Liban ( France Culture)
Depuis le début de l’année, Israël menace d’envahir le Liban tandis que le Hezbollah ne cesse d’attaquer la frontière nord. À l’aune des récentes frappes entre ces deux acteurs, le « Parti de Dieu » se dit prêt, revendiquant un puissant arsenal militaire.
« Cher lecteur. La nuit était courte. L’étau se resserre. Le scénario que l’on redoutait depuis des mois devient réalité. Nous, Libanais, allons encore une fois jouer avec la guerre comme d’autres jouent avec le feu. Notre sort à nous dépend des calculs stratégiques du Hezbollah, de l’Iran, et d’Israël. Beyrouth sera-t-elle visée ? Et l’aéroport ? Combien de vies seront fauchées au passage ? Nous sommes coincés entre le marteau israélien et l’enclume du Hezbollah ». Édito d’Anthony Samrani, rédacteur en chef du journal L’Orient-Le jour. Il est l’invité des Matins avec Sofia Amara, grand reporter et réalisatrice, autrice de Hamas, la fabrique du monstre (Arte, 2024) et Hezbollah, l’enquête interdite (France 5, 2023).
Montée des tensions entre Israël et le Hezbollah
Après l’attaque à la roquette sur le Golan qui a tué douze enfants Druzes et fait une vingtaine de blessés, Israël a riposté mardi en ciblant un chef militaire du Hezbollah, Fouad Chokr, tué par une frappe israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth. C’est donc un pilier du Hezbollah qui a été éliminé.
Selon Sofia Amara, « Fouad Chokr est un des fondateurs du Hezbollah. Il vivait caché depuis quatre décennies, sans téléphone. Personne ne savait où il vivait, à part un cercle très restreint de responsables de la sécurité, des hauts personnages du Hezbollah. Au sein même du parti, on se demande s’il y a eu des fuites ou une taupe. »
Cet assassinat a encore fait monter d’un cran les tensions entre Israël et Hezbollah libanais et ses alliés. Hassan Nasrallah, le chef de la puissante formation libanaise, a affirmé dans un discours ce jeudi 1er août que l’État hébreu devait s’attendre à une « riposte inéluctable », « Israël ne sait pas quelles lignes rouges, il a franchi. »
Les Libanais pris entre le marteau et l’enclume
Le pays est suspendu aux discours et décisions du chef du mouvement islamiste, Hassan Nasrallah, qui n’a pourtant aucun mandat électif. Les Libanais entretiennent un rapport ambigu au Hezbollah, cette milice qui contribue depuis longtemps à déstabiliser le Liban, tout autant qu’elle représente la résistance face aux frappes israéliennes.
Anthony Samrani : « Le Hezbollah entraîne aujourd’hui le Liban dans une guerre où le Liban n’a pas grand-chose à gagner. C’est extrêmement difficile de se positionner là-dessus parce que la question israélo-palestinienne reste très taboue et divise énormément. Il y a une vraie solidarité vis-à-vis de la cause palestinienne. Une partie des Libanais est enfermée dans la dialectique suivante depuis le 7 octobre 2023. Il souhaite sincèrement soutenir la cause palestinienne, mais ne veut pas faire le jeu du Hamas et encore moins celui du Hezbollah, puisque cela se fait au détriment du Liban ».
- Anthony Samrani Co-rédacteur en chef de l’Orient le jour
- Sofia Amara Grand reporter, réalisatrice, spécialiste du Proche-Orient basée à Beyrouth.
Beyrouth, le 30 juillet 2024.