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Pourquoi la gauche remonte au front contre l’extrême droite
Les partis de la Nupes multiplient les initiatives contre le Rassemblement national. Sans succès jusqu’ici.
Ils seront tous là. Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, la secrétaire nationale des écologistes, Marine Tondelier, son homologue du PCF, Fabien Roussel, et bien d’autres leaders de la gauche se sont donné rendez-vous mercredi, à Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique). Tous participeront à une marche de soutien au maire, Yannick Morez, démissionnaire après qu’il a reçu des menaces de l’extrême droite, hostile au déménagement du centre de migrants dans sa ville, et vu son domicile en partie incendié. « Saint-Brevin met en lumière de quel côté est la violence, pointe le député LFI Thomas Portes. Ils peuvent mettre des chemises et des cravates, l’idéologie reste la même. »
Au-delà de ce rendez-vous unitaire, c’est toute la gauche qui phosphore pour trouver – enfin – la parade à l’ascension de l’extrême droite dans les urnes. Ces dernières semaines, côté LFI, PS ou EELV, les initiatives se multiplient.
Car tous sont persuadés que l’arrivée de Marine Le Pen au pouvoir n’est plus une hypothèse à étudier, mais une perspective bien réelle à combattre. Alors, la gauche caresse l’idée d’une candidature commune en 2027. « Parfois, des gens regardaient ailleurs et avaient abdiqué », note Marine Tondelier, élue d’opposition de la ville d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), passée aux mains du Rassemblement national (RN). Son parti vient de relancer une « commission de lutte contre l’extrême droite », réunie pour la première fois la semaine dernière. Leur mot d’ordre ? « La guérilla démocratique » indique Raphaëlle Rémy-Leleu, conseillère de Paris et membre de cette commission.
Parler à cette France des sous-préfectures
Dans les prochains jours, les militants Insoumis iront distribuer un tract imprimé à plusieurs millions d’exemplaires dans les terres frontistes. Ceci afin d’expliquer en quoi Marine Le Pen n’a en rien été une alliée de la mobilisation contre la réforme des retraites, alors qu’en avril plusieurs sondages indiquaient qu’elle sortait renforcée de cette bataille.
« Ces gens sont antigrèves et antimobilisations, ils servent l’agenda libéral », dénonce Thomas Portes, qui vient de mettre sur pied à l’Assemblée un groupe de travail sur le RN pour « les avoir à l’œil et organiser la riposte ». Ce tractage doit aussi permettre aux Insoumis d’aller parler à cette France des sous-préfectures, des bourgs et des villages, que François Ruffin, dès juin 2022, leur reprochait d’avoir délaissée.
J’aimerais qu’on auditionne François Hollande. Le but n’est pas de le mettre en accusation, mais de comprendre Philippe Brun, député PS
Même approche au PS, qui vient de lancer une convention intitulée « Retrouver le peuple ». Le député Philippe Brun (qui copilote cette convention avec Sarah Kerrich, secrétaire nationale à la lutte contre l’extrême droite) entamera, mercredi à Baume-les-Dames (Doubs), le premier d’une dizaine de déplacements. Avant de rendre ses conclusions aux journées d’été de son parti, Brun met déjà une proposition sur la table : « Instaurer la parité populaire en réservant 40 % de nos investitures à nos employés, nos ouvriers… ».
La question du pouvoir d’achat au cœur du discours
Alors que certains reprochent au PS d’être devenu une gauche plus sociétale que sociale, Brun entend aussi remettre la question du pouvoir d’achat au cœur du discours de son parti. « Sur ce sujet, on devrait être les plus crédibles, c’est la base de la gauche, mais, aujourd’hui, les gens me disent : “Vous rasez gratis”, relève celui qui est le seul député non RN du département de l’Eure. On donne l’impression d’être des stagiaires. » Et d’ajouter : « J’aimerais qu’on auditionne François Hollande. Le but n’est pas de le mettre en accusation, mais de comprendre. Pourquoi, après son quinquennat, les ouvriers n’ont-ils plus voté à gauche ? »
On me dit que les frontières ce n’est pas de gauche, mais c’est pour ça que la gauche se perd ! Fabien Roussel, député et secrétaire national du PCF
Élu dans une circonscription du département du Nord, devenu terrain de jeu du RN, Roussel n’entend pas « mettre l’extrême droite au cœur de son propos et leur faire de la publicité ». Mais l’ex-candidat à la présidentielle n’hésite pas à aller sur leurs terrains de prédilection. « On me dit que les frontières ce n’est pas de gauche, mais c’est pour ça que la gauche se perd ! clame le communiste. Souveraineté, nation, sécurité, frontière : le défi de la gauche est de reprendre ces sujets quand la droite et l’extrême droite y ont mis les contenus les plus réactionnaires possible. »
Lui aussi souligne que, loin de Paris et des métropoles, des territoires se sentent « abandonnés » par la gauche. Voilà pourquoi il défend la France des petits pavillons, du barbecue ou de la voiture. « Quand j’ai parlé du bon vin, de la bonne viande, du bon fromage, j’ai aussi parlé à cette France-là, souligne-t-il. Personne à gauche ne respecte cette identité culturelle alors que nous vivons dans un monde ultra-financiarisé où on nous impose de tous vivre pareil ». Le débat est lancé, mais loin d’être tranché.
Arthur Nazaret 23/05/2023