30 juillet 2024 ~ 0 Commentaire

PISCINES (Reporterre)

piscine

Avec les canicules, bientôt tous confinés ?

S’enfermer chez soi, une bonne option pour survivre aux fortes chaleurs ? Tout dépend pour qui. Isolation du logement, climatisation, piscine… Certains ont des conditions plus agréables que d’autres.

Le changement climatique fait surchauffer la planète… au point de nous enfermer.

Le 28 juillet, les températures ont atteint 50 °C en Iran. Le pays a décrété la fermeture des banques et des institutions gouvernementales pour faire face à la vague de chaleur accablante — des centaines de personnes ont été hospitalisées pour des insolations et des malaises — et économiser l’énergie. La population a été encouragée à respecter un « confinement thermique » et à accomplir ses tâches indispensables, à l’extérieur, aux premières heures de la journée.

D’autres pays ont déjà pris des mesures similaires. En Grèce, en juin, de nombreuses activités ont été suspendues en raison de chaleurs estivales précoces (le mercure atteignait 41,2 °C à Sparte, dans la région du Péloponnèse). Les écoles ont fermé et les salariés ont été priés de rester en télétravail.

L’Asie du Sud-Est a connu pareille situation en avril, quand une vague de chaleur en Asie a entraîné la fermeture de milliers d’établissements scolaires aux Philippines et confiné les Thaïlandais chez eux. « Veuillez vous abstenir de passer du temps dehors », alertait la municipalité de Bangkok (BMA) sur Facebook.

La France n’est pas non plus à l’abri. Fin juin 2019, plusieurs écoles maternelles et primaires ont été fermées deux jours partout dans le pays. L’Éducation nationale avait laissé aux maires et aux directeurs d’école le choix de décider ou non de la fermeture de leur établissement.

L’Île-de-France, avec des températures autour de 34 °C, était l’une des régions les plus touchées. En revanche, la population française n’a jamais été explicitement incitée à se confiner, et cette mesure n’est d’ailleurs pas prévue dans le plan national canicule de la France, qui est activé chaque année du 1er juin au 15 septembre.

« Une tout autre histoire pour les personnes précaires »

Fermer les lieux publics, une réponse efficace pour protéger la population face aux vagues de chaleur ? Dans le cas de la Thaïlande, des Philippines ou du Bangladesh, la physicienne et climatologue Marie-Antoinette Mélierès saluait, en mai, dans 20 Minutes, « des décisions responsables », car « les autorités ont l’obligation de mettre à l’abri les populations » en cas de danger extrême.

Cathy Clerbaux, physicienne de l’atmosphère et directrice de recherche au CNRS, n’est quant à elle « pas étonnée » par le recours à ces mesures : « L’augmentation des températures liée au changement climatique, combinée à un taux d’humidité trop élevé, nous pousse de plus en plus souvent vers nos limites physiologiques, avec des conséquences potentiellement graves pour la santé. »

Mais ces décisions révèlent et exacerbent, surtout, les inégalités sociales existantes : renvoyées chez elles, les personnes vivant dans des logements bien isolés et climatisés sont évidemment mieux protégées contre les vagues de chaleur que dans des habitations inadaptés. « C’est une tout autre histoire qui se joue pour les personnes précaires qui vivent dans des habitations étriquées, mal isolées et sans climatisation, en plein milieu d’îlots de chaleur, voire dans des habitats informels, dit Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole et fondateur de l’association Droit au logement. Une forme de confinement peut exacerber leurs souffrances, comme on l’a vu lors de la pandémie de Covid-19. »

Pas de clim’, pas de piscine

La Fondation Abbé Pierre évalue à 4,2 millions, en France, le nombre de personnes en situation de mal-logement. Selon l’Organisation des Nations unies (ONU) et ses agences, environ 1,6 milliard de personnes dans le monde vivent dans des conditions de logement inadéquates, dont 1 milliard dans des bidonvilles, des campements informels ou des habitations sans services de base comme l’eau potable et les installations sanitaires.

D’après un récent rapport d’Oxfam France, les populations les plus pauvres sont les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique, y compris les vagues de chaleur. En particulier à cause de leurs conditions de logement. Les logements sociaux, souvent construits avec des matériaux peu performants en termes d’isolation thermique, deviennent des fournaises en été. Les habitations précaires dans les zones urbaines denses manquent souvent de ventilation adéquate, exacerbant les risques pour la santé des résidents pendant les périodes de canicule.

« On n’a pas les moyens d’avoir une clim’ »

La climatisation, bien que de plus en plus courante, reste un luxe pour de nombreux foyers à faibles revenus. Les coûts d’installation et de fonctionnement des climatiseurs sont prohibitifs pour beaucoup, les laissant sans moyen efficace de se rafraîchir. « On n’a pas les moyens d’avoir une clim’ » déplorait André, retraitée de 69 ans, rencontrée en 2022 dans un quartier populaire du Gard. Sans compter son coût écologique : en 2020, la climatisation a été responsable de 5 % des émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur du bâtiment. Les ménages modestes doivent alors trouver des alternatives moins efficaces, comme des ventilateurs ou des systèmes de refroidissement rudimentaires, qui ne suffisent pas lors des vagues de chaleur extrêmes. Chez André, le ventilateur brassait de l’air chaud.

Les habitants de quartiers défavorisés manquent aussi souvent d’espaces verts et de parcs, limitant les options pour trouver un peu de fraîcheur à l’extérieur. « Ici, rares sont les lieux où l’on oublie le bruit des voitures », observait Lila, habitante de la cité des Courtilières, un quartier prioritaire de Pantin, dans sa parcelle lovée au sein des jardins ouvriers d’Aubervilliers. « C’est mon remède à la vie de béton », disait-elle. En revanche, les quartiers plus aisés disposent de jardins, de parcs et d’une piscine, offrant une variété plus importante d’échappatoires à la chaleur.

Dans son rapport, afin que tout le monde puisse supporter les températures extrêmes, Oxfam appelle les pouvoirs publics à investir dans l’isolation thermique des logements sociaux et des habitations précaires pour les rendre plus résistants aux vagues de chaleur ; à subventionner l’achat et l’installation de climatiseurs pour les ménages à faibles revenus, tout en les soutenant pour faire face aux coûts énergétiques supplémentaires ; ainsi qu’à créer des refuges climatisés, des centres de rafraîchissement publics, accessibles à tous, où les personnes peuvent se rendre pour échapper à la chaleur.

« Il y a aussi un moment où, si nous continuons d’émettre massivement des gaz à effet de serre, le monde sera si chaud que les refuges seront trop rares, et tous nos efforts pour penser des villes plus vivables seront réduits à néant, alerte Cathy Clerbaux. D’où l’importance de respecter, dès à présent et à l’échelle de tous les pays, les objectifs contenus dans l’Accord de Paris. »

Alexandre-Reza Kokabi 30 juillet 2024

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