plomeur (FR3)
Pompage illégal à Plomeur : en pleine fête des fleurs, échanges musclés entre des horticulteurs et des manifestants
Deux semaines après le début de la fête des fleurs à Plomeur, une violente altercation a opposé une trentaine de manifestants écologistes et des horticulteurs ce dimanche 24 mars. En cause : le pompage illégal dans un étang près d’une zone humide protégée. Les horticulteurs avaient déjà été mis en demeure par la Préfecture du Finistère un an plus tôt.
Les champs n’étaient pas les seuls à être fleuris ce dimanche 24 mars à La Torche. Les mots échangés entre des manifestants et des horticulteurs l’étaient tout autant. À tel point que les deux camps ont fini par en venir aux mains.
« Dégagez de chez moi !« , répètent inlassablement les deux responsables de l’exploitation Kaandorp devant les yeux médusés des visiteurs déambulant sous les serres et les parterres de tulipes et de jacinthes à l’occasion de la fête des fleurs.
En face, une trentaine de manifestants écologistes, banderole à la main, enceinte sur l’épaule, jouent au chat et à la souris avec les propriétaires. Ils viennent dénoncer le mode de culture et le pompage excessif dans l’étang voisin de Saint-Vio situé à un kilomètre de l’exploitation.
Exaspérés par cette intrusion des manifestants sur leur exploitation, les bulbiculteurs interviennent pour les expulser non sans quelques échanges de coups.
Pour Ard Kaandorp, l’un des responsables, c’est l’incompréhension. « On ne nous laisse pas travailler, on ne nous laisse pas vivre. L’eau pompée à Saint-Vio, je la paye au Conservatoire [du littoral] et au Conseil de l’eau et c’est déclaré tous les ans. Toutes les pompes ont un volumètre. Donc c’est faux de dire qu’on vole de l’eau ! »
Jusqu’à 56 piscines olympiques prélevées par an
Cette société familiale hollandaise cultive des fleurs printanières à bulbe, tulipes, iris, narcisses et jacinthes sur la commune de Plomeur depuis les années 80.
Pour les irriguer, elle pompe chaque année entre 70 000 et 140 000 m³ d’eau, l’équivalent de 28 à 56 piscines olympiques, dans l’étang de Saint-Vio. Un étang qui alimente le marais de Loc’h ar Stang, une zone humide protégée, classée Natura 2000.
« S’il y a toujours de l’eau dans l’étang, on a constaté un assèchement du marais voisin, explique Bernard Trebern, conservateur pour l’association Bretagne Vivante. Arrivée, l’eau ne passe plus vers le marais, parce que l’étang a trop baissé.
Trop sec, le milieu devient « défavorable » pour certaines espèces. « On a perdu plusieurs oiseaux qui ne viennent plus nicher dans le marais comme le butor ou des échassiers. La plus emblématique, c’est la barge à queue noire qui avant, était vraiment l’espèce phare de la baie d’Audierne. Elle a disparu depuis les années 2000, 2004.«
Un constat établi dès 2013 dans une étude hydro-écologique commandée par le conservatoire du littoral. Ce rapport préconise alors de réduire le pompage dans un premier temps et d’y mettre fin à moyen terme.
Une autorisation de prélèvement jamais demandée
Pourtant, « ce pompage existe depuis les années 60« , assure l’horticulteur. « Quand l’étang a été racheté par le Conservatoire du littoral, il a assuré la continuité d’une vieille convention qui autorisait ce pompage-là à l’entreprise agricole Kaandorp, arrivée là dans les années 80, explique de son côté Virginie Hervieux, membre de l’association Eaux et rivières de Bretagne. Cette convention, c’est quelque chose qui est différent de l’autorisation légale de prélèvement dans le milieu naturel qui doit être fait auprès des services de l’État. » Une autorisation qui n’a jamais été demandée par l’entreprise Kaandorp.
Une mise en demeure… et aucune sanction
Au printemps dernier, la Préfecture met en demeure l’entreprise pour qu’elle régularise enfin sa situation. Depuis, rien n’a été fait : aucune démarche n’a été réalisée par les exploitants qui indiquent simplement que les bureaux d’étude sollicités n’ont pas voulu les accompagner. Aucune sanction non plus du côté de l’État.
Les associations Bretagne vivante et Eau et rivières de Bretagne ont donc déposé plainte à l’automne dernier auprès de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) pour « non-respect de l’arrêté préfectoral et dégradation de zone humide« .
« On sait que tous les ans, les pompages démarrent à peu près à cette saison, au mois de mars, rappelle Virginie Hervieux. Tout ce qu’on espère, c’est qu’avec cette démarche, les pompages ne démarrent pas et que surtout l’état fasse son travail et arrête définitivement le prélèvement.«
Sommé de trouver une solution alternative, le responsable de Kaandorp se dit impuissant :
« Aujourd’hui pour trouver 100 000 m³ d’eau, c’est une retenue d’eau qu’il faut, moi financièrement, je ne peux pas la construire et même si je le fais, il y a tous les zadistes du coin qui vont débarquer pour s’assoir dedans.«
Cultivateurs comme associations en appellent aujourd’hui à l’État pour trouver une solution à un problème qui a manifestement déjà trop duré.