vu de Londres (socialist worker)
Menace fasciste en France ?
La marche nazie qui s’est déroulée à Paris au début du mois a lancé un terrible avertissement.
Le groupe fasciste Comite du 9 Mai défile à Paris, France, le 6 mai.
La vue de nazis masqués et vêtus de noir défilant ouvertement à Paris a récemment choqué et horrifié la population en France et dans le monde entier. Il ne s’agissait pas d’un rassemblement du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, qui devrait être qualifié de nazi, mais qui ne l’est généralement pas. Il s’agissait plutôt d’un groupe de marginaux issus des partis les plus fièrement violentes du fascisme.
Les participants ont terminé la marche en scandant « Europe, jeunesse, révolution », le slogan du groupe d’étudiants fascistes GUD. La journée s’est poursuivie par une « soirée musicale » nazie. Les fascistes l’ont organisée sous un faux nom à l’Espace Simone-Veil, une salle communale nommée en l’honneur d’une survivante de l’Holocauste et icône de la lutte pour les droits des femmes.
Cette marche s’inscrit dans une vague croissante de violence fasciste. Le journal Libération a recensé 15 attaques perpétrées par des militants d’extrême droite et fascistes contre des manifestants et des groupes de gauche au cours des deux dernières semaines de mars. Il s’agit notamment d’agressions contre des individus interpellés lors de manifestations syndicales et de raids contre des occupations d’étudiants.
Dans un cas, des fascistes portant des casques de moto et des gants cloutés ont cassé la mâchoire et le nez d’un étudiant. D’autres agressions ont été commises à l’aide d’un couteau, d’une barre de fer et d’une arme à feu. Jeudi dernier, Yannick Morez, le maire de Saint-Brevin-les-Pins, dans le nord-ouest de la France, a annoncé qu’il démissionnait et quittait la ville.
Il a dû faire face à une série d’attaques fascistes, dont l’incendie de son domicile, parce qu’il défendait un centre d’accueil pour demandeurs d’asile dans la région. En démissionnant, M. Morez a dénoncé « un manque de soutien de la part de l’État ». Des groupes fascistes ont repris vie après avoir été en sommeil pendant des années. Outre le GUD, il s’agit de l’Action française, antisémite et royaliste, et de la Cocarde étudiante, pro-RN.
Le spectacle était si flagrant que l’État, Le Pen et les syndicats ont dû agir. Mme Le Pen, qui a passé des années à essayer de « dédiaboliser » sa marque, a condamné la marche. Elle cherche désespérément à établir une distinction entre le RN et ceux qui font le salut hitlérien et se glorifient de blesser leurs adversaires.
Elle a également déclaré que les policiers auraient dû prendre des mesures contre les manifestants masqués – parce qu’elle veut utiliser de tels pouvoirs contre la gauche. Mais malgré tous les efforts déployés pour affirmer que le RN d’aujourd’hui a rompu avec son héritage fasciste, de vilains rappels de son enchevêtrement permanent avec les combattants de rue reviennent. Deux anciens membres du GUD, Axel Loustau et Olivier Duguet, qui ont travaillé en étroite collaboration avec Le Pen, ont participé à la récente marche nazie.
L’État a d’abord déclaré qu’il n’avait rien pu faire pour empêcher le défilé. Puis le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, s’est empressé de déclarer qu’à l’avenir, il ordonnerait l’interdiction de tels rassemblements. M. Darmanin a autrefois collaboré à des publications proches de l’Action française et a peut-être participé à l’un de ses camps d’été. Il souhaite se préparer à une future élection où il pourrait affronter Le Pen et veut renforcer encore l’arsenal des mesures anti-démocratiques.
Les syndicats ont également dû agir et ont appelé à une manifestation contre l’Action française à Paris samedi dernier – bien que ce ne soit pas le jour de sa protestation. Le défilé nazi a également déclenché un vaste débat en France sur le fascisme. La plupart des militants ne considèrent pas Le Pen comme une fasciste.
Et il est vrai que si le RN remporte la prochaine élection présidentielle, ce ne sera pas comme si Adolf Hitler était devenu chancelier de l’Allemagne en 1933. Le Pen n’a pas encore de mouvement de masse dans les rues et la classe dirigeante ne veut pas encore parier sur un régime qui balaierait la démocratie. Mais il ne s’agirait pas simplement d’un Macron avec une nuance. La présidente Le Pen chercherait à imposer des lois encore plus sévères contre les musulmans et les migrants.
Elle renforcerait l’impunité de la police et tenterait de briser le pouvoir des syndicats. Plus important encore, Mme Le Pen enhardirait précisément le type de voyous de rue qui ont défilé à Paris et qui pourraient tenter de mettre en œuvre un programme fasciste « par le bas ». Pourtant, une partie de la gauche française pense que le fait de souligner le danger particulier que représente Le Pen détourne l’attention de la véritable tâche qui consiste à s’opposer à Macron.
Dans un récent article du magazine radical Frustration, on peut lire que « la politique de Macron est aujourd’hui plus brutale, plus autoritaire et tout aussi xénophobe que les gouvernements d’extrême droite actuellement au pouvoir en Europe. La dictature est déjà là, nous vivons déjà dans une politique d’extrême droite classique avec des éléments de fascisme. »
Macron a piétiné la démocratie en faisant passer en force son attaque contre les retraites. Il déchaîne la violence policière et s’attaque aux acquis sociaux des travailleurs. Mais le considérer comme un « fascisme réellement existant » occulte des faits importants. Si les travailleurs perdent la bataille sur les retraites, ce ne sera pas principalement à cause de la violence de l’État, mais parce que les dirigeants syndicaux ont freiné le mouvement.
Le fascisme est-il différent de la droite habituelle ?
Il existe une relation entre Macron et le fascisme.
L’assaut de Macron contre les migrants et les musulmans, la suppression implacable des droits et le soutien à la sauvagerie des flics n’affaiblissent pas Le Pen. Il légitime ses opinions et permet aux fascistes de dire : « Choisissez l’original et non la copie ». Loin d’être un rempart contre Le Pen, Macron lui ouvre la voie.
Jusqu’à présent, les manifestations de masse et les grèves n’ont pas fait chuter le soutien au RN. De nombreux sondages suggèrent que Le Pen se dirige vers la présidence, bien qu’aucune élection ne soit prévue avant 2027.
C’est parce que la résistance, bien qu’à un niveau élevé, est trop limitée. Même lorsque 3,5 millions de personnes ont défilé, de nombreux travailleurs n’étaient pas directement impliqués. En période de crise, on assiste à une polarisation qui permet à la gauche et à la droite de se développer. Le résultat dépend de l’intervention politique et de la force de la lutte des travailleurs.
Un sondage d’opinion réalisé en mars demandait aux gens s’ils pensaient que les manifestations devaient se « durcir ». Quelque 63 % de ceux qui ont voté pour le candidat de gauche Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle de 2022 ont répondu par l’affirmative. Mais 63 % de ceux qui ont voté Le Pen ont également répondu par l’affirmative. M. Le Pen s’est opposé à l’escalade, aux grèves militantes et aux blocages.
Si une grève générale illimitée avait eu lieu, elle aurait montré le pouvoir des travailleurs et augmenté la tension avec Le Pen. Au moins une partie importante des travailleurs qui ont soutenu le RN auraient vu qu’elle était à la botte des patrons. Une telle grève était et reste le meilleur moyen de gagner sur les retraites et d’autres questions.
Elle aurait l’effet très positif d’affaiblir le racisme. Et la contestation du racisme fait partie de la lutte des classes, car l’oppression érode l’unité nécessaire pour battre Macron et les patrons.
Comme l’a dit le groupe Autonomie de Classe, qui collabore avec le SWP britannique, « Lutter contre le fascisme, c’est combattre les deux fronts sur lesquels il avance, c’est combattre le renforcement de l’État policier, du racisme, du militarisme, la domination du capital sur nos vies. C’est combattre Macron sans concession ».
Plus la lutte contre Macron sera forte, plus elle pourra nuire à Le Pen et élever le sentiment de classe au-dessus des mythes nationaux et du racisme. L’antiracisme est plus efficace lorsqu’il est une composante, et un argument central, d’une offensive de masse de la classe ouvrière. (Extraits)
Yannick Morez au milieu des cendres de sa voiture et de sa maison après l’incendie criminel perpétré par l’extrême droite jeudi dernier.
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