24 mars 2023 ~ 0 Commentaire

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villes mortes

Maison du peuple : « Avec ce collectif, j’ose bloquer la rocade et les ronds-points »

Manifestations sauvages, blocages de rocade et de ronds-points, le collectif Maison du peuple de Rennes impose son style. D’origine et statut social divers, ces jeunes militants s’unissent pour exprimer leur ras-le-bol général sur fond de réforme des retraites.

Ils ont choisi de s’appeler « La Maison du peuple ». Ce collectif est apparu à Rennes durant le conflit social qui s’envenime sur fond de réforme des retraites et de perte du pouvoir d’achat.

Ce groupe n’est ni un syndicat, ni une association, encore moins un parti politique. Mais il est très politisé. Sur la messagerie Telegram, le groupe Maison du Peuple Rennes compte plus de 1 300 personnes. Lors de leur dernière assemblée générale, ils étaient près de 300 dans la grande salle du Théâtre national de Bretagne (TNB), le mercredi 22 mars à Rennes.

Une radicalité revendiquée

« La police est dépassée, nos promesses sont tenues, on va gagner ! » Ce message sur Twitter accompagne une photo d’un barrage avec feu de poubelle sur la rocade de Rennes le 20 mars.

La Maison du Peuple de Rennes appelle, via les réseaux sociaux, au rassemblement du plus grand nombre pour participer à leur mouvement et leurs actions. Dans les faits, seules les personnes acquises à la cause sont acceptées. Pour créer un vrai dialogue, il faut s’armer de patience.

La naissance du mouvement remonte au 12 mars avec comme mot d’ordre « mettre la France à l’arrêt » comme l’indique leur communiqué issu de leur première assemblée générale. Un petit groupe d’ultra avait ouvert les portes de l’ancien cinéma Arvor et tagué en lettres noires le nom du collectif sur le toit du bâtiment. Ils seront délogés par les forces de l’ordre. Leur nom est associé à une lutte active dans les rues.

Une radicalité revendiquée pour se faire entendre. Comme mode d’actions ils prônent « les blocages économiques le matin et la nuit, les barrages filtrants, piquets de grèves et l’envahissement de centre commerciaux ».

Leur constat est sans appel, « nous avons plus à gagner que le simple abandon d’une réforme ».

La moyenne d’âge du groupe qui se réunit à 18h devant le TNB est jeune. 20-25 ans pour la plupart. Quelques lycéens sont là, une poignée de retraités, beaucoup de jeunes de Rennes 2 et des trentenaires qui prennent plus facilement la parole. Une grande majorité d’hommes compose cette assemblée. Des jeunes femmes engagées dans la lutte pour l’égalité des droits femmes – hommes se font entendre et s’associent à cette lutte sociale.

Point commun du collectif, la rupture avec le système économique et politique actuel ainsi qu’un rejet ou au moins une grande méfiance envers les médias et toute personne en dehors de leur groupe.

Les manifestations pacifiques ne donnent aucun résultat. Un militant du collectif Maison du Peuple Rennes

Pour tous, l’engagement pacifique des marches lors de manifestations n’est pas suffisant. Ils veulent se faire entendre et ont besoin de crier plus fort. Que leur voix soit enfin entendue. “Le pouvoir ne nous respecte pas, mais la société c’est nous” lâche l’un d’eux en attendant le début de l’assemblée générale. Il ajoute : « les manifestations pacifiques ne donnent aucun résultat ».

Une colère immense

Dans l’échange avec des petits groupes, avant que l’assemblée générale au TNB ne commence, une rage profonde se fait sentir. Regard noir, front baissé, refus de dialogue pour la plupart. La conversation est difficile. Pour ceux qui acceptent de lâcher quelques confidences, la réforme des retraites n’est qu’un des facteurs. Le problème est selon eux “plus global”.

La retraite, ils n’y pensent pas pour eux. « Cette réforme est un symbole de la vie que l’on nous réserve » râle l’un d’eux. Un trentenaire indique que son “parcours professionnel à trou” l’amènera de toute façon à 67 ans, avant ou après réforme, s’il veut bénéficier d’une retraite complète. Son combat est ailleurs. Cette démocratie ne lui correspond plus.

“La théorie du ruissellement, la politique pour les riches de Macron, on n’en veut plus” assure-t-il calmement.

Le Théâtre de Rennes n’a pas donné son accord pour ce regroupement. Leur présence surprend l’équipe de sécurité du lieu. Ils devaient se retrouver ailleurs, en extérieur, mais la pluie les a poussés à choisir le TNB. Ils veulent rentrer. Les agents de sécurité s’y opposent. Sans violence mais avec obstination, le groupe impose sa présence. Finalement, la direction du TNB accepte leur présence. “On a besoin d’un espace. C’est comme ça que ça se passe” exprime l’un des meneurs à la direction du théâtre.

Seul, jamais je n’aurai osé marcher sur la rocade pour la bloquer. Avec ce collectif j’ose m’impliquer. Un militant présent à l’assemblée générale

Le nombre leur donne du courage. “Seul, jamais je n’aurai osé marcher sur la rocade pour bloquer la circulation, ou faire le piquet de grève devant les entrepôts de bus. Grâce à ce collectif, j’ose m’impliquer » glisse un fonctionnaire de la ville, membre du mouvement. Il se dit heureux dans son travail mais veux lutter pour une cause plus large.

En roulant sa cigarette, un jeune en treilli militaire confie mettre son “réveil à 4h du matin, presque tous les jours, pour aller sur les piquets de grève”. Son identité ? Camille Dupont. Un patronyme utilisé par les militants d’extrême gauche pour rester anonyme.

Une organisation en rodage

Prise de parole, déroulé des ordres du jour de l’assemblée générale, désignation des observateurs de la réunion et rapporteur du compte rendu. L’organisation définit les règles du jeu en début de séance.

Les codes de communication sont ceux des mouvements Nuit Debout ou des assemblées prônant la mixité choisie. Plutôt que d’applaudir, les mains s’agitent. L’assemblée demande que la parole soit distribuée autant aux femmes qu’aux hommes. Et avant de débattre sur les prochaines actions de blocages de la rocade rennaise et des points ciblés pour les opérations “ville morte”, la présence des journalistes est soumise au vote.

Sans surprise, France 3 et les confrères de la presse écrite ou des médias en ligne ne peuvent assister à ce débat, pourtant ouvert à tous, pour créer cette « maison du peuple”.

“Entre du mobilier urbain brûlé et des coups de matraque et jets de bombe lacrymogènes, elle est où la violence ?” Membre de l’assemblée générale de Maison du peuple

L’assemblée se sépare à 20h30. Une fois dans la rue certains réaffirment ce choix, “la confiance n’est plus là”. Fatigués mais impatients de continuer la lutte, les mots indiquent un ras-le-bol général. Les regards sous les bonnets sombres crient un besoin de lutte pour ne plus être invisible et déconsidéré par les hautes sphères.

À la question de la violence, ceux qui acceptent de répondre, ont le sourire amer. “Entre du mobilier urbain brûlé et des coups de matraque et jets de bombe lacrymogènes, elle est où la violence ?”. Le discours revient sur l’impossibilité de se faire entendre et l’obligation de bloquer pour mettre la pression aux dirigeants. Quelque chose est cassé.

Le collectif semble souhaiter une révolution dans l’organisation de la société mais le temps du dialogue n’est pas encore venu.

Le mouvement essaie de se fédérer. Une journée “Villes Mortes dans le Grand Ouest” est en préparation pour le 28 mars. Les différents collectifs de Rennes, Nantes, Caen, Saint-Brieuc, Brest, Lorient, Saint-Nazaire et Vannes veulent agir ensemble pour “frapper fort”. Le mot d’ordre est toujours le même “mettre la France à l’arrêt” pour un nouveau départ.

24/03/2023 Benoit Thibaut

https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/

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