17 août 2024 ~ 0 Commentaire

Brest 1935 (Bourrasque)

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Août 1935 – Émeutes à Brest : Contexte politique et local

Il y a 80 ans Brest était le théâtre de plusieurs journée d’émeutes contre un ensemble de mesures que l’on qualifierait aujourd’hui « d’austérité » ; l’occasion de revenir sur un épisode méconnu de l’histoire de notre ville. Une série d’articles sera donc publiée, revenant sur le contexte de ces émeutes, faisant une description de ces journées et tentant d’expliquer ce qui s’est déroulé à ce moment. Ceci est la deuxième des six parties de cette série d’articles.

Une crise économique et politique

En 1934, la situation en France est catastrophique, une grave crise économique, comme ailleurs dans le monde, secoue le pays depuis plusieurs années : près d’un million de chômeurs, des salaires et une consommation en baisse…

La crise est aussi politique : ces années sont celles de « la valse des gouvernements » qui ne durent souvent pas plus de quelques mois ; la république est soupçonnée de corruption et n’a pas de stabilité. Le 6 février 1934, suite à une manifestation antiparlementaire et des émeutes organisées par les ligues d’extrême droite, c’est la chute du gouvernement Daladier, qui n’aura pas duré plus d’une semaine à cause d’un scandale politico-économique, l’affaire Stavisky.

Cette crise ne se résoudra que par la formation d’un gouvernement « d’Union nationale », intégrant des figures de la droite parlementaire, qui avait pourtant perdu les dernières élections…

Ce sont ces événements qui pousseront les partis de gauche – Parti Communiste, S.F.I.O et même les tendances les plus centristes des socialistes – à s’unir au sein du Front populaire, laissant de côté leurs différences politiques pour tenter d’obtenir une victoire électorale en 1936, ce qui marquera un tournant réformiste dans les actions de toute la gauche, jusqu’aux plus « radicaux ».

La situation est donc complexe pour le gouvernement, qui a sur les bras une crise à régler avec un système politique instable. Au cours de l’année 1935, et après une énième destitution d’un gouvernement sous la 3e République, Pierre Laval et son gouvernement d’union nationale obtiennent les pleins pouvoirs du Parlement pour prendre les mesures jugées nécessaires au rétablissement économique.

Le gouvernement a maintenant la possibilité légale de promulguer lui-même des « décrets-lois » sans passer par l’approbation de l’Assemblée nationale. C’est une forme de court-circuitage du fonctionnement normal de la démocratie parlementaire pour faire face à une situation de crise.

Concrètement ces décrets-lois sont un ensemble de mesures tentant de répondre à la crise par une « politique déflationniste » : très grossièrement il s’agit de baisser le montant des dépenses en diminuant les salaires mais aussi le prix des biens de consommation.

La réaction des ouvriers brestois

Fin mars 1934, le gouvernement annonce la promulgation prochaine d’un ensemble de décrets-lois instituant une « politique déflationniste » ayant pour but de résister à la dévaluation et sortir de la « crise de la spéculation ». Dans les faits il s’agit de baisser drastiquement le coût des dépenses publiques en diminuant le coût de la dette mais aussi les subventions et le salaire des fonctionnaires.

À Brest, la moitié de la population est composée de fonctionnaires. En effet, les 6,000 ouvriers de l’arsenal sont des ouvriers d’État et sont donc aussi concernés par les diminutions de salaires. C’est pourquoi, dès cette annonce, la C.G.T et la C.G.T.U, alors divisées, organisent plusieurs manifestations et tractages.

Le 11 janvier, la C.G.T. organise seule un meeting et un défilé contre les décrets-lois – la C.G.T.U. appelle tout de même ses militants et sympathisants à le rejoindre. Environ 3,000 personnes y participent.

Fin janvier un nouveau meeting est organisé, une grève d’une heure est décidée à l’unanimité pour le lendemain, le 1er février. Ce matin-là, quelques incidents éclatent dans les ateliers et plusieurs centaines d’ouvriers forment un cortège et parcourent l’arsenal dont ils sortent pour aller jusqu’à la maison du peuple. Mais le préfet maritime fait fermer les portes derrière eux.

Quand, à 13 heures, 4,500 ouvriers de l’arsenal veulent reprendre le travail comme prévu, ils trouvent les grilles fermées. La porte de la Corderie cède sous la poussée de plusieurs centaines d’ouvriers ; porte de Tourville les ouvriers ne parviennent pas à entrer, forment un cortège et parcourent la ville pour aboutir place Wilson où plusieurs orateurs prennent la parole.

À la fin du meeting, des cris retentissent « Aux Croix de Feu, rue Amiral-Linois ! ». De nombreux ouvriers semblent vouloir en découdre avec les différentes organisation d’extrême droite présentes à Brest. Plusieurs centaines de manifestants se dirigent vers le siège des Croix de Feu qui est conspué et caillassé, d’autres se dirigent vers le local de la « Solidarité Française », mais sont bloqués par un peloton de policiers. Quelques bagarres émaillent cette journée mais le lendemain le travail reprend calmement à l’arsenal.

Après ces journées, le mouvement s’élargit au-delà de celui des ouvriers de l’arsenal : les ouvriers du privé, notamment de la métallurgie et du bâtiment, sont réunis par les syndicats, leurs discours sont les mêmes « Non aux décrets-lois », « Non au fascisme ». Localement l’unité d’action entre la C.G.T.(confédérée, PS SFIO) et C.G.T.U.(unitaire PCF et Anars) se profile de plus en plus, annonçant un mouvement d’ampleur et coordonné, mais est toujours refusée par la C.G.T

Le 16 juillet 1935, la machine se met en marche, le gouvernement obtient enfin le droit de promulguer ses décrets-lois diminuant les dépenses publiques. Dès le 19 juillet, un meeting est organisé par la C.G.T. confédérée avec, cette fois-ci, la participation active de la C.G.T.U. Les orateurs parlent avec fermeté et les anarchistes appellent à la grève générale tout de suite. Les discours terminés, un cortège de plus de 3,000 travailleurs se forme. Toute manifestation ayant été interdite par la préfecture, ils se heurtent à un barrage de gendarmes qui est rapidement forcé ; les ouvriers défilent dans la ville sans incident notable.

Le 22 juillet une nouvelle manifestation, toujours interdite, rassemble 15,000 personnes qui défilent sans incident. « Les soviets partout ! » scandent certains ouvriers. (Proches du PCF minoritaires)

Début août les deux C.G.T. discutent et s’organisent séparément, les confédérés refusant toujours l’unité d’action prônée par les unitaires. Les confédérés, qui sont plus nombreux, décident d’une nouvelle manifestation, toujours interdite, qui rassemblera 12,000 personnes le 1er août. Des poursuites judiciaires seront alors engagées contre 17 syndicalistes, « unitaires » comme « confédérés »

C’est dans ce contexte que les ouvriers recevront leur paie quelques jours plus tard, constatant de visu l’amputation de leur salaire …

13 août 2019

https://bourrasque-info.org/

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