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22 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

pcf (npa)

Où va le PCF de Fabien Roussel ?

Fabien Roussel, qui a été réélu début avril à la tête du Parti communiste français, a publié en mars 2023, un livre intitulé « les Jours heureux sont devant nous, de la présidentielle à la reconstruction de la gauche » (éditions Le Cherche-Midi).

Dans cet ouvrage, il revient sur la campagne présidentielle et sur les législatives. Il s’agit pour lui de dresser un bilan et de donner la ligne qu’il entend défendre avec son parti dans les prochains mois.

Pour faire gagner la gauche, parler à droite ?

Fabien Roussel a un leitmotiv, qui revient tout au long du livre : la gauche a abandonné la valeur travail, et par la même occasion les travailleurEs. Il faut alors les convaincre de revenir dans le giron de la gauche. En soi, cette motivation n’est pas complètement mauvaise, même si « la valeur travail » ne semble d’emblée par être une valeur de gauche.

Mais se préoccuper de politiser les classes populaires sur les lieux d’exploitation est une bonne chose. Seulement, pour Fabien Roussel, ce qui a éloigné les travailleurs de la gauche, ce ne sont pas les trahisons multiples du PS, du PCF et de EELV une fois que ceux-ci sont au pouvoir ou lorsqu’ils gèrent des collectivités locales. Non, cette rupture serait liée au fait que la gauche se préoccupe plus d’autres sujets qui clivent la population.

À titre d’exemple, Roussel explique que la gauche a rompu les digues sur la question de la laïcité. Pour lui, il faut réaffirmer le droit à la caricature et au blasphème. Rappelons que ce droit existe, et que personne ne le remet vraiment en cause, si ce n’est les terroristes qui ne sont pas vraiment des militantEs de gauche. Sauf qu’à travers cette critique de la laïcité prétendument « oubliée » par la gauche, Fabien Roussel ne condamne à aucun moment le racisme anti-musulman qui touche notre société : l’islamophobie. Pourtant, le droit à la caricature n’ouvre aucunement le droit au racisme, et dire cela n’a rien à voir avec un rejet de la laïcité.

Revenant sur la campagne présidentielle, le dirigeant du PCF parle à nouveau de sa sortie sur la bonne viande, le bon vin, le bon fromage. Le tout devant être « français ». La stratégie est bien rodée : il lance une polémique volontairement caricaturale, cela donne lieu à un buzz médiatique, puis il contre-balance son propos en disant simplement être pour que tout le monde puisse bien manger à sa faim. Mais qui, à gauche, n’est pas pour que tout le monde puisse bien manger à sa faim ?

La polémique est ailleurs, et il le sait : en parlant de viande, de vin et de « France », c’est l’absence de critiques de la production de viande à outrance et des méfaits sur la santé, de l’alcoolisme très répandu dans notre pays, mais aussi le caractère chauvin des propos qui choquent. Il ne s’agit pas d’avoir un jugement moral sur les comportements des individus, mais, a contrario, il n’est pas normal de surfer sur cela pour « flatter » ce qu’il pense être une base électorale. En réalité, comme lorsqu’il avait eu des propos extrêmement choquants en disant que « oui, il faut être plus ferme » sur le sujet de l’arrivée des travailleurEs migrantEs, Roussel parle à l’électorat de droite, d’extrême droite, mais aussi de façon plus générale aux personnes qui ne votent pas ou pas pour lui et qui sont attirées par les discours racistes et « anti-woke ».

À chaque fois, pour ne pas trop froisser sa base ancrée à gauche, il revient sur ces propos polémiques avec des positions plus traditionnelles du mouvement ouvrier. Mélenchon faisait la même chose jadis, comme lorsqu’il avait dit que « les travailleurs détachés volent le pain des travailleurs français ». Ruffin, dans son style, adopte la même stratégie, dernièrement sur la question des droits des personnes trans à changer de genre, afin de ne pas « diviser la société ». Puis, devant le tollé, il est revenu sur ces propos promettant de « progresser ». Nous sommes ici face à un grave problème qui consiste à faire passer l’objectif électoraliste avant la construction d’une théorie communiste, anticapitaliste ou même socialiste.

Reconstruire quelle gauche ?

L’un des objectifs du livre est de proposer un plan pour reconstruire la gauche. Et le moins que l’on puisse dire c’est que, pour Roussel, le cadre pour faire cela ne peut pas être la NUPES, qu’il s’interdit d’ailleurs de nommer par son acronyme. Il y a évidemment une critique légitime à faire de cet attelage électoral. Seulement, les critiques formulées par le chef du PCF sont systématiquement des critiques droitières, qui visent principalement à attaquer Jean-Luc Mélenchon.

Dès les premières pages, Roussel se sent par exemple obligé de dénoncer les propos du leader insoumis sur la police : « La personnalité de Jean-Luc Mélenchon, son propos sur “la police tue” passent mal. […] Je suis d’emblée obligé de faire une déclaration publique pour dénoncer ces propos outranciers. ». Pour se démarquer de la FI et de EELV, il propose un chapitre entier pour rappeler en quoi le PCF est pro-nucléaire. Avec par exemple cette « pépite », à l’heure où la crise du nucléaire français rend la possibilité d’un accident de plus en plus crédible : « Nous avons la chance d’avoir un parc de 56 réacteurs nucléaires amortis ». Quelle chance en effet ! Ou encore, dans le genre démago, il cite un camarade de la CGT qu’il a rencontré et qui lui a dit : « Nos trains ne vont pas rouler avec des éoliennes ». Ce syndicaliste a par ailleurs voté pour Mélenchon… comme quoi.

Quelles limites ?

Toutefois les désaccords avec la NUPES vont encore plus loin. Ce qui transpire de la lecture de l’ouvrage, c’est que Roussel veut élargir le rassemblement… sur la droite. D’ailleurs, les mots d’amour pour le PS ne manquent pas. Alors qu’au départ LFI était contre intégrer le PS à la NUPES, Fabien Roussel écrit : « En outre, LFI nous indique que le Parti socialiste n’est pas convié à ce rassemblement. C’est à nos yeux là aussi une grosse erreur ». Et plus loin : « En ce qui me concerne, je ne me résous pas à la mise hors-jeu des socialistes. Je prends contact avec Olivier Faure pour lui faire part de mon total soutien ». Il faut dire que plus tôt, il écrivait aussi : « Ce cap-là [celui de sa campagne présidentielle], j’en suis persuadé, dépasse largement l’horizon de la gauche. Car avec un tel programme, nous avons l’ambition de rassembler les électeurs de gauche, bien sûr, mais aussi de convaincre de nombreux abstentionnistes ou des électeurs perdus qui se sont laissé persuader de voter à droite ou à l’extrême droite ».

Quelle est donc la limite de la gauche que veut reconstruire Roussel ? Car malheureusement, les personnes qui votent à l’extrême droite ne sont pas seulement des personnes qui se trompent de colère. Elles sont souvent gagnées aux idées racistes, aux préjugés LGBTIphobes, au sexisme, au climato-scepticisme. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir une politique à destination de ces personnes, mais cela impose d’être le plus clair possible sur le programme et sur le projet de société, et également sur la pratique militante : autrement dit, une gauche antifasciste, antiraciste, féministe, internationaliste, qui défende des mesures d’urgence sociale et écologique, et qui s’implique totalement dans les luttes des oppriméEs, sans exception. Cacher ces principes pour ne pas faire peur ne peut pas être une bonne solution.

Vision électorale autour de la nation

Autre point crispant, c’est celui qui consiste à ne pas donner un caractère de classe à la gauche à reconstruire. Pour Fabien Roussel, « il faut pouvoir parler à ce cœur battant pour mieux l’éloigner des ressentiments les plus néfastes. La gauche porte une responsabilité vis-à-vis du monde du travail. De la classe ouvrière jusqu’à la classe moyenne et même à une partie de la bourgeoisie, elle doit être capable de rassembler une majorité en respectant les choix de vie, les traditions, les cultures, les territoires. ». Cette vision, pour le moins inter-classiste, est le résultat d’un discours très porté autour de la Nation. En fin de compte, il n’y a quasiment que des réflexes électoraux et patriotes. Roussel n’envisage la prise du pouvoir que par les urnes, et dans le cadre d’alliances sur sa droite. Preuve en est sa main tendue à Bernard Cazeneuve en avril dernier.

Le discours électoraliste va jusqu’à revenir sur les exemples du CNR (Conseil national de la résistance) ou du Front populaire, en oubliant systématiquement de parler de la situation sociale qui a permis de gagner des droits sociaux en 1936 et en 1945 : c’est-à-dire, qu’au-delà de la présence du PCF (qui était d’ailleurs plutôt un frein à la révolution de par sa stalinisation à outrance), il y avait un fort niveau de combativité du prolétariat, avec en 1936 une grève générale et en 45 des milices révolutionnaires armées. Ne pas rappeler cela est malhonnête car précisément les grandes avancées de 1936 n’étaient pas dans le programme du Front populaire, et, si en 1945, la bourgeoisie concède des mesures importantes, c’est parce qu’elle a peur d’un débordement révolutionnaire.

Ceci n’est pas un communiste

Le dernier chapitre tente d’expliquer ce que c’est que d’être communiste aujourd’hui. Comme on a pu le voir avant, il n’y a pourtant pas grand-chose de communiste dans ce que propose le programme du PCF. Au mieux une gestion de gauche, mais à aucun moment une rupture révolutionnaire. Par exemple, lorsque Roussel nous parle de sa vision de la démocratie dans les entreprises, celui-ci se cantonne à vouloir donner du pouvoir aux travailleurEs, mais pas le pouvoir aux travailleurEs.

Autrement dit, la remise en cause de la propriété privée des moyens de production n’est pas posée. Ce qui est pourtant le B.A.BA d’une politique anticapitaliste. Bien sûr, nous pouvons comprendre que le but d’un tel livre n’est pas de présenter ce que serait le communisme aujourd’hui. Il est entendable de mettre en avant des mesures transitoires. Pourtant Roussel avait bien annoncé vouloir parler de communisme. Sauf que nous n’en voyons aucune trace. Nous avons déjà pointé plusieurs contradictions avec une politique révolutionnaire, et nous pouvons ajouter le rapport à l’État, et notamment à la police.

Fabien Roussel revendique toujours avoir eu raison de « participer à une manifestation organisée par des syndicats de policiers ». En fait ces principaux syndicats sont d’extrême droite et se mobilisaient pour que la police ait plus de pouvoir face à la justice qu’ils jugeaient « laxiste ». Disons-le : il n’est pas possible d’être communiste et de défendre la police, c’est-à-dire le bras armé de l’état capitaliste. Participer à cette manifestation relève de la trahison, trahison partagée avec Yannick Jadot et Olivier Faure qui y ont aussi participé. Pas communiste donc…

Cest nous qui le disons. Pas seulement. Le patron du PCF reconnaît lui-même que son parti n’est pas communiste, ou du moins ne défend pas une politique communiste, à travers cette phrase qui dit tout : « Malgré tout, je pense que les Français, à travers le travail des élus communistes et des adhérents qu’ils connaissent, savent faire la part des choses entre les idées que l’on défend et le nom du parti qui les incarne. Les partis ou les mouvements qui changent de dénomination tous les deux ou trois ans non seulement n’en retirent aucun bénéfice mais bien souvent se perdent en route ».

Si, comme nous l’avons déjà plusieurs fois affirmé, la politique de la France insoumise ne peut être une garantie sur bien des sujets, force est de constater que le PCF, avec Fabien Roussel à sa tête, se place à droite de la FI. La dérive, que pointait déjà Laurent Ripart1, se poursuit. Espérons que les militantEs du PCF qui se battent toujours pour une société débarrassée du capitalisme, du sexisme, de toutes les oppressions, et souhaitant mettre un terme au productiviste, sauront prendre le chemin de la construction d’une force politique nouvelle, unitaire, écologiste, anticapitaliste.

Alexandre Raguet

https://lanticapitaliste.org/

 

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22 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

huma (npa)

Crédit Photo Photothèque Rouge /Martin Noda / Hans Lucas Almani Duplessis

Fête de l’Huma : au stand du NPA, la fête et la politique font le plein

La fête de l’Huma ça n’est clairement pas de tout repos ! ToutE militantE vous le dira… La pression folle et collective de faire marcher un stand, d’organiser les rencontres et les échanges politiques sur un long week-end de politique non-stop de contribuer à une fête massive, joyeuse et populaire. Et cette question : est-ce qu’on y arrivera cette année encore ? La réponse est clairement oui !

De longues heures, beaucoup de nuits courtes et bruyantes, parfois plus encore que les journées. C’est ça la fête ! C’est aussi tenir une table politique et discuter avec des centaines de personnes de tous horizons de la gauche très élargie, en plein soleil et sous les assauts d’une joyeuse et bruyante cacophonie. C’est couper des centaines de légumes, changer des fûts de bière, construire un bar en palettes récupérées, une estrade ou quoi que ce soit d’autre jugé nécessaire à rendre le stand le plus agréable possible pour y discuter lutte des classes, stratégie ou parti !

Joie militante, succès des débats

Pour nous au NPA, cette année encore, la fête a été marquée de nombreux moments de joie militante, d’échanges avec d’autres militantEs et organisations. Le samedi, lors du mini-meeting se sont succédé à la tribune notre porte-parole Christine Poupin, mais aussi les Jeunesses Anticapitalistes (JA), Salah Hamouri, la Coordination nationale contre les violences policières et les Soulèvements de la Terre (SDT).

Le succès était là aussi pour les présentations de livres avec la présence de Pauline Perrenot, Béatrice Walylo et Philippe Poutou, et Olivier Besancenot pour son livre sur le Chili de 1973. Beaucoup de monde sur le stand pour ces échanges et même jusque dans l’allée. Les ventes de la librairie la Brèche, présente sur le stand, témoignent de l’intérêt du public pour l’histoire de ce coup d’État mais plus largement pour l’ensemble des débats politiques.

Beaucoup de personnes sont d’ailleurs venues ensuite leur parler et nous manifester leur soutien. L’intervention d’Olivier a été particulièrement touchante, notamment autour du récit d’Helena, notre camarade chilienne décédée en janvier 2022, et a été porteuse d’espoir pour la suite, grâce aux leçons à actualiser pour les luttes en cours et à venir.

Écologie, radicalité, antiracisme et Beyoncé

Le stand était plein de jeunes le dimanche pour le débat entre les JA et les SDT, au cœur des questions générationnelles que soulèvent les mobilisations écologistes de ces dernières années et leur rapport à la radicalité des modes d’action. Une longue ovation est venue conclure cet échange vif et riche.

C’est également un énorme succès pour notre matériel, en particulier pour notre nouvelle affiche dont le slogan « Trop couvertes ou pas assez » est malheureusement trop d’actualité. Enfin nous saluons le succès désormais classique des DJs sets de nos soirées « Marx, Engels, Lenine et Beyoncé » animées par Tata 2 gauche, Fag Plastic et Elo Rage, parce qu’après tout, il faut pouvoir danser à notre révolution !

430 000 participantEs annoncées à la fête de l’Huma, c’est un succès politique très important. Cette année encore le NPA et ses militantEs ressortent de cette fête satisfaitEs et convaincuEs que face aux crises qui s’aggravent — politique, écologique, sociale, démocratique — cette parenthèse est un moment de respiration politique, que la voix politique et les pratiques que le NPA et ses porte-parole portent et représentent au sein de cette fête unique y sont non seulement nécessaires mais aussi appréciées. Déjà prêtEs pour l’année prochaine !

Vendredi 22 septembre 2023 Almani Duplessis

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20 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

l’anticapitaliste (npa)

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20 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

carhaix (npa)

Crédit Photo Sebleouf / Wikimedia Commons
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À Carhaix, 2008-2023 : même combat pour l’hôpital

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Comité NPA du Kreiz Breizh
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En 2008 après de longues semaines lutte, la population du Kreiz Breizh (Centre Bretagne) obtenait devant les tribunaux, la condamnation de l’État et le maintien de sa maternité. Le combat continue.

Depuis le début de l’année, de nouvelles menaces pèsent sur l’établissement indispensable à la population, tous les autres hôpitaux étant à minima à une heure de route. Le 18 mars une manifestation de plus de 7 000 personnes (pour une localité de 8 000 habitants) faisait reculer la direction du CHRU Brest Carhaix quant à la fermeture de certains services par manque d’anesthésistes.

Les urgences fermées

Cet été par manque de personnel, les urgences étaient fermées comme dans beaucoup d’hôpitaux. Le 6 août lors d’une visite au pied levé de la directrice du CHRU et de la directrice de l’ARS, les représentants syndicaux, des élus, le comité de défense et le comité de vigilance étaient reçus.

Elles annoncent la réouverture totale des urgences le 1er septembre, quelques jours plus tard les organisations syndicales en apprennent la fermeture la nuit, le 4 septembre à 18h30 (heure de fermeture), plus de 2 000 personnes – dont des pompiers en tenue qui déposent symboliquement leur casques – se rassemblent devant les urgences pour en exiger la réouverture 24h/24 7j/7.

Le jeudi 7 septembre, manifestation de 200 personnes devant la préfecture de Quimper, une délégation composée des mêmes représentants est reçue par le directeur de cabinet, qui annonce que l’État tiendra ses engagements.

Fac-à-face stérile

Une réunion est annoncée le jeudi 14 septembre dans les locaux de l’antenne finistérienne de l’ARS avec les mêmes protagonistes qu’à Carhaix début août. Après deux heures de dialogue de sourds, les manifestants décident d’envahir les locaux afin d’exprimer leur colère et exiger la réouverture totale des urgences comme promis. Rapidement les issues sont bloquées par les flics, le face à face stérile avec la directrice du CHRU et celle de l’ARS dure jusqu’à 17 heures. L’occupation est levée après qu’un stratagème véreux a fait sortir des locaux Christian Troadec, maire de Carhaix, et notre camarade Matthieu Guillemot porte-parole du comité de vigilance. Ceci sans aucune avancée.

L’action a eu un fort retentissement tant localement que nationalement : appels de l’AFP, interview sur LCI pour le maire, et sur BFM et RMC pour Matthieu. D’autres actions sont à l’étude, la population est mobilisée et prête à se battre pour son hôpital. Nous ne lâcherons rien et nous gagnerons comme en 2008 car notre lutte est légitime.

Une prochaine manifestation est prévue le 30 septembre à 11 heures devant la préfecture de Quimper.

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19 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

inde (presse gauche)

indes

Inde a-t-elle vraiment gagné son indépendance par la non-violence ?

Il y a deux ans, la Birmanie (Myanmar) a connu un immense mouvement non violent de désobéissance civique en réponse à un putsch militaire. Il a cependant été ultimement contraint à s’engager dans à l’autodéfense armée face à une répression sans merci. En a-t-il été différemment en Inde ? L’indépendance, la libération du joug colonial britannique en 1947 a-t-elle été effectivement gagnée grâce au mouvement de désobéissance civile incarné par Gandhi ? Nous avons posé cette question à Sushovan Dhar.

La Birmanie a vécu, à partir de février 2021, ce qui fut peut-être le plus profond et le plus ample mouvement de désobéissance civique non violente de l’histoire moderne et contemporaine, en réponse à la volonté de l’armée de s’assurer le monopole du pouvoir politico-étatique qu’elle partageait avec la Ligue nationale pour la démocratie. Le lendemain même du putsch, la grande majorité de la population a refusé de collaborer avec la junte. Si elle avait reçu à ce moment-là le soutien international qu’elle méritait, le coup de force militaire aurait probablement avorté. Ce ne fut pas le cas.

Grâce à ce répit, la junte a pu progressivement reprendre l’initiative, engageant une répression féroce qui aurait, à ce jour, couté la vie à plus de 4.000 civils. Dans la plaine centrale, le mouvement populaire a été contraint de s’engager dans la résistance armée (ce qui était déjà le cas dans les Etats ethniques de la périphérie montagnarde), face à un pouvoir sans merci. Le mouvement de désobéissance civique n’a pas été vain. Le caractère illégitime du pouvoir militaire est apparu avec éclat, interdisant une normalisation rapide du régime dans l’arène diplomatique. Des liens se sont tissés entre toutes les régions de la plaine centrale et bien des Etats ethniques. La résistance a pu s’inscrire dans la durée. Cependant, l’action de masse non violente n’a pas suffi a forcer l’armée à renoncer à poursuivre une politique de terreur à l’encontre de la population [1].

En a-t-il été différemment en Inde ? Nous avons posé cette question à Sushovan Dhar, activiste politique et syndicaliste.

Pierre Rousset – L’indépendance, la libération du joug colonial britannique en 1947 a-t-elle été effectivement gagnée grâce au mouvement de désobéissance civile incarné par Gandhi ?

Sushovan Dhar - En ce qui concerne le mouvement de libération de l’Inde et la non-violence de Gandhi, c’est une version exagérée et aseptisée de l’histoire indienne qui a été présentée par le parti du Congrès et les historiens libéraux, en particulier après l’indépendance.

En fait, les groupes de lutte armée étaient très puissants et ont apporté une contribution majeure à la lutte pour l’indépendance de l’Inde. Le mouvement était particulièrement fort au Bengale, au Bihar, en Uttar Pradesh (appelé à l’époque Province unie) et au Pendjab. En outre, il y a eu une série de mouvements de masse armés menés par la gauche : Telangana, Tebhaga et bien d’autres révoltes dans différentes régions de l’Inde. Bhagat Singh et ses camarades de l’Association républicaine socialiste de l’Hindoustan ont également joué un rôle majeur.

Même à la veille de l’indépendance, la célèbre mutinerie navale a secoué le pays en 1946. Il ne faut pas non plus oublier le rôle joué par l’armée nationale indienne dirigée par Subhash Chandra Bose.

Un certain nombre de mouvements ouvriers et paysans étaient également intégrés au Congrès. Il serait donc erroné de penser que le Congrès ne représentait que la tradition de la non-violence.

En fait, Gandhi n’est entré en scène qu’en 1920 avec son mouvement de non-coopération. Il s’agissait d’une tentative infructueuse pour inciter le gouvernement britannique de l’Inde à accorder l’autonomie, ou swaraj, à l’Inde. Cependant, l’échec de ce mouvement a conduit à la perte de contrôle de Gandhi sur le Congrès. En effet, les factions socialistes du parti, qui comprenaient des sections n’adhérant pas totalement à la non-violence de Gandhi, prirent le contrôle du parti. La même chose s’est répétée en 1934, lorsque Gandhi a renoncé à sa désobéissance civile. Si nous analysons l’histoire de la lutte pour la liberté en Inde, nous constatons que, jusqu’en 1942, le mouvement de non-violence de Gandhi n’était pas au premier plan de la lutte pour la liberté. La politique de Gandhi se limitait à des actes individuels (satyagraha).

On ne peut pas non plus qualifier le mouvement Quit India de 1942 de mouvement totalement non violent. Si tel avait été le cas, la pression aurait été très faible sur le gouvernement impérial. De nombreux groupes de pression se sont joints au mouvement. N’oublions pas que les principaux dirigeants du Congrès étaient tous en prison lorsque le mouvement Quit India a été lancé. Les dirigeants intermédiaires du parti qui ont joué un rôle de premier plan dans ce mouvement ont ensuite rejoint le parti socialiste et n’étaient pas attachés à l’idée de non-violence au sens gandhien du terme.

Le mouvement communiste indien était important. Il ne semble pourtant pas avoir joué un rôle prépondérant en 1946-1947 ?

L’importance du mouvement communiste indien apparaît au fil de procès intentés par la puissance coloniale. Dès les années 1920, les communistes ont été jugés dans une série d’affaires de conspiration :

• Les affaires de conspiration de Peshawar (1922-1927) : Ces procès ont été intentés en cinq phases par le gouvernement britannique contre 40 à 50 muhajirs, qui avaient formé le PCI en 1920 à Tachkent. Tachkent faisait partie de l’Union soviétique et ces dirigeants y ont reçu une formation politique et militaire, ainsi qu’à l’université communiste des travailleurs de l’Est à Moscou. Les muhajirs [convertis à l’islam] étaient principalement des khilafatis [Soldats du califat ] qui avaient l’intention de se rendre en Turquie pour combattre les Britanniques, mais ils ont rencontré MN Roy à Tachkent et ont jeté avec lui les bases du premier parti communiste indien. Ils ont été inculpés en vertu de la section 121-A (peine pour conspiration en vue de mener une guerre contre le gouvernement de l’Inde) et accusés de fomenter « une révolution prolétarienne contre les oppresseurs impérialistes britanniques afin de restaurer la liberté des masses ».

• L’affaire de la conspiration communiste (bolchevique) de Kanpur (1924-25) : Cette affaire a été lancée contre des dirigeants communistes – dont beaucoup étaient issus du groupe de Tachkent et d’autres étaient des militants paysans et ouvriers de différentes régions de l’Inde – tels que Shaukat Usamni, Muzaffar Ahmed, SA Dange, MN Roy, Muzaffar Ahmad, Singaravelu Chettiar, Ghulam Hussain et d’autres encore.

Selon le gouvernement britannique, ces dirigeants travaillaient « à priver le roi empereur de sa souveraineté sur l’Inde britannique, en séparant complètement l’Inde de la Grande-Bretagne impérialiste par une révolution violente » et ils ont été condamnés au titre de l’article 121-A.

• L’affaire de la conspiration de Meerut (1929-1933) : Il s’agit du procès le plus important qui a établi que le parti communiste indien était un parti de la paysannerie et de la classe ouvrière. Plusieurs dirigeants syndicaux de toute l’Inde ont été arrêtés avec trois Anglais associés à l’Internationale communiste et jugés pour avoir organisé une grève parmi les travailleurs des chemins de fer indiens et de l’industrie textile. Il s’agit de Shaukat Usmani, SA Dange, Muzzafar Ahmed, Sohan Singh Josh, PC Joshi et Philip Spratt, entre autres. Ils ont été condamnés au titre de l’article 121-A. Les procès de Meerut ont suivi une vague d’activités syndicales, d’organisations et de grèves dans les principaux centres industriels de l’Inde à la fin des années 1920, à la suite de la Grande Dépression.

Assez honteusement cependant, le Parti communiste indien n’a pas participé au mouvement Quit India de 1942 !

Cet effacement du PCI a eu des conséquences ?

Il a laissé les masses aux mains du parti du Congrès. Cela s’est traduit par un transfert de pouvoir et non par une révolution sociale… Elle a abouti à l’indépendance de la bourgeoisie nationale et non des masses laborieuses, qui ont joué un rôle majeur dans la lutte pour l’indépendance. Elle s’est faite au prix de luttes populaires menées dans différentes parties du pays pendant près d’un siècle.

Il y a eu des chances de créer des gouvernements autonomes locaux dans différentes parties du pays (par exemple, le gouvernement indépendant de Tamralipta au Bengale), mais l’absence d’une force de soutien forte – la direction – a laissé ces soulèvements populaires accepter le dicton de Gandhi et se rendre.

Néanmoins, n’oublions pas que les organisations populaires de gauche, à savoir les syndicats, ont joué un rôle majeur dans le mouvement Quit India. Les forces de gauche issues de traditions non PC (RSP, RCPI, BLPI et autres) ont participé au mouvement avec toute la vigueur voulue.

Par conséquent, 1942 n’était ni un mouvement non violent ni un mouvement dirigé par Gandhi. Cependant, la bourgeoisie nationale, qui a soutenu Gandhi pendant tout ce temps, est malheureusement apparue comme la seule victorieuse et a joué un rôle majeur dans l’Inde post-indépendante et a façonné le cours de l’histoire indienne, où les structures fondamentales d’exploitation et d’oppression (caste, sexe, etc.) sont restées intactes même après la fin de la domination coloniale. L’expérience indienne est devenue un modèle pour la bourgeoisie du tiers-monde qui s’est imposée comme la principale force dans la plupart des régions du monde décolonisé.

Il faut ajouter que le fait de poser les questions de la violence et de la non-violence comme des oppositions binaires contribue à élever les questions méthodologiques ou tactiques au-dessus du contenu politique de la lutte. Ce n’est pas seulement le cas de la politique gandhienne, mais aussi de son pendant, les mouvements armés marxistes, maoïstes ou autres mouvements de guérilla dans de nombreuses régions du monde. Nous avons été maintes fois témoins de l’échec de ces politiques.

mardi 19 septembre 2023 / par : Sushovan Dhar

https://www.pressegauche.org/

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18 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

russie (4è internationale)

russie (4è internationale) dans A gauche du PS
Ilya Budraitskis

« Si nous voulons comprendre l’extrême droite au 21e siècle, nous devons regarder la Russie »

Le début de l’invasion de l’Ukraine n’était pas seulement une question de politique étrangère, mais aussi un moyen de discipliner la société russe. Et quand on regarde les premiers mois de cette invasion, on se rend compte à quel point les règles du jeu ont complètement changé en Russie. Entretien avec Ilya Budraitskis.

Berceau de la plus grande révolution socialiste de l’histoire, la Russie a connu d’intenses transformations sociales, économiques et politiques tout au long du XXe siècle. De l’ascension de Staline à l’actuel régime de Poutine, il ne reste plus grand-chose de l’expérience organisationnelle des soviets et de l’héritage socialiste qui a caractérisé les premières années de la révolution de 1917. Ilya Budraitskis, militant socialiste russe, est convaincu que le régime actuel de Poutine présente toutes les caractéristiques de ce que l’on pourrait appeler le fascisme du XXIe siècle.

Ilya Budraitskis est un militant politique et un théoricien. Il a vécu de nombreuses années à Moscou, où il a consolidé son activisme. Il est l’auteur de plusieurs textes sur la politique, la culture et l’histoire intellectuelle de la Russie. Il a publié des articles dans des revues universitaires telles que Radical Philosophy, New Left Review, Slavic Review et South Atlantic Quarterly, ainsi que sur d’importants portails médiatiques critiques tels que Jacobin, London Review of Books, E-Flux, Le Monde Diplomatique, Inprecor et Open Democracy. Son recueil d’essais Dissidents among Dissidents : Ideology, Politics and the Left in Post-Soviet Russia a été publié par Verso en 2022. Il est également membre du comité de rédaction du site web socialiste russe anti-guerre Posle.media.

Lors de sa visite au Brésil, Budraitskis a parlé à Radar Internacional du processus de dépolitisation de la société russe post-URSS, des impacts du néolibéralisme, des caractéristiques du régime de Poutine et de ses stratégies de rapprochement avec le Sud global. Enfin, il a commenté les possibilités d’organisation de la gauche russe aujourd’hui.

Nous aimerions commencer par vous demander comment vous caractérisez le régime de Poutine : s’agit-il d’un régime nationaliste ? Un régime fasciste ? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ?

Oui, je dirais que ce régime existe depuis plus de 20 ans et qu’il a subi une sérieuse transformation au cours de cette période. Il a commencé comme un régime bonapartiste néolibéral et s’est transformé en une sorte de dictature fasciste ouverte. Et je pense que cette transformation en régime fasciste a commencé après le début de l’invasion de l’Ukraine. Je peux présenter une analyse plus approfondie de la manière dont cette transformation s’est produite au cours de ces années.

Elle s’est produite en raison de deux tendances parallèles au sein de la société russe, en particulier au cours de la dernière décennie. Si nous examinons la transformation du régime de Poutine, nous pouvons dire que la première période de son existence, c’est-à-dire les années 2000, a été caractérisée par la croissance économique, la mise en œuvre de réformes néolibérales et un profond processus de dépolitisation de la société russe, qui a abouti à la désarticulation et à l’aliénation de la plupart des formes d’auto-organisation politique.

Mais en 2011 et 2012, quelque chose d’important s’est produit. Après la crise économique de 2009, l’économie russe ne s’était pas encore redressée, la croissance économique n’avait pas encore repris et l’économie russe stagnait. Au cours de la même période, la dépolitisation a fait place à un nouveau mouvement de protestation qui a débuté à la fin de l’année 2011, principalement à Moscou, mais qui a également eu des répercussions dans de nombreuses grandes villes russes. Il s’agissait d’un mouvement contre le régime, dont les revendications étaient principalement politiques plutôt que sociales, mais qui, selon moi, reflétait également un mécontentement croissant à l’égard de la situation économique et sociale.

Ce mouvement est apparu au moment où Poutine a décidé de revenir à la présidence et de se présenter aux élections présidentielles de 2012, pour un troisième mandat. Contrairement à ses campagnes des années 2000, celle-ci n’a pas été marquée par un processus de dépolitisation, mais par une offensive conservatrice et anti-révolutionnaire. Ainsi, à partir de ce moment, on peut dire qu’un tournant conservateur s’est amorcé dans le régime de Poutine. Le discours qu’il a présenté était que les manifestations n’étaient pas un mouvement d’opposition interne mais un groupe d’agents extérieurs, de traîtres nationaux, de personnes qui veulent détruire la famille traditionnelle, les valeurs traditionnelles russes, etc. Dès lors, une rhétorique extrêmement conservatrice a été adoptée dans l’idéologie de ce régime.

En 2014, la Russie a commencé à s’impliquer militairement en Ukraine avec l’annexion de la Crimée. Pour Poutine, il ne s’agissait pas seulement d’une question de politique étrangère, de reconquête de l’influence impériale de la Russie dans l’espace post-soviétique, mais aussi d’une question de politique intérieure. Il s’agissait de créer une unité patriotique de la société russe autour de son président. On peut constater la rapidité avec laquelle Poutine a regagné en popularité dans la société russe après l’annexion de la Crimée.

Mais l’effet Crimée, l’effet du rassemblement autour du drapeau, n’a pas duré longtemps. Trois ans après ce que l’on a appelé la « réunification de la Crimée », la popularité de Poutine a commencé à s’effriter et une nouvelle vague de manifestations a vu le jour en Russie. À partir de 2017, un nouveau mouvement a commencé à émerger contre la corruption, contre l’autoritarisme du régime et, en fin de compte, contre les profondes inégalités sociales qui existent dans la société russe. Ces manifestations ont été étroitement associées à la figure d’Alexei Navalny, mais en réalité, il ne s’agissait pas seulement d’un mouvement de ses partisans personnels. Du côté du régime, tout cela a été présenté comme la lutte contre une « révolution de couleur ».

Quel était donc le principal problème en Ukraine ? Selon Poutine, c’était Maidan, le renversement illégal du gouvernement par le peuple, ce qui était absolument inacceptable. Il fallait donc empêcher que cela se produise en Ukraine et en Russie. Poutine a ensuite pris position contre cette possible révolution car, pour lui, toutes les révolutions qui ont eu lieu en Russie, y compris celle de 1917, sont le fruit de l’activité d’ennemis extérieurs. Selon lui, toutes les révolutions sont une conspiration, ce sont des processus qui viennent de l’extérieur pour déstabiliser l’État russe. Et, de fait, cette pensée antirévolutionnaire est très présente dans la version officielle de l’histoire russe, dans les manuels scolaires, dans les grands exposés historiographiques, où non seulement 1917 est présenté comme une sorte d’émeute antirusse organisée par l’Occident, mais où même les soulèvements populaires du XVIIIe siècle, comme celui de Pougatchev, sont présentés comme une conspiration venue de l’extérieur.

En ce sens, il est possible de voir comment le début de l’invasion n’était pas seulement une question de politique étrangère, mais aussi une manière de discipliner la société russe. Et quand on regarde les premiers mois de cette invasion, on se rend compte à quel point les règles du jeu ont complètement changé à l’intérieur de la Russie. Depuis le début de l’invasion, il est impossible de critiquer la guerre de quelque manière que ce soit. Il n’est même pas permis de parler de cet événement comme d’une guerre. L’utilisation du mot « guerre » est un acte criminel en vertu du droit russe, car officiellement, il ne s’agit pas d’une guerre mais d’une « opération militaire spéciale ». C’est ce terme qui devrait être utilisé pour décrire cet événement.

Tous les médias indépendants qui étaient restés dans le pays jusqu’alors ont été expulsés une semaine après l’invasion, et aujourd’hui on peut voir cette tendance répressive dans le rétablissement de l’unité totale de la Russie, telle que Poutine la présente. Pour lui, la société russe est consolidée autour de l’idée de lutter contre l’Occident, contre tout type d’ennemi interne ou externe, et aucune critique n’est encore autorisée dans le pays. Par exemple, vous avez peut-être vu que la semaine dernière, Boris Kagarlitsky a été arrêté à Moscou. Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une campagne croissante de répression des manifestations qui a déjà fait de nombreux prisonniers politiques. Interrogé lors d’une conférence de presse sur Kagarlitsky, M. Poutine a bien sûr répondu que c’était la première fois qu’il entendait ce nom, comme il le fait toujours, mais il a également déclaré : « Nous sommes actuellement dans un conflit militaire avec notre voisin. C’est pourquoi tout ce qui va à l’encontre de notre unité nationale doit être éliminé. C’est la raison de toutes ces affaires ».

Je pense que si nous parlons du mouvement fasciste aujourd’hui, de ce à quoi ressemble le fascisme au 21esiècle, nous devrions regarder ce qui se passe déjà en Russie. Parce que nous sommes dans un contexte où un mouvement de masse venant d’en bas n’est plus nécessaire, il pourrait s’agir d’un tournant fasciste venant d’en haut. Si vous regardez, le fascisme classique, qui a émergé au 20e siècle, a toujours été la combinaison de mouvements de masse avec la classe dirigeante, qui a utilisé le mouvement de masse pour transformer le régime politique. Aujourd’hui, dans les sociétés qui ont déjà été fortement détruites par le néolibéralisme, avec la destruction de toute tradition d’organisation, de solidarité, etc, un mouvement de masse fasciste n’est plus nécessaire. C’est pourquoi je pense qu’il est important de parler de la transformation fasciste de l’État russe, et je pense qu’en ce sens, le cas russe n’est pas unique. Il ne s’agit pas d’une exception à la tendance globale, mais d’une image de celle-ci. Si nous voulons comprendre comment ces mouvements d’extrême droite peuvent transformer la société, nous devrions prendre la Russie comme exemple.

En ce qui concerne la politique étrangère de Poutine, celui-ci s’est rapproché du continent africain et du Sud en général. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet ? Comment les pays du Sud doivent-ils considérer ce rapprochement avec Poutine et la guerre ?

C’est une question très intéressante, parce que Poutine essaie vraiment d’exploiter ce sentiment anti-occidental, anti-américain, anti-colonial et propose, à la place de l’ordre mondial actuel, un autre type de modèle, qui s’appelle le monde multipolaire. Qu’est-ce qu’un monde multipolaire ? C’est l’existence de civilisations particulières ou de civilisations-états particulières. Les « États-civilisations » sont un terme important déjà utilisé dans la nouvelle version de la doctrine de politique étrangère russe adoptée au début de cette année. L’État-civilisation ne signifie pas la même chose que l’État-nation, mais plutôt que les États souverains réels existent comme une sorte de civilisation – comme les États-Unis, la Chine et la Russie. Par exemple, disons que le Brésil est un pays clé pour la civilisation sud-américaine. Cela signifie qu’il doit contrôler l’ensemble du continent afin de restaurer la véritable souveraineté du Brésil et de contrôler la domination organique de ses intérêts nationaux en tant qu’État-civilisation. Il en va de même pour la Russie, bien entendu, car l’État-civil russe est bien plus vaste que les frontières actuelles de l’État russe. Ainsi, par exemple, l’Ukraine a appartenu organiquement et historiquement à l’État-civil russe. Il en va probablement de même pour la Chine, qui doit retrouver son propre État-civilisation.

Si vous voulez trouver les racines de ce concept, vous pouvez lire le livre de Samuel Huntington, « Le choc des civilisations », où il propose à peu près la même chose. L’idée de Huntington est que l’Occident, les États-Unis, ne doivent pas prétendre proposer un ordre mondial, mais doivent être responsables de leur propre civilisation. Ainsi, les civilisations occidentales telles que les États-Unis et l’Europe occidentale feraient partie de la même civilisation et les États-Unis en seraient le chef de file. Cela signifie que l’Occident ne devrait pas être trop ambitieux quant à son influence et devrait se concentrer sur ses propres valeurs, sa propre religion, ses propres traditions et ainsi de suite, en laissant la possibilité aux autres civilisations d’avoir leurs propres traditions. Par exemple, vous avez vos traditions brésiliennes, vous avez le type traditionnel de régime politique brésilien, qui est probablement la dictature militaire, parce que c’est le meilleur régime pour servir les intérêts de votre État-civilisation, et vous avez les valeurs traditionnelles qui sont propres à votre civilisation et qui doivent être préservées. C’est essentiellement le concept d’un monde multipolaire. C’est un monde sans aucun sens de l’universalisme, sans aucun sens de l’autodétermination nationale, parce qu’il ne s’agit pas de nations, mais de civilisations, et ce n’est certainement pas un monde plus juste ou plus égal que celui dans lequel nous vivons, peut-être même pire.

Par exemple, si nous regardons l’Afrique et toutes les spéculations sur ce que la Russie a dit à propos de l’Afrique et ce qu’elle y a réellement fait, c’est le groupe Wagner qui est la clé pour comprendre la politique étrangère russe sur le continent africain. Vous verrez absolument le même type de méthode coloniale, car la Russie est actuellement presque le principal fournisseur d’armes sur le continent africain et est un pays qui tente d’exploiter et d’extraire les ressources naturelles de la même manière que les puissances occidentales coloniales et impérialistes. Si vous regardez ce que fait le groupe Wagner en République centrafricaine, où il contrôle essentiellement les principales mines d’or et les extrait en échange d’un soutien militaire au gouvernement actuel, il s’agit de la manière néocoloniale typique de faire de la politique – fournir un soutien militaire à une élite dirigeante en échange d’un monopole sur l’extraction des ressources naturelles de ce pays. Je ne vois aucune différence entre cette politique et celle de la France ou du Royaume-Uni. La seule différence est que le groupe Wagner représente un autre « État civilisationnel ». En République centrafricaine, par exemple, il a activement promu la religion orthodoxe. Ils ont organisé des missions orthodoxes, formé des prêtres locaux, etc.

Vers la fin de l’entretien, j’aimerais vous interroger sur les possibilités d’organisation de la gauche en Russie. Comment la gauche réagit-elle au gouvernement Poutine ? Quelles sont les possibilités d’action au sein du parti communiste ? À quoi ressemble l’organisation de la résistance en Russie ?

La question de la gauche en Russie est assez compliquée, car je ne crois pas que les groupes et les partis qui soutiennent l’invasion de l’Ukraine puissent être considérés comme étant de gauche ou socialistes. Nous pouvons constater que la direction du parti communiste et un grand nombre de groupes staliniens proches du parti communiste soutiennent pleinement l’invasion de l’Ukraine, ce qui signifie qu’ils restent intégrés dans le système politique de Poutine. Ce système a été construit et développé au cours des 20 années du régime de Poutine et, au sein de ce système, la direction du parti communiste n’a aucune capacité d’action politique. Elle est entièrement guidée par le Kremlin.

Le parti communiste russe et le stalinisme en général en Russie sont très liés à l’héritage impérialiste de la fin de la période stalinienne. Au cours des dernières années de la Seconde Guerre mondiale et immédiatement après, Staline a beaucoup exploité l’héritage du nationalisme russe. Je pense que la tradition stalinienne en Russie comporte cet élément de chauvinisme russe et la continuité de cet élément était certainement très présente dans les positions du parti communiste russe et d’autres groupes staliniens après le début de l’invasion.

Mais il existe bien sûr une autre gauche en Russie, la gauche qui s’opposait aux ambitions impérialistes de son propre gouvernement, composée de groupes socialistes, trotskistes et anarchistes. Et comme je l’ai déjà expliqué, il n’est actuellement pas possible d’exprimer ouvertement des critiques à l’égard de la guerre, qui est la principale question politique du pays. C’est pourquoi il n’est pas possible pour la gauche anti-guerre russe d’opérer légalement dans le pays à l’heure actuelle. De nombreux militants importants qui étaient déjà connus pour leurs positions anti-guerre et anti-Poutine ont quitté le pays. Dans mon organisation, le Mouvement socialiste russe, la plupart des dirigeants ont déjà quitté le pays. Kagarlitsky a été arrêté précisément parce qu’il continuait à critiquer la guerre alors qu’il était encore dans le pays. C’est pour cela qu’il a été arrêté.

Certains membres des groupes anti-guerre tentent encore d’agir en Russie, mais de manière semi-clandestine : discussions politiques à huis clos, événements de propagande avec invitations personnelles, diffusion d’informations via Telegram ou Youtube. Mais ceux qui sont en Russie doivent respecter la législation russe en vigueur, ce qui signifie qu’ils ne peuvent faire aucun commentaire sur la guerre. Non seulement sur le nom de la guerre, qui n’est pas une guerre mais une opération militaire spéciale, mais aussi sur les actions de l’armée russe en général. En effet, il existe désormais en Russie une loi qui criminalise toutes les fausses nouvelles concernant l’armée russe. La définition des fausses nouvelles est très simple : toute utilisation autre que les déclarations officielles du ministère russe de la défense. Donc, par exemple, si vous dites que l’armée russe a commis des crimes de guerre, vous pouvez être arrêté immédiatement et purger une peine de cinq ans en général.

Est-il possible d’être arrêté même pour avoir publié des messages sur des réseaux sociaux tels que Facebook ou Instagram ?

Oui, c’est possible. Et ce n’est pas seulement une possibilité, il y a plusieurs cas de ce genre. Des centaines de personnes ont été arrêtées ou condamnées à une amende pour avoir publié des messages sur les médias sociaux. Mais en ce qui concerne Instagram et Facebook, ces réseaux sociaux ont déjà été interdits sur le territoire russe, vous n’avez donc pas le droit de les utiliser. Youtube et Telegram sont encore autorisés, mais nous ne savons pas pour combien de temps. Selon certaines rumeurs, les autorités russes bloqueront probablement Youtube jusqu’à la fin de l’année. Une alternative a déjà été proposée, une sorte de plateforme russe entièrement contrôlée par le gouvernement pour remplacer Youtube, qui est très populaire en Russie.

Publié par Esquerda.net

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18 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

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politique (basta) dans A gauche du PS

« Une constante intervention politique et économique visant à saboter la lutte contre le dérèglement climatique »

Dans son livre Le grand sabotage climatique, le journaliste Fabrice Nicolino documente l’influence des industriels sur les institutions internationales qui entrave les luttes contre le réchauffement de la planète.

On apprenait en février 2023 que le climatoscepticisme connaît un réveil en France. Quatre chercheurs du CNRS, étudiant à la loupe binoculaire le réseau Twitter, y découvraient 10 000 comptes actifs niant d’une manière ou d’une autre la réalité du dérèglement. David Chavalarias, l’un des auteurs, écrivait : « Entre 2021 et l’été 2022, l’activité des comptes “dénialistes” a été multipliée par six ». Sans le moindre « argument » nouveau depuis des décennies. Selon les négateurs, il y aurait réchauffement – au mieux –, mais sans aucune preuve certaine que les activités humaines en soient les responsables.

Les variations du soleil ont toujours existé – le cycle de Milanković –, et il y a toujours eu des réchauffements et des… refroidissements. Les effets du changement peuvent aussi être bénéfiques, on oublie le rôle de la vapeur d’eau, la montée des océans a d’autres explications, etc.

Cela pourrait paraître anecdotique, mais selon ce travail, les effets en sont majeurs en disséminant dans l’opinion de fausses informations. Et du même coup, même s’il est très difficile d’évaluer les conséquences, en affaiblissant la position des autres, y compris dans les cercles dirigeants où se décident les politiques publiques.

Aux États-Unis, le climatoscepticisme organisé par l’industrie

Aux États-Unis, il est clairement démontré que le climatoscepticisme a été pensé, organisé, financé par l’industrie, et des groupes politiques de droite, dont ces libertariens qui ne veulent pas entendre parler de la moindre politique d’État. En 2008, l’université de Floride publie une étude sans ambiguïté : 92 % de « l’information » climatosceptique était partiellement ou totalement sous la coupe d’une structure politique conservatrice.

En 2015, le travail de bénédictin du chercheur Justin Farrell montre que pour l’essentiel, le négationnisme climatique est « produit » aux États-Unis par 4 556 personnes. Les réseaux de ces derniers n’ont pas un maître d’œuvre unique, mais se croisent, se superposent, s’intriquent dans le cadre général de 164 organisations diverses, dont nombre de think tanks. Les preuves surabondent d’une constante intervention politique et économique, visant à saboter la lutte contre le dérèglement climatique.

Une incursion en Australie s’impose aussi, car il s’y passe des événements au-delà du concevable. Le 18 septembre 2013, le conservateur Tony Abbott devient Premier ministre d’Australie et sa toute première mesure est de supprimer la taxe carbone instituée par les travaillistes qui l’ont précédé au pouvoir. C’est ensuite un bombardement. Il efface tout simplement le ministère des Sciences, l’Autorité du changement climatique et la Commission du climat.

En Australie, un climatosceptique à la tête du gouvernement

Les investissements dans les énergies renouvelables chutent de 70 % en 2014. Et je passe sur les mesures aberrantes contre la protection des forêts, des océans. Bien sûr, Abbott est un climatosceptique convaincu. Dès 2009, il avait au cours d’un meeting affirmé qu’attribuer aux activités humaines la responsabilité du réchauffement était « une connerie absolue ».

En 2017, après avoir quitté la vie politique australienne à la suite de revers, il déclare, apparemment sérieux, que le dérèglement « est plutôt une bonne chose, ou du moins, crée plus de bien que de mal ». Boris Johnson le nommera fin 2020 – son père est anglais – conseiller au commerce du Royaume-Uni. Et pendant ce temps, en Australie, 70 % des médias matraquent de la même manière qu’Abbott. Ne sont-ils pas la propriété de Robert Murdoch, climatosceptique assumé ?

Import du climatoscepticisme en France

L’Association française pour l’information scientifique (Afis) est la structure qui a « importé » en France le climatoscepticisme, selon les journalistes Stéphane Foucart et Stéphane Horel, et le sociologue Sylvain Laurens. Notons toutefois qu’il y a un véritable pionnier, auteur d’un blog très couru au début des années 2000. Un certain Charles Muller.

 

Le grand sabotage climatique. Révélations sur un système corrompu. ONG, multinationales, gouvernements…., Fabrice Nicolino, éditions Les liens qui libèrent. A découvrir en librairie le 20 septembre 2023.

En 2006, traduisant simplement l’expression américaine « climate skeptic », il a bel et bien lancé l’expression dans l’arène publique. Dans leur livre Les Gardiens de la raison, les trois auteurs évoqués critiquent longuement l’Afis « qui, avec seulement 6 000 abonnés, touche un public stratégique et qui donne avec autorité le “la” de la science dans l’espace public ».

Qui est Charles Muller, audacieusement présenté comme « rédacteur scientifique » ? Un pseudonyme. Son vrai nom est Charles Champetier, et l’on comprend qu’il préfère une autre signature, car sous celle-là, il a été rédacteur en chef de la revue Éléments, organe de la Nouvelle Droite – et si vieille – d’Alain de Benoist. La revue de l’Afis oublie aussi de préciser qu’il est consultant en communication, et cofondateur de l’agence Inférences.

Le réchauffement climatique serait dû aux nuages…

Pendant des années, à partir de 2002, fleurirent quantité de livres climatosceptiques, dont certains tombés entre mes mains. J’aurais préféré que ce ne soit pas le cas. Tous, je dis bien tous, étaient d’un niveau tellement affligeant que l’on en éprouvait presque de la gêne pour leur auteur. Je le jure. Et l’Afis en rendit compte avec complaisance, dans des « recensions qui évit[ai]ent de mentionner les nombreuses erreurs factuelles, voire les authentiques malversations intellectuelles qu’ils véhiculent et qui [étaient] pour la plupart puisées dans le creuset des cercles néoconservateurs et libertariens américains ». Parmi eux, le livre du présentateur météo Laurent Cabrol, Et si la terre s’en sortait toute seule, paru en 2008.

J’ai noté alors certains entretiens qu’il avait donnés, et qui donnent une idée, je crois, du personnage. Par exemple : « J’ai été le premier à parler du réchauffement climatique il y a vingt ans, mais j’ai décidé de prendre du recul. En gros, on nous dit que le réchauffement, c’est le CO2 des voitures. En emmenant nos enfants à l’école le matin, nous réchaufferions la planète. Mais moi, en lisant tous les auteurs, je me suis rendu compte qu’y avait pas que le CO2 . ‘Y a le rôle du soleil, dont on ne sait que peu de chose. ‘Y avait le rôle des nuages, dont on ne sait rien. ‘Y avait les océans, dont on ne parle pas… »

Et à propos d’Allègre : « Je suis tout à fait en phase avec lui lorsqu’il dit qu’avant de nous rendre coupables, il faudrait en savoir plus sur la mécanique climatique. Et j’avoue qu’il a eu beaucoup de courage d’apporter la contradiction dans un domaine où la pensée unique fait des ravages… »

L’archétype d’une certaine folie climatosceptique se trouve dans un dossier du Figaro daté du 23 février 2010. Deux journalistes mettent en scène ce qu’il faut bien appeler une mystification dans un article intitulé « Réchauffement climatique : les thèses s’affrontent ». On y interroge à égalité les « tenants » du dérèglement et les négateurs du phénomène, créant ainsi l’illusion d’un débat qui n’existe pas dans la réalité.

Comment oser mettre sur le même plan des milliers de scientifiques unanimes et une poignée de zozos dont ce n’est pas même la spécialité ? Le Figaro n’hésite pourtant pas, et écrit, rendant hommage au compère bien connu d’Allègre, Vincent Courtillot : « Les courbes de températures qu’il a reconstituées avec une équipe de l’Institut de physique du globe de Paris, qu’il dirige, montrent qu’entre 1900 et 1986, il n’y a pas eu de réchauffement en Europe ». C’est une prise de position, sinistre. Un grand journal français – en 2010 ! – affirme qu’il n’y a pas eu de réchauffement en Europe, donc en France.

Présentateurs météo relais du climatoscepticisme

Le 8 juillet 2010, Claude Allègre et Luc Ferry cosignent dans Le Figaro un article titré « Le pari de l’innovation écologique ». La date est d’une grande importance, car le livre d’Allègre L’Imposture climatique, a été publié au printemps, et taillé en pièces. Le journaliste Sylvestre Huet en a aussitôt, en quelques semaines, tiré un pamphlet, « L’Imposteur, c’est lui ». Allègre est allé trop loin, et a menti manipulant des données et allant jusqu’à falsifier un graphique essentiel. C’est le pire que l’on puisse reprocher à un scientifique.

À l’automne 2015, le présentateur météo de France 2, Philippe Verdier, publie à son tour. Cela donne Climat Investigation : « À la base [de l’affaire], il y a les scientifiques manipulés, politisés, de la corruption, des scandales sexuels puis des politiques qui ne servent que leur image et leur soif de pouvoir, des médias aveuglés qui s’emballent et censurent sous la pression de leurs actionnaires [...], des ONG mercantiles et des religions en quête de nouveaux credo. » Et il ajoute : « Nous sommes indubitablement sur un plateau du réchauffement et la variabilité cyclique du climat ne nous permet pas d’envisager si le rythme naturel va demain nous entraîner vers une baisse, une stagnation ou une hausse. » En 2015 !

Tous les climatosceptiques ne sont pas à la botte de l’industrie, mais le phénomène lui-même a été largement financé, amplifié, démultiplié même par ceux qui ont tant intérêt à ce que l’extraction du gaz, du pétrole, du charbon continue jusqu’au bout. Il va de soi que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) et tous les autres ne répondent pas à toutes les questions. Il est probable que des erreurs, potentiellement importantes, existent dans l’Himalaya des données disponibles. Et alors ?

Fabrice Nicolino

Fabrice Nicolino, Le grand sabotage climatique. Révélations sur un système corrompu. ONG, multinationales, gouvernements…., éditions Les liens qui libèrent. A découvrir en librairie le 20 septembre 2023.
Journaliste, il est notamment l’auteur de Pesticides, révélations sur un scandale français, ou encore de Bidoche : l’industrie de la viande menace le monde.
©DR

18 septembre 2023

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17 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

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16 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

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Pollution et malbouffe : les cancers explosent chez les jeunes

En trente ans, les cancers chez les jeunes ont grimpé de 80 %. Les principaux responsables : les polluants environnementaux et une mauvaise alimentation, analyse le Dr Jean-David Zeitoun.

Les chiffres sont alarmants : en 30 ans, l’incidence des cancers chez les moins de 50 ans a bondi de 79 %, le nombre de décès associés de 28%, et les pays industrialisés semblent particulièrement touchés, révèle une large étude publiée dans le BMJ Oncology le 5 septembre.

En utilisant les données des registres nationaux des cancers, des chercheurs ont analysé l’évolution de l’incidence et des décès de 29 cancers dans plus de 200 pays, entre 1990 et 2019. Les résultats sont sans appel : en 2019, 3,26 millions de cancers ont été déclarés chez les moins de 50 ans, contre 1,82 million en 1990.

Le cancer le plus répandu à cet âge est le cancer du sein. Mais ce sont les cancers nasopharyngés et de la prostate qui présentent les évolutions les plus inquiétantes. Et cette tendance ne devrait pas s’inverser : l’incidence des cancers précoces devrait encore croître de 31 % d’ici 2030. Les décès de 21 %.

Les causes précises sont difficiles à identifier : outre les facteurs de risque alimentaire (comme un régime riche en viande rouge), la consommation d’alcool et le tabagisme, les auteurs avancent d’autres pistes : les antibiotiques, le microbiote intestinal ou encore la pollution de l’air extérieur. Un point de vue que partage Jean-David Zeitoun, docteur en médecine et en épidémiologie clinique, et auteur de Le suicide de l’espèce : comment les activités humaines produisent de plus en plus de maladies (ed. Denoël, février 2023).
Reporterre — Selon une étude publiée dans le BMJ Oncology, les cancers chez les moins de 50 ans ont bondi de 80 % en trente ans. Ces résultats sont-ils nouveaux ?

Jean-David Zeitoun — Non. Plusieurs équipes de chercheurs ont publié des travaux ces dernières années montrant déjà l’augmentation de certains cancers, à l’échelle mondiale et régionale. Ils ont aussi rapporté que ces cancers touchaient de plus en plus de patients plus jeunes qu’avant. Cette étude va dans le même sens.

Cette augmentation des cancers n’est pas un effet démographique ou de surdiagnostic : ce n’est pas parce que la population est en croissance ou que l’on a augmenté le dépistage que l’on a plus de cas. Il s’agit d’une augmentation réelle des cancers.

« Dans beaucoup de pays, y compris dans les pays riches, la mortalité augmente, de même que les maladies chroniques, dont les cancers. » National Cancer Institute / Unsplash

Les pays industrialisés semblent davantage touchés. Connaît-on les causes de cette tendance ?

Certains cancers augmentent, d’autres diminuent. Les causes sont difficiles à déterminer, mais on en sait suffisamment pour dire que les facteurs alimentaires et/ou environnementaux sont les principaux suspects.

Les auteurs pointent aussi le tabac, l’alcool et le régime alimentaire…

Le tabagisme et la consommation d’alcool sont plutôt en baisse dans les pays riches. Ce ne seraient pas mes premières hypothèses. En revanche, les facteurs de risque environnementaux et alimentaires sont complètement crédibles, et il y en a beaucoup. Déterminer la part de chacun est excessivement difficile.

En épidémiologie nutritionnelle et environnementale, ces preuves sont intrinsèquement très difficiles à apporter : on ne peut pratiquement jamais isoler une exposition à un polluant, parmi les centaines qui nous entourent, pour prouver qu’il est responsable de tel cancer. Cela retarde la connaissance et la prise de conscience, ce qui explique que nous nous en remettions à des études écologiques, comme celle-ci, qui regarde la tendance à l’échelle mondiale.

Sur les facteurs environnementaux, les preuves ne sont pas formelles ?

On sait que beaucoup de polluants chimiques ont des effets cancérogènes. On sait aussi qu’ils ont des effets de perturbateurs endocriniens et que de ce fait, ils ont aussi des effets cancérigènes sur les cancers hormono-dépendants.

La science est claire, mais elle reste touchée d’incertitudes, pour des raisons inhérentes à cette discipline. Et les causes des cancers sont multifactorielles, ce ne sont pas des choses que l’on pourra montrer de façon aussi évidente que tel médicament est responsable de tel effet secondaire.

Dans votre livre « Le suicide de l’espèce », vous expliquez que notre société est une fabrique à maladies chroniques, notamment de cancers. Pourquoi ?

Parce qu’aujourd’hui une partie de l’économie repose sur la production de « risques » [pour notre santé], soit de façon directe avec la vente de « risques » comme le tabac, l’alcool ou l’alimentation de mauvaise qualité. Soit de façon indirecte quand une industrie exerce des retombées négatives sur l’environnement, parce qu’il est moins cher de produire en polluant, que sans.

Pendant longtemps, la médecine a permis d’atténuer les effets de ces risques. Elle a progressé et permis de traiter les maladies et de continuer à progresser en espérance de vie. Aujourd’hui, c’est moins le cas, voire ce n’est plus le cas du tout. Dans beaucoup de pays, y compris dans les pays riches, la mortalité augmente, de même que les maladies chroniques, dont les cancers.

Vous parlez aussi d’entreprises — alimentaires ou industrielles — pathogènes, c’est-à-dire productrices de maladies, comme les cancers. Comment les rendre moins néfastes ?

Les industries produisant des risques et des maladies doivent être régulées et taxées pour qu’il y ait à la fois un effet de loi et de marché. Elles ne devraient pas avoir le droit de produire certains risques — vendre des produits délétères pour la santé, comme l’alimentation trop transformée, des polluants chimiques, etc. ou contaminer l’environnement .

On l’a déjà fait : on a interdit le plomb dans l’essence et dans la peinture. Aujourd’hui, tout le monde trouve cela normal. Certaines industries continuent à produire certains « risques », qui ne sont pas moins nocifs que le plomb.

Ensuite, dans l’alimentation notamment, on peut envisager une intervention économique qui passerait d’abord par une détaxation des produits frais et qui serait associée à une taxation des produits trop toxiques — notamment les aliments trop sucrés ou trop transformés. L’objectif est d’obtenir une incitation économique très forte à manger des choses qui ne rendent pas malades.

C’est aussi ne plus faire peser sur l’individu seul la responsabilité de ces maladies chroniques ?

Oui, on demande aux gens d’éviter des « risques » qu’on laisse librement proliférer dans la société. C’est injuste et ne marche pas. Les gens ne peuvent pas passer leur journée à éviter des risques qui sont disséminés autour d’eux.

Quand même l’air que vous respirez, l’eau que vous buvez et que la seule nourriture que l’on vous propose à un prix décent sont susceptibles de nuire à votre santé, il ne faut pas s’étonner que les gens finissent par tomber malades.

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16 septembre 2023 ~ 0 Commentaire

narita (reporterre)

japon

Zad contre aéroport : au Japon, le combat dure depuis plus de 50 ans

Le Japon abrite une zad depuis plus longtemps que la France : depuis les années 1960, agriculteurs, étudiants et ouvriers s’opposent à la construction d’un aéroport. Un lieu qui continue de fédérer différentes luttes.

Narita (Japon), reportage

Heureusement que les cigales japonaises cymbalisent fort : elles font presque oublier les rugissements des avions qui fendent le ciel toutes les dix minutes. Drôle d’endroit pour cultiver son potager. Mais c’est que les champs de Takao Shito, un septuagénaire aussi jovial que bourru, étaient là avant que s’implante l’aéroport international de Narita, le principal point d’entrée dans l’archipel.

« Il y a quelques mois, la police a érigé un mur qui condamne l’accès à une partie de mon potager ; alors, on a construit des serres et maintenant je cultive une partie de mes légumes ici », raconte le fermier d’un air placide, tandis qu’un ventilateur ronronne sans parvenir à rendre la fournaise estivale supportable.

Si l’État japonais s’acharne à récupérer ces quelques hectares de potager, c’est parce que les terres de Takao Shito sont tout ce qu’il reste de la plus ancienne zone à défendre (zad) du pays. L’histoire est peu connue des touristes, et la plupart des Japonais l’ont déjà oubliée : le développement de l’aéroport de Narita, à une heure de route de la capitale Tokyo, a été l’objet d’une des plus féroces luttes écologistes de l’archipel.

Coincés entre des pistes d’atterrissage et de décollage, les lopins de terre sont aujourd’hui séparés par des palissades et des barbelés ; les quelques maisons qui abritent encore des résistants sur place profitent de l’ombre d’un bosquet rescapé. À première vue, la zad ressemble à quelques friches isolées ; il faut prendre le temps d’y naviguer pour comprendre le tissu qui unit — et fortifie — ces dernières poches de résistance contre l’aéroport.

Le berceau de la lutte écologiste japonaise

Projet emblématique du développement économique du Japon d’après-guerre, l’aéroport de Narita visait à désengorger celui de Haneda, planté au milieu de la mégapole. Seul hic : les terres où il devait s’installer, sur le plateau de Shimōsa dans la préfecture de Chiba, étaient déjà occupées. Or les paysans du plateau de Shimōsa ont la réputation d’être prompts à la révolte : à l’époque où Tokyo s’appelait encore Edo (1603-1868), le plateau était hors de la juridiction impériale ; héritage de l’époque, la préfecture a connu plusieurs révoltes populaires d’ampleur au cours des derniers siècles.

Aussi, lorsque les paysans ont découvert dans le journal local le projet d’aéroport, ils n’ont pas tardé à s’unir, formant l’Union de Sanrizuka contre la construction de l’aéroport de Narita, en 1966. Ambiance pré-1968 : le pays est en ébullition, ce conflit de David contre Goliath a cristallisé les mécontentements d’une société en pleine mue modernisatrice. Les paysans ont ensuite reçu le soutien des étudiants de Tokyo, des ouvriers des préfectures voisines, et du Parti communiste alors au faîte de son influence.

Les années et décennies qui suivent ont été ponctuées par une série de manifestations de plus en plus intenses : le conflit a fait une dizaine de morts, côté manifestants comme policiers ; au mitan des années 70, une manifestation a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes ; des coups d’éclat ont forgé un récit quasi légendaire, comme lorsqu’un groupe de manifestants est parvenu à s’introduire dans la tour de contrôle, à détruire les ordinateurs flambants neufs, avant de se retrancher sur le toit de l’édifice. Entre l’ouverture de l’aéroport, en 1978, et 2017, plus de 511 incidents ont été recensés : le conflit a changé de forme, mais ne s’est pas éteint.

« Notre détermination n’a pas faibli »

« Au début, nous luttions contre l’aéroport parce qu’il devait servir à faire la guerre, et beaucoup de militants étaient des pacifistes, se souvient Hagiwara, qui vit sur le terrain depuis vingt ans. Mais aujourd’hui, il y a aussi la conscience que l’environnement s’effondre, et la lutte contre l’aéroport est devenue une lutte écologiste. »

Le paysan est venu à Sanrizuka pour la première fois en 1988, attiré par une militante dont il était amoureux et qui est devenue sa femme. À l’époque, il y avait une vingtaine d’agriculteurs sur place à l’année, et un millier de sympathisants qui venaient régulièrement ici ; aujourd’hui, il en reste à peu près la moitié. Mais, assure Hagiwara, « notre détermination n’a pas faibli ; tout nous conforte aujourd’hui dans notre volonté de montrer qu’il y a d’autres modèles que celui que propose le capitalisme ».

Hagiwara cultive ses légumes en agriculture biologique et les vend directement auprès de ses voisins : un modèle plus que minoritaire au Japon, mais qui sert d’inspiration à de nombreux jeunes militants en quête d’alternatives. L’heure du repas approche et la discussion se poursuit dans un Sukiya, une chaîne de fast-food qui est au restaurant local ce que le Roundup est à la permaculture.

« C’est souvent mal vu de parler politique au Japon »

Dans le restaurant, la plupart des clients prennent leur repas seul à leur table, l’attention rivée sur leur smartphone : l’individualisme qui façonne le Japon depuis un demi-siècle explique, pour les militants historiques, le faible taux de mobilisation au Japon. « C’est dur d’expliquer le sens de notre lutte, parce que c’est souvent mal vu de parler politique au Japon, soupire Hagiwara. En France, vous avez José Bové qui a démonté un McDonald’s ; ce genre d’action ne serait pas du tout soutenue ici. »

Matsumoto, une étudiante qui a rejoint le mouvement de Sanrizuka depuis deux ans, est quant à elle persuadée que le Japon est « au creux de la vague » : le jour de notre rencontre, elle est affairée à préparer une manifestation antinucléaire à Hiroshima, mêlant le principal syndicat étudiant nippon et plusieurs organisations syndicales.

Quelques mois plus tôt, elle faisait partie de ceux qui avaient perturbé le sommet du G7 (lui aussi organisé à Hiroshima), et qui ont été repoussés sans ménagement par la police. « Les gens vont voir la violence avec laquelle la police réprime les mouvements sociaux, ils vont en être indignés, et ils vont rejoindre notre cause », veut-elle croire.

Cette zad, « une sacrée épine dans le pied du gouvernement »

De retour sur les champs, on prend mesure de l’ampleur du dispositif policier déployé pour surveiller la poignée d’irréductibles agriculteurs : la terre semble plus fertile pour y faire pousser caméras et barbelés que tournesols et courgettes. Entre deux chicanes, un mirador abrite en permanence une équipe de policiers chargée de veiller sur une parcelle de terre que Hagiwara destine aux carottes.

En février, plus d’un millier de policiers antiémeute sont venus interpeller Takao Shito ; les manifestants étaient une centaine et ils ont essayé de former une chaîne humaine pour résister, mais elle n’a pas duré longtemps. Shito a donc été embarqué pour une garde à vue de trois semaines, qu’il évoque comme un détail de l’histoire. « Sanrizuka, c’est le lieu où se fédère une alliance entre paysans, ouvriers et paysans, essentielle pour animer un mouvement social », maintient-il.

Détour par le quartier général de Sanrizuka, une maison perdue au milieu d’un bosquet, protégée par une grille surveillée par une caméra — les militants ont appris à se méfier des visites à l’improviste des forces de police. Une quinzaine d’activistes historiques aux cheveux grisonnants — quand il leur en reste — vient d’y imprimer une série de tracts, que les plus jeunes embarquent pour une distribution devant la gare de train de Narita. Comme un symbole du passage de témoin entre deux générations.

Hagiwara a fini de labourer son champ et vient discuter tranquillement. Une journée a suffi : on s’est déjà habitué au vrombissement des avions. Reste une question qui nous taraude : qu’est-ce qu’il trouve à aimer dans ces quelques lopins de terre éparpillés entre des pistes d’atterrissage ? Hagiwara réfléchit un long moment, puis affiche un grand sourire malicieux : « Ce que j’aime, c’est précisément qu’elles sont en plein milieu de l’aéroport. Et que c’est une sacrée épine dans le pied du gouvernement. »

Les expropriations débutèrent en 1971, et occasionnèrent de violents affrontements, connus comme la lutte de Sanrizuka. Il y eut officiellement 13 morts, dont 5 policiers, 291 paysans arrêtés, et plus d’un millier d’étudiants venus soutenir les paysans blessés et arrêtés lors des combats2. Ces affrontements sont documentés par la série de films documentaires de Shinsuke Ogawa, dont Front de libération du Japon – L’Été à Sanrizuka, sorti en 1968, ainsi que par les vingt dernières minutes du documentaire français Kashima Paradise de Yann Le Masson et Bénie Deswarte, sorti en 1973.

Il devait y avoir à l’ouverture trois pistes, une de 4 000 m, la seconde de 2 500 m et la troisième de 3 000 m mais, seule celle de 4 000 m demeure achevée jusqu’en 2002. La seconde piste est finalement ouverte mais elle ne fait que 2 180 m de long parce que l’expropriation nécessaire n’a pas abouti3. En 2009 cette piste, la 16L/34R, a pu être prolongée aux 2 500 m prévus. La finalisation d’une troisième piste de 3 200 mètres est à l’étude et serait située sur le côté des terminaux T1 et T2 néanmoins, l’aéroport se heurte toujours à la résistance d’agriculteurs ne souhaitant pas céder leurs terrains3. En 2023, des études reprennent avec le projet d’un grand terminal global4 et la construction de la piste 3, etc.. L’objectif est de mener certains travaux à terme avec une inauguration envisagée en mars 2029.

Le 1er avril 2004, l’aéroport est privatisé et son nom officiel New Tokyo International Airport est changé en Narita International Airport.

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