Monarchie (OF)
Le futur roi qui a démissionné
Les grecs qui ont donné l’ancienne reine d’Espagne, mère du roi actuel, n’était pas mal non plus.
Ne l’appelez plus jamais « Prince » : pourquoi le roi Charles III retire son titre à Andrew
Emporté par l’affaire Epstein, le frère du souverain britannique Charles III se voit retirer ses titres. Il devra quitter son manoir royal.
Souriant, très à l’aise, Andrew Mountbatten Windsor est longtemps passé pour un héros aux yeux des Britanniques. Ancien de la Royal Navy, celui qui portait jusqu’à jeudi le titre de prince faisait aussi figure de playboy, multipliant les conquêtes au cours de dix ans de voyages aux frais de la couronne, en tant que représentant spécial du Royaume-Uni pour le commerce international. Désormais Andrew, le frère du roi Charles, a perdu son titre de prince et sa résidence de Windsor. Un nouveau cap dans le déshonneur.
Pourquoi est-ce un tournant pour Andrew ?
Il ne s’agit pas d’un énième rebondissement de l’affaire Epstein. Depuis novembre 2019, dans le sillage des révélations sur ses liens avec le criminel sexuel américain, Andrew, 65 ans, n’avait plus aucun rôle public. Une désastreuse interview à la BBC avait enfoncé le clou. Il y niait avoir jamais rencontré Virginia Giuffre, principale accusatrice de Jeffrey Epstein. Condamné en 2008 pour trafic sexuel sur mineures, cet ex-financier américain avait été retrouvé pendu dans sa cellule, en 2019.
Mais jusqu’à présent, le deuxième fils de la reine Elizabeth II – son préféré – avait réussi à ralentir sa chute. Bien que privé son allocation annuelle d’environ 1 million d’euros, il gardait tous ses titres et sa demeure luxueuse de 30 pièces à Windsor, à 40km de Londres. Mi-octobre, il avait même renoncé (sans retrait formel) à son titre de duc d’York pour déminer les nouvelles informations attendues dans les mémoires posthumes de Virginia Giuffre. La jeune femme, qui s’est suicidée à 41 ans, l’accusait d’avoir eu trois rapports sexuels contraints, à la demande d’Epstein, alors qu’elle n’avait que 17 ans.
Qu’est-ce que cela change ?
Le « processus formel » lancé jeudi par son frère, le roi Charles III, retire à Andrew tous ses « titres et honneurs » (prince, duc, comte, baron ou chevalier de l’ordre de la Jarretière). Il l’oblige aussi à quitter son Royal Lodge, et à « déménager dans un autre logement privé », précise le communiqué du palais. Il partira dès que possible en exil, avec son ex-épouse Sarah Ferguson, dans le Norfolk, à 180 km de Londres. Le domaine de Sandringham, qui l’accueillera sans doute après Noël, fait partie des résidences privées du souverain — comme le château de Balmoral.
Qu’est-ce qui a précipité cette royale décision ?
Le scandale menaçait la monarchie et ne voulait pas s’éteindre. Les députés parlaient de l’auditionner et de lever le tabou qui les empêche de demander des comptes à la royauté. La pression s’était faite plus grande ces derniers jours : une photo prise dans les jardins de Royal Lodge, publiée dans la presse, prouverait que le roi connaissait les liens d’Andrew et d’Epstein depuis un certain temps… La décision royale, à laquelle a été associé le prince William, fils de Charles III et héritier du trône, a exigé du temps et une expertise juridique et constitutionnelle, a précisé une source au palais de Buckingham.
Les Britanniques saluent la déchéance d’Andrew mais des questions demeurent.
Les Britanniques saluent, ce vendredi, la décision historique du roi Charles de priver son frère Andrew du titre de prince, même si elle pourrait ne pas mettre fin à sa descente aux enfers et aux velléités du Parlement de superviser la famille royale.
« Enfin ! », titre le Daily Mirror ce vendredi, tandis que le Sun ironise sur « Andrew précédemment connu sous le nom de prince ». La dernière fois qu’un prince a été déchu de son titre par le roi remonte à 1919, sous le roi George V.
À l’annonce que Charles lui avait non seulement retiré son titre de prince mais aussi ordonné son exil loin de Windsor, le public qui assistait à l’enregistrement, jeudi soir, d’un programme phare de la BBC a même spontanément applaudi.
« C’est vraiment un pas courageux, important et juste de la part du roi », a immédiatement réagi la secrétaire d’État à la Culture, Lisa Nandy.
« Le roi a agi avec détermination et fermeté pour l’expulser de Royal Lodge. Sa Majesté et le prince William ne pouvaient plus supporter que la famille royale subisse davantage de dommages », écrivait aussi le Sun, ce vendredi.
Encore de nouvelles accusations
Car l’interminable scandale né des liens entre Andrew et le pédocriminel américain Jeffrey Epstein empoisonne la vie de la famille royale depuis 2011. Depuis que la principale accusatrice du financier américain accuse le deuxième fils d’Elizabeth II de l’avoir exploitée sexuellement, dont deux fois lorsqu’elle avait 17 ans. Accusations qu’Andrew a toujours niées, sans convaincre.
Même si Andrew, 65 ans, n’exerçait plus aucune fonction officielle depuis 2019, les accusations à son endroit n’ont cessé de rebondir, portées, ces derniers jours, par la publication des mémoires posthumes de Virginia Giuffre, où elle égrène ses accusations avec force détails.
Même après qu’il eut annoncé, le 17 octobre, renoncer au titre de duc d’York, d’autres révélations embarrassantes ont émergé. Comme le fait qu’Andrew ait hébergé chez lui Jeffrey Epstein, sa complice Ghislaine Maxwell et l’ex-producteur hollywoodien Harvey Weinstein, condamné pour viol, pour l’anniversaire de sa fille aînée en 2006.
Décision tardive ?
La situation semblait donc devenue intenable pour la famille royale. Et, malgré les louanges, beaucoup soulignaient aussi, ce vendredi, que la décision intervenait tardivement.
Une source au palais de Buckingham a cependant fait valoir qu’elle avait nécessité « une expertise juridique et constitutionnelle ».
Concrètement, Andrew, qui reste huitième dans l’ordre de succession au trône, ira s’installer à 180 km de Londres, à Sandringham dans le Norfolk, propriété privée de Charles qui continuera à le soutenir financièrement.
On ignore pour l’instant la date de son déménagement de la Royal Lodge, luxueuse propriété de 30 pièces située sur le domaine royal de Windsor, à l’ouest de Londres. Des sources au palais de Buckingham ont indiqué qu’il interviendrait « dès que pratiquement possible », et les médias britanniques campent devant sa propriété.
« Rendre des comptes »
En exilant Andrew dans la campagne anglaise, l’objectif du roi Charles est clair : faire oublier ce frère si toxique et sortir la famille royale du scandale. Mais de nombreuses questions demeurent.
Pour Andrew Lownie, biographe du duc déchu, l’ex-prince est cependant loin d’être tiré d’affaire et pourrait même faire l’objet de poursuites judiciaires.
La police de Londres enquête, notamment, sur une information de presse selon laquelle Andrew aurait notamment demandé au policier chargé de sa sécurité de chercher des informations sur Virginia Giuffre pour la discréditer.
Un groupe anti-monarchiste nommé Republic a aussi fait savoir qu’il avait demandé à des avocats d’explorer la possibilité de lancer une enquête à titre privé.
Et le frère de Virginia Giuffre, Sky Roberts, s’est juré de continuer à poursuivre Andrew. « Je félicite le roi, je pense qu’il fait un travail formidable » mais « il faut aller plus loin : (Andrew) doit être en prison », a-t-il déclaré sur la BBC depuis les États-Unis.
La question plus large d’un contrôle du Parlement sur la famille royale, apparue ces derniers jours, pourrait aussi rester d’actualité. La députée Rachael Maskell, qui a déposé une proposition de loi visant à permettre au roi ou à une commission parlementaire de retirer des titres de noblesse à tous ceux qui en seraient détenteurs, appelle à ne pas relâcher la pression sur la famille royale. « Je pense que le monde a évolué et nous avons besoin que la monarchie rende des comptes par tous les moyens », a-t-elle déclaré, ce vendredi, à la BBC.
31 octobre 2025
