Contre-Salon ( FR3 )
Alors que la fin du Salon de l’agriculture se profile porte de Versailles à Paris, des agriculteurs, paysans, proposent leur propre événement, ne se reconnaissant pas dans le grand rassemblement parisien. Des « contre-salons », à l’initiative de La Confédération paysanne. Cette année, un Gaec de maraîchers installés à Romillé, au nord de Rennes, accueille les visiteurs.
« Faut-il replanter des haies, comment lutter contre les attaques d’insectes… » les questions fusent, devant les rangs de choux, de salades, de navets, d’oignons ou d’ail.
Bien loin de la Porte de Versailles à Paris et du salon de l’agriculture, porte ouverte dans une ferme maraîchère, pour une autre approche. Les visiteurs ont fait le choix de ne pas aller à Paris, ce sont des voisins, des clients de la ferme, des curieux.
« Une histoire de sens » pour les visiteurs
Luc est venu chercher des conseils. Ce restaurateur rennais rêve de produire lui-même ses légumes, « C’est plus une histoire de sens, de ressentir une exploitation et de rencontrer et de pouvoir échanger avec des gens qui se sont lancés récemment, et qui ne sont pas forcément du secteur, ça inspire », reconnaît-il.
Un couple, à côté, qui se dit assez urbain et loin de la terre, comprend que de la cultiver est assez technique, et ils apprécient « le rapport avec le local, avec ce qui se fait autour de nous, les jeunes qui s’installent, de nouvelles techniques aussi », avancent-ils, « et puis on arrive à un âge où on se pose plus de questions, on a plus le temps et plus les moyens aussi, donc on va faire plus attention (à notre façon de consommer) », précise encore la dame.
Et pour eux, peu importe la bannière syndicale, en l’occurrence la Confédération paysanne.
« D’autres agricultures possibles »
Ce Gaec certifié en bio, installé à Romillé, près de Rennes, en Ille-et-Vilaine, fait vivre trois personnes depuis bientôt deux ans. Un retour à la terre, sur deux hectares et demi, pour des cultures de plein champ ou sous serre. L’idée pour les trois associés, c’est de respecter le vivant et le paysan. Un modèle qui, selon les gérants, est invisible au Salon de l’agriculture. « Ici, il faut venir en bottes, s’amuse Vincent Robine, l’un des trois maraîchers, ça a plus de sens et c’est l’occasion de faire venir les gens sur nos fermes, pour qu’ils comprennent ce qu’on fait et nos problématiques. »
« Le salon à Paris, poursuit-il, c’est la vitrine d’une agriculture, mais pas de l’agriculture. C’est d’ailleurs l’objet de ces ‘salons à la ferme’, c’est de montrer qu’il y a d’autres agricultures possibles, c’est celles-là qu’on a envie de promouvoir. » C’est-à-dire des fermes à taille humaine, en lien avec les habitants du territoire, pour des productions locales et des pratiques respectueuses de l’environnement. « On n’a pas la même définition de souveraineté alimentaire que certains, assure encore le jeune maraîcher, et l’idée, c’est que les citoyens et les citoyennes aient une autonomie et la décision sur le modèle agricole qui les nourrit. »
« Il faudrait revenir vers des fermes à taille humaine »
« On est représentatif d’une génération qui n’est pas issue du milieu agricole, poursuit Pierre Lebrun, son associé et on est quand même nombreux à faire le pas de revenir vers une agriculture. Il y a tout un mouvement de gens comme nous qui retrouvent du sens dans ce métier », ajoute le jeune agriculteur, en précisant
« Et il y a tout de même un souci dans l’évolution du paysage agricole, c’est que la grosse majorité des terres vont vers un agrandissement, alors qu’il faudrait revenir vers des fermes à tailles humaines. Il y a de moins en moins d’agriculteurs, parce qu’un agriculteur tient un nombre d’hectares de plus en plus important. Et le mouvement ne s’inverse toujours pas, c’est ça qui est un peu malheureux ! »
Les organisateurs le savent bien. Ceux qui poussent la porte sont acquis à leur cause, au bio et au local. Reste à sensibiliser tous les autres. Alors, ils se tiennent prêts à rouvrir leur ferme, avec ou sans salon à Paris.
(Avec Charles Lemercier) Krystel Veillard 02/03/2025