inondations ( Reporterre )
Pourquoi la tempête Boris a provoqué l’une des « inondations du siècle » en Europe
Les pertes humaines et les dégâts causés par le passage de la tempête Boris en Europe de l’Est sont importants. Des pluies 20 % plus fortes en raison du changement climatique.
Au moins onze morts (pour la plupart noyés), plusieurs disparus, des villes submergées par les flots, des centaines de milliers de foyers privés d’électricité… La tempête Boris, qui s’abat depuis le 13 septembre sur l’Europe centrale et orientale, a semé le chaos sur son passage. En certains endroits, les stations météorologiques autrichiennes ont enregistré jusqu’à 350 millimètres de pluie, soit quatre fois plus que la moyenne des précipitations du mois de septembre, selon les services météorologiques nationaux.
La Roumanie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie ont elles aussi souffert de précipitations exceptionnelles. À Stronie Śląskie, dans le sud-ouest de la Pologne, une rivière en crue a fait céder un barrage, projetant une vague monstrueuse sur la ville de Kłodzko (25 000 habitants). Deux ponts ont également été emportés par les flots à Głuchołazy, à une soixantaine de kilomètres à l’est. Entre la Pologne et la République tchèque, le trafic ferroviaire a dû être suspendu.
La région de Galați, à l’est de la Roumanie, fait partie des plus sinistrées. 15 000 personnes auraient été directement affectées par la pluie diluvienne, selon les autorités. Le village de Slobozia Conachi a été quasi englouti. 700 maisons ont été inondées, d’après son maire, Emil Dragomir. Les terres agricoles ont elles aussi été dévastées par la violence des flots.
Aux sources de cette tempête, qui devrait durer jusqu’au mardi 17 septembre : une descente d’air d’origine polaire. À son arrivée aux latitudes méditerranéennes, cette masse d’air froide a rencontré de l’air chaud et humide en provenance des mers Noire et Méditerranée.
Toutes deux sont en ce moment anormalement chaudes, souligne le chercheur et expert en modélisations climatiques Tommaso Alberti dans un communiqué. En certains endroits, la température de surface de la grande bleue dépasse de 7 °C les moyennes saisonnières, pouvant alimenter les tempêtes en eau évaporée. La dépression est allée s’établir au-dessus de l’Europe centrale, où elle s’est retrouvée bloquée entre des anticyclones… la rendant encore plus dangereuse.
Des pluies 20 % plus fortes avec la crise climatique
La probabilité de rencontrer une coulée d’air aussi frais à cette période de l’année est exceptionnellement faible : de l’ordre de 1 chance sur 100, explique sur X le climatologue et directeur de recherche au CNRS Christophe Cassou. En raison du changement climatique, sa formation est cinq fois moins probable aujourd’hui qu’il y a trente ans. « Mais si elle se forme, le changement climatique en augmente l’impact, car la goutte froide contient davantage d’eau potentiellement précipitable », écrit le scientifique sur le réseau social.
Dans une étude d’attribution rapide publiée le 16 septembre, les scientifiques du consortium européen ClimaMeter — qui étudie les facteurs des évènements météorologiques extrêmes — estiment que le changement climatique a augmenté de 20 % les fortes pluies de la tempête Boris.
Afin de parvenir à ce résultat, les chercheurs se sont appuyés sur des données météorologiques relatives aux quarante dernières années, et ont comparé les systèmes dépressionnaires observés à la fin du XXe siècle (1979-2001) et ceux observés lors des dernières décennies (2001-2023), davantage marquées par le changement climatique. Ils ont également évalué la contribution de la variabilité naturelle du climat.
« Nous vivons actuellement la deuxième “inondation du siècle” en Europe de l’Est en l’espace d’un seul été [des pluies d’une rare intensité ayant déjà ravagé l’Allemagne en juin dernier], a réagi dans un communiqué le climatologue Davide Faranda, coauteur de cette étude. Mais il ne s’agit pas seulement de catastrophes naturelles isolées. Les recherches montrent que les précipitations extrêmes deviennent plus fréquentes et plus intenses en raison du changement climatique provoqué par l’Homme. »
Afin d’éviter la multiplication de ces catastrophes, nous devons de toute urgence « cesser de brûler du charbon dans nos hauts fourneaux, du gaz dans nos maisons et de l’essence dans nos véhicules », rappelle le directeur de recherche au CNRS.