16 février 2025 ~ 0 Commentaire

Remembrement

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« Si la Bretagne avait des talus, c’est bien qu’il y avait une raison !  » Replanter des haies aujourd’hui, pour réparer les territoires abîmés par le remembrement

 Le remembrement a marqué une rupture avec l’équilibre ancestral de notre région. Pour répondre à une urgence qui ronge le territoire, Léa Legentilhome, technicienne de bocage, replante des haies sur le territoire de la Roche aux fées. C’est son histoire que raconte Brigitte Chevet dans  » Le village qui voulait replanter des arbres ».

Dans les années 60, en Bretagne, la petite polyculture d’élevage a fait place au blé ou au maïs. Le fuel a remplacé le chauffage au bois, la mécanisation s’est développée pour produire davantage. Et avec le remembrement, l’arbre a perdu, peu à peu, toute sa valeur.

Au sud de Rennes, à Matigné-Ferchaud, au pays de la Roche aux fées, Léa Legentilhomme, elle, est technicienne de bocage, et replante des arbres. Brigitte Chevet l’a suivie et réalisé un film « Le village qui voulait replanter des arbres« .

Léa Legentilhomme étudie minutieusement chaque parcelle de la commune de Martigné-Ferchaud. Avec la municipalité et les agriculteurs, elle redessine des parcelles bordées de haies. L’emplacement, les surfaces, les pentes, tout est finement calculé.

L’enjeu pour elle est de trouver des agriculteurs volontaires pour accueillir ses haies, en restituant aux arbres et aux talus, leurs implications essentielles dans l’équilibre du territoire.

Protéger les haies existantes et replanter le plus possible

L’intérêt d’une haie, c’est la garantie d’une bonne qualité de sol. Elle protège aussi la biodiversité, régule le climat local, protège également des intempéries.

Certains agriculteurs ne l’ont pas oublié. « Si la Bretagne avait des talus, c’est qu’il y avait une raison ! « En Bretagne, on a un vent d’ouest. Les haies et talus protégeaient les cultures des intempéries ! Les cours d’eau se régulaient simplement, la terre se nourrissait ainsi « .

Sur la commune de Martigné-Ferchaud, depuis 40 ans, 100 000 grands arbres ont été abattus et au gré du regroupement des terres, et le nombre de fermes a été divisé par dix.

Je ne pense pas que ce soit un souhait, ni des agriculteurs, ni des collectivités, de recréer le bocage d’avant le remembrement, mais faire en sorte que ce soit un bocage fonctionnel, et préserver ce qu’on a actuellement. Léa Legentilhomme,Technicienne de bocage

Léa Legentilhomme, aussi femme d’agriculteur, connaît bien leurs problématiques et leurs contraintes. Selon les cartographies qu’elle étudie, à l’endroit où elle repère la nécessité de replanter, elle désigne des haies qui existaient avant le remembrement.  » C’est dommage de les avoir supprimées » dit-elle. « Ce qu’on essaie de faire petit à petit, c’est de refermer ces parcelles « .

Actions fortes pour inverser la tendance

Les arbres ne sont pas les seuls avoir souffert du remembrement. Aujourd’hui, sur le bassin de la Vilaine, on creuse aussi des rivières, pour ralentir la circulation de l’eau et reconnecter les mares aux talus.

90 % des cours d’eau du département ont été redressés pour obtenir des parcelles rectilignes. Les zones humides ont été drainées, les mares supprimées, provoquant ainsi, l’accélération du cycle de l’eau. Les cours d’eau débordent, la terre s’enfuit, la pollution par les nitrates et les pesticides s’amplifie.

Sur la commune de Martigné-Ferchaud, la municipalité a entrepris d’agir, « aujourd’hui« , pour lutter contre la toxicité des eaux de sa commune, dite zone de « baignade ».

« Martigné-Ferchaud est une zone de baignade. On a dépassé le seuil de toxicité, l’eau est de mauvaise qualité sur notre bassin. Il faut prendre le taureau par les cornes, pour améliorer la qualité de l’eau. Il faut faire quelque chose ! », expriment les élus de la commune.

Ce n’est pas de dire demain, on verra. C’est dès aujourd’hui. Il faut planter pour améliorer la qualité de l’eau. Patrick Henry Maire de Martigné-Ferchaud

Patrick Henry, Maire de la commune et agriculteur, a replanté sur ses parcelles à risques, « celles avec une certaine pente et une longueur de pente » explique-t-il.  « Certains collègues m’ont dit, que j’étais malade. Que je perdais deux mètres sur la longueur de parcelle. Mais ce n’est pas grave « . Il reconnaît qu’ »avec du blé ou du maïs, le fruit de la récolte est annuel. Mais l’immédiat, on ne l’a pas avec la haie, on en récoltera les bénéfices dans les années à venir !  » dit-il.

Destruction toujours active, malgré les réglementations

En 2023, un rapport gouvernemental, dévoile que les chiffres de destructions de haie continuent à un rythme très inquiétant. Cette même année, une proposition de loi arrive du Sénat, avec des objectifs chiffrés, rapportée par Daniel Salmon, sénateur d’Ille-et-Vilaine : « 100 000 km de haies d’ici à 2030, pour arriver à 1,5 million de km de haies en 2050 et restaurer 450 000 km de haies en gestion durable. Les incitations par la création aussi d’un crédit d’impôt pour équilibrer les charges, parce qu’on sait qu’aujourd’hui, il faut compter environ 450 euros du km par an, en gestion. Il faut qu’il y ait un équilibre des charges ».

De fait, la situation a changé pour les agriculteurs. « L’agriculteur avant disait qu’il faisait ce qu’il voulait sur ses terres. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il est chez lui, mais il ne peut plus faire ce qu’il veut. Il doit tenir compte des réglementations », explique un agriculteur, élu de la commune.  

Début 2024, le malaise des agriculteurs s’est amplifié. Initialement contre les salaires trop faibles, les revendications se sont portées contre les règles environnementales.

« On n’est pas formés pour être des bûcherons, mais pour faire du rendement, de la production, c’est ça notre métier« , se plaint un agriculteur lors d’une manifestation.

Ce témoignage appuie la prise de conscience du manque de « connaissances » des jeunes exploitants sortant de formations agricoles, aux normes environnementales et écologiques.

On a des jeunes agriculteurs, mais ils ne savent pas entretenir le paysage agricole. Ils font des formations agricoles pourtant. Il faut changer aussi à ce niveau-là.

Un agriculteur en formation de « recépage » 

Constat douloureux, volonté de réparer

Sur la table devant lui, Pierre Certenais, ancien président de la commission de remembrement, étale la cartographie des parcelles de l’époque du remembrement. Les traits en rouge correspondaient aux talus qui ont été abattus, car considérés comme inutiles ou nuisibles.

« Le remembrement faisait partie de l’évolution à l’époque. On ne parlait pas d’écologie. On nous disait déjà, pour améliorer votre revenu, produisez plus ! »

« Sur la commune de Martigné-Ferchaud, ce sont 360 km de talus qui ont été supprimés », témoigne-t-il, « Ça fait peur ! »

Le massacre qu’on a fait ! C’était honteux. On arrachait les arbres et on les laissait dans des trous et on les laissait pourrir…. Et maintenant, on replante, pourquoi ? parce qu’on a fait des conneries. Stéphane Gérard

Agriculteur sur la commune de Martigné-Ferchaud

Redonner de la valeur aux haies

« En Bretagne, il faut introduire petit à petit les espèces », explique Léa Legentilhomme. On a une liste d’environ 50 essences, qu’on choisit en fonction de la région et des terrains » indique-t-elle.

Haie de châtaigniers, de chênes pédonculés ou bien de chênes sessiles ? Le choix des espèces ne s’improvise pas. Tout comme pour la taille des arbres, il faut du savoir-faire, pour assurer la continuité du projet.

Et pour redonner de la valeur aux haies, le pays a mis en place une filière bois énergie.

L’association « le collectif bois bocage 35 » fondée par des agriculteurs, récolte la matière première, issue de haies durablement gérées. Elle propose aux agriculteurs qui hésitent à replanter en raison du coût d’entretien, des chantiers « clé en main » et forme aussi ses collègues à recéper.

Léa Legentilhomme, à elle seule, créé 15 km de bocage par an.

L’oxygène pour avoir de l’air respirable, les oiseaux, les insectes, la biodiversité en sous-sol, c’est fou ce que ça apporte, un arbre. C’est un couteau suisse. C’est important  Léa Legentilhomme Technicienne de bocage

« Le village qui voulait replanter des arbres » de Brigitte Chevet est à voir dès à présent sur france.tv et il sera diffusé jeudi 20 février sur France 3 Bretagne.

https://france3-regions.francetvinfo.fr/

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