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Réforme des retraites : « Quasiment toutes les règles du maintien de l’ordre ont été violées »
À la suite du 49-3 sur la réforme des retraites, de nombreuses manifestations spontanées ont eu lieu en France et ont transformés la doctrine de maintien de l’ordre jusqu’ici en œuvre. Pour le JDD, Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS et auteur de « La Nation inachevée – la jeunesse face à l’école et la police », fait le point sur ces changements.
Les premières manifestations contre la réforme des retraites se sont déroulées sans heurts. Était-ce une volonté du gouvernement d’afficher un maintien de l’ordre plus souple ?
Oui, Laurent Nuñez avait tenu les BRAV-M et les Bac en retrait des cortèges, il n’y avait pas d’utilisation de lanceurs de balle de défense. Les instructions semblaient viser à la tranquillité du cortège. Mais cela venait aussi de la nature des manifestations : la coordination interpro-fessionnelle avait elle aussi un intérêt à ce qu’il y ait le minimum d’incidents parce que la crédibilité d’une force est de ne pas faire usage de la force. La crédibilité des syndicats est de montrer la discipline et la marche vers un objectif.
L’utilisation du 49-3 par le gouvernement le 16 mars a provoqué des manifestations spontanées. Est-ce un point de rupture ?
À ce moment-là, le Président choisit de rompre le dialogue. Une dynamique qu’il juge caduque, il le dit, « la foule n’a pas de légitimité ». C’est faux. Manifester est un droit fondamental. Démocratiquement, cela veut dire que les institutions reconnaissent à la manifestation une valeur essentielle. À cette annonce, nous avons assisté à une multiplication de petits rassemblements avec des gens venus manifester en famille et des groupes déterminés à profiter de cette opportunité pour créer des troubles. Ce qui est devenu un problème pour la police.
Une nouvelle stratégie de maintien s’est-elle mise en place à la suite de ces manifestations spontanées ?
Il y a des éléments de continuité, dont le refus de l’usage du LBD. Il est utilisé mais aucune mutilation due à son utilisation n’a été décomptée. C’est un petit progrès. Maintenant, il existe aussi des éléments de ruptures.
Les médias sociaux informent sur la réalité des pratiques policières. Le nombre d’illégalités commises par les policiers est énorme, quasiment toutes les règles du maintien de l’ordre ont été violées : proportionnalité de la force, absolue nécessité de la force, usage des nasses, gazage des personnes, non-port du référentiel des identités et de l’organisation (RIO, le matricule de sept chiffres qui identifie les policiers), tutoiement, insultes, privation de liberté etc. Le problème est que la doctrine du maintien de l’ordre en France est inexistante.
Et l’idée de la protection des droits est mal intégrée par le ministère de l’Intérieur. (..)
Cassandre Riverain 24/03/2023