CALVÈS André
Né le 6 février 1920 à Brest (Finistère), mort le 13 janvier 1996 à Brest ; marin, ouvrier, militaire, artisan, ouvrier tourneur, puis enseignant ; socialiste, puis trotskyste, membre du POI, du PCI-SFQI, du PCI minoritaire, du PSU, du PCI-SFQI, de la LC puis de la LCR.
André Calvès naquit à Brest, d’une mère issue d’une famille paysanne et d’un père, Mathurin Calvès, officier mécanicien (mort en novembre 1939). Son grand-père, paysan, mourut assez vite, obligeant ses enfants à chercher du travail. André était proche de ses oncles Henri, un socialiste, et Marcel, un communiste, qui pendant la guerre d’Espagne était engagé sur un navire de France-Navigation, une compagnie écran du Komintern pour aider l’Espagne républicaine.
André aimait raconter les péripéties des voyages clandestin de son oncle Marcel vers l’Espagne : déchargement à Alicante d’essence achetée au Mexique pour l’aviation. Interception au retour par les nationalistes et conduit à Ceuta ; relâché enfin. Marcel fit plusieurs voyages, les armes arrivant de Mourmansk vers l’Espagne républicaine.
Devenu mousse dans la marine nationale dès l’âge de neuf ans, son père y resta jusqu’à celui de quatorze. Une fois marié avec une Bretonne, tout comme lui, il fut affecté un temps à Bizerte. Le seul grand-parent que connut le jeune André fut sa grand-mère maternelle.
Parmi les nombreuses figures familiales, celles de quelques oncles, Henri, menuisier, puis militaire socialiste, ou Marcel, marin, militant du PCF, ont davantage marqué André Calvès. Son enfance se passa avec un père assez lointain de par son métier, puisqu’il n’était présent qu’une à deux fois l’an. Il compensait cette absence par la constitution d’une petite bibliothèque et l’envoi régulier de cadeaux.
C’est sans doute ce qui encouragea la soif de lecture du jeune garçon qui dévora entre autres les romans de Jules Verne et divers livres patriotiques. Ses opinions d’alors, nationalistes, étaient également celles de son père qui, plutôt méfiant à l’égard des idées socialistes, participa au moins une fois à une grève de marins. Il fit ses deux communions, mais la famille, à l’exception de la grand-mère, était, semble-t-il, peu pratiquante. À douze ans, André Calvès entra aux Éclaireurs de France (EDF), où les activités lui plurent beaucoup ; il s’y lia d’amitié avec Gérard Trévien. Assez mauvais élève au lycée public de Brest, André Calvès, contrairement à ses deux sœurs et à son frère Gérard, ne décrocha pas le baccalauréat.
En 1936, sous l’influence conjointe de son oncle Marcel, de sa sœur aînée Jeannette, devenue institutrice en région parisienne, et de la grève à l’arsenal de Brest de l’été 1935, il commença à lire l’Humanité, sans être d’ailleurs convaincu par les comptes rendus des procès de Moscou.
Après un très bref passage au sein des Jeunesses socialistes, lui et quelques copains intégrèrent dans un premier temps le clan routier EDF, puis le club ajiste de Brest. Ils suivirent avec passion les événements d’Espagne, dont leur parla la sœur cadette d’André, Éliane, rapatriée peu de temps après le début de la guerre civile. À l’été 1938, suite à l’exclusion du courant de Marceau Pivert et à la fondation du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP), une partie des ajistes de Brest, dont André Calvès, forma la Jeunesse socialiste ouvrière et paysanne (JSOP).
Au moment de la déclaration de guerre, celle-ci imprima un tract contre « la guerre impérialiste » et contre l’union avec le gouvernement Daladier, qu’André Calvès et Gérard Trevien distribuèrent de nuit dans les boîtes aux lettres. Tous deux devinrent ainsi peu à peu trotskystes, en partie sous l’influence de Marcel Forni. Entré à l’école de navigation, André Calvès ne brilla pas par ses résultats. Il se retrouva finalement, au début de 1940, matelot sur le pétrolier Suroît, avant de retourner à Brest.
Début juin, il fut mobilisé dans l’infanterie et partit à Bordeaux (Gironde). D’abord en caserne, il fut ensuite envoyé avec ses camarades dans les Bouches du Rhône, avant d’être démobilisé et réquisitionné pour travailler dans un des nouveaux chantiers de jeunesse, dans le Var, au camp Saint-Louis, près de Roquebrune-sur-Argens. Il y construisit des baraquements, puis aménagea des routes dans la forêt. Au printemps 1941, André Calvès repartit finalement à Brest, nanti d’un certificat de conduite au chantier négatif.
Avec ses amis, isolés de Paris, ils créèrent le Parti communiste révolutionnaire et publièrent une modeste feuille en avril, le Bulletin ouvrier et paysan, qui devint Bretagne rouge en juillet. Devenu le POI après la reprise des liens avec la direction à Paris, vers mai juin 1941, le groupe possédait deux cellules (Brest et Kerhuon), en plus de quelques militants plus dispersés.
Dans la ville, soumise régulièrement aux bombardements anglais et aux tirs de la DCA allemande, ils publièrent au lendemain de l’attaque d’Hitler sur l’URSS un tract en défense de l’URSS. À l’été, André Calvès partit travailler à Paris dans une fabrique de rideaux de défense passive, où il sympathisa avec Robert Cavallo et d’autres anciens des JC. Il intégra dans le même temps une cellule du POI, mais souffrit de la solitude imposée par la clandestinité et ne fut guère passionné par les discussions théoriques.
Au printemps 1942, il retourna à Brest en compagnie de Robert Cavallo, devenu trotskyste, et fut embauché en tant que manœuvre sur un chantier des Laminoirs et tréfileries de Paris (LTP) au port de commerce brestois. Devenu pointeau (chargé de pointer les présents), il parvint à inscrire des militants nantais du POI en fuite en mars-avril 1943, qui furent donc payés comme permanents par la LTP.
En plus de diffuser La Vérité, la cellule de Brest tirait, sur la ronéo installée dans son jardin, deux à trois cents exemplaires de Front ouvrier, et un millier de tracts « Razzia d’esclaves en Europe occupée » en septembre 1942, à l’occasion de l’envoi forcé de plusieurs centaines d’ouvriers français à Hambourg. Au moment de leur départ, en octobre, André Calvès participa d’ailleurs à une manifestation spontanée d’une partie des jeunes brestois.
À la même période, il se rendit en Belgique, chez la famille de Claire, une jeune fille rencontrée en juillet 1940, à l’aide d’une fausse permission d’ouvrier belge, un séjour qu’il renouvela à deux reprises de la même manière, pour finalement se marier civilement avec Claire en mars 1943, à Brest, où cette dernière s’installa.
Une des actions les plus remarquables des trotskystes de Brest fut la mise en place, avec leurs camarades nantais Robert Cruau, Yves Bodenès* ainsi que Georges et Henri Berthomé*, d’une cellule trotskyste composée de soldats allemands : d’abord en tirant des tracts rédigés en allemand, puis en recrutant quelques soldats de la Wehrmacht avec lesquels la feuille Arbeiter im Westen fut rédigée.
Après avoir échappé à une réquisition d’ouvriers pour l’Allemagne en juin 1943, André Calvès devint donc réfractaire tandis que son épouse repartit provisoirement en Belgique. Il alla la retrouver quelques jours en septembre-octobre (juste avant qu’elle et son père ne soient arrêtés), mais à son retour, il découvrit que la cellule allemande avait été démantelée par la Gestapo et une partie des militants français tués ou arrêtés ; recherché dès lors par la Gestapo, il réussit finalement à repartir à Paris.
En novembre, André Calvès retourna dans le Finistère pour renouer les contacts, puis son installation à Paris, dans l’appartement d’une juive en fuite, l’amena à participer, en plus des activités d’une cellule, au comité de rédaction de La Vérité (il y était en charge d’une revue de la presse clandestine). Sans révéler son trotskysme, il prit contact avec les FTP, chez qui il s’engagea en mars 1944, avec d’autres jeunes, sous le pseudonyme de Christian Garnier ; il ne fit dès lors plus partie d’une cellule du PCI-SFQI, n’ayant de contacts qu’avec Yvan Craipeau*, auprès de qui il défendit sans succès un investissement plus large de l’organisation au sein des FTP.
C’est à la demande de ce dernier qu’il se rendit une nouvelle fois en Bretagne afin de transmettre des documents à Alain Le Dem* et Roger Prat*. D’abord chargée de récupérer des armes sur des militaires allemands ou des policiers français, sa compagnie de FTP, baptisée Saint-Just, qui prenait la suite de celle de la MOI, fut également responsable de l’approvisionnement en tabac des autres compagnies.
André Calvès devint commissaire technique et responsable un moment de quatre groupes de trois. Il se trouva même en accord avec Fénestrelle*, un cadre du PCF qui refusait de tuer aveuglément des soldats allemands en représailles. Lui et ses camarades parvinrent à abattre l’ancien socialiste Georges Barthélémy, maire de Puteaux, le 10 juillet 1944, mais échouèrent par contre à exécuter Clamamus*, le maire de Bobigny, ancien sénateur communiste, le 18 août. Parmi leurs actions, on peut également citer l’incendie d’une trentaine de camions allemands destinés à partir en Normandie le 21 juin.
En août, ils participèrent à l’insurrection de Paris dans les XVIIIe et XIXe arrondissements, prenant part à des combats et faisant plusieurs prisonniers. Les effectifs s’étant considérablement étoffés, la compagnie Saint-Just devint bataillon, et André Calvès se vit nommer lieutenant d’une compagnie de mortiers formée par les soldats américains.
Ces combattants furent ensuite envoyés rejoindre le Groupe tactique Lorraine du colonel Fabien*, où, en plus de l’entraînement, ils eurent droit à quelques conférences politiques menées par André Calvès. Au moment de l’intégration à l’armée de Delattre, il refusa ce qu’il considérait comme une « capitulation » et retourna donc à Paris avec quelques copains ayant fait le même choix que lui. Ensemble, ils effectuèrent quelques raids chez d’anciens collaborateurs et publièrent un petit journal, Ohé partisans !, de mai à août 1945, imprimé par le PCI-SFQI.
André Calvès reprit d’ailleurs son militantisme et devint même un temps responsable de la permanence de la rue Daguerre. Il participa aux campagnes électorales de l’organisation en Bretagne en 1946, étant d’ailleurs sur la liste présentée dans la région. À la même époque, la cellule de Brest milita en faveur des prisonniers allemands qui travaillaient sur place, tout en rédigeant un bulletin local, Le Militant. André Calvès, qui était séparé de Claire depuis 1945, se remaria avec Marie-Anne, une institutrice, et eut un fils, Michel (né le 15 mai 1949). Il suivit la même année une formation accélérée de tourneur à Ivry durant quelques mois mais, ne trouvant pas de travail, revint en Bretagne et fabriqua des kayaks. En 1950, il participa aux brigades envoyées en Yougoslavie.
Lors des discussions qui menèrent à la scission de 1952 du PCI-SFQI, il prit position pour le PCI minoritaire, en raison de son attachement à l’Internationale, mais fut durement démoralisé. Ajouté à des problèmes sentimentaux, c’est ce qui l’amena, à l’hiver 1951, à s’engager dans le service du matériel colonial en tant que soldat de deuxième classe. Envoyé d’abord à Nîmes, puis à Fréjus, il partit en juin 1952 de Marseille pour Saïgon, puis Hanoï.
Il en avait au préalable informé Pierre Frank*, qu’il avait également vu et avec qui il avait commencé à réfléchir sur le possible militantisme à mener, ce qui n’aboutit à rien de concret du fait d’un contact déficient sur place. Rattaché à la 11e compagnie moyenne de réparation du matériel, il assuma des tâches administratives à la Direction du matériel, sans participer aux combats, tout en tenant un journal. Il obtint également des certificats d’aptitude technique en comptabilité qui lui permirent de devenir maréchal des logis. Après son retour d’Indochine en septembre 1954, André Calvès revint d’abord dans le Finistère, où il divorça d’avec sa seconde épouse. Il s’établit ensuite en région parisienne, où il suivit les cours d’un centre de formation professionnelle accélérée pour devenir ouvrier tourneur.
Il fut finalement embauché chez Citroën, à Gutenberg, comme OS au contrôle ; il passa ultérieurement P1, et exerça à l’usine de Levallois. Il se rapprocha alors de militants de Voix ouvrière, avec lesquels il collaborait pour la réalisation de la feuille mensuelle de boîte. À la même époque, il se mit en ménage avec Jeannette, une infirmière qu’il avait connue au moment de la Libération, et déjà mère d’un garçon, Jean-Philippe, qu’il reconnut. Le couple habita dans un meublé à Paris, rue Saint Joseph, puis à Aubervilliers (Seine, Seine-Saint-Denis), et enfin boulevard Port Royal à Paris.
Ils eurent une fille, Marie-Ève (née le 15 mai 1959). Anticipant sur un probable licenciement, il se fit embaucher comme P2 à l’usine parisienne d’Ernault-Somua, dans le XIVe arrondissement, qui fabriquait des tours et des fraiseuses. Il y anima une feuille de boîte, L’Étincelle, et devint également délégué du personnel.
Ayant adhéré au PSU, il fut un membre particulièrement actif de la tendance socialiste révolutionnaire (SR) et, avec d’autres militants, il réintégra en 1961 les rangs du PCI resté SFQI, tout en restant en parallèle adhérent du PSU. Il participa à des manifestations contre la guerre d’Algérie, à des distributions de tracts, fut candidat aux législatives de 1962 et aida des camarades à créer des journaux d’usines, travaillant un temps avec Arlette Laguiller*. En 1963, il fut même membre de la direction nationale du PSU : en effet, élu minoritaire de la motion E au CPN, à l’issue du congrès d’Alfortville en janvier 1963, André Calvès appartint au bureau provisoire désigné par le conseil national des 22-23 juin 1963, chargé de conduire le parti jusqu’au congrès de novembre 1963.
De plus en plus déçu par les évolutions au sein du PSU, en particulier avec l’accord entre la tendance SR et le courant Poperen, il s’éloigna quelque peu de l’organisation. En août 1964, il fut victime d’un licenciement collectif chez Ernault-Somua, et se reconvertit dans l’enseignement technique en devenant maître auxiliaire tourneur, exerçant à Thiais, puis à Choisy le Roi (Seine-Val-de-Marne).
Dans son LEP, il vendait quelques numéros de Voix ouvrière. En mai 1968, il fut un des rares enseignants à se mettre en grève. Il prit également part aux manifestations de l’UNEF et au comité d’action du Ve arrondissement du Théâtre de l’épée de bois. Il rédigea enfin une revue de presse qui parut en feuilletons dans Lutte ouvrière.
Après les événements de mai 1968, André Calvès, désormais titulaire en ayant passé le concours en interne, demanda un poste dans un collège technique du Finistère, à Pont-de-Buis. Avec sa compagne Jeannette (morte en novembre 1987), il acheta une petite ferme.
Il continua de militer au sein de la LCR et se rendit d’ailleurs en Pologne dans les années 1980 en soutien à Solidarnosc.
André Calvès savait attirer la sympathie par sa générosité, sa gouaille et sa fermeté, ce qui lui valut d’être apprécié au-delà des frontières strictement partisanes. Il écrivait également beaucoup et avec plaisir, pour les différentes publications auxquelles il participa, mais également pour lui-même.
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