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04 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Arbeiter (Ouest France)

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De Nantes à Brest, pour faire connaître le combat des internationalistes

Deux plaques seront dévoilées à Brest, ce samedi, en l’honneur de militants ouvriers, dont des Nantais et brestois, morts durant la guerre 39-45 « pour la fraternité entre les peuples. »

Résistance antinazie ouvrière et internationaliste, de Nantes à Brest, les Trotskistes dans la guerre. Ce livre coécrit par Robert Hirsch, Henri le Dem et François Preneau, connaît un vrai succès.

Dans l’ouvrage, les co-auteurs mettaient en exergue le travail d’’une poignée de militants de Nantes à Brest pour faire vivre l’esprit international ouvrier face au nazisme, en pleine  Seconde Guerre mondiale.

Partis de Nantes, en 1943, quelques-uns d’entre eux, dont le postier trotskiste Robert Cruau, sont montés à Brest pour fraterniser avec quelques soldats allemands.

L’opposition farouche au nazisme et la volonté de préparer un changement radical pour l’après-guerre, les liaient. C’est ainsi qu’ont été diffusés et imprimés, à Brest, par quelques soldats allemands, des bulletins clandestins en allemand intitulés Zeitung für Soldat und arbeiter im Western. Ce travail à Brest fut mené en lien avec le juif berlinois résistant internationaliste Martin Monath, à l’origine, pour sa part, d’Arbeiter und soldat.

Leurs actions sont stoppées, avec l’arrestation les 6 et 7 octobre 1943, des militants français et allemands. Parmi eux, Robert Cruau, connu sous le nom de Max par la police Nazie (1). Il est abattu. D’autres résistants internationalistes sont arrêtés et déportés. Quatre – Georges Berthomé, Yves Bodenez, André Floch, Albert Gohovec – sont morts en déportation.

Quant aux soldats allemands, ils sont fusillés en catimini, sans procès. Leurs identités, encore aujourd’hui, ne sont pas connues avec certitude. Même si les noms de trois d’entre eux sont apparus dans le registre du cimetière brestois de Kerfautras.

Pour poursuivre ce travail de recherche et faire connaître le combat des internationalistes allemands et français, François Preneau et quelques militants français et allemands ont créé une association intitulée Les Amis d’Arbeiter und soldat.

Ils seront à Brest, ce samedi 5 octobre, pour dévoiler deux plaques en hommage à ces résistants français et allemands, « morts pour la fraternité entre les peuples ».

Cette pose de plaques sera suivie d’un colloque à Brest, à la salle des syndicats pour évoquer avec des historiens français et allemands, le combat très original d’Arbeiter und soldat. Ils traiteront aussi « de son actualité à une époque où la lutte pour la paix et la fraternité entre les peuples n’a jamais été aussi nécessaire..»

(1) Robert Cruau qui avait changé d’identité avait aussi pour pseudonyme, Pleton et Cosquer.

Philippe GAMBERT.04/10/2024

https://www.ouest-france.fr/

Programme :

  • François Preneau présentera son livre « Résistance antinazie, ouvrière et internationaliste. De Nantes à Brest, les trotskistes dans la guerre (1939-1945) ».
  • Nathaniel Flakin, auteur d’une biographie de Martin Monath présentera son livre : « Un Juif berlinois organise la résistance dans la Wehrmacht. “Arbeiter und Soldat” ».
  • Olivier Doriane, de la rédaction de La Tribune des travailleurs, interviendra sur l’actualité du combat d’Arbeiter und Soldat.
  • Jean-Yves Guengant fera le point sur les recherches en cours pour l’identification des soldats allemands fusillés à Brest en octobre 1943.
  • Claudius Naumann traitera de la déclaration des « Communistes internationalistes de Buchenwald (IVe Internationale), avril 1945 ».

Samedi 5 octobre 2024 de 14:30 à 17:30 Salle des Syndicats – Maison du peuple Brest

https://www.ouest-france.fr/

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03 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Gilbert Achcar (Inprecor)

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Gilbert Achcar Professeur, SOAS, Université de Londres

25 septembre 2024

L’erreur de calcul du Hezbollah

La semaine dernière, nous nous demandions « si l’escalade soudaine de ce que nous avons appelé la “stratégie d’intimidation israélienne” prélude à une agression à grande échelle contre le Liban qui comprendrait des bombardements intensifs aveugles de toutes les zones où le Hezbollah est présent, y compris la banlieue sud densément peuplée de Beyrouth ». Cela nous amena à une autre question : le président américain Biden « fera-t-il suffisamment pression sur Netanyahu pour empêcher une guerre […] ou bien soutiendra-t-il une fois de plus l’entreprise criminelle de son ami, voire même en exprimant regret et rancœur afin d’esquiver le blâme de la manière hypocrite qui est habituellement la sienne et celle de son secrétaire d’État Blinken ? » (« Réflexions stratégiques sur l’escalade de l’intimidation israélienne au Liban », 24/9/2024).

La réponse à ces deux questions interdépendantes ne s’est pas fait attendre : le ministère israélien de l’Agression (faussement appelé ministère de la « Défense ») a annoncé mercredi dernier que son directeur général avait reçu un nouveau paquet d’aide d’une valeur de 8,7 milliards de dollars lors de sa visite au commandement militaire américain au Pentagone.

Le ministère a commenté en disant que cela confirmait « le partenariat stratégique fort et durable entre Israël et les États-Unis et l’engagement à toute épreuve envers la sécurité d’Israël ».

Deux jours plus tard, dans la nuit de vendredi, l’assaut en cours des forces armées sionistes contre le Hezbollah culminait avec l’assassinat du secrétaire général du parti, Hassan Nasrallah, et de plusieurs de ses dirigeants, achevant ce qui s’est avéré être une décapitation systématique du Hezbollah après avoir saboté son réseau de communication, en prélude à de nouvelles étapes sur la voie d’un assaut global sur les zones dominées par le parti, assaut qui a inclus jusqu’à présent des bombardements intensifs et concentrés et l’expansion progressive d’une invasion au sol qui, selon les sources israéliennes, devrait rester « limitée ».

Il devient clair ainsi que l’appel de l’administration américaine à un cessez-le-feu de trois semaines entre le Hezbollah et l’État sioniste, lancé sur incitation française et annoncé conjointement avec Paris, n’était nullement sincère, n’étant accompagné d’aucune pression américaine réelle.

Il convient de noter à cet égard que le Washington Post a publié mercredi dernier une enquête montrant que les opinions au sujet du cessez-le-feu divergeaient au sein de l’administration Biden, certains de ses membres voyant dans l’escalade militaire israélienne « un moyen potentiellement efficace de dégrader le groupe militant libanais ».

La réponse de l’administration à l’assassinat de Hassan Nasrallah, à commencer par Biden lui-même, a été d’applaudir l’opération et d’en faire l’éloge, la décrivant comme « une mesure de justice », et ce en qualifiant le Hezbollah et son secrétaire général de terroristes. Cette réaction a confirmé la complicité militaire et politique totale de Washington dans l’agression en cours contre le Liban, après sa complicité flagrante dans la guerre génocidaire en cours à Gaza.

L’hypocrisie de l’administration Biden a atteint avec cela un nouveau point bas, l’étiquetage du parti libanais comme organisation terroriste contrastant fortement avec les négociations qu’elle mène avec lui depuis plusieurs mois à la recherche de ce qu’elle a appelé une « solution diplomatique » au conflit entre lui et l’État sioniste. Comment Washington pouvait-il négocier avec une « organisation terroriste », par la médiation du président du Parlement libanais Nabih Berri, allié politique (mais pas militaire) du Hezbollah, et chercher un règlement diplomatique avec une telle organisation ?

Cela sans parler du fait qu’il n’y a aucun type d’acte qui pourrait être qualifié de terroriste que l’État sioniste n’a pas commis avec une intensité et une brutalité meurtrière qui surpassent tout ce que Washington a décrit et continue de décrire comme terroriste (en ignorant ce qu’il a lui-même commis, bien entendu).

Voici une fois de plus, après la guerre génocidaire en cours à Gaza, une justification sournoise apportée à une guerre visant à éradiquer une organisation de masse qui a des élus au parlement et supervise un vaste appareil civil quasi-étatique, en la qualifiant dans son ensemble de terroriste, sans même faire de distinction entre son aile militaire et ses institutions civiles.

Contrairement au cas du Hamas, dont l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » a été largement exploitée pour lui coller cette étiquette, le Hezbollah, sous la direction de Hassan Nasrallah, n’a commis aucun acte qui pourrait être qualifié de terroriste au sens d’attaquer délibérément des civils ou des non-combattants israéliens ou américains.

Du coup, on a rappelé les attentats de 1983 qui visaient l’ambassade des États-Unis, et les forces américaines et françaises participant à la « Force multinationale » au Liban, et on a même attribué ces attentats à Hassan Nasrallah, qui n’était pas membre de la direction du parti à l’époque et n’avait que 23 ans ! En réalité, Nasrallah a supervisé la transformation du parti vers l’engagement dans la vie politique libanaise avec sa participation pour la première fois aux élections législatives en 1992, l’année où il a assumé le poste de secrétaire général.

Nous avons montré la semaine dernière comment le calcul du Hezbollah menant à la conduite d’une bataille limitée contre Israël en soutien à Gaza avait commencé à se retourner contre lui, au point où il s’est retrouvé « piégé dans une dissuasion mutuelle, mais inégale » avec l’armée sioniste.

En vérité, le parti est tombé dans le piège que lui avait tendu Israël, en insistant pour continuer à échanger des tirs avec l’État sioniste « jusqu’à un cessez-le-feu à Gaza », alors qu’il devenait clair que le poids de la bataille se déplaçait de la bande de Gaza ravagée vers le Liban. Il aurait été plus indiqué pour le parti d’annoncer publiquement son acceptation de l’appel franco-américain à un cessez-le-feu de trois semaines (d’autant plus qu’il avait un besoin urgent de reprendre son souffle et de restaurer son appareil de direction après l’explosion de son réseau de communication) et la cessation des opérations militaires de sa part, ce qui aurait mis le gouvernement sioniste dans l’embarras et l’aurait exposé à d’intenses pressions internationales pour faire de même.

Ces derniers jours ont montré que la perception par le Hezbollah de la « dissuasion mutuelle » entre lui et l’État sioniste ne tenait pas suffisamment compte de la nature inégale de cette dissuasion (une erreur de calcul similaire à celle du Hamas, bien que beaucoup moins grave), et que sa perception de l’engagement de son parrain à Téhéran à le défendre était également illusoire, l’Iran n’ayant répondu aux attaques répétées qu’Israël a lancées directement contre lui qu’une seule fois, en avril dernier, et cela d’une manière presque symbolique.

Il semble que le Hezbollah ait confirmé sa volonté de revenir à la mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’ONU de 2006, qui appelle au retrait de ses forces au nord du fleuve Litani, reconnaissant ainsi l’inégalité des forces entre lui et l’État sioniste et acceptant la condition imposée par la médiation américaine. Cette volonté a été confirmée par le Premier ministre libanais par intérim, Najib Mikati, à l’issue de sa rencontre avec Nabih Berri. Il convient dès lors de s’interroger sur l’utilité d’insister pour continuer à se battre jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit conclu à Gaza, offrant ainsi au gouvernement sioniste un prétexte pour intensifier son assaut contre le Liban, et contre le Hezbollah en particulier.

3 octobre 2024  Gilbert Achcar

https://inprecor.fr/

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02 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Liban (Gilbert Achcar )

Liban (Gilbert Achcar ) dans A gauche du PS 

Photothèque Rouge / Martin Noda / Hans Lucas
« Israël se tourne maintenant contre le Liban pour sécuriser sa frontière nord » 

Depuis le 23 septembre, les bombardements de l’armée israélienne sur le Liban ont entraîné la mort de plus de 1 500 personnes, le départ vers la Syrie de 100 000 personnes et le déplacement d’un million de personnes, sur les quelque 5 millions d’habitantEs du Liban. Entretien avec Gilbert Achcar, militant libanais et professeur à l’université de Londres.

Il y a tout à craindre que les attaques de mi-septembre au Liban aient lancé une nouvelle séquence de la guerre commencée en octobre 2023 à Gaza…

Depuis qu’Israël a en gros achevé le stade le plus intensif de sa destruction à Gaza, il se retourne maintenant contre le Liban, contre le Hezbollah, pour sécuriser sa frontière nord. Il le fait en ne laissant au Hezbollah d’autre choix que de capituler et se retirer loin de la frontière ou de subir une guerre totale. Ils ont commencé une escalade progressive de la violence qui a maintenant abouti à la décapitation du Hezbollah, y compris l’assassinat de son chef Hassan Nasrallah, et refusent toute proposition de cessez-le-feu. Une capitulation pure et simple de l’organisation étant peu probable, il faut se préparer à la continuation de l’escalade, y compris l’intervention de troupes au sol dans des opérations ponctuelles, le tout visant à infliger le plus grand dégât possible à l’organisation et démanteler son infrastructure.

En quoi ce qui a lieu aujourd’hui est différent des conflits précédents : 2006, 1982 ?

En 1982, Israël avait envahi la moitié du Liban jusqu’à la capitale Beyrouth, investie par les troupes israéliennes en septembre. Très vite, la résistance, lancée au départ par les communistes, a fait reculer l’armée israélienne qui s’est cantonnée à une portion du Sud-Liban pendant plusieurs années (18 ans d’occupation) jusqu’à devoir l’abandonner en 2000. Israël a subi une défaite politique à cet égard. Autant la guerre avait marqué un point pour l’État Israël vis-à-vis de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) qui avait dû évacuer Beyrouth en 1982, autant Israël s’est montré vulnérable face à la résistance qui s’est développée au Liban. En 2006, Israël avait tenu compte des leçons de 1982 et n’envisageait donc pas d’occupation permanente. Il y a eu une incursion de troupes qui se heurtèrent à une résistance farouche, plus coûteuse que prévu. Cette guerre-là s’est aussi soldée par un fiasco pour Israël, au sens où le Hezbollah, loin d’être détruit, en est ressorti plus fort à terme puisqu’il a reconstitué son arsenal et l’a très considérablement amplifié. La leçon que l’armée israélienne a tirée de 2006, c’est de ne pas prendre de risque quand ils interviennent dans des zones peuplées comme Gaza ou le Liban, surtout les zones urbaines, mais de tout détruire avant d’entrer, ce qui s’est traduit par l’effroyable destruction de Gaza et le caractère génocidaire de la guerre menée contre l’enclave. Au Liban, ils n’en sont pas encore arrivés à ce stade, mais ils menacent ouvertement de transformer des parties du Liban en un autre Gaza.

Après la mort d’Hassan Nasrallah, que représente aujourd’hui le Hezbollah au Liban ?

L’organisation a été très affaiblie non seulement par l’assassinat de Nasrallah, mais aussi par le démantèlement de son réseau de communication interne et l’assassinat de plusieurs de ses cadres militaires. L’organisation a été véritablement décapitée. Elle va se reconstituer et tenter de reconstituer son arsenal bien qu’Israël rende la chose de plus en plus difficile en bombardant en Syrie les voies de transport par lesquelles l’armement peut arriver d’Iran au Hezbollah.

Sur le plan politique, c’est également un affaiblissement considérable de l’organisation. Le Hezbollah conserve certes sa base sociale, dont une grande partie dépend financièrement de l’organisation. Mais il y a dans la population libanaise une forte désaffection qui avait commencé avec l’intervention du Hezbollah en Syrie auprès du régime Assad. Cette intervention a beaucoup changé l’image du Hezbollah au Liban et dans la région : du combat contre Israël, l’organisation était passée au combat en défense d’un régime sanguinaire. Le Hezbollah est apparu plus que jamais comme étant avant tout un auxiliaire de l’Iran. Aujourd’hui, une grande partie de la population libanaise reproche au Hezbollah d’impliquer le Liban dans la guerre avec Israël au nom de la solidarité avec Gaza, même si c’est de façon limitée, en pointant du doigt le fait que la Syrie, qui est censée faire partie du même « axe de la résistance » et qui a certainement beaucoup plus de moyens que le Hezbollah, ne fait rien du tout. De même, l’Iran, leader du même « axe », ne fait pas grand-chose, au-delà des discours. Une seule fois, en représailles contre l’assassinat de dirigeants iraniens à Damas en avril dernier, l’Iran a lancé contre Israël des missiles et drones avec un préavis qui a contribué à en rendre l’impact négligeable.

Beaucoup au Liban demandent donc « pourquoi nous, petit pays, le plus faible de la région, devrions-nous subir des conséquences pour le compte de l’Iran ? » Ce type d’argument est devenu très fort aujourd’hui. Le Hezbollah revendiquait jusqu’ici le fait qu’il constituait une sorte de bouclier, une garantie sécuritaire pour le Liban face à Israël, mais cet argument est battu en brèche par la démonstration que fait Israël de manière spectaculaire de sa grande supériorité militaire, technologique et en renseignements.

Effectivement, avec le risque de voir le Liban détruit…

Une partie du Liban plutôt, parce qu’Israël vise spécifiquement le Hezbollah, les régions où il est présent. Il joue sur les clivages confessionnels et même les clivages au sein des chiites qui sont divisés au Liban en deux camps alliés, mais bien distincts : le Hezbollah d’une part et Amal de l’autre. Le mouvement Amal ne s’est pas impliqué dans le combat en cours contre Israël et ne dépend pas de l’Iran comme le Hezbollah. Israël joue donc là-dessus et vise spécifiquement les régions et zones contrôlées par le Hezbollah. Il y a fort à craindre que la menace de transformer cette partie du Liban en Gaza bis soit mise en œuvre.

Comment construire la solidarité pour les anticapitalistes et anticolonialistes alors que nous ne partageons pas les projets politiques des forces en présence ?

Il faut toujours concevoir la solidarité comme indépendante et critique. La notion de « solidarité inconditionnelle » ne me semble pas utile. La solidarité avec une force dont on ne partage pas le profil doit toujours être critique au sens où il faut se solidariser avec la victime contre l’oppresseur principal, sans oublier pour autant que cette victime peut à son tour être dans une position d’oppression vis-à-vis d’autres.

S’il y avait demain une offensive d’Israël et des États-Unis contre l’Iran, il faudrait se mobiliser puissamment contre celle-ci en tant qu’agression impérialiste, sans pour autant soutenir « inconditionnellement » le régime iranien et encore moins le soutenir contre sa population si elle se soulevait à l’occasion. De la même façon, en 1990-1991, il fallait se mobiliser contre l’agression impérialiste contre l’Irak, sans pour autant soutenir le régime de Saddam Hussein, et encore moins sa répression sanguinaire des populations du sud et du nord du pays qui se sont soulevées à l’occasion. Il ne faut tomber ni dans un travers ni dans l’autre. Il y a des personnes à gauche qui, au nom de la nature du Hezbollah comme organisation confessionnelle et intégriste inféodée au régime iranien des mollahs, en viennent à adopter des attitudes neutres, qui frisent parfois même le soutien à Israël. Cela doit être fortement combattu : il ne faut pas du tout hésiter à se mobiliser contre l’agression israélienne, celle d’un État colonial, oppresseur et prédateur. Quelles que soient les directions politiques dominantes en face, la résistance à l’agresseur colonial est juste. Mais il ne faut pas tomber dans l’autre travers qui consiste à faire du Hezbollah ou du Hamas — ou même bien pire, les Houthis du Yémen qui sont l’équivalent des Talibans — des champions progressistes. Il s’agit de forces, qui sur le plan social et culturel peuvent être tout à fait réactionnaires, et de dictatures brutales comme le sont les régimes syrien et iranien.

Propos recueillis par Fabienne Dolet, le 30 septembre 2024

https://lanticapitaliste.org/

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02 octobre 2024 ~ 0 Commentaire

Joachim Benet Rivière (Les Champs )

paysans

« L’enseignement agricole renvoie à l’agriculture et à la ruralité, mais c’est une idée reçue »

À quoi ressemble l’enseignement agricole ? Quels sont ses liens avec les syndicats majoritaires et la vision productiviste qu’ils défendent ? Quelle est la place des savoirs agroécologiques au sein des enseignements ? Éléments de réponse avec Joachim Benet Rivière, sociologue de l’enseignement agricole technique et des formations professionnelles, au Gresco (Groupe de recherches sociologiques sur les sociétés contemporaines) à Poitiers.

Qu’est-ce qui caractérise l’enseignement agricole français ?

De prime abord, l’enseignement agricole renvoie à l’agriculture et à la ruralité. Mais c’est une idée reçue. Ce terme continue de masquer la réalité et n’a d’agricole que le nom.

Pour le comprendre, il faut revenir à son histoire. Dans les années 1960, l’enseignement agricole avait deux fonctions : former les agriculteurs et former les enfants d’agriculteurs, éloignés des établissements généraux et professionnels, à d’autres métiers. Et ce afin d’assurer la modernisation. Les lycées agricoles ont donc répondu à ces fonctions et se sont tout de suite ouverts à d’autres formations, en particulier pour les filles.

Aujourd’hui, la majorité des filières ne sont pas agricoles. 40 % des élèves du secondaire y suivent des formations de services à la personne, issues des formations ménagères de l’époque. Les élèves qui ont des parents agriculteurs ne représentent quant à eux que 10% des effectifs. L’enseignement agricole s’ouvre donc sur de nouveaux secteurs et de nouveaux publics, avec le développement de la formation technique, scientifique et des passerelles avec l’enseignement supérieur.

L’enseignement agricole remplit également une autre fonction : la remobilisation scolaire pour des jeunes éloignés de l’école. C’est le cas dans les classes de quatrième et troisième, mais aussi dans les CAP (Certificat d’aptitude professionnelle) et les MFR (Maisons familiales rurales).

Enfin, l’enseignement agricole s’inscrit dans une logique de transmission familiale, avec la culture du terroir et un attachement au milieu local.

Vous expliquez que, contrairement aux idées reçues, l’enseignement agricole a un lien fort avec le milieu urbain et périurbain. Pour quelles raisons ?

L’enseignement agricole vient du milieu urbain, de l’Île-de-France, avec la création de formation d’horticulteurs au 19e siècle. On connaît notamment l’École du Breuil qui forme, encore aujourd’hui, les jardiniers de la ville de Paris. Les espaces périurbains, avec leurs grandes surfaces disponibles, étaient aussi disposés à accueillir des établissements.

Ensuite, comme on pensait que les paysans avaient un retard culturel, les lycées agricoles avaient un rôle d’élévation du niveau scolaire des enfants d’agriculteurs [Ils ont d’ailleurs toujours une spécificité : les cours d’éducation socioculturelle]. En rapprochant les élèves de la ville, des activités culturelles, on imaginait qu’ils rattraperaient ce retard.

Et puis, certaines institutions comme Les Apprentis d’Auteuil ont mis en place des lycées agricoles pensés comme centre d’apprentissage pour les jeunes urbains. Historiquement, ils avaient des annexes pour les envoyer dans les campagnes. A contrario, les MFR ont essayé de transposer leur modèle pédagogique dans le milieu urbain.

Parmi les raisons, on peut aussi citer le développement de l’agriculture urbaine et l’implantation de l’enseignement agronomique en milieu urbain.

Lycées, MFR, quelles sont les différents types d’enseignement agricole et donc de pédagogie ?

Les lycées publics et privés reposent sur le même modèle que les lycées professionnels, avec un apprentissage pratique et un stage de dix semaines. Une exploitation agricole dans l’établissement permet aux élèves d’expérimenter. Les savoirs scientifiques constituent les savoirs les plus importants.

A contrario, les MFR ont une pédagogie basée sur l’alternance. Les élèves passent la moitié de l’année scolaire dans l’entreprise. Ce modèle est plus proche de celui de l’apprentissage. Les savoirs pratiques y sont les plus importants. Les MFR accueillent plus d’élèves éloignés de l’école que les lycées agricoles. Elles ont joué pleinement ce rôle de remobilisation scolaire.

Autre spécificité, l’enseignement agricole public est rattaché au ministère de l’Agriculture et non à l’Éducation nationale. Pourquoi ?

C’est une spécificité, mais à déconstruire. Certes, il y a un attachement à avoir un enseignement indépendant par rapport à l’Éducation nationale. Et le ministère de l’Agriculture a un intérêt à garder cela car la majorité de ses effectifs sont dédiés à l’enseignement agricole.

Mais l’enseignement agricole est une institution carrefour, comme le disait le sociologue François Cardi. Il est sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, mais on peut y trouver des formations de l’Éducation nationale. Le diplôme le plus important de l’enseignement agricole, c’est d’ailleurs le bac pro.

« Il y a une omerta sur la place de la FNSEA au sein de l’enseignement agricole » Joachim Benet Rivière

Ensuite, l’une des raisons qui explique cette spécificité, c’est que l’enseignement agricole est lié aux politiques agricoles. Avec un point important, la présence de la FNSEA [le premier syndicat agricole français] dans la gestion politique des lycées. Leurs représentants sont présents dans les conseils d’administration. Le président est souvent un membre du syndicat. L’enseignement agricole privé a un modèle de gestion plus autonome, mais a la crainte d’être avalé. Il y a donc une combinaison d’intérêts entre le ministère, les syndicats et les établissements privés.

La présence de la FNSEA au sein des établissements n’oriente-t-elle pas l’enseignement agricole vers un modèle plus productiviste ?

Historiquement, les politiques agricoles se sont faites en cogestion avec la FNSEA. Mais il y a une omerta sur la place de ce syndicat au sein de l’enseignement agricole. Les établissements n’en parlent pas trop et c’est donc difficile de voir comment s’exerce cette influence. Par exemple, les commissions qui établissent les référentiels de formation réunissent des syndicats agricoles. Mais on constate une opacité sur les discussions de construction de ces référentiels.

Dans le milieu agricole, ce sont plutôt les formations pour adultes qui vont valoriser un autre modèle. Il y a un clivage historique entre les formations initiales orientées vers le productivisme et les formations pour adultes qui s’adressent à des personnes en reconversion, non issues du milieu agricole, et qui sont promotrices d’agroécologie. Celles-ci ont notamment permis le développement de l’agriculture biologique.

Dans quelle mesure la formation agricole initiale, dans le secondaire, prend-elle en compte les enjeux agroécologiques ?

On constate une introduction progressive aux savoirs agroécologiques. Les formations initiales et pour adultes convergent vers une réduction des produits chimiques. Dans la formation initiale, cela se traduit par l’expérimentation de nouvelles techniques sur les exploitations agricoles des établissements.

Toutefois, les élèves sont réticents à l’égard de ces techniques, jugées moins efficaces dans la logique productiviste. Dans leur représentation, l’agroécologie est vécue comme une injonction politique car elle est associée à l’écologie. Les élèves sont très attachés à l’idée de « nourrir tout le monde ». Ils ne sont pas hostiles en tant que tel à l’agroécologie, mais ils souhaitent avant tout nourrir le monde.

Et puis, il y a le modèle enseigné et les expériences pratiques rencontrées lors de stage. Celles-ci viennent contredire les enseignements agroécologiques. Les élèves se retrouvent confrontés à différents modèles ce qui complexifie leur formation.

Comment mieux transmettre ces savoirs agroécologiques à ces futurs agriculteurs et agricultrices ?

Il existe tout un débat et des désaccords chez les chercheurs pour savoir comment transmettre ces nouvelles connaissances. Il faut déjà revenir au fait que l’agroécologie est souvent associée à la transition écologique, une notion de politique publique floue. La transition agroécologique, c’est une manière de dire qu’il n’y a pas de transformation radicale, pas de rupture. Cela va dans le sens d’un renforcement du modèle conventionnel qui serait plus durable.

« C’est presque une caricature de penser l’agroécologie à travers les grandes machines. Ça ne répond pas aux enjeux écologiques et ça maintient les agriculteurs dans une forme de dépendance »

Joachim Benet Rivière

Souvent la réponse apportée aux problématiques écologiques est de l’ordre technologique et numérique. Dans l’agroéquipement, par exemple, cela passe essentiellement par la machine pour limiter le gaspillage d’eau ou d’intrants chimiques. C’est presque une caricature de penser l’agroécologie à travers les grandes machines. Ça ne répond pas aux enjeux écologiques et ça maintient les agriculteurs dans une forme de dépendance. Mais c’est la réponse de l’agro-industrie fournie aux élèves. Des formations existent pour permettre de retrouver de l’autonomie par rapport aux agro-industriels, comme celles de l’Atelier paysan, mais elles concernent les adultes.

L’une des questions, c’est donc de savoir comment on appelle les élèves à repenser leur rapport au vivant. Cela se fait à travers l’éducation socioculturelle notamment, par le biais des enseignements. Des artistes se rendent aussi parfois en résidence dans les lycées agricoles. C’est un espace de réflexion pour les élèves mais cela reste marginal dans leur emploi du temps

Enfin, il existe un débat sur la présence des filles qui aurait permis de développer l’agroécologie. C’est un débat dangereux. Les garçons et les filles auraient construit un rapport au vivant différent alors que c’est le produit d’une éducation et d’une socialisation. Le discours selon lequel les filles et les femmes ont une autre conception du vivant peut les essentialiser.

Parlons du genre justement. L’enseignement agricole, réputé majoritairement masculin, intègre-t-il désormais pleinement les filles ?

La part des filles est plus importante dans l’enseignement agricole que dans les lycées professionnels. Elles représentent presque 50 % des effectifs, un poids important.

Toutefois, elles sont majoritairement présentes dans des filières ou certaines spécialisations qui préparent moins aux métiers agricoles : dans les formations de services à la personne, les filières hippiques ou l’horticulture.

A contrario, dans le bac pro équipement, qui forme les réparateurs et les commerciaux, on trouve 98 % de garçons. Il y a donc une ouverture importante aux filles dans l’enseignement agricole, mais au sein des filières, on retrouve la même ségrégation de genre que dans l’enseignement professionnel.

Ensuite, on constate un problème au niveau des politiques publiques, qui pensent la mixité du côté des filles. Celles-ci ont tendance à mettre en avant le portrait de femmes agricultrices alors qu’on a rarement des politiques de communications qui incitent les garçons à investir des filières majoritairement féminines.

Enfin, la plus grande présence de femmes est une réponse à la crise du renouvellement mais les filles s’autocensurent contrairement aux garçons. Elles sont également plus souvent en difficulté pour trouver des maîtres de stage dans les filières majoritairement investies par des hommes.

« Une politique d’extrême droite bouleverserait donc les fondements de l’enseignement agricole » Joachim Benet Rivière

Enfin, l’enseignement agricole est très lié à la politique, dont le paysage est en plein bouleversement. Comment l’avancée de l’extrême droite influe-t-elle sur la formation agricole ?

L’enseignement agricole accueille des élèves en situation de vulnérabilité : élèves en situation de handicap, jeunes placés en familles d’accueil, migrants allophones, etc. Cela résulte d’une histoire issue du catholicisme social qui a proposé des formations à des élèves fragiles ou démunis. Ces derniers représentent une ressource, une solution pour répondre à la crise de recrutement des métiers agricoles. Mais ces populations sont aussi les plus directement visées par les politiques d’extrême droite. Une politique d’extrême droite bouleverserait donc les fondements de l’enseignement agricole.

Toinon Debenne

https://leschampsdici.fr

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30 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Camarade du Nigéria

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ekonomi@socialisterna.org.

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29 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Liban (Orient 21)

liban

Sur les traces des communistes du Liban

Farouchement anti-impérialiste, le Parti communiste libanais est le plus grand parti du pays à la fin des années 1960, avant de décliner. Chiites pour la plupart, les communistes ont eu des relations difficiles avec le Hezbollah : unis dans la résistance à Israël, mais rivaux sur le plan politique. Ses militants cherchent un nouveau souffle avec le soulèvement populaire au Liban.

Sur la route qui mène au Sud-Liban le trafic est fluide ce matin-là, le temps radieux. Direction Deir Ez-Zahrani, à 75 kilomètres au sud de Beyrouth. Dans la voiture qui roule à vive allure le long d’une Méditerranée bleu azur, Maro, membre du Parti communiste libanais (PCL) et qui sera ma guide raconte ses souvenirs de jeune militante, engagée à 14 ans, formée au russe à Moscou, aux frais de l’Union soviétique. Elle y rencontrera son mari, Abdallah. Nostalgique et souriante, elle porte sa main à la poitrine et murmure pudiquement : « La Russie est ma deuxième patrie ».

Des racines au Sud-Liban

C’est au sud du pays, historiquement pauvre et à majorité chiite que le communisme libanais plonge ses racines. Dès les années 1930, la lutte contre les invasions à répétition de colons juifs façonne le combat des communistes libanais, dans une région déjà paupérisée par 400 ans de domination ottomane. Au fil de notre périple, nous remontons jusqu’en 1936, lorsque tombe le premier « martyr » du Parti, Assaf Al-Sabbagh, originaire d’Ibl El-Saqih, face aux gangs de la Haganah, organisation paramilitaire sioniste chargée de défendre les communautés juives en Palestine mandataire.

Un peu plus tard sera créée au Liban la Garde populaire, premier noyau de résistants communistes, afin de lutter contre les attaques sionistes sur les villages du sud. Le 16 septembre 1982, alors que l’armée israélienne pénètre dans Beyrouth, le PCL allié avec deux autres organisations de gauche, l’Organisation d’action communiste au Liban (OACL) et le Parti d’action socialiste arabe créent le Front de la résistance nationale libanaise, ou Jammoul selon l’acronyme arabe.

Abou Fayad est l’un de ceux-là. Autour d’un café au parfum de cardamome, l’homme de 72 ans à la silhouette élancée raconte, intarissable. Son père avant lui a affronté les Israéliens. Abou Fayad combat dès l’âge de douze ans, poussé par la perte douloureuse d’un oncle dans les combats. Il participe aux débuts de la Garde populaire dans son village de Kfarkila qu’il protège la nuit avec cinq personnes et deux mitraillettes de fortune. Par la suite, des Palestiniens réfugiés en Syrie et en Jordanie leur procureront des armes. Le regard vif l’homme, dont chaque ride du visage raconte les souvenirs d’une vie intense, se souvient : « Je faisais passer les armes par le mont Hermon et la région de Shebaa. Je devais repérer les positions des Israéliens en amont, c’était très dangereux ».

Cigarette aux lèvres, sous l’œil bienveillant de son épouse et d’une photo du Che, Abou Fayad explique qu’il est devenu chef de son groupe grâce à un entraînement de cinq mois avec l’armée libanaise, dans le but de se défendre contre les colons. Aguerri, il adhère l’année suivante au PCL et combattra jusqu’en 2006, lors de la guerre des 33 jours qui oppose le Liban à Israël.

À la prison d’Al-Khiyam, torture et humiliation

À Nabatiyeh, Nahida Homayed nous reçoit dans son salon réaménagé en atelier de couture. Dans la pénombre, l’unique fenêtre laisse filtrer un mince rayon de soleil. Entre deux gorgées de limonade maison, elle raconte avoir entendu le mot « communiste » pour la première fois à 11 ans lors d’une dispute entre deux voisines à Beyrouth. « Vous savez, au Liban c’est honteux d’être communiste », sourit-elle, un brin espiègle.

À 14 ans, la jeune fille adhère au PCL et distribue son journal quotidien Al-Nidaa. Puis vient le temps des combats. Nahida prend la route du sud, d’où elle planifie secrètement des opérations depuis sa maison. C’est là qu’elle est enlevée tôt un matin, devant chez elle, par des soldats de l’Armée du Liban Sud (ALS) : « Trois voitures sont arrivées et des soldats m’ont embarquée, sac sur la tête. Ils ne m’ont pas dit où ils m’emmenaient et je n’avais pas le droit de poser de questions. Je n’avais pas peur de mourir. Nous les communistes nous sommes prêts à ça psychologiquement ».

Après un court silence, Nahida reprend son récit. Son corps raidi et sa posture soudainement fermée trahissent son traumatisme. Destination : la prison d’Al-Khiyam, tristement célèbre pour les atrocités qui y sont commises. S’en suit une véritable descente aux enfers : interrogatoires de 72 h, intimidations, torture, tabassage jusqu’à perdre connaissance… Nahida se réveille dans une cellule avec neuf autres femmes. Tapotant nerveusement sa cigarette sur une étagère, elle ajoute, le ton grave :

« J’avais entendu parler de cette prison, mais lorsque je suis arrivée sur place, ça a été un choc. C’était inimaginable. Nous n’avions même pas de quoi nous protéger pendant nos règles, nos vêtements étaient tachés de sang ». Deux ans après son incarcération, Nahida est libérée après un échange de prisonniers. De cette période, elle affirme garder une grande fierté et reste déterminée : « S’ils viennent, je les attends ! » lance-t-elle dans un éclat de rire.

Un souvenir douloureux hante toujours les communistes libanais : celui des corps de disparus. Selon le PCL, ils sont 9 à ne jamais avoir été restitués à leurs familles. Tous sont morts dans des combats contre l’armée israélienne, et leurs familles n’ont de cesse de réclamer un fils, un frère ou un mari depuis plus de 30 ans. C’est le cas de Wissam Fouani, dentiste formée en Union soviétique et originaire de Kfar Remen, surnommé autrefois « Kfar Moscou » (« la banlieue de Moscou »), du fait de l’importante présence de combattants fidèles à l’URSS.

Elle nous reçoit chez elle, où des portraits de ses frères et sœurs trônent sur une table basse et côtoient un drapeau miniature du Parti et une photo du Che. Parmi les photos, celle de son frère, Faralajah Fouani, tué à 23 ans dans un affrontement avec l’ASL alors qu’il tentait de secourir l’un des siens. Sous la puissance de feu israélienne, impossible de récupérer son corps resté entre les mains de la milice libanaise dissoute en 2 000 lors du retrait israélien du Liban.

Rupture mortelle avec le Hezbollah

Unis par la résistance contre Israël et ses invasions récurrentes dans le sud, le PCL et le Hezbollah comptent toutefois de sérieuses divergences. Sur la route qui nous mène à la prison d’Al-Khiyam, l’ancien chef de la résistance du Sud-Liban (dont je tais le nom) nous rejoint. Lançant de temps à autre un regard furtif dans le rétroviseur, il revient sur les débuts difficiles entre les deux formations, sur fond de guerre civile : « Au départ, nous nous rencontrions dans des opérations, mais il n’y avait pas de coopération car nous, communistes, agissions dans le plus grand secret ». Après une entente manquée avec le Hezbollah, ce dernier noue finalement une alliance avec son ancien rival d’Amal ou Mouvement des déshérités créé par l’imam chiite libano-iranien Moussa Sadr.

Il poursuit : « S’en est suivi une série d’assassinats d’intellectuels, tous membres du PCL comme Khalil Nahous, Souheil Tawilé, Nour Toukan, Hussein Mroueh, Mahdi Amel. Ils souhaitaient avoir le monopole de la résistance ; de plus nous étions communistes, et donc athées. Eux, c’est comme s’ils vivaient pour Dieu ». Pour l’ancien chef de la résistance, emprisonné un an dans les geôles du mouvement chiite, il ne fait aucun doute qu’Amal était derrière ces assassinats ciblés. Mais le Hezbollah lui, en était le donneur d’ordre.

Assise sur le siège passager, Maro opine du chef. Elle aussi a été prisonnière du mouvement chiite pendant 40 jours. À partir de là, les communistes rompent tous leurs liens avec les deux mouvances chiites. « Aujourd’hui, seule la résistance nous lie. Nous sommes contre l’interventionnisme du Hezbollah en Syrie ou ailleurs. La résistance c’est au Liban, pas dans un pays qui n’est pas le nôtre », insistent-ils.

Les jeunes boudent le PCL

Interrogé sur les nombreux ralliements de communistes au parti chiite, l’ancien leader explique :« Beaucoup d’entre eux ont été influencés par leur communauté, surtout les jeunes qui ont des pressions des familles ou de leur entourage. En revanche d’autres sont seulement intéressés par la position et le travail que leur procure le mouvement ».

Interrogé à Beyrouth, Walid Charara, éditorialiste au journal Al-Akhbar et membre du Conseil consultatif pour les études et la recherche insiste lui sur le volet religieux :« L’islam a un potentiel important de résistance contre les occupations militaires et les oppressions, comme les expériences historiques l’ont démontré. L’islam est capable d’entraîner les masses dans la lutte. Dans un rapport de forces inégales, la partie la plus faible a besoin de mobiliser des ressources spirituelles et symboliques. Le Hezbollah a prouvé qu’il en était capable. »

Selon l’éditorialiste libanais, la révolution iranienne de 1979 a eu un impact déterminant. « Le régime du Shah était l’un des régimes les plus despotiques et autoritaires de la région. Que ce même régime soit renversé par une révolte populaire, la première du Proche-Orient qui réussit à renverser un régime aussi puissant, a fait l’effet d’un tremblement de terre. L’islam révolutionnaire permet de parler un langage que les masses populaires comprennent. »

Le temps de la reconquête

Sur le trajet embouteillé qui mène au siège du PCL, à Beyrouth, les stigmates des manifestations ornent les murs des bâtiments et le mobilier urbain. Parmi ces graffitis, le logo du Parti est fréquent et laisse deviner un regain de faveur pour la mouvance communiste, longtemps aux oubliettes de la politique libanaise.

Dans le soulèvement qui dure depuis octobre 2019 contre l’ensemble du personnel politique, le PCL entend jouer sa meilleure partition. Assis dans son bureau aux murs couverts de photos d’anciens leaders ou de théoriciens marxistes, son secrétaire général Hannah Gharib dresse le bilan des dernières semaines. « La gauche doit se renouveler, car elle est désormais en contact direct avec ces milliers de personnes, en particulier les jeunes qui viennent de tous les horizons. Le PCL est l’épine dorsale de la gauche libanaise, elle ne pourrait pas exister sans lui. Cela implique donc de grandes responsabilités, notamment pour le rassemblement de la gauche ».

Entre deux rassemblements populaires, le secrétaire général expose son plan de reconquête : arriver à un État démocratique et laïc, revendication phare des manifestants. Le PCL préconise l’adoption d’une nouvelle loi pour les élections législatives, de passer d’une économie rentière à un modèle productif, de promouvoir la protection sociale… la liste est longue.

Les ingérences extérieures sont également dans la ligne de mire d’Hanna Gharib : « Il y a une pression financière et économique américaine qui vise à mettre en œuvre « l’accord du siècle » et à piller nos richesses pétrolières et gazières au profit de l’ennemi israélien. Ce plan vise aussi à maintenir les Syriens déplacés sur le territoire libanais », faisant référence au plan Trump ainsi qu’aux récents travaux d’exploration et de forage qui doivent permettre de confirmer ou non le potentiel du Liban en termes d’hydrocarbures exploitables.

Le nouveau gouvernement du premier ministre Hassan Diab n’est pas épargné. Peu importe qu’il se revendique apolitique et technocrate :« Hassan Diab a adopté le budget approuvé par son prédécesseur Saad Hariri, qui est une continuation des politiques économiques et financières qui ont ruiné le pays ». Il poursuit : « Aujourd’hui 1 % de la population détient la moitié de la richesse nationale. L’écart de classe et les inégalités se sont creusés : les pauvres se sont appauvris, les services publics se sont détériorés, comme la santé, l’éducation, l’électricité, l’eau, les transports publics, les routes, les communications… jusqu’à atteindre des niveaux humiliants ».

Interrogé sur la perte d’influence du PCL au Liban ces dernières années, Hannah Gharib se justifie : « Au milieu des années 1980, le pays se trouvait dans une phase de grande confusion intellectuelle et politique. Parmi ces développements, il y a eu les assassinats semi-collectifs de chefs de parti et de cadres. Puis sont venues la confiscation et la perte d’indépendance du mouvement syndical à partir du milieu des années 1990, ainsi que la chute de l’Union soviétique ».

Aujourd’hui le secrétaire général se veut confiant, comptant sur l’engouement nouveau que les ralliements populaires du PCL suscitent. D’un ton serein, il affirme : « Notre parti a une histoire ancienne. Il a été fondé il y a 95 ans et était l’expression de la maturité révolutionnaire du Liban. À travers cet héritage et dans notre lutte quotidienne, nous construisons un avenir prometteur pour le parti ».

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28 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Vézin le Coquet

Vézin le Coquet dans A gauche du PS

 Ille-et-Vilaine :

Fête des récoltes – les luttes paysannes en Bretagne,

Vezin-le-Coquet, du vendredi 4 octobre 2024 à 18:00 au dimanche 6 octobre 2024 à 20:00

Venez fêter avec nous les récoltes du Réseau de Ravitaillement Rennais (R2R) et des greniers des Soulèvements ! La deuxième édition de la fête des récoltes se déroulera le 4, 5 et 6 octobre, à l’occasion du chantier maraîchage d’octobre du Réseau de Ravitaillement des luttes du pays rennais (R2R) et des Greniers des Soulèvements de la Terre.

Comme l’année dernière, des chantiers maraîchage auront lieu le samedi et le dimanche matin. Nous récolterons les courges et préparerons les parcelles pour la saison prochaine. L’ensemble de la production sera destinée à nourrir nos grèves et mobilisations, dans l’optique de permettre une autonomisation au moins alimentaire des mouvements sociaux.

https://agenda.terresdeluttes.fr/

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28 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

André « Ned » Calvez ( Maitron)

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CALVÈS André

Né le 6 février 1920 à Brest (Finistère), mort le 13 janvier 1996 à Brest ; marin, ouvrier, militaire, artisan, ouvrier tourneur, puis enseignant ; socialiste, puis trotskyste, membre du POI, du PCI-SFQI, du PCI minoritaire, du PSU, du PCI-SFQI, de la LC puis de la LCR.

André Calvès naquit à Brest, d’une mère issue d’une famille paysanne et d’un père, Mathurin Calvès, officier mécanicien (mort en novembre 1939). Son grand-père, paysan, mourut assez vite, obligeant ses enfants à chercher du travail. André était proche de ses oncles Henri, un socialiste, et Marcel, un communiste, qui pendant la guerre d’Espagne était engagé sur un navire de France-Navigation, une compagnie écran du Komintern pour aider l’Espagne républicaine.

André aimait raconter les péripéties des voyages clandestin de son oncle Marcel vers l’Espagne : déchargement à Alicante d’essence achetée au Mexique pour l’aviation. Interception au retour par les nationalistes et conduit à Ceuta ; relâché enfin. Marcel fit plusieurs voyages, les armes arrivant de Mourmansk vers l’Espagne républicaine.

Devenu mousse dans la marine nationale dès l’âge de neuf ans, son père y resta jusqu’à celui de quatorze. Une fois marié avec une Bretonne, tout comme lui, il fut affecté un temps à Bizerte. Le seul grand-parent que connut le jeune André fut sa grand-mère maternelle.

Parmi les nombreuses figures familiales, celles de quelques oncles, Henri, menuisier, puis militaire socialiste, ou Marcel, marin, militant du PCF, ont davantage marqué André Calvès. Son enfance se passa avec un père assez lointain de par son métier, puisqu’il n’était présent qu’une à deux fois l’an. Il compensait cette absence par la constitution d’une petite bibliothèque et l’envoi régulier de cadeaux.

C’est sans doute ce qui encouragea la soif de lecture du jeune garçon qui dévora entre autres les romans de Jules Verne et divers livres patriotiques. Ses opinions d’alors, nationalistes, étaient également celles de son père qui, plutôt méfiant à l’égard des idées socialistes, participa au moins une fois à une grève de marins. Il fit ses deux communions, mais la famille, à l’exception de la grand-mère, était, semble-t-il, peu pratiquante. À douze ans, André Calvès entra aux Éclaireurs de France (EDF), où les activités lui plurent beaucoup ; il s’y lia d’amitié avec Gérard Trévien. Assez mauvais élève au lycée public de Brest, André Calvès, contrairement à ses deux sœurs et à son frère Gérard, ne décrocha pas le baccalauréat.

En 1936, sous l’influence conjointe de son oncle Marcel, de sa sœur aînée Jeannette, devenue institutrice en région parisienne, et de la grève à l’arsenal de Brest de l’été 1935, il commença à lire l’Humanité, sans être d’ailleurs convaincu par les comptes rendus des procès de Moscou.

Après un très bref passage au sein des Jeunesses socialistes, lui et quelques copains intégrèrent dans un premier temps le clan routier EDF, puis le club ajiste de Brest. Ils suivirent avec passion les événements d’Espagne, dont leur parla la sœur cadette d’André, Éliane, rapatriée peu de temps après le début de la guerre civile. À l’été 1938, suite à l’exclusion du courant de Marceau Pivert et à la fondation du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP), une partie des ajistes de Brest, dont André Calvès, forma la Jeunesse socialiste ouvrière et paysanne (JSOP).

Au moment de la déclaration de guerre, celle-ci imprima un tract contre « la guerre impérialiste » et contre l’union avec le gouvernement Daladier, qu’André Calvès et Gérard Trevien distribuèrent de nuit dans les boîtes aux lettres. Tous deux devinrent ainsi peu à peu trotskystes, en partie sous l’influence de Marcel Forni. Entré à l’école de navigation, André Calvès ne brilla pas par ses résultats. Il se retrouva finalement, au début de 1940, matelot sur le pétrolier Suroît, avant de retourner à Brest.

Début juin, il fut mobilisé dans l’infanterie et partit à Bordeaux (Gironde). D’abord en caserne, il fut ensuite envoyé avec ses camarades dans les Bouches du Rhône, avant d’être démobilisé et réquisitionné pour travailler dans un des nouveaux chantiers de jeunesse, dans le Var, au camp Saint-Louis, près de Roquebrune-sur-Argens. Il y construisit des baraquements, puis aménagea des routes dans la forêt. Au printemps 1941, André Calvès repartit finalement à Brest, nanti d’un certificat de conduite au chantier négatif.

Avec ses amis, isolés de Paris, ils créèrent le Parti communiste révolutionnaire et publièrent une modeste feuille en avril, le Bulletin ouvrier et paysan, qui devint Bretagne rouge en juillet. Devenu le POI après la reprise des liens avec la direction à Paris, vers mai juin 1941, le groupe possédait deux cellules (Brest et Kerhuon), en plus de quelques militants plus dispersés.

Dans la ville, soumise régulièrement aux bombardements anglais et aux tirs de la DCA allemande, ils publièrent au lendemain de l’attaque d’Hitler sur l’URSS un tract en défense de l’URSS. À l’été, André Calvès partit travailler à Paris dans une fabrique de rideaux de défense passive, où il sympathisa avec Robert Cavallo et d’autres anciens des JC. Il intégra dans le même temps une cellule du POI, mais souffrit de la solitude imposée par la clandestinité et ne fut guère passionné par les discussions théoriques.

Au printemps 1942, il retourna à Brest en compagnie de Robert Cavallo, devenu trotskyste, et fut embauché en tant que manœuvre sur un chantier des Laminoirs et tréfileries de Paris (LTP) au port de commerce brestois. Devenu pointeau (chargé de pointer les présents), il parvint à inscrire des militants nantais du POI en fuite en mars-avril 1943, qui furent donc payés comme permanents par la LTP.

En plus de diffuser La Vérité, la cellule de Brest tirait, sur la ronéo installée dans son jardin, deux à trois cents exemplaires de Front ouvrier, et un millier de tracts « Razzia d’esclaves en Europe occupée » en septembre 1942, à l’occasion de l’envoi forcé de plusieurs centaines d’ouvriers français à Hambourg. Au moment de leur départ, en octobre, André Calvès participa d’ailleurs à une manifestation spontanée d’une partie des jeunes brestois.

À la même période, il se rendit en Belgique, chez la famille de Claire, une jeune fille rencontrée en juillet 1940, à l’aide d’une fausse permission d’ouvrier belge, un séjour qu’il renouvela à deux reprises de la même manière, pour finalement se marier civilement avec Claire en mars 1943, à Brest, où cette dernière s’installa.

Une des actions les plus remarquables des trotskystes de Brest fut la mise en place, avec leurs camarades nantais Robert Cruau, Yves Bodenès* ainsi que Georges et Henri Berthomé*, d’une cellule trotskyste composée de soldats allemands : d’abord en tirant des tracts rédigés en allemand, puis en recrutant quelques soldats de la Wehrmacht avec lesquels la feuille Arbeiter im Westen fut rédigée.

Après avoir échappé à une réquisition d’ouvriers pour l’Allemagne en juin 1943, André Calvès devint donc réfractaire tandis que son épouse repartit provisoirement en Belgique. Il alla la retrouver quelques jours en septembre-octobre (juste avant qu’elle et son père ne soient arrêtés), mais à son retour, il découvrit que la cellule allemande avait été démantelée par la Gestapo et une partie des militants français tués ou arrêtés ; recherché dès lors par la Gestapo, il réussit finalement à repartir à Paris.

En novembre, André Calvès retourna dans le Finistère pour renouer les contacts, puis son installation à Paris, dans l’appartement d’une juive en fuite, l’amena à participer, en plus des activités d’une cellule, au comité de rédaction de La Vérité (il y était en charge d’une revue de la presse clandestine). Sans révéler son trotskysme, il prit contact avec les FTP, chez qui il s’engagea en mars 1944, avec d’autres jeunes, sous le pseudonyme de Christian Garnier ; il ne fit dès lors plus partie d’une cellule du PCI-SFQI, n’ayant de contacts qu’avec Yvan Craipeau*, auprès de qui il défendit sans succès un investissement plus large de l’organisation au sein des FTP.

C’est à la demande de ce dernier qu’il se rendit une nouvelle fois en Bretagne afin de transmettre des documents à Alain Le Dem* et Roger Prat*. D’abord chargée de récupérer des armes sur des militaires allemands ou des policiers français, sa compagnie de FTP, baptisée Saint-Just, qui prenait la suite de celle de la MOI, fut également responsable de l’approvisionnement en tabac des autres compagnies.

André Calvès devint commissaire technique et responsable un moment de quatre groupes de trois. Il se trouva même en accord avec Fénestrelle*, un cadre du PCF qui refusait de tuer aveuglément des soldats allemands en représailles. Lui et ses camarades parvinrent à abattre l’ancien socialiste Georges Barthélémy, maire de Puteaux, le 10 juillet 1944, mais échouèrent par contre à exécuter Clamamus*, le maire de Bobigny, ancien sénateur communiste, le 18 août. Parmi leurs actions, on peut également citer l’incendie d’une trentaine de camions allemands destinés à partir en Normandie le 21 juin.

En août, ils participèrent à l’insurrection de Paris dans les XVIIIe et XIXe arrondissements, prenant part à des combats et faisant plusieurs prisonniers. Les effectifs s’étant considérablement étoffés, la compagnie Saint-Just devint bataillon, et André Calvès se vit nommer lieutenant d’une compagnie de mortiers formée par les soldats américains.

Ces combattants furent ensuite envoyés rejoindre le Groupe tactique Lorraine du colonel Fabien*, où, en plus de l’entraînement, ils eurent droit à quelques conférences politiques menées par André Calvès. Au moment de l’intégration à l’armée de Delattre, il refusa ce qu’il considérait comme une « capitulation » et retourna donc à Paris avec quelques copains ayant fait le même choix que lui. Ensemble, ils effectuèrent quelques raids chez d’anciens collaborateurs et publièrent un petit journal, Ohé partisans !, de mai à août 1945, imprimé par le PCI-SFQI.

André Calvès reprit d’ailleurs son militantisme et devint même un temps responsable de la permanence de la rue Daguerre. Il participa aux campagnes électorales de l’organisation en Bretagne en 1946, étant d’ailleurs sur la liste présentée dans la région. À la même époque, la cellule de Brest milita en faveur des prisonniers allemands qui travaillaient sur place, tout en rédigeant un bulletin local, Le Militant. André Calvès, qui était séparé de Claire depuis 1945, se remaria avec Marie-Anne, une institutrice, et eut un fils, Michel (né le 15 mai 1949). Il suivit la même année une formation accélérée de tourneur à Ivry durant quelques mois mais, ne trouvant pas de travail, revint en Bretagne et fabriqua des kayaks. En 1950, il participa aux brigades envoyées en Yougoslavie.

Lors des discussions qui menèrent à la scission de 1952 du PCI-SFQI, il prit position pour le PCI minoritaire, en raison de son attachement à l’Internationale, mais fut durement démoralisé. Ajouté à des problèmes sentimentaux, c’est ce qui l’amena, à l’hiver 1951, à s’engager dans le service du matériel colonial en tant que soldat de deuxième classe. Envoyé d’abord à Nîmes, puis à Fréjus, il partit en juin 1952 de Marseille pour Saïgon, puis Hanoï.

Il en avait au préalable informé Pierre Frank*, qu’il avait également vu et avec qui il avait commencé à réfléchir sur le possible militantisme à mener, ce qui n’aboutit à rien de concret du fait d’un contact déficient sur place. Rattaché à la 11e compagnie moyenne de réparation du matériel, il assuma des tâches administratives à la Direction du matériel, sans participer aux combats, tout en tenant un journal. Il obtint également des certificats d’aptitude technique en comptabilité qui lui permirent de devenir maréchal des logis. Après son retour d’Indochine en septembre 1954, André Calvès revint d’abord dans le Finistère, où il divorça d’avec sa seconde épouse. Il s’établit ensuite en région parisienne, où il suivit les cours d’un centre de formation professionnelle accélérée pour devenir ouvrier tourneur.

Il fut finalement embauché chez Citroën, à Gutenberg, comme OS au contrôle ; il passa ultérieurement P1, et exerça à l’usine de Levallois. Il se rapprocha alors de militants de Voix ouvrière, avec lesquels il collaborait pour la réalisation de la feuille mensuelle de boîte. À la même époque, il se mit en ménage avec Jeannette, une infirmière qu’il avait connue au moment de la Libération, et déjà mère d’un garçon, Jean-Philippe, qu’il reconnut. Le couple habita dans un meublé à Paris, rue Saint Joseph, puis à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis), et enfin boulevard Port Royal à Paris.

Ils eurent une fille, Marie-Ève (née le 15 mai 1959). Anticipant sur un probable licenciement, il se fit embaucher comme P2 à l’usine parisienne d’Ernault-Somua, dans le XIVe arrondissement, qui fabriquait des tours et des fraiseuses. Il y anima une feuille de boîte, L’Étincelle, et devint également délégué du personnel.

Ayant adhéré au PSU, il fut un membre particulièrement actif de la tendance socialiste révolutionnaire (SR) et, avec d’autres militants, il réintégra en 1961 les rangs du PCI resté SFQI, tout en restant en parallèle adhérent du PSU. Il participa à des manifestations contre la guerre d’Algérie, à des distributions de tracts, fut candidat aux législatives de 1962 et aida des camarades à créer des journaux d’usines, travaillant un temps avec Arlette Laguiller*. En 1963, il fut même membre de la direction nationale du PSU : en effet, élu minoritaire de la motion E au CPN, à l’issue du congrès d’Alfortville en janvier 1963, André Calvès appartint au bureau provisoire désigné par le conseil national des 22-23 juin 1963, chargé de conduire le parti jusqu’au congrès de novembre 1963.

De plus en plus déçu par les évolutions au sein du PSU, en particulier avec l’accord entre la tendance SR et le courant Poperen, il s’éloigna quelque peu de l’organisation. En août 1964, il fut victime d’un licenciement collectif chez Ernault-Somua, et se reconvertit dans l’enseignement technique en devenant maître auxiliaire tourneur, exerçant à Thiais, puis à Choisy le Roi (Seine-Val-de-Marne).

Dans son LEP, il vendait quelques numéros de Voix ouvrière. En mai 1968, il fut un des rares enseignants à se mettre en grève. Il prit également part aux manifestations de l’UNEF et au comité d’action du Ve arrondissement du Théâtre de l’épée de bois. Il rédigea enfin une revue de presse qui parut en feuilletons dans Lutte ouvrière.

Après les événements de mai 1968, André Calvès, désormais titulaire en ayant passé le concours en interne, demanda un poste dans un collège technique du Finistère, à Pont-de-Buis. Avec sa compagne Jeannette (morte en novembre 1987), il acheta une petite ferme.

Il continua de militer au sein de la LCR et se rendit d’ailleurs en Pologne dans les années 1980 en soutien à Solidarnosc.

André Calvès savait attirer la sympathie par sa générosité, sa gouaille et sa fermeté, ce qui lui valut d’être apprécié au-delà des frontières strictement partisanes. Il écrivait également beaucoup et avec plaisir, pour les différentes publications auxquelles il participa, mais également pour lui-même.

https://maitron.fr/

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TRÉVIEN Gérard, Yves

 

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28 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Brest (Trotskistes)

Roger Calvez est membre de l’association les Amis d’Arbeiter und Soldat, qui vise à réhabiliter la mémoire des soldats allemands morts pour avoir fraternisé avec des militants trotskistes.
Roger Calvez est membre de l’association les Amis d’Arbeiter und Soldat, qui vise à réhabiliter la mémoire des soldats allemands morts pour avoir fraternisé avec des militants trotskistes. (Photo Le Télégramme/Romain Haillard)

À Brest, des soldats allemands avaient fraternisé avec des trotskistes

Lundi, deux plaques commémoratives vont être installées à Brest, en mémoire de trotskistes qui avaient réussi à fraterniser avec des soldats allemands.

Après la Libération, l’histoire a voulu retenir la Résistance pour tenter de laver la honte de la collaboration… Mais personne n’avait vu la fraternisation ! À Brest, des soldats allemands étaient passés de l’autre côté. Celui des prolétaires, des travailleurs, sous l’impulsion d’audacieux militants trotskistes.

Cette expérience s’incarne dans deux revues, l’« Arbeiter und Soldat » et sa déclinaison locale « Arbeiter und Soldat im Westen ». Un colloque, organisé par les Amis d’Arbeiter und Soldat, le 5 octobre 2024, à la salle des syndicats à Brest, explorera les contours de cette histoire singulière, qui s’est déroulée dans la cité du Ponant. Le matin, les participants se rendront à l’emplacement de deux plaques commémoratives installées en hommage à ces hommes.

28 septembre 2024

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25 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Ehpad ( France Info)

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Ehpad : un rapport du Sénat alerte sur la situation économique dramatique d’un secteur « à bout de souffle »

Les établissements pour les personnes âgées font face à une crise inédite, entre baisse du taux d’occupation, crise de confiance après la pandémie de Covid-19 et le scandale Orpéa et difficultés à attirer des professionnels.

Le diagnostic est sans appel : le modèle des Ehpad doit être revu en profondeur. Les établissements de prise en charge des personnes âgées dépendantes, publics comme privés, font face à « des difficultés économiques d’une ampleur inédite » et doivent se réinventer, alertent des sénateurs et sénatrices, dans un rapport publié mercredi 25 septembre.

Les Ehpad, qui restent « de loin la première catégorie de structures accueillant des personnes âgées », font face à « une situation financière (…) fortement dégradée ». En 2023, selon les sénateurs, 66% d’entre eux étaient déficitaires (contre 27% en 2020). Parmi les établissements relevant de la fonction publique hospitalière, 84% sont dans le rouge monte. Les Ehpad privés lucratifs, eux, ont vu leurs résultats nets « pratiquement divisés par deux entre 2017 et 2023″.

Pourquoi une telle dégringolade ? Les auteurs du rapport pointent plusieurs crises récentes et simultanées. D’abord, le taux d’occupation moyen des Ehpad « en berne », qui reste à 88,7% au premier trimestre 2023. Les auteurs l’attribuent à plusieurs facteurs, dont la crise sanitaire du Covid-19, qui a provoqué « un nombre élevé de décès«  dans certains établissements, et aussi alimenté la défiance envers les Ehpad à cause des mesures de confinement imposées à l’époque.

« Un soupçon de maltraitance généralisée »

Cette « crise de confiance » dans les Ehpad a également été alimentée par le scandale Orpéa et les révélations du journaliste Victor Castanet dans son livre Les Fossoyeurs, qui ont « aggravé la chute du taux d’occupation, en particulier (mais pas uniquement) dans le secteur privé commercial » et « installé dans l’opinion un soupçon de maltraitance généralisée concernant les Ehpad ».

Alors que les recettes baissaient, les Ehpad ont en plus dû faire face à une hausse des dépenses. En cause : l’inflation généralisée et des revalorisations salariales.

« Le modèle de l’Ehpad apparaît à bout de souffle. » Les auteurs du rapport

« L’organisation du financement des Ehpad en trois sections tarifaires [soins, hébergement et dépendance] est source de complexités et de coûts qui apparaissent de moins en moins en justifiés, notamment au regard de l’évolution des profils des résidents, de plus en plus âgés et dépendants », jugent les sénateurs. Ils précisent qu’« une réforme de cette organisation est envisagée de longue date et soutenue par les fédérations du secteur » et qu’une expérimentation de fusion des sections soins et dépendance est amorcée dans une vingtaine de départements.

La manière dont les Ehpad déterminent leurs forfaits soins et dépendance est également jugée « dysfonctionnelle », car représentant « une charge administrative excessive » qui pousse à la médicalisation au détriment de la prévention. Le secteur doit aussi composer avec « un déficit d’attractivité durable » qui amplifie la pénibilité du métier et les maladies professionnelles dans un cercle vicieux, selon le rapport.

Vers une nouvelle journée de solidarité ?

Enfin, les sénateurs recommandent d’adapter l’offre d’Ehpad aux « défis de long terme ». Le rapport évoque des « lieux de soin » qui ne sont pas conçus comme des lieux de vie (les auteurs citent comme exemple des chambres « trop petites » et « mal agencées » et des espaces collectifs « trop grands, ternes et inhospitaliers ») et qui s’accompagnent d’un isolement géographique perçu comme synonyme de « mort sociale ». Il pointe également les défis posés par le changement climatique, avec une hausse de la mortalité en cas de forte chaleur.

Par ailleurs, les interventions publiques en soutien au secteur sont jugées « insuffisantes » par les auteurs, malgré la création d’un fonds d’urgence pour les établissements et services médico-sociaux en difficulté, doté de 100 millions d’euros fin 2023.

« L’enveloppe s’est révélée insuffisante au regard de la généralisation des difficultés et de l’ampleur des besoins. » Les auteurs du rapport

Le rapport fait plusieurs recommandations pour améliorer l’état des Ehpad. Parmi elles, la création d’une « deuxième journée de solidarité, qui pourrait se traduire par la suppression d’un jour férié » et générerait 2,4 à 3,3 milliards d’euros de recettes supplémentaires. Les auteurs proposent aussi de mieux prendre en compte l’inflation dans l’évolution des aides, de revoir en profondeur la tarification par section, ou d’ouvrir des services publics ou des commerces auprès des Ehpad ruraux pour les désenclaver.

Les sénateurs et sénatrices à l’origine de ce rapport recommandent enfin « une stratégie efficace en faveur de l’attractivité des métiers », impliquant « la rémunération, la formation et la qualification ainsi que de l’amélioration des conditions de travail ». Un effort indispensable, selon eux, étant donné que « la population âgée dépendante augmentera significativement au cours des 25 prochaines années ».

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