au-delà du levier administratif, pour éviter d’appliquer ces textes, les défenseurs de l’irrigation intensive jouent la montre en obtenant leurs reports successifs. Ainsi, sur le bassin de la Boutonne, la CLE s’est accordée sur des volumes maximums à prélever ; cet objectif initialement fixé à 2015, a été repoussé à 2027. Sur le Clain, l’élaboration du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) a pris treize ans, toujours selon l’enquête de Greenpeace.

Si cela ne fonctionne pas toujours pas, une autre technique des lobbys de l’agro-industrie consiste à remettre en cause les études scientifiques prônant la réduction des prélèvements ou à dénigrer les établissements publics qui s’appuient sur ces études à l’aide d’arguments anti-science. Par exemple, sur le sous-bassin du Clain, un représentant agricole a déclaré en séance qu’une étude sur les volumes d’eau disponibles « tentait de faire croire qu’il y a une pénurie d’eau » et qu’au contraire « l’eau était abondante ».

Pour contrer les conclusions scientifiques, les tenants de l’agro-industrie « réclament des études socioéconomiques, utilisées comme prétexte afin de retarder toute décision », poursuit l’autrice du rapport.

Prêts à tout, ils vont même jusqu’aux menaces et violences, relève le document de Greenpeace. Dans le cas du Clain, l’Établissement public territorial du bassin (EPTB) de la Vienne a fait les frais de la colère des acteurs agricoles. La semaine précédant un vote sur des prélèvements en eau par la commission locale de l’eau, les locaux de l’EPTB ont été souillés par de l’huile de vidange déversée par la Coordination rurale et un cercueil et des affiches anti-EPTB ont été déposés devant la préfecture.

L’État complice

Face à toutes ces dérives, que fait l’État ? Il ferme les yeux voire les encourage au nom de la paix sociale, dénonce le rapport de Greenpeace. Au niveau local, de nombreux préfets sont des alliés des lobbys agricoles. Par exemple, « sur le bassin du Clain, l’ancien préfet de la Vienne, Jean-Marie Girier, a systématiquement soutenu les positions des irrigants, allant jusqu’à remettre en cause la légitimité de l’étude qui démontrait la nécessité de réduire les prélèvements ».

Au niveau national, c’est la même défense des intérêts agro-industriels. Alors qu’en 2023, le plan eau du gouvernement visait à réduire de 10 % les consommations d’eau tous secteurs confondus d’ici à 2030, cet objectif ne s’applique finalement pas au secteur de l’agriculture.

Parallèlement, en novembre dernier, le gouvernement a supprimé 130 millions d’euros au budget des agences de l’eau, préférant mettre de l’argent dans la construction des mégabassines. Un fonds doté de 20 millions d’euros en 2024 et de 30 millions d’euros à partir de 2025 a été créé pour financer de nouveaux ouvrages de stockage d’eau.

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