03 septembre 2024 ~ 0 Commentaire

Pâtes ( Morbihan )

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Les enfants bretons seront-ils privés de pâtes bio ?

Un couple de paysans produit des pâtes fraîches, bio, locales, pour 50 établissements scolaires bretons. Mais leur ferme s’est vue mise en demeure après un contrôle sanitaire. Ils disent refuser des normes faites pour « l’agro-industrie ».

D’un geste précis, Anne saupoudre de farine de riz les pâtes fraîches aux œufs qui sortent en continu du pétrin. Linguine, capellini, penne, fusilli et plaques de lasagnes fraîches sont produites deux fois par semaine au sein du laboratoire de transformation. Avec son conjoint, Stéphane, elle a produit cette année 200 à 300 kilos de pâtes chaque semaine.

La particularité de ces pâtes, baptisées Les Pays’Ann, tient à l’origine des ingrédients. Les œufs proviennent du poulailler attenant, tandis que le blé est produit dans la parcelle voisine du bâtiment. Il est ensuite broyé sur meule de pierre : la farine qu’il produit est riche en fibres.

« Ce sont entre 8 000 et 10 000 repas livrés mensuellement localement, en grande majorité aux cantines scolaires », dit-elle fièrement. Un record pour le Gaec des Écureuils, qu’ils ont créé à Allaire, une commune du Morbihan, il y a trois ans.

Pourtant, en mai dernier, alors que le couple commençait seulement à se dégager un salaire, l’optimisme est soudainement retombé. Un contrôle de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) a abouti à une mise en demeure de l’agrément sanitaire nécessaire à la production de pâtes aux œufs frais.

Il leur est reproché notamment un « plan d’analyse mensuel » non conforme, une formation insuffisante à la qualité des aliments, l’impossibilité de fermer le local d’accès au laboratoire de transformation ou encore le processus de nettoyage de la pièce en bronze utilisée derrière le pétrin pour former et couper les pâtes.

Confronté à ce constat, le couple est tombé des nues. Selon eux, l’ensemble des points remis en cause avaient été validés par la même DDPP un an auparavant. Sollicitée, la préfecture du Morbihan assure que cette mise en demeure repose notamment sur « des non-conformités déjà constatées en 2023, qui avaient fait l’objet d’un avertissement et qui ont donc été de nouveau observées en 2024 ».

Entre les deux contrôles, la production de pâtes aux œufs frais des Pays d’Ann s’est fait une place idéale dans la dynamique d’autonomie alimentaire de leur territoire, une notion au cœur du projet du couple. Face aux difficultés rencontrées par la vente directe et les magasins spécialisés, c’est dans les cantines scolaires que les pâtes aux œufs frais connaissent leur plus grand succès.

« Il y avait une dynamique intéressante impulsée par le pays de Redon. Nous nous sommes très vite impliqués dans la démarche », raconte Stéphane. Le couple de paysans bretons s’est aperçu rapidement que ses produits correspondaient aux attentes des cantines scolaires.

Protéines végétariennes

La loi Égalim, entrée en application en 2018, prévoit 20 % de bio dans les cantines ? Banco, leurs pâtes sont certifiées AB ! Égalim prévoit également un repas végétarien par semaine ? Super banco ! Grâce aux œufs, leurs pâtes sont riches en protéines, et permettent d’élaborer un menu équilibré sans viande.

Le bonus pour les cuisines, c’est la livraison des pâtes en vrac dans des bacs lavables récupérés par les producteurs, dans un contexte de réduction des emballages dans les cantines.

Et les pâtes plaisent aux enfants : atout essentiel aux yeux des chefs cuisiniers. « Au début, les enfants sont interloqués par la couleur particulière de nos pâtes. Mais une fois qu’ils les ont goûtées, ils les adorent et sont très heureux de les retrouver au menu », dit Anne en souriant. Autre avantage en lien avec la loi Égalim, comme les enfants finissent leur assiette, le gaspillage alimentaire est réduit à néant.

Et c’est cette évolution des débouchés qui a attiré l’attention des services de l’État. « Le Gaec des Écureuils a triplé sa production depuis le dépôt de sa première demande d’agrément sanitaire […], sachant que les cantines scolaires constituent en outre la majorité de sa clientèle et que les enfants sont des consommateurs particulièrement sensibles en matière de sécurité alimentaire », explique la préfecture dans sa réponse à Reporterre. Il est donc attendu des producteurs qu’ils adaptent « régulièrement leur plan de maîtrise sanitaire aux nouveaux volumes de production ».

« Une transformation avec des œufs, c’est alerte rouge »

« Pour la DDPP, une transformation avec des œufs, c’est alerte rouge. Nous trouvons ça normal dans le cadre de la protection des consommateurs. Malheureusement, avec notre activité atypique, nous n’entrons dans aucune des cases de l’administration qui veut nous appliquer les normes de l’agro-industrie. Ce n’est pas possible pour une structure comme la nôtre, bien que nous maîtrisions certainement plus les risques liés à notre production qu’on ne le fait dans une usine », dit Anne.

À titre d’exemple, elle cite le volet Analyse : « Jusqu’à présent, nous en faisions une pour l’ensemble de la production. La mise en demeure nous demande d’en réaliser cinq pour chacun des quatre types de pâte. C’est infaisable ! » Sa formation HACCP version « traiteur » ne convient pas non plus. La DDPP lui demande de suivre la même formation mais version « agro-industrie ». « Pourtant la théorie est la même, c’est du pinaillage », regrette-t-elle.

Futur incertain

Si Stéphane et Anne acceptent de remettre en cause certains points pour lesquels ils sont mis en demeure, ils s’y refusent pour d’autres, notamment la formation et la multiplication des analyses. Ils l’ont marqué noir sur blanc dans un courrier envoyé à la DDPP fin mai.

Aujourd’hui ils sont dans l’incertitude. Qu’adviendra-t-il de l’entreprise si la mise en demeure n’est pas levée ? Ils l’ignorent. Un rendez-vous début septembre avec la DDPP pourrait éclaircir les choses. Ce qu’ils savent c’est qu’ils n’auront plus l’énergie s’il faut tout reprendre à zéro.

Malgré cette épreuve, Anne se veut optimiste et regarde avec satisfaction l’évolution positive du projet. Actuellement, ce sont plus de cinquante restaurants scolaires que livre le Gaec des Écureuils. Parmi eux, quinze établissements ont récemment signé des conventions pour définir la régularité des commandes, une approche qui sécurise les producteurs.

Tout comme pour l’agrément sanitaire, ce succès est le fruit d’une certaine ténacité. « Entre la prise de contact avec le chef et la première commande, il peut s’écouler entre trois mois et un an. Il faut vraiment s’accrocher », constate Anne. D’autant que la concurrence est rude, avec les pâtes sèches vendues moins cher. « Nous devons expliquer aux chefs que nos pâtes sont un vrai produit alimentaire, avec une qualité nutritionnelle, et pas un simple support à sauce », souligne Stéphane.

Il regrette que la loi Égalim ne soit pas suffisamment contraignante. « Il y a des communes où la mairie a repris en main les menus de la cantine à la suite de lettres de parents d’élèves. Tous les consommateurs doivent prendre leur responsabilité si nous voulons développer une alimentation saine », insiste-t-il.

Allaire (Morbihan), reportage

https://reporterre.net

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