18 mai 2024 ~ 0 Commentaire

Radio France (La Tête au Carré)

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Radio France : la Terre au Carrée sauvée, l’écologie toujours menacée

Rétropédalage à France Inter. Après avoir annoncé la disparition de l’émission « La Terre au Carré » sous sa forme actuelle le 6 mai dernier, la direction a fini par céder.

La journaliste Camille Crosnier va récupérer sa chronique. Le répondeur, où les auditrices et auditeurs pouvaient laisser des messages, sera également préservé.

En revanche, la plupart des reportages vont disparaître. Un compromis qui soulage les équipes mais en dit long sur les attaques contre l’information écologique dans les médias du service public.

Ces annonces avaient déclenché une vague d’indignation, à la fois des salariés, du public, mais aussi d’autres journalistes. Car elles s’inscrivent dans un climat plus global délétère, avec la suspension de l’humoriste Guillaume Meurice, suspension que l’observatoire des médias Acrimed qualifie de « purge politique ».

« Le soutien massif que nous avons reçu n’y est sans doute pas pour rien. Cela nous a beaucoup touchés et surpris. Même la médiatrice de Radio France a reçu beaucoup de messages », dit à Reporterre le journaliste Mathieu Vidard, coproducteur de « La Terre au Carré ».

« On ne peut pas plaire à tout le monde »

Ces protestations avaient contraint Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, à se justifier sur le réseau social Linkedin : « Je voudrais rétablir ici quelques faits : la suppression de “La Terre au Carré” n’a jamais été envisagée. L’écologie fait partie des grandes causes que nous soutenons à France Inter en tant que radio publique au service de l’intérêt général et il n’a jamais été question d’y renoncer. Il suffit d’écouter l’antenne au quotidien pour s’en rendre compte. »

Lors des discussions pour élaborer la grille de programmes de la rentrée, la direction avait demandé à l’équipe de faire de l’écologie plus « narrative ». « La direction avait demandé à l’équipe de réfléchir à une autre formule pour faire évoluer l’émission. Nous étions d’accord mais en gardant tous les ingrédients qui ont fait l’identité de « La Terre au Carré ». Au sein de la radio, je sentais que nous étions parfois perçus comme une émission engagée et, dans la bouche de certains, ce n’est pas flatteur », dit Mathieu Vidard.

Dans les couloirs de la Maison de la radio, certains sujets avaient froissé des susceptibilités, notamment celui sur la dissolution des Soulèvements de la terre. « Cela avait pu créer des crispations. Mais c’est normal, avec une émission par jour, on ne peut pas plaire à tout le monde », poursuit Mathieu Vidard.

Dans l’article d’Acrimed, un journaliste explique que l’émission était devenue le bouc-émissaire des réseaux sociaux d’extrême-droite, notamment du compte medias_citoyens, qui l’accusait d’être trop militante. « Cela donne l’impression que les acteurs du changement sont partisans et pas objectifs, alors qu’ils sont soutenus par des faits scientifiques », observe Eva Morel, la cofondatrice de Quota Climat, une association qui milite pour augmenter la place de l’écologie dans le paysage médiatique.

L’excuse officielle : être moins anxiogène

L’une des raisons officielles avancées pour changer l’identité de « La Terre au Carré », c’est la lutte contre l’éco-anxiété de l’équipe, comme l’a assuré un porte parole dans Le Monde. Il était aussi question d’une orientation trop anxiogène de l’émission. Une critique étonnante car l’actualité, quel qu’en soit le thème, est bien souvent déprimante.

« Est-ce qu’on demande aux reporters de guerre de ne pas être anxiogènes ? Je ne crois pas. Dès lors, il est curieux d’exiger cela des journalistes qui traitent des questions écologiques », dit Esther Meunier, ancienne rédactrice en chef de Nowu, un média de France télévisions sur l’environnement dédié aux moins de 25 ans. Il a été fermé en décembre dernier, faisant les frais d’un arbitrage budgétaire privilégiant la couverture des Jeux olympiques au détriment des sujets environnementaux.

Nowu faisait pourtant du journalisme de solution la colonne vertébrale de son travail, et ce afin de lutter contre l’éco-anxiété. « Cela ne nous a pas empêché de sauter », soupire Esther Meunier. À l’époque, la direction avait assuré que leurs sujets allaient être repris dans tous les autres services de la rédaction et devenir plus transversaux. « La transversalité n’annule pas le besoin d’avoir des émissions spéciales consacrées à l’écologie. C’est complémentaire. Est-ce qu’on annule les émissions de sport sous prétexte qu’on en parle aussi dans les informations générales ? » s’interroge Esther Meunier.

D’autres émissions écolo toujours condamnées

Si « La Terre au Carré » a réussi à sauver les meubles, ce n’est pas le cas de l’émission « C’est bientôt demain » produite par d’Antoine Chao, qui parlait des luttes écologiques dans toute la France. Toujours à Radio France, l’émission « Planète bleu » de France Bleu, à laquelle Reporterre participait, n’a pas été reconduite. Son présentateur Benoît Prospero négocie actuellement avec la direction pour préserver une tranche horaire sur l’écologie.

France 5 arrête également « Vert de rage » qui enquêtait sur les scandales environnementaux. Son journaliste Martin Boudot n’a pas répondu aux sollicitations de Reporterre. Sur le réseau social X (ex-Twitter), il a déclaré : « Cette mobilisation contre l’arrêt de notre émission nous va droit au cœur. Je n’ai pas voulu prendre la parole malgré les sollicitations mais je le ferai bientôt, promis. »

Si les mois de mai-juin sont toujours des périodes où la grille des programmes est entièrement revue et où les journalistes doivent parfois se battre pour préserver leurs émissions, toutes ces suppressions ne peuvent pas être des coïncidences. « Cela m’inquiète de me dire que les voix qui montrent les interactions entre la science et la politique sont celles qui passent à la trappe », estime Esther Meunier, ancienne de Nowu.

« C’est une politique éditoriale délibérée », estime Anne-Sophie Novel, journaliste et formatrice des rédactions sur les enjeux écologiques. « C’est comme si on voulait que ces sujets soient abordés gentiment. Qu’il ne faut surtout pas les politiser alors qu’on est rentrés dans un rapport de force ».

Et les engagements environnementaux du service public ?

Ce tournant anti écolo est d’autant plus étonnant que les médias du service public avaient pris des engagements. Le 30 août 2022, Radio France annonçait en grand pompe un « tournant environnemental », promettant notamment de faire « de la crise climatique un axe éditorial majeur. Il se déclinera dans nos programmes et nos tranches d’information, au quotidien et dans des spéciales ». En novembre 2022, France télévisions avait aussi juré de « s’engager face à l’urgence climatique et à la crise énergétique ».

Mais les faits viennent contredire ces belles promesses. « Ils ont annoncé ce tournant environnemental et en moins de deux ans, on sent la tentation de faire virage en sens inverse », se désole Anne-Sophie Novel. Cela faisait déjà quelques mois que cette journaliste avait senti le vent tourner : « Ces derniers temps, il y avait moins de demandes de formations dans certains médias. Comme si, une fois passée la phase de communication, ils se disaient qu’ils pouvaient ralentir ».

« Le service public devrait être en pointe sur ces sujets »

« On constate que les engagements des grands médias ne sont pas suivis d’indicateurs d’évaluation. Ils sont volontaires, ce qui permet de revenir dessus dès qu’ils ne font plus partie des priorités de la direction », constate Eva Morel, la cofondatrice de Quota Climat. Cette association comptabilise le temps dédié à l’information écologique dans les médias généralistes. Selon ses derniers relevés, l’information sur l’écologie pèserait seulement 5 % du temps d’antenne de France Inter. Sur France Info, ce chiffre est monté à 10 % durant la dernière Cop sur le climat mais plafonne autour de 3 % le reste du temps.

« C’est regrettable de voir cela à un moment où la science est malmenée dans l’opinion. Alors même que le service public devrait être en pointe sur ces sujets », dit Mathieu Vidard. Mais pour la rentrée, le journaliste assure ne ressentir aucune pression et compte bien poursuivre son travail d’information sur l’écologie, tout en faisant évoluer l’émission. « Je vais continuer à inviter des scientifiques, des historiens, des militants, des gens engagés sur le terrain pour la défense de la planète et de la justice sociale. Même si parfois, cela grince un peu sur la critique de la politique gouvernementale ».

https://reporterre.net/

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