Vote RN (France Culture)
Vote RN : les motivations des électeurs ont-elles changé ?
Peut-on vraiment résumer le vote RN aux facteurs socio-économiques ? Comment analyser une telle montée en puissance de l’extrême droite ces dernières années ?
Alors qu’il ne reste qu’un mois avant l’ouverture des élections européennes, la popularité du Rassemblement national et plus particulièrement de son candidat, Jordan Bardella, continue de s’affirmer en tête des sondages. Décryptage.
La question économique
C’est une des questions auxquelles le sociologue et politiste Félicien Faury a essayé de répondre. Le docteur en sciences politiques et post-doctorant au CESPID (Centre de recherches sociologiques sur le Droit et les institutions pénales) vient de publier chez Seuil Des électeurs ordinaires – Enquête sur la normalisation de l’extrême droite.
D’après ses recherches auprès de l’électorat RN, principalement dans le sud de la France, le vote Le Pen se fonde principalement sur les « inégalités de classe subies par une grande partie des électeurs du parti ».
En se concentrant sur la région PACA, bastion politique du RN depuis plusieurs années, Félicien Faury distingue un « électorat plutôt précaire, populaire, ouvrier » des « classes populaires qu’on dit stabilisées, intégrées au marché de l’emploi, s’apparentant à une petite classe moyenne […] dont les préoccupations vont porter davantage sur les questions de redistribution, de logement, d’éducation. »
Un vote « xénophobe » ?
Centrales, les préoccupations économiques n’expliquent cependant pas l’ensemble du phénomène. Elles s’articulent aussi autour de récits qui cherchent à expliquer un sentiment d’égarement culturel et de changement démographique.
« Dans cette enquête de terrain, j’étais intéressé par l’articulation entre plusieurs expériences de vie et plusieurs visions du monde, explique Félicien Faury. Lorsque j’ai commencé à travailler sur ce sujet, j’ai réalisé que beaucoup de travaux insistaient, et à raison, sur les expériences de classe et notamment des expériences d’inégalités subies.
Pour autant, il m’a semblé que cette dimension socio-économique pouvait euphémiser voire évacuer ce qui continue à structurer très fortement le vote RN, c’est-à-dire des sentiments xénophobes qu’on peut qualifier de vision raciste du monde. » Les personnes identifiées comme musulmanes seraient les premières visées par cet ensemble de critiques et d’images négatives qui les placent responsables des difficultés vécues.
Lundi 6 mai 2024