PTB (Belgique)
Élections communales. Les succès du PTB peuvent servir de tremplin aux luttes sociales
La place qu’occupe aujourd’hui le PTB est assez inédite en Europe.
Les résultats électoraux du 9 juin dernier ont placé ce parti en tant que 4e parti au Parlement avec 763.340 voix, soit 200.000 voix de plus qu’en 2019. Le PTB a doublé le nombre de ses élus en Flandre (plus à droite), a fortement progressé à Bruxelles et, tout en subissant un tassement en Wallonie, reste une force de poids en Wallonie. Comment cela se traduira-t-il aux communales ? En tout cas, le parti vise explicitement à rentrer dans diverses majorités communales, et non des moindres.
En analysant les résultats localement, ce qui saute aux yeux, ce sont les bons résultats obtenus dans les bassins industriels, là où vivent des populations ouvrières : autour de Charleroi et de Liège, comme c’est déjà le cas depuis longtemps, mais aussi dans la zone industrielle de Gand à Zelzate, dans les communes ouvrières du Limbourg autour de Genk et de Maasmechelen, etc.
Le parti se réclame le représentant de la “large classe travailleuse”, l’ambition se remarque dans les votes mais aussi dans ses élu.e.s : parmi les 50 député.es du PTB envoyés dans les parlements le 9 juin il y a 18 ouvriers et ouvrières.
Notamment Francis Dagrin, député au Parlement bruxellois, un ouvrier de chez Audi Forest qui continue depuis le début de son mandat à venir à l’usine deux jours par semaine et qui est aujourd’hui en première ligne dans le conflit pour le maintien de l’activité de l’usine. Ça, et le salaire des élu.e.s équivalents à celui d’un.e ouvrier.ère, personne d’autre ne peut s’en vanter dans les Parlements.
Cela vient d’une part d’une décision ferme du parti, mais c’est aussi une expression du taux de syndicalisation remarquable en Belgique puisqu’il figure parmi les records mondiaux. Cela n’est pas non plus sans incidence sur la stabilité du parti ainsi que sur ses éléments d’approche de classe en comparaison d’autres formations de gauche large en Europe.
La bataille d’Anvers et le combat antifasciste
Un des éléments locaux les plus frappants des élections du 9 juin est très certainement le résultat obtenu à Anvers : 22,9 %, ce qui y fait du PTB le deuxième parti, juste derrière la N-VA (25,4 %) mais aussi bien devant le Vlaams Belang (15,8%) dans une ville qui est un bastion de l’extrême droite.
Filip Dewinter, figure de proue et vétéran du Vlaams Belang, n’a obtenu qu’un score de 2.500 voix de préférence ! Il paie sans doute par-là notamment la divulgation en mars dernier de sa longue collaboration (grassement rémunérée) avec l’espion chinois Changchun Shao… Quand ce dernier avait été démasqué en 2017, Filip Dewinter avait d’ailleurs tenté en coulisses d’éviter son expulsion.
Ce ne sera toutefois pas une évidence de reproduire ce succès aux communales d’octobre, ni face à la N-VA du bourgmestre Bart De Wever, après des années sans mouvements sociaux d’envergure contre la politique du collège échevinal, ni face au Vlaams Belang qui a décidé d’injecter 100.000 euros de plus dans sa campagne anversoise et qui reçoit le soutien de la marche de la haine du Voorpost organisée le 21 septembre.
Le PTB a raison de souligner que “les Anversois aspirent au changement” face à la crise sociale que connaît la ville, particulièrement en termes de logements et de transports publics. Mais la campagne aura tout d’une véritable bataille, pour laquelle il ne faudra négliger aucun front.
À ce titre, et bien au-delà d’Anvers, le PTB devrait sérieusement considérer d’engager plus conséquemment ses forces dans la dynamique de la Coordination Antifasciste de Belgique (CAB), qui prévoit notamment d’organiser une contre-manifestation le 21 septembre à Anvers.
À côté de la bataille symbolique d’Anvers, l’extrême droite pourrait aussi nous réserver de vilaines surprises dans la ceinture verte autour de cette ville, dans la région de la Dendre, dans les communes rurales de Flandre occidentale et en Campine. Répétons-le une fois de plus : les succès électoraux de l’extrême droite renforcent sa confiance pour passer de la parole aux actes, à l’intimidation, au harcèlement et à la violence. À cela aussi, il faut se préparer.
Des majorités de changement, mais comment ?
Le rôle de la mobilisation sociale a d’ailleurs très certainement joué un rôle dans l’excellent résultat obtenu par le PTB à Bruxelles, en solidarité avec les masses palestiniennes dans le cas présent. Le PTB y a obtenu 20,9 %, ce qui en fait le troisième parti de la capitale et même le premier parti dans les communes d’Anderlecht, Molenbeek et Saint-Gilles. Dans ces trois communes, le PTB s’est clairement prononcé pour une participation au pouvoir local et a lancé sa campagne, comme par ailleurs à Herstal et Seraing, autour du slogan “Pour une majorité de changement!”.
Mais quel type de changement ? Les trois communes bruxelloises en question sont sous tutelle de la Région bruxelloise tandis que Herstal et Seraing connaissent un plan de gestion du CRAC, le Centre régional d’Aide aux Communes qui est une sorte de FMI wallon. Autant dire que la marge de manœuvre sera considérablement limitée pour peu que l’on décide de respecter les carcans budgétaires imposés aux communes.
Alors, oui, la participation à des majorités dans des communes importantes réduira l’impact du pseudo-argument favori du PS selon lequel le PTB refuse de prendre ses responsabilités. Mais si le “changement” se limite finalement à l’une ou l’autre mesure symbolique à côté de discours musclés, c’est le fatalisme qui sortira vainqueur. Dans son bilan des élections de juin, le PTB soulignait d’ailleurs avec justesse que le PS avait semé le fatalisme en présentant des “combats importants de la gauche – tels que le retour de l’âge de la pension à 65 ans et la révision de la loi sur le blocage des salaires – comme des objectifs irréalistes ou impossibles.”
“Seul un travail à long terme permet de faire bouger les choses”, a déclaré Peter Mertens. Mais la crise sociale, elle est là, maintenant, devant nous. Nous avons besoin d’une gauche politique et syndicale ambitieuse, capable de nourrir la perspective d’un changement fondamental de société, non pas pour un avenir lointain, mais pour un futur dont la proximité dépendra surtout de la préparation consciente au combat pour y parvenir.
Le PTB pourrait lancer une campagne pour un réseau de villes et de communes rebelles, en mobilisant les travailleur.euse.s tout particulièrement communaux et la population au sens large pour appliquer un programme qui démarre des besoins sociaux et de l’adaptation des villes et communes à la crise climatique. Le point de départ devrait nécessairement être de désobéir aux diktats budgétaires imposés aux communes et de refuser de rembourser les dettes de celles-ci, sauf sur base de besoins prouvés. Ces dettes proviennent avant tout de décisions politiques qui ont laissé les autorités locales être les proies de la rapacité du système bancaire et de l’effet boule de neige des intérêts.
Nous espérons que le PTB remportera à nouveau des dizaines de conseiller.ère.s communaux, mais aussi qu’il saisira sa position renforcée dans les enceintes parlementaires et les conseils communaux non pas pour s’enterrer dans la recherche de solutions institutionnelles, mais pour construire un véritable front large de la résistance sociale. C’est aussi nécessaire pour s’engager dans la bataille idéologique urgente qui s’impose pour repousser la division et la haine de l’autre, qu’il soit chômeur ou migrant, que N-VA, MR et Vlaams Belang distillent consciemment dans la population.
Votez PTB… et rejoignez le PSL !
Ça peut sembler bien étrange d’appeler à voter pour un parti tout en étant dans un autre… Mais c’est ce que fait le PSL depuis 2013, à chaque élection. Avant cela, nous avons participé à diverses initiatives qui visaient à remplir l’espace à la gauche par une démarche unitaire orientée vers la mise en action de la classe travailleuse dans toute sa diversité.
Vous l’aurez compris à la lecture de l’article ci-dessus, nous ne manquons pas de divergences avec les camarades du PTB, tout comme il en existe également au sein de ce parti. Nous estimons que la diversité d’opinion est de nature à renforcer la gauche, grâce à un débat qui peut permettre d’affiner les propositions d’actions et de programme. Il n’en va pas autrement avec les discussions sur un piquet de grève, un des endroits de prédilection où nous rencontrons des militant.e.s du PTB. Ces débats ont par ailleurs joué un rôle important dans les récentes occupations de campus contre le génocide à Gaza, où là encore nos jeunes camarades ont collaboré avec les membres de COMAC, l’organisation de jeunesse du PTB.
En ce qui nous concerne, cela devrait pareillement être possible lors des élections. Ce n’est pas une option que considère le PTB, ce que nous savons notamment de la réponse à une question concrète posée par un camarade du PSL qui dispose d’une position syndicale non négligeable à Gand. Nous respectons cette décision et elle ne nous empêchera pas de continuer à appeler à voter en faveur du PTB. Nous sommes convaincu.e.s qu’un nouveau succès du PTB aidera à renforcer la confiance de la gauche politique et syndicale au sens large pour partir à la contre-offensive contre la droite.
Commentaire: Le PTB correspond au Front de Gauche en France et le PSL est une « espèce » de NPA